Apatridie : Différence entre versions
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Sous l'empire romain, le patriciat est l'opposé de la plèbe. Les patriciens et les patriciennes sont, selon le dictionnaire de l'Académie française, membres par leur naissance de "''la classe sociale la plus élevée, à laquelle étaient réservées toutes les magistratures.''" <ref>"Patricien" selon le ''Dictionnaire de l'Académie française'' - [https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P1008 En ligne]</ref> D'après l'historien Fustel de Coulanges, dans son ouvrage ''La cité antique'' de 1864, "''le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, ''terra patria'', ''gé patris''. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée <ref>"''Dans les cités grecques, édifice public abritant le foyer où brûlait le feu perpétuel, lieu où le peuple invitait à prendre leur repas les personnes qu'il voulait honorer''" selon le ''Trésor de la langue française'' - [https://www.cnrtl.fr/definition/prytan%C3%A9e En ligne]</ref> et ses héros, avec son enceinte sacrée et son territoire marqué par la religion.''" <ref>Fustel de Coulanges, ''La cité antique'', 1864 - [https://fr.wikisource.org/wiki/La_Cit%C3%A9_antique,_1864/Texte_entier En ligne]</ref> La langue française utilise la racine ''pater'' pour constituer plusieurs mots. Par exemple, ''patrial'' ou ''patriel'' <ref>"Patrial" ou "patriel" selon le ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle'' - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire6/page/n69/mode/2up En ligne]</ref> est un adjectif pour qualifier ce qui est ''paternel'', un ''patrocine'' <ref>"Patrocine" selon le ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle'' - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire6/page/n71/mode/2up En ligne]</ref> est celui qui "prend sous son aile", "qui aide", tout comme un ''patron'' est celui qui protège. Ce dernier sens se retrouve dans l'expression "Saint Patron" qui désigne un protecteur local. Étrangement, le féminin ''patronne'' émerge progressivement et n'est pas le pendant masculin de ''matrone'' <ref>"Matrone", selon les époques, a le sens de "sage-femme", de "femme mariée" ou de "vieille femme", parfois autoritaire, parfois laide. Voir le ''Dictionnaire de l'Académie française'' - [https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9M1391 En ligne]</ref>. L'adjectif ''patriot'' signifie "du pays des pères" et le nom ''patriote'' désigne l'hominine qui partage un même pays, l'équivalent du moderne ''compatriote''. Les déformations de la racine ''pater'' donnent lieu à de nouveaux mots. Le ''patrin'', celui qui fait office de père de substitution, devient ''parrain''. Le lien entre les deux formes se retrouve dans le sens commun de ''patronage'' et ''parrainage'', et il n'est pas d'usage de dire ''patricide'' mais plutôt ''parricide''. Le ''patrois'' qui nomme le village ou une petite localité mute en ''patois'' <ref>"Patrois" dans le ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle'' - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire6/page/n69/mode/2up En ligne]</ref> et désigne les pratiques langagières locales. La racine a donné de très nombreux termes encore en usage dans la langue française du XXI<sup><small>ème</small></sup> siècle, dont ''patrimoine'', ''patronyme'', ''paternaliste'', ''paternité'', ''patriarcat'', ''patronat'' et aussi ''parricide''. Pour n'en citer que quelques uns. À noter que ''patronicide'', avec le sens de "tuer un patron", n'a pas émergé dans les pratiques linguistiques alors même que c'est un acte récurrent au cours de l'histoire des hominines. | Sous l'empire romain, le patriciat est l'opposé de la plèbe. Les patriciens et les patriciennes sont, selon le dictionnaire de l'Académie française, membres par leur naissance de "''la classe sociale la plus élevée, à laquelle étaient réservées toutes les magistratures.''" <ref>"Patricien" selon le ''Dictionnaire de l'Académie française'' - [https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P1008 En ligne]</ref> D'après l'historien Fustel de Coulanges, dans son ouvrage ''La cité antique'' de 1864, "''le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, ''terra patria'', ''gé patris''. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée <ref>"''Dans les cités grecques, édifice public abritant le foyer où brûlait le feu perpétuel, lieu où le peuple invitait à prendre leur repas les personnes qu'il voulait honorer''" selon le ''Trésor de la langue française'' - [https://www.cnrtl.fr/definition/prytan%C3%A9e En ligne]</ref> et ses héros, avec son enceinte sacrée et son territoire marqué par la religion.''" <ref>Fustel de Coulanges, ''La cité antique'', 1864 - [https://fr.wikisource.org/wiki/La_Cit%C3%A9_antique,_1864/Texte_entier En ligne]</ref> La langue française utilise la racine ''pater'' pour constituer plusieurs mots. Par exemple, ''patrial'' ou ''patriel'' <ref>"Patrial" ou "patriel" selon le ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle'' - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire6/page/n69/mode/2up En ligne]</ref> est un adjectif pour qualifier ce qui est ''paternel'', un ''patrocine'' <ref>"Patrocine" selon le ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle'' - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire6/page/n71/mode/2up En ligne]</ref> est celui qui "prend sous son aile", "qui aide", tout comme un ''patron'' est celui qui protège. Ce dernier sens se retrouve dans l'expression "Saint Patron" qui désigne un protecteur local. Étrangement, le féminin ''patronne'' émerge progressivement et n'est pas le pendant masculin de ''matrone'' <ref>"Matrone", selon les époques, a le sens de "sage-femme", de "femme mariée" ou de "vieille femme", parfois autoritaire, parfois laide. Voir le ''Dictionnaire de l'Académie française'' - [https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9M1391 En ligne]</ref>. L'adjectif ''patriot'' signifie "du pays des pères" et le nom ''patriote'' désigne l'hominine qui partage un même pays, l'équivalent du moderne ''compatriote''. Les déformations de la racine ''pater'' donnent lieu à de nouveaux mots. Le ''patrin'', celui qui fait office de père de substitution, devient ''parrain''. Le lien entre les deux formes se retrouve dans le sens commun de ''patronage'' et ''parrainage'', et il n'est pas d'usage de dire ''patricide'' mais plutôt ''parricide''. Le ''patrois'' qui nomme le village ou une petite localité mute en ''patois'' <ref>"Patrois" dans le ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle'' - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire6/page/n69/mode/2up En ligne]</ref> et désigne les pratiques langagières locales. La racine a donné de très nombreux termes encore en usage dans la langue française du XXI<sup><small>ème</small></sup> siècle, dont ''patrimoine'', ''patronyme'', ''paternaliste'', ''paternité'', ''patriarcat'', ''patronat'' et aussi ''parricide''. Pour n'en citer que quelques uns. À noter que ''patronicide'', avec le sens de "tuer un patron", n'a pas émergé dans les pratiques linguistiques alors même que c'est un acte récurrent au cours de l'histoire des hominines. | ||
− | Jusqu'au XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> <ref>Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup> est le personnage fictif le plus connu de la littérature d'heroic-fantasy. ''La Bible'', la saga qui lui est consacrée, se maintient en tête des ventes. Devant le ''Seigneur des anneaux'' et ses histoires de hobbits. </ref>, une patrie est simplement le lieu de naissance de ses ancêtres et le ''pays'' dérive simplement du latin ''pagus'' qui désigne la plus petite unité de vie d'un groupe d'hominines. Une racine que l'on retrouve dans ''paganisme'' et peut-être aussi dans ''compagne''. Idem dans ''pégouse'' <ref>"Pégouse" dans Philippe Normand, ''Dictionnaire des mots des flics et des voyous'', 2010</ref> qui signifie "paysan" et "paysanne". Dans un univers linguistique parallèle, le patois aurait pu être le ''paysois'' ou le ''pagois''. Selon l'article "Patrie" dans l’''Encyclopédie anarchiste'' de Sébastien Faure, "''le mot ne dépassait pas un cercle restreint de lettrés. Il ne fit son chemin que peu à peu et, dans la seconde moitié du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle seulement, il devint d’un usage courant, concurremment à pays. Il ne représentait cependant rien de précis. On n’entendait par là ni la France "unifiée" — ce qui est un vain mot — ni l’acceptation tacite par tous les Français de vivre sous le même prince — ce qui n’a jamais été.''" <ref>"Patrie" dans ''Encyclopédie anarchiste'' - [https://fr.wikisource.org/wiki/Encyclop%C3%A9die_anarchiste/Patrie En ligne]</ref> Pour appuyer sa démonstration, il cite le poète Charles Fontaine qui rejette ce néologisme et affirme : "''Qui a païs, n’a que faire de patrie''". Entre le courant du XVI<sup><small>ème</small></sup> et la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècles, le terme ''patrie'' se charge d'une dimension symbolique forte et devient "''la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères.''" Les exemples choisies pour la première édition du dictionnaire de l'Académie française, en 1694, sont éloquents : "''La France eʃt noʃtre Patrie. l’amour de la patrie. pour le bien de la patrie. pour le ʃervice de ʃa patrie. ʃervir ʃa patrie. deffendre ʃa patrie. mourir pour ʃa patrie. le devoir envers la patrie, eʃt un des premiers devoirs.''" <ref>"Patrie" dans le ''Dictionnaire de l'Académie française'', 1694 - [https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A1P0164-20 En ligne]</ref> L'emploi de la majuscule et le sacrifice de soi sont préconisés dans certains cas. Tous les ingrédients nauséabonds d'une histoire d'[[ | + | Jusqu'au XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> <ref>Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup> est le personnage fictif le plus connu de la littérature d'heroic-fantasy. ''La Bible'', la saga qui lui est consacrée, se maintient en tête des ventes. Devant le ''Seigneur des anneaux'' et ses histoires de hobbits. </ref>, une patrie est simplement le lieu de naissance de ses ancêtres et le ''pays'' dérive simplement du latin ''pagus'' qui désigne la plus petite unité de vie d'un groupe d'hominines. Une racine que l'on retrouve dans ''paganisme'' et peut-être aussi dans ''compagne''. Idem dans ''pégouse'' <ref>"Pégouse" dans Philippe Normand, ''Dictionnaire des mots des flics et des voyous'', 2010</ref> qui signifie "paysan" et "paysanne". Dans un univers linguistique parallèle, le patois aurait pu être le ''paysois'' ou le ''pagois''. Selon l'article "Patrie" dans l’''Encyclopédie anarchiste'' de Sébastien Faure, "''le mot ne dépassait pas un cercle restreint de lettrés. Il ne fit son chemin que peu à peu et, dans la seconde moitié du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle seulement, il devint d’un usage courant, concurremment à pays. Il ne représentait cependant rien de précis. On n’entendait par là ni la France "unifiée" — ce qui est un vain mot — ni l’acceptation tacite par tous les Français de vivre sous le même prince — ce qui n’a jamais été.''" <ref>"Patrie" dans ''Encyclopédie anarchiste'' - [https://fr.wikisource.org/wiki/Encyclop%C3%A9die_anarchiste/Patrie En ligne]</ref> Pour appuyer sa démonstration, il cite le poète Charles Fontaine qui rejette ce néologisme et affirme : "''Qui a païs, n’a que faire de patrie''". Entre le courant du XVI<sup><small>ème</small></sup> et la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècles, le terme ''patrie'' se charge d'une dimension symbolique forte et devient "''la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères.''" Les exemples choisies pour la première édition du dictionnaire de l'Académie française, en 1694, sont éloquents : "''La France eʃt noʃtre Patrie. l’amour de la patrie. pour le bien de la patrie. pour le ʃervice de ʃa patrie. ʃervir ʃa patrie. deffendre ʃa patrie. mourir pour ʃa patrie. le devoir envers la patrie, eʃt un des premiers devoirs.''" <ref>"Patrie" dans le ''Dictionnaire de l'Académie française'', 1694 - [https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A1P0164-20 En ligne]</ref> L'emploi de la majuscule et le sacrifice de soi sont préconisés dans certains cas. Tous les ingrédients nauséabonds d'une histoire d'[[amour]] sont réunis. Construction linguistique originale et ironique, le concept de Mère Patrie émerge et la Révolution française de 1789 exalte cette Patrie dont elle fait le ciment de la République, en remplacement de la personne du Roi qui incarne jusqu'alors la nation et l’État. L'émergence des nationalismes dans l'Europe du XIX<sup><small>ème</small></sup> et la création d'identités nationales vont définitivement transformer le sens de ''patrie'' et se l'accaparer. Au début du siècle suivant, Victor du Bled peut affirmer que "''il existe une différence entre patrie et nation, mais l’une semble bien la substance de l’autre, elles s’enveloppent réciproquement. Au fond, il est peut-être un peu vain d’établir des distinctions subtiles entre ces maîtres mots qui, dans l’esprit de la grande majorité, représentent la même idée.''" <ref>Victor du Bled, "L’Idée de patrie à travers les siècles", ''Revue des Deux Mondes'', 6e période, tome 28, 1915 - [https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Id%C3%A9e_de_patrie_%C3%A0_travers_les_si%C3%A8cles/02 En ligne]</ref> Dans une formule qui déclenche l'hilarité chez les personnes les plus sensibles, il ajoute "''l’État, c’est la prose ; la patrie, c’est la poésie de la nation''" ! Quoiqu'en pense ce blédard de Victor, l'ensemble des hominines de son époque ne partagent pas son enthousiasme. En parallèle de la montée en puissance de l'idée de patrie, avec une majuscule, les critiques se font de plus en plus mordantes. En 1898, sous le pseudonyme d'Alexandra Myrial, Alexandra David-Néel publie ''Pour la vie'', un recueil de textes anarchistes individualistes : |
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− | Affaibli par les guerres balkaniques <ref>L'expression "Guerres balkaniques" désigne les conflits, de 1912 à 1913, entre l'empire ottoman et ses territoires européens et majoritairement christiens qui réclament leur indépendance. Voir par exemple le cas de la [[Roumélie]] — Macédoine et Thrace.</ref> et la première guerre dite mondiale, l'empire ottoman continue de se fissurer. Que ce soit dans ses provinces d'Europe, d'Afrique ou d'Asie, la contestation gronde, bien souvent soutenue par les autres États européens. Le nationalisme ottoman ne parvient pas à s'imposer face aux nationalismes "ethniques" qui fragmentent l'empire. Il est progressivement remplacé par un nationalisme turco-mahométien. Dans ces circonstances, toutes autres revendications culturelles, linguistiques et religieuses sont considérées ennemies. Les populations christiennes arméniennes et assyriennes <ref name="#ass">Le terme "assyrien" désigne les populations parlant des langues araméennes et appartenant à des communautés christiennes différentes réparties sur l'Irak, la Turquie, le Liban et la Syrie. Joseph Yacoub, ''Qui s'en souviendra ? 1915 : Le génocide assyro-chaldéo-syriaque'', Cerf, 2014. Claire Weibel Yacoub, ''Surma l'assyro-chaldéenne (1883 - 1975)''. ''Dans la tourmente de Mésopotamie'', L'Harmattan, 2007. Florence Hellot, "Les Assyro-Chaldéens de Perse et du Hakkari : des migrations à l'exil (1835-1935)", ''Études kurdes'', n° 7, 2005 - [https://www.institutkurde.org/publications/etude_kurdes/pdf/etud7.pdf En ligne]</ref> payent le prix fort de ces antagonismes politiques. Expulsées, massacrées, humiliées, elles sont contraintes de fuir pour ne pas mourir. Pour les survivantes les décennies suivantes sont faîtes d'errance et d'exil dans les pays limitrophes. D'autres partent en Europe ou dans les Amériques. Plus d'un million de personnes des communautés arméniennes, soit environ 70% de la population arménienne anatolienne, meurent d'assassinats et de massacres, de misère et de faim sur les routes. Entre 50% et 75% du million d'hominines des communautés assyriennes subissent le même sort. Mâles, femelles et rejetons. Ces deux massacres et déportations de masse de populations christiennes d'Anatolie sont considérés comme le second génocide du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, qui ne fait que commencer. En 1922, sur les cendres de l'empire ottoman, la Turquie moderne est proclamée. Au total, 26 pays émergent avec l'effondrement ottoman. Le Traité de Lausanne de 1923, signé entre les puissances européennes et l'empire ottoman, abandonne l'idée d'une Arménie et d'un Kurdistan indépendants. Les promesses faîtes aux populations assyriennes ne tiennent plus. Afin de normaliser leurs relations et d'homogénéiser leurs territoires, des échanges de populations sont organisés entre la Turquie, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et la Yougoslavie. Selon que leurs croyances sont christiennes ou mahométiennes. Presque un million et demi de grécophones micrasiates <ref>Le terme "micrasiate" désigne l'ensemble des populations grécophones d'Asie mineure — l'Anatolie — vivant près de la mer Égée, en Cappadoce et sur le pourtour de la mer Noire</ref> doivent quitter l'Anatolie pour la Grèce et plus de 500000 hominines de croyances mahométiennes d'Europe doivent rejoindre la Turquie. Les critères ethnolinguistiques sont appliqués sans aucune finesse. Plusieurs populations minoritaires se retrouvent déportées dans des pays dont elles ne parlent pas la langue, ou dont les seuls liens sont linguistiques mais pas culturels. Sont cataloguées grecques toutes les populations christiennes quelle que soit leurs langues et turques toutes les mahométiennes, de langue turque ou non. Les populations arméniennes et assyriennes ne peuvent "bénéficier" de ses déportations car aucun pays ne les réclament. L'Arménie soviétique | + | Affaibli par les guerres balkaniques <ref>L'expression "Guerres balkaniques" désigne les conflits, de 1912 à 1913, entre l'empire ottoman et ses territoires européens et majoritairement christiens qui réclament leur indépendance. Voir par exemple le cas de la [[Roumélie]] — Macédoine et Thrace.</ref> et la première guerre dite mondiale, l'empire ottoman continue de se fissurer. Que ce soit dans ses provinces d'Europe, d'Afrique ou d'Asie, la contestation gronde, bien souvent soutenue par les autres États européens. Le nationalisme ottoman ne parvient pas à s'imposer face aux nationalismes "ethniques" qui fragmentent l'empire. Il est progressivement remplacé par un nationalisme turco-mahométien. Dans ces circonstances, toutes autres revendications culturelles, linguistiques et religieuses sont considérées ennemies. Les populations christiennes arméniennes et assyriennes <ref name="#ass">Le terme "assyrien" désigne les populations parlant des langues araméennes et appartenant à des communautés christiennes différentes réparties sur l'Irak, la Turquie, le Liban et la Syrie. Joseph Yacoub, ''Qui s'en souviendra ? 1915 : Le génocide assyro-chaldéo-syriaque'', Cerf, 2014. Claire Weibel Yacoub, ''Surma l'assyro-chaldéenne (1883 - 1975)''. ''Dans la tourmente de Mésopotamie'', L'Harmattan, 2007. Florence Hellot, "Les Assyro-Chaldéens de Perse et du Hakkari : des migrations à l'exil (1835-1935)", ''Études kurdes'', n° 7, 2005 - [https://www.institutkurde.org/publications/etude_kurdes/pdf/etud7.pdf En ligne]</ref> payent le prix fort de ces antagonismes politiques. Expulsées, massacrées, humiliées, elles sont contraintes de fuir pour ne pas mourir. Pour les survivantes les décennies suivantes sont faîtes d'errance et d'exil dans les pays limitrophes. D'autres partent en Europe ou dans les Amériques. Plus d'un million de personnes des communautés arméniennes, soit environ 70% de la population arménienne anatolienne, meurent d'assassinats et de massacres, de misère et de faim sur les routes. Entre 50% et 75% du million d'hominines des communautés assyriennes subissent le même sort. Mâles, femelles et rejetons. Ces deux massacres et déportations de masse de populations christiennes d'Anatolie sont considérés comme le second génocide du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, qui ne fait que commencer. En 1922, sur les cendres de l'empire ottoman, la Turquie moderne est proclamée. Au total, 26 pays émergent avec l'effondrement ottoman. Le Traité de Lausanne de 1923, signé entre les puissances européennes et l'empire ottoman, abandonne l'idée d'une Arménie et d'un Kurdistan indépendants. Les promesses faîtes aux populations assyriennes ne tiennent plus. Afin de normaliser leurs relations et d'homogénéiser leurs territoires, des échanges de populations sont organisés entre la Turquie, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et la Yougoslavie. Selon que leurs croyances sont christiennes ou mahométiennes. Presque un million et demi de grécophones micrasiates <ref>Le terme "micrasiate" désigne l'ensemble des populations grécophones d'Asie mineure — l'Anatolie — vivant près de la mer Égée, en Cappadoce et sur le pourtour de la mer Noire</ref> doivent quitter l'Anatolie pour la Grèce et plus de 500000 hominines de croyances mahométiennes d'Europe doivent rejoindre la Turquie. Les critères ethnolinguistiques sont appliqués sans aucune finesse. Plusieurs populations minoritaires se retrouvent déportées dans des pays dont elles ne parlent pas la langue, ou dont les seuls liens sont linguistiques mais pas culturels. Sont cataloguées grecques toutes les populations christiennes quelle que soit leurs langues et turques toutes les mahométiennes, de langue turque ou non. Les populations arméniennes et assyriennes ne peuvent "bénéficier" de ses déportations car aucun pays ne les réclament. L'Arménie soviétique est balbutiante et l'Assyrie autonome n'est même plus un projet. Des passeports Nansen sont attribués à partir de 1924 à des hominines de ces deux communautés pourchassées et orphelines d’État. Beaucoup arrivent en France. Ainsi, le jeune Charles Aznavourian, né en France de parents apatrides, apprend à jouer aux échecs avec Missak Manouchian <ref>Né en 1909 dans l'empire ottoman au sein d'une famille arménienne, Missak Manouchian se réfugie en France en 1924. Membre du Parti communiste français à partir de 1934, il rejoint le groupe clandestin de résistance ''Francs-tireurs et partisans - main-d'œuvre immigrée'' (FTP-MOI) de la région parisienne lors de la seconde guerre dite mondiale. Arrêté, il est fusillé en février 1944 avec 22 autres hominines de son groupe. </ref>, lui-même apatride. "''Le football c'est comme les échecs mais sans les dés''" est abusivement prêté à Charles Aznavour par une petite encyclopédie de rien mais des recherches rapides sur le réseau internet permettent de montrer que ce n'est pas le cas <ref>Ses propos sont du footballeur germano-polonais Lukas Podolski. </ref> : Il semble que les échecs se jouent sans dé. Missak Manouchian est fusillé fin 1943 pour sa participation active à la résistance communiste contre les hitléristes et le petit Charles deviendra un chanteur populaire français qui déclare en 2013 qu'il faut, en matière d'immigration, faire le tri entre les gens utiles et les autres <ref>"''On devrait savoir à qui on a affaire, il y a peut-être des génies parmi ces gens, en tout cas des gens utiles, c'est sûr. C'est vrai qu'on ne peut pas avoir tout le monde chez soi, ce n'est pas facile et puis ça ne serait pas normal. Mais on pourrait faire un tri en tout cas intéressant. On pourrait avoir des gens très intéressants qui passent.''", janvier 2018</ref>. "''Non, je n'ai rien oublié''" n'est pas sa devise politique mais le titre d'une de ses célèbres chansons d'[[amour]]. |
