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− | Les guerres anti-coloniales débouchent sur des redécoupages de territoires et sur la passation de pouvoir entre les autorités coloniales et les nouvelles élites politiques autochtones. Officiellement, le processus de décolonisation se termine dans les années 1970-1980. Les situations politiques sont complexes. Par nature inventées, les frontières sont contestées entre les ex-puissances coloniales et les nouveaux pays indépendants mais aussi entre ces derniers. Si les frontières sont une abstraction, leurs incidences sur les populations sont bien réelles. Les premières concernées le savent très bien. Elles sont rarement l'enjeu de conflits entre pays mais elles sont soit des prétextes à des visées territoriales, soit des obstacles pour des politiques expansionnistes. L'accès aux ressources naturelles ou à des voies commerciales sont bien plus moteur des conflits que le sort des populations mêmes. Le monde est dorénavant post-colonial. "''Fini le temps béni des colonies''" comme se désole feu Michel Sardou <ref>Une | + | Les guerres anti-coloniales débouchent sur des redécoupages de territoires et sur la passation de pouvoir entre les autorités coloniales et les nouvelles élites politiques autochtones. Officiellement, le processus de décolonisation se termine dans les années 1970-1980. Les situations politiques sont complexes. Par nature inventées, les frontières sont contestées entre les ex-puissances coloniales et les nouveaux pays indépendants mais aussi entre ces derniers. Si les frontières sont une abstraction, leurs incidences sur les populations sont bien réelles. Les premières concernées le savent très bien. Elles sont rarement l'enjeu de conflits entre pays mais elles sont soit des prétextes à des visées territoriales, soit des obstacles pour des politiques expansionnistes. L'accès aux ressources naturelles ou à des voies commerciales sont bien plus moteur des conflits que le sort des populations mêmes. Le monde est dorénavant post-colonial. "''Fini le temps béni des colonies''" comme se désole feu Michel Sardou <ref>Une faute de frappe, due au syndrome kalmtajoi, est probablement à l'origine de cette erreur. Michel Sardou n'est pas encore mort, même si cela n'a jamais été aussi prêt d'arriver. </ref>, lorsque les populations colonisées souffraient des violences militaires et policières métropolitaines, étaient exploitées par une classe dirigeante étrangère. Place aux violences militaires et policières autochtones et à l'exploitation par une classe dirigeante locale. "''Indépendance cha cha''" chantonne gaiement Grand Kallé avec son groupe African Jazz <ref>Le Grand Kallé et l'African Jazz, ''Indépendance cha cha'', 1960 - [https://www.youtube.com/watch?v=RxkZ95PYcrM En ligne]</ref>. Depuis 1945, le nombre de pays internationalement et réciproquement reconnus est passé de 88 en 1955, à 156 en 1975 jusqu'à atteindre 197 en 2012. Ces chiffres n'incluent pas les territoires auto-proclamés dont la reconnaissance officielle n'est pas internationale. La [[Pridniestrie]], le Somaliland, le [[Corridor de Latchin|Haut-Karabagh]] ou l'[[Zana|Abkhazie]] par exemple. Afin de répondre au mieux à ces nouvelles complexités géopolitiques et d'œuvrer à une meilleure prise en compte des hominines qui ne savent pas compter, la [[protivophilie]] invente en 2017 le jeu pédagogique intersectionnel ''1312 raisons d'en finir avec [...]'' Il est adapté à tous les âges et toutes les nationalités. Que que soit son [[raphé]] ou la longueur des bras. Simple à comprendre. Pour une première prise en main, il suffit de tester avec des [...] déjà connus pour être des [...] qui correspondent. La France ou la Macédoine par exemple. |
<blockquote>''Pour le reste, [...] est un pays comme les autres : ses frontières sont une chimère, son histoire nationale une mythologie, son pouvoir politique un rapport de domination et son organisation sociale une contrainte. Comme toute identité collective, [...] est une illusion. Bien sûr, [...] a connu des épisodes de son histoire qu’il ne partage pas avec les autres pays, mais cela ne change rien.'' <ref>"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017 - [https://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref></blockquote> | <blockquote>''Pour le reste, [...] est un pays comme les autres : ses frontières sont une chimère, son histoire nationale une mythologie, son pouvoir politique un rapport de domination et son organisation sociale une contrainte. Comme toute identité collective, [...] est une illusion. Bien sûr, [...] a connu des épisodes de son histoire qu’il ne partage pas avec les autres pays, mais cela ne change rien.'' <ref>"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017 - [https://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref></blockquote> | ||
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De cette situation géopolitique actuelle où des millions d'hominines sont apatrides, les cas les plus emblématiques sont ceux de populations de l'ancienne Palestine mandataire britannique et de l'ex-empire des Indes britanniques. Le premier s'inscrit dans le processus qui aboutit à la proclamation de l'indépendance d'Israël en 1948 sur une partie de cette Palestine britannique et le second résulte des migrations internes de populations mahométiennes dans des régions, hier sous la même autorité coloniale, aujourd'hui appartenant à deux États différents, la Birmanie (Myanmar) et le Bangladesh. | De cette situation géopolitique actuelle où des millions d'hominines sont apatrides, les cas les plus emblématiques sont ceux de populations de l'ancienne Palestine mandataire britannique et de l'ex-empire des Indes britanniques. Le premier s'inscrit dans le processus qui aboutit à la proclamation de l'indépendance d'Israël en 1948 sur une partie de cette Palestine britannique et le second résulte des migrations internes de populations mahométiennes dans des régions, hier sous la même autorité coloniale, aujourd'hui appartenant à deux États différents, la Birmanie (Myanmar) et le Bangladesh. | ||
