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− | Pour ne pas être totalement en décalage avec le monde réel, les adeptes des mythologies moïsienne, christienne et mahométienne, ont de tous temps atténué la portée de leurs textes fondateurs et proposé des interprétations viables. La lapidation pour adultère est quasi impossible dans les peines moïsiennes, abolie dans les christiennes et exceptionnelle dans les mahométiennes. Ces divines volontés punitives s'entrecroisent avec les règles sociales qui encadrent les sociétés d'hominines et répondent à des mécanismes différents. Elles se rejoignent sur l'idée de subordination des hominines femelles à leurs propriétaires mâles. Sur le pourtour méditerranéen, les législations des antiques cités grecques et de l'empire romain condamnent l'adultère. Dans les unes, les coupables s'exposent à des actes humiliants tel que le rasage du crâne ou du pubis, à des sévices corporels comme la flagellation ou l'introduction dans l'anus d'un gros radis <ref> | + | Pour ne pas être totalement en décalage avec le monde réel, les adeptes des mythologies moïsienne, christienne et mahométienne, ont de tous temps atténué la portée de leurs textes fondateurs et proposé des interprétations viables. La lapidation pour adultère est quasi impossible dans les peines moïsiennes, abolie dans les christiennes et exceptionnelle dans les mahométiennes. Ces divines volontés punitives s'entrecroisent avec les règles sociales qui encadrent les sociétés d'hominines et répondent à des mécanismes différents. Elles se rejoignent sur l'idée de subordination des hominines femelles à leurs propriétaires mâles. Sur le pourtour méditerranéen, les législations des antiques cités grecques et de l'empire romain condamnent l'adultère. Dans les unes, les coupables s'exposent à des actes humiliants tel que le rasage du crâne ou du pubis, à des sévices corporels comme la flagellation ou l'introduction dans l'anus d'un gros radis <ref>Dans ''Les nuées'' écrit au V<sup><small>ème</small></sup> siècle avant JC, Aristophanes mentionne, par la bouche de l'un de ses personnage, le supplice de la rave dans l'anus en cas d'adultère - [https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Nu%C3%A9es_(trad._Eug%C3%A8ne_Talbot) En ligne]. </ref>, à la perte de droits civiques ou, cas extrême, à la mise à mort. Il n'y a pas d'adultère lorsque la relation se fait avec des esclaves ou des prostituées, ce qui, de fait, est à l'avantage des hominines mâles. Pour qu'il y ait délit, il est nécessaire que la relation sexuelle hors-mariage se fasse avec l'épouse, la fille ou toute autre femelle dépendante d'un chef de famille, mâle, libre et citoyen. "''C'est qui le proprio !?''" est une tirade du quotidien qui se traduit très bien en grec ancien et en latin. La législation romaine encadre et fixe les sanctions pour adultère. Selon la loi promulguée en 18 avant JC<sup>Ⓒ</sup>, il y a adultère lorsque un hominine mâle marié entretient une relation sexuelle avec une femelle mariée, alors que celle-ci est considérée adultère quelque soit le statut de son amant. Seuls les mâles ont le droit de porter une accusation d’adultère. Les hominines femelles sont particulièrement visées par les sanctions car elles sont accusées de semer le doute dans la légitimité d'une descendance. De qui est l'enfant à naître ? Avec l'adoption des mythologies christiennes par les autorités romaines, la législation est modifiée afin de réaffirmer la sacralité du mariage. Au début du IV<sup><small>ème</small></sup> siècle, les hominines femelles reconnues coupables d'adultère encourent la mise à mort — comme pour l'homicide, l’empoisonnement et la sorcellerie. La peine de mort est remplacée par une peine de réclusion dans un couvent dans le courant du VI<sup><small>ème</small></sup> siècle sous l'empereur Justinien <ref>Patrick Laurenc, ''Les droits de la femme au Bas-Empire romain : le Code théodosien'', 2012. Extrait - [https://archive.wikiwix.com/cache/display2.php/Pages_de_Les-droits-de-la-femme-au-Bas-Empire-romain-Le-Code-theodosien.pdf?url=http%3A%2F%2Fcdn.shopify.com%2Fs%2Ffiles%2F1%2F0200%2F8324%2Ffiles%2FPages_de_Les-droits-de-la-femme-au-Bas-Empire-romain-Le-Code-theodosien.pdf%3F1028 En ligne]</ref>. |
À l'Est du Rhin, dans les régions continentales du nord et du centre de l'Europe, aux marges de l'empire de Rome, les populations germaniques vivent selon leurs propres coutumes. L'historien romain Tacite rédige vers la fin du I<sup><small>er</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> un court texte intitulé ''La Germanie'' dans lequel il relate ce qu'il sait sur ces populations dites barbares. Selon lui, dans le cas de l'adultère d'une hominine femelle, "''on rase la coupable, on la dépouille, et, en présence des parents, le mari la chasse de sa maison, et la poursuit à coups de verges par toute la bourgade.''" <ref>Tacite, ''Mœurs des Germains'', I<sup><small>er</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> - [https://fr.wikisource.org/wiki/M%C5%93urs_des_Germains En ligne]</ref> Avec l'effondrement de l'empire romain (d'occident) au cours du V<sup><small>ème</small></sup> siècle et la pression militaire des populations hunniques qui arrivent de l'est, les populations germaniques s'avancent progressivement vers les territoires de l'ouest et du sud du continent et y fondent plusieurs royaumes. Celui des wisigoths de part et d'autre des Pyrénées, celui des vandales sur la côte méditerranéenne de l'Afrique, des burgondes à l'ouest des Alpes, des ostrogoths au sud des Alpes et dans la péninsule italique, des alamans autour du Rhin et des francs dans le nord de la Gaule romaine. Les hominines de ces invasions barbares se mélangent aux populations locales et les royaumes qui naissent se structurent autour de droits coutumiers et de législation romaine. La langue latine est adoptée par ces hominines germaniques, ainsi que les mythologies christiennes. Écrits en latin, des codes de lois sont édictés par chacun des royaumes entre les V<sup><small>ème</small></sup> et VII<sup><small>ème</small></sup> siècles. Jugée humiliante, la tonte non-justifiée est un délit. La loi burgonde du VI<sup><small>ème</small></sup> siècle, par exemple, précise que couper les cheveux d'une hominine femelle est passible d'une amende et demande réparation pécuniaire. Le prix est moindre si la femelle est esclave et "''si un esclave a eu l'audace de commettre ce crime envers une femme de condition libre, qu'il soit mis à mort, et que son maître ne soit pas recherché.''" <ref>Article 3, titre V de la ''Loi des Burgondes'' - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111330n/f128.item En ligne]</ref> À moins que son maître accepte de payer une amende pour lui éviter la mort. De ces royaumes, seul celui des francs va perdurer et s'agrandir au détriment de ses voisins. Né dans le nord-est de l'empire romain, dans la province de Gaule belgique, ce royaume est dirigé par une aristocratie guerrière franque. Deux dynasties vont régner : celle des mérovingiens de la fin du V<sup><small>ème</small></sup> jusqu'au milieu du VIII<sup><small>ème</small></sup> siècle, puis celle des carolingiens jusqu'à la fin du IX<sup><small>ème</small></sup> siècle. Selon l'historiographie officielle, Clovis est le fondateur de la dynastie mérovingienne et premier des rois francs à se convertir aux mythologies christiennes. Sans conteste, le plus people des rois carolingiens "''C'est ce sacré Charlemagne''" comme le rappelle l'historienne Isabelle "France" Gall <ref>France Gall, "Sacré Charlemagne", 1964 - [https://www.youtube.com/watch?v=CYkZwwAPxW4 En ligne]</ref>. Il est le dernier à porter le titre de "roi des francs" et sous son règne l'extension géographique du royaume est à son apogée. Un vaste territoire qui sera fractionné entre ces trois petits-fils dans le milieu du IX<sup><small>ème</small></sup> siècle, suivant des tracés nord-sud qui coupent le royaume entre la Francie occidentale, la médiane et l'orientale. La loi salique, le code législatif qui régit le royaume franc, est instaurée par Clovis et progressivement ajustée par ses successeurs <ref>Karl Ubl, "L’origine contestée de la loi salique. Une mise au point", ''Revue de l'IFHA'', 2009 - [https://doi.org/10.4000/ifha.365 En ligne]</ref>. Elle a vocation à être appliquée sur l'ensemble du territoire. Là encore, existe le délit de couper les cheveux sans consentement. Considérant sans doute que cela est plus humiliant pour elle, l'amende est plus élevée lorsque la victime est une hominine femelle <ref>Article 3, titre XXVI de la ''Loi salique'' - [https://fr.wikisource.org/wiki/Loi_salique En ligne]</ref>. | À l'Est du Rhin, dans les régions continentales du nord et du centre de l'Europe, aux marges de l'empire de Rome, les populations germaniques vivent selon leurs propres coutumes. L'historien romain Tacite rédige vers la fin du I<sup><small>er</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> un court texte intitulé ''La Germanie'' dans lequel il relate ce qu'il sait sur ces populations dites barbares. Selon lui, dans le cas de l'adultère d'une hominine femelle, "''on rase la coupable, on la dépouille, et, en présence des parents, le mari la chasse de sa maison, et la poursuit à coups de verges par toute la bourgade.''" <ref>Tacite, ''Mœurs des Germains'', I<sup><small>er</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> - [https://fr.wikisource.org/wiki/M%C5%93urs_des_Germains En ligne]</ref> Avec l'effondrement de l'empire romain (d'occident) au cours du V<sup><small>ème</small></sup> siècle et la pression militaire des populations hunniques qui arrivent de l'est, les populations germaniques s'avancent progressivement vers les territoires de l'ouest et du sud du continent et y fondent plusieurs royaumes. Celui des wisigoths de part et d'autre des Pyrénées, celui des vandales sur la côte méditerranéenne de l'Afrique, des burgondes à l'ouest des Alpes, des ostrogoths au sud des Alpes et dans la péninsule italique, des alamans autour du Rhin et des francs dans le nord de la Gaule romaine. Les hominines de ces invasions barbares se mélangent aux populations locales et les royaumes qui naissent se structurent autour de droits coutumiers et de législation romaine. La langue latine est adoptée par ces hominines germaniques, ainsi que les mythologies christiennes. Écrits en latin, des codes de lois sont édictés par chacun des royaumes entre les V<sup><small>ème</small></sup> et VII<sup><small>ème</small></sup> siècles. Jugée humiliante, la tonte non-justifiée est un délit. La loi burgonde du VI<sup><small>ème</small></sup> siècle, par exemple, précise que couper les cheveux d'une hominine femelle est passible d'une amende et demande réparation pécuniaire. Le prix est moindre si la femelle est esclave et "''si un esclave a eu l'audace de commettre ce crime envers une femme de condition libre, qu'il soit mis à mort, et que son maître ne soit pas recherché.''" <ref>Article 3, titre V de la ''Loi des Burgondes'' - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111330n/f128.item En ligne]</ref> À moins que son maître accepte de payer une amende pour lui éviter la mort. De ces royaumes, seul celui des francs va perdurer et s'agrandir au détriment de ses voisins. Né dans le nord-est de l'empire romain, dans la province de Gaule belgique, ce royaume est dirigé par une aristocratie guerrière franque. Deux dynasties vont régner : celle des mérovingiens de la fin du V<sup><small>ème</small></sup> jusqu'au milieu du VIII<sup><small>ème</small></sup> siècle, puis celle des carolingiens jusqu'à la fin du IX<sup><small>ème</small></sup> siècle. Selon l'historiographie officielle, Clovis est le fondateur de la dynastie mérovingienne et premier des rois francs à se convertir aux mythologies christiennes. Sans conteste, le plus people des rois carolingiens "''C'est ce sacré Charlemagne''" comme le rappelle l'historienne Isabelle "France" Gall <ref>France Gall, "Sacré Charlemagne", 1964 - [https://www.youtube.com/watch?v=CYkZwwAPxW4 En ligne]</ref>. Il est le dernier à porter le titre de "roi des francs" et sous son règne l'extension géographique du royaume est à son apogée. Un vaste territoire qui sera fractionné entre ces trois petits-fils dans le milieu du IX<sup><small>ème</small></sup> siècle, suivant des tracés nord-sud qui coupent le royaume entre la Francie occidentale, la médiane et l'orientale. La loi salique, le code législatif qui régit le royaume franc, est instaurée par Clovis et progressivement ajustée par ses successeurs <ref>Karl Ubl, "L’origine contestée de la loi salique. Une mise au point", ''Revue de l'IFHA'', 2009 - [https://doi.org/10.4000/ifha.365 En ligne]</ref>. Elle a vocation à être appliquée sur l'ensemble du territoire. Là encore, existe le délit de couper les cheveux sans consentement. Considérant sans doute que cela est plus humiliant pour elle, l'amende est plus élevée lorsque la victime est une hominine femelle <ref>Article 3, titre XXVI de la ''Loi salique'' - [https://fr.wikisource.org/wiki/Loi_salique En ligne]</ref>. | ||