Entre sa création en 1922 et sa disparition en 1945, le passeport spécial apatride est attribué à 450000 hominines. Ce ne sont évidemment pas les premiers cas d'apatridie, mais ce passeport est la première reconnaissance internationale et tentative commune de gérer le sort des populations victimes de la géopolitique. Le terme même d'apatride fait son apparition dans la langue française dans le premier quart du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle. Le ''Larousse du XX<sup><small>e</small></sup> siècle en six volumes'' de 1928 ne le recense pas encore et le dictionnaire de l'Académie française ne le mentionne pas dans sa huitième édition de 1935. Il faut attendre la neuvième (non encore publiée) pour qu'il apparaisse et le ''Larousse du XX<sup><small>e</small></sup> siècle'' le liste dans son supplément, le volume 7 de 1953. Le volume trois de ce ''Larousse'', daté de 1930, liste ''heimatlos'' un terme germanique composé de ''heimat'' signifiant "patrie" ou "pays natal" et du suffixe privatif ''los'' <ref>"heimatlos" dans le ''Larousse du XX<sup><small>e</small></sup> siècle'', vol. 3, 1930 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k923276f/f1063.item En ligne]</ref>. Il mentionne aussi ''heimatlosat'', le synonyme d'apatridie. Au siècle précédent, les hominines sans attache nationale, régionale ou communale sont des ''heimatlos''. Le terme est utilisé en France et en Suisse. Il a le sens d'apatride et aussi celui de "sans domicile fixe", de "sans abri". Selon le contexte, il qualifie autant les apatrides que les mendiants, les populations non sédentaires et différentes communautés marginales. D'après le ''Dictionnaire historique de la Suisse'', "''à l'origine du statut de heimatlos, il y avait les lois et les pratiques juridiques, mais aussi diverses normes pénales. La réglementation confessionnelle, notamment, priva les convertis de leurs droits d'origine jusqu'au début du XIXe s. De plus, de nombreuses communes refusaient de reconnaître leurs ressortissants pauvres si, errants ou travailleurs itinérants, ils avaient été longtemps absents.''" <ref>"Heimatlos" sur le ''Dictionnaire historique de la Suisse'' - [https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/016093/2007-12-05/ En ligne]</ref> Cousine proche de la France, en Suisse "''l'attitude des autorités et des sédentaires envers les heimatlos et les errants alterna entre oppression et assistance, exclusion et intégration forcée ou assimilation.''" | Entre sa création en 1922 et sa disparition en 1945, le passeport spécial apatride est attribué à 450000 hominines. Ce ne sont évidemment pas les premiers cas d'apatridie, mais ce passeport est la première reconnaissance internationale et tentative commune de gérer le sort des populations victimes de la géopolitique. Le terme même d'apatride fait son apparition dans la langue française dans le premier quart du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle. Le ''Larousse du XX<sup><small>e</small></sup> siècle en six volumes'' de 1928 ne le recense pas encore et le dictionnaire de l'Académie française ne le mentionne pas dans sa huitième édition de 1935. Il faut attendre la neuvième (non encore publiée) pour qu'il apparaisse et le ''Larousse du XX<sup><small>e</small></sup> siècle'' le liste dans son supplément, le volume 7 de 1953. Le volume trois de ce ''Larousse'', daté de 1930, liste ''heimatlos'' un terme germanique composé de ''heimat'' signifiant "patrie" ou "pays natal" et du suffixe privatif ''los'' <ref>"heimatlos" dans le ''Larousse du XX<sup><small>e</small></sup> siècle'', vol. 3, 1930 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k923276f/f1063.item En ligne]</ref>. Il mentionne aussi ''heimatlosat'', le synonyme d'apatridie. Au siècle précédent, les hominines sans attache nationale, régionale ou communale sont des ''heimatlos''. Le terme est utilisé en France et en Suisse. Il a le sens d'apatride et aussi celui de "sans domicile fixe", de "sans abri". Selon le contexte, il qualifie autant les apatrides que les mendiants, les populations non sédentaires et différentes communautés marginales. D'après le ''Dictionnaire historique de la Suisse'', "''à l'origine du statut de heimatlos, il y avait les lois et les pratiques juridiques, mais aussi diverses normes pénales. La réglementation confessionnelle, notamment, priva les convertis de leurs droits d'origine jusqu'au début du XIXe s. De plus, de nombreuses communes refusaient de reconnaître leurs ressortissants pauvres si, errants ou travailleurs itinérants, ils avaient été longtemps absents.''" <ref>"Heimatlos" sur le ''Dictionnaire historique de la Suisse'' - [https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/016093/2007-12-05/ En ligne]</ref> Cousine proche de la France, en Suisse "''l'attitude des autorités et des sédentaires envers les heimatlos et les errants alterna entre oppression et assistance, exclusion et intégration forcée ou assimilation.''" | ||
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− | Les guerres anti-coloniales débouchent sur des redécoupages de territoires et sur la passation de pouvoir entre les autorités coloniales et les nouvelles élites politiques autochtones. Officiellement, le processus de décolonisation se termine dans les années 1970-1980. Les situations politiques sont complexes. Par nature inventées, les frontières sont contestées entre les ex-puissances coloniales et les nouveaux pays indépendants mais aussi entre ces derniers. Si les frontières sont une abstraction, leurs incidences sur les populations sont bien réelles. Les premières concernées le savent très bien. Elles sont rarement l'enjeu de conflits entre pays mais elles sont soit des prétextes à des visées territoriales, soit des obstacles pour des politiques expansionnistes. L'accès aux ressources naturelles ou à des voies commerciales sont bien plus moteur des conflits que le sort des populations mêmes. Le monde est dorénavant post-colonial. "''Fini le temps béni des colonies''" comme se désole feu Michel Sardou <ref>Une faute de frappe, due au syndrome kalmtajoi, est probablement à l'origine de cette erreur. Michel Sardou n'est pas encore mort, même si cela n'a jamais été aussi prêt d'arriver. </ref>, lorsque les populations colonisées souffraient des violences militaires et policières métropolitaines, étaient exploitées par une classe dirigeante étrangère. Place aux violences militaires et policières autochtones et à l'exploitation par une classe dirigeante locale. "''Indépendance cha cha''" chantonne gaiement Grand Kallé avec son groupe African Jazz <ref>Le Grand Kallé et l'African Jazz, ''Indépendance cha cha'', 1960 - [https://www.youtube.com/watch?v=RxkZ95PYcrM En ligne]</ref>. Depuis 1945, le nombre de pays internationalement et réciproquement reconnus est passé de 88 en 1955, à 156 en 1975 jusqu'à atteindre 197 en 2012. Ces chiffres n'incluent pas les territoires auto-proclamés dont la reconnaissance officielle n'est pas internationale. La [[Pridniestrie]], le Somaliland, le [[Corridor de Latchin|Haut-Karabagh]] ou l'[[Zana|Abkhazie]] par exemple. Afin de répondre au mieux à ces nouvelles complexités géopolitiques et d'œuvrer à une meilleure prise en compte des hominines qui ne savent pas compter, la [[protivophilie]] invente en 2017 le jeu pédagogique intersectionnel ''1312 raisons d'en finir avec [...]'' Il est adapté à tous les âges et toutes les nationalités. Que que soit son [[raphé]] ou la longueur | + | Les guerres anti-coloniales débouchent sur des redécoupages de territoires et sur la passation de pouvoir entre les autorités coloniales et les nouvelles élites politiques autochtones. Officiellement, le processus de décolonisation se termine dans les années 1970-1980. Les situations politiques sont complexes. Par nature inventées, les frontières sont contestées entre les ex-puissances coloniales et les nouveaux pays indépendants mais aussi entre ces derniers. Si les frontières sont une abstraction, leurs incidences sur les populations sont bien réelles. Les premières concernées le savent très bien. Elles sont rarement l'enjeu de conflits entre pays mais elles sont soit des prétextes à des visées territoriales, soit des obstacles pour des politiques expansionnistes. L'accès aux ressources naturelles ou à des voies commerciales sont bien plus moteur des conflits que le sort des populations mêmes. Le monde est dorénavant post-colonial. "''Fini le temps béni des colonies''" comme se désole feu Michel Sardou <ref>Une faute de frappe, due au syndrome kalmtajoi, est probablement à l'origine de cette erreur. Michel Sardou n'est pas encore mort, même si cela n'a jamais été aussi prêt d'arriver. </ref>, lorsque les populations colonisées souffraient des violences militaires et policières métropolitaines, étaient exploitées par une classe dirigeante étrangère. Place aux violences militaires et policières autochtones et à l'exploitation par une classe dirigeante locale. "''Indépendance cha cha''" chantonne gaiement Grand Kallé avec son groupe African Jazz <ref>Le Grand Kallé et l'African Jazz, ''Indépendance cha cha'', 1960 - [https://www.youtube.com/watch?v=RxkZ95PYcrM En ligne]</ref>. Depuis 1945, le nombre de pays internationalement et réciproquement reconnus est passé de 88 en 1955, à 156 en 1975 jusqu'à atteindre 197 en 2012. Ces chiffres n'incluent pas les territoires auto-proclamés dont la reconnaissance officielle n'est pas internationale. La [[Pridniestrie]], le Somaliland, le [[Corridor de Latchin|Haut-Karabagh]] ou l'[[Zana|Abkhazie]] par exemple. Afin de répondre au mieux à ces nouvelles complexités géopolitiques et d'œuvrer à une meilleure prise en compte des hominines qui ne savent pas compter, la [[protivophilie]] invente en 2017 le jeu pédagogique intersectionnel ''1312 raisons d'en finir avec [...]'' Il est adapté à tous les âges et toutes les nationalités. Que que soit son [[raphé]] ou la longueur de ses bras. Simple à comprendre. Pour une première prise en main, il suffit de tester avec des [...] déjà connus pour être des [...] qui correspondent. La France ou la Macédoine par exemple. |
<blockquote>''Pour le reste, [...] est un pays comme les autres : ses frontières sont une chimère, son histoire nationale une mythologie, son pouvoir politique un rapport de domination et son organisation sociale une contrainte. Comme toute identité collective, [...] est une illusion. Bien sûr, [...] a connu des épisodes de son histoire qu’il ne partage pas avec les autres pays, mais cela ne change rien.'' <ref name="#vie">"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017 - [https://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref></blockquote> | <blockquote>''Pour le reste, [...] est un pays comme les autres : ses frontières sont une chimère, son histoire nationale une mythologie, son pouvoir politique un rapport de domination et son organisation sociale une contrainte. Comme toute identité collective, [...] est une illusion. Bien sûr, [...] a connu des épisodes de son histoire qu’il ne partage pas avec les autres pays, mais cela ne change rien.'' <ref name="#vie">"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017 - [https://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref></blockquote> | ||
− | De cette situation géopolitique actuelle où des millions d'hominines sont apatrides, les cas les plus emblématiques sont ceux | + | De cette situation géopolitique actuelle où des millions d'hominines sont apatrides, les cas les plus emblématiques sont ceux des populations de l'ancienne Palestine mandataire britannique et de l'ex-empire des Indes britanniques. Le premier s'inscrit dans le processus qui aboutit à la proclamation de l'indépendance d'Israël en 1948 sur une partie de cette Palestine britannique et le second résulte des migrations internes de populations mahométiennes dans des régions, hier sous la même autorité coloniale, aujourd'hui appartenant à deux États différents, la Birmanie (Myanmar) et le Bangladesh. |
− | Dans les régions et les pays à dominante christienne ou mahométienne, le sort des populations moïsiennes ne fut pas un long fleuve tranquille. Les nouvelles mythologies regardent avec méfiance ce qui les a précédé. L'histoire européenne et méditerranéenne de ces populations est une alternance d'expulsions et de calme, de violences et d'indifférence, de discrimination et d'intégration. Elles sont un exutoire récurrent et des formes de racisme spécifique à leur encontre se sont élaborées au fil des siècles. Elles sont généralement appelées "antisémitisme" ou antimoïsianisme dans l'univers protivophile. Il est souvent porté par des hominines qui accusent les populations moïsiennes d'être tout simplement trop rancunières d'être détestées sans raisons valables. Si l'on s'en tient seulement à son étymologie, même le terme ''antisémitisme'' est d'essence ''antisémite'' <ref>L'emploi du terme ''antisémite'' pour qualifier la haine à l'encontre des populations moïsiennes postule qu'elles sont d'origine étrangère, qu'illes sont des sémites, c'est-à-dire avec des origines extra-européennes. Illes sont même parfois qualifiés de Palestiniens d'Europe. Shlomo Sand, "Comment fut inventé le peuple juif", ''Le Monde diplomatique'', août 2008 - [https://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/SAND/16205 En ligne] </ref>. Au cours des siècles, le monde christien rivalise d'innovation pour trouver de nouvelles façons de faire vivre cet antimoïsianisme. Les plus gros massacres sont commis au nom de Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>, cet ancien moïsien dont les disciples ont depuis longtemps perdu la raison. Au XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, plusieurs millions d'hominines en Europe et sur le pourtour méditerranéen se réclament des mythologies moïsiennes et des pratiques religieuses qui en découlent. L'Europe centrale et orientale est la région d'Europe ayant le plus grand nombre de ces hominines. Les cultures moïsiennes sont une mosaïque de langues <ref>Il existe des dizaines de "''langues juives''", c'est-à-dire des langues non apparentées entre elles, employées exclusivement ou presque par des communautés moïsiennes en Europe, au Maghreb et au Machrek. Certaines sont très anciennes, la plupart ont disparu. Parmi elles, le sarphatique ou judéo-français, parfois aussi appelé laaz occidental, est une langue judéo-romane médiévale écrite en caractères hébraïques. Elle est très peu différente des autres langues d'oïl, si ce n'est quelques particularismes comme par exemple des emprunts à l'hébreu. Menahem Banitt, "Une langue fantôme : le judéo-français", ''Revue de Linguistique Romane'', n° 27, 1963 - [https://www.e-periodica.ch/digbib/view?pid=rlr-001%3A1963%3A27%3A%3A282 En ligne]. David Trotter, "Peut-on parler de judéo-anglo-normand ? Textes anglo-normands en écriture hébraïque", ''Médiévales'', n° 68, 2015 - [http://journals.openedition.org/medievales/7549 En ligne]</ref> et d'histoires. Lors des regains de tensions, des hominines font parfois le choix de fuir pour se réfugier ailleurs. La plupart restent. Beaucoup partent pour les Amériques, d'autres vers la Palestine britannique. Parmi les avenirs qui se décident, une poignée a dans l'idée de fonder un État qui regroupe les moïsiens, mâles et femelles, qui le veulent. En Palestine de préférence <ref>En 1916, la France et le Royaume-Uni signent un accord secret, dit Sykes-Picot, afin de se répartir les territoires ottomans du Moyen-Orient à la fin de la première guerre dite mondiale. Dès 1917, les diplomaties française et britannique encouragent l'établissement d'un "Foyer national juif" en Palestine. La France par une lettre du ministre des Affaires étrangères Jules Cambon, datée de juin 1917 ([https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cambon_Letter.jpg#/media/File:Cambon_Letter.jpg En ligne]), et le Royaume-Uni par une lettre du secrétaire d'État aux Affaires étrangères Arthur Balfour, datée de novembre 1917 ([https://web.archive.org/web/20121226193333/http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000055-israel-soixante-ans-apres-entre-normalite-et-singularite/document-la-declaration-balfour-2-novembre-1917 En ligne]). </ref>. Le sionisme est né. L'hostilité ambiante est une motivation sérieuse. Le summum des persécutions en Europe est la première moitié du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, lors de sa période hitlériste. Les populations moïsiennes sont méthodiquement décimées, déportées, expulsées, traquées, etc. Summum n'est pas le nom hébreu d'une "fête juive". Des millions disparaissent. Une partie de celleux qui ont survécu s'installent en Palestine. Les autres retournent dans les pays dont illes sont originaires ou migrent vers les Amériques. Cela inquiète les plus revêches car si "''naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochus. Maintenant [...] c'est pas évident de reconnaître du premier coup d'œil un petit enfant juif d'un petit enfant antisémite.''" <ref>Pierre Desproges, ''On me dit que des juifs'' - [https://www.youtube.com/watch?v=NiFZvsiQMEk En ligne]</ref> Paradoxalement, l'idée que les populations moïsiennes se regroupent toutes au même endroit est un projet qui enchante autant les antimoïsianistes que celleux qui veulent les en défendre. Depuis la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle où les premiers petits groupes moïsiens s'installent en Palestine ottomane jusqu'aux lendemains de la seconde guerre dite mondiale où le flux migratoire vers la Palestine britannique est à son comble, les populations moïsiennes arrivent dans une région habitée par d'autres. La plupart sont arabophones de croyances mahométiennes ou christiennes. Quelques unes de ces populations autochtones sont moïsiennes et ne voient pas d'un œil favorable la venue de celleux qui se déclarent être leurs homologues : Leurs langues, leurs histoires et leurs cultures différent. Comme c'est la règle dans le processus de colonisation, les autochtones n'ont que peu de valeur. Dans cette région de la Méditerranée orientale, après l'éclatement de l'empire ottoman, la France et le Royaume-Uni britannique obtiennent des mandats internationaux de la Société des Nations (SDN) sur les territoires. Dans une recette mêlant divisions communautaires ottomanes basées sur la religion et la langue, avec une bonne dose de nationalisme à la mode européenne, et un grossier saupoudrage de leurs propres intérêts, les aspirations des puissances européennes sont une macédoine d’États-nations sur des critères "ethniques, linguistiques et religieux". La fin du mandat français engendre la création des États actuels du Liban en 1943 et de la Syrie en 1946, deux républiques fondées sur des équilibres de pouvoirs politiques et économiques entre différentes "minorités" religieuses christiennes et mahométiennes, la plupart arabophones. Dans la réalité — évidemment — il n'y a aucune "communauté" au pouvoir mais la monopolisation du pouvoir par des hominines qui disent les représenter ! Pour rappel, voir le jeu ''1312 raisons d'en finir avec [...]'' cité ci-dessus. La fin du mandat britannique abouti à l'indépendance d'une monarchie, la Jordanie en 1946, à l'est du fleuve Jourdain. Ce qui demeure sous domination britannique, à l'ouest du Jourdain, représente moins de 25% de la Palestine ottomane. En effet, en septembre 1922, la Société des Nations (SDN) a entériné la scission de la Palestine entre Transjordanie et le reste qui prend le nom de Palestine mandataire. Si la Jordanie est appelée Transjordanie, cette miette palestinienne est au sens strict la Cisjordanie — l'autre rive du Jourdain. L'Organisation des Nations Unies (ONU) vote un plan de partage en 1947 <ref>Résolution 181 - [https://www.un.org/unispal/wp-content/uploads/2016/04/ARES181II.pdf En ligne]</ref> des vestiges de la Palestine mandataire en trois entités : un "''État juif''" sur 56% du territoire, un "''État arabe''" sur 42%, et la ville d'Al Qods/Jérusalem et sa banlieue (2%) est placée sous contrôle international. Chaque État est divisé en trois régions, reliées entre elles en un point. Le futur État arabe palestinien comprend, du sud au nord, la bande côtière d'Ashkelon à la frontière égyptienne, centrée sur Gaza, ainsi qu'une bande dans le désert du Néguev le long de la frontière égyptienne, une Cisjordanie de Jénine à Hébron, et l'ouest de la Galilée autour des villes d'Acre et Nazareth. Ces fragmentations post-ottomanes ne sont pas du goût du nationalisme arabe proche-oriental qui aspire à un État unique regroupant Syrie, Liban, Transjordanie (Jordanie) et Cisjordanie (Palestine). Depuis l'émiettement de la région après la chute de l'empire ottoman et le redécoupage par les puissances mandataires, les populations cisjordaniennes contestent la présence britannique, les clivages franco-britanniques qui redéfinissent les frontières régionales et les ambitions des États-nations en