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Babisme (Бабизмот en macédonien - Babisme en nissard) Mouvement mahométien[1] insufflé en Perse par Mirza[2] Ali Mohammad Shirazi, dit le Bab (La Porte), dans la seconde moitié du XIXème siècle après JCⒸ[3]
SommaireQadjariensVers la fin du XVIIIème siècle le soulèvement de tribus turcophones renverse ce qu'il reste de l'empire des Séfévides et de ses successeurs. Jusqu'alors forces militaires d'appoint, elles s'emparent du pouvoir politique et fondent une nouvelle dynastie, celle des qadjars. En 1786, Agha Mohammad se proclame empereur du nouvel empire sous le nom de Chah Ier et récupère une partie des territoires du Caucase et de l'Asie centrale perdus depuis les séfévides. À l'ouest l'empire ottoman, au nord la Russie et à l'est les Indes britanniques. Si les croyances mahometiennes sunnites étaient la norme dans la relation entre le religieux et le politique, les croyances mahométiennes dites chiites[4] deviennent officiellement religion d’État de l'empire qadjar[5]. Une manière de se différencier de son concurrent immédiat parmi les mahométiens, l'empire ottoman sunnite. Malgré la reprise en main de l’État et une force armée importante, les qadjars ne parviennent ni à contenir les russes qui reprennent les régions caucasiennes, ni l'avancée des britanniques qui s'opposent à la reprise de l'Herat afghan. Tout au long du XIXème siècle, la région se trouve au cœur du jeu géopolitique que mènent la Russie tsariste et le royaume britannique afin, pour l'une, d'avoir accès aux mers du sud, et pour l'autre, de préserver les routes commerciales entre la métropole et ses colonies indiennes. Les différends se règlent par guerres interposées et négociations secrètes, une forme de diplomatie du canon. L'histoire officielle retient généralement l'expression "Grand Jeu" pour définir cette période et le contexte particulier de la région. Si le premier monarque de la dynastie des qadjars règne moins d'une dizaine d'années, son successeur reste au pouvoir pendant 37 ans. Mohammad Chah, troisième de la lignée, accède au pouvoir à 26 ans en 1834. Pendant les quatorze années de son règne, il entame quelques réformes fiscales et administratives, tout en maintenant un système répressif important, et il tente de minimiser le poids des britanniques et des russes et ne parvient pas à contrecarrer le pouvoir du clergé chiite[6]. Nasseredin Chah accède au pouvoir à 16 ans à la mort du précédent empereur en 1848. Il y reste pendant 48 ans. Des capitaux britanniques ou français lui fournissent de quoi entreprendre la modernisation de l'empire (Chemin de fer, routes, industries, plantations) contre des avantages commerciaux sur des produits d'exportation. Ses politiques économiques et réformatrices suscitent beaucoup de mécontentement parmi plusieurs secteurs de la population d'hominines de la Perse[7] qadjare car elles provoquent une forte inflation[8] et une arrivée massive de produits concurrentiels venus d'Europe. Tout aussi violent que ses prédécesseurs, il réprime par le sang et l'emprisonnement toutes les révoltes sociales et les contestations qui secouent son règne. Celleux qui possèdent, les qadjaristes, pourchassent celleux qui n'ont rien, ou si peu, les qadjariens. ex-TapuriensLorsque les troupes armées d'Alexandre de Macédoine envahissent les terres au sud de la mer Caspienne au IVème siècle av. JC, la région est nommée Tapurie. Longue zone montagneuse qui longe la mer Caspienne, la Tapurie va être le lieu de naissance de plusieurs dynasties locales qui parviennent à résister longtemps à la mahométisation armée des tribus arabes. Devenue Tabaristan, la Tapurie adopte finalement les nouvelles croyances mahométiennes. Hormis une dynastie qui adopte officiellement le dogme religieux zoroastrien[9], toutes les autres se rattachent aux écrits mahométiens sunnites. Parmi la population d'hominines de Tapurie, il existe aussi de nombreuses communautés de mahométiens chiites, de différentes obédiences. Le Tabaristan est une véritable macédoine d'hominines aux langues et aux cultures diverses. Les multiples pratiques linguistiques des tapuriens constituent un groupe de "langues" séparé des groupes kurde et farsi. Outre les hominines locaux, beaucoup viennent du Caucase : géorgiens, arméniens, circassiens, juifs, etc. De par sa géographie côtière et montagneuse, le Tabaristan ex-Tapurie se différencie du reste de la Perse et conserve des particularités. Les pouvoirs politiques et les dynasties qui s'y développent maintiennent une certaine autonomie mais deviennent vassales des empires successifs qui l'entourent. Progressivement, entre le XVIème et le XVIIIème siècle, le Tabaristan est intégré à l'empire séfévide et redécoupé entre, de l'ouest à l'est, le Gilan, le Mazandaran et le Golestan. ExagèriensParmi les multiples "courants" qui existent au sein des mahométiens vont apparaître des formes extrémistes, dite ghulât qui signifie "exagéré"[10]. Grands utilisateurs de l'ijtihad[11], ces "exagèriens" sont régulièrement accusés d'avoir des interprétations trop symboliques qui réduisent finalement les restrictions religieuses à rien. Pour cela ils attendent quelques signes, notamment la venue d'un mahdi qui guidera le monde et annoncera la fin des temps ! Fiévreusement attendues, les apparitions régulières de mahdi auto-proclamés se