Tchernomorie
Tchernomorie (Црно Море en macédonien - Mar Negra en nissard) Mer Noire et ses rivages où déambule F. Merdjanov.
SommaireUsage protivophileTchernomorie est la francisation de cherno more, qui dans la plupart des langues slaves, tel le russe Черное Море ou le macédonien Црно Море, signifie "Mer Noire". Par extension, la Tchernomorie désigne autant la mer Noire que les régions terrestres qui l'entourent. Un peu comme pour la Méditerranée qui désigne tout autant la mer que les terres de ses rivages. Une géographie française de la mer Noire du début de la seconde moitié du XVIIIème siècle après JCⒸ[1] précise sur la carte qu'elle est nommée Czernoe More en russe. Le terme Tchenomorie est alors employé pour nommer une province du sud de la Russie, sur les bords de la mer Noire. À l'exception de la langue grecque qui conserve l’appellation antique de Pont Euxin, "étendue d'eau accueillante" en grec, ou mer Pontique, dans la plupart des langues parlées par les hominines[2] sur le pourtour tchernomorien, de l'abkhaze au turc osmanli, de l'aroumain au géorgien, en adjar ou en laze, la désignation de cette mer est une traduction de "mer noire". Le qualificatif noire est sans rapport avec la couleur de ses eaux, qui sont bleutées, mais renvoie à la géographie ottomane qui note les points cardinaux selon des couleurs. L'ouest est le rouge, l'est le vert et le sud le blanc. Le nord est le noir, kara dans les langues turciques. N'en déplaise au racisme blanc qui est vert de rage et voit rouge d'être ainsi identifié au sud, là où selon lui ne règne que le noir. À l'inverse, il est inutile d'y chercher une quelconque trace de négrophobie[3]. Karadeniz, "mer noire", est à l'origine du nom qui s'est généralisé ensuite aux autres langues. Même dans celles qui sont pratiquées dans des régions où cette mer n'est pas située au nord. Les représentations cartographiques sont relatives et se construisent selon les imaginaires des hominines qui les pensent[4]. Dans certaines régions du monde, les mêmes couleurs renvoient à des directions différentes et le sens même des cartes n'est pas identique. Parfois le nord est en haut mais il est courant de trouver aussi l'inverse, ou bien des cartes où c'est l'est — l'orient — qui est placé en haut de la carte. Idée que l'on retrouve d'ailleurs dans le mot orientation[5]. Panorama tchernomorienHormis celleux[6] des hominines qui pensent que la planète Terre est plate — ce qui expliquerait que toutes les mers et océans ne soient dans l'hémisphère sud alors que l'eau coule toujours vers le point le plus bas, ou tout simplement que les eaux ne s'écoulent pas toutes hors de la planète — les autres constatent que l'horizon n'est pas sans limite. La courbure de la Terre en est la raison. Face à une vue dégagée, la vision maximale à hauteur d'hominine est d'un peu moins de 5 kilomètres. La formule est mathématique. Plus la hauteur est grande et plus l'horizon est lointain. À 1312 mètres d'altitude, l'horizon visible maximum est à 129,36 kilomètres. Les phénomènes atmosphériques perturbent néanmoins ces calculs et des choses plus lointaines peuvent parfois être vues, tels les mirages. Du centre de la mer Noire, la visibilité possible donne l'impression d'être en plein océan de solitude, sans terres émergées, et vue des rivages, d'être solitaire sur un bout de terre face à une immensité inatteignable. Outre les nombreux mythes et légendes des hominines qui décrivent ou inventent leurs panoramas tchernomoriens, cette illusion se retrouve aussi chez les géopoétosophes, qu'illes aient ou non connaissance de la rotondité de la planète.
Dissection géographiqueLa mer Noire est, avec les mers Caspienne et d'Aral, un vestige de l'ancien océan sarmatique — en référence aux antiques sarmates[8] — qui, selon les géologues, se forme à la suite du fractionnement progressif du super-continent Pangée entamé vers 200 millions d'années avant F. Merdjanov. Au rythme de la lente tectonique des plaques et des changements climatiques qu'elle induit, des terres émergées, à la rencontre entre la Laurasie et le Gondwana[9], séparent petit à petit cet océan des autres océans du globe. Il s'étend au maximum de l'Asie centrale aux Alpes du nord et communique par intermittence avec ce qui deviendra la mer Méditerranée. Lorsqu'il est coupé des étendues d'eau salée marine, cet océan sarmatique est essentiellement alimenté par les eaux douces des fleuves et rivières qui s'y déversent et se mêlent aux fonds marins résiduels. Lorsqu'il est relié aux autres océans, soit il y déverse son trop plein, soit il en reçoit des eaux salées. L'emprisonnement de l'eau douce lors de la dernière glaciation fait baisser le niveau général des eaux. Cinq millions d'années avant le présent, la mer sarmatique commence à se rétrécir jusqu'à ne persister que dans ses parties les plus profondes qui, dorénavant, ne communiquent plus entre elles. Dans les zones peu profondes, le retrait des eaux laisse place à de vastes étendues qui constituent par la suite les grandes plaines d'Europe orientale. Environ 180 mètres sous le niveau actuel de la mer Noire se forme alors un lac d'une profondeur maximale de 2000 mètres. Ses eaux partiellement salées sont alimentées exclusivement par les fleuves qui s'y jettent. Sa salinité diminue. La faune et la flore aquatiques et terrestres s'adaptent à cette nouvelle situation. La fonte des glaces et la remontée du niveau des eaux qui s'en suit bouleversent considérablement les écosystèmes tchernomoriens. S'illes divergent sur le rythme et la datation exacte, les géologues se rejoignent pour penser que la montée des eaux de la mer Méditerranée a engendré un déversement de celle-ci dans le lac pontique. Cet apport d'eau salée transforme le lac dont les eaux remontent rapidement et devient ainsi la mer Noire. Elle reçoit une grande quantité d'eau douce par les grands fleuves du nord, le Danube, le Dniepr et le Don, et les fleuves du Caucase au sud-est. Dans le contexte géologique actuel, la mer Noire communique via le détroit du Bosphore, long d'une trentaine de kilomètres, avec la petite mer de Marmara[10] qui, par le détroit des Dardanelles, rejoint la Méditerranée orientale. Les eaux fluviales qui nourrissent la mer Noire demeurent en surface et une partie se faufilent en direction de la Méditerranée alors que celle-ci l'alimente en eau salée par des courants inverses de profondeur qui coulent vers les fonds tchernomoriens. L'écoulement d'un trop-plein d'eau douce de surface entre le mer Noire et la mer de Marmara, située 30 mètres plus bas, crée une rivière de surface qui s'écoule par le Bosphore à une vitesse d'environ quatre kilomètres par heure sur un courant inverse d'eau salée. Cette situation hydrologique particulière fait de la mer Noire un écosystème singulier. Les deltas des trois grands fleuves du nord-ouest forment de très nombreuses lagunes où l'eau salée se mélange à l'eau douce. Un multitude d'îlots parsèment les eaux saunâtes de ces lagunes appelées limans[11]. L'apport en eau douce est tel que la salinité de la mer Noire est très inférieure à celle de la Méditerranée, entre 12 et 16 grammes de sel par litre pour l'une, entre 35 et 37 pour l'autre. La salinité est si faible dans les régions des deltas du nord-ouest que l'eau de la mer Noire peut geler en hiver. Au-delà de 200 mètres de profondeur, les eaux de la mer Noire sont jugées anoxiques car elles ne comportent pas d'oxygène. Les profondeurs saturées en sulfure sont le monde des microbiens. Les deux principaux courants marins tchernomoriens, au centre de la mer Noire, créés par l'arrivée de l'eau douce et son mélange avec les eaux salées plus en profondeur, et qui tournent dans le sens des aiguilles d'une montre pour qui place le nord en haut, causent plusieurs courants secondaires près des côtes. Ces derniers occasionnent des micro-climats. Dans le nord-ouest, le climat dit drossopontique — pontique frais — se caractérise par un été méditerranéen et un hiver continental dans ces régions de plaines. À l'est, région de montagnes, le climat dit eupontique — pontique doux — est chaud et humide, quasi-subtropical dans le sud-est. Les rivages méridionaux tchernomoriens sont soumis à des micro-climats mixtes dans ces régions montagneuses et forestières[12].
Généralement les géographes divisent l'espace maritime tchernomorien entre la mer Noire à proprement dit et, au nord-est, la mer d'Azov. Séparées par la péninsule de Crimée, la première a une superficie de 436000 km2 et une profondeur maximale de plus de 2000 mètres, la seconde a une superficie de 37600 km2 et tout au plus une dizaine de mètres de profondeur. Les eaux saumâtres de la mer d'Azov forment un gigantesque liman de la mer Noire dans laquelle elles se déversent par le détroit de Kertch, au sud-est de la Crimée. La salinité de cette mer varie entre 10 et 12 grammes de sel par litre près du détroit et entre 2 et 7 grammes dans le delta du Don, au nord-est. À l'époque antique de Diogène de Sinope, les géographes qualifiaient la mer d'Azov de lac et le nommaient Méotide. Dans l'usage protivophile, le terme Tchernomorie inclut la mer Noire et celle d'Azov ainsi que leurs rivages. En Tchernomorie, la plupart de la faune et de la flore est originaire de Méditerranée. La faune marine s'est installée selon les trois espaces différenciés que sont les eaux douces, saumâtres et salées. Certaines espèces ne peuvent vivre que dans un seul des trois alors que d'autres parviennent à aller de l'un à l'autre. Sur 167 espèces de poissons, 37 vivent en eau douce et 27 en eau saumâtre[15]. Le grand esturgeon navigue entre ces trois eaux. Certaines espèces de la faune supportent mieux le climat drossopontique que l'eupontique. Le phoque-moine à ventre blanc[16] — espèce disparue depuis 1941 après JCⒸ[1] — préfère les côtes sud-ouest alors que le bernard l'ermite Diogenes Pugilator[17] raffole de celles du nord-est. La dernière espèce de la faune locale à s'introduire dans le paysage tchernomorien est celle des hominines[2]. Tout comme l'ère glaciaire qui la vide de son eau douce ou le déversement progressif des eaux salées de la Méditerranée, l'arrivée des hominines est le début d'un long bouleversement pour la faune et la flore qui les précèdent dans la région. Chassé depuis des milliers d'années pour ses œufs, appelés caviar[18], le grand esturgeon fait la vexante expérience d'être classé aujourd'hui parmi les espèces en voie de disparition. Dans des milliers d'années, les hominines du futur auront la surprise de découvrir les squelettes de ces poissons pouvant atteindre 7 mètres de long et peser plus d'une tonne. La naissance à venir d'un nouvel animal imaginaire ? Déjà au cours du XVIème siècle, bien des siècles avant Didier Raoult[19], le médecin français Ambroise Paré s'emballe devant le fossile d'une probable ammonite géante[20] qu'il présente comme les restes d'un limaçon de la mer sarmatique, "gros comme un tonneau, ayant les cornes quasi comme celles d'un cerf, au bout desquelles, et aux rameaux d'icelles, y a de petits boutons ronds et luysans comme fines perles. Il a le col fort gros, les yeux luy esclairent comme une chandelle, son nez est rondelet et fait comme celuy d'un chat, avec un petit de poil tout autour, ayant la bouche fort fendue, au dessous de laquelle luy pend une eminence de chair assez hideuse à voir. Il a quatre jambes, et des pattes larges et crochues qui luy servent de nageoires, avec une queuë assez longue, toute martelée et coulourée de diverses couleurs, comme celle d'un tigre. [...] Il est amphibie."[21]. Selon cet affabulateur, sa chair est comestible et appréciée ! Peut-être a-t-il été sujet aux effets hallucinogènes du miel de rhododendron tchernomorien ?[22] Victime de l'andromédotoxine comme Didier Raoult de l'hydroxychloroquine. Dissection homininiqueAu cours des siècles, des sociétés d'hominines s'organisent dans les régions de plaines bordant les fleuves du nord et de l'ouest, et leurs deltas, ainsi que dans les zones montagneuses et forestières du sud et de l'est. L'âge de pierre laisse place à l'âge de bronze, puis à celui du fer. L'agriculture est une activité organisée. Lorsque s'enclenche le processus d'écoulement de la mer Méditerranée dans le lac pontique qui le transforme en mer Noire, les hominines sont probablement dans l'obligation de devoir reculer face à la montée des eaux. Selon les hypothèses des géologues, il existe trois possibilités pour décrire le phénomène de remplissage. La première postule que le déversement est lent et constant, la deuxième que cela s'est fait graduellement, au rythme de la mer de Marmara, avec parfois des inversions de sens, et la troisième que cela fut un acte catastrophique. Selon elle, un effondrement dû à l'érosion est probablement la cause d'un déversement massif des eaux dans le lac pontique qui monte de 180 mètres en quelques semaines, il y a 8 millénaires de cela. Une gigantesque cascade d'eau de mer. Un paysage très rare, digne d'une superproduction hollywoodienne, tel le royaume d'Asgard dans la trilogie Thor. Des adeptes de cette théorie catastrophe vont plus loin dans leur analyse et font un rapprochement avec une autre superproduction, la hiérosolymitaine. Noé raconte l'histoire d'un ivrogne, né d'une famille congénitale et fratricide, à deux doigts de verser dans la pédophilie incestueuse, qui s'invente une histoire dans laquelle il sauve sa famille et un couple de chaque espèce animale non-hominine grâce à la construction d'un gigantesque bateau qui doit les aider à survivre à une brusque montée de eaux, conséquence d'un déluge de pluie[23]. Malgré les incohérences du scénario[24], des hominines s'acharnent à vouloir y voir un fait historique. Le Déluge, avec une majuscule. Les écrits religieux des moïsiens[25] et des christiens[25] sont pris, à tort, pour des livres fourmillant de faits historiques. Les nombreuses recherches archéologiques menées sur les lieux "bibliques" n'ont pour l'instant pas permis de confirmer une quelconque véracité de ce qui est raconté dans ce célèbre univers d’heroic fantasy[26]. Les anachronismes sont courants et les exagérations permanentes. Qui aurait l'idée de prendre au sérieux le monde de Warcraft et de voir dans l'empire gorien et sa capitale Goria[27] une référence à l'antique royaume de Gourie sur la côte tchernomorienne de l'actuelle Géorgie, et d'en déduire que, inversement, l'existence d'un tel royaume valide l'historicité de l'univers de Warcraft ? Dans les polémiques qui opposent les géologues, la plupart défendent l'hypothèse d'un remplissage progressif et intermittent. Pour autant cela n'invalide pas totalement celle d'un remplissage très rapide, mais cette dernière hypothèse ne peut en aucun cas s'appuyer sur les fantaisies religieuses pour se trouver une caution historique, ni servir à fournir un semblant d'historicité à des écrits contradictoires et imagés.
