Côte de Malaguette
Côte de Malaguette. Scène de tragédies racistes anti-racistes et d'utopies anti-racistes racistes, à l'ouest de l'île-continent africaine[1].
SommaireTriangulationLa côte de Malaguette est à environ 4500 km au sud-ouest de Nice et à plus de 5000 de la Macédoine, soit des distances protivophiles de 3430 et 3810 acab[2] GéographiqueDu XVème au XVIIIème siècle après JCⒸ[3], l'appellation "côte de Malaguette" est utilisée par les explorateurs et commerçants européens pour désigner la région de l'ouest africain située au nord-ouest du golfe de Guinée. Elle correspond plus ou moins à la zone côtière atlantique qui s'étend du cap des Palmes, à l'extrême sud de l'actuel Liberia, jusqu'à la péninsule de Freetown, au nord de l'actuel Sierra Léone. Proche de l'équateur, entre le 4ème et 10ème degré de latitude nord. Dans la géographie approximative de l'époque, elle est cartographiée au sud de la Nigritie, "pais des negres"[4], à l'ouest de la Guinée et bordée par la mer d'Éthiopie. Parfois aussi appelée côte des graines ou du poivre, elle est voisine, d'ouest en est, de la côte de l'ivoire, de la côte de l'or et de la côte des esclaves. Les frontières de la côte de Malaguette ne sont pas véritablement fixées et dépendent du bon-vouloir des cartographies commerçantes. Comme ils le font pour d'autres denrées, les commerçants ne s'installent pas définitivement sur la côte mais viennent s'y ravitailler. Que ce soit par les géographes et commerçants arabes, ou ceux venus d'Europe, les zones continentales sont peu connues et restent quasiment inexplorées. L'arrière-pays de la côte est couvert de montagnes et de forêts denses peu accessibles. Le climat de la côte de Malaguette est de type tropical, c'est-à-dire qu'à une saison sèche autour de l'équinoxe d'hiver qui se caractérise par des températures moyennes et une faible pluviosité succède une saison humide et chaude. La zone maritime est soumise à de fortes précipitations. BotaniqueLa malaguette, de son nom savant "Aframomum melegueta", est aussi appelée maniguette, graine du paradis ou poivre de Guinée. Elle appartient à la famille des zingibéracées dans laquelle est regroupée plus d'un millier de plantes dont certaines sont elles aussi utilisées comme épice, tel le gingembre, le curcuma ou la cardamone. Comme les botanistes et frères siamois du non-sens[5], Gilles Deleuze et Félix Guattari, le rappellent dans leur ouvrage bicéphale Mille plateaux, la malaguette est une plante rhizomateuse dont la structure est basée sur une racine nourricière rampante (le rhizome) à partir de laquelle se développent plusieurs tiges. Mentionnée par Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle[7], la graine de la malaguette est connue en Europe depuis l'Antiquité où elle est introduite dans l'empire romain par les commerçants arabes sous le nom de "poivre africain". Elle est partie intégrante de la gastronomie de l'Afrique du Nord et est une des composantes de certains ras el-hanout, un mélange d'épices. Quelque peu délaissée, la graine de malaguette est de nouveau importée par les commerçants européens à partir du XIVème siècle lorsque ceux-ci parviennent à rejoindre par bateaux les côtes africaines. Vendue moins chère que le poivre, elle le concurrence sur les marchés d'Europe[8] et réintègre les cuisines. Le Viandier[9] de Guillaume de Tirel et Le ménagier de Paris[10], datés du début et de la fin du XIVème siècle, mentionnent ce "faux poivre" importé par des navires de commerce français puis portugais. Son goût épicé en fait un excellent adjuvant pour les vins, les vinaigres et les eaux-de-vie. La malaguette est progressivement incorporée dans la pharmacopée pour ses prétendues vertus médicinales[11], et ce jusqu'au XIXème siècle[12]. De nos jours, la graine de malaguette est toujours utilisée en Afrique de l'ouest pour ses aspects médicinaux, voire aphrodisiaques, par les hominines mais aussi par les grands singes chez qui la consommation régulière semble diminuer les problèmes cardiaques[13]. Elle est même vantée pour ses bienfaits par les adeptes de bodybuilding[14]. L'étymologie du terme malaguette n'est pas clairement établie par les linguistes et les historiens. Si certains évoquent une possible référence à l'ancien royaume mahométien[15] du Mali (ou Meli)[16], grand exportateur de poivre, d'autres émettent l'hypothèse d'un emprunt à la langue portugaise de malagueta qui désigne le piment. Les navigateurs et commerçants portugais qui explorent et longent les côtes africaines puis "découvrent" les voies maritimes vers l'Asie au XVème siècle empruntent peut-être à la langue tamoule le terme de மிளகு (milaku) qui signifie poivre dans cette langue du sud du sous-continent indien. Dans sa Nouvelle géographie universelle. La terre et les hommes de 1887, loin du style décalé du duo co·s·mique Deleuze et Guattari, le géo-poète Élisée Reclus décrit ainsi la malaguette :
Fervente adepte de la macédoine, la protivophilie postule une nécessaire intersectionnalité pour parvenir à saisir les ressentis des végétaux dans leur sur-exploitation pour écrire, enfin, une histoire radicalement anti-spéciste de ce sous lumpenprolétariat du vivant. L'unique témoignage direct dont nous disposons à ce jour est celui recueilli au fil des documentaires auprès de la seule espèce végétale avec laquelle les hominines parviennent aujourd'hui à communiquer verbalement, Groot. Riche de seulement trois mots, sa langue est tout en subtilité pour qui sait la décrypter. Pour les autres, elle ne veut rien dire. Une évidente et synthétique réponse à l'énoncé rhizo-matheux deleuzo-guattarien.
HomininiqueComme dans les autres régions du globe terrestre, les hominines[19] sont présents depuis des millénaires sur la côte de Malaguette et son arrière-pays. Les subdivisions qu'illes s'acharnent à maintenir entre elleux sont insignifiantes pour toutes les autres espèces vivantes qui les entourent. L'hippopotame nain ne les différencie pas plus par leurs langues que le phacochère est capable de nuancer leurs cultures ou le pangolin leurs intentions envers lui. L'un se réfugie dans des espaces ripariens[20] apeuré aux moindres cris des hominines, l'autre se vexe de masques déformants le moquant grossièrement alors que le pangolin s'éteint de ses prétendues vertus aphrodisiaques fantasmées par les hominines. Aucun ne comprend pourquoi certains de ces hominines mutilent le sexe de leurs jeunes femelles[21]. Seules les légions nomades de fourmis carnivores qui parcourent le territoire ne se laissent pas impressionner : elles ravagent tout sur leur passage et avancent quoi qu'il en coûte[22]. Défenseur de la cause des pangolins, injustement accusés de disséminer un virus par vengeance[23], l'éthologue porcinophile Renaud Sechan, respecté pour ses travaux "Les animals"[24] publiés en 2020 malgré une santé mentale fragile, rapporte les propos d'un nihiliste pangolin dans un de ses anciens écrits pré-phacochèriens[25] : Les pratiques linguistiques des hominines de la côte de Malaguette se rattachent, selon les linguistes, au vaste groupe des langues nigéro-congolaises qui s'étend dans tout le sud et l'est de l'île-continent africaine[1]. Elles se situent à l'extrémité nord-ouest de cette vaste zone. La taxonomie linguistique discerne plus d'une trentaine de langues différentes et de nombreuses variantes locales. Beaucoup d'entre elles sont apparentées et certaines semblent "isolées". Elles correspondent à des espaces géographiques le long de la côte atlantique et dans l'arrière-pays où vivent de petites communautés d'hominines. Ainsi, dans leurs langues respectives, les différents groupes d'hominines de Malaguette se nomment kru, kplelle, bassa, dan, vaï[27], mande, kissi, sherbro, temme, gola, etc. Les mythologies, l'organisation sociale, les modes de subsistance, l'environnement ou l'histoire sont ce qui singularisent aussi ces groupes d'hominines. Protégée par sa forêt tropicale, la côte de Malaguette est restée à l'écart de l'influence directe des empires africains et des royaumes qui se développent au nord et au sud du Vème au XIVème siècle, et de la mythologie des mahométiens[15] qui poursuit sa lente expansion depuis le "coup de chaud" de l'homme promu prophète un jour de cagnard saharien au VIIème. Néanmoins, les communautés d'hominines vivant près des régions côtières refluent toujours plus devant l'avancée inéluctable d'autres hominines venus de l'intérieur de la grande île-continent. Quelques villages se construisent sur la côte. Les relations entre ces différentes communautés hominino-linguales sont faîtes de rivalités, d'échanges, de conflits, d'ignorance mutuelle, de mélanges, etc. Le niveau d'hostilité entre ces différentes communautés est variable et peut parfois mener de la paix à la guerre, mais à des niveaux bien moins meurtriers que les conflits que se mènent les royaumes du pourtour méditerranéen à l'époque où ceux-ci "découvrent" la côte qui deviendra celle de Malaguette. Des hominines, marins, marchands et normands de Dieppe affirment avoir posé le pied et commercé avec celleux de la côte dès la fin du XIVème siècle[28] mais, ce sont des navires portugais à qui la "découverte" est attribuée au siècle suivant par l'historiographie. Dès la fin du XVème siècle des hominines du Portugal établissent des comptoirs marchands, puis, attirés par le gain, les espagnols, les hollandais, les britanniques et les français prennent pied, d'une manière ou d'une autre, sur la côte de Malaguette. Leurs navires marchands exportent les matières premières et alimentent le commerce