− | Par glissement, la Francie occidentale prend progressivement le nom de royaume de France, dirigé par une nouvelle dynastie d'origine franque à partir de la fin du X<sup><small>ème</small></sup> siècle. Cette aristocratie guerrière franque s'ancre durablement en se mélangeant avec les populations locales avec lesquelles elle se reproduit et dont elle adopte la langue et les modes de vie. Rien ne la distingue des autres hominines. Son sang n'est pas bleu. Elle s'appuie largement sur le soutien des autorités religieuses de Rome pour légitimer sa position de pouvoir. La législation sur l'adultère femelle est une [[macédoine]] de lois romaines, de prescriptions christiennes et de coutumes germaniques. La loi salique se mêle aux peines préconisées par le romain Justinien, avec l'aval de la papauté | + | Par glissement, la Francie occidentale prend progressivement le nom de royaume de France, dirigé par une nouvelle dynastie d'origine franque à partir de la fin du X<sup><small>ème</small></sup> siècle. Cette aristocratie guerrière franque s'ancre durablement en se mélangeant avec les populations locales avec lesquelles elle se reproduit et dont elle adopte la langue et les modes de vie. Rien ne la distingue des autres hominines. Son sang n'est pas bleu. Elle s'appuie largement sur le soutien des autorités religieuses de Rome pour légitimer sa position de pouvoir. La législation sur l'adultère femelle est une [[macédoine]] de lois romaines, de prescriptions christiennes et de coutumes germaniques. La loi salique se mêle aux peines préconisées par le romain Justinien, avec l'aval de la papauté. L'hominine femelle jugée coupable d'adultère doit être rasée puis enfermée à vie dans un couvent. À la tonte s'ajoutent parfois des coups de fouet. Cette règle s'applique autant pour des raisons de légitimité dans un système dynastique que pour des aspects moraux et religieux inspirés des mythologies christiennes. En 1314, le roi Philippe IV, dit "le Bel", poursuit deux de ses belles-filles pour adultère. Elles sont condamnées à être tondues, à enfiler une robe de bure et à l'enfermement perpétuel dans un couvent. Les deux amants sont roués de coups, écorchés vifs, émasculés, recouverts de plomb soufré en ébullition, traînés par des chevaux, puis décapités. Ce qu'il reste d'eux est pendu par les aisselles à des gibets <ref>Gaëlle Audéon (préf. Éliane Viennot), ''Philippe le Bel et l'affaire des brus, 1314'', Paris, L'Harmattan, 2020</ref>. "''Les lois sur l’adultère marquent avec bien plus de force encore la puissance maritale. Au XVIe siècle encore ces lois restent terribles. La matière est régie par l’authentique de Justinien ''sed hodie''. Cette loi condamne la femme infidèle à être fouettée puis enfermée pendant deux ans dans un monastère. Au XVIe siècle, elle est appliquée à la rigueur.''" <ref>Léon Abensour, ''La Femme et le Féminisme avant la Révolution'', 1923 - [https://fr.wikisource.org/wiki/La_Femme_et_le_Féminisme_avant_la_Révolution En ligne]</ref> La législation prend pour cible les hominines femelles et non pas leurs homologues mâles. Dans l'article "Adultère" de son ''Dictionnaire philosophique'' en 1764, Voltaire relate le témoignage d'une riche hominine femelle vivant au Portugal : "''L’Évangile a défendu l’adultère à mon mari tout comme à moi ; il sera damné comme moi, rien n’est plus avéré. Lorsqu’il m’a fait vingt infidélités, qu’il a donné mon collier à une de mes rivales, et mes boucles d’oreilles à une autre, je n’ai point demandé aux juges qu’on le fît raser, qu’on l’enfermât chez des moines, et qu’on me donnât son bien. Et moi, pour l’avoir imité une seule fois, pour avoir fait avec le plus beau jeune homme de Lisbonne ce qu’il fait tous les jours impunément avec les plus sottes guenons de la cour et de la ville, il faut que je réponde sur la sellette devant des licenciés, dont chacun serait à mes pieds si nous étions tête à tête dans mon cabinet ; il faut que l’huissier me coupe à l’audience mes cheveux, qui sont les plus beaux du monde ; qu’on m’enferme chez des religieuses, qui n’ont pas le sens commun ; qu’on me prive de ma dot et de mes conventions matrimoniales, qu’on donne tout mon bien à mon fat de mari pour l’aider à séduire d’autres femmes et à commettre de nouveaux adultères.''" L'argumentaire pour contrer cette évidente inégalité est faible : |
<blockquote>''Mon mari réplique qu’il est mon supérieur et mon chef, qu’il est plus haut que moi de plus d’un pouce, qu’il est velu comme un ours ; que par conséquent je lui dois tout, et qu’il ne me doit rien.'' <ref>Voltaire, "Adultère" dans ''Dictionnaire philosophique'', 1764 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Adult%C3%A8re En ligne]</ref></blockquote> | <blockquote>''Mon mari réplique qu’il est mon supérieur et mon chef, qu’il est plus haut que moi de plus d’un pouce, qu’il est velu comme un ours ; que par conséquent je lui dois tout, et qu’il ne me doit rien.'' <ref>Voltaire, "Adultère" dans ''Dictionnaire philosophique'', 1764 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Adult%C3%A8re En ligne]</ref></blockquote> | ||
− | L'une des conséquences du renversement de la royauté en France en 1789 est l'instauration du mariage civil en 1791 et l'autorisation du divorce votée en 1792. Ses détracteurs se demandent "''que deviendra, sous la loi du divorce, la dignité de ce gouvernement intérieur, de cette royauté domestique ?''" <ref>Gaëtan Flassan, ''La question du divorce discutée sous les rapports du Droit naturel, de la Religion, de l’Histoire, de la morale et de l’Ordre social'', Prevost, Paris, 1790 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56710p En ligne]</ref> La réforme était très attendue car "''il est constaté par les registres municipaux de la commune de Paris que 5994 divorces prononcés pendant quinze mois, les deux tiers à peu près, c'est-à-dire 3870, ont été provoqués par des femmes''" <ref>Étienne-Géry Lenglet, ''Essai sur la législation du mariage ; suivi d'Observation sur les dernières discussions du Conseil des Cinq-cents, concernant le divorce'', 1797 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k42798r/f67.item En ligne]</ref>. En contradiction avec les prescriptions des autorités religieuses sur le mariage et les fondements de la mythologie christienne sur les rapports de genre, l'hominine femelle n'est plus la propriété absolue de l'hominine mâle avec lequel elle est mariée. Mais l'ambiguïté persiste car elle reste légalement sa subordonnée. En 1804, le code civil fixe les conditions du divorce autorisé "''pour excès, sévices ou injures graves, de l’un d’eux envers l’autre.''" <ref>Article 231, livre I, titre VI : Du divorce, chapitre I : Des causes du divorce, ''Code civil'', 1804 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Code_civil_des_Fran%C3%A7ais_1804/Livre_I,_Titre_VI En ligne]</ref> En cas d'adultère, l'hominine mâle et femelle peuvent demander le divorce. Pour autant, il n'y a pas d'égalité de traitement. La femelle peut obtenir le divorce pour adultère seulement si son époux a "''tenu sa concubine dans la maison commune''" alors que le mâle peut le demander sans condition. De plus, "''la femme adultère sera condamnée par le même jugement, et sur la réquisition du ministère public, à la réclusion dans une maison de correction, pour un temps déterminé, qui ne pourra être moindre de trois mois, ni excéder deux années.''" <ref>Article 298, livre I, titre VI : Du divorce, chapitre IV : Des effets du divorce, ''Code civil'', 1804</ref> La tonte n'est plus une disposition légale. En 1816, avec le retour de la royauté, le divorce est de nouveau interdit. À partir de 1875, le député Alfred Naquet <ref>Alfred Naquet, ''Le divorce'', 1881 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5531241z En ligne]</ref> propose trois textes afin de rétablir le divorce pour faute, à l'image de celui de 1792. Malgré l'opposition des milieux christiens, celui-ci est de nouveau autorisé en juillet 1884. Dans ce XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, le "''crime passionnel''" <ref> | + | L'une des conséquences du renversement de la royauté en France en 1789 est l'instauration du mariage civil en 1791 et l'autorisation du divorce votée en 1792. Ses détracteurs se demandent "''que deviendra, sous la loi du divorce, la dignité de ce gouvernement intérieur, de cette royauté domestique ?''" <ref>Gaëtan Flassan, ''La question du divorce discutée sous les rapports du Droit naturel, de la Religion, de l’Histoire, de la morale et de l’Ordre social'', Prevost, Paris, 1790 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56710p En ligne]</ref> La réforme était très attendue car "''il est constaté par les registres municipaux de la commune de Paris que 5994 divorces prononcés pendant quinze mois, les deux tiers à peu près, c'est-à-dire 3870, ont été provoqués par des femmes''" <ref>Étienne-Géry Lenglet, ''Essai sur la législation du mariage ; suivi d'Observation sur les dernières discussions du Conseil des Cinq-cents, concernant le divorce'', 1797 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k42798r/f67.item En ligne]</ref>. En contradiction avec les prescriptions des autorités religieuses sur le mariage et les fondements de la mythologie christienne sur les rapports de genre, l'hominine femelle n'est plus la propriété absolue de l'hominine mâle avec lequel elle est mariée. Mais l'ambiguïté persiste car elle reste légalement sa subordonnée. En 1804, le code civil fixe les conditions du divorce autorisé "''pour excès, sévices ou injures graves, de l’un d’eux envers l’autre.''" <ref>Article 231, livre I, titre VI : Du divorce, chapitre I : Des causes du divorce, ''Code civil'', 1804 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Code_civil_des_Fran%C3%A7ais_1804/Livre_I,_Titre_VI En ligne]</ref> En cas d'adultère, l'hominine mâle et femelle peuvent demander le divorce. Pour autant, il n'y a pas d'égalité de traitement. La femelle peut obtenir le divorce pour adultère seulement si son époux a "''tenu sa concubine dans la maison commune''" alors que le mâle peut le demander sans condition. De plus, "''la femme adultère sera condamnée par le même jugement, et sur la réquisition du ministère public, à la réclusion dans une maison de correction, pour un temps déterminé, qui ne pourra être moindre de trois mois, ni excéder deux années.''" <ref>Article 298, livre I, titre VI : Du divorce, chapitre IV : Des effets du divorce, ''Code civil'', 1804</ref> La tonte n'est plus une disposition légale. En 1816, avec le retour de la royauté, le divorce est de nouveau interdit. À partir de 1875, le député Alfred Naquet <ref>Alfred Naquet, ''Le divorce'', 1881 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5531241z En ligne]</ref> propose trois textes afin de rétablir le divorce pour faute, à l'image de celui de 1792. Malgré l'opposition des milieux christiens, celui-ci est de nouveau autorisé en juillet 1884. Dans ce XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, le "''crime passionnel''" <ref>Sarah Delale, Élodie Pinel, Marie-Pierre Tachet, ''Pour en finir avec la passion. L'abus en littérature'', Éditions Amsterdam, 2023</ref> qui consiste à excuser l'hominine mâle d'avoir tué l'hominine femelle qui est sa compagne ou son épouse au prétexte qu'elle le quitte ou le trompe est alors synonyme de "''crime de propriétaire''". La plupart des fémicides <ref>Le fémicide est l'acte singulier de tuer une hominine femelle alors que le féminicide est celui de la tuer parce qu'elle est une hominine femelle.</ref> et tous les uxoricides <ref>Du latin ''uxor'' "épouse" et ''-cide'' "couper, tuer", l'uxoricide est l'acte de tuer son épouse.</ref> sont des crimes possessionnels. L'invention récente de la tondeuse mécanique par Nikola Bizumic n’incite pas les parlementaires à réhabiliter la tonte des adultères femelles dans ce nouveau dispositif législatif. La pratique se fait plus discrète. |
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[[Fichier:Tondues.gif|300px|vignette|droite|Souriantes comme des tondues <ref>Quelques-unes des tondues de Quimper après la chute des hitléristes. Il n'est pas possible de confirmer que la peluche présente sur la photo est un ovin. </ref>]] | [[Fichier:Tondues.gif|300px|vignette|droite|Souriantes comme des tondues <ref>Quelques-unes des tondues de Quimper après la chute des hitléristes. Il n'est pas possible de confirmer que la peluche présente sur la photo est un ovin. </ref>]] | ||