transforment parfois en révoltes armées ou en soulèvements populaires[12]. Depuis l'apparition de cette religion, la question de la succession légitime du prophète divise la communauté des sectateurs. La majorité accepte la légitimité des dynasties arabo-tribales qui se répartissent l'héritage de l'inspiré Mahomet - désignée sous le vocable de sunnite - mais une partie la rejette et lui préfère celle des descendants d'Ali, le gendre du prophète. Ces alides sont généralement désignés par le terme de chiites et chaque nouveau prétendant légitime est nommé imam. Historiquement, les différends successoraux entre les imams ont engendré des scissions parmi les alides et l'impossibilité d'en trouver un[13] a été contournée en introduisant le concept d'occultation. Le subterfuge consiste à décréter que le prétendant est volontairement caché en attendant de faire sa réapparition parmi les hominines en tant que mahdi et d'annoncer la fin des misères terrestres voulues par la cruelle divinité. D'ici-là, la communauté mahométienne doit être guidée soit par un religieux faisant office d'interprète des textes religieux, soit par une personne ayant un contact privilégié avec l'imam caché ou la divinité elle-même. HuisseriensEn 1843, l'agitation est à son comble[14] parmi les exagèriens de Perse qadjare car, selon le calendrier mahométien[15], cette année 1260 correspond au millième anniversaire de l'occultation du douzième imam en 260 (873 ap. JC). Le shaykhisme[16], le mouvement exagèrien mystique fondé par Saykh Ahmad al-Ahsa'i au début du XIXème siècle, s'impatiente. La porteNé en octobre 1820 dans une famille marchande de Chiraz, Mirza Ali Mohammad Shirazi apprend à lire dès son plus jeune âge. Il s'intéresse au shaykhisme et fréquente assidûment les membres de la communauté mystique auprès de qui il se forge rapidement une réputation d'érudit. Après la mort du dirigeant du mouvement mystique, en 1844, Mirza Ali Mohammad Shirazi fait partie des prétendants ; la question de cette succession est un sujet de discorde[17]. Il ne fait pas consensus et la plupart des shaykhis ne lui reconnaissent aucune légitimité. La minorité qui le suit voit en lui ce qu'il prétend dorénavant être, le bab. Littéralement traduit par "entrée" ou "porte", le terme bab désigne ici celui qui se dit en lien avec l'imam caché ou la divinité, celui qui précède la venue du mahdi. Dix huit - dont une femme - de ses premiers sectateurs se font appeler les "Lettres du Vivant" et parcourent la Perse pour répandre la bonne nouvelle. Le Bab part à La Mecque pour le pèlerinage lors de l'hiver 1844 et en profite pour annoncer lui-même aux autres mahométiens la mission que la divinité lui a confié. Peu écouté, il retourne à Chiraz où la communauté des babis ne cesse de s'agrandir. Pour mettre fin aux affrontements réguliers entre babis et mahométiens dans les rue de Chiraz en 1844-1845 les autorités qadjares décident en septembre d'expulser les responsables babis et de mettre le Bab en résidence surveillée. Les motifs de ces affrontements sont les critiques sévères que le Bab adresse aux responsables du clergé, accusés de maintenir les croyants dans l'ignorance. Profitant d'une épidémie de choléra qui frappe la ville à l'été 1846, le Bab et quelques autres babis parviennent à s'échapper et s'installent à Ispahan où ils obtiennent la protection du gouverneur, un christien géorgien. Mais finalement, un an plus tard, le Bab est envoyé à la forteresse de Maku puis est transféré en avril 1848 à celle de Chariq, près du lac d'Urmia. En juillet, il est envoyé à Tabriz pour être examiné par des spécialistes des sciences religieuses qui doivent statuer sur son sort. Il est condamné à mort pour apostasie - la conversion d'un mahométien vers une autre religion. La sentence est mise en attente et le Bab est renvoyé à Chariq où il est torturé. Pendant sa détention à Maku, le Bab rédige un texte justificatif et son œuvre principale le Bayan. Signifiant "Explication" dans la langue arabe, un premier Bayan est écrit en farsi par le Bab qui explique les fondements de la nouvelle révélation en plus de 8000 vers divisés en 9 chapitres, eux-mêmes subdivisés en 19 parties[18]. Tout en reconnaissant le caractère prophétique de Mahomet, il abroge certaines lois coraniques et en proclame de nouvelles. Il annonce aussi l'arrivée de "Celui que Dieu rendra manifeste", c'est-à-dire de celui qui viendra abroger la religion. Un second Bayan, plus court et en langue arabe, est rédigé par la suite. Lors de son séjour carcéral, le Bab écrit une lettre-testament dans laquelle il désigne Yahya Nuri[19] comme successeur. Les portiersLes adeptes du Bab se multiplient et des communautés émergent à travers le territoire de l'empire qadjar, à Chiraz et Tabriz ainsi que dans le Mazandaran. Tous les lieux de résidence du Bab se transforment en point de convergence pour ses adeptes. Les "Lettres du Vivant" n'ont de cesse d'annoncer la nouvelle foi et de répandre les écrits de l'inspiré Bab. Plusieurs milliers de mahométiens, et quelques moïsiens et christiens, se convertissent pour la plus grande fureur des autorités religieuses mahométiennes. L'apostasie est chose sérieuse pour les mahométiens, tellement sérieuse qu'elle mérite la mort. En réponse aux agressions contre des babis, parfois des meurtres, les affrontements avec des mahométiens sont courants.