dans les métropoles. Aucun ne s'aventurent dans l'intérieur des terres et les quelques liens commerciaux se font avec les hominines de la côte[29]. La géographie établie par ces mercanto-navigateurs découpe toute la côte du golfe, que les portugais nomment de Guinée, selon les denrées qui s'y trouvent. De l'ouest à l'est, la côte de la malaguette, puis celles de l'ivoire, de l'or et des esclaves. Les connaissances de la région, des hominines qui y vivent, s'enrichissent de plusieurs récits de voyage publiés durant les trois siècles qui suivent[30]. Malgré des relations souvent tendues avec les hominines de la côte de Malaguette, les commerçants parviennent à nouer des accords avec certains pour se fournir en marchandises. Par malentendu, par arnaque ou par appât du gain, des terrains leur sont cédés où sont installées de petites communautés. Elles sont des sortes de quais de chargement gérés par les expatriés d'une entreprise de commerce spécialisée et non des colonies de peuplement. L'intérêt commercial est premier, l'intention colonisatrice de contrôler l'espace naît progressivement. Les cartographies qui se dessinent se couvrent de noms que les colonisateurs, selon leurs langues, décident de donner à une rivière, un village, une montagne, en hommage à une obscure personne ou à des lieux inconnus pour les hominines originaires de la côte de Malaguette et son arrière-pays. Le commerce de la malaguette est lucratif. Elle est exportée avec les autres marchandises vers les marchés européens par les routes maritimes ouvertes par les navigateurs. Les portugais introduisent aussi sur la côte le tabac, l'oranger, le bananier et le cocotier. Esclavage & abolitionSelon Bion de Boristhène, ancien esclave grec du IIIème siècle avant JC devenu cynique :
Loin des conditions de vie des analectes romains, simples esclaves ménagers, des hominines femelles déportées pour assouvir des envies sexuelles ou des eunuques qui doivent leur prestige à l'amputation de leur sexe, le sort des nombreux hominines réduits à l'esclavage que les marchands exportent de l'Afrique de l'ouest vers le continent américain est sans commune mesure, par son ampleur et ses conditions[32]. Depuis des millénaires des hominines mettent en esclavage d'autres hominines. Les empires et les royaumes d'Afrique, d'Asie et du pourtour méditerranéen ont fait commerce de cette marchandise qui, selon les époques, était chassée dans telle ou telle partie du monde. Des confins de l'Europe orientale, du Caucase ou de l'Afrique, des hominines sont exportés vers le Moyen-Orient, la Chine ou l'Inde pour servir de main-d'œuvre : militaires, esclaves ménagers, prostitution institutionnelle, prolétaires à tout-faire, etc. Les empires et commerçants mahométiens, de part leur situation géographique centrale, contrôlent entre le VIIème et le XXème siècle cette "traite orientale" où les hominines sont mis en esclavage pour leur propre utilisation ou pour être exportés vers l'orient[33] par des détours sahariens ou des ports zanzibariens. Les fournisseurs sont essentiellement des entités politiques, des petits pouvoirs locaux ou des chasseurs d'esclaves qui revendent des prisonniers de guerre, des pauvres endettés ou condamnés, ainsi que d'innombrables personnes "razziées" par les commerçants esclavagistes. Les travaux consacrés à ce sujet estiment à environ quatorze millions le nombre d'hominines mâles et femelles ayant été déportés durant cette période, soit une moyenne de plus de 10000 par an. Le taux de mortalité est important et les estimations ne prennent pas en compte le nombre de personnes tuées lors de tentatives de capture[34]. Mais ces chiffres, contestés, sont à prendre avec prudence. À partir de la fin du XVème siècle, les principaux royaumes et empires de l'ouest européen se lancent dans la déportation massive d'hominines vers le "nouveau" continent américain que tous convoitent. Ces hominines, mâles et femelles, adultes et enfants, sont destinés à travailler dans la mise en valeur des nouvelles colonies et fournir la main-d'œuvre nécessaire aux cultures agricoles ensuite exportées vers l'Europe. Ce qui, en d'autres termes, signifie qu'illes sont condamnés aux travaux forcés. Le golfe de Guinée est un nœud important du trafic des esclaves de cette "traite occidentale". La plupart sont fait prisonniers lors des guerres des empires et royaumes d'Afrique de l'ouest, d'autres sont capturées lors d'attaques menées par des commerçants esclavagistes ou des pillards contre des villages. Le commerce se structure et s'amplifie, de nombreuses colonies commerciales s'implantent sur les côtes du golfe de Guinée, de petites villes avec leur marché aux esclaves sont fondées. Pendant les deux premiers siècles, les hominines portugais et hollandais sont les plus actifs dans l'exportation d'hominines vers leurs colonies sud-américaines du Brésil et des Caraïbes. Le royaume d'Espagne, grand bénéficiaire de cette traite trans-atlantique, leur délègue ce commerce. Mais à la fin du XVIIème siècle, les hominines français et britanniques se décident à réclamer une part du butin et se lancent avec entrain dans la "traite occidentale". Destination, le nord du continent américain[35]. Pour une période s'étalant du début du XVIème à la fin du XIXème siècle, les travaux des historiens estiment à environ douze millions le nombre d'hominines, mâles et femelles, déportés d'Afrique et à un peu moins de dix millions celleux qui sont parvenus en vie sur le continent américain. Soit une moyenne d'environ 30000 personnes par an. Le XVIIIème est un siècle florissant pour le commerce des esclaves, avec des moyennes annuelles de plus de 70000 personnes. L’appât du gain et les prétextes philosophiques font bon ménage, l'un enrichit, l'autre justifie. Investisseur dans le commerce colonial[36] et homme de lettres, Voltaire affirme alors qu'il se sent "supérieur à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce." [37] Le transport se fait via des bateaux dans lesquels les esclaves sont stockés dans les cales. Les conditions de vie, l'hygiène et la malnutrition, les violences et les maladies sont fatales pour nombre d'entre elleux. Le voyage trans-atlantique dure de un à trois mois. Des cas de révoltes et de mutineries sont régulièrement mentionnés. Des hominines parviennent parfois à s'échapper. D'autres subissent la répression, la torture puis leur exécution[38]. La plupart des hominines esclaves arrivant d'Afrique sont vendus au Brésil, dans les colonies espagnoles des Amériques et dans les îles des Caraïbes, et à partir de la fin du XVIIème siècle destinés au nord du continent américain. Illes sont très largement utilisés dans les plantations de sucre, de café, de coton et de cacao, d'autres sont esclaves domestiques, travaillent dans le bâtiment ou exploitent les mines. Les esclaves sont vendus par lot lors de ventes publiques sur des marchés consacrés spécialement à cet usage. Les conditions de vie et de travail sont déplorables, bien pire dans les plantations. Les "maîtres", pour des raisons économiques, ne peuvent détruire leurs marchandises d'hominines et sont donc contraints de leur fournir le minimum vital mais le taux de mortalité chez les esclaves est - évidemment - bien plus élevé que celui de leurs propriétaires. Au fil des siècles, les descendants d'esclaves et les nouveaux arrivants contribuent très largement aux richesses des colonies et à l'exportation de matières premières vers l'Europe. Le sucre devient alors la nouvelle drogue qui se répand en Europe. Pendant des générations, les enfants nés dans une famille d'esclaves sont eux-mêmes esclaves, tout comme celleux produits de relations - consenties ou non - entre un colon et l'une de ses esclaves. Illes sont très peu à être déportés vers les métropoles coloniales où leur présence reste exceptionnelle. Les résistances des esclaves sont multiples, les tentatives d'évasion collectives ou individuelles incessantes, parfois réussies, des communautés isolées d'évadés se créent, etc. Le vol et le détournement sont aussi des formes de révolte quotidienne adoptées par les esclaves. Les représailles sont violentes : punitions collectives, privations, lynchages, meurtres, viols et tortures. Les révoltes aussi. Certaines par leur ampleur ou leur soudaineté, d'autres par leur degré de violence contre les maîtres et leurs familles, ou encore par leur durée, des moments et des individus construisent les imaginaires collectifs de ces esclaves, mâles et femelles, et marquent l'histoire de plusieurs siècles d'esclavage dans les colonies européennes du continent américain. Illes rejoignent à leurs manières la célèbre devise du monde ouvrier "L'ouvrier se tue à la tache. Le patron se tue à la hache." Originaires de régions et de cultures diverses, et parlant des langues différentes, les esclaves s'inventent peu à peu des outils collectifs, tel des langues, des religions syncrétiques ou des territoires. Des communautés apprennent la langue des maîtres, d'autres en "créolisent"[39] de nouvelles, certaines adoptent les croyances de christiens[15], d'autres les détournent ou fuient tout simplement. Néanmoins il n'y a pas d'unité linguistico-culturelle mais des réalités différentes modelées par l'histoire des colonies et leurs volontés d'indépendance. Il en est de même de manière individuelle lorsque des esclaves parviennent à l'éducation religieuse ou civique là où la plupart restent illettrés, ou lorsque que quelques-uns meurent pour se libérer alors que la majorité survit, etc. Les parcours et les situations sont multiples.