− | L'été 1944 est une date clef dans l'histoire de la tondeuse en France. Face à la coalition militaire qui se lance à l'assaut des territoires occupés à l'ouest de l'Europe par les hitléristes, leurs forces armées reculent lentement. Les tontes se multiplient dans les territoires libérés. La chute de l'empire hitlériste est effectif en mai 1945. Les tontes reprennent de plus belle. Les hominines femelles qui les subissent sont accusées d'une trop grande proximité avec les forces d'occupation. La tension est extrême et la population se montre très "revancharde" avec elles. Afin de ne pas être insultées, les 22 tondues de Quimper reçoivent un justificatif qui authentifie qu'elles furent effectivement tondues par les militaires allemands et non par la résistance ou ses alliés. Aucune région n'échappe à ces vengeances : 77 des 90 départements français d'alors sont concernés. Les estimations donnent un nombre de plus de 20000 hominines femelles ayant été tondues <ref>Les chiffres sont des estimations. Il n'y a aucune liste exhaustive des hominines femelles tondues. Le nombre de 20000 est une estimation basse. Celles des naissances d'enfants varient de 80000 à 200000. </ref>. Les motifs sont divers. Quelques-unes le sont pour leur collaboration active avec l'administration hitlériste en France, d'autres pour leurs choix politiques ou pour leurs rôles dans la répression (informatrice, délatrice, espionne), mais beaucoup sont tondues parce qu'elles se sont amourachées d'un militaire allemand. La "''collaboration horizontale''" selon l'expression de cette époque. Environ 80000 enfants naissent dans cette situation de guerre. La plupart des hominines femelles tondues lors de la "Libération" le sont car, pour survivre en tant que célibataire, veuve, chargée de famille en l'absence du mari soldat ou mariée à un prisonnier de guerre, les plus pauvres travaillent comme ménagères, cuisinières ou infirmières. "''La majorité des tondues ont été employées par l'occupant, essentiellement dans les secteurs de la santé et des services. Alors que 12% de femmes occupaient ces emplois, 30% d'entre elles ont été tondues, ce qui n'est le cas que de 19 % et de 15 % des effectifs féminins dans l'administration et les métiers intellectuels, et de peu de cas dans l'agriculture, les transports et l'industrie.''" <ref>Marie-Paule Caire, "Comprenne qui voudra", ''Parutions'' - [https://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=7&ida=5538 En ligne]</ref> Elles servent d'exutoire. Selon le poème ''Comprenne qui voudra'' écrit en 1944 dans la clandestinité par Paul Eluard, "''En ce temps-là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles. On allait même jusqu’à les tondre.''" <ref>Paul Eluard, ''Comprenne qui voudra'', 1944 - [http://www.tetue.net/comprenne-qui-voudra En ligne] </ref> Selon leur situation sociale, toutes les hominines femelles ne sont pas traitées à la même enseigne. La célèbre actrice Léonie "Arletty" Bathiat qui s'amourache d'un officier allemand ou la modiste Gabrielle "Coco" Chanel qui travaille pour les services de renseignement hitléristes bénéficient d'un traitement qui ne fut pas accordé à Pauline Dubuisson ou Mireille Balin par exemple. Les deux premières échappent à la tonte malgré leurs relations amoureuses publiques avec des officiers allemands, l'une est condamnée à 18 mois de résidence surveillée et l'autre est relâchée après quelques heures. Sur le ton de la boutade, Arletty dit aux actrices dans son cas "''On devrait former un syndicat''". Elle plaide l'[[amour]] et se défend en rétorquant que "''si vous ne vouliez pas que l'on couche avec les allemands, fallait pas les laisser entrer''" car "''si mon cœur est français, mon cul, lui, est international !''" Antimoïsienne et mondaine Coco Chanel s'appuie plutôt sur ses amitiés dans les milieux politiques français et britanniques pour ne pas avoir à se justifier. Après avoir été tondue, Pauline Dubuisson <ref>En plus de la tonte, Pauline Dubuisson subie l'humiliation publique d'être montrée nue et peinturlurée d'une croix gammée. Elle et son père quittent Dunkerque pour Lyon. Après plusieurs tentatives de suicide, Pauline Dubuisson reprend ses études de médecine à Lille en 1947. Elle y rencontre Félix Bailly, un jeune étudiant avec qui elle entretient une relation amoureuse. Deux ans plus tard, il la quitte. En 1951, Félix est tué de trois balles par Pauline Dubuisson. Meurtre prémédité ou pas ? Elle est condamnée aux travaux forcés à perpétuité. La circonstance atténuante du "crime passionnel" ne lui est pas accordée. Elle est libérée en 1960 et tente de refaire sa vie au Maroc. Mais elle est rattrapée par le cinéma qui s'empare de son histoire et par la presse qui | + | L'été 1944 est une date clef dans l'histoire de la tondeuse en France. Face à la coalition militaire qui se lance à l'assaut des territoires occupés à l'ouest de l'Europe par les hitléristes, leurs forces armées reculent lentement. Les tontes se multiplient dans les territoires libérés. La chute de l'empire hitlériste est effectif en mai 1945. Les tontes reprennent de plus belle. Les hominines femelles qui les subissent sont accusées d'une trop grande proximité avec les forces d'occupation. La tension est extrême et la population se montre très "revancharde" avec elles. Afin de ne pas être insultées, les 22 tondues de Quimper reçoivent un justificatif qui authentifie qu'elles furent effectivement tondues par les militaires allemands et non par la résistance ou ses alliés. Aucune région n'échappe à ces vengeances : 77 des 90 départements français d'alors sont concernés. Les estimations donnent un nombre de plus de 20000 hominines femelles ayant été tondues <ref>Les chiffres sont des estimations. Il n'y a aucune liste exhaustive des hominines femelles tondues. Le nombre de 20000 est une estimation basse. Celles des naissances d'enfants varient de 80000 à 200000. </ref>. Les motifs sont divers. Quelques-unes le sont pour leur collaboration active avec l'administration hitlériste en France, d'autres pour leurs choix politiques ou pour leurs rôles dans la répression (informatrice, délatrice, espionne), mais beaucoup sont tondues parce qu'elles se sont amourachées d'un militaire allemand. La "''collaboration horizontale''" selon l'expression de cette époque. Environ 80000 enfants naissent dans cette situation de guerre <ref>Fabrice Virgili, ''Naître ennemi – Les enfants de couples franco-allemands nés pendant la Seconde Guerre mondiale'', Payot et Rivages, 2009</ref>. La plupart des hominines femelles tondues lors de la "Libération" le sont car, pour survivre en tant que célibataire, veuve, chargée de famille en l'absence du mari soldat ou mariée à un prisonnier de guerre, les plus pauvres travaillent comme ménagères, cuisinières ou infirmières. "''La majorité des tondues ont été employées par l'occupant, essentiellement dans les secteurs de la santé et des services. Alors que 12% de femmes occupaient ces emplois, 30% d'entre elles ont été tondues, ce qui n'est le cas que de 19 % et de 15 % des effectifs féminins dans l'administration et les métiers intellectuels, et de peu de cas dans l'agriculture, les transports et l'industrie.''" <ref>Marie-Paule Caire, "Comprenne qui voudra", ''Parutions'' - [https://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=7&ida=5538 En ligne]</ref> Elles servent d'exutoire. Selon le poème ''Comprenne qui voudra'' écrit en 1944 dans la clandestinité par Paul Eluard, "''En ce temps-là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles. On allait même jusqu’à les tondre.''" <ref>Paul Eluard, ''Comprenne qui voudra'', 1944 - [http://www.tetue.net/comprenne-qui-voudra En ligne] </ref> Selon leur situation sociale, toutes les hominines femelles ne sont pas traitées à la même enseigne. La célèbre actrice Léonie "Arletty" Bathiat qui s'amourache d'un officier allemand ou la modiste Gabrielle "Coco" Chanel qui travaille pour les services de renseignement hitléristes bénéficient d'un traitement qui ne fut pas accordé à Pauline Dubuisson ou Mireille Balin par exemple. Les deux premières échappent à la tonte malgré leurs relations amoureuses publiques avec des officiers allemands, l'une est condamnée à 18 mois de résidence surveillée et l'autre est relâchée après quelques heures. Sur le ton de la boutade, Arletty dit aux actrices dans son cas "''On devrait former un syndicat''". Elle plaide l'[[amour]] et se défend en rétorquant que "''si vous ne vouliez pas que l'on couche avec les allemands, fallait pas les laisser entrer''" car "''si mon cœur est français, mon cul, lui, est international !''" Antimoïsienne et mondaine Coco Chanel s'appuie plutôt sur ses amitiés dans les milieux politiques français et britanniques pour ne pas avoir à se justifier. Après avoir été tondue, Pauline Dubuisson <ref>En plus de la tonte, Pauline Dubuisson subie l'humiliation publique d'être montrée nue et peinturlurée d'une croix gammée. Elle et son père quittent Dunkerque pour Lyon. Après plusieurs tentatives de suicide, Pauline Dubuisson reprend ses études de médecine à Lille en 1947. Elle y rencontre Félix Bailly, un jeune étudiant avec qui elle entretient une relation amoureuse. Deux ans plus tard, il la quitte. En 1951, Félix est tué de trois balles par Pauline Dubuisson. Meurtre prémédité ou pas ? Elle est condamnée aux travaux forcés à perpétuité. La circonstance atténuante du "crime passionnel" ne lui est pas accordée. Elle est libérée en 1960 et tente de refaire sa vie au Maroc. Mais elle est rattrapée par le cinéma qui s'empare de son histoire et par la presse qui raffole la détester. Elle se suicide en 1963. Avec succès cette fois-ci. En 2015, deux livres lui sont consacrés ''Je vous écris dans le noir'' de Jean-Luc Seigle et ''La Petite Femelle'' de Philippe Jaenada. Ce dernier est adapté pour la télévision en 2021. Tara Collington, "‘‘Brosser l’histoire à rebrousse-poil’’. L’affaire Pauline Dubuisson revisitée", ''Études françaises'', vol. 57, n° 2, 2021 - [https://id.erudit.org/iderudit/1078100ar En ligne]</ref>, une jeune aide-infirmière alors âgée de 17 ans, est condamnée à mort en 1945 par un "tribunal populaire improvisé" pour avoir été amante avec le médecin-chef de l'hôpital de Dunkerque, le colonel von Dominik, de 36 ans son aîné. Elle est sauvée in extremis par l'intervention de son père. Mireille Balin entame une carrière d'actrice à partir de 1933 et enchaîne les films à succès aux côtés des stars de son époque. Pendant l'occupation hitlériste, elle joue dans quelques films et, après une relation amoureuse avec un patron de presse collaborationniste, se fiance en 1942 avec un officier allemand attaché à l'ambassade. Alors que le couple tente de prendre contact en septembre 1944 avec les forces armées étasuniennes alliées à la résistance, les deux sont tabassés par un groupe d'une dizaine de résistants et Mireille Balin est victime d'un viol collectif <ref>En 1948, les violeurs sont condamnés à 18 années de travaux forcés</ref>. Après une courte incarcération elle est relâchée sans qu'aucune charge ne soit retenue contre elle. Sa carrière s'arrête là. Elle meurt dans la misère une vingtaine d'années plus tard. Selon ses propres mots : |
<blockquote>''Ça ne fait rien. Si je devais recommencer ma vie, je n'en voudrais pas d'autre.'' <ref>Propos de Mireille Balin d'après Françoise Giroud, "Une femme fatale", ''L'Express'', Éditorial, 18 novembre 1968</ref></blockquote> | <blockquote>''Ça ne fait rien. Si je devais recommencer ma vie, je n'en voudrais pas d'autre.'' <ref>Propos de Mireille Balin d'après Françoise Giroud, "Une femme fatale", ''L'Express'', Éditorial, 18 novembre 1968</ref></blockquote> | ||
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<blockquote>''Je ne suis pas mouton et c’est pourquoi je ne suis rien.'' <ref name="#ste">Stendhal, ''Œuvres intimes''. Cité à l'entrée "bestiaire" dans [[F. Merdjanov]], ''Analectes de rien'', Gemidžii Éditions, 2017</ref></blockquote> | <blockquote>''Je ne suis pas mouton et c’est pourquoi je ne suis rien.'' <ref name="#ste">Stendhal, ''Œuvres intimes''. Cité à l'entrée "bestiaire" dans [[F. Merdjanov]], ''Analectes de rien'', Gemidžii Éditions, 2017</ref></blockquote> | ||