− | Dans les régions et les pays à dominante christienne ou mahométienne, le sort des populations moïsiennes ne fut pas un long fleuve tranquille. Les nouvelles mythologies regardent avec méfiance ce qui les a précédé. L'histoire européenne et méditerranéenne de ces populations est une alternance d'expulsions et de calme, de violences et d'indifférence, de discrimination et d'intégration. Elles sont un exutoire récurrent et des formes de racisme spécifique à leur encontre se sont élaborées au fil des siècles. Elles sont généralement appelées "antisémitisme" ou antimoïsianisme dans l'univers protivophile. Il est souvent porté par des hominines qui accusent les populations moïsiennes d'être tout simplement trop rancunières d'être détestées sans raisons valables. Si l'on s'en tient seulement à son étymologie, même le terme ''antisémitisme'' est d'essence ''antisémite'' <ref>L'emploi du terme ''antisémite'' pour qualifier la haine à l'encontre des populations moïsiennes postule qu'elles sont d'origine étrangère, qu'illes sont des sémites, c'est-à-dire avec des origines extra-européennes. Illes sont même parfois qualifiés de Palestiniens d'Europe. Shlomo Sand, "Comment fut inventé le peuple juif", ''Le Monde diplomatique'', août 2008 - [https://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/SAND/16205 En ligne] </ref>. Au cours des siècles, le monde christien rivalise d'innovation pour trouver de nouvelles façons de faire vivre cet antimoïsianisme. Les plus gros massacres sont commis au nom de Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>, cet ancien moïsien dont les disciples ont depuis longtemps perdu la raison. Au XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, plusieurs millions d'hominines en Europe et sur le pourtour méditerranéen se réclament des mythologies moïsiennes et des pratiques religieuses qui en découlent. L'Europe centrale et orientale est la région d'Europe ayant le plus grand nombre de ces hominines. Les cultures moïsiennes sont une mosaïque de langues <ref>Il existe des dizaines de "''langues juives''", c'est-à-dire des langues non apparentées entre elles, employées exclusivement ou presque par des communautés moïsiennes en Europe, au Maghreb et au Machrek. Certaines sont très anciennes. Parmi elles, le sarphatique ou judéo-français, parfois aussi appelé laaz occidental, est une langue judéo-romane médiévale écrite en caractères hébraïques. Elle est très peu différente des autres langues d'oïl, si ce n'est quelques particularismes comme par exemple des emprunts à l'hébreu. Menahem Banitt, "Une langue fantôme : le judéo-français", ''Revue de Linguistique Romane'', n° 27, 1963 - [https://www.e-periodica.ch/digbib/view?pid=rlr-001%3A1963%3A27%3A%3A282 En ligne]. David Trotter, "Peut-on parler de judéo-anglo-normand ? Textes anglo-normands en écriture hébraïque", ''Médiévales'', n° 68, 2015 - [http://journals.openedition.org/medievales/7549 En ligne]</ref> et d'histoires. Lors des regains de tensions, des hominines font parfois le choix de fuir pour se réfugier ailleurs. La plupart restent. Beaucoup partent pour les Amériques, d'autres vers la Palestine britannique. Parmi les avenirs qui se décident, une poignée a dans l'idée de fonder un État qui regroupe les moïsiens, mâles et femelles, qui le veulent. En Palestine de préférence <ref>En 1916, la France et le Royaume-Uni signent un accord secret, dit Sykes-Picot, afin de se répartir les territoires ottomans du Moyen-Orient à la fin de la première guerre dite mondiale. Dès 1917, les diplomaties française et britannique encouragent l'établissement d'un "Foyer national juif" en Palestine. La France par une lettre du ministre des Affaires étrangères Jules Cambon, datée de juin 1917 ([https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cambon_Letter.jpg#/media/File:Cambon_Letter.jpg En ligne]), et le Royaume-Uni par une lettre du secrétaire d'État aux Affaires étrangères Arthur Balfour, datée de novembre 1917 ([https://web.archive.org/web/20121226193333/http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000055-israel-soixante-ans-apres-entre-normalite-et-singularite/document-la-declaration-balfour-2-novembre-1917 En ligne]). </ref>. Le sionisme est né. L'hostilité ambiante est une motivation sérieuse. Le summum des persécutions en Europe est la première moitié du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, lors de sa période hitlériste. Les populations moïsiennes sont méthodiquement décimées, déportées, expulsées, traquées, etc. Summum n'est pas le nom hébreu d'une "fête juive". Des millions disparaissent. Une partie de celleux qui ont survécu s'installent en Palestine. Les autres retournent dans les pays dont illes sont originaires ou migrent vers les Amériques. Cela inquiète les plus revêches car si "''naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochus. Maintenant [...] c'est pas évident de reconnaître du premier coup d'œil un petit enfant juif d'un petit enfant antisémite.''" <ref>Pierre Desproges, ''On me dit que des juifs'' - [https://www.youtube.com/watch?v=NiFZvsiQMEk En ligne]</ref> Paradoxalement, l'idée que les populations moïsiennes se regroupent toutes au même endroit est un projet qui enchante autant les antimoïsianistes que celleux qui veulent les en défendre. Depuis la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle où les premiers petits groupes moïsiens s'installent en Palestine ottomane jusqu'aux lendemains de la seconde guerre dite mondiale où le flux migratoire vers la Palestine britannique est à son comble, les populations moïsiennes arrivent dans une région habitée par d'autres. La plupart sont arabophones de croyances mahométiennes ou christiennes. Quelques unes de ces populations autochtones sont moïsiennes et ne voient pas d'un œil favorable la venue de celleux qui se déclarent être leurs homologues : Leurs langues, leurs histoires et leurs cultures différent. Comme c'est la règle dans le processus de colonisation, les autochtones n'ont que peu de valeur. Dans cette région de la Méditerranée orientale, après l'éclatement de l'empire ottoman, la France et le Royaume-Uni britannique obtiennent des mandats internationaux de la Société des Nations (SDN) sur les territoires. Dans une recette mêlant divisions communautaires ottomanes basées sur la religion et la langue, avec une bonne dose de nationalisme à la mode européenne, et un grossier saupoudrage de leurs propres intérêts, les aspirations des puissances européennes sont une macédoine d’États-nations sur des critères "ethniques, linguistiques et religieux". La fin du mandat français engendre la création des États actuels du Liban <ref>Liban</ref> en 1943 et de la Syrie <ref>Syrie</ref> en 1946, deux républiques fondées sur des équilibres de pouvoirs politiques et économiques entre différentes "minorités" religieuses christiennes et mahométiennes <ref> "minorités" religieuses christiennes et mahométiennes</ref>, la plupart arabophones. Dans la réalité — évidemment — il n'y a aucune "communauté" au pouvoir mais la monopolisation du pouvoir par des hominines qui disent les représenter ! Pour rappel, voir le jeu ''1312 raisons d'en finir avec [...]'' cité ci-dessus. La fin du mandat britannique abouti à l'indépendance d'une monarchie, la Jordanie <ref>Jordanie</ref> en 1946, à l'est du fleuve Jourdain. Ce qui demeure sous domination britannique, à l'ouest du Jourdain, représente moins de 25% de la Palestine ottomane. En effet, en septembre 1922, la Société des Nations (SDN) a entériné la scission de la Palestine entre Transjordanie et le reste qui prend le nom de Palestine mandataire. Si la Jordanie est appelée Transjordanie, cette miette palestinienne est au sens strict la Cisjordanie — l'autre rive du Jourdain. L'Organisation des Nations Unies (ONU) vote un plan de partage en 1947 <ref>Résolution 181 - [https://www.un.org/unispal/wp-content/uploads/2016/04/ARES181II.pdf En ligne]</ref> des vestiges de la Palestine mandataire en trois entités : un "''État juif''" sur 56% du territoire, un "''État arabe''" sur 42%, et la ville d'Al Qods/Jérusalem et sa banlieue (2%) est placée sous contrôle international. Chaque État est divisé en trois régions, reliées entre elles en un point. Le