Si le XVIIIème siècle est celui d'un commerce des esclaves prospère, il est aussi celui des premières mobilisations pour son abolition. Les révoltes collectives se multiplient et des voix parmi les colons et dans les métropoles réclament des changements. Dans la lignée des christiens abolitionnistes[41] ou du théâtre d'Olympe de Gouges[42], la première association anti-esclavagiste naît en 1787 au royaume britannique et l'année suivante, la Société des amis des noirs, en France. Ce que les États colonisateurs ont d'intellectuels, de politiciens et de philosophes prennent position sur l'existence du commerce d'hominines et leur mise en esclavage. Ses défenseurs et bénéficiaires avancent une argumentation économique sur les bien-faits d'une main-d'œuvre gratuite, matinée d'un racisme très voltairien, alors que les abolitionnistes demandent l'interdiction du commerce des esclaves puis, dans un second temps, la fin de l'esclavage. Pour les plus optimistes, le but ultime est l'égalité des droits. Pour autant, les abolitionnistes ne sont exempts du racisme de leur époque. Parmi les pays esclavagistes, le Danemark est le premier à abolir le commerce en 1792. Les débats politiques sont houleux et la mise en place légale fastidieuse. Les oppositions sont tel que les revirements sont envisageables et le mécontentement des propriétaires d'esclaves de plus en plus violent, comme aux États-Unis d'Amérique où la menace de guerre civile devient réalité. Finalement une abolition en deux temps est envisagée, celle du commerce puis de l'esclavage quelques années plus tard. En 1807 et 1838 au Royaume Uni, 1808 et 1862 aux États-Unis d'Amérique, 1815 et 1848 en France[43], 1816 et vers 1850 en Colombie espagnole, 1850 et 1888 au Brésil. Rapporté dans le documentaire Une minute avant..., le dialogue ci-dessous daté de 1862 résume ce qu'il en est de la situation des esclaves, mâles et femelles, dans l'ensemble des colonies du continent américain au lendemain de l'abolition de la "traite atlantique" puis de l'esclavage :
À ces nouvelles conditions socio-économiques peu reluisantes se surajoutent le racisme et ses violences quotidiennes à l'encontre des hominines qualifiés de "noirs". Illes sont plusieurs millions à vivre sur l'ensemble du continent américain. Que ce soit dans les colonies, les ex-colonies ou les territoires métropolitains, illes sont ségrégués par les autres hominines qui refusent de partager les mêmes quartiers ou les mêmes villages et villes. Le XIXème siècle est riche en théories fumeuses sur la question de "comprendre" qui sont et d'où viennent les hominines d'Afrique et s'illes sont, comme illes le prétendent, les alter-ego des hominines d'Europe. Certains d'entre elleux en sont sûr, d'autres en doutent. Les attaques contre la traite et l'esclavage sont diverses dans leurs argumentaires. Si tous parmi les propriétaires et les bénéficiaires de ce trafic d'hominines défendent les bien-faits économiques de l'exploitation des plantations par des esclaves, une partie rétorque que la traite n'est pas rentable, ou trop risquée économiquement, et qu'il est nécessaire de faire fructifier au mieux les esclaves déjà déportés plutôt qu'en importer de nouveaux. Les plus libéraux mettent en avant l'inadéquation d'un système esclavagiste beaucoup plus coûteux qu'il ne rapporte réellement à l'économie[45]. Les abolitionnistes, à proprement dit, défendent la disparition de l'ensemble du système esclavagiste pour des raisons pas exclusivement d'ordre économique, mais aussi de morale religieuse ou philosophique et de convictions politiques libérales[46]. Mais illes divergent entre eux quant au sort à réserver aux futurs affranchis. Faut-il envisager qu'illes restent et continuent à vivre sur place ? Avec ou séparément des autres hominines ? Avec les mêmes droits ? Ou faut-il entreprendre de les déporter vers l'Afrique ? Volontairement ? Face aux violences organisées par des milices esclavagistes, à la persistance de l'esclavage, à la misère des ex-esclaves, devant les lenteurs des modifications légales, quelques abolitionnistes, esclaves ou non, adoptent une stratégie de violence politique et appellent à l'insurrection contre les esclavagistes, leurs familles et leurs alliés. Un peu moins de deux cent ans avant l'appel de Dookoom à brûler les fermes sud-africaines[47], leur mot d'ordre est : "All Colonizers Are Burning" ! Dans le nord du continent américain les plus connus sont sans conteste Nat Turner[48] et John Brown[49] qui resteront des références pour les générations futures de révoltés[50] et des sources d'inspirations artistiques. Plus hard-core que Kurt Cobain et moins glam-rock qu'Ernesto Guevara[51]. Plus funky que Tina Turner et moins sexy que James Brown pour les historiens de l'art de la très confidentielle revue protivophile Mélomanes. & Women. [Références manquantes][52]
UtopieAvant l'interdiction définitive de la traite et de l'esclavage, la France et le Royaume-Uni sont traversés de débats publiques et d'interventions auprès des autorités politiques de ces pays[54]. Dans la guerre qui oppose entre 1775 et 1783 le royaume britannique et ses colonies nord-américaines qui réclament leur indépendance, les hominines de l'armée coloniale et de quelques colonies promettent la liberté aux esclaves qui les rejoignent dans ce conflit. S'ils y survivent, évidemment. Malgré les réticences de leurs propriétaires, un petit milliers d'esclaves prennent les armes du côté des indépendantistes. Plusieurs milliers d'hominines - mâles, femelles et enfants - fuient les plantations pour servir dans l'armée britannique. Illes participent au fonctionnement logistique nécessaire aux troupes militaires et très peu sont autorisés à prendre les armes. Parmi les militaires et les anciens esclaves beaucoup meurent de maladie. Après leur défaite, les britanniques refusent de rendre les esclaves à leurs propriétaires. La puissance coloniale et l'Union des ex-colonies établissent alors un Book of Negroes[55] qui recense nommément 3000 personnes ayant fuit l'esclavage et survécu à la guerre. Très peu d'esclaves sont affranchis pour faits d'armes par les Unionistes nord-américains et l'esclavage est maintenu là où il est pratiqué, côté britannique les anciens esclaves sont installés dans la province de Nouvelle-Écosse, une colonie britannique au nord du continent et estampillés "Gens de couleur libres", avec des promesses d'attribution de terres. Quelques deux cent sont envoyés à Londres où vivent déjà quelques milliers d'anciens esclaves. Depuis 1772, sur le seul territoire des îles britanniques, les hominines en fuite peuvent se considérer libres de fait. La plupart vivent dans une grande pauvreté. Certains d'entre eux parviennent à s'éduquer par l'intermédiaire de groupes christiens très actifs contre l'esclavage. L'association abolitionniste Sons of Africa est fondée en cette fin de XIXème siècle par d'anciens esclaves et, à Londres, le premier texte anti-esclavagiste écrit par l'un d'eux paraît en 1787. Traduit en France l'année suivante[56].