− | Avec la fin de la guerre et de l'occupation de la France, les nouvelles autorités issues de la résistance reprennent en main l'institution judiciaire qui se lance dans de vastes opérations dites d'épuration. Punition extra-judiciaire, la tonte n'est pas préconisée. Outre les quelques 800 exécutions capitales, des milliers d'hominines mâles et femelles passent devant un tribunal pour fait de "''collaboration avec l'ennemi''". Selon les cas, les peines vont de quelques années de prison à la perpétuité, en passant par l'indignité nationale <ref>Le crime d'indignité nationale est retenu contre des hominines ayant "''sciemment apporté en France ou à l'étranger une aide directe ou indirecte à l'Allemagne ou à ses alliés, soit porté atteinte à l'unité de la Nation ou à la liberté des Français, ou à l'égalité entre ceux-ci.''" Le droit de vote de ces hominines est suspendu, leur inéligibilité est décrétée, ainsi que leur exclusion de l'armée, de la fonction publique et des postes de direction dans les médias, les entreprises, l'enseignement et les organisations professionnelles, politiques et syndicales. Près de 100000 personnes sont accusées de ce crime. Les durées de cette sanction vont de quelques années à la perpétuité. </ref>. Cette épuration touche les journaux et les radios, l'administration et le monde politique, les entreprises, l'armée, le clergé, les milieux artistiques et intellectuels. Au nom de la réconciliation nationale, une loi d'amnistie est promulguée en janvier 1951. En plus des collaborationnistes, elle concerne aussi "''tous faits accomplis postérieurement au 10 juin 1940 et antérieurement au 1<sup><small>er</small></sup> janvier 1946 dans l’intention de servir la cause de la libération du territoire ou de contribuer à la libération définitive de la France.''" Certaines hominines tondues intentent des procès contre leurs tondeurs mais leur statut de victime n'est pas reconnu par la justice. Les maltraitances et les tontes des hominines femelles ne doivent plus être que des mauvais souvenirs <ref> | + | Avec la fin de la guerre et de l'occupation de la France, les nouvelles autorités issues de la résistance reprennent en main l'institution judiciaire qui se lance dans de vastes opérations dites d'épuration. Punition extra-judiciaire, la tonte n'est pas préconisée. Outre les quelques 800 exécutions capitales, des milliers d'hominines mâles et femelles passent devant un tribunal pour fait de "''collaboration avec l'ennemi''". Selon les cas, les peines vont de quelques années de prison à la perpétuité, en passant par l'indignité nationale <ref>Le crime d'indignité nationale est retenu contre des hominines ayant "''sciemment apporté en France ou à l'étranger une aide directe ou indirecte à l'Allemagne ou à ses alliés, soit porté atteinte à l'unité de la Nation ou à la liberté des Français, ou à l'égalité entre ceux-ci.''" Le droit de vote de ces hominines est suspendu, leur inéligibilité est décrétée, ainsi que leur exclusion de l'armée, de la fonction publique et des postes de direction dans les médias, les entreprises, l'enseignement et les organisations professionnelles, politiques et syndicales. Près de 100000 personnes sont accusées de ce crime. Les durées de cette sanction vont de quelques années à la perpétuité. </ref>. Cette épuration touche les journaux et les radios, l'administration et le monde politique, les entreprises, l'armée, le clergé, les milieux artistiques et intellectuels. Au nom de la réconciliation nationale, une loi d'amnistie est promulguée en janvier 1951. En plus des collaborationnistes, elle concerne aussi "''tous faits accomplis postérieurement au 10 juin 1940 et antérieurement au 1<sup><small>er</small></sup> janvier 1946 dans l’intention de servir la cause de la libération du territoire ou de contribuer à la libération définitive de la France.''" Certaines hominines tondues intentent des procès contre leurs tondeurs mais leur statut de victime n'est pas reconnu par la justice. Les maltraitances et les tontes des hominines femelles ne doivent plus être que des mauvais souvenirs <ref>Françoise Leclerc et Michèle Weindling, "La répression des femmes coupables d'avoir collaboré pendant l'Occupation", ''Clio'', n°1, 1995 - [http://journals.openedition.org/clio/519 En ligne] Alain Brossat, ''Les Tondues, un carnaval moche'', Manya, 1992. Fabrice Virgili, ''La France "virile" : des femmes tondues à la Libération'', Payot et Rivages, 2000. Valentine Schulmeister, ''J'ai failli être tondue'', Éditions Double fureur, 2014</ref>. |
Malgré les sous-entendus des adversaires de l'égalité entre hominines mâles et femelles qui s'inventent une histoire pour justifier les traitements réservés aux hominines femelles, il n'a pas été possible pour la [[protivophilie]] de confirmer l'hypothèse de l'existence de l'expression "''Sourire comme une tondue''" dans l'espace linguistique [[français|francophone]]. L'argument des "tondues de Quimper" n'est pas recevable car la photographie est faite par des français au lendemain de la fuite des allemands qui les avaient tondues. Il s'agit sans doute d'une confusion avec "''Rire comme une tordue''" <ref>Au XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, il existe deux expressions proches : "''Rire comme un tordu''" et "''Rire comme un bossu''". Les termes ''tordu'' et ''bossu'' sont alors synonymes, pour preuve la nouvelle ''Le tordu'' d'Arthur Conan Doyle, écrite en 1893, parfois éditée sous le titre ''Le bossu'' - [https://fr.wikisource.org/wiki/Nouveaux_Exploits_de_Sherlock_Holmes/L%E2%80%99Homme_estropi%C3%A9 En ligne]</ref> — une expression validiste qui fait référence aux personnes bossues qui semblent se tordre de rire. | Malgré les sous-entendus des adversaires de l'égalité entre hominines mâles et femelles qui s'inventent une histoire pour justifier les traitements réservés aux hominines femelles, il n'a pas été possible pour la [[protivophilie]] de confirmer l'hypothèse de l'existence de l'expression "''Sourire comme une tondue''" dans l'espace linguistique [[français|francophone]]. L'argument des "tondues de Quimper" n'est pas recevable car la photographie est faite par des français au lendemain de la fuite des allemands qui les avaient tondues. Il s'agit sans doute d'une confusion avec "''Rire comme une tordue''" <ref>Au XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, il existe deux expressions proches : "''Rire comme un tordu''" et "''Rire comme un bossu''". Les termes ''tordu'' et ''bossu'' sont alors synonymes, pour preuve la nouvelle ''Le tordu'' d'Arthur Conan Doyle, écrite en 1893, parfois éditée sous le titre ''Le bossu'' - [https://fr.wikisource.org/wiki/Nouveaux_Exploits_de_Sherlock_Holmes/L%E2%80%99Homme_estropi%C3%A9 En ligne]</ref> — une expression validiste qui fait référence aux personnes bossues qui semblent se tordre de rire. |
Version du 26 mai 2023 à 16:38
Tondeuse. (клиперс en macédonien - tondèira [1] en nissard) Arme par destination et outil de domination
ProtivohistoireDans la langue française, une tondeuse est l'outil qui permet de tondre, c'est-à-dire de couper à ras. Ce verbe se retrouve dans de très nombreuses langues dite latines : Du roumain tunde au catalan tondre, en passant par le nissard tondre. Pour la même signification, les langues germaniques utilisent des dérivés d'une racine commune qui exprime le fait de couper et qui forme, par exemple, l'anglais shear, le danois skære ou l'allemand scheren. Construite progressivement à partir du latin, sur un substrat celtique et des apports germaniques, grecs et arabes, la langue française actuelle conserve cet étymon dans des mots comme déchirer [2], circoncire [3] ou scier [4]. Féminin de tondeur, la tondeuse — parfois aussi appelée tonderesse — est l'hominine femelle qui pratique la tonte ou celle qui est la compagne du tondeur [5]. Les plus anciennes formes répertoriées dans des textes pour définir l'outil nécessaire à la tonte sont tondoir ou tondre [6], toutes deux noms masculins, et sont attestées au début du XIIIème siècle après JCⒸ [7]. Il est utilisé pour la tonte du pelage des hominines — poils et cheveux — ainsi que celui de certaines autres espèces animales. Tel que les caprins et les ovins. Et aussi dans la fabrication de draps en laine pour couper les poils qui dépassent ou dans la sylviculture pour se débarrasser des arbres de leurs branches mortes ou jugées inutiles. Avant le XVème siècle et la standardisation d'une langue française, il existe de multiples formes pour exprimer cela. Se côtoient indistinctement tondeure, tondure, tonseure ou tonsure pour parler d'une tonte. Dans ce qui peut être tondable, il est parfois fait une différenciation entre le tondage des poils dépassant du drap, la tondaille des espèces domestiquées à pelage laineux, et la tonture du pelage pileux et capillaire des hominines. Quelle que soit leur origine, ces toisons doivent être raccourcies, et pour cela il n'est pas toujours nécessaire d'avoir un espace dédié, une tonderie. Avec la tonte, il y a la même ambiguïté qu'avec le mot rien qui, dans un sens, indique l'absence de toute chose, et dans un autre, marque une présence infime. La nuance entre "rien" et "un rien". L'expression Trois pelés et un tondu marque la quasi absence de quiconque ou la présence d'hominines qui comptent pour rien. Dans un cas, le petit nombre semble vouloir être la démonstration qu'il n'y a presque personne, dans l'autre cela renvoie aux raisons de la pelade et de la tonte. Dans Pantagruel, Rabelais parle en 1532 de "troys teigneux et ung pele" [8] pour dire qu'il y a très peu d'hominines ou qu'illes ne sont pas à la hauteur. Le sens exact n'est pas clairement déterminé. En 1640, Curiositez françoises pour supplément aux dictionnaires rapporte que "pelé" est un terme injurieux qui désigne "un homme mal basty, un coquin, un gueux" [9]. Il mentionne l'existence de l'expression dans le sens de personnes de peu de considération. À la fin du XVIIème siècle, le Dictionnaire universel d'Antoine Furetière indique que sous la forme "Trois tondus et un pelé" cette expression désigne "une assemblée de gens dont on ne fait pas grand cas". À l'entrée "tondre", ce même dictionnaire parle de "Deux tondus et un pelé" pour une compagnie que l'on méprise [10]. Difficile d'établir avec précision les sens à donner au terme "tondu". S'agit-il de parler d'hominines malades que la teigne a contraint à une tonte ou d'une personne ayant subi une tonte par mesure d'hygiène ou de rétorsion, et donc peu fréquentable ? Ou bien faut-il comprendre tondu dans le sens de "pauvre" comme le suggère l'expression "Tondre le peuple" pour parler d'une trop forte charge d'impôts ? [11] Ce que rendent les expressions modernes "Se faire tondre" et "Tondre une personne", respectivement "s'appauvrir" et "dépouiller de ses biens". Le tondoir, le tondre ou la tondeuse sont des objets ou des procédés techniques qui ont évolué au fil des siècles. La tondeuse mécanique n’apparaît qu'au cours du XIXème siècle. Né en 1823 dans une famille pauvre du petit village de Neradin dans la province de Voïvodine, au nord de l'actuelle Serbie, le jeune Nikola Bizumic (Никола Бизумић en serbe) travaille pour un élevage porcin dans le massif montagneux de la Fruska. Il part pour Ruma dans le milieu des années 1830 où il est embauché comme assistant par un barbier qui le forme au métier. Nikola Bizumic conçoit la première tondeuse mécanique pour cheveux et barbe, basée sur le principe d'une pince à lame mobile. Le gain de temps pour réaliser une coupe de cheveux ou une taille de barbe est considérable. Mais, faute de financement, il ne parvient pas à déposer un brevet pour se lancer dans la production d'une telle tondeuse. Sans le sou, il quitte les Balkans pour la Grande-Bretagne et s'installe à Londres en 1855. Il dépose un brevet et commercialise sa machine. Le succès est rapide et la tondeuse mécanique s'exporte très bien auprès des coiffeurs d'Europe et des Amériques qui y voient un grand intérêt. Idem pour les éleveurs d'ovins et de caprins laineux à qui cette nouvelle tondeuse facilite grandement le travail de tonte. En une dizaine d'années, Nikola Bizumic fait fortune grâce à son invention. Il obtient la nationalité britannique et est anobli sous le nom de John Smith. Il meurt à Londres en 1906. Selon la protivophilie, aucun des mots proches de tondeuse n'est employé par F. Merdjanov dans son œuvre principale Analectes de rien [12]. Difficile d'être aussi catégorique pour L'égosolisme klimaïen et le matérialisme du rien dont nous ne disposons que du titre. Des études récentes ont néanmoins permis de déceler des allusions capillotractées — c'est-à-dire tirées par les cheveux. L'égosolisme renvoie évidemment à la possibilité de le faire soi-même, facilement, comme le permet une tondeuse mécanique; Ladislav Klíma est contemporain de l'invention de la tondeuse par Nikola Bizumic et en a probablement déjà vu; Centrales pour la protivophilie, les problématiques autour du matérialisme du rien interrogent sur ce qu'il reste après le passage d'une tondeuse.