Difficile pour les paléoanthropologues, les archéologues ou les linguistes de déterminer avec précision quelles furent les chemins empruntés par les hominines et les schémas de différenciation entre différentes sociétés organisées. Pourquoi la diversité des pratiques linguistiques ? Pourquoi tel type d'organisation sociale plutôt que d'autres ? Si l'on fait abstraction du mythique âge hyborien, celui de Conan le cimmérien[29], censé se dérouler il y a plus de 15000 ans, la plus ancienne mention d'une société d'hominines appelée ainsi date d'environ le Xème siècle avant JCⒸ lorsqu'elle atteint les côtes nord de la mer Noire. Peuplade nomade arrivant par les plaines eurasiatiques, les cimmériens sont les premiers d'une succession de migrations et d'installations de sociétés nomades venues par les mêmes routes jusqu'aux rivages nord-tchernomoriens pendant plus d'un millénaire et demi[30]. Scythes, sarmates[8], alains, huns et avars, pour ne citer que les plus connus, passent, s'arrêtent ou contournent la mer Noire. Ces hominines s'affrontent et se mélangent. L'histoire dément l'expression populaire française, summum de l'hunnophobie[31], selon laquelle "Là où Attila passe, l'herbe ne repousse plus." Arrivant par le sud-est en remontant la mer de Marmara, des hominines de langues grecques, venant de l’extrême sud de la péninsule des Balkans et des côtes méditerranéennes de l'Anatolie, s'installent sur les côtes occidentales et méridionales tchernomoriennes et y fondent quelques villes et comptoirs commerciaux. Les implantations débutent à partir du VIIème siècle avant JCⒸ. Petit à petit, elles sont présentes sur tout le pourtour de la mer. L'olivier est introduit sur la côte sud, posant ainsi rapidement les conditions concrètes d'une possible émergence ultérieure de macédoines de légumes de type salade chopska ou niçoise dans la région. Ces hominines exploitent largement les ressources de la région, utilisant les plaines pour l'agriculture et les forêts pour la construction navale. Les relations avec les hominines nomades du nord et de l'est sont faîtes de guerres et de paix, d'affrontements armés et de brassages de population, d'échanges culturels et de commerces florissants. Les cités grecques de Tchernomorie rayonnent politiquement et culturellement sur les régions proches des côtes. L'hellénisation est en marche. Ce phénomène n'est pas propre à la mer Noire. Les différentes cités grecques balkaniques et anatoliennes créent plusieurs villes et comptoirs sur les côtes de la mer Méditerranée. Marseille et Nice, par exemple, sont fondées, respectivement, vers la fin du VIème siècle avant JCⒸ et au tournant des IIIème et IIème siècles avant le même. L'expansion militaire, politique et culturelle maximale des cités grecques se fait au IVème siècle avant l'idem sous l'impulsion d'Alexandre de Macédoine qui les unit dans un projet d'exploration et de conquête militaire. Le royaume de Macédoine s'étend au détriment de l'empire perse des Achéménides et de l’Égypte pharaonique. Du delta de l'Indus, aux portes du sous-continent indien, jusqu'à l'oasis de Siwa dans le désert égyptien. Le sud tchernomorien est sous contrôle iskandarien — en rapport avec Alexandre[32] — alors que le nord reste le domaine des nomades scythes. Le royaume s’effrite doucement sous ses successeurs, puis tombe sous domination romaine à la fin du IIème siècle après JCⒸ. D'après la tradition littéraire et philosophique de la Grèce antique, Diogène de Sinope, père spirituel de la philosophe Hipparchia, a répondu à Alexandre qui lui demande ce qu'il peut faire pour lui, de se pousser pour ne pas lui cacher le soleil. Si cette anecdote est connue depuis des siècles, ses dialogues protivophiles avec le roi macédonien le sont beaucoup moins. Exhumé en 2008 par Sept et Laurent "Lartizan" Memmi, un court texte post-mortem lui est attribué dans leur opus Diogène. Sans que l'on sache exactement s'il décrit les conséquences pour les populations d'hominines des guerres et des luttes de pouvoir, s'il dénonce le système économique qui s'installe, s'il parle de sa propre situation ou s'il a une vision lumineuse du futur sous l'emprise du miel de rhododendron tchernomorien[22].
Pour la protivophilie, mais pas seulement, les espaces tchernomoriens sont de véritables analectes de riens[34]. Une richesse pour qui s'y intéresse. L'histoire, les toponymes et les ethnonymes en regorgent. Des cimmériens aux tauriens, hominines de Taurie l'actuelle Crimée, des comptoirs marmariens au royaume bosphorien, en passant par les hominines parlant le dorien des cités grecques d'Érétrie et de Mégare, érétriens et mégariens ! Au cours des deux millénaires qui suivent la chute définitive des vestiges de l'empire iskandarien[35], la mer Noire et ses rivages continuent à être un espace où les hominines aiment à s'installer durablement. Les conditions climatiques et géographiques sont favorables à l'agriculture et au commerce. La Tchernomorie est un point de passage entre l'intérieur des terres en Europe de l'est via les fleuves, et vers l'Asie centrale via les plaines au nord, vers l'Anatolie au sud. Elle est aussi un point de sortie rapide vers la Méditerranée. La mer Noire est un liant autour de laquelle s'agglomèrent quelques sociétés d'hominines, diverses par leurs pratiques linguistiques, par leurs traditions culturelles et par leurs histoires, mais interconnectées les unes aux autres. Parfois enchevêtrées. Les analectes s'enrichissent des gouriens de la Gourie, des gazariens de la Gazarie et l'adjarien de l'Adjarie. Respectivement une petite royauté dynastique géorgienne entre le XIVème siècle et le XIXème[36], un ensemble de 7 ports fortifiés à la pointe sud de la Crimée sous contrôle de la république de Gênes entre 1315 et 1475[37], et la langue parlée par les hominines, apparentée au géorgien[38], dans la région qui chevauche l'actuelle frontière entre la Géorgie et la Turquie. Le vocabulaire contemporain ajoute bulgarien, transniestrien et autre pridniestrien alors que tatarien, en rapport avec la Tatarie[39], ne parvient pas à se faire une place sérieuse. Tout comme le terme tchernomorien ! Mais les rivages tchernomoriens ne peuvent se résumer en quelques riens. La macédoine d'hominines qui forment les ingrédients de ce mélange ont de multiples saveurs. Les mythologies moïsiennes, christiennes et mahométiennes[25] se sont largement répandues sur le pourtour. Avec des nuances, parfois dans des versions peu orthodoxes ou mystiques. Pour quelques groupes d'hominines ou des individualités, la Tchernomorie est un point de chute ou un cul-de-sac. Un refuge pour les minorités qui fuient des persécutions, ou un bastion à défendre militairement. Un lieu de vie pour les afro-abkhazes[40] et une région de garnison pour des cosaques zaporogues[41]. Les langues de l'espace tchernomorien sont multiples et les cultures diversifiées, certaines plus "mixtes" que d'autres. Les moïsiens tatarophones de Crimée[42], les turcophones christiens urums[43] et gagaouzes[44] ou les mahométiens de langue grecque[45] en sont quelques exemples. Mais, au delà de leurs singularités linguistiques et culturelles, toutes les communautés tchernomoriennes sont socialement structurées de manières assez identiques : elles sont — comme la plupart des sociétés d'hominines — hiérarchisées, inégalitaires et coercitives. Au XIXème siècle, après des guerres entre empires et des conquêtes de territoires incessantes, les grands mouvements de population se ralentissent et les frontières des États modernes se fixent progressivement. Au siècle suivant, le pourtour tchernomorien est divisé entre l'empire ottoman (future Turquie), la Bulgarie, la Roumanie et la Russie. Les régions côtières de ces pays sont de vraies macédoines culturelles et linguistiques, héritières de la longue histoire tchernomorienne. La région du Pont, en Turquie, abrite des communautés d'hominines — mâles et femelles — grecques pontiques, arméniennes, turques et lazes[46], mahométiennes ou christiennes, ainsi que des bulgarophones. En Bulgarie, des minorités turques, tatares, grecques et roumaines sont présentes dans les régions de la mer Noire. Certaines christiennes, d'autres mahométiennes. La Dobrogée, une région historique située entre les deltas du Danube et du Dniestr, aujourd'hui essentiellement roumaine, est une mosaïque. De par sa situation inter-fluviale et sa géographie propice à y trouver refuge, elle a été longuement disputée par les empires et les royaumes, et a servi d'asile à plusieurs communautés. Parmi une population majoritairement roumanophone, des villages ou des quartiers de certaines villes sont peuplés de bulgares, de russes, de tatars, de grecs, de turcs, d'allemands[47], de gagaouzes et de nogaïs[48]. Des mâles et des femelles. Une partie de ces hominines appartiennent à des courants dissidents des mythologies christiennes, tels les allemands mennonites[49] ou les russes lipovènes[50]. À cette époque, la vaste côte russe de la mer Noire s'étend de l'ouest au sud-est, de la Dobrogée au sud du Caucase. Aujourd'hui divisée entre Ukraine, Russie, Abkhazie[51] et Géorgie. Outre des russophones, elle abrite des grécophones pontiques entre Dobrogée, Crimée et Caucase, des tatars de Crimée, des germanophones de la mer Noire[52], des moïsiens karaïtes[53] et krymtchaks[42], des arméniens, des adyguéens[54], des abkhazes, des géorgiens et des adjariens dans le Caucase, et des lazes à la lisière de l'Anatolie. Ces communautés cohabitent, se mélangent ou s'affrontent entre elles ou avec la population majoritaire russe, bulgare, roumaine ou turque. Selon les circonstances. L'attrait des empires et des royaumes pour la Tchernomorie n'est pas source de tranquillité pour les populations d'hominines qui y vivent. Certaines sont déplacées au fil des changements de frontières et des accords de paix. Dès la fin du XIXème siècle, les empires russe et ottoman procèdent à des échanges de population dans le cadre de la délimitation de leur nouvelle frontière : des bulgares de mythologie christienne partent s'installer en Russie et celle-ci expulsent des turcophones de mythologie mahométienne vers l'empire ottoman. Le siècle suivant est celui de tous les excès. Au début du XXème siècle, l'empire ottoman perd de son influence et de sa puissance[55]. Les réformes de libéralisation politique et de modernisations économiques, ainsi que l'aide de certains pays européens soucieux pour leurs intérêts, ne suffisent pas à consolider ce vaste édifice qui s'effrite. Il est très affaibli par les contestations nationalistes dans les Balkans, l'Anatolie et le monde arabe où des communautés linguistico-culturelles réclament leur indépendance politique. Des soulèvements populaires secouent l'empire. Lors de la grande guerre de 1914 à 1918 qui oppose entre eux les empires européens, dite Première guerre mondiale, l'empire ottoman s'allie à l'Allemagne, mais la défaite de cette dernière l'entraîne dans sa chute. Les puissances européennes sorties vainqueures de ce conflit encouragent le démembrement de l'empire ottoman en soutenant les mouvements de contestation. Lors de la guerre de 1914-1918, prises dans le contexte militaire international et l'émergence des nationalismes turco-ottoman et kurde, les populations christiennes d'Anatolie centrale sont chassées de chez elles, contraintes à l'exil ou à la mort. Parfois les deux. Plus d'un million de personnes des communautés arméniennes, soit environ 70% de la population arménienne anatolienne, meurent d'assassinats et de massacres, de misère et de faim sur les routes. Entre 50% et 75% du million d'hominines des communautés assyriennes[56] subissent le même sort. Mâles, femelles et rejetons. Ces deux massacres et déportations de masse de populations christiennes d'Anatolie sont considérés comme le second génocide du XXème siècle[57], qui ne fait que commencer. Quelques hominines optent pour rester sur place en se convertissant aux croyances mahométiennes, ou tout du moins en le prétextant. Des enfants, mâles et femelles, devenus orphelins sont adoptés dans des villages turcs et kurdes. Tout comme les communautés arméniennes des rives anatoliennes de la mer Noire, les grecques pontiques, christiennes elles aussi, n'échappent pas à ces persécutions. Plus de 100000 hominines décèdent dans des violences à leur encontre. D'autres se réfugient dans la Dobrogée ou en Tchernomorie russe, là où existent déjà des communautés. Le traité de paix signé en 1920 entre les puissances européennes et les autorités ottomanes défaites en 1918 prévoit le démembrement de l'empire ottoman. Les côtes anatoliennes de la mer Égée et la Thrace orientale sont attribuées à la Grèce alors qu'à l'est de l'Anatolie il est proposé la formation d'un Kurdistan autonome et d'une Arménie indépendante, du lac de Van à la mer Noire. Le sud de l'Anatolie est placé sous protection italo-franco-britannique. Le territoire anatolien restant n'est pas suffisant selon les nationalistes ottomans. Entrée en conflit avec les autorités de l'empire auxquelles il est reproché son défaitisme et entrée en guerre contre la Grèce voisine qui convoite les régions grécophones, la résistance parvient en quelques années à renverser le sultan ottoman, à proclamer la naissance de la république de Turquie en 1922, gagner la guerre contre la Grèce et imposer un nouveau traité de paix moins défavorable. La "Grande Idée" se délite, le projet nationaliste grec qui prévoyait de réunir l'ensemble des territoires où résident des hominines en lien direct ou indirect avec la culture grecque dans les Balkans, en Anatolie et autour de la mer Noire, s'effondre. Le traité de 1920 est abandonné et remplacé en 1923 par le traité de Lausanne qui laisse l'ensemble de l'Anatolie à la Turquie, abandonnant de fait le projet d'un Kurdistan autonome et d'une Arménie indépendante. La Thrace orientale n'échoie plus à la Grèce mais à la Turquie. Afin de parfaire leur projet d'une Turquie indépendante, les nationalistes obtiennent qu'un échange de population soit organisé. Les grécophones d'Anatolie — égéens, cappadocéens et pontiques appelés collectivement micrasiates — et de Thrace orientale doivent être expulsés vers la Grèce et les mahométiens turcophones d'Europe vers la Turquie. Quelques exceptions sont négociées dont la ville de Constantinople, la future Istanbul. Plus généralement, le projet est de vider le territoire de la nouvelle Turquie de l'ensemble de ses populations christiennes et d'accueillir les mahométiennes venues des territoires perdus. Presque un million et demi de micrasiates — dont 