Au cours de l'été 1848, environ 80 babis se réunissent au village de Badasht pour organiser l'évasion du Bab - seules deux des 18 "Lettres du Vivant" sont présentes - mais le projet est abandonné. Pendant trois semaines les adeptes discutent des écrits du Bab et abolissent progressivement les préceptes coraniques[21] sur le jeun, la prière, le mariage, le calendrier, etc. Le babisme se démarque officiellement des mahométiens et se proclame nouvelle religion. Les écrits du Bab remplacent le Coran et deviennent la seule source d'inspiration. Les croyants doivent dorénavant prier en direction de la maison du Bab à Chiraz et non plus en direction de la Mecque. Les préceptes touchent des domaines aussi divers que le refus de la maltraitance des hominines enfants et des animaux en général, l'encouragement à l'utilisation de chaises pour s'asseoir, une attention particulière à la propreté et à la consommation d'œufs durs plutôt qu'au plat[22]. En ce qui concerne les relations avec les non-babis, le Bayan préconise de les exclure de cinq provinces perses, interdit le mariage avec elleux ou de s'asseoir avec, propose de détruire tous les lieux saints des précédentes religions, de brûler tous les livres non-babis et de limiter l'usure. Si la plupart des préconisations ne sont pas appliquées, il n'en reste pas moins que le clergé chiite s'irrite violemment des attaques contre la religion mahométienne et que le pouvoir qadjar voit dans le babisme une contestation sociale grandissante. Leurs autorités respectives sont contestées. Fatimih Baraghani[23] - l'unique femme des "Lettres du Vivant" - apparaît publiquement sans son voile que dorénavant elle rejette et déclare :
DégondagesLa tradition mahométienne raconte que l'auto-désigné prophète Mahomet aurait dit que "des drapeaux noirs venus du Khorassan"[25] seraient l'un des signes d'une venue prochaine du mahdi et de l’éminence de la fin des temps. En juillet 1848, sur ordre du Bab, plus de 200 babis quittent la ville de Mechhed, dans le Khorassan perse, drapeaux noirs au vent. Leur but est de proclamer la mission du Bab et la nouvelle religion dans les villages croisés sur leur chemin et de libérer l'une des "Lettres du Vivant" emprisonnée. Ils sont rejoints par des adeptes du Bab et prennent le contrôle d'une partie du Mazandaran. Le 4 septembre 1848 l'empereur qadjar Mohammad Chah meurt de la goutte à Téhéran. Étonné de n'être qu'un simple mortel, le Chah réjouit secrètement les babis par ce rappel à une réalité biologique intangible : Profitant du vide successoral, environ 300 babis attaquent la ville de Barfurus (actuel Babol) pour en faire la première cité-État babie mais, stoppés dans leur élan par des escarmouches avec l'armée, ils s'installent plus au sud dans le sanctuaire de Shaykh Tabarsi qu'ils fortifient. Plus de 300 adeptes du Bab arrivent en renfort. Dès octobre, l'armée fait le siège de la forteresse. La résistance s'organise mais le manque de nourriture vient à bout des babis retranchés. Se fiant à la promesse qui leur est faîte d'avoir la vie sauve s'ils se rendent, les babis acceptent une reddition le 10 mai 1849. Mais la promesse n'est pas tenue et la plupart des survivants sont exécutés par les militaires. Huit des dix-huit "Lettres du Vivant" font partie des morts. L'une d'elle est livrée en lynchage à la foule de Téhéran puis dépecée et démembrée. Au printemps 1850, à Téhéran, 38 babis sont arrêtés et inculpés de comploter contre l'empire qadjare. Sept sont exécutés. En mai 1850, des babis se retranchent dans la citadelle de la ville de Nayriz - dans la province du Fars - mais ne parviennent à résister que quelques semaines. Ils sont délogés en juin. Courant mai, plusieurs centaines de babis prennent d'assaut la citadelle de Zanjan - dans la province d'Azerbaïdjan - et s'y retranchent. En représailles, la sentence de mort jusqu'alors mise en pause contre le Bab et les quelques babis emprisonnés avec lui est signée par les autorités qadjares. Certains optent pour la taqiya[27] pour échapper à la mort, en dissimulant leurs croyances et se prétendre mahométien. Le 9 juillet 1850, le Bab et l'un de ses adeptes sont envoyés devant un peloton d'exécution. Sans aide de leur divinité, ils en meurent. Abandonné, le cadavre du Bab est récupéré par un de ses adeptes puis caché pendant plusieurs années[28]. Cette disparition affecte grandement l'ensemble des babis et fera écrire au grand poète Nino Ferrer, 115 ans plus tard, l'une de ses plus belles chansons, Mirza[29], dans laquelle le refrain est une véritable complainte :