En France, le renversement de la royauté en 1789 et la mise en place d'un régime parlementaire a pour conséquence le vote par les républicains en 1794 de l'abolition de l'esclavage, rétabli en 1802 par le mégalomane Napoléon. Finalement le Royaume-Uni, les ex-colonies nord-américaines et la France abolissent la traite en 1807, 1808 et 1815. Dès leur décision prise, les britanniques font pression sur les autres pays pour qu'ils en fassent de même, des bateaux d'esclavagistes sont arraisonnés et les esclaves libérés. Des christiens protestants et des associations militent activement pour une disparition définitive de l'esclavage. Certains œuvrent pour qu'elle soit immédiate, d'autres progressive. L'idée de "renvoyer" les esclaves fugitifs ou libérés et, surtout, de ne pas les accepter sur les territoires des métropoles coloniales, est à double sens, elle convient aux tenants du racisme et aux homininistes. Et cela pour des raisons très éloignées. Avec, dans un autre contexte, la même ambiguïté que le projet de réunir tous les moïsiens[15] - mâles et femelles - en un seul point - le sionisme - qui convient tout autant aux antisémites qui se félicitent de ne plus avoir de moïsiens autour d'elleux, qu'à celleux qui pensent que face à la violence seul un refuge autonome est efficace. La question de rester dans les ex-colonies européennes des Amériques ou de partir en direction de l'Afrique se pose clairement parmi les esclaves affranchis ou celleux nés libres. Le slogan "Back to Africa" prend naissance à la charnière entre les XVIII et XIXème siècles et répond aux inquiétudes face au système ségrégationniste qui se met en place dans les anciennes colonies d'Amérique. Pour ses partisans, l'environnement profondément raciste est trop hostile pour imaginer un possible avenir et il est préférable de commencer une nouvelle vie ailleurs. Le roman biblique et les superstitions christiennes ont une grande influence dans la construction de ce discours. Pour les plus colonisateurs l'Afrique est vue comme un nouvel espace à évangéliser et à qui apporter la civilisation, pour les autres elle est la terre promise, telle celle des moïsiens[15] par leur divinité, l'ultime abri, ou alors elle sera le lieu d'apparition d'un grand royaume noir, l’Éthiopie, prophétisé dans le roman. Le sort des moïsiens décrit dans La Bible (l'esclavage, la souffrance, l'exode et la promesse divine) est mis en parallèle avec celui des personnes déportées d'Afrique : Par glissement, la lointaine région antique des "visages brûlés", Aithiops en grec, est assimilée à l’Éthiopie contemporaine et certaines traductions de La Bible laissent imaginer des prophéties la concernant. L'Afrique est parfois symboliquement renommée Sion. Ces éthiopianistes et ces sionistes-africanistes, à ne pas confondre avec les sionismes moïsiens, sont les précurseurs du mouvement rastafarien[58]. Sierra LeoneDès 1787, avec l'appui des associations abolitionnistes, christiennes ou non, et des autorités qui ne savent que faire de ce surplus de pauvres, plus de 400 personnes sont envoyés vers les colonies britanniques du nord-ouest de la côte de Malaguette, à l'embouchure de la rivière Sierra Leone : 280 mâles et 40 femelles ex-esclaves, 70 femelles et quelques dizaines de mâles britanniques (ingénieurs, médecins, artisans). Le projet est de fonder la Province of Freedom dans laquelle des familles de planteurs s'auto-gouvernent par des élections représentatives et instaurent un système où l'argent est remplacé par des journées travaillées. La production doit permettre l'autosuffisance et les surplus sont destinés à une exportation vers le Royaume-Uni. Derrière les intérêts économiques et les considérations homininistes, l'idée de cette aventure est aussi de convertir les hominines "autochtones" de la côte à la mythologie des christiens afin de "leur apporter la paix". Un centaine de personnes meurt lors de la traversée et presque autant du paludisme et de la dysenterie dans les mois qui suivent l'installation. Du nom de l'abolitionniste britannique et supporter de cette initiative Granville Sharp[59], Granville Town voit le jour. Les rapports avec les hominines de la côte sont très tendus. Granville Town est détruite en 1789, puis reconstruite non loin en 1791. À cette date, il ne reste que 65 personnes - 39 mâles et 26 femelles dont 19 ex-esclaves. L'ambiance n'est pas à la fête et La Bible, leur livre de chevet favori, ne leur est d'aucun secours :
À partir de 1792, les autorités britanniques font venir plus de 1200 ex-esclaves de leurs colonies nord-américaines de Nouvelle-Écosse et des Caraïbes sur la côte de Malaguette dans le but d'installer la Colonie de Sierra Leone, une plantation coloniale financée par la Compagnie du même nom. Illes nomment leur village Settler Town et par la suite Freetown, construit au sud de Granville Town. Deux ans plus tard, des militaires français attaquent la colonie et pendant leurs trois semaines d'occupation détruisent toutes les constructions[61]. Freetown est reconstruite et les survivants se relancent dans leur projet colonisateur, toujours harcelés par les hominines de la côte, hostiles à leur présence. En 1798, Freetown compte environ 300 maisons construites dans un style architectural nord-américain. Les conditions climatiques sont difficiles et les premières plantations ne sont pas un grand succès. L'attribution de terres se fait attendre et les promesses non-tenues fâchent les colons. Les tensions avec la Compagnie et les autorités coloniales sont récurrentes et celles-ci font intervenir en 1800 plus de 500 esclaves "marrons" des Caraïbes[62], installés depuis peu dans la colonie, pour rétablir l'ordre. Trois colons sont exécutés et plus d'une trentaine bannis. Maroon Town est fondée à l'ouest de Settler Town. Les attaques des hominines autochtones du royaume de Koya[63] contre ces nouveaux colons sont meurtrières et destructrices. Finalement la Compagnie de Sierra Leone est mise en faillite en 1808 et les autorités britanniques reprennent la main sur les affaires de la colonie. Néanmoins, le nombre de colons britanniques présents sur place n'est que d'environ 200 personnes. Le climat et les conditions de vie sont responsables d'un taux de mortalité important parmi ces hominines peu habitués à de telles conditions. Après que les britanniques aient aboli la traite en 1807, ils interceptent régulièrement dans les Caraïbes et le long des côtes africaines des bateaux chargés d'hominines destinés à l'esclavage. Illes sont libérés puis envoyés systématiquement dans la colonie de Sierra Leone. Leur idée est de les aider à s'implanter autour de Freetown en leur attribuant des terres. Les ex-esclaves sont originaires de diverses régions de l'Afrique et ne partagent pas nécessairement les mêmes croyances religieuses, les mêmes langues ou les mêmes histoires. En une quarantaine d'années, la population de la colonie passe de deux milliers en 1807 à une quarantaine de mille en 1850. Au total, plus de 80000 personnes sont ainsi débarquées sur la côte de Malaguette. Une dizaine de nouveaux villages sont construits sur la péninsule dans les alentours de Freetown. La colonie britannique de la côte de Malaguette est incorporée à l'Afrique Occidentale britannique - qui regroupe les actuels Sierra Leone, Ghana, Nigeria et Gambie - et Freetown est faite capitale. Malgré les conditions de vie et les difficultés à absorber toutes les personnes libérées, Freetown est prospère. Du mélange de populations d'origines différentes naît au fil des décennies une culture singulière qui se différencie des britanniques par une langue créole de la Sierra Leone - le krio - et des croyances religieuses qui mélangent mythologies christiennes et africaines. Une petite partie opte pour celles des mahométiens. La prison est inaugurée en 1816 et les forteresses de la côte sont renforcées. La première université voit le jour en 1827 et une élite intellectuelle, économique et politique se met progressivement en place. Elle participe à la gestion coloniale et bénéficie du commerce ou appartient aux autorités christiennes locales. Ces dernières sont très actives et soutenues par des christiens britanniques qui rêvent toujours de convertir les hominines de l'arrière-pays de la côte de Malaguette. Elles organisent un système éducatif indépendant et contribuent largement à la formation des "recapturés" à un nouveau métier : généralement domestiques pour les femelles et main-d'œuvres qualifiées pour les mâles. Après son abolition de l'esclavage en 1848, la France aussi met en place des villages pour accueillir les esclaves libérés : comme Libreville en 1849[64] - capitale de l'actuel Gabon - ou plus tard les "Villages de liberté"[65] dans lesquels sont installés des centaines d'entre elleux. Dans les faits, pour la France et le Royaume-Uni, pour la bourgeoise commerçante krio, ces réinstallations d'anciens esclaves sont une vraie source de main-d'œuvre à bas prix pour travailler dans les vastes projets agricoles ou les travaux publics, pour entretenir les intérieurs, pour faire le même travail qui leur était destiné s'illes avaient été mis en esclavage ! La population totale de la colonie de Sierra Leone est d'environ 40000 personnes en 1850. La langue krio a enrichi l'anglaise d'une nouvelle expression qui désigne dans les plantations de riz l'esclave chargé d'être le gardien et fournit depuis le nom à une marque nord-américaine mondialement connue, "Uncle Ben"[66].