500000 pontiques — et plus de 500000 mahométiens d'Europe. La "Grande Idée" fait place à la "Grande Catastrophe", ainsi appelée par l'historiographie grecque[58]. Les karamanlides[59] qui croient dans les mythologies christiennes et parlent une langue turcique écrite en caractères grecs, vivant en Anatolie centrale près des micrasiates de Cappadoce, ainsi que les lazes de la mer Noire, qui parlent une langue kartvélienne[38] et sont adeptes des mythologies christiennes[46], doivent fuir aussi vers la Grèce. Sur cette seule catégorisation religieuse, les karamanlides et les lazes christiens vont rejoindre un pays dont illes ne parlent pas la langue. Le traité de Lausanne garantie le maintien des slavophones mahométiens de Grèce et de Bulgarie, les pomaks[60], au prétexte qu'illes seraient d'origine bulgare. Idem pour les gagaouzes[44] de la Dobrogée roumaine qui ont l'autorisation de rester parce qu'illes sont adeptes des mythologies christiennes et autochtones, bien que turcophones dans un environnement qui ne l'est pas, alors que les turcs mahométiens de Roumanie sont expulsables vers la Turquie car illes sont de migration récente. Les échanges de populations négociés en 1923 concernent la Turquie, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et la Yougoslavie. La turcophonie n'est pas l'ensemble des personnes parlant le turc mais celui des hominines parlant des langues turciques[61]. Parmi celles-ci, et pour ne citer que celles de l'espace tchernomorien, l'osmanli parlé en Anatolie par les turcs ottomans, le gagaouze et le nogaï en Dobrogée, le tatar et le krymtchak de Crimée, ou l'urum[43] de la mer d'Azov. Le turc moderne est issu d'une réforme de l'osmanli afin de devenir la langue officielle de la Turquie républicaine. Au nom de leurs idéologies nationalistes respectives, la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie et la Grèce acceptent d'opérer à un "nettoyage ethnique". Chacune prônant une homogénéisation linguistique et culturelle à l'intérieur de leurs frontières. Les rivages du sud et de l'ouest de la mer Noire sont particulièrement touchés par ces processus de violences et de déportations. Plus de 300000 micrasiates – d'Asie mineure — sont à l'abri à Constantinople / Istanbul, alors qu'un demi-million meurent dans des massacres et sur les routes de l'exil. Plus d'un million d'entre elleux parviennent à rejoindre la Grèce. Sur les quelques 600000 pontiques, 400000 sont expulsés et seulement 260000 arrivent jusqu'en Grèce. Environ 60000 fuient vers la Russie. Les quelques 50000 restés sur place adoptent la langue turque et se convertissent aux mythologies mahométiennes afin d'échapper aux violences[62] qui ont déjà fait environ 350000 morts entre 1919 et 1923 parmi les pontiques[63]. Plus de 100000 turcophones de mythologie christienne réussissent à se rendre en Grèce, dont la moitié de karamanlides. Les chiffres exacts du nombre de morts dans cette Grande Catastrophe sont encore discutés. Les conditions d'accueil des micrasiates qui fuient la Turquie sont très difficiles[64]. Beaucoup arrivent dans les grandes villes ou dans les régions où la Grèce a chassé les populations turcophones, mais aussi slaves et albanophones. La Grèce expulse environ 400000 turcophones. La macédoine de Dobrogée aussi change ses ingrédients. La Roumanie expulse vers la Turquie, la Bulgarie et la Russie. Plus de 70000 tatars et turcs sont expulsés vers la Thrace turque, où autant de grecs sont chassés pour rejoindre la Grèce qui expulse autant de valaques vers le sud de la Dobrogée ![65] Depuis 1917, la Russie glisse dans les mains des bolchevistes[66]. Lors de la guerre qui opposent les bolchevistes, les tsaristes et les anarchistes[67], les communautés cosaques[41] prennent parti et font des choix différents. La majorité rejoignent les tsaristes mais les alliances sont changeantes. Les bolchevistes décident de "mener une terreur de masse contre les riches cosaques, en les détruisant tous sans exception, [...] une terreur de masse impitoyable contre tous les cosaques qui ont pris part directement ou indirectement à la lutte contre le pouvoir soviétique."[68] Leurs villages sont détruits et les déplacements d'hominines ayant survécu sont massives, plus de 150000 s'exilent à l'étranger. Une partie des territoires caucasiens sont octroyés à des républiques soviétiques du Caucase qui s'agrandissent d'autant. Telle celle de Tchétchénie-Ingouchie. Devenue l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1922, les découpages administratifs de l'ex-Russie sont modifiés. Les rivages tchernomoriens sont remembrés. Les républiques soviétiques d'Odessa et de Donetsk-Krivoï-Rog sont intégrées dans la république socialiste d'Ukraine et celle de Crimée dans la république socialiste de Russie. Dans la partie est de la Tchernomorie soviétique, les républiques soviétiques de la mer Noire, du Kouban, du Terek et de Stavropol se fondent dans une éphémère république soviétique du nord-Caucase. Finalement, ces territoires sont directement intégrés dans la république socialiste de Russie. Les républiques soviétiques d'Abkhazie et de Géorgie sont incluses dans le république socialiste de Transcaucasie avec deux autres républiques soviétiques, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. La politique des nationalités du nouveau pouvoir bolcheviste consiste à subdiviser les langues et les cultures des hominines et de leur attribuer, selon leur importance, une république soviétique, une région autonome ou un district autonome. Pour les communautés sans territoires, il est accordé des droits relatifs à l'usage de leur langue et à la libre pratique de leur culture. L'enseignement et la presse sont encouragés en parallèle d'une interdiction de certaines pratiques ou croyances. Des alphabets sont introduits pour permettre un meilleur apprentissage de ces "langues locales" et une partie du folklore populaire est valorisée. Les pontiques qui ont décidé de fuir les violences sur la rive méridionale de la mer Noire ont rejoint les communautés pontiques de Crimée et du Caucase. Elles ne bénéficient pas d'un territoire alloué mais, comme d'autres dans cette situation, sont encouragées à promouvoir leur culture et leur langue. Changement de programme dans les années 1930. La Transcaucasie est divisée en trois républiques socialistes, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie. L'Adjarie et l'Abkhazie demeurent des régions autonomes au sein de la Géorgie. L'Adjarie a la particularité d'être la seule entité administrative basée sur une appartenance religieuse[69], peuplée d'hominines de croyance mahométienne parlant une langue kartvélienne[38]. Plus de 20000 grécophones soviétiques fuient vers la Grèce. Le grand maître d'œuvre de ce remaniement n'est autre que Joseph "Staline" Djougachvili[70], érigé en "Petit Père des peuples", et son petit camarade de jeu Lavrenti Beria. Lors de l'accord de non-agression signé entre les hitléristes et les stalinistes en 1939, Staline présente Lavrenti Beria comme étant "le chef de notre Gestapo" aux diplomates allemands présents. Ils font un grand ménage dans la politique menée avant eux. La beauté de la culture populaire et la diversité des langues tant vantées hier laissent place aujourd'hui à des accusations de "nationalismes bourgeois" qui cachent souvent des résistances populaires aux collectivisations. Beaucoup d'hominines, mâles et femelles, sont tués ou envoyés en déportation. Cette répression n'est qu'un avant-goût de ce qui s'annonce sur le pourtour tchernomorien soviétique dans les années 1940. Les armées hitléristes allemandes tentent d'envahir l'URSS mais, au prix de millions de morts soviétiques, l'opération militaire est un échec. Au lendemain de la guerre, les autorités soviétiques se vengent sur les communautés accusées de collaboration avec les hitléristes et se servent de ce prétexte pour mener à bien une nouvelle politique des nationalités. La collaboration réelle ou fictive de quelques milliers d'hominines avec les hitléristes engendre une punition collective pour des centaines de milliers d'hominines. Préventivement, en 1941, les communautés allemandes du Caucase et de la mer Noire sont massivement déportées vers la Sibérie et l'Asie centrale. Près de 400000 hominines, mâles, femelles et rejetons. La Crimée est particulièrement touchée. Plus de 230000 hominines, mâles et femelles, tatars sont envoyées dans la région montagneuse de l'Oural et en Sibérie. Près de la moitié meurt dans les trois premières années. Environ 15000 pontiques, 100000 arméniens, des bulgares et des nogaïs[48] subissent les déplacement forcés. Le projet est "la déportation des citoyens Turcs, des Turcs ne possédant pas la nationalité, des anciens citoyens Turcs qui avaient reçu la nationalité soviétique, des citoyens anciennement Grecs et actuellement sans nationalité, des citoyens Grecs qui ont reçu la nationalité soviétique, des Roumains se trouvant avec leur famille sur le territoire de l'URSS et provenant des républiques socialistes soviétiques de Géorgie, d'Arménie, d'Azerbaïdjan et des côtes de la Mer Noire."[71]. En Géorgie, 25000 hémichis[72], des arménophones mahométiens, et 100000 meskhètes[73], des turcophones mahométiens, sont déportés vers l'Asie centrale. Idem pour les quelques milliers de lazes[46] qui avaient fuis la Turquie en 1923. Dans le Caucase du nord, entre mers Noire et Caspienne, la répression et les déportations s’abattent sur plusieurs communautés. Mâles, femelles et enfants. 300000 tchétchènes, 90000 ingouches et autant de kalmouks, 70000 karatchaïs et 40000 balkars sont envoyés par train vers l'Asie soviétique. Des dizaines de milliers d'hominines meurent pendant le voyage. "Le problème des nationalités est un problème de transport" comme disait le punchliner Staline[74], le poète préféré du peintre Adolf Hitler[75]. Selon les optimistes, la politique de Staline ne fait pas que détruire des langues et des cultures, elle en crée aussi ![76] Ainsi, les soviétiques forment sur la rive gauche du Dniestr une éphémère république soviétique de Moldavie – dont se réclame l'actuelle Pridniestrie — qui devient une république socialiste lorsque le fleuve est franchi et que des populations roumanophones sont intégrées. Celles-ci sont alors élevées au rang de communauté linguistique et culturelle différenciée des roumanophones, utilisant l'alphabet cyrillique plutôt que latin[77]. Le moldave devient une langue officielle. La population cosaque[41] est aussi touchée par cette vague vengeresse. Pour la participation de nombreuses unités militaires cosaques à l'armée hitlériste, l'ensemble des hominines, mâles, femelles et enfants, sont contraints de quitter leurs villages sous peine d'être exécutés en représailles. Entre 40000 et 60000 d'entre elleux reçoivent en 1943 la permission des hitléristes de s'installer dans le nord de l'Italie, dans la région de Carnie, où il leur a été promis un futur territoire indépendant, le Kosakenland von italienischen Krain ou Pays cosaque de la Carniole italienne en français. À la fin de la seconde guerre dite mondiale, avec la signature d'accords lors des conférences de Téhéran en 1943 puis de Yalta en 1945, l'Union soviétique obtient de ses alliés ouest-européens la déportation des cosaques de tous les territoires qu'ils contrôlent. Les États-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne, l'Italie, la France et l'Autriche livrent les cosaques sans hésitation. En famille. En Autriche, les militaires britanniques tuent 300 cosaques qui tentent de s'opposer à leur déportation. Seul le Luxembourg refuse d'expulser les quelques dizaines de cosaques de son territoire. En tout, environ 2 millions d'hominines cosaques doivent quitter l'Europe de l'ouest pour l'Union soviétique. Toujours en famille. Destination suivante, la Sibérie, pour celleux qui survivent au voyage. Des milliers d'officiers et de soldats cosaques sont exécutés. D'autres parviennent à se cacher et vivent sous une fausse identité. Les territoires sur lesquels vivaient les communautés cosaques sont nationalisés ou occupés par d'autres populations locales et administrativement remodelés. Ce que les non-protivophiles nomment antisémitisme, c'est à dire la détestation des adeptes des mythologies moïsiennes et tout ce qui s'y rapporte de près ou de loin, est présent partout où de telles populations existent en Tchernomorie. À des degrés divers et sous des formes multiples. Les massacres urbains et les destructions de villages moïsiens sont les prémices de leur anéantissement. Les massacres des hitléristes ont causé la mort d'environ 6000 krymtchaks[42], soit 75% de cette communauté moïsienne turcophone de Crimée, mais les karaïtes moïsiens[53] sont épargnés car illes sont considérés comme étant d'origine kazhare, donc turque et non moïsienne ! La Crimée est un véritable défi pour les théories racistes des hitléristes. Que faire des vestiges goths aux inscriptions en caractères hébraïques ? L'ensemble des communautés moïsiennes de la mer Noire sont victimes des violences des armées hitléristes et de leurs suppôts. En Crimée, illes sont environ 50000 au début des années 1920 et la population moïsienne ne cesse de croître avec l'implantation de colonies agricoles moïsiennes[78], alimentées par les hominines qui fuient les violences. Il est même évoqué le projet de création d'une région autonome[79]. Sur les 70000 hominines adeptes des mythologies moïsiennes présents en 1942, plus de 40000 mâles et femelles sont tués. Plus d'un million d'hominines de croyances moïsiennes, souvent yiddishophones[80], à vivre dans la république socialiste d'Ukraine — à laquelle la Crimée est rattachée — tombent sous les balles des hitléristes ou meurent dans un camp de concentration. Beaucoup fuient vers l'Europe occidentale et les États-Unis d'Amérique. D'autres partent en direction de la Palestine britannique. La Roumanie n'est pas en reste dans ses massacres. Elle participe grandement à la mise en place de camps d'internement dans la région qu'elle appelle Transnistrie, entre les fleuves Dniestr et Bug oriental, jusqu'à la mer Noire. Plus de 185000 hominines des communautés moïsiennes de Roumanie et de la ville ukrainienne d'Odessa finissent dans un de ces camps. Le gouvernorat de Transnistrie est un véritable hub de l'atrocité. La Roumanie fait du zèle. La psychopathie roumano-hitlériste ne focalise pas que sur les adeptes de Moïse. Les roms, qu'illes soient christiens ou mahométiens[81], sont aussi pourchassés. Plus de 35000 d'entre elleux perdent la vie en Roumanie. Idem en Crimée.