futur État arabe palestinien comprend, du sud au nord, la bande côtière d'Ashkelon à la frontière égyptienne, centrée sur Gaza, ainsi qu'une bande dans le désert du Néguev le long de la frontière égyptienne, une Cisjordanie de Jénine à Hébron, et l'ouest de la Galilée autour des villes d'Acre et Nazareth. Ces fragmentations post-ottomanes ne sont pas du goût du nationalisme arabe proche-oriental qui aspire à un État unique regroupant Syrie, Liban, Transjordanie (Jordanie) et Cisjordanie (Palestine). Depuis l'émiettement de la région après la chute de l'empire ottoman et le redécoupage par les puissances mandataires, les populations cisjordaniennes contestent la présence britannique, les clivages franco-britanniques qui redéfinissent les frontières régionales et les ambitions des États-nations en devenir. Les britanniques s'opposent aux revendications sociales et politiques des arabophones du Levant, la présence française empêche un rapprochement avec les républiques libanaise et syrienne — nées respectivement en 1926 et 1930 — et l'émirat de Transjordanie — né en 1921 — a des vues sur la Cisjordanie. Les plus grandes révoltes autochtones contre les britanniques sont entre 1936 et 1939. Elles critiquent l'absence de projet clair d'indépendance et l'implantation toujours plus importante de communautés moïsiennes sur le territoire. La vente de terres à des sionistes par des autochtones de Cisjordanie est considérée comme une trahison et les sionistes sont directement la cible de violences. Ce petit territoire qu'est la Cisjordanie, fraction de la Palestine, est le lieu de confrontation de deux nationalismes : le sionisme et le palestinisme. L'un se revendique d'un antique royaume hébraïque, en grande partie fantasmé <ref>Shlomo Sand, ''Comment la terre d'Israël fut inventée'', Flammarion, 2012</ref>, et se justifie par le déferlement haineux antimoïsianistes en Europe, le second réclame pour les territoires cisjordaniens ce que les autres populations arabes ont obtenu et s'appuie sur une identité palestinienne émergente. Alors qu'auparavant les populations de part et d'autre du Jourdain sont définies comme palestiniennes, cette définition évolue et désigne pour le palestinisme les populations n'ayant pas bénéficié de l’indépendance de la Transjordanie, la partie orientale de la Palestine. Cette "cisjordanie virtuelle" devient la nouvelle Palestine. Le plan de partage de novembre 1947 concerne donc cette Palestine réduite. Le projet d’un "''État juif''" regroupe plus d'un demi million de moïsiens, tout type de [[raphé]] confondu, pour un peu plus de 400000 personnes étiquetées "''arabes''". Le projet d'un "''État arabe''" regroupe plus de 800000 arabes et 10000 personnes étiquetées moïsiennes. Al Qods/Jérusalem est peuplée de plus de 200000 hominines, dont un peu plus de la moitié est considérée arabe. Dans les faits, environ 2% de la population moïsienne ne se retrouve ni dans l’État juif ni dans la zone internationale hiérosolymite contre plus de 30% de la population arabe qui n'est ni dans l’État arabe ni dans la zone internationale. La superficie octroyée au futur État moïsien est supérieure à celle de l’État arabe mais 40% de son territoire se trouve dans le désert inhabité du Néguev. Si les plus extrémistes des sionistes ne veulent pas se contenter d'une simple portion, et réclament même la Jordanie, la plupart se satisfont de la proposition de partage. Par contre, les palestinistes ne l'entendent pas ainsi. Illes réclament la création d'une Palestine indépendante dont la population serait mixte, moïsienne et arabe. Cette dernière étant christienne et majoritairement mahométienne. À l'exception des sionistes, les palestinistes reconnaissent la présence d'une communauté moïsienne pré-sioniste, le yichouv <ref>yichouv</ref>, désignée comme "''palestinienne juive''" ou "''arabe juive''". En mai 1948, sur les frontières prévues par le plan de partage, l’État d'Israël est proclamé par les instances politiques sionistes en Palestine. Les pays arabes alentours rejettent cette indépendance et déclarent la guerre. Entre mai 1948 et mars 1949, les armées de Jordanie, d’Égypte, de Syrie et d’Irak, ainsi que l'Armée de libération arabe faite de volontaires, s'affrontent avec les forces armées du nouvel État israélien. La défaite arabe est cuisante. Israël contrôle dorénavant 78% du territoire concerné par le plan de partage de 1947 et occupe la partie occidentale d'Al Qods/Jérusalem. L’Égypte prend le contrôle de la bande de Gaza et la Jordanie s'installe en Cisjordanie et dans la partie orientale d'Al Qods/Jérusalem. L’État arabe de Palestine est mort-né. Les conséquences directes de cette guerre et de l'extension d'Israël est l'exode massif des populations des territoires conquis. L'historiographie palestiniste nomme cet épisode ''Nakba'', la "catastrophe" en arabe <ref>Nakba</ref>. Sur les quelques 900000 hominines arabes se retrouvant de fait dans les nouvelles frontières israéliennes, environ 750000 hominines fuient les combats, ainsi que les expulsions forcées et les destructions de villages par le nouvel État <ref>Nouveaux historiens</ref>. Illes se réfugient dans les pays arabes voisins et dans les zones conquises par l’Égypte et la Jordanie. Des camps de réfugiés sont installés à la hâte. Pour faire face à cette situation, l'ONU crée en 1949 l’''Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient'', plus connu sous son acronyme anglophone UNRWA <ref>UNRWA</ref>. Dans un premier temps, les hominines pensent que la situation n'est que provisoire et qu'illes vont pouvoir retourner dans leurs villages et régions d'origine, mais la situation d'exil perdure et le droit au retour <ref>droit au retour</ref> se fait attendre. Les pays arabes qui les accueillent ne leur accordent pas la nationalité et les maintiennent dans un statut bancal de réfugiés qui ne leur garantie pas les mêmes droits que les autochtones et les cantonne dans des camps. L'asile politique n'est pas accordé. La Jordanie et le Liban font exception en proposant leur nationalité à une partie de ces hominines. Sous certaines conditions. La Jordanie accorde la nationalité à un grand nombre mais une partie est contrainte de rester vivre dans des camps, alors que le Liban octroie sa nationalité de préférence à des hominines de religion christienne ou à des membres de la bourgeoisie exilée, quelque soit leur religion. Une nouvelle guerre en juin 1967 entre les pays arabes de la région et l’État israélien abouti à l'annexion, par ce dernier, de la Cisjordanie et de la partie orientale de la ville d'Al Qods/Jérusalem alors sous domination jordanienne, ainsi que la bande de Gaza, égyptienne depuis 1949 <ref>De plus, Israël occupe le plateau du Golan syrien et la péninsule du Sinaï égyptienne.