Je n’ai rien fait, je sais, et je ne ferai rien,
Mais à ne faire rien j’ai retiré ceci :
Qu’on fasse tout ou rien, c’est du pareil au même,
De qui je ne serai, qui je suis est le spectre.
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N’espère rien, car rien excepté rien ne s’obtient par
L’espoir : c’est comme un homme qui lancerait à la route
Des regards faits de cet espoir que quelqu’un vienne à lui
Sous le prétexte que la route est faite pour que l’on y marche.
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Je ne sais rien, je ne veux rien, n’aspire à rien.
Le livre que je ne lis pas, déjà fermé,
M’a fatigué quand je l’ai su sérieux et grand.
Tout n’est rien, un Dieu mort se tenant au milieu.
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Tout comme la poussière un moment soulevée,
Par le vent qui vient et qui va, sur le chemin
Le souffle creux de cette vie dresse des riens
De rien – nous ! – , puis s’arrête, et les redonne au rien.
Fernando Pessoa, Rubayat