Tondeuse
Tondeuse. (клиперс en macédonien - tondèira [1] en nissard) Arme par destination et outil de domination
ProtivohistoireDans la langue française, une tondeuse est l'outil qui permet de tondre, c'est-à-dire de couper à ras. Ce verbe se retrouve dans de très nombreuses langues dite latines : Du roumain tunde au catalan tondre, en passant par le nissard tondre. Pour la même signification, les langues germaniques utilisent des dérivés d'une racine commune qui exprime le fait de couper et qui forme, par exemple, l'anglais shear, le danois skære ou l'allemand scheren. Construite progressivement à partir du latin, sur un substrat celtique et des apports germaniques, grecs et arabes, la langue française actuelle conserve cet étymon dans des mots comme déchirer [2], circoncire [3] ou scier [4]. Féminin de tondeur, la tondeuse — parfois aussi appelée tonderesse — est l'hominine femelle qui pratique la tonte ou celle qui est la compagne du tondeur [5]. Les plus anciennes formes répertoriées dans des textes pour définir l'outil nécessaire à la tonte sont tondoir ou tondre [6], toutes deux noms masculins, et sont attestées au début du XIIIème siècle après JCⒸ [7]. Il est utilisé pour la tonte du pelage des hominines — poils et cheveux — ainsi que celui de certaines autres espèces animales. Tel que les caprins et les ovins. Et aussi dans la fabrication de draps en laine pour couper les poils qui dépassent ou dans la sylviculture pour se débarrasser des arbres de leurs branches mortes ou jugées inutiles. Avant le XVème siècle et la standardisation d'une langue française, il existe de multiples formes pour exprimer cela. Se côtoient indistinctement tondeure, tondure, tonseure ou tonsure pour parler d'une tonte. Dans ce qui peut être tondable, il est parfois fait une différenciation entre le tondage des poils dépassant du drap, la tondaille des espèces domestiquées à pelage laineux, et la tonture du pelage pileux et capillaire des hominines. Quelle que soit leur origine, ces toisons doivent être raccourcies, et pour cela il n'est pas toujours nécessaire d'avoir un espace dédié, une tonderie. Avec la tonte, il y a la même ambiguïté qu'avec le mot rien qui, dans un sens, indique l'absence de toute chose, et dans un autre, marque une présence infime. La nuance entre "rien" et "un rien". L'expression Trois pelés et un tondu marque la quasi absence de quiconque ou la présence d'hominines qui comptent pour rien. Dans un cas, le petit nombre semble vouloir être la démonstration qu'il n'y a presque personne, dans l'autre cela renvoie aux raisons de la pelade et de la tonte. Dans Pantagruel, Rabelais parle en 1532 de "troys teigneux et ung pele" [8] pour dire qu'il y a très peu d'hominines ou qu'illes ne sont pas à la hauteur. Le sens exact n'est pas clairement déterminé. En 1640, Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires rapporte que "pelé" est un terme injurieux qui désigne "un homme mal basty, un coquin, un gueux" [9]. Il mentionne l'existence de l'expression dans le sens de personnes de peu de considération. À la fin du XVIIème siècle, le Dictionnaire universel d'Antoine Furetière indique que sous la forme "Trois tondus et un pelé" cette expression désigne "une assemblée de gens dont on ne fait pas grand cas". À l'entrée "tondre", ce même dictionnaire parle de "Deux tondus et un pelé" pour une compagnie que l'on méprise [10]. Difficile d'établir avec précision les sens à donner au terme "tondu". S'agit-il de parler d'hominines malades que la teigne a contraint à une tonte ou d'une personne ayant subi une tonte par mesure d'hygiène ou de rétorsion, et donc peu fréquentable ? Ou bien faut-il comprendre tondu dans le sens de "pauvre" comme le suggère l'expression "Tondre le peuple" pour parler d'une trop forte charge d'impôts ? [11] Ce que rendent les expressions modernes "Se faire tondre" et "Tondre une personne", respectivement "s'appauvrir" et "dépouiller de ses biens". Le tondoir, le tondre ou la tondeuse sont des objets ou