devenir. Les britanniques s'opposent aux revendications sociales et politiques des arabophones du Levant, la présence française empêche un rapprochement avec les républiques libanaise et syrienne — nées respectivement en 1926 et 1930 — et l'émirat de Transjordanie — né en 1921 — a des vues sur la Cisjordanie. Les plus grandes révoltes autochtones contre les britanniques sont entre 1936 et 1939. Elles critiquent l'absence de projet clair d'indépendance et l'implantation toujours plus importante de communautés moïsiennes sur le territoire. La vente de terres à des sionistes par des autochtones de Cisjordanie est considérée comme une trahison et les sionistes sont directement la cible de violences. Ce petit territoire qu'est la Cisjordanie, fraction de la Palestine, est le lieu de confrontation de deux nationalismes : le sionisme et le palestinisme. L'un se revendique d'un antique royaume hébraïque, en grande partie fantasmé <ref>Shlomo Sand, ''Comment la terre d'Israël fut inventée'', Flammarion, 2012</ref>, et se justifie par le déferlement haineux antimoïsianistes en Europe, le second réclame pour les territoires cisjordaniens ce que les autres populations arabes ont obtenu et s'appuie sur une identité palestinienne émergente. Alors qu'auparavant les populations de part et d'autre du Jourdain sont définies comme palestiniennes, cette définition évolue et désigne pour le palestinisme les populations n'ayant pas bénéficié de l’indépendance de la Transjordanie, la partie orientale de la Palestine. Cette "cisjordanie virtuelle" devient la nouvelle Palestine. Le plan de partage de novembre 1947 concerne donc cette Palestine réduite. Le projet d’un "''État juif''" regroupe plus d'un demi million de moïsiens, tout type de [[raphé]] confondu, pour un peu plus de 400000 personnes étiquetées "''arabes''". Le projet d'un "''État arabe''" regroupe plus de 800000 arabes et 10000 personnes étiquetées moïsiennes. Al Qods/Jérusalem est peuplée de plus de 200000 hominines, dont un peu plus de la moitié est considérée arabe. Dans les faits, environ 2% de la population moïsienne ne se retrouve ni dans l’État juif ni dans la zone internationale hiérosolymite contre plus de 30% de la population arabe qui n'est ni dans l’État arabe ni dans la zone internationale. La superficie octroyée au futur État moïsien est supérieure à celle de l’État arabe mais 40% de son territoire se trouve dans le désert inhabité du Néguev. Si les plus extrémistes des sionistes ne veulent pas se contenter d'une simple portion, et réclament même la Jordanie, la plupart se satisfont de la proposition de partage. Par contre, les palestinistes ne l'entendent pas ainsi. Illes réclament la création d'une Palestine indépendante dont la population serait mixte, moïsienne et arabe. Cette dernière étant christienne et majoritairement mahométienne. À l'exception des sionistes, les palestinistes reconnaissent la présence d'une communauté moïsienne pré-sioniste, le yichouv <ref>L'expression "Vieux Yichouv" désigne les communautés moïsiennes qui vivent en Palestine ottomane avant 1881. Il se compose d'autochtones de religion moïsienne, d'hominines ayant fuit la péninsule ibérique à la fin du XV<sup><small>ème</small></sup> siècle et de quelques personnes venant d'Europe. Le "Nouveau Yichouv" désigne l'ensemble des hominines de religion moïsienne arrivant entre la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle et la création de l'Etat d'Israël en 1948, principalement pendant le mandat britannique sur la Palestine ottomane</ref>, désignée comme "''palestinienne juive''" ou "''arabe juive''". En mai 1948, sur les frontières prévues par le plan de partage, l’État d'Israël est proclamé par les instances politiques sionistes en Palestine. Les pays arabes alentours rejettent cette indépendance et déclarent la guerre. Entre mai 1948 et mars 1949, les armées de Jordanie, d’Égypte, de Syrie et d’Irak, ainsi que l'Armée de libération arabe faite de volontaires, s'affrontent avec les forces armées du nouvel État israélien. La défaite arabe est cuisante. Israël contrôle dorénavant 78% du territoire concerné par le plan de partage de 1947 et occupe la partie occidentale d'Al Qods/Jérusalem. L’Égypte prend le contrôle de la bande de Gaza et la Jordanie s'installe en Cisjordanie et dans la partie orientale d'Al Qods/Jérusalem. L’État arabe de Palestine est mort-né. Les conséquences directes de cette guerre et de l'extension d'Israël est l'exode massif des populations des territoires conquis. L'historiographie palestiniste nomme cet épisode ''Nakba'', la "catastrophe" en arabe. Sur les quelques 900000 hominines arabes se retrouvant de fait dans les nouvelles frontières israéliennes, environ 750000 hominines fuient les combats, ainsi que les expulsions forcées et les destructions de villages par le nouvel État <ref>À partir des années 1990, des historiens israéliens commencent à contester l'historiographie officielle sioniste qui minimise l'impact sur les populations non-moïsiennes de la colonisation et de la proclamation d'Israël en 1948. Dominique Vidal, Joseph Algazy, ''Le péché originel d'Israël : l'expulsion des Palestiniens revisitée par les "nouveaux historiens" israéliens'', 2002. Dominique Vidal, "L’expulsion des Palestiniens revisitée par des historiens israéliens", ''Le Monde Diplomatique'', 1997 - [https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.monde-diplomatique.fr%2F1997%2F12%2FVIDAL%2F9613.html%23nh6#federation=archive.wikiwix.com&tab=url En ligne]</ref>. Illes se réfugient dans les pays arabes voisins et dans les zones conquises par l’Égypte et la Jordanie. Des camps de réfugiés sont installés à la hâte. Pour faire face à cette situation, l'ONU crée en 1949 l’''Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient'', plus connu sous son acronyme anglophone UNRWA. Dans un premier temps, les hominines pensent que la situation n'est que provisoire et qu'illes vont pouvoir retourner dans leurs villages et régions d'origine, mais la situation d'exil perdure et le "droit au retour" se fait attendre. Les pays arabes qui les accueillent ne leur accordent pas la nationalité et les maintiennent dans un statut bancal de réfugiés qui ne leur garantie pas les mêmes droits que les autochtones et les | + | Dans les régions et les pays à dominante christienne ou mahométienne, le sort des populations moïsiennes ne fut pas un long fleuve tranquille. Les nouvelles mythologies regardent avec méfiance ce qui les a précédé. L'histoire européenne et méditerranéenne de ces populations est une alternance d'expulsions et de calme, de violences et d'indifférence, de discrimination et d'intégration. Elles sont un exutoire récurrent et des formes de racisme spécifique à leur encontre se sont élaborées au fil des siècles. Elles sont généralement appelées "antisémitisme" ou antimoïsianisme dans l'univers protivophile. Il est souvent porté par des hominines qui accusent les populations moïsiennes d'être tout simplement trop rancunières d'être détestées sans raisons valables. Si l'on s'en tient seulement à son étymologie, même le terme ''antisémitisme'' est d'essence ''antisémite'' <ref>L'emploi du terme ''antisémite'' pour qualifier la haine à l'encontre des populations moïsiennes postule qu'elles sont d'origine étrangère, qu'illes sont des sémites, c'est-à-dire avec des origines extra-européennes. Illes sont même parfois qualifiés de Palestiniens d'Europe. Shlomo Sand, "Comment fut inventé le peuple juif", ''Le Monde diplomatique'', août 2008 - [https://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/SAND/16205 En ligne] </ref>. Au cours des siècles, le monde christien rivalise d'innovation pour trouver de nouvelles façons de faire vivre cet antimoïsianisme. Les plus gros massacres sont commis au nom de Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>, cet ancien moïsien dont les disciples ont depuis longtemps perdu la raison. Au XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, plusieurs millions d'hominines en Europe et sur le pourtour méditerranéen se réclament des mythologies moïsiennes et des pratiques religieuses qui en découlent. L'Europe centrale et orientale est la région d'Europe ayant le plus grand nombre de ces hominines. Les cultures moïsiennes sont une mosaïque de langues <ref>Il existe des dizaines de "''langues juives''", c'est-à-dire des langues non apparentées entre elles, employées exclusivement ou presque par des communautés moïsiennes en Europe, au Maghreb et au Machrek. Certaines sont très anciennes, la plupart ont disparu. Parmi elles, le sarphatique ou judéo-français, parfois aussi appelé laaz occidental, est une langue judéo-romane médiévale écrite en caractères hébraïques. Elle est très peu différente des autres langues d'oïl, si ce n'est quelques particularismes comme par exemple des emprunts à l'hébreu. Menahem Banitt, "Une langue fantôme : le judéo-français", ''Revue de Linguistique Romane'', n° 27, 1963 - [https://www.e-periodica.ch/digbib/view?pid=rlr-001%3A1963%3A27%3A%3A282 En ligne]. David Trotter, "Peut-on parler de judéo-anglo-normand ? Textes anglo-normands en écriture hébraïque", ''Médiévales'', n° 68, 2015 - [http://journals.openedition.org/medievales/7549 En ligne]</ref> et d'histoires. Lors des regains de tensions, des hominines font parfois le choix de fuir pour se réfugier ailleurs. La plupart restent. Beaucoup partent pour les Amériques, d'autres vers la Palestine britannique. Parmi les avenirs qui se décident, une poignée a dans l'idée de fonder un État qui regroupe les moïsiens, mâles et femelles, qui le veulent. En Palestine de préférence <ref>En 1916, la France et le Royaume-Uni signent un accord secret, dit Sykes-Picot, afin de se répartir les territoires ottomans du Moyen-Orient à la fin de la première guerre dite mondiale. Dès 1917, les diplomaties française et britannique encouragent l'établissement d'un "Foyer national juif" en Palestine. La France par une lettre du ministre des Affaires étrangères Jules Cambon, datée de juin 1917 ([https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cambon_Letter.jpg#/media/File:Cambon_Letter.jpg En ligne]), et le Royaume-Uni par une lettre du secrétaire d'État aux Affaires étrangères Arthur Balfour, datée de novembre 1917 ([https://web.archive.org/web/20121226193333/http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000055-israel-soixante-ans-apres-entre-normalite-et-singularite/document-la-declaration-balfour-2-novembre-1917 En ligne]). </ref>. Le sionisme est né. L'hostilité ambiante est une motivation sérieuse. Le summum des persécutions en Europe est la première moitié du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, lors de sa période hitlériste. Les populations moïsiennes sont méthodiquement décimées, déportées, expulsées, traquées, etc. Summum n'est pas le nom hébreu d'une "fête juive". Des millions disparaissent. Une partie de celleux qui ont survécu s'installent en Palestine. Les autres retournent dans les pays dont illes sont originaires ou migrent vers les Amériques. Cela inquiète les plus revêches car si "''naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochus. Maintenant [...] c'est pas évident de reconnaître du premier coup d'œil un petit enfant juif d'un petit enfant antisémite.''" <ref>Pierre Desproges, ''On me dit que des juifs'' - [https://www.youtube.com/watch?v=NiFZvsiQMEk En ligne]</ref> Paradoxalement, l'idée que les populations moïsiennes se regroupent toutes au même endroit est un projet qui enchante autant les antimoïsianistes que celleux qui veulent les en défendre. Depuis la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle où les premiers petits groupes moïsiens s'installent en Palestine ottomane jusqu'aux lendemains de la seconde guerre dite mondiale où le flux migratoire vers la Palestine britannique est à son comble, les populations moïsiennes arrivent dans une région habitée par d'autres. La plupart sont arabophones de croyances mahométiennes ou christiennes. Quelques unes de ces populations autochtones sont moïsiennes et ne voient pas d'un œil favorable la venue de celleux qui se déclarent être leurs homologues : Leurs langues, leurs histoires et leurs cultures différent. Comme c'est la règle dans le processus de colonisation, les autochtones n'ont que peu de valeur. Dans cette région de la Méditerranée orientale, après l'éclatement de l'empire ottoman, la France et le Royaume-Uni britannique obtiennent des mandats internationaux de la Société des Nations (SDN) sur les territoires. Dans une recette mêlant divisions communautaires ottomanes basées sur la religion et la langue, avec une bonne dose de nationalisme à la mode européenne, et un grossier saupoudrage de leurs propres intérêts, les aspirations des puissances européennes sont une macédoine d’États-nations sur des critères "ethniques, linguistiques et religieux". La fin du mandat français engendre la création des États actuels du Liban en 1943 et de la Syrie en 1946, deux républiques fondées sur des équilibres de pouvoirs politiques et économiques entre différentes "minorités" religieuses christiennes et mahométiennes, la plupart arabophones. Dans la réalité — évidemment — il n'y a aucune "communauté" au pouvoir mais la monopolisation du pouvoir par des hominines qui disent les représenter ! Pour rappel, voir le jeu ''1312 raisons d'en finir avec [...]'' cité ci-dessus. La fin du mandat britannique abouti à l'indépendance d'une monarchie, la Jordanie en 1946, à l'est du fleuve Jourdain. Ce qui demeure sous domination britannique, à l'ouest du Jourdain, représente moins de 25% de la Palestine ottomane. En effet, en septembre 1922, la Société des Nations (SDN) a entériné la scission de la Palestine entre Transjordanie et le reste qui prend le nom de Palestine mandataire. Si la Jordanie est appelée Transjordanie, cette miette palestinienne est au sens strict la Cisjordanie — l'autre rive du Jourdain. L'Organisation des Nations Unies (ONU) vote un plan de partage en 1947 <ref>Résolution 181 - [https://www.un.org/unispal/wp-content/uploads/2016/04/ARES181II.pdf En ligne]</ref> des vestiges de la Palestine mandataire en trois entités : un "''État juif''" sur 56% du territoire, un "''État arabe''" sur 42%, et la ville d'Al Qods/Jérusalem et sa banlieue (2%) est placée sous contrôle international. Chaque État est divisé en trois régions, reliées entre elles en un point. Le futur État arabe palestinien comprend, du sud au nord, la bande côtière d'Ashkelon à la frontière égyptienne, centrée sur Gaza, ainsi qu'une bande dans le désert du Néguev le long de la frontière égyptienne, une Cisjordanie de Jénine à Hébron, et l'ouest de la Galilée autour des villes d'Acre et Nazareth. Ces fragmentations post-ottomanes ne sont pas du goût du nationalisme arabe proche-oriental qui aspire à un État unique regroupant Syrie, Liban, Transjordanie (Jordanie) et Cisjordanie (Palestine). Depuis l'émiettement de la région après la chute de l'empire ottoman et le redécoupage par les puissances mandataires, les populations cisjordaniennes contestent la présence britannique, les clivages franco-britanniques qui redéfinissent les frontières régionales et les ambitions des États-nations en devenir. Les britanniques s'opposent aux revendications sociales et politiques des arabophones du Levant, la présence française empêche un rapprochement avec les républiques libanaise et syrienne — nées respectivement en 1926 et 1930 — et l'émirat de Transjordanie — né en 1921 — a des vues sur la Cisjordanie. Les plus grandes révoltes autochtones contre les britanniques sont entre 1936 et 1939. Elles critiquent l'absence de projet clair d'indépendance et l'implantation toujours plus importante de communautés moïsiennes sur le territoire. La vente de terres à des sionistes par des autochtones de Cisjordanie est considérée comme une trahison et les sionistes sont directement la cible de violences. Ce petit territoire qu'est la Cisjordanie, fraction de la Palestine, est le lieu de confrontation de deux nationalismes : le sionisme et le palestinisme. L'un se revendique d'un antique royaume hébraïque, en grande partie fantasmé <ref>Shlomo Sand, ''Comment la terre d'Israël fut inventée'', Flammarion, 2012</ref>, et se justifie par le déferlement haineux antimoïsianistes en Europe, le second réclame pour les territoires cisjordaniens ce que les autres populations arabes ont obtenu et s'appuie sur une identité palestinienne émergente. Alors qu'auparavant les populations de part et d'autre du Jourdain sont définies comme palestiniennes, cette définition évolue et désigne pour le palestinisme les populations n'ayant pas bénéficié de l’indépendance de la Transjordanie, la partie orientale de la Palestine. Cette "cisjordanie virtuelle" devient la nouvelle Palestine. Le plan de partage de novembre 1947 concerne donc cette Palestine réduite. Le projet d’un "''État juif''" regroupe plus d'un demi million de moïsiens, tout type de [[raphé]] confondu, pour un peu plus de 400000 personnes étiquetées "''arabes''". Le projet d'un "''État arabe''" regroupe plus de 800000 arabes et 10000 personnes étiquetées moïsiennes. Al Qods/Jérusalem est peuplée de plus de 200000 hominines, dont un peu plus de la moitié est considérée arabe. Dans les faits, environ 2% de la population moïsienne ne se retrouve ni dans l’État juif ni dans la zone internationale hiérosolymite contre plus de 30% de la population arabe qui n'est ni dans l’État arabe ni dans la zone internationale. La superficie octroyée au futur État moïsien est supérieure à celle de l’État arabe mais 40% de son territoire se trouve dans le désert inhabité du Néguev. Si les plus extrémistes des sionistes ne veulent pas se contenter d'une simple portion, et réclament même la Jordanie, la plupart se satisfont de la proposition de partage. Par contre, les palestinistes ne l'entendent pas ainsi. Illes réclament la création d'une Palestine indépendante dont la population serait mixte, moïsienne et arabe. Cette dernière étant christienne et majoritairement mahométienne. À l'exception des sionistes, les palestinistes reconnaissent la présence d'une communauté moïsienne pré-sioniste, le yichouv <ref>L'expression "Vieux Yichouv" désigne les communautés moïsiennes qui vivent en Palestine ottomane avant 1881. Il se compose d'autochtones de religion moïsienne, d'hominines ayant fuit la péninsule ibérique à la fin du XV<sup><small>ème</small></sup> siècle et de quelques personnes venant d'Europe. Le "Nouveau Yichouv" désigne l'ensemble des hominines de religion moïsienne arrivant entre la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle et la création de l'Etat d'Israël en 1948, principalement pendant le mandat britannique sur la Palestine ottomane</ref>, désignée comme "''palestinienne juive''" ou "''arabe juive''". En mai 1948, sur les frontières prévues par le plan de partage, l’État d'Israël est proclamé par les instances politiques sionistes en Palestine. Les pays arabes alentours rejettent cette indépendance et déclarent la guerre. Entre mai 1948 et mars 1949, les armées de Jordanie, d’Égypte, de Syrie et d’Irak, ainsi que l'Armée de libération arabe faite de volontaires, s'affrontent avec les forces armées du nouvel État israélien. La défaite arabe est cuisante. Israël contrôle dorénavant 78% du territoire concerné par le plan de partage de 1947 et occupe la partie occidentale d'Al Qods/Jérusalem. L’Égypte prend le contrôle de la bande de Gaza et la Jordanie s'installe en Cisjordanie et dans la partie orientale d'Al Qods/Jérusalem. L’État arabe de Palestine est mort-né. Les conséquences directes de cette guerre et de l'extension d'Israël est l'exode massif des populations des territoires conquis. L'historiographie palestiniste nomme cet épisode ''Nakba'', la "catastrophe" en arabe. Sur les quelques 900000 hominines arabes se retrouvant de fait dans les nouvelles frontières israéliennes, environ 750000 hominines fuient les combats, ainsi que les expulsions forcées et les destructions de villages par le nouvel État <ref>À partir des années 1990, des historiens israéliens commencent à contester l'historiographie officielle sioniste qui minimise l'impact sur les populations non-moïsiennes de la colonisation et de la proclamation d'Israël en 1948. Dominique Vidal, Joseph Algazy, ''Le péché originel d'Israël : l'expulsion des Palestiniens revisitée par les "nouveaux historiens" israéliens'', 2002. Dominique Vidal, "L’expulsion des Palestiniens revisitée par des historiens israéliens", ''Le Monde Diplomatique'', 1997 - [https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.monde-diplomatique.fr%2F1997%2F12%2FVIDAL%2F9613.html%23nh6#federation=archive.wikiwix.com&tab=url En ligne]</ref>. Illes se réfugient dans les pays arabes voisins et dans les zones conquises par l’Égypte et la Jordanie. Des camps de réfugiés sont installés à la hâte. Pour faire face à cette situation, l'ONU crée en 1949 l’''Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient'', plus connu sous son acronyme anglophone UNRWA. Dans un premier temps, les hominines pensent que la situation n'est que provisoire et qu'illes vont pouvoir retourner dans leurs villages et régions d'origine, mais la situation d'exil perdure et le "droit au retour" se fait attendre. Les pays arabes qui les accueillent ne leur accordent pas la nationalité et les maintiennent dans un statut bancal de réfugiés qui ne leur garantie pas les mêmes droits que les autochtones et les cantonnent dans des camps. L'asile politique n'est pas accordé. La Jordanie et le Liban font exception en proposant leur nationalité à une partie de ces hominines. Sous certaines conditions. La Jordanie accorde la nationalité à un grand nombre mais une partie est contrainte de rester vivre dans des camps, alors que le Liban octroie sa nationalité de préférence à des hominines de religion christienne ou à des membres de la bourgeoisie exilée, quelque soit leur religion. Une nouvelle guerre en juin 1967 entre les pays arabes de la région et l’État israélien abouti à l'annexion, par ce dernier, de la Cisjordanie et de la partie orientale de la ville d'Al Qods/Jérusalem alors sous domination jordanienne, ainsi que la bande de Gaza, égyptienne depuis 1949 <ref>De plus, Israël occupe le plateau du Golan syrien et la péninsule du Sinaï égyptienne.</ref>. Environ 300000 hominines fuient vers la Jordanie et s'installent dans des camps déjà présents depuis 1948. Les négociations pour un retour organisé des hominines de 1948 et 1967 n'aboutissent à rien. Israël est très réticent car il craint un déséquilibre démographique en sa défaveur et n'est pas en mesure de dédommager pour toutes les expropriations de terres et les destructions de villages. Les pays arabes qui abritent des camps refusent d'accorder l'asile politique ou d'intégrer définitivement les populations issues de la Nakba de 1948 et de la guerre de 1967. Les raisons ne sont pas identiques pour tous ces pays. Des circonstances de politiques internes, des considérations stratégiques et géopolitiques et des positionnements idéologiques motivent leurs choix de maintenir les populations d'hominines de l'ex-futur État arabe de Palestine en état d'apatridie. Illes sont les célèbres "''réfugiés palestiniens''" qui, contrairement à ce que laisse penser la formulation genrée de cette expression, sont mâles et femelles. Parfois aussi notée "''réfugié·es palestinien·nes''". Après des accords signés en 1993, Israël s'est très partiellement retiré des territoires cisjordaniens conquis en 1967. Aujourd'hui, cet État colonial conserve le contrôle militaire et civil sur 60% des ''Territoires palestiniens'', 22% est sous contrôle civil palestinien mais sous contrôle militaire israélien et 18% est totalement contrôlé par les autorités palestiniennes. Décolonisée en 2005, la bande de Gaza est entièrement cernée et la Cisjordanie est émiettée en 165 îlots. Ces deux territoires palestiniens abritent une population d'un peu plus de 5 millions d'hominines. Tous genres confondus. La densité de population est énorme. Les Territoires palestiniens abritent plus de 830 personnes au km<sup><small>2</small></sup> — environ sept fois plus que la France métropolitaine — ce qui les placent au quatorzième rang mondial. À elle seule, la bande de Gaza a une densité de 6000 personnes au km<sup><small>2</small></sup> — cinquante fois plus qu'en France métropolitaine — ce qui en fait le quatrième territoire le plus peuplé au monde. Sur les 12 millions de personnes se disant d'origine palestinienne à travers le monde, celleux qui ont fui en 1948 et 1967 et leur descendance représentent, selon les estimations fournies par l'UNWRA, plus de 5 millions de personnes dont 2 millions environ vivent dans 58 camps — 9 en Syrie, 10 en Jordanie, 12 au Liban, 8 dans la bande de Gaza et 12 en Cisjordanie. La plupart sont apatrides. Selon les pessimistes, l'actualité ne présage pas d'une amélioration de leur situation. Pour les optimistes, en réponse à une attaque meurtrière contre des hominines de l’État israélien en octobre 2023, ce dernier s'est décidé à réglé cette "''question palestinienne''" en tuant plus de 45000 hominines qui, par définition, ne sont plus apatrides. L'UNRWA doit même être interdite par Israël. Une situation que l'apatriologue B. Traven résume ainsi : |
