Dans un de ses agendas, le poète-philosophe tchèque Ladislav Klíma a noté entre les 26 janvier et 22 décembre 1927 non moins de 104 fois «rien» (nic) à côté du jour de la semaine. Rien de plus, rien de moins – mais il ressentait le besoin de le noter. Le 12 février, il a décidé de biffer «rien» et le remplacer par le mot «déjeuner» (oběd). Le 8 avril enfin, il a rajouté un point de suspension au mot "rien". Que signifient ces gestes ? Comment les concilier avec le journal personnel de l’écrivain ? En un mot, quel est le sens de ce "rien" : est-ce de la littérature, est-ce une pratique, est-ce «rien que ce rien qui nous délivre du tout», pour citer Paul Claudel ?
Mateusz Chmurski, Décomposition du sujet, émergence de l’écriture dans la modernité centre-européenne.