des procédés techniques qui ont évolué au fil des siècles. La tondeuse mécanique n’apparaît qu'au cours du XIXème siècle. Né en 1823 dans une famille pauvre du petit village de Neradin dans la province de Voïvodine, au nord de l'actuelle Serbie, le jeune Nikola Bizumic (Никола Бизумић en serbe) travaille pour un élevage porcin dans le massif montagneux de la Fruska. Il part pour Ruma dans le milieu des années 1830 où il est embauché comme assistant par un barbier qui le forme au métier. Nikola Bizumic conçoit la première tondeuse mécanique pour cheveux et barbe, basée sur le principe d'une pince à lame mobile. Le gain de temps pour réaliser une coupe de cheveux ou une taille de barbe est considérable. Mais, faute de financement, il ne parvient pas à déposer un brevet pour se lancer dans la production d'une telle tondeuse. Sans le sou, il quitte les Balkans pour la Grande-Bretagne et s'installe à Londres en 1855. Il dépose un brevet et commercialise sa machine. Le succès est rapide et la tondeuse mécanique s'exporte très bien auprès des coiffeurs d'Europe et des Amériques qui y voient un grand intérêt. Idem pour les éleveurs d'ovins et de caprins laineux à qui cette nouvelle tondeuse facilite grandement le travail de tonte. En une dizaine d'années, Nikola Bizumic fait fortune grâce à son invention. Il obtient la nationalité britannique et est anobli sous le nom de John Smith. Il meurt à Londres en 1906. Selon la protivophilie, aucun des mots proches de tondeuse n'est employé par F. Merdjanov dans son œuvre principale Analectes de rien [12]. Difficile d'être aussi catégorique pour L'égosolisme klimaïen et le matérialisme du rien dont nous ne disposons que du titre. Des études récentes ont néanmoins permis de déceler des allusions capillotractées — c'est-à-dire tirées par les cheveux. L'égosolisme renvoie évidemment à la possibilité de le faire soi-même, facilement, comme le permet une tondeuse mécanique; Ladislav Klíma est contemporain de l'invention de la tondeuse par Nikola Bizumic et en a probablement déjà vu; Centrales pour la protivophilie, les problématiques autour du matérialisme du rien interrogent sur ce qu'il reste après le passage d'une tondeuse.
Espaces tonderiensLes tonderies sont les espaces mis en place par les hominines pour exploiter au mieux les tondeuses. Ses formes et les modalités de tontes ont très peu évolué. Seuls les outils ont changé. L'introduction de la tondeuse mécanique à la fin du XIXème siècle marque une étape quantitative et qualitative dans l'histoire de la pratique.
OvinsEn français, le terme générique pour désigner les ovins est mouton. Il se prononce \mu.tɔ̃\ au singulier et au pluriel, et dans ce dernier cas il prend un s final et muet, "c'est-à-dire qu'il n'y [a] pas qu'un moutonne. Il y [a] plusieurs moutonsse." [15] La femelle adulte est appelée brebis et le mâle bélier, alors que la jeune femelle est une agnelle et le jeune mâle est un agneau (très rarement agnel ou agnelet) [16]. Le terme mouton [17] dérive d'un étymon celtique qui désigne un individu mâle châtré de l'espèce ovine. Cet étymon se retrouve sous différentes formes dans le breton, le gaélique d'Irlande ou le gallois, avec un sens similaire. En français, mouton est la base de plusieurs mots, tels que moutonner, moutonnerie ou moutonnier qui signifient, respectivement, "dénoncer", "bêtise" [18] et "suivisme". Il compose aussi quelques expressions. Par exemple, le saute-mouton qui est un jeu entre hominines, le mouton noir qui est une personne indésirable ou le fait de compter les moutons afin de s'endormir de lassitude. Globalement, les significations de ces mots et de ces expressions reflètent des connotations péjoratives ou dévalorisantes. Lorsque les allusions aux moutons ne sont pas dans ces registres, elles réduisent les moutons à une simple apparence laineuse. Il en est ainsi dans moutonneux qui désigne une eau agitée sur laquelle se forme une écume blanche, semblable à des troupeaux de moutons laineux, ou dans l'utilisation de moutons dans le sens d'amas de poussière. Dans une approche intersectionnelle antispéciste et protivophile, la célèbre phrase du Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry "S’il vous plaît... dessine-moi un mouton !" doit-elle être considérée comme relevant de stéréotypes à l'encontre des ovins ? Manifestement peu sensible à ces questionnements, le Petit Prince est catégorique :