− | <blockquote>''Nous mourons muets, en haillons, nous n'avons pas de nom, nous n'avons pas de nationalité. Nous ne sommes personne, nous ne sommes rien.'' <ref>B. Traven, ''Le vaisseau des morts'', 1926</ref></blockquote> | + | <blockquote>''Nous mourons muets, en haillons, nous n'avons pas de nom, nous n'avons pas de nationalité. Nous ne sommes personne, nous ne sommes rien.'' <ref>B. Traven, ''Le vaisseau des morts'', 1926. Libertalia, 2024 pour la traduction française complète</ref></blockquote> |
La bonne nouvelle lorsque l'on parle de colonisation est qu'elle a une fin, la mauvaise étant qu'elle laisse des traces. Parfois très profondes. Le biais de l'anti-colonialisme en France est qu'il tend souvent à masquer — involontairement ou par chauvinisme — les impacts du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, autre puissance coloniale majeure. Aucune région du monde n'est épargnée par les ambitions coloniales britanniques. Les gestions politiques de leurs empires coloniaux respectifs ne sont pas identiques. Parmi les préoccupations géopolitiques britanniques au cours des XVIII et XIX<sup><small>ème</small></sup> siècles figure le contrôle, puis la main-mise, sur les routes commerciales terrestres et maritimes entre l'Europe et l'Asie. Plus précisément entre la Méditerranée orientale et le sous-continent indien, porte vers l'Asie plus lointaine. Pendant un siècle, la ''Compagnie britannique des Indes orientales'' règne sur le commerce international entre ces deux régions, avant de passer le flambeau en 1858 <ref>La mutinerie en mai 1857 d'une partie des forces armées de la Compagnie, composées d'hominines autochtones, entraîne dans son sillage une vague de révoltes dans le sud de la chaîne de l'Himalaya. Pendant plus d'une année, la Compagnie fait face à des soulèvements qu'elle ne parvient pas à maîtriser. L'historiographie britannique retient cet évènement sous le nom de "Révolte des cipayes", du nom de ces militaires autochtones, alors que l'historiographie indienne contemporaine en fait la "Première guerre d'indépendance". Le déclencheur de la mutinerie est l'utilisation de graisse de porc et de bœuf sur les cartouches des armes qu'il faut manipuler avec la bouche. Mais ces deux espèces animales ne peuvent être consommées selon, respectivement, les traditions mahométiennes et hindouïennes. Pour l'une elle est jugée impure, pour l'autre elle est sacrée. Une ironie pour des hominines qui sont payés pour réprimer, voir tuer, d'autres hominines. Selon son biographe Jules Verne, le capitaine [[Point Nemo|Nemo]], d'origine indienne, participe à ces soulèvements. </ref> aux autorités britanniques qui officialisent l'empire colonial. Même le célèbre prédictologue Karl Marx reste prudent dans son analyse en août 1857 de la situation aux Indes britanniques : "''Il est possible que je passe pour un con. Mais dans ce cas, on peut toujours s'en sortir avec un peu de dialectique. Bien entendu, j'ai formulé ma proposition de manière à ce qu'elle soit valable dans les deux cas.''" <ref>Lettre de Karl Marx à Engels du 15 août 1857 - [https://marxists.architexturez.net/archive/marx/works/1857/letters/57_08_15.htm En ligne]</ref> Le ''Raj britannique'' s'étend sur les actuels Pakistan, Inde, Bangladesh et Birmanie, à l'exception de quelques petits territoires dominés par d'autres puissances coloniales européennes — tels que Pondychery pour la France ou Gao pour le Portugal. Sans être incorporés véritablement dans le Raj britannique, les royaumes himalayens du Bhoutan, du Népal et du [[Sikkim]] subissent directement son influence politique et économique. Idem pour l'île de Ceylan (futur Sri Lanka), à la pointe sud du sous-continent indien <ref>Hors du sous-continent indien, le Raj comprend aussi des territoires de la péninsule arabique (Aden et les émirats arabiques) et d'Afrique de l'est (Somaliland) </ref>. Le pouvoir politique colonial s'exerce à deux niveaux : l'un est une gestion territoriale directe et l'autre est un rapport de vassalité d'États princiers vis-à-vis de la royauté britannique. Officiellement, la reine d'Angleterre est impératrice des Indes et elle est représentée sur place par un unique vice-roi dans les territoires directement sous administration coloniale et par un résident dans chaque État vassal. Ils sont désignés par le gouvernement. Au début du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, l'empire colonial des Indes est divisé en 8 grandes provinces et 5 autres, plus petites. Dont les îles [[Andaman et Nicobar (Îles)|Andaman et Nicobar]]. | La bonne nouvelle lorsque l'on parle de colonisation est qu'elle a une fin, la mauvaise étant qu'elle laisse des traces. Parfois très profondes. Le biais de l'anti-colonialisme en France est qu'il tend souvent à masquer — involontairement ou par chauvinisme — les impacts du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, autre puissance coloniale majeure. Aucune région du monde n'est épargnée par les ambitions coloniales britanniques. Les gestions politiques de leurs empires coloniaux respectifs ne sont pas identiques. Parmi les préoccupations géopolitiques britanniques au cours des XVIII et XIX<sup><small>ème</small></sup> siècles figure le contrôle, puis la main-mise, sur les routes commerciales terrestres et maritimes entre l'Europe et l'Asie. Plus précisément entre la Méditerranée orientale et le sous-continent indien, porte vers l'Asie plus lointaine. Pendant un siècle, la ''Compagnie britannique des Indes orientales'' règne sur le commerce international entre ces deux régions, avant de passer le flambeau en 1858 <ref>La mutinerie en mai 1857 d'une partie des forces armées de la Compagnie, composées d'hominines autochtones, entraîne dans son sillage une vague de révoltes dans le sud de la chaîne de l'Himalaya. Pendant plus d'une année, la Compagnie fait face à des soulèvements qu'elle ne parvient pas à maîtriser. L'historiographie britannique retient cet évènement sous le nom de "Révolte des cipayes", du nom de ces militaires autochtones, alors que l'historiographie indienne contemporaine en fait la "Première guerre d'indépendance". Le déclencheur de la mutinerie est l'utilisation de graisse de porc et de bœuf sur les cartouches des armes qu'il faut manipuler avec la bouche. Mais ces deux espèces animales ne peuvent être consommées selon, respectivement, les traditions mahométiennes et hindouïennes. Pour l'une elle est jugée impure, pour l'autre elle est sacrée. Une ironie pour des hominines qui sont payés pour réprimer, voir tuer, d'autres hominines. Selon son biographe Jules Verne, le capitaine [[Point Nemo|Nemo]], d'origine indienne, participe à ces soulèvements. </ref> aux autorités britanniques qui officialisent l'empire colonial. Même le célèbre prédictologue Karl Marx reste prudent dans son analyse en août 1857 de la situation aux Indes britanniques : "''Il est possible que je passe pour un con. Mais dans ce cas, on peut toujours s'en sortir avec un peu de dialectique. Bien entendu, j'ai formulé ma proposition de manière à ce qu'elle soit valable dans les deux cas.''" <ref>Lettre de Karl Marx à Engels du 15 août 1857 - [https://marxists.architexturez.net/archive/marx/works/1857/letters/57_08_15.htm En ligne]</ref> Le ''Raj britannique'' s'étend sur les actuels Pakistan, Inde, Bangladesh et Birmanie, à l'exception de quelques petits territoires dominés par d'autres puissances coloniales européennes — tels que Pondychery pour la France ou Gao pour le Portugal. Sans être incorporés véritablement dans le Raj britannique, les royaumes himalayens du Bhoutan, du Népal et du [[Sikkim]] subissent directement son influence politique et économique. Idem pour l'île de Ceylan (futur Sri Lanka), à la pointe sud du sous-continent indien <ref>Hors du sous-continent indien, le Raj comprend aussi des territoires de la péninsule arabique (Aden et les émirats arabiques) et d'Afrique de l'est (Somaliland) </ref>. Le pouvoir politique colonial s'exerce à deux niveaux : l'un est une gestion territoriale directe et l'autre est un rapport de vassalité d'États princiers vis-à-vis de la royauté britannique. Officiellement, la reine d'Angleterre est impératrice des Indes et elle est représentée sur place par un unique vice-roi dans les territoires directement sous administration coloniale et par un résident dans chaque État vassal. Ils sont désignés par le gouvernement. Au début du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, l'empire colonial des Indes est divisé en 8 grandes provinces et 5 autres, plus petites. Dont les îles [[Andaman et Nicobar (Îles)|Andaman et Nicobar]]. | ||
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− | Géographiquement, l'Arakan est séparé du reste de la Birmanie par une chaîne montagneuse dont le point culminant est à plus de 3000 mètres. Ce nom dérive très probablement de la ville de Mrauk-U, capitale d'un royaume entre le milieu du XV<sup><small>ème</small></sup> et la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle. La dynastie au pouvoir est vassale du sultan du Bengale et, bien que bouddhaïenne, chaque souverain porte un nom de règne mahométien. Cette bipolarité se retrouve dans la monnaie qui utilise des caractères birmans sur une face et coufiques sur l'autre. Sans qu'il soit possible d'affirmer à quelle époque les mythologies mahométiennes arrivent dans la région, des hominines les professant figurent parmi les rouages politiques du royaume, des commerçants arabes et mahométiens voyagent dans les ports arakanais, et des soldats du sultan bengalais stationnent durablement. Le royaume s'étend au nord, dans l'actuelle région bangladaise de Chittagong, là où le bras principal du delta du Gange rejoint la mer. Du point de vue de la géographie, Arakan et Chittagong sont une même continuité, entre mer et montagne. Prospère, le royaume côtier de Mrauk-U est un nœud commercial important qui attise les convoitises. Le commerce de céréales, d'épices et d'esclaves est florissant. La dynastie Konbaung, à l'est de la chaîne de montagnes, est la principale ennemie. Les volontés expansionnistes de la royauté arakanaise se heurtent à celles de sa voisine orientale. La perte de Chittagong à la fin du XVII<sup><small>ème</small></sup> siècle marque le début du déclin de la dynastie arakanaise et 1785 sa chute. Après un peu plus de quatre décennies dans le giron de la dynastie bama des Konbaung, l'Arakan tombe sous la main-mise britannique. Méfiante vis-à-vis des populations bouddhaïennes assimilées à la dynastie Konbaung, cette nouvelle colonisation s'appuie sur la partie mahométienne de la population afin de consolider sa présence. Comme cela est fait dans le Raj britannique, les populations autochtones sont catégorisées selon des critères ethnolinguistiques et religieux qui relèvent parfois plus de l'imaginaire britannique que de la réalité sociale et politique locale. Les populations mahométiennes de l'Arakan se différencient peu des hominines de la région côtière de Chittagong, leur voisinage du nord, avec qui la religion est commune et dont les pratiques linguistiques sont très proches. Des variations du bengali <ref>Le ''bengali'' appartient à la vaste famille des langues indo-européennes. Avec l'assamais, elle est la plus orientale d'entre elles. Avec actuellement plus de 200 millions d'hominines, cette langue présente un large continuum linguistique. </ref> qui sont intercompréhensibles entre elles. Au cours des siècles précédents, les frontières entre le nord arakanais et Chittagong sont mouvantes et les deux régions furent à maintes | + | Géographiquement, l'Arakan est séparé du reste de la Birmanie par une chaîne montagneuse dont le point culminant est à plus de 3000 mètres. Ce nom dérive très probablement de la ville de Mrauk-U, capitale d'un royaume entre le milieu du XV<sup><small>ème</small></sup> et la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle. La dynastie au pouvoir est vassale du sultan du Bengale et, bien que bouddhaïenne, chaque souverain porte un nom de règne mahométien. Cette bipolarité se retrouve dans la monnaie qui utilise des caractères birmans sur une face et coufiques sur l'autre. Sans qu'il soit possible d'affirmer à quelle époque les mythologies mahométiennes arrivent dans la région, des hominines les professant figurent parmi les rouages politiques du royaume, des commerçants arabes et mahométiens voyagent dans les ports arakanais, et des soldats du sultan bengalais stationnent durablement. Le royaume s'étend au nord, dans l'actuelle région bangladaise de Chittagong, là où le bras principal du delta du Gange rejoint la mer. Du point de vue de la géographie, Arakan et Chittagong sont une même continuité, entre mer et montagne. Prospère, le royaume côtier de Mrauk-U est un nœud commercial important qui attise les convoitises. Le commerce de céréales, d'épices et d'esclaves est florissant. La dynastie Konbaung, à l'est de la chaîne de montagnes, est la principale ennemie. Les volontés expansionnistes de la royauté arakanaise se heurtent à celles de sa voisine orientale. La perte de Chittagong à la fin du XVII<sup><small>ème</small></sup> siècle marque le début du déclin de la dynastie arakanaise et 1785 sa chute. Après un peu plus de quatre décennies dans le giron de la dynastie bama des Konbaung, l'Arakan tombe sous la main-mise britannique. Méfiante vis-à-vis des populations bouddhaïennes assimilées à la dynastie Konbaung, cette nouvelle colonisation s'appuie sur la partie mahométienne de la population afin de consolider sa présence. Comme cela est fait dans le Raj britannique, les populations autochtones sont catégorisées selon des critères ethnolinguistiques et religieux qui relèvent parfois plus de l'imaginaire britannique que de la réalité sociale et politique locale. Les populations mahométiennes de l'Arakan se différencient peu des hominines de la région côtière de Chittagong, leur voisinage du nord, avec qui la religion est commune et dont les pratiques linguistiques sont très proches. Des variations du bengali <ref>Le ''bengali'' appartient à la vaste famille des langues indo-européennes. Avec l'assamais, elle est la plus orientale d'entre elles. Avec actuellement plus de 200 millions d'hominines, cette langue présente un large continuum linguistique. </ref> qui sont intercompréhensibles entre elles. Au cours des siècles précédents, les frontières entre le nord arakanais et Chittagong sont mouvantes et les deux régions furent à maintes reprises sous la même gouvernance politique. Le fleuve Naf qui marque la frontière actuelle entre Birmanie et Bangladesh, entre Raj britannique et empire birman, n'a pas toujours eu cette fonction. Les guerres et les conquêtes territoriales ont contraint les hominines à fuir et se réfugier où illes le pouvaient. Parfois à revenir après la fin des hostilités, parfois non. Cette région de l'est du golfe du Bengale est le point de contact le plus oriental entre les mythologies mahométiennes et bouddhaïennes, entre les langues indo-iraniennes et tibéto-birmanes. Si la côte chittagonienne est majoritairement peuplée de bengalophones de croyances mahométiennes, l'Arakan est majoritairement bouddhaïen et de langues tibéto-birmanes, bama et arakanais par exemple. Pas de mur infranchissable entre Arakan et Chittagong mais une continuité culturelle et religieuse, et un continuum linguistique <ref>Un continuum linguistique est un "''ensemble de variétés langagières formant un continuum, c’est-à-dire entre lesquelles il n’existe pas de frontière marquée identifiable''". Selon l'encyclopédie participative wikipédia, "''l'intercompréhension entre deux zones du continuum décroît à mesure qu'augmente l'éloignement géographique ou linguistique, allant quelquefois jusqu'à disparaître. Dit de façon plus intuitive, on parle de continuum linguistique lorsque deux ou plusieurs variétés linguistiques se mélangent sans qu'on puisse leur définir de limite géographique précise.''"</ref>. Que ce soient entre les populations tibéto-birmanes bouddhaïennes de la région montagneuse de Chittagong et celles de l'arrière-pays arakanais ou entre les mahométiennes bengalophones de la côte nord-est du golfe du Bengale. La colonisation britannique a bouleversé la démographie locale en favorisant l'émigration de populations bengalies mahométiennes et hindouïennes vers les zones agricoles dans la région de Chittagong et le nord de l'Arakan. La riziculture extensive, par exemple, a besoin de main-d'œuvre. Les proximités linguistiques et culturelles permettent aux hominines qui décident de migrer de se fondre plus facilement avec les populations locales. Jusqu'à se confondre. La catégorie de l'administration coloniale "''Arakan mahomedans''" qui désigne dans un premier temps les populations mahométiennes de l'Arakan glisse vers "''Indian race''" qui laisse entendre une origine extra-arakanaise. Cette catégorie regroupe autant les hominines venant du Raj britannique que les populations locales. Cette politique migratoire coloniale n'est pas du goût de celleux qui en subissent les conséquences néfastes. En plus des expropriations de terres qui ne cessent d'augmenter, un déséquilibre démographique s'accentue au détriment des populations locales birmanophones. L'Arakan est détaché du Bengale britannique en 1937 pour être intégré à la Birmanie coloniale. De nouveau, une frontière politique entre Chittagong et Arakan. Lors de la seconde guerre dite mondiale, dans la colonie de Birmanie, les soutiens aux armées britanniques se recrutent parmi les hominines mahométiens alors que les indépendantistes de mythologies bouddhaïennes s'allient au Japon par anti-colonialisme. Le processus de décolonisation entamé au sortir de cette guerre n'est pas identique pour l'ensemble du Raj et ses colonies associées. Les élites mahométiennes du nord de l'Arakan birman militent pour s'intégrer dans le projet de division religieuse du Raj entre communautés hindouïennes et mahométiennes, entre Hindoustan et Pakistan. Elles réclament — sans être entendues — de rejoindre la province orientale du futur Pakistan. Lors de son indépendance en 1948, ce dernier est composé de deux entités séparées de plus de 1500 kilomètres. Entre les deux, l'Inde. En 1971, la partie orientale du Pakistan devient indépendante sous le nom de Bangladesh et le Pakistan occidental demeure alors le seul Pakistan. Les remous de la guerre d'indépendance du Bangladesh poussent des dizaines de milliers d'hominines à se réfugier en Birmanie voisine. Essentiellement en Arakan. Ces populations bengalophones traversent la Naf et des camps de réfugiés sont mis en place. Lorsqu'illes ne sont pas tout simplement chassés par l'armée birmane, le retour au calme post-indépendance bangladaise incite ces hominines à revenir au Bangladesh. Si dans un premier temps, l'anti-colonialisme birman est d'inspiration fédérale, regroupant différents groupes ethniques, linguistiques ou religieux, il se tourne ensuite vers une définition essentiellement ethnico-religieuse de la "birmanité". La langue birmane et les mythologies bouddhaïennes deviennent le critère principal de ce nationalisme qui s'appuie sur la politique migratoire britannique au XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle pour légitimer une indophobie qui assimile les hominines bengalophones et de croyances mahométiennes à des populations étrangères <ref>Julie Lavialle-Prélois, "L’idéologie du «grand remplacement» : race et religion dans le nationalisme