Les germanophones de la Dobrogée roumaine subissent aussi les conséquences de l'invasion hitlériste de la région. Illes sont appelés à rejoindre l'Allemagne. Environ 14000 hominines, soit 90% de la communauté, sont déplacés de force vers les territoires annexés par l'Allemagne en Pologne et en Tchécoslovaquie. Mâles, femelles et enfants. Plus de la moitié décèdent des conditions de vie et de la guerre. Après la défaite hitlériste, leurs biens sont nationalisés par la Roumanie. Seulement 2500 tentent de rentrer en Dobrogée. Prises dans la guerre, toutes les communautés germanophones d'Europe sont enrôlées dans l'armée hitlériste ou déplacées pour coloniser l'est européen, suspectées à tort ou à raison par leurs pays d'origine d'être volontaires. Après-guerre, une quinzaine de millions de germanophones de tous les pays européens sont expulsés des pays où illes sont une minorité. De mémoire d'hominines, le plus grand déplacement de population. Deux millions meurent sur les routes de l'Allemagne, victimes de la misère et de violences à leur encontre. La punition collective est sévère. Illes viennent s'entasser dans un pays détruit par la guerre. Aucune nuance n'est faîte parmi ces germanophones entre les hitléristes et les opportunistes, leurs oppositions et la population. Dans les années qui suivent la mort de Staline en 1953[83], ses successeurs tentent de corriger les excès de sa politique. Les "peuples punis" de Crimée et du Caucase sont réhabilités progressivement et celleux qui ont survécu sont invités à revenir dans leurs régions d'origine. Quelques hominines restent sur place. Beaucoup décident de partir mais le retour n'est pas simple, voire pas toujours possible. En arrivant sur place, les hominines découvrent parfois que leurs maisons sont occupées.[84] Les autorités locales ne sont pas toujours très favorables à ces retours et ne font rien pour les faciliter. Les indemnisations pour les expropriations se font attendre. Les germanophones du Caucase et de la mer Noire[52] n'obtiennent aucune compensation. Pas plus que les pontiques ou les turcophones de Crimée qui ont tout perdu. À l'exception des cosaques qui furent jugés et/ou exécutés pour leur collaboration avec les hitléristes, les autres reçoivent une réhabilitation. Sans compensation, ni possibilité réelle de retourner sur leurs anciens territoires. AutopsieDans la première moitié du XXème siècle, la Tchernomorie est totalement chamboulée. Ses rivages sont labourés par les violences qui s'y déroulent. Plusieurs millions d'hominines mâles et femelles sont échangés, déplacés ou déportés. Tout autant meurent de faim ou de maltraitance sur les chemins de l'exil, d'autres lors de massacres organisés ou d'exécutions sommaires. Le bilan est très lourd. Aucun chiffre n'est exact, tous sont des estimations faîtes sur la base d'archives disponibles, de témoignages recueillis et de travaux historiques. À ces chiffres, il faut ajouter ceux du nombre de morts parmi l'ensemble des hominines lors des guerres qui ont ensanglanté l'espace tchernomorien et son voisinage. De 1911 à 1913 dans la péninsule balkanique, de 1914 à 1918 lors de la première guerre dite mondiale, de 1917 à 1921 en Russie, de 1919 à 1923 entre la Grèce et la future Turquie, puis de 1939 à 1945 lors de la seconde guerre dite mondiale. À cela s'ajoutent les dizaines de millions de morts causées par la grippe espagnole[85] à travers le monde et les famines qui s'abattent sur les régions du nord de la mer Noire entre 1931 et 1933, provoquant la mort d'entre 5 et 8 millions d'hominines. Dans l'ensemble des pays concernés par ces conflits armés, le total des morts s'élèvent à plus de 100 millions, dont plus de la moitié parmi la population civile. Sans compter les millions de personnes traumatisées, blessées, malades ou invalides. Pour la seule Union des Républiques Socialistes Soviétiques — la Russie soviétique —, le nombre de morts lors de la guerre de 1939-1945 se monte à plus de 25 millions, dont plus de la moitié parmi la population civile. La république socialiste d'Ukraine compte presque 7 millions de morts, soit plus de 16% de sa population, dont environ 70% parmi la population civile. Les conséquences de ces guerres et de ces déplacements de population n'ont pas seulement un impact sur les hominines. Sans qu'il soit possible de fournir un quelconque chiffre, il est probable que des centaines de millions d'animaux non-hominines mâles et femelles aient trouvé la mort lors de ces conflits inter-hominines. Plutôt que de finir à l'abattoir, des chevaux, vaches, moutons et cochons sont tués en représailles ou volés pour accentuer la famine. Pour l'alimenter. Les chiens et les chats qui échappent aux bombardements et aux tirs sont tués pour l'atténuer. Pour s'alimenter.
La seconde moitié du XXème siècle est moins agitée. Les pays riverains de la mer Noire — Turquie, Bulgarie, Roumanie et Union soviétique dans laquelle l'Ukraine, la Russie, l'Abkhazie[51] et la Géorgie — n'opèrent plus de nettoyages ethniques. Des retours individuels sont autorisés au compte-gouttes et les départs encouragés. Un petit nombre de germanophones rentrent en Dobrogée roumaine alors que des tatarophones la quittent pour rejoindre la Turquie, des pontiques de Crimée s'installent en Grèce alors que les meskhètes de Géorgie[73] se découragent de parvenir à se réinstaller. Des moïsiens de Crimée, dont des karaïtes[53], ou d'Odessa se réfugient en Israël. Comme la plupart des pays de l'est européen, ceux de la mer Noire ont profité de la guerre de 1939-1945 pour homogénéiser linguistiquement et culturellement leurs populations. Par la mort, la contrainte ou l'assimilation. Les délires nationalistes sont le tombeau des diversités. Ils adaptent à leur sauce le fameux slogan des hitléristes qui réclament un empire, un peuple et un chef. Pour les gastronomes de la politique, ces ingrédients sont déconseillés dans la confection de macédoines car cela donne toujours un goût rance. Qu'ils aient un arrière-goût de soviétisme ou non. Cela ne change rien. La Bulgarie, la Roumanie et l'Union soviétique octroient quelques droits à leurs minorités tchernomoriennes tout en accentuant la pression pour leur assimilation progressive. Les mariages inter-communautaires sont de plus en plus fréquents. Les langues bulgare, roumaine, ukrainienne, russe ou géorgienne deviennent celles du quotidien. En Turquie, les lazes[46], bien qu'adeptes des mythologies mahométiennes, subissent la défiance de celleux qui croient qu'illes cachent leur préférence pour les christiennes, alors même que cette partie des lazes a été déplacée vers la Grèce. Beaucoup adoptent la langue turque. Les hominines pontiques qui n'ont pas quitté la côte tchernomorienne de la Turquie pratiquent leur religion christienne et leur langue grecque en secret, utilisant le turc dans leurs échanges avec le reste de la population. La politique violente turque vis-à-vis de ses populations kurdophones ne donne pas envie de se faire remarquer ! L'éclatement de l'Union soviétique en 1991 fait place sur les rivages tchernomoriens à la Géorgie, et sa région autonome d'Abkhazie, la Russie, l'Ukraine et via le Danube, la Moldavie. Après de courtes guerres, l'Abkhazie obtient son indépendance de la Géorgie et la Pridniestrie se détache de la Moldavie. Aucune des deux n'est reconnue internationalement. La guerre en Abkhazie entraîne la mort de plusieurs milliers d'hominines ainsi que la fuite de 100000 abkhazes et 200000 hominines de langue géorgienne. Les petites communautés russophones et arménophones quittent la région. En Pridniestrie, des russophones et ukrainophones des régions industrielles de la rive gauche du Dniestr proclament leur indépendance d'une Moldavie roumanophone. La Gagaouzie hésite mais ne franchit pas le pas[87]. De ces nouveaux pays qui apparaissent à partir de 1991 autour de la mer Noire, la plupart sont alors un mystère pour la grande majorité des hominines d'Europe de l'ouest et d'ailleurs. Hormis la Russie qui est déjà internationalement connue pour être le berceau du nihilisme et des frères Bogdanov, et l'Ukraine qui est mondialement reconnue depuis 1986 pour l'introduction dans sa gastronomie régionale de l'aile de mouton[88]. Les catégories culturelles, linguistiques ou religieuses utilisées au cours du XXème siècle par les pouvoirs politiques des royaumes, empires et républiques du pourtour de la mer Noire ne sont évidemment pas le reflet de la réalité de ce que sont les hominines qui les composent. Elles sont des données statistiques et des prétextes à des enjeux politiques. Pour les hominines, la vraie vie est plus complexe[Références manquantes]. Des unions, des mariages ou des enfants inter-communautaires sont de plus en plus nombreux. Les échanges commerciaux aussi. La pression sociale ou l'urbanisation favorisent les langues des majorités par des mécanismes d'assimilation, de non-transmission ou de bilinguisme. À titre d'exemple, après la chute de l'Union soviétique, la Grèce accueille environ 60000 pontiques mâles et femelles. Personne ne parle la langue grecque, illes sont russophones. Israël est parcouru d'hésitations lors de la migration d'hominines russophones et ukrainophones qui prétendent être adeptes des mythologies moïsiennes. Le doute persiste. L'optimisme sioniste[89] pense qu'il leur suffit d'apprendre la langue israélienne alors que pour sa vision plus réaliste il leur faut même apprendre ce que sont ces mythologies dont illes ignorent tout. Dans les cinq premières décennies du XXème siècle, les républiques, royaumes et empires d'Europe se livrent à de véritables "nettoyages ethniques" pour homogénéiser au mieux leurs populations ou aider leurs alliés à le faire. Chacun à sa manière. Par des massacres répétés, des discriminations, des échanges et des déplacements. Certains les provoquent, d'autres en profitent. Certains expulsent alors que d'autres empêchent les retours. Certains le font pour des choix idéologiques, d'autres par simple opportunisme. Les politiques menées s'apparentent à un populicide[90] au sens que lui donne Gracchus Babeuf en 1794[91] de politique qui par ses choix, sans que cela soit obligatoirement son but ultime, cause la mort massive de la population. Par les combats, les famines, les destructions de villages et de champs, les exils forcés, etc. Ou par des décisions politiques et économiques aberrantes qui les ruinent. Pour la protivophilie, le néologisme populocide est plus précis car il insiste sur le fait que les plus pauvres, le populo, soient toujours les principales victimes des guerres, des conquêtes, des rivalités de pouvoir et des changements de frontières. Les plus pauvres peinent à fuir par manque de moyens ou à échapper à l’enrôlement et celleux qui survivent sont les moins à même socialement de s'en remettre. Le qualificatif de génocide définit après la seconde guerre dite mondiale implique la volonté délibérée d'exterminer une ou plusieurs populations précises. Le génocide est une forme particulière de populicide. Dans la seconde moitié du siècle, la macédoine tchernomorienne n'est plus faîte que de quelques ingrédients majeurs et d'un léger saupoudrage d'épices. La Bulgarie, la Roumanie, la Russie, puis après elles la Moldavie, l'Ukraine et la Géorgie, octroient quelques droits à leurs minorités linguistiques tout en favorisant l'usage d'une unique langue nationale, dont la méconnaissance est handicapante socialement dans les administrations ou le monde du travail par exemple. Malgré les évidences dans ses régions kurdophones d'Anatolie ou lazophones de la mer Noire, la Turquie considère que la seule langue parlée est le turc et le prouve en la rendant officielle ! Et elle seule. Les avis divergents sont sévèrement réprimés : Plus de 40000 morts en plusieurs décennies d'une guerre commencée dans le début des années 1980[92]. Le panorama tchernomorien du début du XXIème siècle ne ressemble plus aux cartes multicolores des ethnographes et linguistes des siècles précédents. Défiguré progressivement par des jets d'acide nationaliste puis redessiné à coup de bistouris dans des plaies encore fraîches. La chirurgie réparatrice s'apparente ici à de la boucherie. Les cimetières sont pleins d'hominines qui ont sans doute quelque chose à en dire. Avant ce remembrement cartographique, les relations des différentes communautés entre elles ne sont pas faites pour autant que de joie et de concorde. Sans attendre les mythologies nationalistes qui se construisent au cours du XIXème siècle, les préjugés et les méfiances sont multiples. Les différences sont parfois accentuées pour mieux se distinguer de communautés proches culturellement, linguistiquement ou religieusement. Ces xénophobies ne s'accompagnent pas nécessairement de violences directes. Elles sont constituées de stéréotypes, de dénigrements, de généralisations ou de blagues. Les exemples sont nombreux. Les lazes de Turquie sont la cible de blagues qui font d'elleux l'incarnation de la naïveté, voire d'une certaine bêtise. Comme en France avec les belges ou les suisses. En Turquie, bien que de langue et d'origine arméniennes, les hémichis[72] de croyances mahométiennes utilisent le terme arménien pour dire "ivrogne" alors même qu'illes sont appelés arméniens par les lazes et considérés lazes par les turcs. De manière générale les communautés linguistiques où les deux mythologies christienne et mahométienne sont présentes sont suspectées d'appartenir secrètement à l'une ou l'autre, même si l'une des deux composantes a été déportée, tuée ou assimilée. Les lazes et les hémichis connaissent très bien ce phénomène. Idem pour les quelques milliers de pontiques qui se convertissent aux croyances mahométiennes et à la langue turque pour échapper aux déportations des années 1920, mais qui pratiquent leur langue dans le secret de l'intimité et du quotidien afin de ne pas s'exposer aux foudres des autorités turques. La situation des enfants arméniens, mâles et femelles, qui furent adoptés par des familles turques ou kurdes après les massacres qui décimèrent leurs propres familles est complexe[93]. Les langues se délient et quelques hominines découvrent aujourd'hui avec stupeur un pan de leur histoire jusqu'alors inconnu. Difficile pour elleux de s'exprimer dans un contexte politique turc où l'historiographie officielle ne reconnaît pas les massacres des populations arméniennes et assyriennes[56] pour lesquels elle refuse catégoriquement le qualificatif de génocide. En Russie, le Caucase est la source de nombreux poncifs et exagérations sur les populations montagnardes. Dans l'imaginaire, le Caucase abrite la descendance des farouches populations guerrières qui, selon les époques, incarnent la bravoure, la violence, la liberté ou la sauvagerie. Un peu comme les cosaques[41]. Dans le nord de la mer Noire, ce sont les populations tatares qui sont victimes de préjugés. La tatarophobie est une réalité sur la péninsule de Crimée. Elle se construit sur des vestiges d'une histoire soviétique qui les condamne collectivement à la déportation vers l'Asie centrale pour collaboration avec les hitléristes, avant de les réhabiliter tardivement, et aussi sur les ressentiments contre les projets de réinstallation en Crimée de familles tatares déportées quelques décennies plus tôt. L'exclusion sociale est une des conséquences de cette tatarophobie. Une autre de ses conséquences est l'assimilation des tatars et de toutes les populations de langues turciques dans le même terme générique de "Turc". Ce procédé permet de sous-entendre que les tatarophones de Crimée et les nogaïs[48]ne sont pas autochtones mais des populations dont les origines sont à chercher du côté de la Turquie. Illes se confondent avec les turcs de la Dobrogée roumaine ou de Bulgarie. Dans ce pays, la communauté bulgarophone mahométienne, les pomaks[60], est acceptée lorsqu'elle est valorisée comme bulgare et dénigrée lorsqu'elle est vue comme turque. En Grèce, les pomaks subissent aussi une ostracisation du fait d'une méfiance vis-à-vis de leurs pratiques religieuses identiques à celles des turcs. Les karamanlides[59], turcophones de croyances christiennes, arrivent en Grèce pour y trouver refuge avec les populations micrasiates chassées de Turquie dans les années 1920. Leur proximité religieuse et culturelle avec les grécophones ne suffit pas à faire accepter les origines turciques de leur langue. Illes se voient interdits de la pratiquer. Les pontiques sont au centre de blagues où illes sont dépeints comme un peu stupides et pas très dégourdis. Même au sein des populations moïsiennes, les nuances et les différences peuvent se transformer en défiance. Pensant qu'illes n'étaient pas concernés, les turcophones krymtchaks[42] restent dans un premier temps de marbre face à la déportation massive par les hitléristes des yiddishophones[80] qui colonisent la Crimée, avant d'être elleux-mêmes déportés. Parce qu'illes sont exemptés du label "Juif", des karaïtes[53] n'hésitent pas à fournir de faux "certificats de karaïsme" afin d'éviter à d'autres la déportation ou la mort. La tâche est rendue complexe pour les hitléristes qui ne peuvent se fier uniquement à leur seule intelligence binaire comme l'illustrent très bien les propos rapportés par l'historien du Limousin et des bons mots, Pierre Desproges : "Naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochus. Et la bite à col roulé. Mais maintenant [...] c'est pas évident de reconnaître du premier coup d'œil un petit enfant juif d'un petit enfant antisémite."