La seconde moitié du XIXème siècle est l'époque où les français et les britanniques s'aventurent de plus en plus profondément dans les arrière-pays de leurs colonies. L'Afrique intérieure est pour eux une zone quasiment inconnue. Les missionnaires christiens, les géographes, les militaires, les projets homininitaires ou économiques sont autant de façons de s’immiscer. Au gré des accords flous passés avec des autorités locales, des accrochages armés, des désaccords stratégiques entre colons ou des malversations, les britanniques de la côte de Malaguette s'enfoncent toujours plus au nord. La mise en place des conseils de tribus n'est pas suffisante pour pacifier les régions conquises. Un accord franco-britannique est signé en 1882 pour fixer la frontière de leurs zones d'activité respectives dans la région. La création d'une unité militaire dédiée au maintien de l'ordre, les violences et le népotisme armé qu'elle engendre, ainsi que la mise en place d'un nouveau système de taxe suscitent des mécontentements et des révoltes parmi les plus pauvres des krios de la région de Freetown et les hominines de l'arrière-pays. La révolte armée de Bai Burah qui lance des opérations de guérilla de janvier à novembre 1898, par exemple, ou le soulèvement populaire d'avril de la même année qui s'attaque à des missions christiennes et aux intérêts de l'élite krio. Les guerres menées par les hominines des régions intérieures ne parviennent pas à stopper l'avancée des militaires[67]. Le prétexte est souvent la lutte contre le trafic des esclaves. En 1896, les britanniques font de la Sierra Leone un protectorat dont tous les hominines - mâles ou femelles - sont depuis 1853 "de citoyenneté britannique". Ils avalisent ainsi la perte d'autonomie politique de l'ancienne colonie de Sierra Leone et enterrent définitivement la Province of Freedom. Dans la première moitié du XXème siècle, des partis politiques indépendantistes voient le jour et, malgré les obstacles et la violence, des structures syndicales émergent. Des révoltes secouent le protectorat. Les britanniques tentent de supprimer définitivement l'esclavage dans leur protectorat de Sierra Leone et des systèmes de rachats sont même testés. Mais l'esclavage domestique perdure jusqu'en 1928, date de son abolition formelle. La première mine de fer est ouverte par une compagnie britannique en 1930 et celle de diamant deux ans plus tard. Le processus de décolonisation entamé dans le début des années 1950 se finalise en 1961 par l'indépendance de la Sierra Leone qui reste néanmoins au sein du Commonwealth qui regroupe la métropole britannique et ses ex-colonies devenues des États indépendants.
En un peu moins de deux siècles, les premières implantations coloniales d'anciens esclaves deviennent un pays indépendant de 57000 acab2 - 75000 km2 soit environ trois fois la superficie de la Macédoine, plus de quinze fois le département des Alpes maritimes - regroupant dans ses frontières une population d'un peu moins de deux millions d'hominines d'une vingtaine de communautés linguistiques différentes, dont certaines sont aussi présentes dans les pays limitrophes. La Sierra Leone est héritière d'une situation politique complexe d'opposition entre la minorité krio concentrée autour de Freetown et la majorité des hominines vivant dans le reste du pays, de la persistance de conflits pré-coloniaux entre "natives", de rancœur concernant l'esclavage auquel certains participèrent activement, du racisme krio vis-à-vis des autres hominines de Sierra Leone. Malgré les tentatives de conversions à la mythologie des christiens, dans des versions protestantes, la majorité des hominines pratiquent celle des mahométiens. Bien que les krios ne représentent qu'à peine quelques pourcents, sa "bourgeoisie" domine sans partage l'ensemble de l'appareil étatique, économique et militaire. "La place est bonne" et les coups d’État se succèdent dans la décennie 1960. Cette période d'instabilité se calme à partir de la proclamation de la république en 1971 et la mise en place d'un "régime fort" pour les quelques deux millions et demi d'hominines de Sierra Leone. Entre 1960 et 1985 la population totale du pays passe de 2,2 millions à 3,5 millions d'hominines[69]. Ce nouveau népotisme qui prend les rênes du pouvoir bénéficie de la rente économique du libéralisme des décennies 1970-80 et l'exportation - légale et illégale - de diamant est sa source principale de revenu. Le principal acheteur est la compagnie diamantaire De Beers basée dans la ségrégationniste[70] Afrique du Sud. LiberiaEn Amérique du Nord, dans les anciennes colonies britanniques indépendantes depuis 1786, l'esclavagisme est progressivement remis en cause tout au long du XVIIIème siècle. Les révoltes individuelles ou collectives, les évasions ou les vengeances sont quelques-uns des modes de résistance de ces esclaves. Il est déjà partiellement, progressivement ou totalement aboli dans les colonies du Vermont, de Pennsylvanie, de Virginie, de Caroline du Nord, du Maryland, du Massachusetts et du New Hampshire entre 1777 et 1783. Ces Territoires du Nord-Ouest - embryon des futurs États-Unis d'Amérique - abolissent officiellement l'esclavage en 1787 et la traite en 1808. Des milliers d'esclaves, mâles, femelles et enfants, sont libérés jusque dans les premières décennies du XIXème siècle. Beaucoup sont des métis. Dans certains États du sud, illes représentent une part importante de la population, parfois majoritaire. Pour ne pas entraver l'adhésion des États esclavagistes du sud à l'Union du nord, un compromis est trouvé : Le nombre d’États anti-esclavagistes doit être identique à celui des esclavagistes. Les associations abolitionnistes sont très actives dans les États du sud qui rejoignent petit à petit l'Union, elles y mènent des campagnes auprès des autorités politiques et des propriétaires[71]. Sans succès. Comme leurs homologues britanniques, les motivations des abolitionnistes sont complexes. Voire contradictoires. La philanthropie, la volonté civilisatrice, l'évangélisation christienne, l'efficience économique sont tout autant portés par des sentiments charitables qu'ils peuvent l'être par des considérations racistes. La plupart des associations d'ex-esclaves réclament leur intégration dans la société, l'obtention de l'égalité et s'opposent à la tendance ségrégationniste. L'éphémère Freedom's Journal (1827 - 1829) est le premier journal créé par d'anciens esclaves qui exige une libération et une égalité immédiates. L'un d'eux, David Walker, publie en 1829 un Appel mondial aux citoyens de couleur dans lequel il appelle les esclavagistes à l'abolition immédiate et les hominines mis en esclavage à refuser et à s'opposer à leur condition. Par la violence si nécessaire. Des réseaux clandestins d'aide aux esclaves en fuite se mettent en place entre les États esclavagistes du sud et ceux abolitionnistes au nord. Quelques tentatives de révoltes collectives se soldent par des échecs. De manière générale la violence contre les esclaves rebelles s'amplifient et les propriétaires se font eux-mêmes justice. À l'opposé de ces revendications, la Société pour la colonisation par les hommes libres de couleur milite depuis 1816 pour le transfert des anciens esclaves vers l'Afrique. Elle œuvre pour que des colonies de peuplement soient créées sur la côte de Malaguette. Son but est à terme d'établir de multiples points d'implantation où les esclaves affranchis puissent vivre de l'agriculture et civiliser les autochtones de la côte et de l'arrière-pays en leur apportant la culture des christiens nord-américains. Après un traité avec le royaume local et quelques babioles offertes, le société colonisatrice parvient à obtenir un terrain sur le cap Mesurado et ses alentours. En 1821, 88 anciens esclaves et trois nord-américains arrivent en bateau dans le port de Freetown et établissent un campement provisoire. Vingt deux des affranchis et les trois libres meurent de maladie tropicale dans les semaines suivantes, avant de parvenir à destination. Avec un deuxième groupe de futurs colons arrivés en 1822, illes fondent le village de Monrovia sur le cap Mesurado, première pierre de leur projet Liberia. Plus de 5000 personnes s'installent à Liberia en une vingtaine d'années. Plus au sud, des villes coloniales sont créées par d'autres sociétés de colonisation nord-américaines. Proche du cap Mesurado, New Georgia voit le jour en 1827 pour accueillir plusieurs centaines d'esclaves libérés en 1820 dans les Caraïbes et transférés depuis dans la Georgie nord-américaine. À l'embouchure de la rivière Saint John, Edina et Port Cresson sont financées en 1832 par une société de New York et de Pennsylvanie. Détruite en 1835 après les attaques des autochtones de la côte qui font plus d'une vingtaine de morts parmi la centaine de colons, Port Cresson est remplacée par Bassa Cove. Trois ans plus tard, Edina est jointe à la colonie de Bassa Cove. Une société du Mississippi et de Louisiane installe en 1835 pour d'anciens esclaves de ces deux États nord-américains la colonie de Mississippi-in-Africa sur la rivière Sinoe. Illes fondent Greenville en 1838 et dans le début des années 1840, plus de 300 nouvelles personnes arrivent dans la colonie. Maryland-in-Africa naît en 1834 sur le cap Palmas[73]. Le projet est de faire venir en une vingtaine d'années 10000 ex-esclaves d'Amérique du nord et 400 des Caraïbes. Kentucky-in-Africa émerge le long de la rivière Saint Paul. La mortalité est importante parmi les nouveaux arrivants qui succombent aux conditions climatiques et aux maladies. Les difficultés dans l'obtention de fonds pour financer les