L'armée qadjare fait le siège de la citadelle de Zanjan jusqu'en décembre. Beaucoup de survivants sont tués après leur reddition en janvier 1851. Le 15 août 1852, trois babis sont arrêtés à Téhéran lors d'une tentative d'assassinat contre l'empereur qadjar. Les représailles sont sanglantes. Dans plusieurs villes de l'empire, des milliers de babis sont massacrés, par l'armée ou par la foule. Jusqu'alors en résidence surveillée, la "Lettre du Vivant" Fatimih Baraghani[23] est assassinée par strangulation. En octobre 1853, une nouvelle tentative de tenir la citadelle de Nayriz se solde par la mort de plusieurs centaines d'insurgés en décembre de la même année. L'ampleur de la répression fait réagir quelques intellectuels et politiciens d'Europe. L'actrice française Sarah Bernhardt sollicite l'auteur Catulle Mendès pour qu'il écrive une pièce sur Fatimih Baraghani, mais cela reste sans suite[30]. En France, Arthur de Gobineau[31] fait paraître en 1865 Les religions et les philosophies dans l'Asie centrale[32] dans lequel il relate l'histoire du babisme. Son approche est critiquée par A.L.M. Nicolas[33] dans les écrits que celui-ci consacrera au babisme[34] quatre décennies plus tard mais ils partagent le constat que le dégondage fut fatal à la Porte et que le babisme en sort très affaibli. Les Portiers ne sont plus très nombreux. Les chiffres du nombre de morts parmi les babis sont difficiles à déterminer. Les sources babis ou non mentionnent des décomptes différents. L'insurrection du sanctuaire de Shaykh Tabarsi regroupe entre 500 et 600 personnes - que des hominines mâles. Celles de Nayriz impliquent environ 1000 personnes. 600 hominines femelles et 180 mâles sont capturés et 180 hominines mâles sont tués. En ce qui concerne l'insurrection de Zanjan, plus de 3000 babis y participent, dont la moitié d'hominines femelles. La participation de femmes au combat est un exception car elles n'y sont pas autorisées[35]. Si l'on excepte le millier de "déserteurs", le bilan est d'environ 500 prisonnières et plus d'un millier de morts[36]. Du côté de l'armée qadjare, les pertes se comptent en milliers d'hominines.
Les milliers d'hominines qui rejoignent le Bab le font pour des raisons qui mélangent sans doute la dimension religieuse aux contingences matérielles. Si les réformes du Chah bénéficient au clergé et aux commerçants du bazar des grandes villes, elles appauvrissent bon nombre de perses. Les insurgés sont généralement des paysans, des artisans, des urbains pauvres ou des petits commerçants, venant majoritairement de villes ou villages de moins de 7000 habitants[36] du nord de la Perse. Huis-closL'Huis mort, il ne reste que quelques petites communautés babies éparses sur le territoire perse et d'autres réfugiées dans le Caucase russe. Yahya Nuri, le successeur désigné, se réfugie à Bagdad, alors ottomane, et est bientôt rejoint par des fidèles. Une petite communauté babie se forme ainsi dans cette ville autour de sa famille élargie[38]. L'organisation des communautés babies mise en place par le Bab instaure "la part du guide" qui consiste pour les adeptes à financer par leurs dons le quotidien de leur "guide spirituel" qu'est Yahya Nuri. Un refuge sur le chemin de La Mecque est mis en place et reçoit nombre de pèlerins en transit. Plusieurs babis se déclarent être "Celui que Dieu rendra manifeste" annoncé par le Bab mais aucun n'est vraiment pris au sérieux. L'un d'eux est même assassiné par un babi. Husayn Ali Nuri[39], le demi-frère de Yahya Nuri, rejoint Bagdad en avril 1853 après une brève incarcération dans une forteresse. Les conflits entre les deux demi-frères sont de plus en plus prégnants. Husayn Ali Nuri décide de quitter Bagdad pour rejoindre Suleymanie où il reste deux années. Yahya Nuri visite les communautés et diffuse les écrits du Bab. Le mahdi est encore à venir. En 1856, Husayn Ali Nuri revient à Bagdad et prend en main la communauté, pour lui la gestion matérielle et pour son demi-frère l'aspect spirituel. Le successeur du Bab s'efface ainsi derrière cette nouvelle figure montante du babisme déclinant. Sous la pression des autorités qadjares, les ottomans expulsent en 1863 les babis de Bagdad et les envoient à Istanbul, via Mossoul. En décembre, ils sont tous déplacés vers Andrinople, en Roumélie. En 1866, Husayn Ali Nuri se proclame être "Celui que Dieu rendra manifeste" et appelle toutes les communautés de Perse, de l'empire ottoman et d'Égypte, à reconnaître sa nouvelle autorité. Yahya Nuri, le successeur du Bab, conteste cette prétention et avec lui celleux qui pensent, suivant les écrits du Bab, qu'il est trop tôt pour que cela advienne déjà. D'autres voient, suivant aussi les écrits du Bab, en Husayn Ali Nuri celui qu'ils attendaient. Dorénavant les babis se divisent entre azalis - selon le surnom de Yahya Nuri, Subh-i-Azal (Aurore de l’Éternité) - et baha'is - selon le surnom de