[94] À ces préjugés qui traversent les différentes communautés culturelles, linguistiques et religieuses, viennent s'ajouter l'héritage des conflits territoriaux ou de propriété dans les régions où des déplacements de populations eurent lieu. Au gré des politiques, les biens et les terrains appartenant à des personnes condamnées à la déportation sont redistribués à d'autres populations locales ou à des personnes elles-mêmes chassées de chez elles dans d'autres pays ou régions. Par exemple, les villages vidés des cosaques[41] dans le Caucase sont investis par des tchétchènes et des ingouches, et leurs territoires sont intégrés dans les républiques soviétiques autonomes de Tchétchénie et d'Ingouchie. Lorsque des meshkètes[73] tentent de rentrer en Géorgie après des décennies d'exil en Asie centrale, leurs maisons sont occupées par des arménophones géorgiens qui en sont les propriétaires. Situation similaire à celle des tatarophones de Crimée ou des allemands de la Dobrogée roumaine. La situation des hominines des différentes vagues d'échanges et de déplacements de population est souvent très difficile. Outre les conditions de départ, souvent dans la violence, les pays d'accueil ne sont pas toujours en mesure d'y faire face. Au cours du XIXème siècle, l'empire ottoman voit arriver sur son territoire plus d'un million d'hominines de différentes communautés mahométiennes fuyant l'avancée des armées russes dans le Caucase ou chassées des Balkans par les pays et royaumes christiens nouvellement indépendants de l'empire. Seulement une partie d'entre elleux se réinstallent dans leurs régions d'origine après la fin des guerres caucasiennes[95]. Dans les années 1920, les micrasiates et les autres populations christiennes sont installées dans les régions périphériques de Grèce où vivaient auparavant des populations turcophones mahométiennes ou des slavophones christiennes[96], ou bien dans les quartiers urbains les plus pauvres pour les migrations plus récentes[97]. Parfois, les populations réfugiées se structurent en tant que groupes distincts de la population majoritaire, gardant des pratiques linguistiques singulières ou des traditions spécifiques même quand illes en partagent les principaux traits culturels. La glottophobie[98] s'ajoute parfois aux autres formes de stigmatisations. Malgré les injonctions d'Israël à se plier aux pratiques religieuses moïsiennes majoritaires, les karaïtes parviennent à se faire accepter comme une composante sans avoir à reconnaître l'autorité des rabbins. En Grèce, environ 200000 pontiques pratiquent toujours leur langue grecque, incompréhensible pour les autres grécophones, alors que celle des micrasiates de Cappadoce a quasiment disparu. Cultiver ses différences est soit un choix identitaire qui vise à préserver quelque chose, soit le simple reflet d'une réalité sociale, de l'isolement qui maintient ces hominines au bas de l'échelle sociale, en marge. Quel que soit le pays d'accueil, les moyens mis en œuvre et les politiques appliquées ne sont jamais réellement suffisants pour absorber les vagues d'exil dans des conditions sociales acceptables qui permettent une bonne intégration. Les camps d'accueil temporaires durent trop longtemps, les relogements se font au goutte à goutte ou collectivement dans des quartiers "communautaires". La ségrégation spatiale et l'exclusion sociale perdurent de fait sur plusieurs générations. Le populicide s'estompe mais le populocide continue. Bien moins connues que les travaux de l'historien optimiste Demis Roussos qui déclame Forever and Ever[99], les paroles du psychanalyste dépressif Nikos Kazantzakis, inscrites sur sa pierre tombale, semblent être plus en prise avec la triste réalité de celleux qui sont les morts qui ont survécu.
Auto-psyHormis la Turquie, tous les pays actuels des rivages tchernomoriens ont appartenu jusque dans le début des années 1990 au Bloc de l'Est : l'Union de Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et ses alliés roumain et bulgare[101] qui se définissent comme communistes. Historiquement, les "politiques des nationalités" menées dans ces pays ne sont pas identiques malgré leurs proximités idéologiques. Héritière de l'empire russe tsariste, l'URSS est un vaste territoire peuplé d'une multitude de communautés linguistiques et culturelles. Les soviétiques favorisent le développement de certaines langues et cultures en les dotant d'un territoire, d'un alphabet et d'un système scolaire. Plus d'une centaine[102]. Des journaux et des livres sont imprimés dans ces langues. Les choix de telles ou telles ne sont pas motivés uniquement par des considérations linguistiques ou anthropologiques, la politique entre en jeu. Répandue dans les moindres recoins du territoire soviétique, la langue russe reste celle de la majorité et la russification est généralisée. À part quelques exceptions, les découpages administratifs soviétiques font qu'aucune des républiques ou des territoires autonomes n'est homogène et toutes ont une population russophone. Même petite. Et parfois majoritaire dans certaines régions. Avec l'éclatement de l'URSS, tous les pays qui lui succèdent possèdent maintenant une communauté russophone. En Roumanie et en Bulgarie, le choix d'un nationalisme inclusif est fait par les autorités. Pour se faire, la roumanisation et la bulgarisation de la toponymie sont imposées dans les régions où vivent des communautés germanophones, tatarophones ou autres. Dans les années 1980, les pomaks de Bulgarie doivent abandonner leurs prénoms mahométiens pour des bulgares. Afin de se justifier leurs démarches, les autorités de ces deux pays s'appuient sur l'anthropologie et l'histoire ancienne pour démontrer que les roumains et les bulgares, mâles et femelles, sont des peuples présents sur leurs territoires actuels dès les âges les plus anciens. Avec cette même fierté ridicule que les supporters de l'équipe de football de l'ancienne citée grecque de Marseille avec leur slogan "À jamais les premiers !" Ainsi les daces antiques deviennent les ancêtres des roumains actuels et l'origine des bulgares est à chercher du côté des thraces. Avec ce raisonnement, toutes les populations actuelles de Roumanie et de Bulgarie, si elles ne sont pas étrangères, sont finalement des daces ou des thraces slavisés, turquisés, mahométisés, christienisés, grecquisés, etc. La liste est sans fin. Bref, des roumains et des bulgares qui s'ignorent. La Grèce et la Turquie font la même chose. Fouiner dans le passé pour se justifier dans le présent. Ce que les spécialistes appellent protochronisme et définissent comme une "rétroprojection nationaliste". Par exemple, jusqu'à la seconde moitié du XVIIIème, le sarmatisme polonais fait des sarmates[8] du nord tchernomorien l'origine lointaine des populations polonaises actuelles. Jusqu'au ridicule. Comme l'Allemagne et ses guerriers germaniques, ou la France et ses intrépides gaulois.
Même illusoires, ces identités collectives ne sont pas sans effet sur la réalité. Que ce soit le nationalisme, la nation, l'ethnie ou la culture. Autour de la mer Noire, leur impact est tel que les demandes de reconnaissances de génocide se multiplient au fil des décennies. Après la Shoah des populations moïsiennes, reconnue internationalement, les associations roms, arméniennes, assyriennes et micrasiates militent aussi pour la reconnaissance de leurs massacres comme étant des génocides. Le Porajmos ou Samudaripen[104] des roms est en voie de l'être. La Grèce réclame que la Grande Catastrophe des micrasiates soit qualifiée comme tel. Mais la Turquie s'y refuse au prétexte que l'échange de populations est lié à un accord international et que des turcophones aussi furent expulsés de Grèce, oubliant de comptabiliser les massacres des micrasiates en Anatolie. Pour les populations arméniennes et assyriennes, la Turquie refuse avec obstination de qualifier leurs massacres de génocides. Cette question soulève des soubresauts diplomatiques entre la Turquie et tout nouveau pays qui reconnaît le génocide arménien ou le Sayfo assyrien[105]. Les raisons invoquées par la Turquie sont toujours alambiquées. La principale étant que ces faits ne sont pas de sa responsabilité car ils se passent sous l'empire ottoman, qui n'est pas encore la Turquie. Un peu comme la France et le régime de Vichy qui n'est provisoirement plus la France. En Russie et en Turquie, de nombreuses associations circassiennes réclament que les massacres et les déportations de 1864 des populations du nord Caucase soient labellisés génocide. Cette reconnaissance ne concerne pas les seules populations circassiennes — adyguéennes, tcherkesses et kabardes — mais aussi d'autres qui furent contraintes de fuir le Caucase, ingouches, tchétchènes, abkhazes, oubykhs ou abazas. Illes sont des muhadjirs, les hominines qui se réfugient dans l'empire ottoman. Les tatars de Crimée demandent que la déportation de 240000 d'entre elleux et la mort de la moitié lors du voyage soit aussi actées comme un génocide, sous le nom de Sürgünlik "exil". De manière générale, les reconnaissances internationales de ces génocides se font au compte-goutte et, même plus d'un siècle après certains d'entre eux, nombre de pays, pour des raisons de diplomatie ou de politique intérieure, sont encore réticents à le faire. La catégorisation systématique des hominines selon leurs langues ou leurs cultures crée des prisons identitaires dans lesquelles chaque hominine, mâle ou femelle, adulte ou enfant, se trouve enfermé à vie. Même si cela n'a aucun lien avec sa réalité sociale, ses pratiques linguistiques réelles ou sa croyance ou non dans des mythologies religieuses. Il est par exemple possible pour une personne d'être cataloguée "pontique" en URSS, c'est à dire grécophone christienne, parce que ses ancêtres pontiques ont fuit l'Anatolie dans les années 1920, alors qu'elle est exclusivement russophone et athée, mariée avec une arménienne mahométienne[72]. Ou d'être étiquetée "tatar de Crimée" tout en étant née en Asie centrale, ne parlant que les langues locales et dont les enfants sont exclusivement russophones. Etc. L'endogamie n'est pas une règle et les "unions mixtes" sont courantes, mais l'étiquetage ne s'efface pas même après plusieurs générations. Cela peut avoir un avantage dans le cas de graves crises politiques ou de déplacements de populations. "Pontique" permet d'obtenir un "droit au retour" garanti par la Grèce et la nationalité immédiate, contrairement à une personne immigrée dans ce pays et sa descendance parlant la langue. Idem pour Israël qui accueille sur son sol des populations russes, ukrainiennes ou roumaines au nom de sa loi du retour réservée aux adeptes de Moïse du monde entier, sans pour autant accorder un quelconque intérêt aux populations palestiniennes chassées d'Israël et réfugiées dans les pays alentour depuis plusieurs décennies. La Turquie reçoit les muhadjirs qui fuient le Caucase et les Balkans mais pourchasse ses propres populations kurdes, renommées "turques des montagnes". L'humanisme nationaliste a ses limites. Avec des argumentaires qui leur sont propres, aucun pays n'hésite réellement à faire à l'autre ce qu'il n'accepterait pas qu'on lui fasse, et aucune communauté ne renonce à faire à une autre ce qu'elle n'aimerait pas elle-même subir ou qu'elle a déjà subi. À part pour les mythologies nationalistes qui tentent de les récupérer, il n'existe pas à proprement parlé de mouvements populaires passés basés sur des revendications essentiellement identitaires mais plutôt sur des conflictualités sociales. Au mieux, les aspects identitaires sont un vernis à une situation sociale, au pire, ils sont des leviers utilisés par des groupes politiques ou des "bourgeoisies nationales" pour parvenir à leurs fins. La différence principale entre le nationalisme et la libération nationale est que l'une renforce le pouvoir politique et économique de celleux qui le détiennent, alors que l'autre est une tentative de restauration ou d'instauration d'un pouvoir politique et économique qui est en demande de reconnaissance. Dans les deux cas, le sort des populations n'est qu'une variable dans la course au pouvoir. Récupérer des champs de ruines après une bataille est considéré comme une victoire. Pour schématiser, le nationalisme induit populocide et populicide alors que la lutte de libération nationale est essentiellement populocide[106]. Outre l'exclusion sociale qu'il engendre, le désavantage principal de cet étiquetage trans-générationnel est le risque qu'il expose chaque hominine à une répression communautaire ciblée. Quels que soient les choix individuels, les germanophones de Dobrogée roumaine sont collectivement punis pour les crimes de quelques hominines. Des anti-hitléristes subissent le même sort que leurs ennemis au prétexte d'être aussi "allemands". Les hitléristes désignent eux-mêmes qui doit recevoir l'étiquette "juif", même lorsque les personnes concernées ne s'en revendiquent pas, n'ont aucune connaissance des mythologies moïsiennes, aucune croyance en elles, ou simplement ignorent tout de cet hypothétique lien. Lorsqu'elles ne parlent plus yiddish[80] mais russe ou moldave. Avoir l'une de ses seize trisaïeules née en Pologne dans une famille moïsienne et yiddishophone dont l'enfant est adopté secrètement par le beau-frère christien de la petite cousine d'un artiste tatar de Crimée, mahométien et russophone, fait de n'importe qui un "juif" selon la pensée complexe élaborée par les généalogistes hitléristes. Comme lors des procès en sorcellerie d’antan, le nier avec acharnement, jusqu'à la mort, est évidemment une preuve supplémentaire de la réalité des choses. Les quinze autres trisaïeules et leur descendance ne sont d'aucun secours. Les hitléristes ne pourchassent pas celleux qui se disent moïsiens mais celleux qu'ils désignent comme tel, la nuance est énorme. S'il y a de l'horreur et de l'incompréhension dans les yeux de celleux qui sont pourchassés pour ce qu'illes sont, il y a un grand désespoir et un immense vide pour celleux qui le sont pour ce qu'illes ne sont pas.
