(Titre éponyme du groupe Gogol Ier et la Horde. N.d.é.)


Sur la notion du rien, si c’en est une, on peut remonter à Maître Eckhart, pour qui la Gottheit, la Déité, l’Au-delà de Dieu, est le Néant. C’est un néant, et en même temps, c’est ce qui est suprême. Le Rien est ultime, l’Ultime. Tout vient de rien et tout va à rien.

Roger Munier, Entretiens avec Francis Pourkat dans L’Animal n°11/12


Maître Eckhart donc, dans son Sermon n°69 ("La raison se fraie un chemin jusqu’à la racine de la déité"), avance qu’ «il est dans l’âme une puissance : l’intellect. D’emblée, à peine prend-elle conscience de Dieu et commence-t-elle de le goûter qu’elle a en elle cinq propriétés. 1° Elle sépare du lieu et du temps ; 2° Elle n’est semblable à rien ; 3° Elle est pure et sans mélange ; 4° Elle opère et cherche en elle-même ; 5° Elle est une image.» Poursuivant dans un style démonstratif dont nous laissons le soin au lecteur de découvrir la moelle exhaustive, Eckhart en arrive au point qui nous intéresse :


C’est parce qu’elle n’est semblable à rien que cette puissance est semblable à Dieu. De même que Dieu n’est semblable à rien, cette puissance n’est semblable non plus à rien.

 

Et comme à son habitude à la fin de ses sermons, notre ami nous encourage à persévérer :

 

Puissions-nous comprendre ce Rien et y trouver l’éternelle béatitude, avec l’aide du Père, du Fils et du Saint- Esprit ! Amen.


Ite missa est, le rien est sanctifié. Une poignée de siècles plus tard, Angelus Silesius rouvre sans effraction la porte de la déité pour tranquillement décliner sa poésie mystique du Voyageur chérubinique :


Je me plonge seul dans la mer incréée de la pure divinité.
Je suis moi-même l’éternité quand j’abandonne le temps et que je résume moi-même en Dieu, et Dieu en moi.
Je suis aussi riche que Dieu. Homme, crois-moi, il n’y a pas un atome que je ne partage avec Lui.
Celui qui ne désire rien, n’a rien, ne sait rien, n’aime rien ; celui-là sait, désire, possède, aime toujours davantage.
Halte ! Où cours-tu ? Le ciel est en toi.
Si tu cherches Dieu ailleurs, il te fera toujours défaut.


Il ne reste qu’un pas à faire pour se passer... de Lui.