Surtout ne pensons pas. Ne pensons à rien. Ne jugeons de rien. Autrement, je deviendrai fou. Mais qu’est-ce que c’est qu’un fou ? Autre question à ne pas se poser. Et c’est ainsi que j’ai pu vivre pendant des années dans l’instant, un instant sans commentaires, un instant indéfini.

Eugène Ionesco, Le Solitaire

 

Je vit une vie monotone et sans contenu. Il a 35 ans, il n’est pas laid. Il a simplement la figure un peu fade et fanée, défraîchie dès sa naissance. Il a des yeux bleus délavés. C’est un homme incapable d’amour et n’ayant pas de désirs. Je est un non-engagé, un fainéant. Sa vie est dictée par l’habitude qu’il a de faire telle ou telle chose, c’est à dire se lever, faire sa toilette matinale, aller travailler. Toutes ces choses, il les fait par habitude, sans étonnement et sans réfléchir pourquoi. Il n’a pas choisi lui-même ni son travail, ni son patron. Comme en tout, Je prend ce qui lui tombe sous la main. Il accepte tout sans question et subit la décision des autres. Je renonce à percer les mystères du monde même s’il ne perd pas le sujet de vue. Un collègue de Je, Jacques Dupont, a lui de grandes idées politiques qui ne mènent à rien. Ainsi va la vie de Je, jusqu’au jour où il fait un héritage qui l’amène à reconsidérer sa vie. Je sortira-t-il du grand Rien de sa vie ?
D’après Søren Olsen, L’Essentialisme est un mysticisme.