Husayn Ali Nuri, Baha-Allah (Splendeur de Dieu). Le conflit entre les deux visions est tel que plusieurs assassinats sont perpétrés et Yahya Nuri échappe à plusieurs tentatives[40]. Gérant l'argent de la communauté, Husayn Ali Nuri met la pression sur son demi-frère et ses partisans, et l'accuse auprès des autorités ottomanes de vouloir organiser un soulèvement armé. Celles-ci décident en 1868 de séparer les deux groupes opposés en les déplaçant dans l'empire : Yahya Nuri et ses proches (16 adultes) sont transférés à Chypre en août 1868 et placés en résidence surveillée à Famagouste, alors que Husayn Ali Nuri et les siens sont envoyés à Saint-Jean d'Acre dans le Levant ottoman. Les ottomans contraignent des azalis à vivre à Acre pour surveiller les baha'is et inversement à Famagouste. En 1872, des baha'is assassinent les trois azalis chargés de leur surveillance. Lorsque les britanniques prennent possession de l'île de Chypre en 1878, ils libèrent les azalis et accordent une pension à Yahya Nuri. Celui-ci rédige de nombreux textes et traités afin de nourrir le babisme. De Famagouste, les azalis tentent de perpétuer la pensée du Bab et de diffuser le Bayan alors que les baha'is deviennent une nouvelle religion sous l'impulsion de Husayn Ali Nuri[41] qui fournit des écrits remplaçant les précédents[42]. ŒilletonLes réformes économiques lancées par le Chah favorisent grandement les puissances européennes. Le despote accorde de nombreuses concessions sur des ressources de l'empire, ce qui créé des mécontentement parmi des franges de la population. La Perse s'endette de plus en plus au fil des réformes et des voyages coûteux du Chah en Europe, voyages pour lesquels des emprunts sont contractés auprès des pays visités. Les oppositions au Chah sont diverses. Outre les insurrections des babis, matées dans le sang, qui contestent la corruption du clergé et l'autoritarisme du monarque, des mouvements apparaissent à travers l'empire. Une partie du clergé rejette les politiques de modernisation, les commerçants critiquent les réformes économiques qui les affaiblissent toujours plus et plusieurs intellectuels demandent une large réforme constitutionnelle. Nasseredin Chah est assassiné en 1896 par un opposant à sa politique vis-à-vis des puissances européennes. Son fils et successeur Mozaffaredin Chah continue sur la lancée de son père : voyages onéreux, endettement, réformes autocratiques et avantages commerciaux aux investisseurs européens. La presse naissante est alors un vecteur de contestation et de critique pour les secteurs alphabétisés de l'empire. La montée en puissance des "réformistes" contraint le Chah à accepter une réforme constitutionnelle et des élections qui aboutissent en 1906 à la création du premier parlement de Perse dont les 156 élus sont essentiellement issus du clergé et des commerçants du bazar de Téhéran.
Le Chah décède quelques jours après avoir accepté cette réforme. Son fils et successeur refuse la nouvelle constitution et fait bombarder le parlement en juin 1908 avec l'aide de brigades cosaques sous commandement russe. Il est finalement destitué par les "constitutionnalistes" et fuit en Russie en 1909. La constitution est rétablie et le jeune fils du Chah, âgé de 11 ans, est nommé à sa place au sein de la nouvelle monarchie constitutionnelle. L'invasion russe en 1911 du nord-ouest de la Perse fait plus de 1000 morts et des centaines de blessés, mais elle ne parvient pas à renverser le nouveau pouvoir. L'arrivée des bolcheviques en Russie en 1917 change la donne et encourage la création d'une éphémère république socialiste dans le Gilan[45]. Face à l'instabilité politique et aux conséquences de la Première guerre mondiale, le Chah est destitué en 1925 et avec lui prend fin la dynastie qadjare[46]. Depuis la répression et l'exil forcé de leur "dirigeant spirituel" à Chypre, les communautés babies se font très discrètes. Contrairement aux baha'is qui refusent toute implication dans la politique, des azalis sont partie prenante de la "Révolution constitutionnelle"[47] aux côtés de personnalités venues du nord de la Perse - Gilan, Mazandaran, Azerbaïdjan -, de tribus du centre, de réformateurs religieux ou de commerçants en difficulté. Les opinions et les approches sont multiples, parfois antagonistes[48]. De nombreuses organisations féminines se mettent en place pour obtenir de larges réformes[49]. Cette contestation n'est pas un mouvement "nationaliste perse" et laisse une grande place à des arméniens, des azéris, des géorgiens ou divers autres populations de l'empire, moïsiens, christiens ou zoroastriens[9]. Même s'ils sont très minoritaires au sein de cette révolution, les babis demeurent un prétexte pour la discréditer[50].