Le terme ovin vient du latin ovis qui nomme les béliers et ovicula les brebis. La taxonomie du vivant par les hominines donne le nom d'ovins à l'ensemble de l'espèce et différencie les variétés restées sauvages de celles domestiquées : ainsi, ovis aries est l’appellation savante pour les moutons domestiques. Les pratiques linguistiques entre le VIIIème et le XIVème siècle font évoluer ovicula vers la forme oeille [20] qui conserve le sens de "brebis" et prend aussi celui de "personne qui est sous la conduite d'une autre" car les troupeaux d'ovins domestiques sont très largement constitués de brebis. Ce sens persiste en français actuel sous la forme ouaille [21] qui s'applique, dans un contexte religieux, aux hominines qui suivent la même orientation spirituelle, et dans un sens général aux hominines qui sont adeptes de telle ou telle cause. Tout ceci en bon ordre, pour qu'il n'y ait pas le ouaï [22]. Homonyme et antonyme de ouaille, le ouaï est le désordre. Les ovins sont l'une des plus anciennes espèces animales domestiquées par les hominines. Il y a de cela plus de 10000 ans. La domestication des moutons s'explique par les avantages que procurent cette espèce : les hominines utilisent le lait, la viande, la peau et le pelage laineux pour améliorer leur quotidien. La maîtrise de la reproduction des moutons amène à toujours plus de sélections qui les éloignent des versions restées sauvages. L'ancienneté de cette domestication est telle qu'elle a considérablement modifié la morphologie et les caractéristiques des moutons pour faire naître des "races" spécifiques au cours des siècles. Si les hominines n'interviennent pas, les moutons du monde entier et de n'importe laquelle de ces "races" peuvent se reproduire ensemble et mêler leurs caractéristiques artificielles. De la même façon que les "races" de canidés qui n'existent que par l'intervention des hominines. Une terrifiante pitbull peut très bien s’amouracher d'un petit yorkshire et enfanter, comme le démontre l'excellent documentaire Ophélie [23]. Certaines "races ovines" sont préférées pour leur viande, d'autres pour leur laine ou encore leur lait. Comme les hominines, les moutons sont des mammifères bilatériens — qui possèdent une bouche et un anus — mais contrairement aux hominines qui sont omnivores, les moutons sont herbivores. Les cornes ne sont pas présentes systématiquement. Chez certaines espèces, le bélier et la brebis en possèdent, dans d'autres seul le mâle est concerné, et parfois ni le mâle ni la femelle n'en ont. La domestication des ovins par les hominines est facilitée par leur comportement social qui est un mélange de grégarité et de non-agressivité. Hormis le cas — extrêmement rare — relaté dans le documentaire Black Sheep [24], réalisé en 2006, les ovins n'attaquent pas les hominines pour les déchiqueter. Si ce n'est les variétés à cornes, la plupart des moutons ont peu de ressources face à leurs prédateurs. Adeptes du plus basique système d'autodéfense, illes optent bien souvent pour la fuite. Généralement, le comportement social des ovins est jugé primaire par les hominines qui les regroupent en troupeaux et les caricaturent, comme le fait Rabelais avec ses moutons de Panurge. Oubliant, de fait, les comportements étranges que procurent aussi le nombre, le troupeau ou la foule, sur les hominines. Leur histoire est jonchée d'exemples bien peu reluisants. À voir, par exemple, Les moutons du sociologue Richard Gotainer sur le rapport berger/troupeau dans la politique [25], ou bien encore les travaux de l'historien de la gastronomie Octave Mirbeau :