</ref>. Environ 300000 hominines fuient vers la Jordanie et s'installent dans des camps déjà présents depuis 1948. Les négociations pour un retour organisé des hominines de 1948 et 1967 n'aboutissent à rien. Israël est très réticent car il craint un déséquilibre démographique en sa défaveur et n'est pas en mesure de dédommager pour toutes les expropriations de terres et les destructions de villages. Les pays arabes qui abritent des camps refusent d'accorder l'asile politique ou d'intégrer définitivement les populations issues de la Nakba de 1948 et de la guerre de 1967. Les raisons ne sont pas identiques pour tous ces pays. Des circonstances de politiques internes, des considérations stratégiques et géopolitiques et des positionnements idéologiques motivent leurs choix de maintenir les populations d'hominines de l'ex-futur État arabe de Palestine en état d'apatridie. Illes sont les célèbres "''réfugiés palestiniens''" qui, contrairement à ce que laisse penser la formulation genrée de cette expression, sont mâles et femelles. Parfois aussi notée "''réfugié·es palestinien·nes''". | + | Dans les régions et les pays à dominante christienne ou mahométienne, le sort des populations moïsiennes ne fut pas un long fleuve tranquille. Les nouvelles mythologies regardent avec méfiance ce qui les a précédé. L'histoire européenne et méditerranéenne de ces populations est une alternance d'expulsions et de calme, de violences et d'indifférence, de discrimination et d'intégration. Elles sont un exutoire récurrent et des formes de racisme spécifique à leur encontre se sont élaborées au fil des siècles. Elles sont généralement appelées "antisémitisme" ou antimoïsianisme dans l'univers protivophile. Il est souvent porté par des hominines qui accusent les populations moïsiennes d'être tout simplement trop rancunières d'être détestées sans raisons valables. Si l'on s'en tient seulement à son étymologie, même le terme ''antisémitisme'' est d'essence ''antisémite'' <ref>L'emploi du terme ''antisémite'' pour qualifier la haine à l'encontre des populations moïsiennes postule qu'elles sont d'origine étrangère, qu'illes sont des sémites, c'est-à-dire avec des origines extra-européennes. Illes sont même parfois qualifiés de Palestiniens d'Europe. Shlomo Sand, "Comment fut inventé le peuple juif", ''Le Monde diplomatique'', août 2008 - [https://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/SAND/16205 En ligne] </ref>. Au cours des siècles, le monde christien rivalise d'innovation pour trouver de nouvelles façons de faire vivre cet antimoïsianisme. Les plus gros massacres sont commis au nom de Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>, cet ancien moïsien dont les disciples ont depuis longtemps perdu la raison. Au XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, plusieurs millions d'hominines en Europe et sur le pourtour méditerranéen se réclament des mythologies moïsiennes et des pratiques religieuses qui en découlent. L'Europe centrale et orientale est la région d'Europe ayant le plus grand nombre de ces hominines. Les cultures moïsiennes sont une mosaïque de langues <ref>Il existe des dizaines de "''langues juives''", c'est-à-dire des langues non apparentées entre elles, employées exclusivement ou presque par des communautés moïsiennes en Europe, au Maghreb et au Machrek. Certaines sont très anciennes, la plupart ont disparu. Parmi elles, le sarphatique ou judéo-français, parfois aussi appelé laaz occidental, est une langue judéo-romane médiévale écrite en caractères hébraïques. Elle est très peu différente des autres langues d'oïl, si ce n'est quelques particularismes comme par exemple des emprunts à l'hébreu. Menahem Banitt, "Une langue fantôme : le judéo-français", ''Revue de Linguistique Romane'', n° 27, 1963 - [https://www.e-periodica.ch/digbib/view?pid=rlr-001%3A1963%3A27%3A%3A282 En ligne]. David Trotter, "Peut-on parler de judéo-anglo-normand ? Textes anglo-normands en écriture hébraïque", ''Médiévales'', n° 68, 2015 - [http://journals.openedition.org/medievales/7549 En ligne]</ref> et d'histoires. Lors des regains de tensions, des hominines font parfois le choix de fuir pour se réfugier ailleurs. La plupart restent. Beaucoup partent pour les Amériques, d'autres vers la Palestine britannique. Parmi les avenirs qui se décident, une poignée a dans l'idée de fonder un État qui regroupe les moïsiens, mâles et femelles, qui le veulent. En Palestine de préférence <ref>En 1916, la France et le Royaume-Uni signent un accord secret, dit Sykes-Picot, afin de se répartir les territoires ottomans du Moyen-Orient à la fin de la première guerre dite mondiale. Dès 1917, les diplomaties française et britannique encouragent l'établissement d'un "Foyer national juif" en Palestine. La France par une lettre du ministre des Affaires étrangères Jules Cambon, datée de juin 1917 ([https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cambon_Letter.jpg#/media/File:Cambon_Letter.jpg En ligne]), et le Royaume-Uni par une lettre du secrétaire d'État aux Affaires étrangères Arthur Balfour, datée de novembre 1917 ([https://web.archive.org/web/20121226193333/http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000055-israel-soixante-ans-apres-entre-normalite-et-singularite/document-la-declaration-balfour-2-novembre-1917 En ligne]). </ref>. Le sionisme est né. L'hostilité ambiante est une motivation sérieuse. Le summum des persécutions en Europe est la première moitié du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, lors de sa période hitlériste. Les populations moïsiennes sont méthodiquement décimées, déportées, expulsées, traquées, etc. Summum n'est pas le nom hébreu d'une "fête juive". Des millions disparaissent. Une partie de celleux qui ont survécu s'installent en Palestine. Les autres retournent dans les pays dont illes sont originaires ou migrent vers les Amériques. Cela inquiète les plus revêches car si "''naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochus. Maintenant [...] c'est pas évident de reconnaître du premier coup d'œil un petit enfant juif d'un petit enfant antisémite.''" <ref>Pierre Desproges, ''On me dit que des juifs'' - [https://www.youtube.com/watch?v=NiFZvsiQMEk En ligne]</ref> Paradoxalement, l'idée que les populations moïsiennes se regroupent toutes au même endroit est un projet qui enchante autant les antimoïsianistes que celleux qui veulent les en défendre. Depuis la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle où les premiers petits groupes moïsiens s'installent en Palestine ottomane jusqu'aux lendemains de la seconde guerre dite mondiale où le flux migratoire vers la Palestine britannique est à son comble, les populations moïsiennes arrivent dans une région habitée par d'autres. La plupart sont arabophones de croyances mahométiennes ou christiennes. Quelques unes de ces populations autochtones sont moïsiennes et ne voient pas d'un œil favorable la venue de celleux qui se déclarent être leurs homologues : Leurs langues, leurs histoires et leurs cultures différent. Comme c'est la règle dans le processus de colonisation, les autochtones n'ont que peu de valeur. Dans cette région de la Méditerranée orientale, après l'éclatement de l'empire ottoman, la France et le Royaume-Uni britannique obtiennent des mandats internationaux de la Société des Nations (SDN) sur les territoires. Dans une recette mêlant divisions communautaires ottomanes basées sur la religion et la langue, avec une bonne dose de nationalisme à la mode européenne, et un grossier saupoudrage de leurs propres