birman", ''Communications'', n°107 "Race et racisme", 2020 - [https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_2020_num_107_1_3001 En ligne]</ref>. Sans distinction. Si elles ne le sont pas, elles sont ramenées aux traumatismes coloniaux et à la collaboration d'une partie d'entre elles avec le colonisateur. L'indophobie, qui se définit comme "''des sentiments latents de peur, mais aussi de haine vis-à-vis de ces communautés hindoues, sikhes, musulmanes et chrétiennes venues de tout le reste de l’Empire britannique des Indes''", est un puissant levier raciste du nationalisme birman <ref>Renaud Egreteau, ''Histoire de la Birmanie contemporaine. Le pays des prétoriens'', Fayard, 2010 </ref>. Afin de désamorcer ce racisme, les élites mahométiennes d'Arakan insistent sur l'ancrage historique ancien et valorisent une identité locale "rohingya". Selon Jacques Leider, "''depuis les années 1950, les écrivains rohingyas ont vigoureusement minimisé et largement nié les racines bengalies de leurs origines, insistant sur les différences culturelles entre les musulmans du district de Chittagong et eux-mêmes.''" <ref>Jacques Leider, "Rohingya. The name, the movement, the quest for identity", ''Nation Building in Myanmar'', 2013 - [https://www.burmalibrary.org/docs21/Jacques-P-Leider-2014-01-28-Rohingya-The_Name-The_movement-The_quest_for_identity-en.pdf En ligne]</ref> Ce terme fait débat. Il est attesté à la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle par un britannique qui dit que des hominines de religion mahométienne se dénomment elleux-mêmes ''rooinga'', littéralement "originaires de l'Arakan", sans pouvoir affirmer qu'il désigne l'ensemble de ces hominines ou une petite partie d'entre elleux <ref>Alexandra de Mersan, "Comment les musulmans d’Arakan sont-ils devenus étrangers à l’Arakan ?", ''Moussons'', n°28, 2016 - [https://doi.org/10.4000/moussons.3664 En ligne]</ref>, et réapparaît seulement dans les années 1930. Dès les années 1960, le gouvernement birman met en place des politiques de birmanisation de l'ensemble du pays. Les non-bamas deviennent ''persona non grata'' dans l'armée et les institutions, la langue bama est la seule à être officielle dans l'enseignement et les mythologies bouddhaïennes deviennent religion d’État. Tout ce qui paraît étranger est traqué, même "''les courses de chevaux, le golf, le cricket et le football furent bannis par décret''" ! <ref>Cité dans Julie Lavialle-Prélois, "De la colonisation à la légitimation : l’autre «terroriste» en Arakan", ''Journal des anthropologues'', n°154-155, 2018 - [https://doi.org/10.4000/jda.7055 En ligne]</ref> Pour lutter contre les activités de groupes armés clandestins se revendiquant rohingya et la présence d'hominines du Bangladesh ayant trouvé refuge en Arakan, à la fin des années 1970 les autorités de Birmanie se lancent dans des opérations militaires qui contraignent environ 200000 hominines à fuir vers le Bangladesh. Beaucoup ne sont pas d'origine bangladaise mais arakanaise. Le Bangladesh bloque leur arrivée et la Birmanie les regroupe dans des camps à la frontière entre les deux pays. Malgré les affirmations birmanes, le Bangladesh ne reconnaît pas que ces populations soient bengalies et donc ne leur accorde pas de statut particulier ou de reconnaissance. Les deux pays se renvoient les flots d'hominines <ref>Alexandra De Mersan, "L’Arakan, une situation typique de frontière", ''Outre-Terre'', n° 54-55, 2018 - [https://analectes2rien.legtux.org/images/PDF/larakan-une-situation-typique-de-frontiere.pdf En ligne]</ref>. La politique de birmanisation reconnaît officiellement 135 groupes ethnolinguistiques mais les ''rohingya'' n'en font pas partie. Illes sont considérés dans leur ensemble comme originaires de l'actuel Bangladesh et dont l'installation n'est pas antérieure à la colonisation britannique. Vivre depuis parfois des générations sur le sol arakanais n'est pas suffisant pour se voir reconnaître l'égalité avec les autres communautés de Birmanie, alors même que le royaume d'Ava qui fonde la légitimité birmane est présent depuis parfois moins longtemps en terre arakanaise ! Les mythologies nationalistes ne sont jamais à un mensonge ou une approximation prêts. Ainsi, en 1982, lorsque la nationalité birmane ne leur est pas octroyée, la plupart des bengalophones de l'Arakan se retrouvent apatrides <ref>Warda Mohamed, "Des apatrides nommés Rohingyas", ''Le Monde Diplomatique'', 2014 - [https://www.monde-diplomatique.fr/2014/11/MOHAMED/50923 En ligne]</ref>. Environ un million de personnes. De fait, leurs enfants à naître le seront aussi. Plus de 260000 de ces apatrides tentent de fuir l'armée birmane vers le Bangladesh en 1991 avant de se faire placer d'office dans des camps de réfugiés à la frontière <ref>''Birmanie, répression, discriminations et nettoyage ethnique en Arakan'', Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, avril 2000 - [https://www.fidh.org/IMG/pdf/birmarak.pdf En ligne]</ref>. La politique birmane consiste à contraindre ces populations apatrides à se regrouper dans l'extrême-nord de l'Arakan et à épurer le reste du territoire de toute présence mahométienne <ref>Julie Lavialle-Prélois, "Les femmes dans le processus d’épuration ethnique des Arakanais musulmans en Birmanie", ''Chimères'', n°96, 2020 - [https://analectes2rien.legtux.org/images/PDF/meufarak.pdf En ligne]</ref>. Il y a tant de restrictions (mariage, travail, limitation des naissances, des déplacements, etc. ) qu'il est parfois préférable de quitter la Birmanie comme en témoigne le ventriloque Médine "Médine" Zaouiche : |
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− | Hors de ces situations qui mettent en état d'apatridie des groupes entiers, il existe aussi d'autres processus qui visent individuellement des hominines. Trois situations amènent à cela. Elles résument à elles seules toute l'absurdité des règles sociales inventées par les hominines. Dans quelques régions du monde, les hominines femelles ne peuvent transmettre leur nationalité/citoyenneté à leur progéniture au seul prétexte que justement elles sont des femelles. Véritable boulet individuel, les traditions culturelles traînent avec elles tout un monceau d'inepties. Aucune n'y échappe. Dans le cas où l'enfant naît de "père inconnu", ille ne peut obtenir de nationalité et devient apatride de fait. N'est pas rohingya qui veut alors il n'y a pas expulsion d'un territoire mais une privation complète des droits élémentaires accordés aux personnes. Sans reconnaissance légale, l'accès à la scolarité, aux soins ou au travail est plus que limité. La deuxième situation d'apatridie est celui des migrations actuelles d'hominines. Elle est la plus répandue des trois. Lors du long voyage entre le lieu de départ et celui d'arrivée, les hominines doivent échapper à toutes les mesures légales et techniques faîtes pour les empêcher de passer ou de se poser quelque part. Des milliers meurent tous les ans à cause de cela. En attendant une hypothétique "régularisation", il convient donc de cacher au mieux sa nationalité afin d'échapper à une expulsion vers son "pays d'origine". Devenir apatride provisoire pour se préserver des frontières. Ne pas être de telle ou telle nationalité afin de ne pas finir dans un avion ou un bateau pour un retour à la case "départ", avec passage par la case "prison". Ou tout autre nom administratif donné aux structures qui enferment les hominines qui migrent. Plusieurs détails peuvent trahir. Hormis la langue à proprement dit, les accents et les usages linguistiques, par exemple. Pas besoin d'être spécialiste pour comprendre que, dans une dystopie où les "flux migratoires" sont inversés, n'importe qui de francophone en Afrique saurait identifier sans trop de problème si une personne vient de France, de Suisse, de Belgique ou du Québec. Le chiffre 8 est-il prononcé [''uit''] ou [''ouit''] ? La date de naissance de [[F. Merdjanov]] est-elle au début des années soixante-dix ou septante ? Bien que le risque soit grand, peut-être que des disciples du maître Michel Leeb — avec sa faculté extraordinaire à imiter avec réalisme les accents et les particularismes linguistiques — pourraient faire illusion. Dans le doute, mieux vaut se taire, mieux vaut mentir. La route vers ailleurs est semée d’embûches, alors que la place ne manque pas. Rien qu'en France, le nombre de places est considérable comme l'a brillamment démontré Billie Brelok dans son étude de 2014 intitulée ''L'embarras du choix'' <ref>Billie Brelok, "12.01.2011" sur l'album ''L'embarras du choix'', 2014 - [https://billiebrelok.bandcamp.com/track/12012011-prod-dida En ligne]</ref> : Place de la Nation, du Général de Gaulle, de la République, et tant d'autres. La troisième situation d'apatridie, ou assimilée comme telle, est celle des cas particuliers. Aléas de la vie ou imbroglios administratifs. Le cas le plus connu est celui de Mehran Karimi Nasseri, médiatisé grâce aux films librement inspirés de sa vie : ''Tombés du ciel'' <ref>Philippe Lioret, ''Tombés du ciel'', 1994. Bande-annonce [https://tv.apple.com/fr/movie/tombes-du-ciel/umc.cmc.7ewq6ddnm8q5w4ravn5b0mgnw en ligne]</ref> de Philippe Lioret en 1994 et ''Le Terminal'' <ref>Steven Spielberg, ''Le Terminal'', 2004. Bande-annonce [https://www.youtube.com/watch?v=Edd3cvJpvHs en ligne]</ref> de Steven Spielberg en 2004. Né en 1945 en Iran d'une mère britannique inconnue, rejeté par sa famille paternelle à la mort de son père et indésirable dans le pays, il décide de rejoindre le Royaume-Uni à la recherche de sa génitrice. Après diverses demandes d'asile dans des pays d'Europe dans le courant des années 70, et une reconnaissance d'un statut de réfugié, il se retrouve bloqué en France pour des raisons administratives. Pour régulariser sa situation, il doit récupérer des papiers en Belgique mais il est interdit de sortie de territoire par la France. Il s'installe en 1988 dans le hall de départ du terminal I de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, en banlieue parisienne. Avec de rares affaires, sa vie s'organise autour d'une banquette et des toilettes prévus pour les touristes. "''Homme sans importance collective''", d'après le psychiatre et chef du service des urgences de l'aéroport qui prend soin de lui, il bénéficie de la solidarité quotidienne du personnel et du laissez-faire des autorités de l'aéroport. Il sombre doucement dans la folie. Selon ce médecin, "''Alfred est un réfugié sur orbite, un demandeur d’asile planétaire, disait-il à l’époque. Il vit sur le même disque que nous, mais pas sur le même sillon...''" <ref>"Il avait passé 18 ans à l’aéroport de Roissy : le SDF qui a inspiré Spielberg est décédé", ''Ouest France'', novembre 2022 - [https://www.ouest-france.fr/ile-de-france/roissy-en-france-95700/il-avait-passe-18-ans-a-l-aeroport-de-roissy-le-sdf-qui-a-inspire-spielberg-est-decede-ae977a08-62c2-11ed-971d-47f33cb6a90b En ligne]</ref> Il vit ainsi pendant plus de 10 ans. En 1999, après des démarches administratives faîtes par un avocat, une régularisation de son statut de réfugié et un titre de séjour lui sont proposés. Trop tard. Sa réponse déroute ses soutiens : "''Je refuse de signer ces papiers, ils ne sont pas à mon nom. Je ne suis plus celui que j'ai été. Je m'appelle désormais sir Alfred Mehran et je ne suis pas Iranien.''" Retour volontaire à Roissy et retrouvailles avec la banquette. Écrite avec Andrew Donkin, son autobiographie est publiée en 2004 sous le titre ''The Terminal Man'' <ref>''The Terminal Man'', 2004 - [https://ia800505.us.archive.org/11/items/the-terminal-man-andrew-donkin/The%20Terminal%20Man%20-%20Andrew%20Donkin.pdf En ligne]</ref>. Hospitalisé en 2006 après une intoxication alimentaire, il est hébergé dans un foyer d'accueil à Paris. Il retourne à Roissy en octobre 2022 et se pose dans le terminal II. Il y meurt le 12 novembre 2022. Plusieurs dizaines de milliers d'euros sont retrouvés dans ses affaires, probablement les droits d'auteur pour l'adaptation de Spielberg. Sans descendance à qui donner l'argent et s'occuper de sa dépouille, son corps n'est pas réclamé et reste plus d'un an dans une morgue parisienne. Après une décision de justice, quelques milliers d'euros sont pris sur cet argent pour qu'il ne soit pas mis dans une fosse commune et bénéficie d'une sépulture au cimetière de Mauregard — village dont dépend le terminal 1 de Roissy. Il est enterré le 8 décembre 2023 en présence d'une vingtaine de personnes <ref>"La fantastique histoire de Sir Alfred Mehran qui vécut 18 ans à l'aéroport de Roissy" sur ''France Culture'', mars 2024 - [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/les-pieds-sur-terre-sir-alfred-mehran-l-homme-qui-vivait-a-roissy-1ere-diffusion-11-04-2023-6042998?utm_source=pocket-newtab-fr-fr En ligne]</ref>. Un isolement que résume ainsi le journal ''Libération'' : | + | Hors de ces situations qui mettent en état d'apatridie des groupes entiers, il existe aussi d'autres processus qui visent individuellement des hominines. Trois situations amènent à cela. Elles résument à elles seules toute l'absurdité des règles sociales inventées par les hominines. Dans quelques régions du monde, les hominines femelles ne peuvent transmettre leur nationalité/citoyenneté à leur progéniture au seul prétexte que justement elles sont des femelles. Véritable boulet individuel, les traditions culturelles traînent avec elles tout un monceau d'inepties. Aucune n'y échappe. Dans le cas où l'enfant naît de "père inconnu", ille ne peut obtenir de nationalité et devient apatride de fait. N'est pas rohingya qui veut, alors il n'y a pas expulsion d'un territoire mais une privation complète des droits élémentaires accordés aux personnes. Sans reconnaissance légale, l'accès à la scolarité, aux soins ou au travail est plus que limité. La deuxième situation d'apatridie est celui des migrations actuelles d'hominines. Elle est la plus répandue des trois. Lors du long voyage entre le lieu de départ et celui d'arrivée, les hominines doivent échapper à toutes les mesures légales et techniques faîtes pour les empêcher de passer ou de se poser quelque part. Des milliers meurent tous les ans à cause de cela. En attendant une hypothétique "régularisation", il convient donc de cacher au mieux sa nationalité afin d'échapper à une expulsion vers son "pays d'origine". Devenir apatride provisoire pour se préserver des frontières. Ne pas être de telle ou telle nationalité afin de ne pas finir dans un avion ou un bateau pour un retour à la case "départ", avec passage par la case "prison". Ou tout autre nom administratif donné aux structures qui enferment les hominines qui migrent. Plusieurs détails peuvent trahir. Hormis la langue à proprement dit, les accents et les usages linguistiques, par exemple. Pas besoin d'être spécialiste pour comprendre que, dans une dystopie où les "flux migratoires" sont inversés, n'importe qui de francophone en Afrique saurait identifier sans trop de problème si une personne vient de France, de Suisse, de Belgique ou du Québec. Le chiffre 8 est-il prononcé [''uit''] ou [''ouit''] ? La date de naissance de [[F. Merdjanov]] est-elle au début des années soixante-dix ou septante ? Bien que le risque soit grand, peut-être que des disciples du maître Michel Leeb — avec sa faculté extraordinaire à imiter avec réalisme les accents et les particularismes linguistiques — pourraient faire illusion. Dans le doute, mieux vaut se taire, mieux vaut mentir. La route vers ailleurs est semée d’embûches, alors que la place ne manque pas. Rien qu'en France, le nombre de places est considérable comme l'a brillamment démontré Billie Brelok dans son étude de 2014 intitulée ''L'embarras du choix'' <ref>Billie Brelok, "12.01.2011" sur l'album ''L'embarras du choix'', 2014 - [https://billiebrelok.bandcamp.com/track/12012011-prod-dida En ligne]</ref> : Place de la Nation, du Général de Gaulle, de la République, et tant d'autres. La troisième situation d'apatridie, ou assimilée comme telle, est celle des cas particuliers. Aléas de la vie ou imbroglios administratifs. Le cas le plus connu est celui de Mehran Karimi Nasseri, médiatisé grâce aux films librement inspirés de sa vie : ''Tombés du ciel'' <ref>Philippe Lioret, ''Tombés du ciel'', 1994. Bande-annonce [https://tv.apple.com/fr/movie/tombes-du-ciel/umc.cmc.7ewq6ddnm8q5w4ravn5b0mgnw en ligne]</ref> de Philippe Lioret en 1994 et ''Le Terminal'' <ref>Steven Spielberg, ''Le Terminal'', 2004. Bande-annonce [https://www.youtube.com/watch?v=Edd3cvJpvHs en ligne]</ref> de Steven Spielberg en 2004. Né en 1945 en Iran d'une mère britannique inconnue, rejeté par sa famille paternelle à la mort de son père et indésirable dans le pays, il décide de rejoindre le Royaume-Uni à la recherche de sa génitrice. Après diverses demandes d'asile dans des pays d'Europe dans le courant des années 70, et une reconnaissance d'un statut de réfugié, il se retrouve bloqué en France pour des raisons administratives. Pour régulariser sa situation, il doit récupérer des papiers en Belgique mais il est interdit de sortie de territoire par la France. Il s'installe en 1988 dans le hall de départ du terminal I de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, en banlieue parisienne. Avec de rares affaires, sa vie s'organise autour d'une banquette et des toilettes prévus pour les touristes. "''Homme sans importance collective''", d'après le psychiatre et chef du service des urgences de l'aéroport qui prend soin de lui, il bénéficie de la solidarité quotidienne du personnel et du laissez-faire des autorités de l'aéroport. Il sombre doucement dans la folie. Selon ce médecin, "''Alfred est un réfugié sur orbite, un demandeur d’asile planétaire, disait-il à l’époque. Il vit sur le même disque que nous, mais pas sur le même sillon...''" <ref>"Il avait passé 18 ans à l’aéroport de Roissy : le SDF qui a inspiré Spielberg est décédé", ''Ouest France'', novembre 2022 - [https://www.ouest-france.fr/ile-de-france/roissy-en-france-95700/il-avait-passe-18-ans-a-l-aeroport-de-roissy-le-sdf-qui-a-inspire-spielberg-est-decede-ae977a08-62c2-11ed-971d-47f33cb6a90b En ligne]</ref> Il vit ainsi pendant plus de 10 ans. En 1999, après des démarches administratives faîtes par un avocat, une régularisation de son statut de réfugié et un titre de séjour lui sont proposés. Trop tard. Sa réponse déroute ses soutiens : "''Je refuse de signer ces papiers, ils ne sont pas à mon nom. Je ne suis plus celui que j'ai été. Je m'appelle désormais sir Alfred Mehran et je ne suis pas Iranien.''" Retour volontaire à Roissy et retrouvailles avec la banquette. Écrite avec Andrew Donkin, son autobiographie est publiée en 2004 sous le titre ''The Terminal Man'' <ref>''The Terminal Man'', 2004 - [https://ia800505.us.archive.org/11/items/the-terminal-man-andrew-donkin/The%20Terminal%20Man%20-%20Andrew%20Donkin.pdf En ligne]</ref>. Hospitalisé en 2006 après une intoxication alimentaire, il est hébergé dans un foyer d'accueil à Paris. Il retourne à Roissy en octobre 2022 et se pose dans le terminal II. Il y meurt le 12 novembre 2022. Plusieurs dizaines de milliers d'euros sont retrouvés dans ses affaires, probablement les droits d'auteur pour l'adaptation de Spielberg. Sans descendance à qui donner l'argent et s'occuper de sa dépouille, son corps n'est pas réclamé et reste plus d'un an dans une morgue parisienne. Après une décision de justice, quelques milliers d'euros sont pris sur cet argent pour qu'il ne soit pas mis dans une fosse commune et bénéficie d'une sépulture au cimetière de Mauregard — village dont dépend le terminal 1 de Roissy. Il est enterré le 8 décembre 2023 en présence d'une vingtaine de personnes <ref>"La fantastique histoire de Sir Alfred Mehran qui vécut 18 ans à l'aéroport de Roissy" sur ''France Culture'', mars 2024 - [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/les-pieds-sur-terre-sir-alfred-mehran-l-homme-qui-vivait-a-roissy-1ere-diffusion-11-04-2023-6042998?utm_source=pocket-newtab-fr-fr En ligne]</ref>. Un isolement que résume ainsi le journal ''Libération'' : |
<blockquote>''Il n'intéresse aucune association humanitaire, puisqu'il ne revendique rien.'' <ref>Judith Perrignon, "Exil no exit" dans ''Libération'', juillet 2004</ref><br /></blockquote> | <blockquote>''Il n'intéresse aucune association humanitaire, puisqu'il ne revendique rien.'' <ref>Judith Perrignon, "Exil no exit" dans ''Libération'', juillet 2004</ref><br /></blockquote> | ||
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== Apatriste == | == Apatriste == | ||
− | Dans ''Vie et œuvre de F. Merdjanov'' <ref name="#vie" />, ses biographes ont tenté de répondre à la question de ses origines familiales. Il n'est pas question de Birmanie ou de Palestine mais de Macédoine. "''Que vaut [...] le qualificatif de macédonien appliqué à la famille nihiliste de FM ? [...] En quoi est-elle macédonienne et quel sens cela a-t-il de la considérer telle ?''" La courte notice biographique de [[F. Merdjanov]] précise que sa naissance a lieu à [[Nice]]. En [[1970]]. Mais cela ne dit rien de sa nationalité. Française ou macédonienne ? Dans l'hypothèse où ses ancêtres ont bénéficié du passeport Nansen, comme nombre d'hominines fuyant l'empire ottoman, il se peut que F. Merdjanov soit apatride. Une explication sérieuse à son absence des registres officiels en France et en Macédoine. | + | Dans ''Vie et œuvre de F. Merdjanov'' <ref name="#vie" />, ses biographes ont tenté de répondre à la question de ses origines familiales. Il n'est pas question de Birmanie ou de Palestine mais de Macédoine. "''Que vaut [...] le qualificatif de macédonien appliqué à la famille nihiliste de FM ? [...] En quoi est-elle macédonienne et quel sens cela a-t-il de la considérer telle ?''" La courte notice biographique de [[F. Merdjanov]] précise que sa naissance a lieu à [[Nice]]. En [[1970]]. Mais cela ne dit rien de sa nationalité. Française ou macédonienne yougoslave ? Dans l'hypothèse où ses ancêtres ont bénéficié du passeport Nansen, comme nombre d'hominines fuyant l'empire ottoman, il se peut que F. Merdjanov soit apatride. Une explication sérieuse à son absence des registres officiels en France et en Macédoine. |
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Version actuelle datée du 7 janvier 2025 à 10:01
Apatridie (бездржавјанство en macédonien - apatridia en nissard) Syndrome social intergénérationnel.