transports et nécessaires à l'installation freinent le flux des arrivants. En 1839, à l'exception de Maryland-in-Africa et de Kentucky-in-Africa, les colonies de Monrovia, New Georgia, Caldwell, Millsburg, Marshall, Bexley, Bassa Cove et Edina fusionnent dans le Commonwealth of Liberia. Maryland-in-Africa change de nom en 1841 pour celui de Maryland in Liberia et en 1842 Kentucky-in-Africa rejoint finalement le Commonwealth. Celui-ci débouche en 1847 sur la proclamation d'indépendance de la République de Liberia[74]. La monnaie adoptée est le dollar libérien indexé sur le dollar étasunien[75]. La colonie de Maryland proclame son indépendance en 1854 sous le nom de République de Maryland, mais elle n'est reconnue pas aucun autre État dans le monde. Les lourdes attaques des hominines de la région contraignent Maryland a demander de l'aide à Liberia voisin pour y mettre un terme. La contrepartie est l'intégration de la République de Maryland dans celle de Liberia en 1857. Avec "L'amour de la liberté nous a amenés ici" comme devise nationale, le ton est donné quant au peu de cas fait aux autochtones de Liberia. Par la suite, le 1er décembre est choisi comme date de la fête nationale. Elle commémore la fin d'une bataille en novembre 1822 entre un groupe de colons installés près de l'actuel Monrovia et des autochtones qui voient d'un mauvais œil cette implantation durable. Malgré plusieurs centaines d'hominines en armes, la coalition de rois locaux est mise en difficulté et les colons reprennent l'avantage. L'assaut est repoussé. Une centaine de morts parmi les assaillants et une douzaine chez les colons. La fête nationale libérienne sera nommée "Matilda Newport Day" du nom d'une jeune colon arrivée deux ans auparavant d'Amérique du nord. Même si aucune source historique ne le confirme, la mythologie nationaliste libérienne raconte que, le 1er décembre, alors qu'une attaque est en cours et voyant que les servants du canon sont morts, elle se dirige seule vers le canon et le pointe sur les assaillants. Elle allume la mèche avec sa pipe. Le tir atteint sa cible. Elle est à Liberia ce que Catherine Ségurane est à Nice. Son geste est décisif et marque un coup d'arrêt sanglant à la bataille. L'héroïne nationale Matilda Newport[76] symbolise à elle-seule le clivage libérien entre les hominines d'ascendance américaine et les autres. Depuis le début de l'implantation de colonies sur la côte de Malaguette, elles n'ont de cesse de se confronter aux appétits franco-britanniques et seules les interventions de la marine nord-américaine leur ont permis de résister. Les frontières définitives de la république de Liberia sont fixées en 1885 avec la colonie britannique de Sierra Leone, à l'ouest, et en 1911 avec les colonies françaises à l'est. La délimitation des frontières libériennes va de pair avec la colonisation progressive de l'arrière-pays de la côte de Malaguette et la mise au pas de ses populations[77]. Leurs villages côtiers ou de l'intérieur des terres sont intégrés de fait au nouvel État expansionniste. Les révoltes sont matées. Une petite élite politique, intellectuelle et économique, essentiellement issue des familles des premiers colons nord-américains, domine la grande majorité des hominines libériens et des autochtones de la côte de Malaguette. L'une monopolise les rouages de l’État et les circuits économiques, les autres fournissent une main-d'œuvre où la nuance entre salariat et esclavage est ténue. Elle s'enrichit par les plantations et l'exportation de café, de coton, de cacao, d'huile de palme, de tabac ou de caoutchouc. L'économie est fragile et le pays endetté survit grâce aux "aides" nord-américaines, britanniques et françaises. Comme cela se met en place aux États-Unis d'Amérique, le système politique à Liberia aboutit à une ségrégation raciste où les américano-libériens, descendants d'esclaves affranchis métissés, se considèrent supérieurs, par leur langue anglaise, leur culture nord-américaine et leur religion christienne. Pour elleux, les autochtones dédaignés de la côte de Malaguette ne sont que les descendants des esclavagistes qu'il est nécessaire de civiliser.
Les difficiles conditions climatiques de la côte de Malaguette, l'absence de réelle indépendance et la situation sociale imposée par les descendants des colons américano-libériens, très minoritaires, à la majorité des libériens suscitent des critiques contre Liberia de la part même d'abolitionnistes anciens esclaves ou nés libres. Avec toujours les mêmes envies de conversion des hominines d'Afrique à la mythologie christienne et à la civilisation nord-américaine, d'autres projets de colonies sont envisagés en Afrique centrale en 1852[78] et orientale à la fin du XIXème siècle, mais ils n'aboutirent à rien. Après la proclamation de la république libérienne, celle-ci continue de recevoir quelques personnes venues des Caraïbes ou d'Amérique du Nord. Au début du XXème siècle, les associations "de gens de couleur" nord-américaines qui militent pour organiser un départ massif vers l'Afrique s'opposent à celles qui œuvrent à l'égalité des droits. Marcus Garvey[79] et son Universel Negro Improvement Association (Association Universelle pour le Progrès Nègre - UNIA) favorables à la migration s'écharpent avec W.E.B. Du Bois et la National Association for the Advancement of Colored People (Association nationale pour la promotion des gens de couleur - NAACP) qui envisagent de rester. Après plusieurs voyages à Liberia, et malgré ses fortes critiques contre la domination des américano-libériens, l'UNIA met en place un vaste projet de "rapatriement" dans le début des années 1920[80]. Des zones d'implantation sont délimitées, mais les craintes du gouvernement libérien et les réticences des britanniques et des français font finalement capoter cette tentative. Après des prospections sans lendemain dans le Darién panaméen en 1923, le fabricant de pneus étasunien Firestone obtient trois ans plus tard du gouvernement libérien une concession de 99 années pour exploiter des plantations et en extraire du caoutchouc[81]. Firestone importe une variété brésilienne de la plante et ouvre trois grandes plantations, la plus grande exploitation d'hévéa au monde : 3000 acab2 [2], soit 4000 km2. L'entreprise promet de financer la construction d'un port et elle octroie un prêt de 5 millions de dollars au gouvernement libérien pour qu'il rembourse sa dette extérieure. Le caoutchouc devient rapidement la principale rente de l’État libérien, jusqu'à plus de 50% de ses revenus en 1931. Les conditions de travail dans ces plantations sont dénoncées par de nombreux pays européens qui - sans ironie - n'hésitent pas à les qualifier de nouvelles formes d'esclavage.
Dans les années 1930, il est encore difficile de se rendre dans l'intérieur des terres libériennes car les cartes disponibles ne mentionnent que des zones "cannibales". Les britanniques Graham et Barbara Greene traversent la région en 1935 et publient chacun leur récit de ce voyage. Respectivement Journey without maps[82] en 1936 et Land Benighted en 1938. Illes y décrivent leurs rencontres amicales avec des hominines qui leur étaient présentés comme sauvages. Une optique un peu différente de celle de leur homonyme Victor Green, un afro-américain, qui publie annuellement de 1936 à 1964 The Negro Motorist Green Book, un guide de voyage pour "donner au voyageur noir une information le mettant à l'abri des difficultés et tracas, rendant son voyage plus agréable" dans un pays - les États-Unis d'Amérique - qui pratique la ségrégation raciste. The Negro Motorist Green Book s'inspire de guides similaires destinés aux moïsiens nord-américains victimes elleux-aussi de discriminations. De fait, les américano-libériens perdent de leur superbe s'illes s'aventurent à voyager aux États-Unis où illes sont contraints de subir les lois racistes. Dans les trois décennies qui suivent la Seconde guerre mondiale, la bourgeoisie issue des anciens esclaves nord-américains se porte bien. Elle profite pleinement des revenus des exportations du caoutchouc et des diamants, et pour les plus riches, leurs progénitures font leurs scolarités dans les établissements étasuniens ou britanniques. Elle s'enrichit sans vergogne sur la grande majorité avec les apparats d'une citoyenneté de seconde zone. Sur un mode inspiré de la ségrégation raciste mise en place aux États-Unis d'Amérique après l'abolition de l'esclavage, Liberia instaure un système qui maintient spatialement les américano-libériens (riches ou de classe moyenne) à l'écart des afro-libériens et les préserve socialement d'une concurrence directe[83]. Même si quelques droits ont été donné aux libériens "autochtones", celleux qui parviennent à obtenir un emploi dans l'appareil d’État n'occupent que des postes de subalternes dans l'administration ou l'armée. À quelques exceptions prêt, la plupart des afro-libériens, mâles et femelles, vivent dans la pauvreté. Le mépris raciste au vernis évangélique des premiers colons pour les hominines de Malaguette s'est mué en comportement paternaliste et patronal. Les descendants d'anciens esclaves colonisateurs se font exploiteurs néo-colonialistes. A la fin des années 1970, ills sont environ 20000 sur une population totale de presque deux millions d'hominines[84]. DystopiePour la protivophilie, comme pour tout projet sociétal mis en place par les hominines, les utopies ne sont pas à la hauteur des attentes. Au mieux un demi-échec, au pire une catastrophe. L'histoire des sociétés hominines, passées et actuelles, en est la démonstration implacable. Liberia, Freetown ou Libreville n'échappent pas à ce constat.