Dissection géopolitiqueAllongés sur un divan rouge sang, les nationalismes de Tchernomorie font le bilan des trois derniers siècles qui viennent de s'écouler et lors desquels le sang a beaucoup coulé. Un gigantesque gâchis selon les principales banques de sang, les chauve-souris et autres vampires qui n'ont pas su profiter de la situation comme ont pu le faire d'autres suceurs de sang. Pas plus que les fabricants de boudins, d'ailleurs. Les guerres, les déplacements de population et leurs massacres ont dessiné les frontières des États tchernomoriens actuels et modelé leurs géographies hominines. Dans chacun d'eux, des associations culturelles ou des organisations politiques ont émergé parmi des communautés minoritaires. Certains pays ont accordé des droits culturels ou politiques, là où d'autres y rechignent. Voire les pourchassent. Pour ceux qui octroient des droits, aucun n'a opté pour des politiques identitaires où les "origines ethniques" sont indiquées sur les cartes d'identité ou les passeports. Personne ne le réclame. Il s'agit souvent à minima de la possibilité de s'auto-désigner suivant une langue ou une culture, et de pouvoir s'organiser en tant que tel dans un cadre institutionnel et légal, associations, partis ou amicales. Seule la Grèce opte en 1993 pour mentionner la religion sur la carte d'identité avant de revenir sur cette décision en 2000[108]. Les recensements revêtent un caractère particulièrement important et périlleux. Selon les hominines, la case "Ethnie" ne correspond pas nécessairement à la case "Langue". La plupart des hominines appartenant aux minorités sont bilingues. Même s'ils n'ont pas de contacts terrestres entre-eux, des pays qui bordent la mer Noire ont des frontières communes grâce aux zones maritimes qui découpent la mer en zones d'influence. Ainsi la Turquie a une frontière, au large, avec la Roumanie, l'Ukraine et la Russie. Elle est la seule à en avoir une avec tous les autres pays de la mer Noire. Le rattachement de la Crimée et de ses eaux territoriales à la Russie coupe depuis 2014 l'Ukraine de sa frontière maritime avec la Turquie. L'intérêt pour chaque pays n'est pas de profiter au mieux des ressources en poisson qui n'existent plus mais de s'assurer le contrôle d'hypothétiques ressources en gaz ou autres hydrocarbures qui ne demandent qu'à être découvertes et exploitées. La mer d'Azov est riche en gaz. Mais aussi de se faire des routes commerciales sûres pour exporter du gaz, du pétrole ou des céréales ou importer des marchandises diverses. Le mer Noire est la porte vers la mer Méditerranée. Le transport maritime permet de déplacer d'énormes quantités bien plus rapidement et plus aisément que l'utilisation du réseau routier. Environ 150 navires commerciaux traversent le détroit du Bosphore tous les jours, soit plus de 50000 par an, dont plus de 6000 sont des pétroliers. Le libre passage par le Bosphore est garanti par la Turquie et des accords internationaux. En cas de guerre, l'accès peut être restreint par la Turquie aux seuls navires civils. Les fonds marins sont aussi un lieu de passage. Un gazoduc est inauguré en 2005 entre la Russie et le nord-est de la Turquie. Si le projet de gazoduc South Stream devant relier la Russie à l'Europe occidentale a été abandonné en 2014, celui reliant la Thrace turque a été inauguré en 2020. Le projet est d'alimenter en gaz quelques pays d'Europe balkanique, via la Grèce, la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie. La nouvelle recette de la macédoine de Tchernomorie est maintenant disponible. Selon la protivophilie, le haïku inédit[109] du juvénile poète Soso[70] illustre l'évidente catastrophe passée, présente et à venir, lui qui sera sous le sobriquet de Staline le principal artisan du remodelage du nord de la mer Noire. La démographie de guerre, la problématique de l'eau et la linguistique de rien s'y entrecroisent. L’intersectionnalité est toujours un outil puissant pour les Post-Nothing Studies, spécialisées dans ce qui rime à rien.
D'après le recensement ethnolinguistique de 2011[110], selon les auto-dénominations des personnes interrogées, sur un peu moins de 7 millions d'hominines à vivre en Bulgarie, 85% parlent bulgare, 9% turc de Bulgarie[111] et 5% rom. Dans le petit pourcent restant, 10000 personnes se déclarent russes, 6500 arméniennes, 3600 valaques[112], 2500 Saracatsanes[113], 1800 ukrainiennes, 1600 macédoniennes, 1400 grecques, 1200 moïsiennes et 900 roumaines. Estimés à quelques milliers d'hominines, les tatars criméens de Bulgarie ne sont plus recensés. Idem pour les gagaouzes[44] qui ne sont que quelques dizaines. La catégorie "bulgare" contient environ 70000 pomaks[60]. La catégorie "turc de Bulgarie" englobe parfois les pomaks et les gagaouzes[114]. Les pomaks vivent dans le sud de la Bulgarie, à cheval sur la frontière grecque, alors que les turcs de Bulgarie sont dans le nord-est, proche de la Roumanie. La plupart des petites communautés sont aussi situées dans le nord-est, près des côtes de la mer Noire, dans la Dobrogée du sud que la Bulgarie et la Roumanie se sont disputées. Elles sont les vestiges des derniers échanges de population entre les deux pays en 1940. La Bulgarie expulse alors plus de 100000 hominines des communautés roumaines, aroumaines[115] et mégléno-roumains[116] vers le nord de la Dobrogée et la Roumanie un peu plus de 60000 bulgares vers le sud. Le bulgare est la langue officielle et 9 autres langues sont présentes dans le pays sans avoir de statut particulier. Environ 300000 turcophones sont expulsés en 1989 vers la Turquie, dont seulement la moitié reviendra quelques années plus tard. Avec l'échec dans le milieu des années 1980 d'un petit groupe armé clandestin[117], qui est démembré après plusieurs actions, apparaît en 1990 le Mouvement pour les droits et les libertés qui se propose de défendre les intérêts de la communauté turque bulgare. À l'issue des élections législatives de 2021, ce mouvement dispose de 34 sièges sur les 240 du parlement. D'autres mouvements turcs bulgares plus petits existent mais aucun n'a d'élus. La Bulgarie n'a aucun litige frontalier avec les pays qui la bordent. Il existe un contentieux avec la Macédoine du Nord et la Bulgarie qui lui dénie le droit à être autre chose que bulgare, par la langue, la culture et l'histoire. Les mêmes critiques que formule la Roumanie à la Moldavie. Vu de Bulgarie, le macédonien n'est qu'une variante occidentale du bulgare. Une grande partie de la frontière nord avec la Roumanie s'étend le long du Danube sur 470 kilomètres. La côte tchernomorienne bulgare est longue de 354 kilomètres.
Rendue célèbre en 1997 par le président étasunien Bill Clinton qui confond un drapeau avec ce qu'il pense être un poncho tricolore[118], la Roumanie abrite un peu plus de 20 millions d'hominines. Lors du recensement de 2011[119], plus de 85% se déclarent roumains, 6% hongrois[120] et 1,2% roms. Plus de 6% ne mentionne aucune appartenance ethnolinguistique. Le reste se répartie entre 17 communautés. Les populations hongroises se situent essentiellement dans le centre du pays, en Transylvanie, et à l'ouest. Beaucoup des slavophones sont présents dans l'ouest de la Roumanie alors que les ukrainiens et les russophones le sont dans l'est et le nord, dans les régions proches de l'Ukraine et de la mer Noire. En 2011, les ukrainiens sont 48000 et les russes 18000. Avec une population de 25000 hominines, les allemands de Roumanie[47] sont la cinquième plus grande communauté et représente 0,13% de la population roumaine. En Dobrogée, le millier d'ukrainiens sont en grande partie la descendance de cosaques zaporogues[41] et les russes sont des lipovènes[50]. Les aroumains hésitent à se différencier des roumains[121]. Les autres communautés dobrogéennes sont, par ordre décroissant, turques, tatares et grecques, respectivement 22500, 19700 et 1500 hominines. Mâles et femelles. Un tiers des grecs sont d'origine pontique. Le qualificatif "tatar" inclue les tatars de Crimée et les nogaïs[48]. Le droit roumain reconnaît 20 communautés ethnolinguistiques[122] auxquelles une représentation parlementaire est accordée à partir d'un certain pourcentage obtenu aux élections, avec un siège obligatoire au minimum quel que soit le résultat. Toutes ces communautés sont représentées par des associations ou des partis politiques. Les tatars et les turcs se sont parfois alliés au sein d'un même parti, mais deux mouvements distincts les représentent maintenant. Les auto-désignations ethniques ne correspondent pas nécessairement avec les pratiques linguistiques. Environ 85% des personnes se déclarant turques de Roumanie ont le turc en langue maternelle et 14% le roumain. Beaucoup d'hominines de petites communautés linguistiques sont bilingues. La Roumanie a un différend avec la Moldavie auprès de qui elle insiste pour qu'elle fasse enfin le choix entre moldave et roumain pour appeler sa langue officielle, et qu'elle assume sa roumanité. Jusqu'à se fondre en elle pour les plus nationalistes. Le seul litige territoriale de la Roumanie est celui avec l'Ukraine sur 6 îles fluviales du Danube, une dans le delta et l'île des Serpents dans la mer Noire. En 2009, une cour de Justice internationale attribue 5 des îles fluviales et l'île des Serpents (0,17 km2) à l'Ukraine. Ce différend entre l'Ukraine et la Roumanie autour de l'île des Serpents est lié à la présence de pétrole. L'Ukraine accorde des concessions offshores. Le contentieux restant est celui concernant l'îlot fluvial de Maican (0,18 km2) et de l’îlot Limba dans le delta du Danube. Le rivage tchernomorien s'étend sur 245 kilomètres.
Au recensement de 2014, la Moldavie compte presque 3 millions d'hominines. Mâles et femelles. Selon les personnes interrogées, 75.1% se disent moldaves, 7% roumaines, 6,6% ukrainiennes, 4,6% gagaouzes, 4,1% russes, 1,9% bulgares et 0,3% roms, et 54,6% affirment parler moldave, 24% roumain, 14,5% russe, 2,7% ukrainien, 2,7% gagaouze et 1,7% bulgare. Les populations roumaines et moldave sont sur tout le territoire de la Moldavie, les russes et les ukrainiens forment de petit îlots dans tous le pays, beaucoup au nord et à l'est. Les gagaouzes et les bulgares sont présents au sud. Dans la région de Gagaouzie[44], sur une population de 160000 hominines, seulement un tiers pratique le gagaouze, les autres utilisent le russe au quotidien et non le moldave. La chute de l'URSS et l'indépendance de la Moldavie incite celle-ci à se rapprocher de la Roumanie, en réponse la Gagaouzie menace de se proclamer elle-même république indépendante. Finalement un statut d'autonomie interne est conclu en 1994 sous le nom d'Unité territoriale autonome de Gagaouzie, quatre territoires non contigus dans le sud de la Moldavie. En 1991, la région industrielle russophone et ukrainophone de l'est du Dniestr refuse le projet d'autonomie et proclame son indépendance sous le nom de Pridniestrie. La Moldavie n'a pas d'accès simple à la mer Noire. Ces frontières lui permettent un accès de 340 mètres de long au Danube, au croisement de la Roumanie, l'Ukraine et la Moldavie, et son point le plus proche de la mer Noire est à 850 mètres du liman du Dniestr qui se déverse dans cette mer.
La superficie de la Pridniestrie est d'environ 4160 km2 — soit approximativement celle de l'ancien comté de Nice — et elle s'étend sur une longue bande d'une dizaine de kilomètres au plus large et d'une centaine de long, en suivant le cours du Dniestr. De rares territoires demeurés moldaves sont situés sur la rive est du fleuve, et la Pridniestrie administre quelques zones de la rive ouest. Le recensement de 2004 dénombre un peu plus de 500000 hominines mâles et femelles se répartissant en trois principales communautés linguistiques — par ordre décroissant, moldave, russe et ukrainienne. Chacune représentant environ un tiers de la population. Environ 2% de la population se déclare de langue polonaise, à l'extrême-nord de la Pridniestrie, 1,5% gagaouzes et quelques autres biélorusses ou juifs. En 2015, la population d'hominines a chuté de plus de 14%. Les russophones sont dorénavant les plus nombreux devant les moldavophones et les ukrainophones, respectivement 29,1%, 28,6% et 22,9%. Si un petit pourcentage continue à se déclarer bulgare, gagaouze ou biélorusse, la mention d'une appartenance pridniestrienne apparaît pour la première fois. Un peu plus de 1000 hominines se définissent comme tel. Plus de 14% de la population ne se reconnaît dans aucune de ces affiliations ethnolinguistiques. Depuis l'indépendance du pays, la population moldave a fortement diminué, passant de 240000 en 1989 à 137000 en 2015. Bien que le russe, l'ukrainien et le moldave soient les trois langues officielles de la Pridniestrie, le moldave, écrit en cyrillique contrairement à la Moldavie, ne bénéficie pas des mêmes encouragements de l’État et son enseignement s'organise de manière autonome. La Pridniestrie n'est reconnu par aucun autre État dans le monde. Seul l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud et le Haut-Karabagh — eux-mêmes non reconnus internationalement — l'ont officiellement reconnu. La Russie se dit favorable à une fédération moldave entre les deux rives du Dniestr. L'armée pridniestrienne est forte d'environ 7000 militaires auxquels s'ajoutent 1500 militaires russes. La présence de l'armée russe est l'héritage d'un passé soviétique où la 14ème Armée de la Garde veillait sur les entrepôts d'armes et qui depuis, après une aide aux indépendantistes de Pridniestrie lors de la guerre avec la Moldavie, s'est officiellement transformée en force de maintien de la paix en 1995. La Pridniestrie n'a aucun accès direct à la mer Noire. La partie sud du fleuve Dniestr reste sous le contrôle de la Moldavie, tout comme le Turunchuk, sa branche orientale qui rejoint le Dniestr avant de se jeter dans la mer Noire, demeure en territoire ukrainien.