intérêts, les aspirations des puissances européennes sont une macédoine d’États-nations sur des critères "ethniques, linguistiques et religieux". La fin du mandat français engendre la création des États actuels du Liban <ref>Liban</ref> en 1943 et de la Syrie <ref>Syrie</ref> en 1946, deux républiques fondées sur des équilibres de pouvoirs politiques et économiques entre différentes "minorités" religieuses christiennes et mahométiennes <ref> "minorités" religieuses christiennes et mahométiennes</ref>, la plupart arabophones. Dans la réalité — évidemment — il n'y a aucune "communauté" au pouvoir mais la monopolisation du pouvoir par des hominines qui disent les représenter ! Pour rappel, voir le jeu ''1312 raisons d'en finir avec [...]'' cité ci-dessus. La fin du mandat britannique abouti à l'indépendance d'une monarchie, la Jordanie <ref>Jordanie</ref> en 1946, à l'est du fleuve Jourdain. Ce qui demeure sous domination britannique, à l'ouest du Jourdain, représente moins de 25% de la Palestine ottomane. En effet, en septembre 1922, la Société des Nations (SDN) a entériné la scission de la Palestine entre Transjordanie et le reste qui prend le nom de Palestine mandataire. Si la Jordanie est appelée Transjordanie, cette miette palestinienne est au sens strict la Cisjordanie — l'autre rive du Jourdain. L'Organisation des Nations Unies (ONU) vote un plan de partage en 1947 <ref>Résolution 181 - [https://www.un.org/unispal/wp-content/uploads/2016/04/ARES181II.pdf En ligne]</ref> des vestiges de la Palestine mandataire en trois entités : un "''État juif''" sur 56% du territoire, un "''État arabe''" sur 42%, et la ville d'Al Qods/Jérusalem et sa banlieue (2%) est placée sous contrôle international. Chaque État est divisé en trois régions, reliées entre elles en un point. Le futur État arabe palestinien comprend, du sud au nord, la bande côtière d'Ashkelon à la frontière égyptienne, centrée sur Gaza, ainsi qu'une bande dans le désert du Néguev le long de la frontière égyptienne, une Cisjordanie de Jénine à Hébron, et l'ouest de la Galilée autour des villes d'Acre et Nazareth. Ces fragmentations post-ottomanes ne sont pas du goût du nationalisme arabe proche-oriental qui aspire à un État unique regroupant Syrie, Liban, Transjordanie (Jordanie) et Cisjordanie (Palestine). Depuis l'émiettement de la région après la chute de l'empire ottoman et le redécoupage par les puissances mandataires, les populations cisjordaniennes contestent la présence britannique, les clivages franco-britanniques qui redéfinissent les frontières régionales et les ambitions des États-nations en devenir. Les britanniques s'opposent aux revendications sociales et politiques des arabophones du Levant, la présence française empêche un rapprochement avec les républiques libanaise et syrienne — nées respectivement en 1926 et 1930 — et l'émirat de Transjordanie — né en 1921 — a des vues sur la Cisjordanie. Les plus grandes révoltes autochtones contre les britanniques sont entre 1936 et 1939. Elles critiquent l'absence de projet clair d'indépendance et l'implantation toujours plus importante de communautés moïsiennes sur le territoire. La vente de terres à des sionistes par des autochtones de Cisjordanie est considérée comme une trahison et les sionistes sont directement la cible de violences. Ce petit territoire qu'est la Cisjordanie, fraction de la Palestine, est le lieu de confrontation de deux nationalismes : le sionisme et le palestinisme. L'un se revendique d'un antique royaume hébraïque, en grande partie fantasmé <ref>Shlomo Sand, ''Comment la terre d'Israël fut inventée'', Flammarion, 2012</ref>, et se justifie par le déferlement haineux antimoïsianistes en Europe, le second réclame pour les territoires cisjordaniens ce que les autres populations arabes ont obtenu et s'appuie sur une identité palestinienne émergente. Alors qu'auparavant les populations de part et d'autre du Jourdain sont définies comme palestiniennes, cette définition évolue et désigne pour le palestinisme les populations n'ayant pas bénéficié de l’indépendance de la Transjordanie, la partie orientale de la Palestine. Cette "cisjordanie virtuelle" devient la nouvelle Palestine. Le plan de partage de novembre 1947 concerne donc cette Palestine réduite. Le projet d’un "''État juif''" regroupe plus d'un demi million de moïsiens, tout type de [[raphé]] confondu, pour un peu plus de 400000 personnes étiquetées "''arabes''". Le projet d'un "''État arabe''" regroupe plus de 800000 arabes et 10000 personnes étiquetées moïsiennes. Al Qods/Jérusalem est peuplée de plus de 200000 hominines, dont un peu plus de la moitié est considérée arabe. Dans les faits, environ 2% de la population moïsienne ne se retrouve ni dans l’État juif ni dans la zone internationale hiérosolymite contre plus de 30% de la population arabe qui n'est ni dans l’État arabe ni dans la zone internationale. La superficie octroyée au futur État moïsien est supérieure à celle de l’État arabe mais 40% de son territoire se trouve dans le désert inhabité du Néguev. Si les plus extrémistes des sionistes ne veulent pas se contenter d'une simple portion, et réclament même la Jordanie, la plupart se satisfont de la proposition de partage. Par contre, les palestinistes ne l'entendent pas ainsi. Illes réclament la création d'une Palestine indépendante dont la population serait mixte, moïsienne et arabe. Cette dernière étant christienne et majoritairement mahométienne. À l'exception des sionistes, les palestinistes reconnaissent la présence d'une communauté moïsienne pré-sioniste, le yichouv <ref>yichouv</ref>, désignée comme "''palestinienne juive''" ou "''arabe juive''". En mai 1948, sur les frontières prévues par le plan de partage, l’État d'Israël est proclamé par les instances politiques sionistes en Palestine. Les pays arabes alentours rejettent cette indépendance et déclarent la guerre. Entre mai 1948 et mars 1949, les armées de Jordanie, d’Égypte, de Syrie et d’Irak, ainsi que l'Armée de libération arabe faite de volontaires, s'affrontent avec les forces armées du nouvel État israélien. La défaite arabe est cuisante. Israël contrôle dorénavant 78% du territoire concerné par le plan de partage de 1947 et occupe la partie occidentale d'Al Qods/Jérusalem. L’Égypte prend le contrôle de la bande de Gaza et la Jordanie s'installe en Cisjordanie et dans la partie orientale d'Al Qods/Jérusalem. L’État arabe de Palestine est mort-né. Les conséquences directes de cette guerre et de l'extension d'Israël est l'exode massif des populations des territoires conquis. L'historiographie palestiniste nomme cet épisode ''Nakba'', la "catastrophe" en arabe <ref>Nakba</ref>. Sur les quelques 900000 hominines arabes se retrouvant de fait dans les nouvelles frontières israéliennes, environ 750000 hominines fuient les combats, ainsi que les expulsions forcées et les destructions de villages par le nouvel État <ref>Nouveaux historiens</ref>. Illes se réfugient dans les pays arabes voisins et dans les zones conquises par l’Égypte et la Jordanie. Des camps de réfugiés sont installés à la hâte. Pour faire face à cette situation, l'ONU crée en 1949 