Mandorle
Dans l’amande – qu’est-ce qui se tient dans l’amande ?
Le Rien.
Dans l’amande se tient le Rien.
Il se tient là et se tient.
Dans le Rien, qui se tient là ? Le Roi.
Le Roi se tient là, le Roi.
C’est là qu’il se tient et se tient.
Mèche de Juif, jamais ne fera de gris.
Et ton œil – devant quoi se tient ton œil ?
Ton œil se tient devant l’amande.
Ton œil se tient devant le Rien.
Il se tient devant le Roi.
C’est ainsi qu’il se tient et se tient.
Mèche d’homme, jamais ne fera de gris.
Amande vide, couleur bleu roi.
Paul Celan, La rose de personne
Mandorle vient en quelque sorte épauler Psaume, poursuivant l’interrogation du poète quant à la présence silencieuse mais totale du Rien autant dans la vie que dans la mort. Ce questionnement récurrent et la manière de le poser par l’emploi d’un langage poétique élaboré, intéressa Martin Heidegger. Face à celui qui mettait en avant le concept d’être, la poésie de Celan constitue une sorte d’antithèse voir d’antidote : le rien de Celan c’est l’absence et la non-existence (l’homme n’est qu’un homme) au contraire du rien de Heidegger qui est celui de l’être (l’homme est plus que l’homme).