La description des "guerres civiles" entre les années 1980 et 2000 en Sierra Leone et à Liberia serait une litanie morbide, un long roman-photo pornographique pour nécrophiles. Et pour les plus sensibles, une occasion de recycler ses chaussures et chaussettes orphelines[86] auprès des victimes de mines antipersonnel ou ses mitaines pour la saison des machettes. Des centaines de milliers de morts s'ajoutant discrètement aux centaines de millions d'hominines tués lors de conflits, de massacres ou de famines au XXème siècle dans le monde. Les utopies ne sont pas plus meurtrières que les sociétés auxquelles elles tentent d'échapper. Mais leurs écueils sont les mêmes. Inutile donc pour la protivophilie de faire dans la contre-utopie, que ce soit dans ses versions réactionnaires ou révolutionnaires, pour décrire la côte de Malaguette contemporaine. La dystopie est plus à propos. Les succès populaires des documentaires La Panthère rose en 1963 consacré au vol d'un exceptionnel diamant rose du même nom, déjoué par Jacques Clouseau, puis Le Corniaud en 1965 dans lequel le "plus gros diamant du monde", le Youkoukoun[87], est convoité par un réseau international de trafiquants de drogue, sont deux évènements majeurs sur la côte de Malaguette. Une véritable prise de conscience de l'importance du diamant pour les hominines de la région. L'année 1970 reste celle de la "Grande Rupture" par les faits marquants qui la secoue. Car, outre la naissance de F. Merdjanov à Nice, cette année charnière est celle de la déclaration de guerre du groupe révolutionnaire Weatherman Underground[88] au gouvernement étasunien en juillet et de la mort de Bourvil en septembre. Sur fond de misère économique, l'annonce de ce décès et la perspective qu'il n'y ait pas de suite au Corniaud provoquent des émeutes en Sierra Leone et à Liberia. La foule est en colère et demande que l'argent de la vente des diamants soit redistribuée. Les plus radicaux réclament la fusion des deux pays en une république populaire de Malaguette et une constitution basée sur le manifeste du Weatherman Underground[89]. La mort de l'acteur de théâtre[90] Mao Zedong et la sortie de Quand la Panthère rose s'emmêle en 1976 sont perçus à Malaguette comme des "sauts qualitatifs" dans le processus révolutionnaire. Lors des émeutes d'avril 1979 à Monrovia contre l'augmentation du prix du riz, une centaine de magasins sont pillés et une partie des militaires se rallient au pillage. Le soulèvement fait une cinquantaine de morts et une centaine de blessés. Par l'intermédiaire des Blacks Panthers canadiens[91], des contacts sont établis avec les membres du Weatherman Underground étasunien. Bien au-delà du LSD, les connivences sont politiques et stratégiques. La lutte contre le racisme et l'abolition des classes sociales sont les points-clefs. Le John Brown Anti-Klan Committee (JBAKC)[92] étasunien forme aux techniques de guérilla urbaine de jeunes afro-canadiens pour qu'illes rejoignent la côte de Malaguette. Selon l'historien du ghetto Farid "Sheryo" Hamadou :
Dans des milieux encore très marqués par les mythes christiens, la mort suspecte de JC[3] - Jacques Clouseau - en 1980 suscite l'emballement. Il n'y aura donc plus de suite à la Panthère rose. La république populaire de Malaguette est aussitôt proclamée et le "Matilda Newport Day" aboli[94]. Les plantations de Firestone sont entièrement détruites par les flammes et les néo-esclaves libérés, l’État dans l’État s'effondre. Avec des images d'archives de 1976, À la recherche de la Panthère rose tente en 1982 de relancer l'intérêt pour ce diamant. Sans succès. Mais, malgré cela et la traque policière, le Weatherman ne se laisse pas intimider. Une grande offensive est lancée contre les structures fédérales étasuniennes qui vacillent, puis finissent par s'effondrer. Grâce à l'aide des hominines de Malaguette, la république populaire nord-américaine est proclamée dans tous les États du sud. Après l'exécution de Ronald Reagan en 1984, les États du nord rejoignent la république. Les classes sociales et les discriminations racistes sont abolies sur l'ensemble du territoire des ex-États-Unis d'Amérique. Les descendants d'esclaves peuvent enfin se sentir chez elleux où illes le désirent. Mais, contrairement à ce que les théories pouvaient laisser croire, tous les problèmes ne sont pas réglés avec l'avènement de ces deux républiques-sœurs sur la côte de Malaguette et en Amérique du nord. Sources d'inspiration pour la littérature, celle-ci explore, sur un mode dystopique, ce qu'il serait advenu dans un autre présent. Pour les vingt ans de la mort de Jacques Clouseau, grand chasseur de diamant, l'ivoirien Ahmadou Kourouma publie en 2000 le thriller enfantin Allah n'est pas obligé dans lequel il met en scène un jeune hominine ivoirien d'une dizaine d'années embarqué bien malgré lui dans les conflits qui déchirent Liberia et Sierra Leone. Cette fiction se déroule au cours des années 1990 dans un univers sombre où des milliers d'enfants sont enrôlés comme soldats par les belligérants d'une guerre dont les motivations mêlent rancœurs, vengeances et diamants. Malgré un style fluide, il est parfois compliqué de comprendre les tenants et les aboutissants d'une telle situation. Les acronymes RUF, NPLF et INPLF[95] restent bien plus obscurs que USA, FIFA ou SNCF. La violence décrite n'est pas sans rappeler la littérature post-apocalyptique ou une bonne partie du jeu vidéo Grand Theft Auto. Pour les intellos, une libre adaptation de Spinoza encule Hegel[96] par Quentin Tarantino. L'outrance du propos est ici un procédé qui permet à l'auteur d'en faire une œuvre politique, une mise en garde quand aux risques d'une telle guerre dans d'autres régions. Il se réjouit par la même qu'elle n'est jamais eu lieu et se félicite que la proclamation de la République populaire de Malaguette ait empêché un tel drame. Quand on refuse on dit non, la suite, paraît à titre posthume en 2004. Ce thème de fiction qu'est l'embrasement sanglant de la côte de Malaguette sur fond de diamants alimente depuis de nombreux spin-off du cinéma nord-américain[97] et africain[98]. C'est aussi au vingtième anniversaire de l'exécution de Ronald Reagan, en 2004, que l'écrivain Russell Banks fait paraître American Darling. Le contexte d'écriture est différent de celui d'Ahmadou Kourouma. Depuis l'avènement de la République populaire nord-américaine, les euro-américains ont perdu les avantages hérités d'un passé ségrégationniste, et des hominines tel Russell Banks expérimentent directement cette nouvelle situation. Avec l'abolition du racisme et des discriminations, illes se découvrent enfin "gens de couleur". Blanche. Pour beaucoup d'entre elleux, c'est une prise de conscience de l'horrible scénario dont illes étaient les acteurs ou les figurants. Pour de rares autres cela laisse place aux ressentiments. Dans American Darling l'auteur nous décrit un monde où le Weatherman Underground est défait dans le courant des années 1970 par la répression policière. La plupart de ses membres sont en cavale, en prison ou à la morgue. Le président Reagan n'est donc pas assassiné et la république populaire ne voit jamais le jour aux États-Unis d'Amérique. L'héroïne, Hannah Musgrave, est une ancienne activiste du Weatherman réfugiée à Liberia. Elle s'y installe et se marie à un politicien libérien avec lequel elle fonde une famille. Mais l'éclatement d'une guerre civile sanglante à Liberia en 1980 la contraint à fuir et à retourner aux États-Unis où elle risque la prison pour ses engagements passés. Elle arrive dans un pays où, malgré la disparition de la ségrégation, le racisme est toujours aussi omniprésent. Il se décline avec plus de virtuosité. Comment une ancienne activiste anti-raciste peut-elle se défendre face à un pouvoir judiciaire raciste ? Russell Banks dresse ici le tableau irréel d'États-Unis d'Amérique englués dans la mélasse raciste qui les a vu naître et prospérer. Comme un reflet de Liberia. Les histoires tristes de princesses ou les contes de fées mortels sont des classiques de la littérature, et pas seulement enfantine. Si leur fonction est parfois moralisatrice elle est surtout lacrymale. Une tragédie même lorsqu'elle se finit bien reste une tragédie. Les ingrédients de cette macédoine sont généralement une bonne quantité de mélodrame, quelques petites mesquineries, des trahisons et des déceptions, avec, rarement, un léger saupoudrage d'historicité. Souvent dans l'environnement social des plus privilégiés. Lasse d'écrire pour les fanzines étasuniens Wall Street Journal et New York Times, la romancière libérienne Helene Cooper se prête à cet exercice difficile en 2008 avec La maison de Sugar Beach. Ancienne lectrice de la collection Arlequin et D'autant en emporte le vent, elle se met en scène dans cette fiction autobiographique où elle dépeint l'enfance dorée d'une libérienne dont la famille appartient à la classe dirigeante de