Le dernier recensement en date, celui de 2001, décompte en Ukraine plus de 48 millions d'hominines, mâles et femelles. Plus de 67% se déclarent de langue ukrainienne et 29% de langue russe. La première est présente à l'ouest et au centre du pays et la seconde à l'est et au sud. Il n'existe pas de frontière nette entre les deux zones linguistiques. Les proportions entre les deux sont différentes selon les régions. Le russe est majoritaire uniquement dans les régions de Luhansk et de Donetsk, et en Crimée. Dans le nord et le centre de l'Ukraine, une langue mixte, le sourjyk[124], est parlée par environ 15 à 25% de la population. La plupart des minorités recensées se concentrent dans le sud du pays, en Crimée et surtout dans le Boudjak, entre les deltas du Dniestr et du Danube, zone qui sépare la Moldavie de la mer Noire. Les tatars de Crimée sont la plus importante avec 240000 hominines. Sur la péninsule, vivent aussi les minuscules communautés moïsiennes d'hominines se déclarant krymtchaks[42] et karaïtes[53], respectivement 400 et 96. Les christiennes urums[43] de la mer d'Azov et les grecques de la région de Marioupol sont fortes chacune de plus de 90000 hominines. Le Boudjak et la région d'Odessa regroupent la plupart des autres minorités linguistiques, par ordre décroissant, moldave, hongroise, roumaine, bulgare, biélorusse, arménienne, gagaouze, rom et polonaise. Et quelques autres encore. Telle la communauté koryo-saram[125] qui regroupe la descendance d'hominines originaires de Corée et dont la langue coréenne est encore parlée au quotidien en 2001 par 18% des quelques 12700 hominines. Les autres sont russophones à 76% et ukrainophones à 6%. À noter l'exotisme de la communauté d'une centaine d'hominines du village ukrainien de Gammalsvenskby, dont un dizaine parlent encore un ancien dialecte suédois de l'île lituanienne de Dagö ![126] Aucun recensement depuis 2001. Seulement quelques approximations. L'Ukraine reconnaît légalement presque une vingtaine de minorités, elle fait de l'ukrainien la langue de l’État et permet localement aux autres langues de s'exprimer. Plus de deux millions d'hominines accèdent à l'éducation dans leur propre langue[127]. Dans le début des années 2010, les débats autour de la place du russe face à l'ukrainien et les divergences politiques entre les pro-russes et les pro-européens cristallisent le jeu politique ukrainien. En février 2014, le parlement local de Crimée proclame l'indépendance d'une République de Crimée qui demande ensuite son rattachement à la Russie. Dans l'est de l'Ukraine, des combats opposent l'armée nationale et des groupes armés qui réclament l'indépendance des régions russophones du Donbass[128]. La République populaire de Donetsk et celle de Lougansk sont proclamées en avril 2014. La Russie justifie la présence de ses militaires auprès des groupes armés et son annexion de la Crimée en prétextant de la politique répressive contre les russophones. Elle agite les cadavres des pro-russes tués lors d'affrontements à Odessa le 2 mai 2014 et de la trentaine qui ont péri lors de l'incendie accidentel de la Maison des syndicats qui s'en est suivi[129]. Les nouvelles lois de 2019 consacrent l'ukrainien comme unique langue de l’État et de son administration, et proposent un statut de langues minoritaires aux autres communautés linguistiques qui ne peuvent plus prétendre à une utilisation dans tous les aspects de leur vie. Après des années d'une guerre larvée entre l'Ukraine et les forces armées du Donbass, et dans un contexte de rapprochement militaire et politique entre l'Ukraine et les principaux pays occidentaux, la Russie reconnaît officiellement l'indépendance des deux républiques de l'est de l'Ukraine le 21 février 2022.
Même si le russe est la langue officielle de l’État et la plus répandue parmi la population, la fédération de Russie reconnaît 35 langues officielles parlées dans ses différentes républiques et régions autonomes. Chacun de ces territoires établit une liste de langues locales auxquelles des droits d'usage et de transmission sont garantis. Plus d'une centaine sur l'ensemble du territoire russe. Le District Fédéral du sud est la région administrative qui met en contact la Russie avec la mer Noire, particulièrement la sous-région de Rostov qui rejoint la mer d'Azov au niveau du delta du Don et celle de Krasnodar qui s'étend sur les rives de la mer Noire, de la mer d'Azov à l'Abkhazie. Depuis son rattachement à la Russie en 2014, la péninsule de Crimée est une nouvelle composante de ce district fédéral méridional[130]. Dans les régions de Rostov et de Krasnodar, la langue russe est celle de 90% de la population d'hominines. Malgré son histoire de conquêtes militaires, de colonisation et de déplacements de population, les rivages tchernomoriens russes sont encore une petite macédoine. Lors du recensement de 2010 à Rostov, 157 appartenances différentes sont indiquées par la population, dont seulement 27 dépassent les 2000 hominines. La communauté arménienne est la seconde en nombre, suivie de l'ukrainienne, qui regroupent respectivement 400000 et 160000 hominines, mâles et femelles, à Rostov et Krasnodar. La rubrique arménienne comptabilise ensemble les hominines qui se disent descendre des populations installées dans la région à partir du XIVème siècle, les tcherkessogaïs[131], largement majoritaires, et celles arrivées au cours des siècles suivants avec la conquête russe ou ayant fuit l'Anatolie au début du XXème siècle. La rubrique ukrainienne dissimule en partie les populations d'origine cosaque[41]. Toutes les autres communautés représentent chacune moins de 1% de la population des deux sous-régions. Outre les langues bénéficiant d'un territoire ou d'un statut, tel le romani, le tatar, l'adyguéen[54] ou le tchétchène, ou celles reconnues dans d'autres pays, tel le géorgien, l'azéri ou le moldave, il existe de très petites communautés, vestiges des péripéties du pourtour tchernomorien. Quelques milliers d'urums[43], environ 5500 assyriens[56] et 20000 pontiques du Caucase, par exemple. Un peu plus de 10000 koryo-sarams[125] dans la région de Rostov. Pour le recensement de 2010, un peu moins de 2% des hominines se déclarent sans aucune appartenance communautaire spécifique. La frontière entre l'Ukraine et la Russie est celle entre les régions du Donbass et de Rostov. L'armée russe aide plus ou moins directement les groupes armés ukrainiens qui réclament depuis 2014 l'indépendance du bassin minier du Donbass au prétexte de la sauvegarde des hominines de cette région russophone. Pour contrecarrer l'isolement géographique de la Crimée, la Russie construit en 2018 un pont de 19 kilomètres au-dessus du détroit de Kertch — qui sépare les mers d'Azov et Noire — pour relier la péninsule criméenne à la région de Krasnodar. La Crimée ajoute presque 800 kilomètres de littoral au territoire de la Russie, dont plus de 200 sur la mer d'Azov
Avant son indépendance la Géorgie est peuplée de 5,4 millions d'hominines, mâles et femelles, dont 70% parlent la langue géorgienne selon le recensement de 1989. Les communautés arméniennes, russes et azéries représentent respectivement 8%, 6,3% et 5,7% de la population. L'Abkhazie, l'Adjarie et l'Ossétie du sud sont trois provinces autonomes géorgiennes. Les langues abkhaze et ossète sont officiellement reconnues. En 1989, près de 165000 hominines se déclarent ossètes et 95000 abkhazes. Après l'indépendance de la Géorgie en 1991, les provinces autonomes font sécession et demandent leur rattachement à la Russie après de courtes guerres[132]. Devant le refus russe, elles proclament leurs propres indépendances. L'Adjarie se contente de son statut d'autonomie. La guerre en 1998 avec l'Abkhazie chasse plus de 200000 géorgiens mâles et femelles de la région. Lors du recensement de 2002, le géorgien représente plus de 83% des quelques 4,3 millions d'hominines que compte alors la Géorgie. L'Abkhazie et l'Ossétie du sud[133] ne sont pas incluses dans ce recensement, mais il reste plus de 38000 ossètes et 3500 abkhazes, représentant dorénavant 0,9% et 0,1% de la population géorgienne. Toutes les communautés restantes subissent une nette diminution de leur population d'hominines. Parmi les plus touchées, la russe, l'ukrainienne et la pontique caucasienne[134] perdent entre 70 et 80% de leurs populations, l'arménienne, la kurde[135] et l'assyrienne près de la moitié. La communauté moïsienne, dont beaucoup parlent le judéo-géorgien[136], se délite et près de 90% de ses membres quittent le pays, majoritairement en direction d'Israël. Le constat général est le même lors du recensement de 2014. En 2015, le géorgien est officiellement promulgué langue officielle et des droits restreints sont octroyés aux langues minoritaires. Aucune n'est mentionnée explicitement alors que pour leur lien avec le géorgien, les langues kartvéliennes — svane[137], mingrélien[138] et laze[46] — sont promues langues régionales et les "variantes" régionales géorgiennes valorisées. L'apprentissage du géorgien est encouragé mais celui des autres langues ne bénéficie pas de réels moyens fournis par l’État. L'enseignement général se fait en géorgien et elles ne peuvent être utilisées dans l'administration ou l'enseignement, par exemple. La reconnaissance légale d'un dizaine de minorités caucasiennes en Géorgie n'implique pas leur mise en valeur. Les rivages tchernomoriens de la Géorgie actuelle sont les côtes de l'Adjarie, de la Gourie et du sud de la Mingrélie. Une centaine de kilomètres. La sécession de l'Abkhazie ampute la Géorgie de plus de 180 kilomètres de côtes sur la mer Noire.
En 1989, les abkhazes sont 1,8% de la population totale de la Géorgie et environ 17% dans la région autonome d'Abkhazie. La population géorgienne en représente plus de 43%. La russe et arménienne environ 14% chacune et un peu moins de 3% pour la grecque. Les afro-abkhazes ont disparu depuis plusieurs décennies maintenant. Après l'indépendance de l'Abkhazie en 1992 puis la guerre de 1998, la population a considérablement changé[139]. Lors du recensement de 2011, sur une population de 240000 hominines, mâles et femelles, les abkhazes sont plus de 50% contre un peu plus de 17% pour les géorgiens. Les arménophones hémichis[72] sont 17% et les russes 9%. À peine plus de 0,5% pour la population grecque. Les populations géorgiennes, essentiellement mingréliennes[138] et svanes[137], sont chassées lors des combats entre l'armée géorgienne et les groupes armés abkhazes. Plus de 200000 d'entre elleux. Selon la Géorgie, 2500 svanes vivent encore en Abkhazie. La communauté moïsienne a trouvé refuge en Israël, et en 2009, seulement 150 hominines, d'âge avancé, vivent encore en Abkhazie. La Russie a reconnu officiellement en 2008 l'indépendance de l'Abkhazie et y maintient depuis une force armée de presque 2000 militaires, chargée de la paix. Seuls le Nicaragua, le Venezuela, Nauru[140] et la Syrie ont aussi reconnu le nouvel État. L'Abkhazie s'étend sur plus de 180 kilomètres le long de la mer Noire, avec pour frontière nord et ouest la province russe de Krasnodar et au sud-est la province géorgienne de Mingrélie.
Cousine anatolienne de la France, la république de Turquie est obsédée par sa langue officielle et met tout en œuvre pour faire disparaître les autres. Le turc est l'unique langue ayant le droit d'être pratiquée par les hominines de ce pays, et faire autrement est considéré comme une atteinte aux fondements mêmes de la république. La turquisation se veut totale. Au-delà même de droits, l'existence d'autres communautés linguistiques est niée. Les populations kurdophones par exemple sont parfois désignées comme "turques des montagne". Affirmer le contraire ou revendiquer une reconnaissance peuvent mener à la prison, voire à la mort. Dans le sud-est de l'Anatolie, la présence de groupes armés kurdes depuis les années 1980 et les soulèvements populaires sporadiques sont prétextes à maintenir la chape de plomb de la langue turque. Le contrôle militaire de la population et la répression sont les seules réponses données par l’État turc aux revendications sociales, linguistiques et culturelles. L'absence de reconnaissance par la Turquie des génocides du début du XXème siècle n'incite pas les populations arménophones ou pontiques[141] qui vivent discrètement sur les rives de la mer Noire à sortir de leur anonymat[62]. La question des adoptions d'enfants ayant survécu aux meurtres massifs de leurs parents reste encore en 2022 un sujet tabou. Derrière ce semblant d'uniformité se cache aussi de nombreuses communautés linguistiques, héritières des populations échangées ou chassées d'Europe et qui ont trouvé refuge dans l'empire ottoman puis la Turquie. Comme les circassiennes ou les tatares. Il n'existe pas de recensement, seulement des relevés partiels et des estimations. Les langues autres que le turc se pratiquent dans le quotidien des hominines. Hormis dans les régions kurdophones, la plupart des hominines sont bilingues. Les langues ou les cultures qui ne se pas pourchassées et sont en net déclin sont folklorisées. Comme les auvergnats en France avec les bars parisiens, les danses folkloriques et les dictons xénophobes contre elleux, les lazes ont la réputation d'être les bateliers de la mer Noire et leur musique[142] est à la hauteur des rires déclenchés par les blagues sur les elleux ! Michel Leeb aurait pu y faire carrière dans sa jeunesse. Les côtes tchernomoriennes turques sont longues de plus de 1200 kilomètres, dont environ 150 en Thrace, la partie européenne de la Turquie.
