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éloge de la paresse

Titre d’un ouvrage de Paul Lafargue. N.d.é.

 

Déjà le joyeux murmure du moulin de mon père avait repris, et sa roue s’était remise à ronronner. La neige gaillardement dégouttait du toit. Les moineaux, de leur gazouillis et de leurs ébats, s’associaient à toute cette activité. Quant à moi, assis sur le seuil, je me frottais les yeux pour en chasser le sommeil. Dieu ! que je me sentais bien, au chaud sous le soleil !
C’est alors que mon père sortit de la maison, le bonnet de nuit de travers : depuis l’aube il n’avait cessé de s’agiter dans le moulin.
– Hé, le propre à rien ! me dit-il. Te voilà encore à te prélasser au soleil, tu t’étires à te rompre les os et tu me laisses toute la besogne ! J’en ai assez de te nourrir ! Le printemps s’annonce, toi aussi sors un peu de ta coquille et va-t’en de par le monde gagner ton pain toi-même !
– Bon, fis-je. Si je suis un propre à rien, je m’en vais courir le monde et y chercher fortune.

Joseph von Eichendorff, Scènes de la vie d’un propre à rien

 

À partir du romantisme, le vagabond est l’homme qui se soustrait à l’écrasement par l’engrenage social pour n’être que lui-même, libre, heureux et propre à rien, comme le fainéant d’Eichendorff ; propre à rien parce que seulement capable de vivre, incapable de s’adapter à une quelconque réduction utilitariste de sa personne et se refusant à toute intégration dans l’univers bourgeois. Anti-moderne et anti-matérialiste, nomade et glandeur, ainsi se dresse le Rien.  D’après Claudio Magris, Utopie et désenchantements.