Quand le marquis d’Épatant fut jeté aux fauves (circonstances que ne mentionne malheureusement aucune chronique du XVIIIe siècle), il se vit soudain dans la situation la plus pénible qu’il eût jamais affrontée. Il avait dit adieu à la vie et marchait, souriant, avec un regard qui semblait sortir de deux pierres maties mais ne voyait rien, au devant du Rien. Toutefois le dit Rien, au lieu de projeter le marquis dans l’Éternité, se condensa en une présence fort présente ; bref, au lieu du Rien, rien ne se passa.

Robert Musil, «Une histoire en trois siècles» in Œuvres pré-posthumes