Pas de porteL'utilisation de la taqiya[27] et l'éparpillement des babis azalis rendent difficile toute estimation de leur nombre exact. Considérés subversifs par le pouvoir qadjar et apostats par le clergé mahométien, il est nécessaire pour les petites communautés de vivre cachées. La taqiya peut être telle qu'il est impossible de faire une différence avec un mahométien. Paradoxalement, prétendre que les babis utilisent systématiquement la taqiya est trompeur et peut laisser penser qu'il y a des babis là où il ne s'agit en fait que de mahométiens. Le chiffre de quelques milliers est parfois cité, sans que cela puisse être confirmé. Yahya Nuri (Subh-i-Azal) meurt fin avril 1912 à Famagouste sur l'île de Chypre. Aucun successeur n'est désigné et la communauté des azalis s'organise alors clandestinement de manière décentralisée. Elle semble avoir disparue pendant les décennies suivantes mais au début des années 2000, celleux qui se disent Peuple du Bayan réapparaissent virtuellement à travers un site internet qui retrace l'histoire et développe la doctrine des azalis[52]. PalierBien au-delà du seul cercle de ses adeptes, le Bab a suscité de nombreuses sympathies parmi des personnes qui ne se prétendaient pas religieuses mais qui voyaient en lui un réformateur "exemplaire" et sans dieu, et dans les insurrections babies une forme de contestation politique "révolutionnaire". Le futurien russe Velimir Khlebnikov[53] prend connaissance de l'existence du babisme lors de différents voyages entre le Caucase et la Perse lors desquels il se procure les écrits du Bab. La symbolique de la révolte et du drapeau noir présente dans le soulèvement babi fait écho à son Appel des Présidents du Globe Terrestre que Khlebnikov édicte en 1917 :
Alors qu'il participe à titre personnel au premier Congrès des peuples d'Orient qui se tient à Bakou en Azerbaïdjan[54] du 1er au 8 septembre 1920, Velimir Khlebnikov écrit :
Il oppose la figure du réformateur turc Enver Bey[57], célèbre pour les massacres de masse des arméniens[58] des assyro-chaldéens[59] et des grecs pontiques[60] de l'ex-empire ottoman, à celle du Bab en qui il voit une possibilité d'extension de la pensée et des pratiques anarchistes de Bakounine. Organisé par l'Internationale Communiste, ce congrès de Bakou ne sera finalement qu'une mise au pas des élans révolutionnaires par les bolcheviques qui n'auront de cesse de persécuter les anarchistes, et plus généralement tous les critiques à leurs politiques autoritaires. Déçu Velimir Khlebnikov conclut quelques mois plus tard sur un jeu de mots avec la "Nina"[61], l'imprimerie clandestine de Bakou :
Velimir Khlebnikov est le seul à avoir imaginé un rapprochement entre l'anarchisme et cette religion morte-née qu'est le babisme. Dans L'enfermée, l'anarchiste Gaston Couté, armé de sa langue beauceronne et de son athéisme en guise de pied-de-biche, lui répond sur le sort à réserver à n'importe quel type de porte. Sans intervention divine.
PaillassonL'intérêt porté par la protivophilie au babisme est sans aucun doute motivé par son attrait pour rien. Le fait religieux ne mérite pas plus d'égard que toutes les créations des sociétés d'hominines qui prétendent à l'hégémonie et ne sont que prisons pour les singularités. Les particularités de chacune des religions ne changent rien au fait qu'elles ne sont au mieux que des propositions sans fondement de visions du monde, de son organisation et de son bon déroulement, au pire un outil de domination, de contrainte et d'illusion. Dans les deux cas, cette chimère divine est intrusive et prétentieuse. L'invention de dieu permet de rendre toute discussion impossible sur le bien-fondé même de tels systèmes de pensée, elle est une argumentation rhétorique qui veut ainsi s'extraire de toutes critiques. Mais pour la protivophilie il n'en est rien.