La plus grande partie de la Thrace étant turque, la Grèce n'a pas de côtes sur la mer Noire mais l'histoire de ses populations d'hominines actuelles est fortement imprégnée du pourtour tchernomorien. Des pontiques et autres micrasiates d'Anatolie puis des soviétiques de la communauté grecque ont trouvé refuge en Grèce en vertu d'une "loi sur le retour". Plus récemment, illes arrivent de Russie, d'Ukraine ou de Géorgie. L'intégration économique et sociale de ces flux d'hominines n'est pas à la hauteur des exigences, ni des promesses. Hormis le pontique qui reste utilisé, la plupart des langues grecques d'Anatolie ou celles des communautés christiennes chassées de cette région, le cappadocien et le karamanli[59] par exemple, ont pratiquement disparu avec la normalisation des pratiques linguistiques induite par la scolarisation ou la stigmatisation sociale. Les régions où sont installées les populations réfugiées sont bien souvent celles où vivent les minorités linguistiques slaves, macédoniennes au nord-ouest et bulgares au nord-est. Environ 150000 roumanophones — aroumaines[115] et mégléno-roumaines[116] — vivent aussi dans le nord. Elles sont toutes essentiellement christiennes, à l'exception des 3000 slaves torbèches et des 2000 roumanophones moglénites, adeptes des mythologies mahométiennes. Parmi les mahométiennes, les 50000 pomaques bulgarophones[60][143] et les 100000 turcophones de Thrace occidentale. Plus de 140000 hominines, mâles et femelles, ayant reçu l'estampille romani sont présentes sur tout le territoire grec. Une petite partie est mahométienne. Environ 20000 arménophones vivent aussi en Grèce de manière éparpillée. Des populations albanophones[144] habitent dans le nord-ouest et dans le sud de la Grèce. Les premières, mahométiennes, parlent le tosque alors que les secondes, christiennes, ont presque entièrement abandonné l'arvanitique et sont largement devenues grécophones. Parmi les communautés moïsiennes, conséquence des massacres des hitléristes et leurs suppôts, il ne reste que quelques milliers de romaniotes[145] et un petit millier de ladinos[146]. De rite mahométien et de croyance moïsienne, les dönmes ont échappé aux persécutions. Illes sont un peu moins de 2000 aujourd'hui. La Grèce abrite une quinzaine de minorités. Environ 700000 hominines de nationalité grecque auraient une autre langue que le grec standard ou l'une de ses variantes régionales. Tous ces chiffres sont des estimations car la Grèce ne dispose pas de données officielles à ce sujet depuis plusieurs décennies. La tendance générale semble être une extension de la pratique de la langue officielle au détriment des autres. La Grèce et la Turquie ont des différends frontaliers sur quelques îles de la Méditerranée orientale et se partagent l'île de Chypre[147]. La Grèce a aussi un contentieux avec la Macédoine du Nord à qui elle conteste le droit de s'appeler ainsi car, selon elle, ce nom renvoie à son antique passé iskandarien[32]. Au top, si...En Europe, le dernier nettoyage ethnique en date est celui qui déchire l'ex-Yougoslavie entre 1991 et 1995. Cette guerre de territoires entre la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et la Croatie fait plusieurs centaines de milliers de morts et de blessés, mâles et femelles, et plus d'un million de personnes déplacées. En Bosnie, des découpages de frontières alambiqués sont mis en place pour délimiter les territoires de chacune des communautés. La dernière guerre sanglante est celle de la Russie en Tchétchénie d'août 1999 à février 2000 qui se solde par la mort de 12000 soldats russes et plus de 13000 combattants tchétchènes, et celle de 100000 à 300000 hominines parmi la population civile. Soit entre 10 et 25% de la population totale. Les envies d'indépendance sont écrasées dans le sang. Ensevelies sous des ruines. Hormis la courte guerre de douze jours en 2008 entre la Russie et la Géorgie à propos de l'Ossétie du sud, les pourtours tchernomoriens n'ont pas connu de conflit armé pendant plus d'une décennie. Ni de déplacements de population. Entamée en 2014, la guerre entre l'Ukraine et les groupes armés du Donbass[128], à l'est du pays, a fait (jusqu'en 2020) plus de 13000 morts et causé le déplacement de près de 1,5 millions d'hominines vers d'autres régions d'Ukraine ou vers la Russie. La reconnaissance des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk dans le Donbass par la Russie le 21 février 2022 est une nouvelle étape vers une extension du conflit à l'est de l'Ukraine. Et si la Russie envoyait son armée à l'assaut de l'Ukraine trois jours plus tard... Et si...
Déambulement riparienL'espace tchernomorien est un préalable à toute recherche contemporaine autour de F. Merdjanov. Sa courte et unique biographie connue, parue en 2017, indique sa présence "actuellement en apiculture sur les rives de la mer Noire"[150]. Dans ses travaux, la protivophilie a tenté à plusieurs reprises de nouer d'hypothétiques liens entre F. Merdjanov et la mer Noire. Les principales pistes explorées sont celles des raisons de son installation dans la région et l'apiculture sur les rivages tchernomoriens. En ce laissant porter par le sens du courant marin principal, ce déambulement riparien[151] a mené la protivophilie sur beaucoup de rivages à la recherche, même symbolique, de F. Merdjanov. Quels sont les liens qui lui font choisir un endroit plutôt qu'un autre pour se poser ? En partant de Nice, le chemin le plus court pour se rendre sur une des rives de la mer Noire est d'aller à Burgas en Bulgarie. Cette région est celle de naissance de Svetoslav Merdjanov, dans la petite ville de Karnobat, à une cinquantaine de kilomètres de la côte. Les enquêtes de terrain n'ont pu déterminer la place exacte, si il existe encore, du petit monument élevé après sa mort par souscription populaire selon certaines sources[152]. Pas sûr que F. Merdjanov ait prêté attention à l'origine turque de ce patronyme qui est le leur[153]. À la naissance de Svetoslav, la région est encore ottomane et une partie de sa population est turque, presque un siècle après, à celle de F. elle est bulgare et partiellement peuplée d'hominines d'origine turque. En s'éloignant des rivages bulgariens, vers le sud-est, la protivophilie se lance sur les traces de Diogène, né à Sinope sur la côte de l'actuelle Turquie, inspirateur de la philosophe cynique Hipparchia. Retourner tous les tonneaux de la ville pour voir si F. Merdjanov y habite comme Diogène le faisait est inutile car ce mode de vie ne semble pas très compatible avec l'apiculture. Même horizontale[154]. Plus à l'est, dans les régions du Caucase, la rencontre avec Zana n'a pas eu lieu. Celle qui fut capturée et prise pendant des années pour un yéti femelle est morte vers 1890. Un livre d'or du cimetière du petit village de Tkhina, en Abkhazie actuelle, où elle est enterrée pourrait fournir une trace d'un passage de F. Merdjanov pour lui rendre un inutile hommage. Idem avec les amazones. Pour cause de mauvais timing, ces farouches guerrières antiques qui n'existent pas ne sont pas venues. C'est peut-être cette "invisibilité faîte aux femmes" — les hominines femelles — qui a incité la protivophilie à étendre un peu son champ de recherche géographique jusqu'au corridor de Latchin, à l'autre bout du Caucase, aux confins de l'Arménie. Même si entre les révolutionnaires d'Arménie et de Macédoine existent des liens, des contacts et des échanges, pas de traces de Svetoslav. Ni de F. d'ailleurs. Aucune trace merdjanovienne. En remontant vers le nord, impossible de ne pas faire escale dans la ville de Rostov, au nord de la mer d'Azov, haut-lieu des artistes rienistes dans le début des années 1920. "Profitez de la visite, il y a rien à voir", selon l'office du tourisme. Ce probable voyage explique-t-il que F. Merdjanov connaisse le systema, un art martial développé par l'armée soviétique et très peu répandu ? La question est largement débattue au sein de la communauté protivophile. La discussion est aussi toujours ouverte au sujet de savoir si F. Merdjanov connaît l'existence de l'anarchiste Germaine Berton parce qu'elle tue un dirigeant royaliste en janvier 1923 et est acquittée en décembre, ou grâce au soutien qu'elle a apporté aux mutineries en avril 1919 de marins français stationnés en mer Noire[155]. Rien ne le dit. Afin de pousser sa logique jusqu’au-boutiste, la protivophilie a aussi exploré les confins pridniestriens. Parce qu'elle est la région de naissance de l'anarchiste Samuel Schwartzbard[156], qui tue à Paris en 1926 le dirigeant politique ukrainien Symon Petlioura — pour sa responsabilité dans les massacres de moïsiens de 1919 — et, défendu par le même avocat que Germaine Berton, est acquitté en 1927, et celle de Mikhaïl Larionov[157] qui peint en 1912 son célèbre Saucisson et maquereau rayonnistes, il y a lieu de penser que la Pridniestrie n'est pas une totale inconnue pour F. Merdjanov. Il suffit pour cela de se rappeler que la maxime de Mikhaïl Larionov "Nous ne demandons pas l’attention de la société, mais nous lui demandons de ne pas l’exiger non plus de nous" fut, à tort, attribuée à F. Merdjanov alors qu'il faut plutôt regarder en direction de l'écrivaine George Sand, citée par F. Merdjanov dans Analectes de rien.
Rien. Pas une trace de F. Merdjanov dans les univers tchernomoriens explorés par la protivophilie jusqu'à maintenant. Pas même une petite crotte comme en laissent les rats des villes et les chats errants lors de leurs déambulements urbains. Depuis la parution en 2017 de Analectes de rien qui officilise l'installation de F. Merdjanov en apiculture, la protivophilie est particulièrement sensible à ce sujet. Attribué à F. Merdjanov et publié à une date inconnue, Les ruches horizontales, une apiculture de la paresse[159] est un texte fondamental. Il est présenté comme un "petit manuel pratique ou comment faire rimer dandysme et antispécisme, nihilisme et naturalisme. La protivophilie appliquée à la communication inter-espèces. Un outil indispensable." Malheureusement, il reste inédit à ce jour et personne n'a jamais pu le consulter. Armée néanmoins de quelques connaissances sur les ruches horizontales et d'un acharnement à mener ses recherches sur F. Merdjanov, la protivophilie part à la rencontre des abeilles de Tchernomorie.
Selon la recension ci-dessus, la présence d'abeille est attestée sur l'ensemble du pourtour tchernomorien. L'apiculture est une pratique ancienne chez les hominines. Si les principes généraux de l'apiculture restent semblables, quelque soit l'environnement culturel, les types de ruches sont multiples. Le but étant d'offrir un abri artificiel à une colonie d'abeilles suffisamment calme et adapté pour qu'elles y produisent du miel et que celui-ci soit accessible sans trop perturber la vie des insectes. Les ruches les plus communes et les plus anciennes sont celles faites avec des souches d'arbres. On en retrouve sur tous les continents et à différentes époques. La plupart du temps elles sont constituées d'une structure en bois, de différents formats, d'un panier en paille ou en osier, ou d'un aménagement en pierre. Les classifications des entomologistes signalent quelques espèces d'abeilles spécifiques à la mer Noire. Par exemple, l’apis mellifera taurica en Crimée, l’apis mellifera sossimai en Ukraine et au nord Caucase, et l’apis mellifera caucasia, la plus courante. Résistante aux hivers, cette abeille caucasienne est très présente en Europe. Grise dans les régions de montagnes et jaune en plaines, elle est appréciée en apiculture pour sa trompe particulièrement longue qui lui permet de butiner des fleurs profondes, ce que d'autres espèces d'abeilles ne parviennent pas à faire. Il n'est néanmoins pas possible pour la protivophilie de définir avec précision à quelle espèce d'abeilles appartient Maya. Son prénom n'indique pas une origine particulière. En effet, Maya et ses formes dérivées que sont par exemple Maïa ou Maja se retrouvent dans les langues slaves, turciques ou kartvéliennes[38]. Sous ses différentes variantes, ce prénom est aussi utilisé en tant que nom de famille. Adeptes de la réappropriation culturelle, les hominines de croyances christiennes affirment parfois que son origine est à chercher dans le prénom Marie dont Maya et les autres ne seraient que des déformations. Mais il est plausible aussi qu'il soit à rapprocher du prénom Maïa, noté Μαῖα en grec, que portait l'une des déesses des mythologies de la Grèce antique. Sa signification est "petite mère" et son usage est réservé pour une marque de tendre affection à une grand-mère, une nourrice ou une sage-femme[161]. La langue française conserve le terme maïeutique pour désigner la "science de l'accouchement"[162]. Dans son sens médical la maïeutique est l'ensemble des connaissances concernant les méthodes d'accouchement chez les hominines, la science des sages-femmes[163]. En philosophie, elle est une méthode de questionnement pensée par Socrate, "reposant apparemment sur l'interrogation et se proposant d'amener un interlocuteur à prendre conscience de ce qu'il sait implicitement, à l'exprimer et à le juger"[164]. Si Maya est un prénom d'origine latine, il renvoie à la divinité Maïa dans l'antique empire romain qui en fait une déesse de la fertilité et du printemps. Comme cela était d'usage à cette époque romaine, la langue française conserve le terme mai pour désigner un mois de l'année. Les aventures de Maya racontent la vie insouciante d'une jeune abeille curieuse de découvrir le monde, née dans une ruche autogérée et indépendante des hominines, mais cela ne dit rien sur la domestication des abeilles pour l'apiculture sur les bords de la mer Noire. Quel type de ruches ? Savoir que les ruches horizontales sont une spécificité de F. Merdjanov[159] n'est pas d'une grande aide pour trouver sa région d'installation. Tout au plus cela indique une nette volonté de porter plus d'attentions au bien-être de ses coéquipières mellifères. Et au sien. Ce qui n'est pas rien. Si la ruche horizontale la plus rudimentaire consiste en un tronc d'arbre vide et couché, duquel les hominines extraient le miel, elle peut être attestée sur l'ensemble du pourtour tchernomorien. Et bien plus loin encore[165]. Par contre, aucune apiculture locale et traditionnelle ne semble utiliser de ruches horizontales fabriquées. Les spécificités régionales tendent même à s'uniformiser vers une apiculture standardisée utilisant des ruches verticales à cadres mobiles. L'usage de ruches horizontales est plus que marginal, essentiellement le fait de quelques individualités. Sans dimensions prédéfinies et de fabrication facile, la ruche horizontale est une structure allongée et creuse, fermée sur le dessus et possédant une petite ouverture à une extrémité pour l'entrée des abeilles. Des lattes de bois sont installées en travers de la structure afin que les abeilles y construisent elles-mêmes leurs rayonnages d'alvéoles sur mesure. Le miel est extrait en soulevant les lattes désirées. La récolte se fait au printemps afin de laisser aux abeilles plus de miel pour passer l'hiver à venir. Une petite récolte est parfois faite à l'automne si le stock est jugé plus que nécessaire. Il existe quelques types de ruches horizontales où la récolte du miel peut se faire des deux côtés de la structure, par alternance chaque année, et ainsi conserver le couvain central. Depuis les années 1960, des ruches horizontales standardisées ont fait leur apparition. Les deux plus connues sont les ruches d'origine kényane, appelées "Tanzaniennes", et les "Kényanes" venant du Canada ! Selon la protivophilie, la probabilité que F. Merdjanov ait acheté une ruche tanzanienne ou kényane plutôt que fabriquer la sienne est vraiment infime. Il semble évident que conformément à son ouvrage Analectes de rien, qui est un pillage littéraire agréable à lire, la méthode choisie soit celle d'un mélange de bric et de broc. Une sorte de macédoine de tout et rien de ce qui l'entoure pour en faire une ruche agréable à vivre. Les travaux récents sur l'individualité dans les insectes sociaux ont montré que parmi les fourmis et les abeilles certaines mettent en place des stratégies pour échapper aux obligations de leurs sociétés. Certaines pour simplement ne rien faire. Installer une vitre à une extrémité de la ruche horizontale, opposée à l'entrée, permet sans aucun doute de passer de longues heures à chercher et observer celles qui font tout pour faire rien. Une occupation qui peut parfaitement convenir à F. Merdjanov qui aiment à faire de même. Comme si la télépathie inter-espèces existait ou qu'une mutuelle compréhension était enfin possible, les quelques mots suivants qui lui sont attribués dans le texte Le Tout, le Rien pourraient très bien être aussi un extrait de son Apiculture de la paresse[159], présentée comme de "la protivophilie appliquée à la communication inter-espèces." Sensible comme pourrait l'être un témoignage direct de Maya.
Pour le reste, la protivophilie n'en sait rien. Notes
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