l’''Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient'', plus connu sous son acronyme anglophone UNRWA <ref>UNRWA</ref>. Dans un premier temps, les hominines pensent que la situation n'est que provisoire et qu'illes vont pouvoir retourner dans leurs villages et régions d'origine, mais la situation d'exil perdure et le droit au retour <ref>droit au retour</ref> se fait attendre. Les pays arabes qui les accueillent ne leur accordent pas la nationalité et les maintiennent dans un statut bancal de réfugiés qui ne leur garantie pas les mêmes droits que les autochtones et les cantonne dans des camps. L'asile politique n'est pas accordé. La Jordanie et le Liban font exception en proposant leur nationalité à une partie de ces hominines. Sous certaines conditions. La Jordanie accorde la nationalité à un grand nombre mais une partie est contrainte de rester vivre dans des camps, alors que le Liban octroie sa nationalité de préférence à des hominines de religion christienne ou à des membres de la bourgeoisie exilée, quelque soit leur religion. Une nouvelle guerre en juin 1967 entre les pays arabes de la région et l’État israélien abouti à l'annexion, par ce dernier, de la Cisjordanie et de la partie orientale de la ville d'Al Qods/Jérusalem alors sous domination jordanienne, ainsi que la bande de Gaza, égyptienne depuis 1949 <ref>De plus, Israël occupe le plateau du Golan syrien et la péninsule du Sinaï égyptienne.</ref>. Environ 300000 hominines fuient vers la Jordanie et s'installent dans des camps déjà présents depuis 1948. Les négociations pour un retour organisé des hominines de 1948 et 1967 n'aboutissent à rien. Israël est très réticent car il craint un déséquilibre démographique en sa défaveur et n'est pas en mesure de dédommager pour toutes les expropriations de terres et les destructions de villages. Les pays arabes qui abritent des camps refusent d'accorder l'asile politique ou d'intégrer définitivement les populations issues de la Nakba de 1948 et de la guerre de 1967. Les raisons ne sont pas identiques pour tous ces pays. Des circonstances de politiques internes, des considérations stratégiques et géopolitiques et des positionnements idéologiques motivent leurs choix de maintenir les populations d'hominines de l'ex-futur État arabe de Palestine en état d'apatridie. Illes sont les célèbres "''réfugiés palestiniens''" qui, contrairement à ce que laisse penser la formulation genrée de cette expression, sont mâles et femelles. Parfois aussi notée "''réfugié·es palestinien·nes''". Après des accords signés en 1993, Israël s'est très partiellement retiré des territoires cisjordaniens conquis en 1967. Aujourd'hui, cet État colonial conserve le contrôle militaire et civil sur 60% des ''Territoires palestiniens'' <ref>''Territoires palestiniens''</ref>, 22% est sous contrôle civil palestinien mais sous contrôle militaire israélien et 18% est totalement contrôlé par les autorités palestiniennes. Décolonisée en 2005, la bande de Gaza est entièrement cernée et la Cisjordanie est émiettée en 165 îlots. Ces deux territoires palestiniens abritent une population d'un peu plus de 5 millions d'hominines. Tous genres confondus. La densité de population est énorme. Les Territoires palestiniens abritent plus de 830 personnes au km<sup><small>2</small></sup> — environ sept fois plus que la France métropolitaine — ce qui les placent au quatorzième rang mondial. À elle seule, la bande de Gaza a une densité de 6000 personnes au km<sup><small>2</small></sup> — cinquante fois plus qu'en France métropolitaine — ce qui en fait le quatrième territoire le plus peuplé au monde. Sur les 12 millions de personnes se disant d'origine palestinienne à travers le monde, celleux qui ont fui en 1948 et 1967 et leur descendance représentent, selon les estimations fournies par l'UNWRA, plus de 5 millions de personnes dont 2 millions environ vivent dans 58 camps — 9 en Syrie, 10 en Jordanie, 12 au Liban, 8 dans la bande de Gaza et 12 en Cisjordanie. La plupart sont apatrides. Selon les pessimistes, l'actualité ne présage pas d'une amélioration de leur situation. Pour les optimistes, en réponse à une attaque meurtrière contre des hominines de l’État israélien, ce dernier s'est décidé à réglé cette "''question palestinienne''" en tuant plus de 42000 hominines qui, par définition, ne sont plus apatrides. L'UNRWA doit même être interdite par Israël. Une situation que l'apatriologue B. Traven résume ainsi : |
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+ | <blockquote>''Nous mourons muets, en haillons, nous n'avons pas de nom, nous n'avons pas de nationalité. Nous ne sommes personne, nous ne sommes rien.'' <ref>B. Traven, ''Le vaisseau des morts'', 1926</ref></blockquote> | ||
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+ | La bonne nouvelle lorsque l'on parle de colonisation est qu'elle a une fin, la mauvaise étant qu'elle laisse des traces. Parfois très profondes. Le biais de l'anti-colonialisme en France est qu'il tend souvent à masquer — involontairement ou par chauvinisme — les impacts du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, autre puissance coloniale majeure. Aucune région du monde n'est épargnée par les ambitions coloniales britanniques. Les gestions politiques de leurs empires coloniaux respectifs ne sont pas identiques. Parmi les préoccupations géopolitiques britanniques au cours des XVIII et XIX<sup><small>ème</small></sup> siècles figure le contrôle, puis la main-mise, sur les routes commerciales terrestres et maritimes entre l'Europe et l'Asie. Plus précisément entre la Méditerranée orientale et le sous-continent indien, porte vers l'Asie plus lointaine. Pendant un siècle, la ''Compagnie britannique des Indes orientales'' règne sur le commerce international entre ces deux régions, avant de passer le flambeau en 1858 <ref>révolte des cipayes</ref> aux autorités britanniques qui officialisent l'empire colonial. Même le célèbre prédictologue Karl Marx reste prudent dans son analyse en août 1857 de la situation aux Indes britanniques : "''Il est possible que je passe pour un con. Mais dans ce cas, on peut toujours s'en sortir avec un peu de dialectique. Bien entendu, j'ai formulé ma proposition de manière à ce qu'elle soit valable dans les deux cas.''" <ref>Lettre de Karl Marx à Engels du 15 août 1857 - [https://marxists.architexturez.net/archive/marx/works/1857/letters/57_08_15.htm En ligne]</ref> Le ''Raj britannique'' s'étend sur les actuels Pakistan, Inde, Bangladesh et Birmanie, à l'exception de quelques petits territoires dominés par d'autres puissances coloniales européennes <ref>Autres</ref>. Sans être incorporés véritablement dans le Raj britannique, les royaumes himalayens du Bhoutan, du Népal et du [[Sikkim]] subissent directement son influence politique et économique. Idem pour l'île de Ceylan (futur Sri Lanka), à la pointe sud du sous-continent indien <ref>Aden, Somaliland et émirats arabiques </ref>. Le pouvoir politique colonial s'exerce à deux niveaux : l'un est une gestion territoriale directe et l'autre est un rapport de vassalité d'États princiers vis-à-vis de la royauté britannique. Officiellement, la reine d'Angleterre est impératrice des Indes et elle est représentée sur place par un unique vice-roi dans les territoires directement sous administration coloniale et par un résident dans chaque État vassal. Ils sont désignés par le gouvernement. Au début du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, l'empire colonial des Indes est divisé en 8 grandes provinces et 5 autres, plus petites. Dont les îles [[Andaman et Nicobar (Îles)|Andaman et Nicobar]]. | ||