L'orientaliste et théologien de l'anti-religieux Friedrich Nietzsche qui se questionne sur la mort de dieu propose une contre-vérité rhétorique au subterfuge divin : Avec le babisme, nous n'assistons pas à une énième mise à mort symbolique de quelque-chose qui n'existe pas mais à l'éclosion d'une nouvelle religion qui, contrairement à d'autres avant elle, n'a pas survécu à la mort de son prophète et ne fut pas en mesure de s'imposer aux autres. Un avortement théologique. La différence notable avec toutes celles qui l'ont précédé est que l'existence de l'hominine qui s'en prétend prophète est attestée, car contemporaine. Moïse, Jésus aka ChristⒸ ou Mahomet ne furent peut-être rien d'autre que des personnages mythiques. Le babisme est une hérésie si l'on compare le Bab à Jésus qui se veut un réformateur des croyances des moïsiens, dont il est, mais est une nouvelle religion si l'on rapproche le Bab de la figure de Mahomet qui plagie une partie des deux autres monothéismes tout en se déclarant différent. Tout au long de son court processus historique, le babisme a vu l'apparition d'un prétendu prophète se réclamant d'un dieu qui lui commande de porter sa parole auprès des hominines, une attente frénétique d'une fin des temps imminente, des révoltes collectives d'adeptes persuadés de la justesse de leurs croyances, une éphémère autonomie lors de laquelle illes jubilent, puis finalement une mortalité prophétique, une répression contre laquelle leur divinité ne leur est d'aucun secours et enfin l'étonnement pour les quelques survivants. Si les moïsiens sont parvenus à survivre aux empires, si les christiens ont bénéficié d'une conversion et d'une reconnaissance impériale qui leur ont permis de s'étendre plutôt que de finir martyrisés, et que les mahométiens se sont appuyés sur leurs conquêtes de territoires impériaux, les babis ont tout simplement "perdu" et n'ont pas eu le rapport de force suffisant pour obtenir la reconnaissance d'une autorité politique qui aurait assuré une suite à leur défaite. Rapportée à l'imaginaire de chacune de ces religions, l'histoire du babisme est celle qu'il aurait été pour les moïsiens si Moïse et ses proches s'étaient finalement perdus dans le désert, et dont nous serions restés sans nouvelles, si la barque de Paul l'évangélisateur s'était retournée quelque part entre Jérusalem et Malte, ou si Mahomet, sur les conseils de son gendre Ali, avait décidé sur le tard de faire carrière dans la poésie plutôt que dans la prophétie. Avec ces exemples, les trois monothéismes ne seraient restés que de petites "sectes" éparses et discrètes dont nous n'aurions pas eu à subir les préceptes moraux, les obligations et les faux-semblants pendant des millénaires. Les conditions pour que les trois principales religions monothéistes soient aujourd'hui existantes ne sont pas liées à leurs messages ou à leur véracité mais à des contextes sociaux, politiques et historiques qui leur ont été favorables. Rien de plus. Nous sommes loin d'une intervention divine ou d'un miracle.
Ainsi le babisme offre une opportunité unique d'étudier, presque en direct, la vie et la mort d'une religion. À cette époque où les sciences psychologiques n'ont pas clairement défini leurs catégories, et particulièrement ce qu'elles appelleront par la suite "schizophrénie", le prophétisme est communément admis comme une forme de manifestation divine et les prétendants prophètes ne sont pas encore systématiquement enfermés dans des asiles ou gavés de substances chimiques contre leur gré. De nos jours, il semble plus difficile de s'affirmer "envoyé de dieu" dans des contextes où, soit les autres religions prophétiques ne laissent pas de place ou se moquent de cette prétention, soit il est nécessaire d'obtenir un permis de visite auprès des services psychiatriques pour rencontrer les derniers prophètes en date. Mais dans ces conditions d'enfermement il ne leur est pas possible de s'entourer d'un groupe de fidèles et il est ainsi peu probable qu'une nouvelle religion parvienne à s'étendre à partir de ces lieux. Des approches récentes quant aux entendeurs de voix permettent dorénavant de sortir du cadre explicatif religieux - ce n'est pas une divinité qui parle - et de celui de la médicamentation et de l'enfermement psychiatriques. Elles préconisent que les "entendeurs de voix" ne soient pas déclarés asociaux ou malades, ceux-ci se prenant en charge elleux-mêmes dans des groupes de parole[67] où les échanges de vécus sont quelques-uns des moyens pour apprendre à vivre avec et gérer au mieux cette présence[68]. Nous n'avons pu trouver de traces d'un groupe de parole spécifique et non-mixte parmi les "entendeurs" pour les quelques prétendants à la prophétie, de type "Les prophètes anonymes". Pied-de-bicheLes apports majeurs du babisme à la protivophilie concernent des sujets distincts mais convergents, tel la gastronomie, l'humour et les médecines alternatives. Plus précisément la salade niçoise, l'utilité de dieu et le BDSM[69]. Si l'humour n'est pas une méthode didactique adoptée par les prophètes des différentes religions monothéistes, il n'en reste pas moins que leurs messages en sont empreints. L'un des sujets dans lequel ils excellent est celui des interdits alimentaires. Les moïsiens ont développé une somme de contraintes induites par l'interdiction de certains mélanges alimentaires et le refus de quelques produits, les christiens les abolissent tous et les mahométiens en introduisent quelques-uns. Il est intéressant de noter à quel point la divinité est soucieuse du bien-être de ses créatures en consacrant du temps à réfléchir à de nouvelles règles indispensables. L'Utilité est un attribut divin. Entre un mythique déluge et une apocalypse dévastatrice, entre une vie de labeur et une fin promise, il est important pour les hominines de suivre ses prescriptions afin d'accéder à la reconnaissance attendue. Le babisme vient complexifier encore