Les travaux de la moutonologue Thelma Rowelll montrent clairement que les ovins nouent des relations amicales interindividuelles avec leurs congénères, ont de relations sociales complexes, reconnaissent les visages d'ovins et d'hominines, interagissent dans les prises de décision collectives et qu'illes n'ont pas moins d'intelligence pratique que d'autres espèces animales jugées plus positivement [27]. Sans aller jusqu'aux extrémistes qui réalisèrent le documentaire Shaun le mouton [28], les ovins ont parfois montrer des comportements surprenants pour les hominines. L'exemple le plus marquant est sans doute celui d'ovins britanniques qui, pour contourner le système de rouleaux métalliques à l'épreuve des sabots installés au sol pour les empêcher de passer, roulent sur le dos sur une longueur de trois mètres. Ensuite, les ovins "ont détruit plusieurs jardins et même pâturé le parc du village, le terrain de boules, le terrain de cricket et le cimetière." [29] En plus de l'imaginaire des hominines qui assimile les ovins à une mécanique biologique qui, selon l'expression de Thelma Rowell, convertie l'herbe en gigot [30], ou les réduit à des comportements jugés particulièrement stupides, illes sont aussi utiles pour des activités ludiques dévalorisantes. Du rodéo pour enfants au rôle de simple "animal de compagnie". De la reine franco-autrichienne Marie-Antoinette qui met des rubans de couleur au cou de ses quelques moutons domestiques au polytoxicomane poétique Charles Baudelaire qui se promène dans la rue avec un ovin, teint en rose, attaché au bout d'une laisse [31]. En passant par le bouzkachi afghan [32] où une carcasse décapitée est l'enjeu pour deux équipes de cavaliers. Une sorte de polo ovin [33]. Un vrai sport national [34] qui, sous différents autres noms, existe en Asie centrale et fait partie des disciplines des Jeux mondiaux nomades depuis leur création en 2014. Les ovins sont même au cœur d'une blague récurrente, connue dans le monde entier et ce depuis des siècles sous le nom de Aïd el-Kebir [35]. En effet, les adeptes des mythologies mahométiennes [36] rendent un culte particulier aux ovins en en sacrifiant des millions tous les ans lors de la "Fête du mouton". Illes donnent ainsi sens à l'expression "Faire la fête à..." qui exprime l'action de sanctionner, de frapper ou de tuer [37]. Les mythologies moïsienne et christienne [36] ne sont pas en reste dans leur volonté de massacrer en nombre des ovins tous les ans. L'une invente un dieu fou qui ordonne de répandre du sang d'agneaux sur les portes des hominines de cette mythologie afin qu'illes soient épargnés par une de ses créatures venue massacrer des nourrissons d'hominines ! L'autre explique que la mise à mort massive d'agneaux est utile pour rappeler que la divinité a accepté de laisser tuer son fils imaginaire, né d'une grossesse nerveuse, pour punir les hominines de leurs pêchés ! Aussi étrange que cela puisse paraître pour qui n'est pas très à l'aise avec les scénarios de série B, ces mythologies sont prises au sérieux par leurs adeptes comme l'est Game of Thrones par ses fanatiques. Faute de place disponible après la destruction de leur temple, les adeptes de la mythologie moïsienne renoncent finalement à cette pratique sanguinolente alors que celleux de la mythologie christienne persistent et inventent de multiples recettes de gigots. Quelque que soit la mythologie inventée par les hominines, la divinité semble souvent avoir une attitude très spéciste à l'encontre des ovins. Dieu aime les détester. Comme les hominines, au vu du sort qui leur est réservé, il ne semble pas insensé de penser que les ovins aussi devraient détester dieu [38]. Utilisant plus d'effets spéciaux, la mythologie grecque raconte l'histoire d'un dieu qui envoie un bélier qui parle, doté d'ailes, de cornes en or et d'une toison dorée, afin de sauver deux enfants hominines de leur belle-mère qui veut les sacrifier. Lors de leur fuite par les airs, la jeune hominine femelle chute dans la mer Noire et meurt