SommaireÉtymologieApatridie fait partie des plusieurs centaines de mots de la langue française qui se composent avec le préfixe privatif a-. Par exemple agélaste, apathée ou annihiler. Ou encore anarchie. L'apatridie est ainsi l'état de privation de patridie, de son absence. Comme l'anarchie est l'absence de pouvoir. L'étymon se rattache au grec antique πατρίς (patris) qui signifie patrie et est issu de πατήρ (pater) dans le sens de père. Ce dernier est à comprendre dans le sens de géniteur biologique et induit une idée de lignée entre pères et futurs pères. La patrie désigne les liens qui unissent les géniteurs à leur descendance. Les hominines [1] sont κακόπατρις [2] ou εὔπατρις [3], d'une kakopatrie ou d'une eupatrie. D'un mauvais ou d'un bon père. De la merde ou de la noblesse. La société grecque est profondément misogyne et n'accorde pas d'importance sociale au rôle incontournable de la génitrice dans le processus reproductif chez les hominines, une espèce pourtant bisexuée. La matrie n'a pas de sens lorsque les hominines femelles ne sont pas reconnues comme les égales des mâles. Ce qui relie au père est public et politique alors que ce qui renvoie à la mère est du domaine privé et domestique. Cette filiation patrilinéaire minimise le fait que les hominines mâles sont le maillon faible des généalogies : Il n'y a que l'identité de la génitrice qui est une donnée absolument irréfutable. Sous l'empire romain, le patriciat est l'opposé de la plèbe. Les patriciens et les patriciennes sont, selon le dictionnaire de l'Académie française, membres par leur naissance de "la classe sociale la plus élevée, à laquelle étaient réservées toutes les magistratures." [4] D'après l'historien Fustel de Coulanges, dans son ouvrage La cité antique de 1864, "le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, terra patria, gé patris. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée [5] et ses héros, avec son enceinte sacrée et son territoire marqué par la religion." [6] La langue française utilise la racine pater pour constituer plusieurs mots. Par exemple, patrial ou patriel [7] est un adjectif pour qualifier ce qui est paternel, un patrocine [8] est celui qui "prend sous son aile", "qui aide", tout comme un patron est celui qui protège. Ce dernier sens se retrouve dans l'expression "Saint Patron" qui désigne un protecteur local. Étrangement, le féminin patronne émerge progressivement et n'est pas le pendant masculin de matrone [9]. L'adjectif patriot signifie "du pays des pères" et le nom patriote désigne l'hominine qui partage un même pays, l'équivalent du moderne compatriote. Les déformations de la racine pater donnent lieu à de nouveaux mots. Le patrin, celui qui fait office de père de substitution, devient parrain. Le lien entre les deux formes se retrouve dans le sens commun de patronage et parrainage, et il n'est pas d'usage de dire patricide mais plutôt parricide. Le patrois qui nomme le village ou une petite localité mute en patois [10] et désigne les pratiques langagières locales. La racine a donné de très nombreux termes encore en usage dans la langue française du XXIème siècle, dont patrimoine, patronyme, paternaliste, paternité, patriarcat, patronat et aussi parricide. Pour n'en citer que quelques uns. À noter que patronicide, avec le sens de "tuer un patron", n'a pas émergé dans les pratiques linguistiques alors même que c'est un acte récurrent au cours de l'histoire des hominines. Jusqu'au XVIème siècle après JCⒸ [11], une patrie est simplement le lieu de naissance de ses ancêtres et le pays dérive simplement du latin pagus qui désigne la plus petite unité de vie d'un groupe d'hominines. Une racine que l'on retrouve dans paganisme et peut-être aussi dans compagne. Idem dans pégouse [12] qui signifie "paysan" et "paysanne". Dans un univers linguistique parallèle, le patois aurait pu être le paysois ou le pagois. Selon l'article "Patrie" dans l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure, "le mot ne dépassait pas un cercle restreint de lettrés. Il ne fit son chemin que peu à peu et, dans la seconde moitié du XVIème siècle seulement, il devint d’un usage courant, concurremment à pays. Il ne représentait cependant rien de précis. On n’entendait par là ni la France "unifiée" — ce qui est un vain mot — ni l’acceptation tacite par tous les Français de vivre sous le même prince — ce qui n’a jamais été." [13] Pour appuyer sa démonstration, il cite le poète Charles Fontaine qui rejette ce néologisme et affirme : "Qui a païs, n’a que faire de patrie". Entre le courant du XVIème et la fin du XVIIIème siècles, le terme patrie se charge d'une dimension symbolique forte et devient "la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères." Les exemples choisies pour la première édition du dictionnaire de l'Académie française, en 1694, sont éloquents : "La France eʃt noʃtre Patrie. l’amour de la patrie. pour le bien de la patrie. pour le ʃervice de ʃa patrie. ʃervir ʃa patrie. deffendre ʃa patrie. mourir pour ʃa patrie. le devoir envers la patrie, eʃt un des premiers devoirs." [14] L'emploi de la majuscule et le sacrifice de soi sont préconisés dans certains cas. Tous les ingrédients nauséabonds d'une histoire d'amour sont réunis. Construction linguistique originale et ironique, le concept de Mère Patrie émerge et la Révolution française de 1789 exalte cette Patrie dont elle fait le ciment de la République, en remplacement de la personne du Roi qui incarne jusqu'alors la nation et l’État. L'émergence des nationalismes dans l'Europe du XIXème et la création d'identités nationales vont définitivement transformer le sens de patrie et se l'accaparer. Au début du siècle suivant, Victor du Bled peut affirmer que "il existe une différence entre patrie et nation, mais l’une semble bien la substance de l’autre, elles s’enveloppent réciproquement. Au fond, il est peut-être un peu vain d’établir des distinctions subtiles entre ces maîtres mots qui, dans l’esprit de la grande majorité, représentent la même idée." [15] Dans une formule qui déclenche l'hilarité chez les personnes les plus sensibles, il ajoute "l’État, c’est la prose ; la patrie, c’est la poésie de la nation" ! Quoiqu'en pense ce blédard de Victor, l'ensemble des hominines de son époque ne partagent pas son enthousiasme. En parallèle de la montée en puissance de l'idée de patrie, avec une majuscule, les critiques se font de plus en plus mordantes. En 1898, sous le pseudonyme d'Alexandra Myrial, Alexandra David-Néel publie Pour la vie, un recueil de textes anarchistes individualistes :
Au sens premier de patrie, il ne peut exister d'hominines apatrides car il faut bien naître quelque part. D'un père. Et d'une mère. Ou tout du moins de la rencontre entre spermatozoïde et ovule. Avec le glissement qui en fait, selon Victorio Del Pegouzo, un équivalent de "nation, État, peuple", l'apatridie s'applique dorénavant "à toute personne qu’aucun État ne considère comme sa ressortissante par application de sa législation". Pour celleux qui savent néanmoins que l'Apatridie est un pays lointain et veulent que les apatrides y retournent, le Guide du Rien écrit en 1922 leur offre un petit tour d'horizon, sans avoir à se déplacer aussi loin :
Diagnostics apatriensLa lettre a en début de mot n'est pas systématiquement un préfixe privatif. Les gentilés et les noms des pays n'échappent pas à cette règle. En effet, l'Arménie, l'Afghanistan et l'Albanie ne sont, par exemple, pas les contrées des hominines en privation de Rménie, de Fghanistan et de Lbanie. Ce diagnostic peut s'étendre à la plupart des pays, régions et autres subdivisions du monde par les hominines. Les Amériques, l'Asie, l'Argentine, l'Azerbaïdjan ou encore l'Arabie saoudite ont des étymologies qui n'ont rien à voir avec le a- privatif de apatride. Idem pour les départements français d'Ariège ou des Alpes-Maritimes : Les hominines de ses régions ne sont pas plus en manque de Riège et de Lpes-maritimes que d'autres. Dans la langue française "normalisée", ce préfixe n'est pas le seul à être utilisé avec patrie. Il existe aussi des verbes composés avec ex-, ra- et de- pour former expatrier, rapatrier et dépatrier [18], et leurs dérivés. Les trois induisent un déplacement. Le premier exprime le mouvement d'un endroit vers un autre, le deuxième un mouvement de retour et le troisième décrit le mouvement qu'est une déchirure entre deux choses. Ils s'emploient aux formes actives et passives. Il est possible de s'expatrier soi-même ou d'expatrier une personne, de se rapatrier ou de se faire rapatrier, tout comme sont possibles le fait de dépatrier ou de se faire dépatrier. Selon qui les utilise, ces termes peuvent avoir des synonymes dépréciateurs. Un État parle d'expatriation pour désigner l'installation de "ses" hominines dans un autre État, mais qualifie un mouvement de population vers lui de migration. Lorsque des hominines fuient une situation et retournent d'où illes viennent, ce mouvement de rapatriement est classiquement désigné par expulsion ou exfiltration, selon qui parle. Pour dépatrier, il est synonyme de négation profonde ou de libération totale. Dans le doute, l'apatriste Bérurier Noir inclut les deux dans sa longue liste de salutations : "Salut à tous les Hommes libres. Salut à tous les apatrides" [19] Bref, celleux qui réclament de se faire dépatrier et celleux qui subissent un dépatriement, une dépatriation, une dépatrissade, une dépatrissure, etc. Plusieurs néologismes peuvent être utilisés. En ce premier quart de XXIème siècle, les estimations du nombre d'apatrides varient de quelques millions à environ 10 millions d'hominines à travers le monde. Cette situation d'apatridie est la conséquence de guerres directes entre pays, d'occupation coloniale de régions ou de situations post-coloniales, de changements de frontières ou d'échanges de territoires, de politiques discriminatoires ou de dysfonctionnements administratifs, ou de cas particuliers. L'apatridie est collective ou individuelle. Dans l'impossibilité de lister l'ensemble des cas et situations tant ils sont nombreux, cet article se contente de quelques exemples significatifs. Apatri-UnLa dislocation progressive de plusieurs empires et la multiplication des États-nations au début du XXème siècle entraînent des vagues d'apatridie. Des dizaines de milliers d'hominines se retrouvent sans aucune reconnaissance légale de la part des États existants. La Russie tsariste et l'empire ottoman implosent. Depuis le prise de pouvoir des bolchevistes et le renversement de la dynastie russe en 1917, la Russie est en guerre civile [20]. Jusqu'en 1921, l'armée rouge des bolchevistes s'affronte aux armées pro-tsaristes, à l'insurrection paysanne anarchiste dans le sud (en Ukraine) [21] et à de multiples armées nationalistes de régions qui aspirent à l'indépendance. Après leur victoire, les bolchevistes transforment en 1922 la Russie impériale en une Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), abrégé par Union soviétique. Par décret de décembre 1921, des milliers d'hominines faisant partie de ces oppositions politiques et militaires ne reçoivent pas automatiquement cette nouvelle nationalité. Illes sont ce que les nouveaux maîtres appellent des "éléments contre-révolutionnaires". Illes doivent quitter le pays sans se faire tuer, ni finir dans un camp d'internement sibérien — ce qui n'est pas une évidence — et les autres, déjà en exil à l'étranger, ne peuvent plus retourner dans cette ex-Russie impériale. L'apatridie est leur nouvelle situation. La Société des Nations (SDN) est créé au lendemain de la première guerre dite mondiale. En 1919, elle regroupe 45 pays, dont 26 non-européens, qui prétendent ainsi éviter de futurs conflits et guerres. Une commission de la SDN instaure en 1922 un passeport pour ces apatrides. Il est nommé Passeport Nansen, du nom du diplomate norvégien qui en est à l'origine. Il peut être obtenu après une demande étudiée par des fonctionnaires de la SDN. En cas d'accord, le passeport Nansen est délivré pour une première période de deux ans, puis, renouvelable à vie. Pour celleux qui en ont les moyens, il permet de voyager. Selon l'écrivain russe apatride Vladimir Nabokov, "son titulaire valait à peine mieux qu'un criminel libéré sur parole et devait passer par d'odieuses épreuves chaque fois qu'il voulait voyager d'un pays dans l'autre, et plus les pays étaient petits, plus ils étaient tatillons. Quelque part dans le fin fond de leurs glandes, les autorités sécrétaient cette notion que peu importait à quel point un État – disons la Russie soviétique – pouvait être mauvais, toute personne ayant fui cet État était intrinsèquement méprisable du fait qu'elle s'était soustraite à toute administration nationale : et par conséquent, on marquait à son endroit la désapprobation absurde avec laquelle certains milieux religieux regardent un enfant né hors mariage." [22] Ce sont ces circonstances d'apatrides soviétiques qui mènent Nestor Makhno [21], Alexander Shapiro [23] et Hanka Grothendieck [24] en France. Anarchistes, les deux premiers sont russes et elle allemande. Grace à Makhno, l'entreprise de construction automobile Renault de Boulogne-Billancourt, en région parisienne, augmente son taux d'embauche de tuberculeux. Il en profite pour co-écrire la Plate-forme organisationnelle de l’union générale des anarchistes (projet) [25] et mourir en 1934 dans un hôpital parisien. Et les deux autres enfantent d'Alexandre Grothendieck [26], le plus célèbre des mathématiciens du département français d'Ariège. Héritier de l'apatridie parentale, Alexandre Grothendieck publie dans la décennie 1970 Esquisse d'un Programme, qui n'en est pas un, puis dans le début de la décennie suivante Récoltes et Semailles [27], sa non-autobiographie. Dans le documentaire La plateforme II, sorti en 2024, Zamiatin est le fils spirituel de Nestor Makhno et Alexandre Grothendieck :
Affaibli par les guerres balkaniques [29] et la première guerre dite mondiale, l'empire ottoman continue de se fissurer. Que ce soit dans ses provinces d'Europe, d'Afrique ou d'Asie, la contestation gronde, bien souvent soutenue par les autres États européens. Le nationalisme ottoman ne parvient pas à s'imposer face aux nationalismes "ethniques" qui fragmentent l'empire. Il est progressivement remplacé par un nationalisme turco-mahométien. Dans ces circonstances, toutes autres revendications culturelles, linguistiques et religieuses sont considérées ennemies. Les populations christiennes arméniennes et assyriennes [30] payent le prix fort de ces antagonismes politiques. Expulsées, massacrées, humiliées, elles sont contraintes de fuir pour ne pas mourir. Pour les survivantes les décennies suivantes sont faîtes d'errance et d'exil dans les pays limitrophes. D'autres partent en Europe ou dans les Amériques. Plus d'un million de personnes des communautés arméniennes, soit environ 70% de la population arménienne anatolienne, meurent d'assassinats et de massacres, de misère et de faim sur les routes. Entre 50% et 75% du million d'hominines des communautés assyriennes subissent le même sort. Mâles, femelles et rejetons. Ces deux massacres et déportations de masse de populations christiennes d'Anatolie sont considérés comme le second génocide du XXème siècle, qui ne fait que commencer. En 1922, sur les cendres de l'empire ottoman, la Turquie moderne est proclamée. Au total, 26 pays émergent avec l'effondrement ottoman. Le Traité de Lausanne de 1923, signé entre les puissances européennes et l'empire ottoman, abandonne l'idée d'une Arménie et d'un Kurdistan indépendants. Les promesses faîtes aux populations assyriennes ne tiennent plus. Afin de normaliser leurs relations et d'homogénéiser leurs territoires, des échanges de populations sont organisés entre la Turquie, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et la Yougoslavie. Selon que leurs croyances sont christiennes ou mahométiennes. Presque un million et demi de grécophones micrasiates [31] doivent quitter l'Anatolie pour la Grèce et plus de 500000 hominines de croyances mahométiennes d'Europe doivent rejoindre la Turquie. Les critères ethnolinguistiques sont appliqués sans aucune finesse. Plusieurs populations minoritaires se retrouvent déportées dans des pays dont elles ne parlent pas la langue, ou dont les seuls liens sont linguistiques mais pas culturels. Sont cataloguées grecques toutes les populations christiennes quelle que soit leurs langues et turques toutes les mahométiennes, de langue turque ou non. Les populations arméniennes et assyriennes ne peuvent "bénéficier" de ses déportations car aucun pays ne les réclament. L'Arménie soviétique est balbutiante et l'Assyrie autonome n'est même plus un projet. Des passeports Nansen sont attribués à partir de 1924 à des hominines de ces deux communautés pourchassées et orphelines d’État. Beaucoup arrivent en France. Ainsi, le jeune Charles Aznavourian, né en France de parents apatrides, apprend à jouer aux échecs avec Missak Manouchian [32], lui-même apatride. "Le football c'est comme les échecs mais sans les dés" est abusivement prêté à Charles Aznavour par une petite encyclopédie de rien mais des recherches rapides sur le réseau internet permettent de montrer que ce n'est pas le cas [33] : Il semble que les échecs se jouent sans dé. Missak Manouchian est fusillé fin 1943 pour sa participation active à la résistance communiste contre les hitléristes et le petit Charles deviendra un chanteur populaire français qui déclare en 2013 qu'il faut, en matière d'immigration, faire le tri entre les gens utiles et les autres [34]. "Non, je n'ai rien oublié" n'est pas sa devise politique mais le titre d'une de ses célèbres chansons d'amour. Entre sa création en 1922 et sa disparition en 1945, le passeport spécial apatride est attribué à 450000 hominines. Ce ne sont évidemment pas les premiers cas d'apatridie, mais ce passeport est la première reconnaissance internationale et tentative commune de gérer le sort des populations victimes de la géopolitique. Le terme même d'apatride fait son apparition dans la langue française dans le premier quart du XXème siècle. Le Larousse du XXe siècle en six volumes de 1928 ne le recense pas encore et le dictionnaire de l'Académie française ne le mentionne pas dans sa huitième édition de 1935. Il faut attendre la neuvième (non encore publiée) pour qu'il apparaisse et le Larousse du XXe siècle le liste dans son supplément, le volume 7 de 1953. Le volume trois de ce Larousse, daté de 1930, liste heimatlos un terme germanique composé de heimat signifiant "patrie" ou "pays natal" et du suffixe privatif los [35]. Il mentionne aussi heimatlosat, le synonyme d'apatridie. Au siècle précédent, les hominines sans attache nationale, régionale ou communale sont des heimatlos. Le terme est utilisé en France et en Suisse. Il a le sens d'apatride et aussi celui de "sans domicile fixe", de "sans abri". Selon le contexte, il qualifie autant les apatrides que les mendiants, les populations non sédentaires et différentes communautés marginales. D'après le Dictionnaire historique de la Suisse, "à l'origine du statut de heimatlos, il y avait les lois et les pratiques juridiques, mais aussi diverses normes pénales. La réglementation confessionnelle, notamment, priva les convertis de leurs droits d'origine jusqu'au début du XIXe s. De plus, de nombreuses communes refusaient de reconnaître leurs ressortissants pauvres si, errants ou travailleurs itinérants, ils avaient été longtemps absents." [36] Cousine proche de la France, en Suisse "l'attitude des autorités et des sédentaires envers les heimatlos et les errants alterna entre oppression et assistance, exclusion et intégration forcée ou assimilation." Pour les allergiques à la patrie, heimatlos n'est pas péjoratif. Selon l'écrivain et futur académicien Jean Guéhenno, "un intellectuel est une sorte d'heimatlos, et c'est n'avoir plus de patrie que d'avoir sa patrie au ciel des idées." [37] Profondément marqué par la première guerre dite mondiale où le patriotisme exacerbé des pays européens a mis le continent à feu et à sang, il professe dès lors une approche pacifiste et livre son bilan au bord de l'amer :
Apatri-DeuxHeimatlos et autres apatrides ont mauvaise réputation. Au mieux. Au pire, illes sont responsables de tous les maux de la planète. Dans une bouche à l'haleine fétide, l'apatride est toujours à regarder avec méfiance. "Et s'ille était juif ?" [39] se demandent les adeptes des jeux de maux. Alors que les plus réactionnaires savent très bien que "ille doit être manouche !" [40] Le vendeur de sac à vomi le dit. Celleux qui ne se prononcent pas pensent que ce sont un peu les mêmes. Difficile de les différencier. Utiliser apatride en insulte c'est faire la démonstration savante que, pour des élucubrations racistes, finalement les "juifs sont des manouches qui ont réussi" ou que "les manouches sont des juifs à caravane". Bref, qu'il y a toutes les raisons de leur faire porter la responsabilité de tous les malheurs du monde. Passés, présents et futurs. L'insulte apatride a son heure de gloire lors de la dernière en date des grandes vagues de persécutions à l'encontre des populations moïsiennes. Les hitléristes et leurs homologues en raffolaient. Le procédé est simple. Il suffit de priver, administrativement, historiquement et politiquement, une personne ou un groupe d'hominines d'affiliation à une quelconque patrie afin de pouvoir leur reprocher d'être apatrides. L'idée que l'apatridie soit une condition peu enviable, une malédiction, se retrouve dans l'imaginaire moïsien. L'errance et l'exil sont des symboles très présents dans la mythologie moïsienne. Les plus philosophes y voient une preuve [De quoi ?] et les plus extrémistes s'inventent des raisons de les détester et détournent à leur profit le célèbre slogan végétarien : "Myth is murder" [41]. Pour les "gens du voyages", les nomades, les tziganes et autres gitaneries, le refus de la sédentarisation n'est pas une affirmation apatride mais un mode de vie à défendre. Que ce soit pour les populations moïsiennes ou les pseudo-apatrides de tous poils, l'accusation d'apatridie est simplement une stigmatisation. Personne ne cherche à s'affirmer fièrement apatride, mais dans une bouche accusatrice, ceci n'est que du simple déni. Mais au-delà de ces fantasmagories nauséabondes, il existe réellement des populations considérées apatrides. Ou plus précisément, mise en état d'apatridie. Après la seconde guerre dite mondiale, avec ses millions de morts, de populations massacrées et de personnes déplacées, la Société des Nations est remplacée par l'Organisation des Nations Unies (ONU). Chargée du maintien de la paix et de la gestion des crises humanitaires, comme sa prédécesseure, elle est composée des États-nations responsables des crises mondiales, des guerres et des massacres de populations à travers le monde. Le nombre de morts dues à des organisations non-étatiques est, sans commune mesure, bien moins élevé que celui causé par des armées nationales ou des organisations para-étatiques. Dans les années 1950 la décolonisation s'enclenche. La plupart des pays colonisateurs se retirent de leurs territoires annexés au cours des siècles précédents. Les frontières sont une nouvelle fois redessinées et des populations d'hominines sont déplacées afin de faire correspondre les cartographies abstraites à la réalité. La partition des Indes britanniques sur des critères religieux — l'indépendance de l'Inde et du Pakistan en 1947 — entraîne le déplacement forcé de plus de 12 millions de personnes, mâles, femelles et enfants. Les morts sont nombreuses sur ces routes de l'exil et les violences sont aggravées lorsqu'il s'agit de femelles [42]. Environ le même nombre que les populations allemandes contraintes de fuir les différents pays d'Europe après la chute de l'Allemagne hitlériste. Mais les chiffres ne sont pas précis. Peu importe, il donne une idée de l'ampleur de ses déplacements de populations. Malgré les difficultés, l'Inde et le Pakistan tentent de gérer ces flux et d'intégrer "au mieux" ces hominines. Idem pour l'Allemagne post-hitlériste. L'apatridie est éphémère. Les guerres anti-coloniales débouchent sur des redécoupages de territoires et sur la passation de pouvoir entre les autorités coloniales et les nouvelles élites politiques autochtones. Officiellement, le processus de décolonisation se termine dans les années 1970-1980. Les situations politiques sont complexes. Par nature inventées, les frontières sont contestées entre les ex-puissances coloniales et les nouveaux pays indépendants mais aussi entre ces derniers. Si les frontières sont une abstraction, leurs incidences sur les populations sont bien réelles. Les premières concernées le savent très bien. Elles sont rarement l'enjeu de conflits entre pays mais elles sont soit des prétextes à des visées territoriales, soit des obstacles pour des politiques expansionnistes. L'accès aux ressources naturelles ou à des voies commerciales sont bien plus moteur des conflits que le sort des populations mêmes. Le monde est dorénavant post-colonial. "Fini le temps béni des colonies" comme se désole feu Michel Sardou [43], lorsque les populations colonisées souffraient des violences militaires et policières métropolitaines, étaient exploitées par une classe dirigeante étrangère. Place aux violences militaires et policières autochtones et à l'exploitation par une classe dirigeante locale. "Indépendance cha cha" chantonne gaiement Grand Kallé avec son groupe African Jazz [44]. Depuis 1945, le nombre de pays internationalement et réciproquement reconnus est passé de 88 en 1955, à 156 en 1975 jusqu'à atteindre 197 en 2012. Ces chiffres n'incluent pas les territoires auto-proclamés dont la reconnaissance officielle n'est pas internationale. La Pridniestrie, le Somaliland, le Haut-Karabagh ou l'Abkhazie par exemple. Afin de répondre au mieux à ces nouvelles complexités géopolitiques et d'œuvrer à une meilleure prise en compte des hominines qui ne savent pas compter, la protivophilie invente en 2017 le jeu pédagogique intersectionnel 1312 raisons d'en finir avec [...] Il est adapté à tous les âges et toutes les nationalités. Que que soit son raphé ou la longueur de ses bras. Simple à comprendre. Pour une première prise en main, il suffit de tester avec des [...] déjà connus pour être des [...] qui correspondent. La France ou la Macédoine par exemple.
