(Titre d’un texte écrit par Cyber Trash Critic. N.d.é.)
Le Dilettante, hérissé et béat, éprouve une douce horreur dans les tréfonds de son âme. Il se voit ainsi dégagé de son corps ; une question parée de mystère et tissée par sa propre existence filtre à travers les frissons de sa conscience, entraînant dans un abîme lumineux un vague écho lointain d’expériences vécues. Alors, d’un coup, un pur délice lui serre la gorge, son corps devient comme translucide – nuage rouge foncé flottant dans des brouillards bleus – et, en dessus, une pensée nouvelle trace à l’aide de hiéroglyphes aigus la magie du miracle depuis longtemps attendu. Voilà que les étoiles s’abattent sur les toits des maisons, formant des entrelacs d’argent ; il devine leur éternité dans un mouvement infiniment bref, lui-même tourbillon et chaos, devenu incandescent au sein du calme noir du Rien. Il est une corde d’or au bout de laquelle se balance le monde, fil tendu sur lequel roule l’espace dans son élan vers l’infini, éternelle ligne droite : vers où ? À travers son âme passent en trombe des questions déchirantes qui transpercent les ténèbres de sa peine éternelle. Un giron se dévoile ; la nuit ouvre son abîme, traversée par un mouvement tempétueux : roues, carrés en expension, rais de lumière ondoyants. Ah ! la joie, la jubilation ! Encore un peu, encore une toute petite et inutile parcelle de temps : les frissons de la terrible attente de l’accomplissement de ce qu’on ignore. Le miracle. Le secret. Tout...
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Les murs des maisons m’étouffent de leur immobilité provocante : ils sont un rien, mais un rien tangible, une pâte pétrifiée, un carton que je pourrais percer à coups de poing. Ils sont la formule la plus plate du manque de vie en dehors de moi. Je n’en ai nul besoin, pas plus que des pierres, des poteaux, des gens. Ce sont des choses que j’ignore, que je ne veux pas connaître. Elle veulent me transformer en objet, me pétrifier dans l’espace, me donner une place, un nom. Ainsi, à travers moi, abolissent-elles l’espace même en le rendant borné jusqu’à la douleur, carré jusqu’à la terreur. Je ne veux pas être à la place que j’occupe ; c’est si cruel. Je ne suis lié à aucun espace : c’est moi qui suis espace, et je voyage à travers moi-même. Je parcours des milliers de kilomètres sans bouger et je fais enfin mon entrée dans la nuit.
Ah ! la nuit, l’uniformité et le début de tout, le point source de mon infinité. Nul besoin que tu fermes les yeux, ô homme rassuré ! À présent, tu es toi-même un grand œil noir traversant le Rien. À travers toi, l’espace se fait un, éternellement un, à l’infini. La nuit, seule et unique rescapée du naufrage de l’être : oh ! à présent j’échappe à la terreur des événements de ma nuit. Je me trouve enfin moi-même ; il n’y a plus d’objets pour prendre et déchaîner mon intégrité dans leur aspect éphémère et vain : à présent tout est à moi.
Tchavdar Moutafov, Le Dilettante