noyée. De cette adelphie, seul le jeune mâle survit. Pour le remercier d'avoir tenter de les sauver, le bélier ailé est égorgé par le survivant et totalement tondu. Sa toison d'or est donnée à un roi du Caucase qui la suspend à un chêne et la fait garder par un dragon et des hominines en arme. Dès lors, sa toison devient un trophée très recherché par les hominines. Une vraie tragédie grecque [39]. L'ambiguïté du rapport entre l'idée de dieu, les hominines et les ovins est au centre du scénario du sitcom de science-fiction Dolly. Six saisons qui suivent en direct l'histoire touchante de la brebis Dolly, de sa naissance par clonage en juillet 1996 à sa mort par euthanasie en février 2003. De sa fierté d'être la première clone à faire la Une des magazines people [40] à ses douleurs d'arthrite précoce et ses difficultés respiratoires qui incitent ses proches à abréger sa vie. Loin de l'intimisme de l'éleveur d'ovins et producteur d'ovnis Alain Chany, ou de la pornographie interspéciste et autobiographique de François Augiéras qui assume l'héritage de Claudine de Culam et ses propres proximités ovines : "Je suis proche des bêtes, des agneaux auxquels je suis du reste uni par des rapports sexuels." [41] Hormis les cas répertoriés dans des contextes militaires où des hominines mâles, frustrés par l'abstinence, ont une sexualité avec une brebis, dans des situations où des prêtres s'envoient "au septième ciel" avec leurs ouailles ovines, ou bien les quelques individus recensés dans des chroniques judiciaires, les études intersectionnelles sur les sexualités ovines et hominines n'en sont qu'à leur début. Tout reste à faire. Qu'en est-il par exemple des IST et des MST, de l'imaginaire érotique ou de la validité du consentement ? [42] Pour ce qui est de la maltraitance des ovins par les hominines, la documentation est énorme et les témoignages très nombreux. Après des millénaires de domestication, les ovins ont été considérablement modifiés. À l'état premier, sauvage, les espèces d'ovins qui produisent une toison laineuse pour la période hivernale la perdent au printemps. Les hominines préhistoriques ramassent alors cette laine au sol pour en faire un usage domestique. L'élevage et les croisements sélectifs afin d'augmenter l'épaisseur du pelage laineux ont été tels que les "races laineuses" actuelles sont entièrement dépendantes des hominines pour survivre. Les exemples de Chris en 2015 et de Baarack en 2019 sont très éloquents. Après avoir fuit leurs élevages en Australie, l'un et l'autre ont vécu en liberté et sont restés cinq ans sans être tondus [43]. Retrouvés par des hominines, une longue tonte fut nécessaire pour enlever les plus de 41 kilogrammes de pelage laineux sur Chris [44] et 35 sur Baarack [45]. Au moment de leur capture, ils n'étaient plus en mesure de se déplacer facilement, peinaient à se nourrir et le risque de mourir de chaud était considérable. La tonte était devenue vitale. Comme des esclavagistes qui se targuent de bien traiter leurs esclaves pour qu'illes ne meurent pas, la tonte est présentée positivement par l'Association des Tondeurs de Moutons : "Un mouton que l’on ne tondrait pas se retrouverait enveloppé d’un cocon de laine feutrée, sale, humide et moisie. [...] On peut considérer que la tonte est un acte d’hygiène vétérinaire qui évite l’apparition de parasites externes." [46] La tondeuse est un outil qui marque l'avilissement moderne des ovins à laine par les hominines. À la fin du XIXème siècle, l'invention de Nikola Bizumic est accueillie avec enthousiasme par l'industrie de la laine au Royaume-Uni, principal pays exportateur. Les forces — un outil en forme de ciseau — sont rapidement remplacées. La rapidité de la tonte et sa facilité d'utilisation font de la tondeuse mécanique une nouvelle étape dans la domestication ovine. Elle permet en effet d’accroître les rendements et d'envisager l'augmentation du pelage laineux par de nouvelles sélections artificielles lors de la reproduction. L'invention de la tondeuse électrique pour cheveux et barbe d'hominines dans le premier quart du XXème siècle par un ingénieur étasunien aura elle-aussi des retombées catastrophiques pour les ovins à laine. Hominines