De cette situation géopolitique actuelle où des millions d'hominines sont apatrides, les cas les plus emblématiques sont ceux des populations de l'ancienne Palestine mandataire britannique et de l'ex-empire des Indes britanniques. Le premier s'inscrit dans le processus qui aboutit à la proclamation de l'indépendance d'Israël en 1948 sur une partie de cette Palestine britannique et le second résulte des migrations internes de populations mahométiennes dans des régions, hier sous la même autorité coloniale, aujourd'hui appartenant à deux États différents, la Birmanie (Myanmar) et le Bangladesh. Dans les régions et les pays à dominante christienne ou mahométienne, le sort des populations moïsiennes ne fut pas un long fleuve tranquille. Les nouvelles mythologies regardent avec méfiance ce qui les a précédé. L'histoire européenne et méditerranéenne de ces populations est une alternance d'expulsions et de calme, de violences et d'indifférence, de discrimination et d'intégration. Elles sont un exutoire récurrent et des formes de racisme spécifique à leur encontre se sont élaborées au fil des siècles. Elles sont généralement appelées "antisémitisme" ou antimoïsianisme dans l'univers protivophile. Il est souvent porté par des hominines qui accusent les populations moïsiennes d'être tout simplement trop rancunières d'être détestées sans raisons valables. Si l'on s'en tient seulement à son étymologie, même le terme antisémitisme est d'essence antisémite [46]. Au cours des siècles, le monde christien rivalise d'innovation pour trouver de nouvelles façons de faire vivre cet antimoïsianisme. Les plus gros massacres sont commis au nom de Jésus aka ChristⒸ, cet ancien moïsien dont les disciples ont depuis longtemps perdu la raison. Au XIXème siècle, plusieurs millions d'hominines en Europe et sur le pourtour méditerranéen se réclament des mythologies moïsiennes et des pratiques religieuses qui en découlent. L'Europe centrale et orientale est la région d'Europe ayant le plus grand nombre de ces hominines. Les cultures moïsiennes sont une mosaïque de langues [47] et d'histoires. Lors des regains de tensions, des hominines font parfois le choix de fuir pour se réfugier ailleurs. La plupart restent. Beaucoup partent pour les Amériques, d'autres vers la Palestine britannique. Parmi les avenirs qui se décident, une poignée a dans l'idée de fonder un État qui regroupe les moïsiens, mâles et femelles, qui le veulent. En Palestine de préférence [48]. Le sionisme est né. L'hostilité ambiante est une motivation sérieuse. Le summum des persécutions en Europe est la première moitié du XXème siècle, lors de sa période hitlériste. Les populations moïsiennes sont méthodiquement décimées, déportées, expulsées, traquées, etc. Summum n'est pas le nom hébreu d'une "fête juive". Des millions disparaissent. Une partie de celleux qui ont survécu s'installent en Palestine. Les autres retournent dans les pays dont illes sont originaires ou migrent vers les Amériques. Cela inquiète les plus revêches car si "naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochus. Maintenant [...] c'est pas évident de reconnaître du premier coup d'œil un petit enfant juif d'un petit enfant antisémite." [49] Paradoxalement, l'idée que les populations moïsiennes se regroupent toutes au même endroit est un projet qui enchante autant les antimoïsianistes que celleux qui veulent les en défendre. Depuis la fin du XIXème siècle où les premiers petits groupes moïsiens s'installent en Palestine ottomane jusqu'aux lendemains de la seconde guerre dite mondiale où le flux migratoire vers la Palestine britannique est à son comble, les populations moïsiennes arrivent dans une région habitée par d'autres. La plupart sont arabophones de croyances mahométiennes ou christiennes. Quelques unes de ces populations autochtones sont moïsiennes et ne voient pas d'un œil favorable la venue de celleux qui se déclarent être leurs homologues : Leurs langues, leurs histoires et leurs cultures différent. Comme c'est la règle dans le processus de colonisation, les autochtones n'ont que peu de valeur. Dans cette région de la Méditerranée orientale, après l'éclatement de l'empire ottoman, la France et le Royaume-Uni britannique obtiennent des mandats internationaux de la Société des Nations (SDN) sur les territoires. Dans une recette mêlant divisions communautaires ottomanes basées sur la religion et la langue, avec une bonne dose de nationalisme à la mode européenne, et un grossier saupoudrage de leurs propres intérêts, les aspirations des puissances européennes sont une macédoine d’États-nations sur des critères "ethniques, linguistiques et religieux". La fin du mandat français engendre la création des États actuels du Liban en 1943 et de la Syrie en 1946, deux républiques fondées sur des équilibres de pouvoirs politiques et économiques entre différentes "minorités" religieuses christiennes et mahométiennes, la plupart arabophones. Dans la réalité — évidemment — il n'y a aucune "communauté" au pouvoir mais la monopolisation du pouvoir par des hominines qui disent les représenter ! Pour rappel, voir le jeu 1312 raisons d'en finir avec [...] cité ci-dessus. La fin du mandat britannique abouti à l'indépendance d'une monarchie, la Jordanie en 1946, à l'est du fleuve Jourdain. Ce qui demeure sous domination britannique, à l'ouest du Jourdain, représente moins de 25% de la Palestine ottomane. En effet, en septembre 1922, la Société des Nations (SDN) a entériné la scission de la Palestine entre Transjordanie et le reste qui prend le nom de Palestine mandataire. Si la Jordanie est appelée Transjordanie, cette miette palestinienne est au sens strict la Cisjordanie — l'autre rive du Jourdain. L'Organisation des Nations Unies (ONU) vote un plan de partage en 1947 [50] des vestiges de la Palestine mandataire en trois entités : un "État juif" sur 56% du territoire, un "État arabe" sur 42%, et la ville d'Al Qods/Jérusalem et sa banlieue (2%) est placée sous contrôle international. Chaque État est divisé en trois régions, reliées entre elles en un point. Le futur État arabe palestinien comprend, du sud au nord, la bande côtière d'Ashkelon à la frontière égyptienne, centrée sur Gaza, ainsi qu'une bande dans le désert du Néguev le long de la frontière égyptienne, une Cisjordanie de Jénine à Hébron, et l'ouest de la Galilée autour des villes d'Acre et Nazareth. Ces fragmentations post-ottomanes ne sont pas du goût du nationalisme arabe proche-oriental qui aspire à un État unique regroupant Syrie, Liban, Transjordanie (Jordanie) et Cisjordanie (Palestine). Depuis l'émiettement de la région après la chute de l'empire ottoman et le redécoupage par les puissances mandataires, les populations cisjordaniennes contestent la présence britannique, les clivages franco-britanniques qui redéfinissent les frontières régionales et les ambitions des États-nations en devenir. Les britanniques s'opposent aux revendications sociales et politiques des arabophones du Levant, la présence française empêche un rapprochement avec les républiques libanaise et syrienne — nées respectivement en 1926 et 1930 — et l'émirat de Transjordanie — né en 1921 — a des vues sur la Cisjordanie. Les plus grandes révoltes autochtones contre les britanniques sont entre 1936 et 1939. Elles critiquent l'absence de projet clair d'indépendance et l'implantation toujours plus importante de communautés moïsiennes sur le territoire. La vente de terres à des sionistes par des autochtones de Cisjordanie est considérée comme une trahison et les sionistes sont directement la cible de violences. Ce petit territoire qu'est la Cisjordanie, fraction de la Palestine, est le lieu de confrontation de deux nationalismes : le sionisme et le palestinisme. L'un se revendique d'un antique royaume hébraïque, en grande partie fantasmé [51], et se justifie par le déferlement haineux antimoïsianistes en Europe, le second réclame pour les territoires cisjordaniens ce que les autres populations arabes ont obtenu et s'appuie sur une identité palestinienne émergente. Alors qu'auparavant les populations de part et d'autre du Jourdain sont définies comme palestiniennes, cette définition évolue et désigne pour le palestinisme les populations n'ayant pas bénéficié de l’indépendance de la Transjordanie, la partie orientale de la Palestine. Cette "cisjordanie virtuelle" devient la nouvelle Palestine. Le plan de partage de novembre 1947 concerne donc cette Palestine réduite. Le projet d’un "État juif" regroupe plus d'un demi million de moïsiens, tout type de raphé confondu, pour un peu plus de 400000 personnes étiquetées "arabes". Le projet d'un "État arabe" regroupe plus de 800000 arabes et 10000 personnes étiquetées moïsiennes. Al Qods/Jérusalem est peuplée de plus de 200000 hominines, dont un peu plus de la moitié est considérée arabe. Dans les faits, environ 2% de la population moïsienne ne se retrouve ni dans l’État juif ni dans la zone internationale hiérosolymite contre plus de 30% de la population arabe qui n'est ni dans l’État arabe ni dans la zone internationale. La superficie octroyée au futur État moïsien est supérieure à celle de l’État arabe mais 40% de son territoire se trouve dans le désert inhabité du Néguev. Si les plus extrémistes des sionistes ne veulent pas se contenter d'une simple portion, et réclament même la Jordanie, la plupart se satisfont de la proposition de partage. Par contre, les palestinistes ne l'entendent pas ainsi. Illes réclament la création d'une Palestine indépendante dont la population serait mixte, moïsienne et arabe. Cette dernière étant christienne et majoritairement mahométienne. À l'exception des sionistes, les palestinistes reconnaissent la présence d'une communauté moïsienne pré-sioniste, le yichouv [52], désignée comme "palestinienne juive" ou "arabe juive". En mai 1948, sur les frontières prévues par le plan de partage, l’État d'Israël est proclamé par les instances politiques sionistes en Palestine. Les pays arabes alentours rejettent cette indépendance et déclarent la guerre. Entre mai 1948 et mars 1949, les armées de Jordanie, d’Égypte, de Syrie et d’Irak, ainsi que l'Armée de libération arabe faite de volontaires, s'affrontent avec les forces armées du nouvel État israélien. La défaite arabe est cuisante. Israël contrôle dorénavant 78% du territoire concerné par le plan de partage de 1947 et occupe la partie occidentale d'Al Qods/Jérusalem. L’Égypte prend le contrôle de la bande de Gaza et la Jordanie s'installe en Cisjordanie et dans la partie orientale d'Al Qods/Jérusalem. L’État arabe de Palestine est mort-né. Les conséquences directes de cette guerre et de l'extension d'Israël est l'exode massif des populations des territoires conquis. L'historiographie palestiniste nomme cet épisode Nakba, la "catastrophe" en arabe. Sur les quelques 900000 hominines arabes se retrouvant de fait dans les nouvelles frontières israéliennes, environ 750000 hominines fuient les combats, ainsi que les expulsions forcées et les destructions de villages par le nouvel État [53]. Illes se réfugient dans les pays arabes voisins et dans les zones conquises par l’Égypte et la Jordanie. Des camps de réfugiés sont installés à la hâte. Pour faire face à cette situation, l'ONU crée en 1949 l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, plus connu sous son acronyme anglophone UNRWA. Dans un premier temps, les hominines pensent que la situation n'est que provisoire et qu'illes vont pouvoir retourner dans leurs villages et régions d'origine, mais la situation d'exil perdure et le "droit au retour" se fait attendre. Les pays arabes qui les accueillent ne leur accordent pas la nationalité et les maintiennent dans un statut bancal de réfugiés qui ne leur garantie pas les mêmes droits que les autochtones et les cantonnent dans des camps. L'asile politique n'est pas accordé. La Jordanie et le Liban font exception en proposant leur nationalité à une partie de ces hominines. Sous certaines conditions. La Jordanie accorde la nationalité à un grand nombre mais une partie est contrainte de rester vivre dans des camps, alors que le Liban octroie sa nationalité de préférence à des hominines de religion christienne ou à des membres de la bourgeoisie exilée, quelque soit leur religion. Une nouvelle guerre en juin 1967 entre les pays arabes de la région et l’État israélien abouti à l'annexion, par ce dernier, de la Cisjordanie et de la partie orientale de la ville d'Al Qods/Jérusalem alors sous domination jordanienne, ainsi que la bande de Gaza, égyptienne depuis 1949 [54]. Environ 300000 hominines fuient vers la Jordanie et s'installent dans des camps déjà présents depuis 1948. Les négociations pour un retour organisé des hominines de 1948 et 1967 n'aboutissent à rien. Israël est très réticent car il craint un déséquilibre démographique en sa défaveur et n'est pas en mesure de dédommager pour toutes les expropriations de terres et les destructions de villages. Les pays arabes qui abritent des camps refusent d'accorder l'asile politique ou d'intégrer définitivement les populations issues de la Nakba de 1948 et de la guerre de 1967. Les raisons ne sont pas identiques pour tous ces pays. Des circonstances de politiques internes, des considérations stratégiques et géopolitiques et des positionnements idéologiques motivent leurs choix de maintenir les populations d'hominines de l'ex-futur État arabe de Palestine en état d'apatridie. Illes sont les célèbres "réfugiés palestiniens" qui, contrairement à ce que laisse penser la formulation genrée de cette expression, sont mâles et femelles. Parfois aussi notée "réfugié·es palestinien·nes". Après des accords signés en 1993, Israël s'est très partiellement retiré des territoires cisjordaniens conquis en 1967. Aujourd'hui, cet État colonial conserve le contrôle militaire et civil sur 60% des Territoires palestiniens, 22% est sous contrôle civil palestinien mais sous contrôle militaire israélien et 18% est totalement contrôlé par les autorités palestiniennes. Décolonisée en 2005, la bande de Gaza est entièrement cernée et la Cisjordanie est émiettée en 165 îlots. Ces deux territoires palestiniens abritent une population d'un peu plus de 5 millions d'hominines. Tous genres confondus. La densité de population est énorme. Les Territoires palestiniens abritent plus de 830 personnes au km2 — environ sept fois plus que la France métropolitaine — ce qui les placent au quatorzième rang mondial. À elle seule, la bande de Gaza a une densité de 6000 personnes au km2 — cinquante fois plus qu'en France métropolitaine — ce qui en fait le quatrième territoire le plus peuplé au monde. Sur les 12 millions de personnes se disant d'origine palestinienne à travers le monde, celleux qui ont fui en 1948 et 1967 et leur descendance représentent, selon les estimations fournies par l'UNWRA, plus de 5 millions de personnes dont 2 millions environ vivent dans 58 camps — 9 en Syrie, 10 en Jordanie, 12 au Liban, 8 dans la bande de Gaza et 12 en Cisjordanie. La plupart sont apatrides. Selon les pessimistes, l'actualité ne présage pas d'une amélioration de leur situation. Pour les optimistes, en réponse à une attaque meurtrière contre des hominines de l’État israélien en octobre 2023, ce dernier s'est décidé à réglé cette "question palestinienne" en tuant plus de 45000 hominines qui, par définition, ne sont plus apatrides. L'UNRWA doit même être interdite par Israël. Une situation que l'apatriologue B. Traven résume ainsi :
La bonne nouvelle lorsque l'on parle de colonisation est qu'elle a une fin, la mauvaise étant qu'elle laisse des traces. Parfois très profondes. Le biais de l'anti-colonialisme en France est qu'il tend souvent à masquer — involontairement ou par chauvinisme — les impacts du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, autre puissance coloniale majeure. Aucune région du monde n'est épargnée par les ambitions coloniales britanniques. Les gestions politiques de leurs empires coloniaux respectifs ne sont pas identiques. Parmi les préoccupations géopolitiques britanniques au cours des XVIII et XIXème siècles figure le contrôle, puis la main-mise, sur les routes commerciales terrestres et maritimes entre l'Europe et l'Asie. Plus précisément entre la Méditerranée orientale et le sous-continent indien, porte vers l'Asie plus lointaine. Pendant un siècle, la Compagnie britannique des Indes orientales règne sur le commerce international entre ces deux régions, avant de passer le flambeau en 1858 [56] aux autorités britanniques qui officialisent l'empire colonial. Même le célèbre prédictologue Karl Marx reste prudent dans son analyse en août 1857 de la situation aux Indes britanniques : "Il est possible que je passe pour un con. Mais dans ce cas, on peut toujours s'en sortir avec un peu de dialectique. Bien entendu, j'ai formulé ma proposition de manière à ce qu'elle soit valable dans les deux cas." [57] Le Raj britannique s'étend sur les actuels Pakistan, Inde, Bangladesh et Birmanie, à l'exception de quelques petits territoires dominés par d'autres puissances coloniales européennes — tels que Pondychery pour la France ou Gao pour le Portugal. Sans être incorporés véritablement dans le Raj britannique, les royaumes himalayens du Bhoutan, du Népal et du Sikkim subissent directement son influence politique et économique. Idem pour l'île de Ceylan (futur Sri Lanka), à la pointe sud du sous-continent indien [58]. Le pouvoir politique colonial s'exerce à deux niveaux : l'un est une gestion territoriale directe et l'autre est un rapport de vassalité d'États princiers vis-à-vis de la royauté britannique. Officiellement, la reine d'Angleterre est impératrice des Indes et elle est représentée sur place par un unique vice-roi dans les territoires directement sous administration coloniale et par un résident dans chaque État vassal. Ils sont désignés par le gouvernement. Au début du XXème siècle, l'empire colonial des Indes est divisé en 8 grandes provinces et 5 autres, plus petites. Dont les îles Andaman et Nicobar. Les plus importants concurrents à la présence britannique dans la région sont, au nord, par delà la chaîne montagneuse de l'Himalaya, l'empire de la dynastie Qing, et à l'est, l'empire de la dynastie Konbaung. L'un est ce qui sera par la suite la Chine contemporaine et l'autre s'étend à cheval sur l'actuelle Birmanie et des régions de l'Inde du nord-est. Fondée dans le milieu du XVIIIème siècle, la dynastie Konbaung prend les rênes d'un empire régional. L’expansionnisme de cet empire vers l'est inquiète sa voisine Qing avec laquelle quatre guerres sont entamées et aboutissent à des accords de paix et des échanges commerciaux. Connu comme troisième empire birman par l'historiographie, ou empire d'Ava [59], il s'étend au détriment de petits royaumes régionaux. À la fin du XVIIIème siècle, il conquiert le royaume de l'Arakan, sur la côte du golfe du Bengale, puis celui de l'Assam au sud-est de l'Himalaya. Ces conquêtes le mettent en contact direct avec les intérêts britanniques. L'empire d'Ava est dorénavant frontalier des territoires de la Compagnie britannique des Indes orientales. Le contrôle du golfe du Bengale est un enjeu stratégique important pour le commerce régional et international. Il est le delta du Gange. Un litige sur la petite île de Shapuree est le prétexte à la première guerre entre les empires de Londres et d'Ava entre 1824 et 1826. Elle se solde par le rattachement de l'Arakan et de l'Assam aux territoires de la Compagnie des Indes orientales. Les deux anciens royaumes sont alors intégrés à la province du Bengale. Une seconde guerre en 1852 aboutit à la perte de toute la zone côtière pour l'empire birman. Après la troisième et dernière guerre entre les deux concurrents en 1885, l'empire d'Ava est définitivement englobé dans la zone d'influence du Raj britannique et la dynastie Konbaung est destituée. L'annonce officielle au Parlement britannique le 1er janvier 1886 est présentée comme un "cadeau de Nouvel-an" à la reine Victoria. Dans les faits, le renforcement de la présence britannique le long de la côte — environ 1500 kilomètres du golfe de Bengale à la péninsule malaise — et dans l'arrière-pays met un frein à l'avancée française dans la péninsule indochinoise [60] et faillit priver le monde entier du futur groupe Indochine. De la même manière que l'empire birman en expansion s'est heurté à des résistances armées lors de sa conquête de l'Arakan et de l'Assam, les nouvelles autorités coloniales britanniques doivent faire face à une forte résistance. La répression est souvent très violente. Les anciennes classes dirigeantes birmanes et les élites émergentes au début du XXème siècle réclament un retrait britannique ou, pour les plus pragmatiques, une "simple" amélioration des droits pour les hominines des territoires conquis. Pour un portrait cinglant de la Birmanie britannique des années 1920, la plume de George Orwell retrace Une histoire birmane [61]. En 1937, la Birmanie coloniale devient un territoire distinct du reste du Raj britannique et dont les frontières incluent l'Arakan. Lors de la seconde guerre dite mondiale, les armées japonaises chassent les britanniques et instaurent un éphémère État de Birmanie entre 1943 et 1945. L'insatisfaction pousse les anticolonialistes à changer de camp. Le Japon est dorénavant l'ennemi et plusieurs organisations politico-militaires se regroupent en une Organisation anti-fasciste (AFO) pour chasser l'empire nippon et s'allier avec les britanniques. Après cette guerre mondialisée et la chute de l'empire du Japon, rompant avec les vagues promesses d'indépendance faîtes aux élites politiques de diverses régions colonisées par l'ex-empire d'Ava, les britanniques s'appuient finalement sur le nationalisme birman. Celui-ci affirme qu'une future Birmanie indépendante doit inclure les anciens royaumes conquis au XVIIIème siècle et perdus au siècle suivant, que les hominines de langue bama [62] — majoritaires en Birmanie britannique et adeptes des mythologies bouddhaïennes [63] — doivent gouverner les populations minoritaires. Il y a ambiguïté avec l'emploi du terme birman (burma en anglais) qui désigne tout à la fois les populations de langue bama et les autres, que celles habitant la Birmanie et qui ne sont pas nécessairement bama. L'utilisation du qualificatif français·e induit les mêmes ambiguïtés, implique les mêmes illusions. Des accords d'autonomie interne sont négociés en 1947 entre les birmano-nationalistes et les élites régionales. Devenue la Ligue anti-fasciste pour la liberté du peuple, l'ancienne AFO négocie avec la puissance coloniale britannique les termes d'une indépendance birmane. La Ligue forme le premier gouvernement lors de l'indépendance le 4 janvier 1948 de l'Union birmane [64]. Fin de la colonisation britannique, continuation du colonialisme birman. La police et l'armée sont maintenant autochtones. Aux lendemains de l'indépendance, la Ligue explose et les amitiés d'hier deviennent inimitiés, et la plupart des provinces entre en rébellion. Depuis 1948 jusqu'à aujourd'hui, la guerre n'a pas cessé en Birmanie. Bien que son père spirituel Léo Malet n'ait "jamais été très flicophile" [65] et que son nom Burma soit directement inspiré du nom anglais de la Birmanie, l'ancien anarchiste devenu détective privé Nestor Burma [66] est muet sur la répression dans ce pays et n'a jamais dit les mots suivants [67] :
