La minne dans sa version méridionale. N.d.é.

 

En temps de Croisades, un moine allait, de-ci, de-là,
réconforter les dames esseulées.
Un jour arriva où, une certaine de ces dames
anticipa la manière de ce réconfort
et, diligemment, lui enjoignit de ne pouvoir être réconfortée
et recevoir le Saint-Esprit qu’en toute obscurité.
– Soit, fit le moine, le Seigneur Tout-Puissant dans sa sagesse est partout.
Ainsi se passa, et une fois bien mise en une pièce bien close,
la dame fit entrer le moine.
– Dame, je ne vous vois mais je sais par le Seigneur que vous êtes là.
– En effet mon brave, enlevez donc votre capuchon.
Le moine ne se fait pas prier et décalotte son vit déjà fort prêt.
– Dame, où souhaitez-vous recevoir le Saint-Esprit ?
– Laissez-moi vous guider, je connais une partie du chemin, à vous de trouver l’autre.
Et la dame d’empoigner à tâtons le membre désormais tout-à-fait guilleret du moine.
– Dame, pour sûr il me semble trouver un ajour bien avenant !
– Allez-y mon brave, que Dieu m’aide et me protège fait la dame.
Et le moine d’entrer en besogne, allant et venant à qui mieux-mieux.
– Dame, j’entends sous mes pieds crisser de la paille !
– Ma demeure est semblable à la crêche.
– Dame, je sens sous ma main une toison comme jamais je n’en ai sentie !
– Les bords de mon fossé ne sont que rarement broutés.
– Dame, vos mamelles semblent donner plus de lait que de nature !
– Maintenant, fait la dame, que tu m’as bien tâtée de partout écoute mon râle.
– Dame, mais qu’est-ce ?
Et la dame d’un coup d’ouvrir au jour une entrée,
et le moine de se voir embrochant une chèvre beuglante dans une remise !
– Qui ne donne rien de ce qu’il prétend donner, ne reçoit rien de ce qu’il pense recevoir, lui lance la dame.
Se croyant possédé, le moine en fut terriblement effrayé,
de peur, il s’enfuit et, pour courir plus librement,
il se débarassa promptement de son manteau,
se trouvant plus nu qu’Adam.
– Ma foi, ce rien reçu et ce rien donné m’ont fait le plus grand bien, conclut chastement la dame.

Anonyme, XIIIe siècle

 

On trouve chez Ladislav Klima (Le Monde comme conscience et comme rien) ces quelques traits d’esprits :

 

- Le plaisir éprouvé "pour rien" n’est pas rien !
- Il n’y a ni plaisir ni vertu dont la sagesse n’ait pas à avoir honte.
- La sagesse a honte de la vie, la vie a honte de la sagesse et c’est de sa part la sagesse même, la sagesse est vie, – mais pour finir ? : le fin mot du tout, – rien !...