Espaces tonderiensLes tonderies sont les espaces mis en place par les hominines pour exploiter au mieux les tondeuses. Ses formes et les modalités de tontes ont très peu évolué. Seuls les outils ont changé. L'introduction de la tondeuse mécanique à la fin du XIXème siècle marque une étape quantitative et qualitative dans l'histoire de la pratique. OvinsEn français, le terme générique pour désigner les ovins est mouton. Il se prononce \mu.tɔ̃\ au singulier et au pluriel, et dans ce dernier cas il prend un s final et muet, "c'est-à-dire qu'il n'y [a] pas qu'un moutonne. Il y [a] plusieurs moutonsse." [14] La femelle adulte est appelée brebis et le mâle bélier, alors que la jeune femelle est une agnelle et le jeune mâle est un agneau (très rarement agnel ou agnelet) [15]. Le terme mouton [16] dérive d'un étymon celtique qui désigne un individu mâle châtré de l'espèce ovine. Cet étymon se retrouve sous différentes formes dans le breton, le gaélique d'Irlande ou le gallois, avec un sens similaire. En français, mouton est la base de plusieurs mots, tels que moutonner, moutonnerie ou moutonnier qui signifient, respectivement, "dénoncer", "bêtise" [17] et "suivisme". Il compose aussi quelques expressions. Par exemple, le saute-mouton qui est un jeu entre hominines, le mouton noir qui est une personne indésirable ou le fait de compter les moutons afin de s'endormir de lassitude. Globalement, les significations de ces mots et de ces expressions reflètent des connotations péjoratives ou dévalorisantes. Lorsque les allusions aux moutons ne sont pas dans ces registres, elles réduisent les moutons à une simple apparence laineuse. Il en est ainsi dans moutonneux qui désigne une eau agitée sur laquelle se forme une écume blanche, semblable à des troupeaux de moutons laineux, ou dans l'utilisation de moutons dans le sens d'amas de poussière. Dans une approche intersectionnelle antispéciste et protivophile, la célèbre phrase du Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry "S’il vous plaît... dessine-moi un mouton !" doit-elle être considérée comme relevant de stéréotypes à l'encontre des ovins ? Manifestement peu sensible à ces questionnements, le Petit Prince [18] est catégorique :
Le terme ovin vient du latin ovis qui nomme les béliers et ovicula les brebis. La taxonomie du vivant par les hominines donne le nom d'ovins à l'ensemble de l'espèce et différencie les variétés restées sauvages de celles domestiquées : ainsi, ovis aries est l’appellation savante pour les moutons domestiques. Les pratiques linguistiques entre le VIIIème et le XIVème siècle font évoluer ovicula vers la forme oeille [20] qui conserve le sens de "brebis" et prend aussi celui de "personne qui est sous la conduite d'une autre" car les troupeaux d'ovins domestiques sont très largement constitués de brebis. Ce sens persiste en français actuel sous la forme ouaille [21] qui s'applique, dans un contexte religieux, aux hominines qui suivent la même orientation spirituelle, et dans un sens général aux hominines qui sont adeptes de telle ou telle cause. Tout ceci en bon ordre, pour qu'il n'y ait pas le ouaï [22]. Homonyme et antonyme de ouaille, le ouaï est le désordre. Les ovins sont l'une des plus anciennes espèces animales domestiquées par les hominines. Il y a de cela plus de 10000 ans. La domestication des moutons s'explique par les avantages que procurent cette espèce : les hominines utilisent le lait, la viande, la peau et le pelage laineux pour améliorer leur quotidien. La maîtrise de la reproduction des moutons amène à toujours plus de sélections qui les éloignent des versions restées sauvages. L'ancienneté de cette domestication est telle qu'elle a considérablement modifié la morphologie et les caractéristiques des moutons pour faire naître des "races" spécifiques au cours des siècles. Si les hominines n'interviennent pas, les moutons du monde entier et de n'importe laquelle de ces "races" peuvent se reproduire ensemble et mêler leurs caractéristiques artificielles. De la même façon que les "races" de canidés qui n'existent que par l'intervention des hominines. Une terrifiante pitbull peut très bien s’amouracher d'un petit yorkshire et enfanter, comme le démontre l'excellent documentaire Ophélie [23]. Certaines "races ovines" sont préférées pour leur viande, d'autres pour leur laine ou encore leur lait. Comme les hominines, les moutons sont des mammifères bilatériens — qui possèdent une bouche et un anus — mais contrairement aux hominines qui sont omnivores, les moutons sont herbivores. Les cornes ne sont pas présentes systématiquement. Chez certaines espèces, le bélier et la brebis en possèdent, dans d'autres seul le mâle est concerné, et parfois ni le mâle ni la femelle n'en ont. La domestication des ovins par les hominines est facilitée par leur comportement social qui est un mélange de grégarité et de non-agressivité. Hormis le cas — extrêmement rare — relaté dans le documentaire Black Sheep [24], réalisé en 2006, les ovins n'attaquent pas les hominines pour les déchiqueter. Si ce n'est les variétés à cornes, la plupart des moutons ont peu de ressources face à leurs prédateurs. Adeptes du plus basique système d'autodéfense, illes optent bien souvent pour la fuite. Généralement, le comportement social des ovins est jugé primaire par les hominines qui les regroupent en troupeaux et les caricaturent, comme le fait Rabelais avec ses moutons de Panurge. Oubliant, de fait, les comportements étranges que procurent aussi le nombre, le troupeau ou la foule, sur les hominines. Leur histoire est jonchée d'exemples bien peu reluisants. À voir, par exemple, Les moutons du sociologue Richard Gotainer sur le rapport berger/troupeau dans la politique [25], ou bien encore les travaux de l'historien de la gastronomie Octave Mirbeau :
Les travaux de la moutonologue Thelma Rowelll montrent clairement que les ovins nouent des relations amicales interindividuelles avec leurs congénères, ont de relations sociales complexes, reconnaissent les visages d'ovins et d'hominines, interagissent dans les prises de décision collectives et qu'illes n'ont pas moins d'intelligence pratique que d'autres espèces animales jugées plus positivement [27]. Sans aller jusqu'aux extrémistes qui réalisèrent le documentaire Shaun le mouton [28], les ovins ont parfois montrer des comportements surprenants pour les hominines. L'exemple le plus marquant est sans doute celui d'ovins britanniques qui, pour contourner le système de rouleaux métalliques à l'épreuve des sabots installés au sol pour les empêcher de passer, roulent sur le dos sur une longueur de trois mètres. Ensuite, les ovins "ont détruit plusieurs jardins et même pâturé le parc du village, le terrain de boules, le terrain de cricket et le cimetière." [29] En plus de l'imaginaire des hominines qui assimile les ovins à une mécanique biologique qui, selon l'expression de Thelma Rowell, convertie l'herbe en gigot [30], ou les réduit à des comportements jugés particulièrement stupides, illes sont aussi utiles pour des activités ludiques dévalorisantes. Du rodéo pour enfants au rôle de simple "animal de compagnie". De la reine franco-autrichienne Marie-Antoinette qui met des rubans de couleur au cou de ses quelques moutons domestiques au polytoxicomane poétique Charles Baudelaire qui se promène dans la rue avec un ovin, teint en rose, attaché au bout d'une laisse [31]. En passant par le bouzkachi afghan [32] où une carcasse décapitée est l'enjeu pour deux équipes de cavaliers. Une sorte de polo ovin [33]. Un vrai sport national [34] qui, sous différents autres noms, existe en Asie centrale et fait partie des disciplines des Jeux mondiaux nomades depuis leur création en 2014. Les ovins sont même au cœur d'une blague récurrente, connue dans le monde entier et ce depuis des siècles sous le nom de Aïd el-Kebir [35]. En effet, les adeptes des mythologies mahométiennes [36] rendent un culte particulier aux ovins en en sacrifiant des millions tous les ans lors de la "Fête du mouton". Illes donnent ainsi sens à l'expression "Faire la fête à..." qui exprime l'action de sanctionner, de frapper ou de tuer [37]. Les mythologies moïsienne et christienne [36] ne sont pas en reste dans leur volonté de massacrer en nombre des ovins tous les ans. L'une invente un dieu fou qui ordonne de répandre du sang d'agneaux sur les portes des hominines de cette mythologie afin qu'illes soient épargnés par une de ses créatures venue massacrer des nourrissons d'hominines ! L'autre explique que la mise à mort massive d'agneaux est utile pour rappeler que la divinité a accepté de laisser tuer son fils imaginaire, né d'une grossesse nerveuse, pour punir les hominines de leurs pêchés ! Aussi étrange que cela puisse paraître pour qui n'est pas très à l'aise avec les scénarios de série B, ces mythologies sont prises au sérieux par leurs adeptes comme l'est Game of Thrones par ses fanatiques. Faute de place disponible après la destruction de leur temple, les adeptes de la mythologie moïsienne renoncent finalement à cette pratique sanguinolente alors que celleux de la mythologie christienne persistent et inventent de multiples recettes de gigots. Quelque que soit la mythologie inventée par les hominines, la divinité semble souvent avoir une attitude très spéciste à l'encontre des ovins. Dieu aime les détester. Comme les hominines, au vu du sort qui leur est réservé, il ne semble pas insensé de penser que les ovins aussi devraient détester dieu [38]. Utilisant plus d'effets spéciaux, la mythologie grecque raconte l'histoire d'un dieu qui envoie un bélier qui parle, doté d'ailes, de cornes en or et d'une toison dorée, afin de sauver deux enfants hominines de leur belle-mère qui veut les sacrifier. Lors de leur fuite par les airs, la jeune hominine femelle chute dans la mer Noire et meurt noyée. De cette adelphie, seul le jeune mâle survit. Pour le remercier d'avoir tenter de les sauver, le bélier ailé est égorgé par le survivant et totalement tondu. Sa toison d'or est donnée à un roi du Caucase qui la suspend à un chêne et la fait garder par un dragon et des hominines en arme. Dès lors, sa toison devient un trophée très recherché par les hominines. Une vraie tragédie grecque [39]. L'ambiguïté du rapport entre l'idée de dieu, les hominines et les ovins est au centre du scénario du sitcom de science-fiction Dolly. Six saisons qui suivent en direct l'histoire touchante de la brebis Dolly, de sa naissance par clonage en juillet 1996 à sa mort par euthanasie en février 2003. De sa fierté d'être la première clone à faire la Une des magazines people [40] à ses douleurs d'arthrite précoce et ses difficultés respiratoires qui incitent ses proches à abréger sa vie. Loin de l'intimisme de l'éleveur d'ovins et producteur d'ovnis Alain Chany, ou de la pornographie interspéciste et autobiographique de François Augiéras qui assume l'héritage de Claudine de Culam et ses propres proximités ovines : "Je suis proche des bêtes, des agneaux auxquels je suis du reste uni par des rapports sexuels." [41] Le caractère existentiel de cette ambiguïté entre hominines et ovins est au cœur des travaux de l'avenirien Philip Kindred "K." Dick qui, dès 1966, se demande si Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? [42] Hormis les cas répertoriés dans des contextes militaires où des hominines mâles, frustrés par l'abstinence, ont une sexualité avec une brebis, dans des situations où des prêtres s'envoient "au septième ciel" avec leurs ouailles ovines, ou bien les quelques individus recensés dans des chroniques judiciaires, les études intersectionnelles sur les sexualités ovines et hominines n'en sont qu'à leur début. Tout reste à faire. Qu'en est-il par exemple des IST et des MST, de l'imaginaire érotique ou de la validité du consentement ? [43] Pour ce qui est de la maltraitance des ovins par les hominines, la documentation est énorme et les témoignages très nombreux. Après des millénaires de domestication, les ovins ont été considérablement modifiés. À l'état premier, sauvage, les espèces d'ovins qui produisent une toison laineuse pour la période hivernale la perdent au printemps. Les hominines préhistoriques ramassent alors cette laine au sol pour en faire un usage domestique. L'élevage et les croisements sélectifs afin d'augmenter l'épaisseur du pelage laineux ont été tels que les "races laineuses" actuelles sont entièrement dépendantes des hominines pour survivre. Les exemples de Chris en 2015 et de Baarack en 2019 sont très éloquents. Après avoir fuit leurs élevages en Australie, l'un et l'autre ont vécu en liberté et sont restés cinq ans sans être