Géographiquement, l'Arakan est séparé du reste de la Birmanie par une chaîne montagneuse dont le point culminant est à plus de 3000 mètres. Ce nom dérive très probablement de la ville de Mrauk-U, capitale d'un royaume entre le milieu du XVème et la fin du XVIIIème siècle. La dynastie au pouvoir est vassale du sultan du Bengale et, bien que bouddhaïenne, chaque souverain porte un nom de règne mahométien. Cette bipolarité se retrouve dans la monnaie qui utilise des caractères birmans sur une face et coufiques sur l'autre. Sans qu'il soit possible d'affirmer à quelle époque les mythologies mahométiennes arrivent dans la région, des hominines les professant figurent parmi les rouages politiques du royaume, des commerçants arabes et mahométiens voyagent dans les ports arakanais, et des soldats du sultan bengalais stationnent durablement. Le royaume s'étend au nord, dans l'actuelle région bangladaise de Chittagong, là où le bras principal du delta du Gange rejoint la mer. Du point de vue de la géographie, Arakan et Chittagong sont une même continuité, entre mer et montagne. Prospère, le royaume côtier de Mrauk-U est un nœud commercial important qui attise les convoitises. Le commerce de céréales, d'épices et d'esclaves est florissant. La dynastie Konbaung, à l'est de la chaîne de montagnes, est la principale ennemie. Les volontés expansionnistes de la royauté arakanaise se heurtent à celles de sa voisine orientale. La perte de Chittagong à la fin du XVIIème siècle marque le début du déclin de la dynastie arakanaise et 1785 sa chute. Après un peu plus de quatre décennies dans le giron de la dynastie bama des Konbaung, l'Arakan tombe sous la main-mise britannique. Méfiante vis-à-vis des populations bouddhaïennes assimilées à la dynastie Konbaung, cette nouvelle colonisation s'appuie sur la partie mahométienne de la population afin de consolider sa présence. Comme cela est fait dans le Raj britannique, les populations autochtones sont catégorisées selon des critères ethnolinguistiques et religieux qui relèvent parfois plus de l'imaginaire britannique que de la réalité sociale et politique locale. Les populations mahométiennes de l'Arakan se différencient peu des hominines de la région côtière de Chittagong, leur voisinage du nord, avec qui la religion est commune et dont les pratiques linguistiques sont très proches. Des variations du bengali [68] qui sont intercompréhensibles entre elles. Au cours des siècles précédents, les frontières entre le nord arakanais et Chittagong sont mouvantes et les deux régions furent à maintes reprises sous la même gouvernance politique. Le fleuve Naf qui marque la frontière actuelle entre Birmanie et Bangladesh, entre Raj britannique et empire birman, n'a pas toujours eu cette fonction. Les guerres et les conquêtes territoriales ont contraint les hominines à fuir et se réfugier où illes le pouvaient. Parfois à revenir après la fin des hostilités, parfois non. Cette région de l'est du golfe du Bengale est le point de contact le plus oriental entre les mythologies mahométiennes et bouddhaïennes, entre les langues indo-iraniennes et tibéto-birmanes. Si la côte chittagonienne est majoritairement peuplée de bengalophones de croyances mahométiennes, l'Arakan est majoritairement bouddhaïen et de langues tibéto-birmanes, bama et arakanais par exemple. Pas de mur infranchissable entre Arakan et Chittagong mais une continuité culturelle et religieuse, et un continuum linguistique [69]. Que ce soient entre les populations tibéto-birmanes bouddhaïennes de la région montagneuse de Chittagong et celles de l'arrière-pays arakanais ou entre les mahométiennes bengalophones de la côte nord-est du golfe du Bengale. La colonisation britannique a bouleversé la démographie locale en favorisant l'émigration de populations bengalies mahométiennes et hindouïennes vers les zones agricoles dans la région de Chittagong et le nord de l'Arakan. La riziculture extensive, par exemple, a besoin de main-d'œuvre. Les proximités linguistiques et culturelles permettent aux hominines qui décident de migrer de se fondre plus facilement avec les populations locales. Jusqu'à se confondre. La catégorie de l'administration coloniale "Arakan mahomedans" qui désigne dans un premier temps les populations mahométiennes de l'Arakan glisse vers "Indian race" qui laisse entendre une origine extra-arakanaise. Cette catégorie regroupe autant les hominines venant du Raj britannique que les populations locales. Cette politique migratoire coloniale n'est pas du goût de celleux qui en subissent les conséquences néfastes. En plus des expropriations de terres qui ne cessent d'augmenter, un déséquilibre démographique s'accentue au détriment des populations locales birmanophones. L'Arakan est détaché du Bengale britannique en 1937 pour être intégré à la Birmanie coloniale. De nouveau, une frontière politique entre Chittagong et Arakan. Lors de la seconde guerre dite mondiale, dans la colonie de Birmanie, les soutiens aux armées britanniques se recrutent parmi les hominines mahométiens alors que les indépendantistes de mythologies bouddhaïennes s'allient au Japon par anti-colonialisme. Le processus de décolonisation entamé au sortir de cette guerre n'est pas identique pour l'ensemble du Raj et ses colonies associées. Les élites mahométiennes du nord de l'Arakan birman militent pour s'intégrer dans le projet de division religieuse du Raj entre communautés hindouïennes et mahométiennes, entre Hindoustan et Pakistan. Elles réclament — sans être entendues — de rejoindre la province orientale du futur Pakistan. Lors de son indépendance en 1948, ce dernier est composé de deux entités séparées de plus de 1500 kilomètres. Entre les deux, l'Inde. En 1971, la partie orientale du Pakistan devient indépendante sous le nom de Bangladesh et le Pakistan occidental demeure alors le seul Pakistan. Les remous de la guerre d'indépendance du Bangladesh poussent des dizaines de milliers d'hominines à se réfugier en Birmanie voisine. Essentiellement en Arakan. Ces populations bengalophones traversent la Naf et des camps de réfugiés sont mis en place. Lorsqu'illes ne sont pas tout simplement chassés par l'armée birmane, le retour au calme post-indépendance bangladaise incite ces hominines à revenir au Bangladesh. Si dans un premier temps, l'anti-colonialisme birman est d'inspiration fédérale, regroupant différents groupes ethniques, linguistiques ou religieux, il se tourne ensuite vers une définition essentiellement ethnico-religieuse de la "birmanité". La langue birmane et les mythologies bouddhaïennes deviennent le critère principal de ce nationalisme qui s'appuie sur la politique migratoire britannique au XIXème siècle pour légitimer une indophobie qui assimile les hominines bengalophones et de croyances mahométiennes à des populations étrangères [70]. Sans distinction. Si elles ne le sont pas, elles sont ramenées aux traumatismes coloniaux et à la collaboration d'une partie d'entre elles avec le colonisateur. L'indophobie, qui se définit comme "des sentiments latents de peur, mais aussi de haine vis-à-vis de ces communautés hindoues, sikhes, musulmanes et chrétiennes venues de tout le reste de l’Empire britannique des Indes", est un puissant levier raciste du nationalisme birman [71]. Afin de désamorcer ce racisme, les élites mahométiennes d'Arakan insistent sur l'ancrage historique ancien et valorisent une identité locale "rohingya". Selon Jacques Leider, "depuis les années 1950, les écrivains rohingyas ont vigoureusement minimisé et largement nié les racines bengalies de leurs origines, insistant sur les différences culturelles entre les musulmans du district de Chittagong et eux-mêmes." [72] Ce terme fait débat. Il est attesté à la fin du XVIIIème siècle par un britannique qui dit que des hominines de religion mahométienne se dénomment elleux-mêmes rooinga, littéralement "originaires de l'Arakan", sans pouvoir affirmer qu'il désigne l'ensemble de ces hominines ou une petite partie d'entre elleux [73], et réapparaît seulement dans les années 1930. Dès les années 1960, le gouvernement birman met en place des politiques de birmanisation de l'ensemble du pays. Les non-bamas deviennent persona non grata dans l'armée et les institutions, la langue bama est la seule à être officielle dans l'enseignement et les mythologies bouddhaïennes deviennent religion d’État. Tout ce qui paraît étranger est traqué, même "les courses de chevaux, le golf, le cricket et le football furent bannis par décret" ! [74] Pour lutter contre les activités de groupes armés clandestins se revendiquant rohingya et la présence d'hominines du Bangladesh ayant trouvé refuge en Arakan, à la fin des années 1970 les autorités de Birmanie se lancent dans des opérations militaires qui contraignent environ 200000 hominines à fuir vers le Bangladesh. Beaucoup ne sont pas d'origine bangladaise mais arakanaise. Le Bangladesh bloque leur arrivée et la Birmanie les regroupe dans des camps à la frontière entre les deux pays. Malgré les affirmations birmanes, le Bangladesh ne reconnaît pas que ces populations soient bengalies et donc ne leur accorde pas de statut particulier ou de reconnaissance. Les deux pays se renvoient les flots d'hominines [75]. La politique de birmanisation reconnaît officiellement 135 groupes ethnolinguistiques mais les rohingya n'en font pas partie. Illes sont considérés dans leur ensemble comme originaires de l'actuel Bangladesh et dont l'installation n'est pas antérieure à la colonisation britannique. Vivre depuis parfois des générations sur le sol arakanais n'est pas suffisant pour se voir reconnaître l'égalité avec les autres communautés de Birmanie, alors même que le royaume d'Ava qui fonde la légitimité birmane est présent depuis parfois moins longtemps en terre arakanaise ! Les mythologies nationalistes ne sont jamais à un mensonge ou une approximation prêts. Ainsi, en 1982, lorsque la nationalité birmane ne leur est pas octroyée, la plupart des bengalophones de l'Arakan se retrouvent apatrides [76]. Environ un million de personnes. De fait, leurs enfants à naître le seront aussi. Plus de 260000 de ces apatrides tentent de fuir l'armée birmane vers le Bangladesh en 1991 avant de se faire placer d'office dans des camps de réfugiés à la frontière [77]. La politique birmane consiste à contraindre ces populations apatrides à se regrouper dans l'extrême-nord de l'Arakan et à épurer le reste du territoire de toute présence mahométienne [78]. Il y a tant de restrictions (mariage, travail, limitation des naissances, des déplacements, etc. ) qu'il est parfois préférable de quitter la Birmanie comme en témoigne le ventriloque Médine "Médine" Zaouiche :
Comme c'est souvent le cas en de telles circonstances de discrimination de groupes d'hominines, la persistance d'organisations armées clandestines, qui disent lutter contre cette situation, sont le prétexte majeur des autorités birmanes pour justifier ses politiques répressives à l'encontre de tel ou tel groupe. À cela s'ajoute les argumentaires classiques d'une pensée raciste qui affirme que "les musulmans ont beaucoup d’argent [...]. Ils montrent cet argent pour attirer des jeunes femmes bouddhistes, qui seront très vite forcées de se convertir à l’islam. Leurs enfants seront des musulmans bengalis, ils seront un danger pour notre nation bouddhiste, car ils vont finir par détruire notre race et notre religion" [80], selon un moine, membre charismatique de l'organisation bouddhaïenne raciste Mouvement 969 fondée à la fin des années 1990. Le terme même de rohingya n'est pas utilisé par le discours nationaliste qui lui préfère celui de bengali qui stigmatise d'étrangères les populations concernées. Les violences directes reprennent en 2012 lorsque, à la suite d'un "fait divers" sordide qui sert de prétexte — le viol collectif d'une jeune bouddhaïenne —, des groupes nationalistes birmans attaquent des hominines rohingya et détruisent des maisons. Même la minorité mahométienne de langue birmane [81] subit des violences. L'hostilité grandit encore dans les quelques années qui suivent, des affrontements sporadiques et des violences perdurent. Des dizaines de milliers d'hominines tentent de fuir à l'étranger [82]. Qu'illes soient mâles ou femelles n'impliquent pas les mêmes réalités [83]. Proches ou frontaliers avec la Birmanie, le Bangladesh, l'Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande sont les pays les plus accessibles pour se réfugier. Les tensions montent d'un cran en 2016 avec des opérations de l'armée birmane à la poursuite de rebelles armés. Les morts sont nombreuses parmi la population civile et de nouveau un exode massif. Alors qu'en 2017 illes n'étaient que quelques dizaines de milliers à vivre dans des camps de réfugiés au Bangladesh, en 2019, illes sont environ 750000 — mâles, femelles et enfants. Soit à peu près 75% de ces "rohingya" de l'Arakan[84]. Un chiffre à faire pâlir de jalousie les plus extrémistes des sionistes. En 2024, plus d'un million de rohingya apatrides s'entassent dans un camp bangladais — le plus grand au monde. Sans solution. La situation humanitaire est désastreuse et dépasse les capacités d'accueil de l’État bangladais. À cours de meilleure idée, le gouvernement envisage même l'installation de 100000 rohingya sur une île qui s'est formée en 2006 dans le golfe du Bengale [85]. Le retour en Birmanie ne fait pas rêver. Le racisme à l'encontre des rohingya est toujours aussi présent et de très nombreux villages ont été rayés de la carte. Même la prix Nobel de la Paix, la birmane Aung San Suu Kyi, ne condamne pas directement les violences [86]. Elle se fait gronder par deux autres Prix Nobel de la Paix. Dans ces circonstances, des hominines préfèrent fuir et survivre hors des camps de réfugiés afin de ne pas être rapatrier de force. Pour celleux qui veulent passer de bonnes vacances dans cette région de l'Apatridie, il n'y a pas de Guide du Routard dédié aux camps d'apatrides — là où il est encore possible d'en voir dans leur environnement naturel [87] — avec ses "bons plans resto" et ses "petites adresses". Et ses anecdotes historiques truculentes. Le chapitre "rohingya" du futur Guide de conversation d'Apatridie indique que si une personne vous dit quelque chose s'approchant de [koussichoutekirdine] c'est qu'elle vous souhaite "Bonnes vacances !", et il précise aussi que espoir se dit ummit et rien se dit kessú nái [88]. Apa-TriHors de ces situations qui mettent en état d'apatridie des groupes entiers, il existe aussi d'autres processus qui visent individuellement des hominines. Trois situations amènent à cela. Elles résument à elles seules toute l'absurdité des règles sociales inventées par les hominines. Dans quelques régions du monde, les hominines femelles ne peuvent transmettre leur nationalité/citoyenneté à leur progéniture au seul prétexte que justement elles sont des femelles. Véritable boulet individuel, les traditions culturelles traînent avec elles tout un monceau d'inepties. Aucune n'y échappe. Dans le cas où l'enfant naît de "père inconnu", ille ne peut obtenir de nationalité et devient apatride de fait. N'est pas rohingya qui veut, alors il n'y a pas expulsion d'un territoire mais une privation complète des droits élémentaires accordés aux personnes. Sans reconnaissance légale, l'accès à la scolarité, aux soins ou au travail est plus que limité. La deuxième situation d'apatridie est celui des migrations actuelles d'hominines. Elle est la plus répandue des trois. Lors du long voyage entre le lieu de départ et celui d'arrivée, les hominines doivent échapper à toutes les mesures légales et techniques faîtes pour les empêcher de passer ou de se poser quelque part. Des milliers meurent tous les ans à cause de cela. En attendant une hypothétique "régularisation", il convient donc de cacher au mieux sa nationalité afin d'échapper à une expulsion vers son "pays d'origine". Devenir apatride provisoire pour se préserver des frontières. Ne pas être de telle ou telle nationalité afin de ne pas finir dans un avion ou un bateau pour un retour à la case "départ", avec passage par la case "prison". Ou tout autre nom administratif donné aux structures qui enferment les hominines qui migrent. Plusieurs détails peuvent trahir. Hormis la langue à proprement dit, les accents et les usages linguistiques, par exemple. Pas besoin d'être spécialiste pour comprendre que, dans une dystopie où les "flux migratoires" sont inversés, n'importe qui de francophone en Afrique saurait identifier sans trop de problème si une personne vient de France, de Suisse, de Belgique ou du Québec. Le chiffre 8 est-il prononcé [uit] ou [ouit] ? La date de naissance de F. Merdjanov est-elle au début des années soixante-dix ou septante ? Bien que le risque soit grand, peut-être que des disciples du maître Michel Leeb — avec sa faculté extraordinaire à imiter avec réalisme les accents et les particularismes linguistiques — pourraient faire illusion. Dans le doute, mieux vaut se taire, mieux vaut mentir. La route vers ailleurs est semée d’embûches, alors que la place ne manque pas. Rien qu'en France, le nombre de places est considérable comme l'a brillamment démontré Billie Brelok dans son étude de 2014 intitulée L'embarras du choix [89] : Place de la Nation, du Général de Gaulle, de la République, et tant d'autres. La troisième situation d'apatridie, ou assimilée comme telle, est celle des cas particuliers. Aléas de la vie ou imbroglios administratifs. Le cas le plus connu est celui de Mehran Karimi Nasseri, médiatisé grâce aux films librement inspirés de sa vie : Tombés du ciel [90] de Philippe Lioret en 1994 et Le Terminal [91] de Steven Spielberg en 2004. Né en 1945 en Iran d'une mère britannique inconnue, rejeté par sa famille paternelle à la mort de son père et indésirable dans le pays, il décide de rejoindre le Royaume-Uni à la recherche de sa génitrice. Après diverses demandes d'asile dans des pays d'Europe dans le courant des années 70, et une reconnaissance d'un statut de réfugié, il se retrouve bloqué en France pour des raisons administratives. Pour régulariser sa situation, il doit récupérer des papiers en Belgique mais il est interdit de sortie de territoire par la France. Il s'installe en 1988 dans le hall de départ du terminal I de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, en banlieue parisienne. Avec de rares affaires, sa vie s'organise autour d'une banquette et des toilettes prévus pour les touristes. "Homme sans importance collective", d'après le psychiatre et chef du service des urgences de l'aéroport qui prend soin de lui, il bénéficie de la solidarité quotidienne du personnel et du laissez-faire des autorités de l'aéroport. Il sombre doucement dans la folie. Selon ce médecin, "Alfred est un réfugié sur orbite, un demandeur d’asile planétaire, disait-il à l’époque. Il vit sur le même disque que nous, mais pas sur le même sillon..." [92] Il vit ainsi pendant plus de 10 ans. En 1999, après des démarches administratives faîtes par un avocat, une régularisation de son statut de réfugié et un titre de séjour lui sont proposés. Trop tard. Sa réponse déroute ses soutiens : "Je refuse de signer ces papiers, ils ne sont pas à mon nom. Je ne suis plus celui que j'ai été. Je m'appelle désormais sir Alfred Mehran et je ne suis pas Iranien." Retour volontaire à Roissy et retrouvailles avec la banquette. Écrite avec Andrew Donkin, son autobiographie est publiée en 2004 sous le titre The Terminal Man [93]. Hospitalisé en 2006 après une intoxication alimentaire, il est hébergé dans un foyer d'accueil à Paris. Il retourne à Roissy en octobre 2022 et se pose dans le terminal II. Il y meurt le 12 novembre 2022. Plusieurs dizaines de milliers d'euros sont retrouvés dans ses affaires, probablement les droits d'auteur pour l'adaptation de Spielberg. Sans descendance à qui donner l'argent et s'occuper de sa dépouille, son corps n'est pas réclamé et reste plus d'un an dans une morgue parisienne. Après une décision de justice, quelques milliers d'euros sont pris sur cet argent pour qu'il ne soit pas mis dans une fosse commune et bénéficie d'une sépulture au cimetière de Mauregard — village dont dépend le terminal 1 de Roissy. Il est enterré le 8 décembre 2023 en présence d'une vingtaine de personnes [94]. Un isolement que résume ainsi le journal Libération :
ApatristeDans Vie et œuvre de F. Merdjanov [45], ses biographes ont tenté de répondre à la question de ses origines familiales. Il n'est pas question de Birmanie ou de Palestine mais de Macédoine. "Que vaut [...] le qualificatif de macédonien appliqué à la famille nihiliste de FM ? [...] En quoi est-elle macédonienne et quel sens cela a-t-il de la considérer telle ?" La courte notice biographique de F. Merdjanov précise que sa naissance a lieu à Nice. En 1970. Mais cela ne dit rien de sa nationalité. Française ou macédonienne yougoslave ? Dans l'hypothèse où ses ancêtres ont bénéficié du passeport Nansen, comme nombre d'hominines fuyant l'empire ottoman, il se peut que F. Merdjanov soit apatride. Une explication sérieuse à son absence des registres officiels en France et en Macédoine. Notes
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