Les hominines sont une espèce vivante n'ayant pas à proprement parlé de pelage, hormis dans certaines régions du globe où des zones pileuses plus ou moins denses sont présentes sur le corps et/ou le visage des hominines. Par contre, le crâne et l'entrejambe ne souffrent d'aucune exception, l'ensemble des hominines possèdent sur ces parties de leur l'anatomie des cheveux et des poils. Aucune population d'hominines n'est connue pour être totalement glabre ou chauve. Contrairement à la langue anglaise avec hair [48], la française fait une différence entre le pelage situé sur le crâne, les cheveux, et celui du reste du corps, les poils. L'étymologie de cheveu — issue du latin capillus et composée de cap "tête" et de pillus "poil" — rappelle qu'il est un poil de tête. Étymon qui se retrouve dans capillaire ou capillarité. La vitesse de pousse des cheveux est plus importante que celle du pelage pubien et corporel. Pour ce dernier, même si elle est lente et continue, la pousse s'équilibre avec la perte régulière de poils. Il y a quasiment aucun risque d'être dans l'obligation stricte de les couper. Il en est autrement avec les poils du visage et les cheveux qui ne cessent de grandir et doivent être parfois coupés pour ne pas être une gêne. Pour se faire, depuis maintenant des millénaires, les hominines ont inventé de multiples procédés pour raccourcir, raser ou arracher les toisons gênantes. De la pierre taillée à la lame de rasoir métallique, des ciseaux à la pince à épiler, de la cire épilatoire à la tondeuse. Bien plus que les aspects esthétiques ou les symboliques religieuses, les raisons de s'occuper du surplus pileux sont d'ordre sanitaire. Indispensable comme cela l'est pour les ovins laineux. Cela permet de minimiser la prolifération de parasites dans les poils et les cheveux, tel que les poux, ou bien encore de faire respirer la peau et d'endiguer les infections cutanées de type teigne. Les raisons sont aussi pratiques. Une barbe trop grande peut être encombrante et des cheveux trop longs peuvent être handicapant pour bien voir. Voire constituer un vrai danger dans les différentes activités des hominines. Pour un grand nombre d'hominines, la tonte des cheveux est soit assimilée à l'armée qui opte pour cette méthode hygiénique afin de réduire les risques de poux et de transmission de maladies, aux moines christiens qui avec leur tonsure pensent être plus proches de leur dieu, ou à la culture skinhead [49] qui cultive ce look, héritage d'une technique basique pour empêcher la flicaille d'attraper par les cheveux. Pour d'autres, la tonte est une vraie action punitive. Vécue comme tel par celleux qui la subissent, voulue comme tel par celleux qui l'imposent. Dans les sociétés ségrégationnistes et binaires des hominines [50], la tonte n'a pas la même signification pour les hominines femelles ou mâles. Si pour les deux le passage de la tondeuse est synonyme d'humiliation, pour les unes il est un rappel de leur subordination aux hominines mâles, et pour ceux-ci la tonte punitive fait d'eux autre chose que des mâles et deviennent ainsi symboliquement l'équivalent d'une femelle. Mais à délit identique, la peine n'est pas identique. En effet, la punition de la tonte n'est pas appliquée pour les mêmes griefs selon que l'hominine est femelle ou mâle car, comme le justifie le révolutionnaire (mais/et) ségrégationniste Pierre-Joseph Proudhon, "l’égalité politique des deux sexes, c’est-à-dire l’assimilation de la femme à l’homme dans les fonctions publiques, est un de ces sophismes que repoussent non pas seulement la logique, mais encore la conscience humaine et la nature des choses." [51] Célèbre pour sa formule "La propriété c'est le vol", Proudhon ne voit pas que la hiérarchisation des hominines entre mâles et femelles place ces dernières en état