tondus [44]. Retrouvés par des hominines, une longue tonte fut nécessaire pour enlever les plus de 41 kilogrammes de pelage laineux sur Chris [45] et 35 sur Baarack [46]. Au moment de leur capture, ils n'étaient plus en mesure de se déplacer facilement, peinaient à se nourrir et le risque de mourir de chaud était considérable. La tonte était devenue vitale. Comme des esclavagistes qui se targuent de bien traiter leurs esclaves pour qu'illes ne meurent pas, la tonte est présentée positivement par l'Association des Tondeurs de Moutons : "Un mouton que l’on ne tondrait pas se retrouverait enveloppé d’un cocon de laine feutrée, sale, humide et moisie. [...] On peut considérer que la tonte est un acte d’hygiène vétérinaire qui évite l’apparition de parasites externes." [47] La tondeuse est un outil qui marque l'avilissement moderne des ovins à laine par les hominines. À la fin du XIXème siècle, l'invention de Nikola Bizumic est accueillie avec enthousiasme par l'industrie de la laine au Royaume-Uni, principal pays exportateur. Les forces — un outil en forme de ciseau — sont rapidement remplacées. La rapidité de la tonte et sa facilité d'utilisation font de la tondeuse mécanique une nouvelle étape dans la domestication ovine. Elle permet en effet d’accroître les rendements et d'envisager l'augmentation du pelage laineux par de nouvelles sélections artificielles lors de la reproduction. L'invention de la tondeuse électrique pour cheveux et barbe d'hominines dans le premier quart du XXème siècle par un ingénieur étasunien aura elle-aussi des retombées catastrophiques pour les ovins à laine. HomininesLes hominines sont une espèce vivante n'ayant pas à proprement parlé de pelage, hormis dans certaines régions du globe où des zones pileuses plus ou moins denses sont présentes sur le corps et/ou le visage des hominines. Par contre, le crâne et l'entrejambe ne souffrent d'aucune exception, l'ensemble des hominines possèdent sur ces parties de leur l'anatomie des cheveux et des poils. Aucune population d'hominines n'est connue pour être totalement glabre ou chauve. Contrairement à la langue anglaise avec hair [48], la française fait une différence entre le pelage situé sur le crâne, les cheveux, et celui du reste du corps, les poils. L'étymologie de cheveu — issue du latin capillus et composée de cap "tête" et de pillus "poil" — rappelle qu'il est un poil de tête. Étymon qui se retrouve dans capillaire ou capillarité. La vitesse de pousse des cheveux est plus importante que celle du pelage pubien et corporel. Pour ce dernier, même si elle est lente et continue, la pousse s'équilibre avec la perte régulière de poils. Il y a quasiment aucun risque d'être dans l'obligation stricte de les couper. Il en est autrement avec les poils du visage et les cheveux qui ne cessent de grandir et doivent être parfois coupés pour ne pas être une gêne. Pour se faire, depuis maintenant des millénaires, les hominines ont inventé de multiples procédés pour raccourcir, raser ou arracher les toisons gênantes. De la pierre taillée à la lame de rasoir métallique, des ciseaux à la pince à épiler, de la cire épilatoire à la tondeuse. Bien plus que les aspects esthétiques ou les symboliques religieuses, les raisons de s'occuper du surplus pileux sont d'ordre sanitaire. Indispensable comme cela l'est pour les ovins laineux. Cela permet de minimiser la prolifération de parasites dans les poils et les cheveux, tel que les poux, ou bien encore de faire respirer la peau et d'endiguer les infections cutanées de type teigne. Les raisons sont aussi pratiques. Une barbe trop grande peut être encombrante et des cheveux trop longs peuvent être handicapant pour bien voir. Voire constituer un vrai danger dans les différentes activités des hominines. Pour un grand nombre d'hominines, la tonte des cheveux est soit assimilée à l'armée qui opte pour cette méthode hygiénique afin de réduire les risques de poux et de transmission de maladies, aux moines christiens qui avec leur tonsure pensent être plus proches de leur dieu, ou à la culture skinhead [49] qui cultive ce look, héritage d'une technique basique pour empêcher la flicaille d'attraper par les cheveux. Pour d'autres, la tonte est une vraie action punitive. Vécue comme tel par celleux qui la subissent, voulue comme tel par celleux qui l'imposent. Dans les sociétés ségrégationnistes et binaires des hominines [50], la tonte n'a pas la même signification pour les hominines femelles ou mâles. Si pour les deux le passage de la tondeuse est synonyme d'humiliation, pour les unes il est un rappel de leur subordination aux hominines mâles, et pour ceux-ci la tonte punitive fait d'eux autre chose que des mâles et deviennent ainsi symboliquement l'équivalent d'une femelle. Mais à délit identique, la peine n'est pas identique. En effet, la punition de la tonte n'est pas appliquée pour les mêmes griefs selon que l'hominine est femelle ou mâle car, comme le justifie le révolutionnaire (mais/et) ségrégationniste Pierre-Joseph Proudhon, "l’égalité politique des deux sexes, c’est-à-dire l’assimilation de la femme à l’homme dans les fonctions publiques, est un de ces sophismes que repoussent non pas seulement la logique, mais encore la conscience humaine et la nature des choses." [51] Célèbre pour sa formule "La propriété c'est le vol", Proudhon ne voit pas que la hiérarchisation des hominines entre mâles et femelles place ces dernières en état de bien possédé. Pour lui, il n'y a aucun problème à cela. Au fur et à mesure que s'inventent les mythologies moïsiennes, christiennes et mahométiennes, les hominines mâles perpétuent les ségrégations et les punitions réservées aux femelles. Ces trois mythologies affirment clairement que l'hominine femelle est la subordonnée du mâle et lui est inférieure. La prière moïsienne du matin invite l'hominine mâle à remercier sa divinité "de ne pas m'avoir fait femme" et la femelle "de m'avoir faite selon ta volonté"; à travers le personnage fictif de Ève, la mythologie christienne fait porter aux hominines femelles la responsabilité de la déchéance des hominines; et selon la mythologie mahométienne "les hommes ont autorité sur les femmes, en vertu de la préférence que Dieu leur a accordée sur elles" [52]. Diverses sanctions sont prévues afin de remettre les hominines femelles dans le droit chemin préconisé par ces mythologies. La tonte y a une place singulière. Dans l'Ancien Testament, l'un des tomes de la Bible christienne, il est ainsi rappelé que la divinité menace les hominines femelles d'être tondues si elles ne se comportent pas comme il faut [53]. Les peines les plus graves sont celles pour adultère, c'est-à-dire pour des relations sexuelles extraconjugales. Dieu étant "bon et juste" [54], bien souvent la sanction est la mort et la lapidation est encouragée. Mâles et femelles sont à priori exposés aux même sanctions. Le mariage étant un simple accord commercial, l'adultère correspond à une atteinte à la "propriété" d'une autre personne. Mais les réalités sociales des mâles et des femelles font la différence : pour les hominines femelles le "devoir conjugal" est l'anagramme de "ce jargon du viol" alors que pour les mâles "une érection" est celui de "ne coûte rien" [55]. Même Catherine Deneuve [56] — plus connue pour être l'anagramme de "aveu de chrétienne" [57] que pour ses discours féministes — est très prudente sur ces histoires de propriétaires.
Pour ne pas être totalement en décalage avec le monde réel, les adeptes des mythologies moïsienne, christienne et mahométienne, ont de tous temps atténué la portée de leurs textes fondateurs et proposé des interprétations viables. La lapidation pour adultère est quasi impossible dans les peines moïsiennes, abolie dans les christiennes et exceptionnelle dans les mahométiennes. Ces divines volontés punitives s'entrecroisent avec les règles sociales qui encadrent les sociétés d'hominines et répondent à des mécanismes différents. Elles se rejoignent sur l'idée de subordination des hominines femelles à leurs propriétaires mâles. Sur le pourtour méditerranéen, les législations des antiques cités grecques et de l'empire romain condamnent l'adultère. Dans les unes, les coupables s'exposent à des actes humiliants tel que le rasage du crâne ou du pubis, à des sévices corporels comme la flagellation ou l'introduction dans l'anus d'un gros radis [59], à la perte de droits civiques ou, cas extrême, à la mise à mort. Il n'y a pas d'adultère lorsque la relation se fait avec des esclaves ou des prostituées, ce qui, de fait, est à l'avantage des hominines mâles. Pour qu'il y ait délit, il est nécessaire que la relation sexuelle hors-mariage se fasse avec l'épouse, la fille ou toute autre femelle dépendante d'un chef de famille, mâle, libre et citoyen. "C'est qui le proprio !?" est une tirade du quotidien qui se traduit très bien en grec ancien et en latin. La législation romaine encadre et fixe les sanctions pour adultère. Selon la loi promulguée en 18 avant JCⒸ, il y a adultère lorsque un hominine mâle marié entretient une relation sexuelle avec une femelle mariée, alors que celle-ci est considérée adultère quelque soit le statut de son amant. Seuls les mâles ont le droit de porter une accusation d’adultère. Les hominines femelles sont particulièrement visées par les sanctions car elles sont accusées de semer le doute dans la légitimité d'une descendance. De qui est l'enfant à naître ? Avec l'adoption des mythologies christiennes par les autorités romaines, la législation est modifiée afin de réaffirmer la sacralité du mariage. Au début du IVème siècle, les hominines femelles reconnues coupables d'adultère encourent la mise à mort — comme pour l'homicide, l’empoisonnement et la sorcellerie. La peine de mort est remplacée par une peine de réclusion dans un couvent dans le courant du VIème siècle sous l'empereur Justinien [60]. À l'Est du Rhin, dans les régions continentales du nord et du centre de l'Europe, aux marges de l'empire de Rome, les populations germaniques vivent selon leurs propres coutumes. L'historien romain Tacite rédige vers la fin du Ier siècle après JCⒸ un court texte intitulé La Germanie dans lequel il relate ce qu'il sait sur ces populations dites barbares. Selon lui, dans le cas de l'adultère d'une hominine femelle, "on rase la coupable, on la dépouille, et, en présence des parents, le mari la chasse de sa maison, et la poursuit à coups de verges par toute la bourgade." [61] Avec l'effondrement de l'empire romain (d'occident) au cours du Vème siècle et la pression militaire des populations hunniques qui arrivent de l'est, les populations germaniques s'avancent progressivement vers les territoires de l'ouest et du sud du continent et y fondent plusieurs royaumes. Celui des wisigoths de part et d'autre des Pyrénées, celui des vandales sur la côte méditerranéenne de l'Afrique, des burgondes à l'ouest des Alpes, des ostrogoths au sud des Alpes et dans la péninsule italique, des alamans autour du Rhin et des francs dans le nord de la Gaule romaine. Les hominines de ces invasions barbares se mélangent aux populations locales et les royaumes qui naissent se structurent autour de droits coutumiers et de législation romaine. La langue latine est adoptée par ces hominines germaniques, ainsi que les mythologies christiennes. Écrits en latin, des codes de lois sont édictés par chacun des royaumes entre les Vème et VIIème siècles. Jugée humiliante, la tonte non-justifiée est un délit. La loi burgonde du VIème siècle, par exemple, précise que couper les cheveux d'une hominine femelle est passible d'une amende et demande réparation pécuniaire. Le prix est moindre si la femelle est esclave et "si un esclave a eu l'audace de commettre ce crime envers une femme de condition libre, qu'il soit mis à mort, et que son maître ne soit pas recherché." [62] À moins que son maître accepte de payer une amende pour lui éviter la mort. De ces royaumes, seul celui des francs va perdurer et s'agrandir au détriment de ses voisins. Né dans le nord-est de l'empire romain, dans la province de Gaule belgique, ce royaume est dirigé par une aristocratie guerrière franque. Deux dynasties vont régner : celle des mérovingiens de la fin du Vème jusqu'au milieu du VIIIème siècle, puis celle des carolingiens jusqu'à la fin du IXème siècle. Selon l'historiographie officielle, Clovis est le fondateur de la dynastie mérovingienne et premier des rois francs à se convertir aux mythologies christiennes. Sans conteste, le plus people des rois carolingiens "C'est ce sacré Charlemagne" comme le rappelle l'historienne Isabelle "France" Gall [63]. Il est le