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+ | [[Fichier:Rohing.jpg|300px|vignette|droite|Proverbe apatride]] | ||
+ | Les plus importants concurrents à la présence britannique dans la région sont, au nord, par delà la chaîne montagneuse de l'Himalaya, l'empire de la dynastie Qing, et à l'est, l'empire de la dynastie Konbaung. L'un est ce qui sera par la suite la Chine contemporaine et l'autre s'étend à cheval sur l'actuelle Birmanie et des régions de l'Inde du nord-est. Fondée dans le milieu du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle, la dynastie Konbaung prend les rênes d'un empire régional <ref>Deuxième empire birman</ref>. L’expansionnisme de cet empire vers l'est inquiète sa voisine Qing avec laquelle quatre guerres sont entamées et aboutissent à des accords de paix et des échanges commerciaux. Connu comme troisième empire birman par l'historiographie, ou empire d'Ava <ref>empire d'Ava</ref>, il s'étend au détriment de petits royaumes régionaux. À la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle, il conquiert le royaume de l'Arakan, sur la côte du golfe du Bengale, puis celui de l'Assam au sud-est de l'Himalaya. Ces conquêtes le mettent en contact direct avec les intérêts britanniques. L'empire d'Ava est dorénavant frontalier des territoires de la Compagnie britannique des Indes orientales. Le contrôle du golfe du Bengale est un enjeu stratégique important pour le commerce régional et international. Un litige sur la petite île marécageuse et inhabitable de Shapuree est le prétexte à la première guerre entre les empires de Londres et d'Ava entre 1824 et 1826. Elle se solde par le rattachement de l'Arakan et de l'Assam <ref>thé</ref> aux territoires de la Compagnie des Indes orientales <ref>Manipur et Tripura</ref>. Les deux anciens royaumes sont alors intégrés à la province du Bengale. Une seconde guerre en 1852 aboutit à la perte de toute la zone côtière pour l'empire birman. Après la troisième et dernière guerre entre les deux concurrents en 1885, l'empire d'Ava est définitivement englobé dans la zone d'influence du Raj britannique et la dynastie Konbaung est destituée. L'annonce officielle au Parlement britannique le 1<sup><small>er</small></sup> janvier 1886 est présentée comme un "''cadeau de Nouvel-an''" à la reine Victoria. Dans les faits, le renforcement de la présence britannique le long de la côte — environ 1500 kilomètres du golfe de Bengale à la péninsule malaise — et dans l'arrière-pays met un frein à l'avancée française dans la péninsule indochinoise <ref>Indochine et autres</ref>. De la même manière que l'empire birman en expansion s'est heurté à des résistances armées lors de sa conquête de l'Arakan et de l'Assam, les nouvelles autorités coloniales britanniques doivent faire face à une forte résistance. La répression est souvent très violente. Les anciennes classes dirigeantes birmanes et les élites émergentes au début du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle <ref>élites émergentes</ref> réclament un retrait britannique ou, pour les plus pragmatiques, une "simple" amélioration des droits pour les hominines des territoires conquis. En 1937, la Birmanie coloniale devient un territoire distinct du reste du Raj britannique et dont les frontières incluent l'Arakan. Lors de la seconde guerre dite mondiale, les armées japonaises chassent les britanniques et instaurent un éphémère État de Birmanie entre 1943 et 1945. L'insatisfaction pousse les anticolonialistes à changer de camp. Le Japon est dorénavant l'ennemi et plusieurs organisations politico-militaires se regroupent en une ''Organisation anti-fasciste'' (AFO) <ref>Organisation anti-fasciste</ref> pour chasser l'empire nippon et s'allier avec les britanniques. Après cette guerre mondialisée et la chute de l'empire du Japon, rompant avec les vagues promesses d'indépendance faîtes aux élites politiques de diverses régions colonisées par l'ex-empire d'Ava, les britanniques s'appuient finalement sur le nationalisme birman. Celui-ci affirme qu'une future Birmanie indépendante doit inclure les anciens royaumes conquis au XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle et perdus au siècle suivant, que les hominines de langue bama <ref>bama</ref> — majoritaires en Birmanie britannique et adeptes des mythologies bouddhaïennes <ref>bouddhaïennes</ref> — doivent gouverner les populations minoritaires. Il y a ambiguïté avec l'emploi du terme ''birman'' (''burma'' en anglais) qui désigne tout à la fois les populations de langue bama et les autres, que les celles habitant la Birmanie et qui ne sont pas nécessairement bama. L'utilisation du qualificatif ''français·e'' induit les mêmes ambiguïtés, implique les mêmes illusions. Des accords d'autonomie interne sont négociés en 1947 entre les birmano-nationalistes et les élites régionales. Devenue la ''Ligue anti-fasciste pour la liberté du peuple'' <ref>Ligue anti-fasciste pour la liberté du peuple</ref>, l'ancienne AFO négocie avec la puissance coloniale britannique les termes d'une indépendance birmane. La Ligue forme le premier gouvernement lors de l'indépendance le 4 janvier 1948 de l'Union birmane <ref>République socialiste de l'Union de Birmanie & Myanmar</ref>. Fin de la colonisation britannique, continuation du colonialisme birman. Aux lendemains de l'indépendance, la Ligue explose et les amitiés d'hier deviennent ennemies, et la plupart des provinces entre en rébellion. Depuis 1948 jusqu'à aujourd'hui, la guerre fait rage en Birmanie. La police et l'armée sont maintenant autochtones. Bien que Léo Malet n'ait "''jamais été très flicophile''" <ref>Interview de Léo Malet, ''Polar'', n°8, janvier 1980</ref>, son fils spirituel Nestor Burma <ref>Le nom Burma est directement inspiré du nom anglais de la Birmanie. Une référence à une tirade dans ''Le Mystérieux Docteur Fu-Manchu'' de Sax Rohm en 1913 dans laquelle il est question d'un certain Nayland Smith de Burma. Le prénom n'est pas lié à l'anarchiste Nestor Makhno mais au fait que Léo Malet trouve que "''cela claquait''"</ref> ne s'est pas tourné vers une carrière d'avocat pour les victimes de la répression, en Birmanie et ailleurs, et n'a jamais dit les mots suivants <ref>Une lecture protivophile de son biographe Léo Malet nuance cette affirmation. En effet, tous ces termes ont été utilisés par Nestor Burma mais jamais ensemble dans cet ordre précis. </ref> : | ||
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''Rien d’humain ne se fait sous l’emprise de la peur'' | ''Rien d’humain ne se fait sous l’emprise de la peur'' |
Version actuelle datée du 24 novembre 2024 à 16:15
Apatridie (бездржавјанство en macédonien - apatridia en nissard) Syndrome social intergénérationnel.
