Lecteur, je suis encore à naître,
Si pourtant tu veux me connaître,
Je suis sous toi, je suis dessus,
Je suis à peine imaginable,
Dans la bourse je suis un diable,
Et quand je suis, je ne suis plus.
Je suis le grand coffre du monde,
Ma nature fut si féconde,
Que tout fut engendré de moi.
Je suis le vaste inaccessible,
Je suis le point indivisible,
Et le bien d’un gueux comme toi.
Ce qu’a fait un larron qu’on juge,
Ce que respecta le déluge,
Ce qui sert aux cieux de soutien,
Ce qu’un recors ne saurait être,
Ce qu’on fait quand on ne fait Rien,
C’est, lecteur, mon nom et mon être.


Anonyme, Éloge de rien dédié à personne

 

En fait d’anonymat, Éloge de rien dédié à personne est l’œuvre de Louis Coquelet qui s’est également fendu d’un Éloge de quelque chose dédié à quelqu’un. Malgré la petitesse de l’ouvrage, Coquelet a ajouté, lors de sa troisième édition, une sorte de postface dans laquelle il insère un petit poème envoyé par un de ses lecteurs... anonyme bien sûr :

 

À l’auteur de l’Éloge de Rien.
Maints auteurs, soit en vers ou en prose,
Font tous les jours ici de quelque chose Rien ;
Pour toi tu trouves le moyen
De faire de Rien quelque chose.