plus le régime alimentaire divin en préconisant de consommer les œufs durs plutôt qu'au plat[22]. Ainsi, dans ce cas, la divinité semble soucieuse de la salmonellose, soit elle délivre un message caché, appelé souvent "parabole", à destination des mangeurs d'avortons de volailles. Quoiqu'il en soit, la protivophilie note que cela n'a aucune incidence réelle sur la salade niçoise qui, si parfois se compose aussi avec des œufs durs, peut très bien se faire sans. La pratique reste marginale[72]. La salade chopska, quant à elle, ne contient jamais d'œufs durs. De manière générale, le babisme n'a aucune influence sur les différentes macédoines de légumes élaborées autour des mers Méditerranée, Noire et Caspienne. Les données concernant l'évolution de la consommation d'œufs au plat dans ces régions ne sont pas disponibles et personne n'est pour l'instant en capacité de mesurer l'influence réelle du babisme sur cette pratique alimentaire. Par ses différents travaux, la protivophilie montre que les religions instaurent des règles alimentaires (des habitudes coutumières) dans le but de brimer les hominines et les empêcher de choisir librement les ingrédients de leurs macédoines alimentaires quotidiennes. Jusqu'à à se priver de pomme-de-terre dans la salade niçoise ou de chorizo dans la chopska. La pratique de la macédoine intégrale demeure ainsi un acte profondément anti-religieux. Que les hominines refusent de se laisser dicter des interdictions alimentaires est, selon la protivophilie, un des fondements de l'expression de singularités enfin débarrassées des entraves pseudo-divines. La problématique est la même dans le domaine de la sexualité : Une divinité asexuée instaure une somme d'interdits dans le panel infini du plaisir. Pour autant ses adeptes n'hésitent pas à détourner ses interdictions, par un long travail de réinterprétation théologique, afin de ressentir les plaisirs de la chair. De l'extase douloureuse à l'auto-flagellation, de la soumission à l'auto-satisfaction manuelle, du sadisme souriant au martyr masochiste, de la frustration volontaire à l'abandon sodomite, les adeptes des religions n'ont de cesse, depuis des millénaires, d'éprouver du plaisir sans jamais l'assumer pleinement. Mais pour cela, illes recourent à des détournements car les lois divines sont hostiles aux râles, aux rires et aux orgasmes. Plutôt que d'assumer leurs pratiques dite "BonDieuseries Sans Mal", ou BDSM, illes préfèrent se retrancher derrière des obligations religieuses pour atteindre l'extase et les interdire à celleux qui aiment à jouir ainsi, sans la médiation d'une divinité illusoire. Là encore, la macédoine intégrale est un acte anti-religieux. Une macédoine de sueurs et d'envies, de mélanges et de saveurs, dans laquelle la réciprocité est source de plaisirs volontaires et intenses. Pour cela il est absolument nécessaire que la relation soit basée sur le consentement, mais celui-ci est, par principe, profondément antagoniste avec le fait religieux qui soumet les hominines à une fiction frustratoire.
Les biographes de F. Merdjanov ont depuis longtemps montré son désintérêt pour les questionnements autour de dieu. De ce point de vue, il est notable que les liens entre les Analectes de rien et le babisme se résument à rien. Les mouvements millénaristes, les extrémismes religieux ou tout simplement le fait religieux suscitent parfois un engouement parmi les contestataires en tous genres. De manière plus contemporaine à "l'anarchisme christien", les croyances des mahométiens sont traversées par des courants qui veulent y voir des espaces anarchisants. Ils réinterprètent différentes sourates du livre sacré des mahométiens pour en faire une lecture décontextualisée et essentialisée qui lui donne une teinte anti-autoritaire. Par exemple les sourates XLII, 38 (L'assemblée)[74] et II, 257 (La Vache)[75] qui affirment, respectivement, que les décisions se prennent collectivement et qu'il n'y a pas de contrainte en matière de religion. Citons l'humoriste anarcho-mahométien Mohamed Jean Veneuse[76] qui syncrétise le livre sacré des mahométiens avec une pensée anarchiste ou l'érudite Leïla Babès qui voit en certains mahométiens des anarcho-théocrates[77]. La probabilité que F. Merdjanov ait pu franchir la porte du centre bahaï de Nice, sa ville de naissance, est faible. Néanmoins cela n'est pas à exclure si l'idée est de démontrer que le lien avec le babisme se fait via ce centre communautaire. Pour participer à un groupe de parole de pessimistes déçus ou errer entre quatre murs ? Hasard d'une déambulation entre la tombe d'Alexandre Herzen[78] et l'arrière-pays nietzschéen où l'orientaliste finit sa biographie de Zarathoutra. Sur le chemin de la médiathèque municipale dans laquelle F. Merdjanov rencontre Ladislav Klíma ? Les biographes restent prudents. Des approches intersectionnelles pointent les convergences entre l'œuf dur, la naissance à Nice et l'attirance manifeste de F. Merdjanov pour la macédoine. Lui fut-il possible d'échapper aux passionnantes discussions familiales sur le bien-fondé de l'œuf dur dans la salade niçoise ? Les partisans des œufs durs sont-ils pour autant des babis se dissimulant derrière la taqiya[27], lointains héritiers de la communauté d'Andrinople en Roumélie ? L'acharnement, tel un entomologiste amateur, de F. Merdjanov pour tout ce qui concerne la macédoine est pour la protivophilie une raison probable de sa connaissance du babisme, via la question complexe de l'influence macédonienne sur la composition de la salade niçoise, ses liens avec la salade chopska, Ladislav Klíma et le matérialisme du rien[79]. Curiosité insatiable ou ennui abyssal ? Là encore, ses biographes sont peu diserts. Tous ces chemins mènent à rien. Prophète pour lui-même, auteur prolixe et proche de F. Merdjanov, Ladislav Klíma décrit sa propre rencontre avec rien.
ChambranleVoir aussi
Notes
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