dernier à porter le titre de "roi des francs" et sous son règne l'extension géographique du royaume est à son apogée. Un vaste territoire qui sera fractionné entre ces trois petits-fils dans le milieu du IXème siècle, suivant des tracés nord-sud qui coupent le royaume entre la Francie occidentale, la médiane et l'orientale. La loi salique, le code législatif qui régit le royaume franc, est instaurée par Clovis et progressivement ajustée par ses successeurs [64]. Elle a vocation à être appliquée sur l'ensemble du territoire. Là encore, existe le délit de couper les cheveux sans consentement. Considérant sans doute que cela est plus humiliant pour elle, l'amende est plus élevée lorsque la victime est une hominine femelle [65]. Par glissement, la Francie occidentale prend progressivement le nom de royaume de France, dirigé par une nouvelle dynastie d'origine franque à partir de la fin du Xème siècle. Cette aristocratie guerrière franque s'ancre durablement en se mélangeant avec les populations locales avec lesquelles elle se reproduit et dont elle adopte la langue et les modes de vie. Rien ne la distingue des autres hominines. Son sang n'est pas bleu. Elle s'appuie largement sur le soutien des autorités religieuses de Rome pour légitimer sa position de pouvoir. La législation sur l'adultère femelle est une macédoine de lois romaines, de prescriptions christiennes et de coutumes germaniques. La loi salique se mêle aux peines préconisées par le romain Justinien, avec l'aval de la papauté. L'hominine femelle jugée coupable d'adultère doit être rasée puis enfermée à vie dans un couvent. À la tonte s'ajoutent parfois des coups de fouet. Cette règle s'applique autant pour des raisons de légitimité dans un système dynastique que pour des aspects moraux et religieux inspirés des mythologies christiennes. En 1314, le roi Philippe IV, dit "le Bel", poursuit deux de ses belles-filles pour adultère. Elles sont condamnées à être tondues, à enfiler une robe de bure et à l'enfermement perpétuel dans un couvent. Les deux amants sont roués de coups, écorchés vifs, émasculés, recouverts de plomb soufré en ébullition, traînés par des chevaux, puis décapités. Ce qu'il reste d'eux est pendu par les aisselles à des gibets [66]. "Les lois sur l’adultère marquent avec bien plus de force encore la puissance maritale. Au XVIe siècle encore ces lois restent terribles. La matière est régie par l’authentique de Justinien sed hodie. Cette loi condamne la femme infidèle à être fouettée puis enfermée pendant deux ans dans un monastère. Au XVIe siècle, elle est appliquée à la rigueur." [67] La législation prend pour cible les hominines femelles et non pas leurs homologues mâles. Dans l'article "Adultère" de son Dictionnaire philosophique en 1764, Voltaire relate le témoignage d'une riche hominine femelle vivant au Portugal : "L’Évangile a défendu l’adultère à mon mari tout comme à moi ; il sera damné comme moi, rien n’est plus avéré. Lorsqu’il m’a fait vingt infidélités, qu’il a donné mon collier à une de mes rivales, et mes boucles d’oreilles à une autre, je n’ai point demandé aux juges qu’on le fît raser, qu’on l’enfermât chez des moines, et qu’on me donnât son bien. Et moi, pour l’avoir imité une seule fois, pour avoir fait avec le plus beau jeune homme de Lisbonne ce qu’il fait tous les jours impunément avec les plus sottes guenons de la cour et de la ville, il faut que je réponde sur la sellette devant des licenciés, dont chacun serait à mes pieds si nous étions tête à tête dans mon cabinet ; il faut que l’huissier me coupe à l’audience mes cheveux, qui sont les plus beaux du monde ; qu’on m’enferme chez des religieuses, qui n’ont pas le sens commun ; qu’on me prive de ma dot et de mes conventions matrimoniales, qu’on donne tout mon bien à mon fat de mari pour l’aider à séduire d’autres femmes et à commettre de nouveaux adultères." L'argumentaire pour contrer cette évidente inégalité est faible :
L'une des conséquences du renversement de la royauté en France en 1789 est l'instauration du mariage civil en 1791 et l'autorisation du divorce votée en 1792. Ses détracteurs se demandent "que deviendra, sous la loi du divorce, la dignité de ce gouvernement intérieur, de cette royauté domestique ?" [69] La réforme était très attendue car "il est constaté par les registres municipaux de la commune de Paris que 5994 divorces prononcés pendant quinze mois, les deux tiers à peu près, c'est-à-dire 3870, ont été provoqués par des femmes" [70]. En contradiction avec les prescriptions des autorités religieuses sur le mariage et les fondements de la mythologie christienne sur les rapports de genre, l'hominine femelle n'est plus la propriété absolue de l'hominine mâle avec lequel elle est mariée. Mais l'ambiguïté persiste car elle reste légalement sa subordonnée. En 1804, le code civil fixe les conditions du divorce autorisé "pour excès, sévices ou injures graves, de l’un d’eux envers l’autre." [71] En cas d'adultère, l'hominine mâle et femelle peuvent demander le divorce. Pour autant, il n'y a pas d'égalité de traitement. La femelle peut obtenir le divorce pour adultère seulement si son époux a "tenu sa concubine dans la maison commune" alors que le mâle peut le demander sans condition. De plus, "la femme adultère sera condamnée par le même jugement, et sur la réquisition du ministère public, à la réclusion dans une maison de correction, pour un temps déterminé, qui ne pourra être moindre de trois mois, ni excéder deux années." [72] La tonte n'est plus une disposition légale. En 1816, avec le retour de la royauté, le divorce est de nouveau interdit. À partir de 1875, le député Alfred Naquet [73] propose trois textes afin de rétablir le divorce pour faute, à l'image de celui de 1792. Malgré l'opposition des milieux christiens, celui-ci est de nouveau autorisé en juillet 1884. Dans ce XIXème siècle, le "crime passionnel" [74] qui consiste à excuser l'hominine mâle d'avoir tué l'hominine femelle qui est sa compagne ou son épouse au prétexte qu'elle le quitte ou le trompe est alors synonyme de "crime de propriétaire". La plupart des fémicides [75] et tous les uxoricides [76] sont des crimes possessionnels. L'invention récente de la tondeuse mécanique par Nikola Bizumic n’incite pas les parlementaires à réhabiliter la tonte des adultères femelles dans ce nouveau dispositif législatif. La pratique se fait plus discrète.
À l'ouest du continent européen, la pratique de la tonte des hominines femelles ne disparaît pas avec l'entrée dans le XXème siècle. Dans un contexte géopolitique où s'effondrent des empires et s'affrontent les États-nations, les frontières sont mouvantes. Des régions entières, et donc les hominines qui les habitent, passent d'un pays à l'autre. Occupations militaires, administrations changeantes, lois d'exception et contraintes diverses rythment le quotidien des millions d'entre elleux. Les hominines femelles de ces régions risquent d'être condamnée à être tondues si elles sont désignées comme collaboratrices avec les forces d'occupation, et plus particulièrement si elles entretiennent avec l'un des occupants une relation intime et/ou sexuelle. Non parce qu'elles sont déjà mariées mais parce qu'elles sont la propriété exclusive de la nation comme une épouse pour son mari, selon les mythologies nationalistes qui régurgitent les préceptes rances déjà présents dans les mythologies christiennes, les législations romaines ou les traditions germaniques. Fréquenter l'occupant est un adultère. Il doit donc être sanctionné en conséquence. La fin de la première guerre dite mondiale en 1918 et le retrait de l'armée allemande entraînent des tontes d'hominines femelles dans le nord de la France et en Belgique. Selon le témoignage d'Ephraïm Grenadou, jeune soldat français, "quand on arrivait dans ces pays-là, ils réglaient leurs comptes, de vieilles querelles du temps des Allemands. Ils coupaient les cheveux des bonnes femmes. Tu parles d'un cirque ! On trouvait pas ça de notre goût. [...] Une écœuration !" [78] La défaite allemande se solde par l'occupation d'une petite partie de son territoire par les armées françaises, belges et britanniques entre 1918 et le début des années 1930. Immanquablement, certains de ces militaires nouent des relations avec des hominines femelles allemandes [79]. Ces adultères nationaux sont condamnés par les autorités allemandes qui ordonnent quelques tontes punitives. L'arrivée au pouvoir en 1933 d'un jeune peintre névrosé par les nuances de couleurs, Adolf Hitler, et les lois promulguées par les autorités dans les années suivantes vont resserrer le concept d'adultère national. Totalement obnubilés par cette question, les hitléristes déclarent que les hominines femelles et mâles "de sang allemand ou apparenté" ne doivent pas avoir de relations sexuelles, sentimentales ou maritales avec des personnes jugées impures — comprendre non-allemandes. En plus des hominines d'Afrique et d'Asie, la liste s'étend aux populations moïsiennes et roms. Une loi de janvier 1940 condamne à la tonte les hominines femelles allemandes coupables de manquements aux règles fixées par le pitre à moustache et ses adeptes. Cette disposition légale est finalement suspendue fin 1941 afin de rassurer les gouvernements étrangers qui envoient des hominines travailler en Allemagne. Une triste époque que résume le sociologue du vivant Alain Bashung par sa formule Guru tu es mon führer de vivre [80]. Les hominines femelles ne sont pas les seules à risquer la tondeuse. Son usage est devenu massif. En plus des simples considérations hygiéniques, les hitléristes s'en servent pour annihiler la dignité des hominines mâles et femelles qu'illes déportent par millions et regroupent dans des camps. Dans ce contexte, l'industrie de la tondeuse est une activité florissante. En France, l'opposition à la mainmise hitlériste sur le territoire prend de très nombreuses formes. Parmi les hominines femelles, celles qui n'ont pas rejoint la résistance à l'occupation sont menacées lorsqu'elles sont jugées "trop proches" de l'ennemi. Tout au long de la seconde guerre dit mondiale, les journaux clandestins promettent de se venger de ces adultères nationaux. De Défense de la France en février 1942 qui annonce clairement son programme : "Vous serez tondues, femelles dites françaises qui donnez votre corps à l'Allemand, tondues avec un écriteau dans le dos : "vendues à l'ennemi". Tondues vous aussi, petites sans honneur qui minaudez avec les occupants, tondues et cravachées. Et sur vos fronts, à tondues, au fer rouge, on imprimera une croix gammée." [81] Jusqu'à Femmes de France qui, en janvier 1944, propose de "leur tendre un piège, les corriger sévèrement, leur couper les cheveux ras, et, enfin, leur prendre leur carte d'identité. La photo servira à les identifier et à les punir l'heure venue." [82] Illustrant parfaitement le slogan féministe "Mon corps est un champ de bataille", les militaires allemands et la résistance française se livrent bataille par tonte interposée. À l'exemple d'une hominine femelle tondue en juillet 1944 par la résistance à Quimper, en Bretagne, pour ses relations avec un officier allemand. Ce dernier, en rétorsion, fait arrêter 22 hominines femelles dont des membres de leurs familles sont dans la résistance clandestine et les fait tondre [83]. L'été 1944 est une date clef dans l'histoire de la tondeuse en France. Face à la coalition militaire qui se lance à l'assaut des territoires occupés à l'ouest de l'Europe par les hitléristes, leurs forces armées reculent lentement. Les tontes se multiplient dans les territoires libérés. La chute de l'empire hitlériste est effectif en mai 1945. Les tontes reprennent de plus belle. Les hominines femelles qui les subissent sont accusées d'une trop grande proximité avec les forces d'occupation. La tension est extrême et la population se montre très "revancharde" avec elles. Afin de ne pas être insultées, les 22 tondues de Quimper reçoivent un justificatif qui authentifie qu'elles furent effectivement tondues par les militaires allemands et non par la résistance ou ses alliés. Aucune région n'échappe à ces vengeances : 77 des 90 départements français d'alors sont concernés. Les estimations donnent un nombre de plus de 20000 hominines femelles ayant été tondues [85]. Les motifs sont divers. Quelques-unes le sont pour leur collaboration active avec l'administration hitlériste en France, d'autres pour leurs choix politiques ou pour leurs rôles dans la répression (informatrice, délatrice, espionne), mais beaucoup sont tondues parce qu'elles se sont amourachées d'un militaire allemand. La "collaboration horizontale" selon l'expression de cette époque. Environ 80000 enfants naissent dans cette situation de guerre [86]. La plupart des hominines femelles tondues lors de la "Libération" le sont car, pour survivre en tant que célibataire, veuve, chargée de famille en l'absence du mari soldat ou mariée à un prisonnier de guerre, les plus pauvres travaillent comme ménagères, cuisinières ou infirmières. "La majorité des tondues ont été employées par l'occupant, essentiellement dans les secteurs de la santé et des services. Alors que 12% de femmes occupaient ces emplois, 30% d'entre elles ont été tondues, ce qui n'est le cas que de 19 % et de 15 % des effectifs féminins dans l'administration et les métiers intellectuels, et de peu de cas dans l'agriculture, les transports et l'industrie." [87] Elles servent d'exutoire. Selon le poème Comprenne qui voudra écrit en 1944 dans la clandestinité par Paul Eluard, "En ce temps-là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles. On allait même jusqu’à les tondre." [88] Selon leur situation sociale, toutes les hominines femelles ne sont pas traitées à la même enseigne. La célèbre actrice Léonie "Arletty" Bathiat qui s'amourache d'un officier allemand ou la modiste Gabrielle "Coco" Chanel qui travaille pour les services de renseignement hitléristes bénéficient d'un traitement qui ne fut pas accordé à Pauline Dubuisson ou Mireille Balin par exemple. Les deux premières échappent à la tonte malgré leurs relations amoureuses publiques avec des officiers allemands, l'une est condamnée à 18 mois de résidence surveillée et l'autre est relâchée après quelques heures. Sur le ton de la boutade, Arletty dit aux actrices dans son cas "On devrait former un syndicat". Elle plaide l'amour et se défend en rétorquant que "si vous ne vouliez pas que l'on couche avec les allemands, fallait pas les laisser entrer" car "si mon cœur est français, mon cul, lui, est international !" Antimoïsienne et mondaine Coco Chanel s'appuie plutôt sur ses amitiés dans les milieux politiques français et britanniques pour ne pas avoir à se justifier. Après avoir été tondue, Pauline Dubuisson [89], une jeune aide-infirmière alors âgée de 17 ans, est condamnée à mort en 1945 par un "tribunal populaire improvisé" pour avoir été amante avec le médecin-chef de l'hôpital de Dunkerque, le colonel von Dominik, de 36 ans son aîné. Elle est sauvée in extremis par l'intervention de son père. Mireille Balin entame une carrière d'actrice à partir de 1933 et enchaîne les films à succès aux côtés des stars de son époque. Pendant l'occupation hitlériste, elle joue dans quelques films et, après une relation amoureuse avec un patron de presse collaborationniste, se fiance en 1942 avec un officier allemand attaché à l'ambassade. Alors que le couple tente de prendre contact en septembre 1944 avec les forces armées étasuniennes alliées à la résistance, les deux sont tabassés par un groupe d'une dizaine de résistants et Mireille Balin est victime d'un viol collectif [90]. Après une courte incarcération elle est relâchée sans qu'aucune charge ne soit retenue contre elle. Sa carrière s'arrête là. Elle meurt dans la misère une vingtaine d'années plus tard. Selon ses propres mots :
Hormis des cas précis, les raisons de ces collaborations ne sont pas idéologiques. D'ailleurs, les hominines femelles tondues ne le sont pas parce qu'elles sont partisanes d'une idéologie honnie par la résistance mais pour cause d'adultère national. Politiquement, la résistance en France est diverse et est constituée aussi de nombreux hominines dont le racisme ou l'antimoïsisme n'ont rien à envier à celui des hitléristes [92]. Le credo est plutôt le nationalisme français et la lutte contre l'invasion allemande que le seul antinazisme et la défense des communautés moïsiennes. Il n'y a pas de volonté coordonnée de se lancer dans les tontes d'hominines femelles sur le territoire français. Selon les régions ou les groupes de la résistance concernés, le sort réservé n'est pas le même. Les prostituées ne sont pas toujours tondues car elles ont simplement fait leur travail. Certaines parties de la résistance se désolidarisent, voire condamnent les tontes. Le rituel est souvent le même. À l'initiative de quelques groupes d'hominines et hors de tout cadre judiciaire, la tonte est faite dans un lieu public et les hominines tondues sont ensuite "promenées" dans les rues, insultées par la foule qui les escorte. Parfois entièrement dénudées. Parfois décorées d'une croix gammée sur le front. Elles sont humiliées seules ou en groupe. La tondeuse est un puissant outil de domination. Les tontes ne sont pas une "exception culturelle" française, elles sont aussi pratiquées dans d'autres pays : Italie, Belgique, Pays-Bas, Danemark et Norvège. Selon la protivophilie, il existe évidemment un "Syndrome Bizumic" chez les hominines femelles qui furent ainsi traitées. Celles qui ne sont pas mise à mort souffrent d'avoir été ainsi dégradées et sont bien souvent contraintes de changer de travail ou de quitter leur lieu d'habitation pour se faire oublier après la fin de la guerre. Pour celles qui le peuvent.
Avec la fin de la guerre et de l'occupation de la France, les nouvelles autorités issues de la résistance reprennent en main l'institution judiciaire qui se lance dans de vastes opérations dites d'épuration. Punition extra-judiciaire, la tonte n'est pas préconisée. Outre les quelques 800 exécutions capitales, des milliers d'hominines mâles et femelles passent devant un tribunal pour fait de "collaboration avec l'ennemi". Selon les cas, les peines vont de quelques années de prison à la perpétuité, en passant par l'indignité nationale [94]. Cette épuration touche les journaux et les radios, l'administration et le monde politique, les entreprises, l'armée, le clergé, les milieux artistiques et intellectuels. Au nom de la réconciliation nationale, une loi d'amnistie est promulguée en janvier 1951. En plus des collaborationnistes, elle concerne aussi "tous faits accomplis postérieurement au 10 juin 1940 et antérieurement au 1er janvier 1946 dans l’intention de servir la cause de la libération du territoire ou de contribuer à la libération définitive de la France." Certaines hominines tondues intentent des procès contre leurs tondeurs mais leur statut de victime n'est pas reconnu par la justice. Les maltraitances et les tontes des hominines femelles ne doivent plus être que des mauvais souvenirs [95]. Malgré les sous-entendus des adversaires de l'égalité entre hominines mâles et femelles qui s'inventent une histoire pour justifier les traitements réservés aux hominines femelles, il n'a pas été possible pour la protivophilie de confirmer l'hypothèse de l'existence de l'expression "Sourire comme une tondue" dans l'espace linguistique francophone. L'argument des "tondues de Quimper" n'est pas recevable car la photographie est faite par des français au lendemain de la fuite des allemands qui les avaient tondues. Il s'agit sans doute d'une confusion avec "Rire comme une tordue" [96] — une expression validiste qui fait référence aux personnes bossues qui semblent se tordre de rire. Rien de plusMême si elle ne semble n'avoir rien de commun avec la protivophilie, la tondeuse est au cœur de sa démarche : Explorer toutes les pistes qui peuvent mener à F. Merdjanov. Sans exception. Rien ne doit être ignoré et chaque hypothèse doit être décortiquée. Il ne s'agit pas de partir de F. Merdjanov et de lui accoler un sujet de recherche quelconque, mais l'inverse. La démarche consiste à ne pas chercher où F. Merdjanov se trouve mais plutôt de regarder ce qui fait penser à F. Merdjanov dans tous les sujets possibles. La tâche est ardue. Les recherches sur la tondeuse permettent à la protivophile d'explorer des pistes jusqu'alors ignorées. L'une est en lien direct avec F. Merdjanov et offre un autre regard possible sur sa personne, l'autre est une illustration et une confirmation de l'utilité de la protivophilie pour ses propre recherches. L'hypothèse ovine n'a encore jamais été proposée pour la question de la nature exacte de F. Merdjanov. Unique source connue, sa courte biographie ne dit rien à ce sujet. Hominines ou non ? Rien n'est explicite. Une lecture hominino-centrée un peu trop rapide laisse à penser que la réponse est oui. Mais l'éthologie a considérablement progressé ces dernières décennies. Et particulièrement sur les formes de langage et de communication chez les autres espèces vivantes que les hominines. De travaux récents ont permis d'avoir accès à des autobiographies partielles [97]. Pour la plupart non encore traduites. Mais aussi à des récits intersectionnels où les hominines ne sont pas les seuls personnages centraux. Tel que les travaux de l'historien Jean-Bernard Pouy qui relate dans Larchmütz 5632 l'histoire d'une vache télépathe qui observe un duo d'hominines révolutionnaires, ou le roman historique Qui a tué Glen ? de Leonie Swann qui retrace, du point de vue des ovins, l'enquête qu'illes mènent pour trouver qui a tué leur berger hominine. Protivophile qui s'ignore, Vinciane Despret fournit un travail considérable dans ce domaine. Elle pose deux questions fondamentales : Que diraient les animaux, si... on leur posait les bonnes questions ? [98] Et si les animaux écrivaient ? [99] interroge Vinciane Despret. Pense-t-elle — inconsciemment comme disent les psychanalystes — aux Analectes de rien de F. Merdjanov lorsqu'elle dit cela ? L'hypothèse ovine prend forme. Argumentant en ce sens, le choix de la citation de Stendhal dans Analectes de rien, "Je ne suis pas mouton et c’est pourquoi je ne suis rien." [93], tend à montrer une volonté manifeste de brouiller les pistes en affirmant ne pas être de l'espèce ovine. La même technique est utilisée avec une citation d'Albert Camus où l'appartenance à l'espèce canine est niée : "Ma vie n’est rien : ce qui compte, ce sont les raisons de ma vie. Je ne suis pas un chien." [100]. Ces deux éléments ne s'opposent pas nécessairement. Pris ensemble, ils constituent une seule et même énigme, un casse-tête logique qui répond par l'affirmatif à la question "Suis-je ovin ?" Des recherches plus approfondies sont encore nécessaires afin de faire taire le spécisme primaire des hominines qui, face à cette hypothèse, s'accrochent encore à leur statut social fait de privilèges et de certitudes. L'étude des espaces tonderiens visibilise des régions où le risque de tonte est plus grand que dans d'autres. Particulièrement les zones frontalières entre la France et l'Allemagne d'aujourd'hui. Depuis la fin du XIXème siècle, les rives du Rhin sont disputées par ces deux États. Les populations qui y vivent ont été contraintes à plusieurs reprises de changer, au mieux de nationalité, au pire, de langue. Des situations complexes dans lesquelles les fidélités et les affiliations nationales sont mises à rude épreuve et des rancœurs peuvent s'installer. Dans le Petit guide humoristique destiné aux Alsaciens si désireux de parler correctement le français [101], une blague illustre très bien cette complexité. Vivant à la fin du XIXème siècle en Alsace, l'hominine se nommant Lagarde devient Wache en 1870 lorsque l'empire prussien gagne la guerre contre l'empire français et annexe des territoires germanophones de l'est de la France. Wache signifie "garde" [102]. En 1918, à l'issue de la première guerre dite mondiale, ces régions retournent sous domination française et l'hominine Wache s'appelle maintenant Vache, comme le bovidé femelle. Avec l'occupation allemande du nord de la France à partir de 1940, Vache est traduit par Kuh, la vache en allemand. Après la défaite hitlériste de 1945, retour à la langue française. Dorénavant, par simple phonétisme, l'hominine se nomme Cu ! Cette situation linguistique singulière offre un puissant outil supplémentaire à la protivophilie dont le but principal est de lier tout à rien, et plus spécifiquement ce qui concerne F. Merdjanov. Suivant la même suite linguistique, en partant de "Rien", on glisse vers sa traduction en allemand "Nichts". Une approximation phonétique fait passer de "Nichts" à "Niche", qui selon les dictionnaires est un "petit réduit pratiqué dans une pièce, un appartement pour y loger, y dormir" [103] ou une "petite cabane en bois pour canidés" [104]. La quatrième séquence de cette suite linguistique traduit le terme français vers l'allemand, ainsi "Niche" devient "Nische". Dans un ultime glissement, une simple réduction phonétique transforme "Nische" en "Nice", la ville de naissance de F. Merdjanov. Rien de moins !
Notes
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