de bien possédé. Pour lui, il n'y a aucun problème à cela. Au fur et à mesure que s'inventent les mythologies moïsiennes, christiennes et mahométiennes, les hominines mâles perpétuent les ségrégations et les punitions réservées aux femelles. Ces trois mythologies affirment clairement que l'hominine femelle est la subordonnée du mâle et lui est inférieure. La prière moïsienne du matin invite l'hominine mâle à remercier sa divinité "de ne pas m'avoir fait femme" et la femelle "de m'avoir faite selon ta volonté"; à travers le personnage fictif de Ève, la mythologie christienne fait porter aux hominines femelles la responsabilité de la déchéance des hominines; et selon la mythologie mahométienne "les hommes ont autorité sur les femmes, en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles" [52]. Diverses sanctions sont prévues afin de remettre les hominines femelles dans le droit chemin préconisé par ces mythologies. La tonte y a une place singulière. Dans l'Ancien Testament, l'un des tomes de la Bible christienne, il est ainsi rappelé que la divinité menace les hominines femelles d'être tondues si elles ne se comportent pas comme il faut [53]. Les peines les plus graves sont celles pour adultère, c'est-à-dire pour des relations sexuelles extraconjugales. Dieu étant "bon et juste", bien souvent la sanction est la mort [54] et la lapidation est encouragée. Mâles et femelles sont à priori exposés aux même sanctions. Le mariage étant un simple accord commercial, l'adultère correspond à une atteinte à la "propriété" d'une autre personne. Mais les réalités sociales des mâles et des femelles font la différence : pour les hominines femelles le "devoir conjugal" est l'anagramme de "ce jargon du viol" alors que pour les mâles "une érection" est celui de "ne coûte rien" [55]. Même Catherine Deneuve [56] — plus connue pour être l'anagramme de "aveu de chrétienne" [57] que pour ses discours féministes — est très prudente sur ces histoires de propriétaires.
Pour ne pas être totalement en décalage avec le monde réel, les adeptes des mythologies moïsienne, christienne et mahométienne, ont de tous temps atténué la portée de leurs textes fondateurs et proposé des interprétations viables. La lapidation pour adultère est quasi impossible dans les peines moïsiennes, abolie dans les christiennes et exceptionnelle dans les mahométiennes. Ces divines volontés punitives s'entrecroisent avec les règles sociales qui encadrent les sociétés d'hominines et répondent à des mécanismes différents. Elles se rejoignent sur l'idée de subordination des hominines femelles à leurs propriétaires mâles. Sur le pourtour méditerranéen, les législations des antiques cités grecques et de l'empire romain condamnent l'adultère. Dans les unes, les coupables s'exposent à des actes humiliants tel que le rasage du crâne ou du pubis, à des sévices corporels comme la flagellation ou l'introduction dans l'anus d'un gros radis [59], à la perte de droits civiques ou, cas extrême, à la mise à mort. Il n'y a pas d'adultère lorsque la relation se fait avec des esclaves ou des prostituées, ce qui, de fait, est à l'avantage des hominines mâles. Pour qu'il y ait délit, il est nécessaire que la relation sexuelle hors-mariage se fasse avec l'épouse, la fille ou toute autre femelle dépendante d'un chef de famille, mâle, libre et citoyen. "C'est qui le proprio !?" est une tirade du quotidien qui se traduit très bien en grec ancien et en latin. La législation romaine encadre et fixe les sanctions pour adultère. Selon la Lex Julia de adulteriis[60] promulguée en 18 avant JCⒸ, il y a adultère lorsque un hominine mâle marié entretient une relation sexuelle avec une femelle mariée, alors que celle-ci est considérée adultère quelque soit le statut de son amant. Seuls les mâles ont le droit de porter une accusation d’adultère. Les hominines femelles sont particulièrement visées par les sanctions car elles sont accusées de semer le doute dans la légitimité d'une descendance. De qui est l'enfant à