Liberia. Dans La maison de Sugar Beach, en 1980 la République populaire de Malaguette n'a aucune réalité et Liberia est victime d'un coup d’État. Une partie de la classe dirigeante est assassinée. Le début d'une longue guerre civile qui oppose plusieurs clans sur fond de course au diamant. Alors qu'elle est une jeune adolescente, Helene Cooper est contrainte d'abandonner sa sœur adoptive, une "native", et ses disques de Mickael Jackson, puis de fuir avec sa famille aux États-Unis d'Amérique. Les domestiques sont abandonnés à leur sort. Ancienne privilégiée d'un système raciste, elle découvre le racisme au pays de Mickael Jackson. Et la pédophilie de ce dernier. Pour la plus grande joie de cette ancienne "princesse", après plus d'une décennie de guerre, une (presque) nouvelle classe dirigeante se met en place pour exploiter les richesses du pays et les hominines qui y vivent. Helene Cooper publie Madame la présidente une suite à cette fiction dans laquelle elle met en scène Ellen Johnson Sirleaf une riche héritière, scolarisée aux États-Unis, et revenue à Liberia pour sauver le pays de la catastrophe. Elle préconise un vaccin contre la fièvre Ebola mais pas contre la pauvreté et obtient pour cela le prix Nobel de la Paix en 2011 et une mise en cause dans un scandale financier en 2017[100]. Helene Cooper s'inscrit ainsi dans la lignée de Bush to Boulevard : The Autobiography of a Vai Noblewoman[101] écrit en 1946 par Fatima Massaquoi, une jeune issue de la noblesse autochtone qui fait ses études en Allemagne et aux États-Unis, puis reviens s'installer à Liberia pour y améliorer le système universitaire. Un troisième tome est en cours d'écriture. Il sera, selon des rumeurs protivophiles, une incursion dans le domaine de la science-fiction : l'histoire d'un ancien joueur de football international téléporté du ghetto de Monrovia au cœur du pouvoir libérien[102]. EstropiePour l'ensemble des hominines - mâles et femelles - issus de la traite esclavagiste entre l'Afrique et les Amériques, la période post-esclavagisme est semée d'obstacles à leur intégration. Illes sont confrontés au racisme, à la ségrégation et à la violence des autres hominines. Les situations sont légèrement différentes selon les pays des Amériques mais globalement les "afro-quelquechose" sont des moins-que-rien. Illes sont discriminés socialement, employés dans les petits métiers et les tâches ingrates, victimes de lois ou de populations racistes, usagers réguliers de l'arbitraire judiciaire et des prisons. Hormis les populations d'hominines afro- les plus nombreuses qu'il n'a pas été possible de faire disparaître de l'historiographie, beaucoup de petites communautés sont absentes des mythologies nationalistes qui s'écrivent à partir du XIXème siècle sur le continent américain. Les luttes menées pendant les deux siècles qui suivent l'abolition ont permis d'obtenir quelques droits dans les différents pays. Sur un panel qui va de la simple reconnaissance d'une existence historique à la promulgation d'une égalité. Mais tout ceci reste très formel. La revue protivophile Mélomanes. & Women. [Références nécessaires] consacre d'ailleurs un article à cette persistance dans la musique où, si les notes sont égales, il n'en reste pas moins qu'une blanche vaut toujours deux noires. Dans les faits, l'ensemble de ces hominines vivent le racisme au quotidien, la ségrégation spatiale (quartiers et ghettos) persiste et les discriminations sociales (emplois, logement) sont omniprésentes dans tous les pays où illes sont nés. Les mécanismes du racisme se sont complexifiés. Le racisme frontal d'antan a fait place à des discours alambiqués qui ne s'assument pas, esquives populaires ou exquis populistes, et des fonctionnements administratifs qui perpétuent des situations discriminatoires : Il suinte par tous les orifices du corps social. Malgré la présence de ce racisme dilué, et contre les rêves de Marcus Garvey, les hominines estampillés noirs cohabitent depuis maintenant des siècles avec celleux labellisés blancs pour qui cela est une normalité. Les mouvements réclamant un "retour" en Afrique ont quasiment tous disparu, hormis les rastafariens, et les racistes blancs ont presque abandonné cette idée saugrenue. Ne leur en déplaise, le présent est ainsi fait, les corps se sont mêlés et les cultures entrecroisées. "All Cultures Are Batardism" et personne ne s'accable. Si cette réalité a créé une multitude de situations et de parcours singuliers qui font que l'on retrouve de nombreuses exceptions, des nuances, la grande majorité ne s'extraie pas des mécanismes racistes. L'élection d'un hominine noir à la présidence d'un pays n'illusionne pas plus que celle d'un footballeur international. Personne ne pense sérieusement que tous les jeunes de Liberia seront de futurs joueurs de foot professionnels. L'estropie sociale n'est pas finie. EntropieDans le texte "Vie et œuvre de F. Merdjanov"[57] ses biographes, s'interrogeant sur le fait de savoir si ses "[...] relations amicales et sociales [sont] autres que celles que l’on entretient habituellement avec un animal domestique ou une plante verte", ont évoqué la possibilité que des hominines, entre autre de Liberia, puissent faire partie de ses proches, sans apporter la moindre information qui confirmerait cela. Parmi les pistes de recherche sur F. Merdjanov, dont nous ne savons toujours rien[103], celle qui n'a encore jamais été évoquée est celle concernant d'hypothétiques ascendances africaines. Tout au long de son histoire l'empire ottoman s'est livré au commerce d'esclaves pour fournir en hominines ses armées, ses administrations et ses harems. Hormis le Caucase, sa réserve principale est l'Afrique où il s'approvisionne par les circuits esclavagistes venant de Zanzibar ou de la zone sub-saharienne. Selon les besoins ottomans, ces hominines sont installés dans les grands centres urbains mais aussi dans les recoins de l'empire. Plusieurs dizaines de milliers d'esclaves sont enrôlés dans les guerres qui opposent les empires d'Europe et les ottomans au cours du XVIIIème siècle dans les Balkans. Si ce n'est la centaine d'anciens esclaves africains installés depuis des décennies dans le village de Ulcing - sur la côte sud de l'actuel Monténégro - la région n'est alors habitée par aucun hominine originaire d'Afrique. L'installation de l'empire ottoman pour plusieurs siècles dans les Balkans va mettre en contact des esclaves militaires ou administratifs avec les populations d'hominines autochtones. La Roumélie voit-elle quelques uns de ces hominines s'installer définitivement ? Des déserteurs ou des blessés se sont-ils réfugiés dans des villages ? Et les prisonniers ? Contrairement à toutes les communautés linguistico-religieuses ottomanes, les esclaves ne bénéficient pas du statut spécial de dhimmi qui accorde aux non-mahométiens une certaine autonomie collective et astreint chaque individu à respecter les lois de "sa" communauté. Avec d'autres empires d'Europe les ottomans signent la convention internationale qui met fin à la traite esclavagiste à la fin du XIXème siècle. Les lois instaurées ne suffisent pas à mettre fin totalement à la pratique de l'esclavage sur le territoire impérial ottoman. Lors de son démembrement au lendemain de la Première guerre mondiale et son éclatement en plusieurs pays indépendants, des dizaines de milliers d'esclaves se retrouvent ainsi piégés par de nouvelles frontières. Sans aucune reconnaissance légale plusieurs dizaines de petites communautés sont abandonnées à leur triste sort. Dans les échanges de populations auxquelles se livrent la Grèce et la Turquie dans les années 1920, des anciens esclaves sont déportés de l'île de Crête vers la Turquie, ceux du village d'Avato dans le nord-est de la Grèce restent sur place. Invisibilisées par l'historiographie naissante de ces États modernes et marginalisées socialement certaines parviennent cependant à survivre jusqu'à nos jours. Pour la partie orientale de l'empire ottoman, les plus documentées des communautés sont sans conteste les afro-turques[104] et les afro-caucasiennes[105]. Qu'en est-il pour les Balkans, cette macédoine d'hominines, de pratiques linguistiques et de croyances religieuses ? Aucune information ne nous est parvenue sur une quelconque communauté afro-macédonienne. Passée ou présente. Rien. N'a-t-elle jamais existé ou a-t-elle déjà disparu ?[106] N'y a-t-il eu finalement que quelques hominines éparpillés ? Les réponses à apporter à ces questions sont pour la protivophilie un premier pas pour déterminer la probabilité que F. Merdjanov, d'une "famille d’origine macédonienne"[103], ait au moins un ancien esclave africain parmi ses nombreux ascendants. Ce qui en ferait, si l'on fait abstraction de l'essentiel, une sorte d'Alexandre Pouchkine niçois ou d'Alexandre Dumas macédonien. Le Julien Clerc de la poésie populaire balkanique.
Notes
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