... ou les Rites d’amour et de mort, titre d’un film de Mishima. N.d.é.
Toutes les valeurs qui méritaient naguère qu’on mourût pour elles se sont effacées, l’immanence ne connaît plus de limites, la mort n’est qu’un néant dont on n’a rien à faire, tout est nivelé. Rien n’existe pour chacun que sa vie, et quand elle s’avère enfin n’être rien, comment éviter l’angoisse, le scandale de l’absurde et du désespoir ? En bannissant le sacrifice, pense Mishima, la modernité a tari la transcendance, rien de souverain ne subsiste d’où la vie pourrait recevoir un sens. Nous n’avons plus d’illusions peut-être, mais plus de but qui nous dépasse, nous réunisse et nous exalte. Sous l’affairement laborieux, l’apathie s’étend, et la révolte même, dégradée en contestation, ne peut plus se donner de cause. À se retrancher de la mort, la vie a perdu sa vitalité, son effervescence. De cette forclusion du risque et du sacrifice proviennent à la fois l’ennui et la fureur : des accès de violence anomique brisent sans but, sans fruit la torpeur du pacifisme officiel. À l’inanité seule répond l’insanité. Tel est, teinté de romantisme et de nostalgie, le diagnostic que porte Mishima.
Maurice Pinguet, La mort volontaire au Japon
Je ne suis qu’une enveloppe de chairs et de sang, rien que la représentation de ce que je vous montre. De ma vie je fais mon œuvre et je la joue comme au théâtre. Je ne suis pas celui que vous croyez, je suis un masque, le truchement de moi-même. Dans ce monde, je ne suis rien.
Ainsi pouvait parler Yukio Mishima au seuil de ses 45 ans. Le 25 novembre 1970, habillé comme un acteur de ses propres films, il tente un coup d’état qui oscille rapidement entre pathétique et grand-guignol mais, là, il ne triche pas, tombe le masque et s’éventre avant qu’un disciple ne lui tranche la tête ; le Rien rejoignant le Tout.