Dans la mesure où sa perfection est au-delà de celle de l’être éternel, l’Un dépasse a fortiori notre propre pensée. Il nous dépossède de nos repères conceptuels habituels parce qu’il est au-delà de toutes les oppositions, le temps et l’éternité, le sensible et l’intelligible, voire l’un et le multiple. Car si nous le nommons "Un", c’est plus pour nous faire comprendre que pour le comprendre en lui-même. Il n’a pas de nature propre. Il n’est pas une unité comme celle dont on compose les nombres. Tout ce que nous disons de lui ne vise qu’à produire une intuition de cette absolue transcendance sans que nous puissions saisir un contenu intelligible lui correspondant. En somme, l’Un n’est rien, n’a rien, ne fait rien, ne pense rien. Par cette méditation, Plotin inaugure ce qui deviendra la théologie négative.
Jérôme Laurent, Gradus philosophique