naître ? Avec l'adoption des mythologies christiennes par les autorités romaines, la législation est modifiée afin de réaffirmer la sacralité du mariage. Au début du IVème siècle, les hominines femelles reconnues coupables d'adultère encourent la mise à mort — comme pour l'homicide, l’empoisonnement et la sorcellerie. La peine de mort est remplacée par une peine de réclusion dans un couvent dans le courant du VIème siècle sous l'empereur Justinien [61]. À l'Est du Rhin, dans les régions continentales du nord et du centre de l'Europe, aux marges de l'empire de Rome, les populations germaniques vivent selon leurs propres coutumes. L'historien romain Tacite rédige vers la fin du Ier siècle après JCⒸ un court texte intitulé La Germanie dans lequel il relate ce qu'il sait sur ces populations dites barbares. Selon lui, dans le cas de l'adultère d'une hominine femelle, "on rase la coupable, on la dépouille, et, en présence des parents, le mari la chasse de sa maison, et la poursuit à coups de verges par toute la bourgade." [62] Avec l'effondrement de l'empire romain (d'occident) au cours du Vème siècle et la pression militaire des populations hunniques qui arrivent de l'est, les populations germaniques s'avancent progressivement vers les territoires de l'ouest et du sud du continent et y fondent plusieurs royaumes. Celui des wisigoths de part et d'autre des Pyrénées, celui des vandales sur la côte méditerranéenne de l'Afrique, des burgondes à l'ouest des Alpes, des ostrogoths au sud des Alpes et dans la péninsule italique, des alamans autour du Rhin et des francs dans le nord de la Gaule romaine. Les hominines de ces invasions barbares se mélangent aux populations locales et les royaumes qui naissent se structurent autour de droits coutumiers et de législation romaine. La langue latine est adoptée par ces hominines germaniques, ainsi que les mythologies christiennes. Écrits en latin, des codes de lois sont édictés par chacun des royaumes entre les Vème et VIIème siècles. Jugée humiliante, la tonte non-justifiée est un délit. La loi burgonde du VIème siècle, par exemple, précise que couper les cheveux d'une hominine femelle est passible d'une amende et demande réparation pécuniaire. Le prix est moindre si la femelle est esclave et "si un esclave a eu l'audace de commettre ce crime envers une femme de condition libre, qu'il soit mis à mort, et que son maître ne soit pas recherché." [63] À moins que son maître accepte de payer une amende pour lui éviter la mort. De ces royaumes, seul celui des francs va perdurer et s'agrandir au détriment de ses voisins. Né dans le nord-est de l'empire romain, dans la province de Gaule belgique, ce royaume est dirigé par une aristocratie guerrière franque. Deux dynasties vont régner : celle des mérovingiens de la fin du Vème jusqu'au milieu du VIIIème siècle, puis celle des carolingiens jusqu'à la fin du IXème siècle. Selon l'historiographie officielle, Clovis est le fondateur de la dynastie mérovingienne et premier des rois francs à se convertir aux mythologies christiennes. Sans conteste, le plus people des rois carolingiens "C'est ce sacré Charlemagne" comme le rappelle l'historienne Isabelle "France" Gall [64]. Il est le dernier à porter le titre de "roi des francs" et sous son règne l'extension géographique du royaume est à son apogée. Un vaste territoire qui sera fractionné entre ces trois petits-fils dans le milieu du IXème siècle, suivant des tracés nord-sud qui coupent le royaume entre la Francie occidentale, la médiane et l'orientale. La loi salique, le code législatif qui régit le royaume franc, est instaurée par Clovis et progressivement ajustée par ses successeurs [65]. Elle a vocation à être appliquée sur l'ensemble du territoire. Là encore, existe le délit de couper les cheveux sans consentement. Considérant sans doute que cela est plus humiliant pour elle, l'amende est plus élevée lorsque la victime est une hominine femelle [66]. Notes
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