SommaireÉtymologieApatridie fait partie des plusieurs centaines de mots de la langue française qui se composent avec le préfixe privatif a-. Par exemple agélaste, apathée ou annihiler. Ou encore anarchie. L'apatridie est ainsi l'état de privation de patridie, de son absence. Comme l'anarchie est l'absence de pouvoir. L'étymon se rattache au grec antique πατρίς (patris) qui signifie patrie et est issu de πατήρ (pater) dans le sens de père. Ce dernier est à comprendre dans le sens de géniteur biologique et induit une idée de lignée entre pères et futurs pères. La patrie désigne les liens qui unissent les géniteurs à leur descendance. Les hominines sont κακόπατρις [1] ou εὔπατρις [2], d'une kakopatrie ou d'une eupatrie. D'un mauvais ou d'un bon père. De la merde ou de la noblesse. La société grecque est profondément misogyne et n'accorde pas d'importance sociale au rôle incontournable de la génitrice dans le processus reproductif chez les hominines [3], une espèce pourtant bisexuée. La matrie n'a pas de sens lorsque les hominines femelles ne sont pas reconnues comme les égales des mâles. Ce qui relie au père est public et politique alors que ce qui renvoie à la mère est du domaine privé et domestique. Cette filiation patrilinéaire minimise le fait que les hominines mâles sont le maillon faible des généalogies : Il n'y a que l'identité de la génitrice qui est une donnée absolument irréfutable. Sous l'empire romain, le patriciat est l'opposé de la plèbe. Les patriciens et les patriciennes sont, selon le dictionnaire de l'Académie française, membres par leur naissance de "la classe sociale la plus élevée, à laquelle étaient réservées toutes les magistratures." [4] D'après l'historien Fustel de Coulanges, dans son ouvrage La cité antique de 1864, "le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, terra patria, gé patris. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée [5] et ses héros, avec son enceinte sacrée et son territoire marqué par la religion." [6] La langue française utilise la racine pater pour constituer plusieurs mots. Par exemple, patrial ou patriel [7] est un adjectif pour qualifier ce qui est paternel, un patrocine [8] est celui qui "prend sous son aile", "qui aide", tout comme un patron est celui qui protège. Ce dernier sens se retrouve dans l'expression "Saint Patron" qui désigne un protecteur local. Étrangement, le féminin patronne émerge progressivement et n'est pas le pendant masculin de matrone [9]. L'adjectif patriot signifie "du pays des pères" et le nom patriote désigne l'hominine qui partage un même pays, l'équivalent du moderne compatriote. Les déformations de la racine pater donnent lieu à de nouveaux mots. Le patrin, celui qui fait office de père de substitution, devient parrain. Le lien entre les deux formes se retrouve dans le sens commun de patronage et parrainage, et il n'est pas d'usage de dire patricide mais plutôt parricide. Le patrois qui nomme le village ou une petite localité mute en patois [10] et désigne les pratiques langagières locales. La racine a donné de très nombreux termes encore en usage dans la langue française du XXIème siècle, dont patrimoine, patronyme, paternaliste, paternité, patriarcat, patronat et aussi parricide. Pour n'en citer que quelques uns. À noter que patronicide, avec le sens de "tuer un patron", n'a pas émergé dans les pratiques linguistiques alors même que c'est un acte récurrent au cours de l'histoire des hominines. Jusqu'au XVIème siècle après JCⒸ [11], une patrie est simplement le lieu de naissance de ses ancêtres et le pays dérive simplement du latin pagus qui désigne la plus petite unité de vie d'un groupe d'hominines. Une racine que l'on retrouve dans paganisme et peut-être aussi dans compagne. Idem dans pégouse [12] qui signifie "paysan" et "paysanne". Dans un univers linguistique parallèle, le patois aurait pu être le paysois ou le pagois. Selon l'article "Patrie" dans l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure, "le mot ne dépassait pas un cercle restreint de lettrés. Il ne fit son chemin que peu à peu et, dans la seconde moitié du XVIème siècle seulement, il devint d’un usage courant, concurremment à pays. Il ne représentait cependant rien de précis. On n’entendait par là ni la France "unifiée" — ce qui est un vain mot — ni l’acceptation tacite par tous les Français de vivre sous le même prince — ce qui n’a jamais été." [13] Pour appuyer sa démonstration, il cite le poète Charles Fontaine qui rejette ce néologisme et affirme : "Qui a païs, n’a que faire de patrie". Entre le courant du XVIème et la fin du XVIIIème siècles, le terme patrie se charge d'une dimension symbolique forte et devient "la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères." Les exemples choisies pour la première édition du dictionnaire de l'Académie française, en 1694, sont éloquents : "La France eʃt noʃtre Patrie. l’amour de la patrie. pour le bien de la patrie. pour le ʃervice de ʃa patrie. ʃervir ʃa patrie. deffendre ʃa patrie. mourir pour ʃa patrie. le devoir envers la patrie, eʃt un des premiers devoirs." [14] L'emploi de la majuscule et le sacrifice de soi sont préconisés dans certains cas. Tous les ingrédients nauséabonds d'une histoire d'Amour sont réunis. Construction linguistique originale et ironique, le concept de Mère Patrie émerge et la Révolution française de 1789 exalte cette Patrie dont elle fait le ciment de la République, en remplacement de la personne du Roi qui incarne jusqu'alors la nation et l’État. L'émergence des nationalismes dans l'Europe du XIXème et la création d'identités nationales vont définitivement transformer le sens de patrie et se l'accaparer. Au début du siècle suivant, Victor du Bled peut affirmer que "il existe une différence entre patrie et nation, mais l’une semble bien la substance de l’autre, elles s’enveloppent réciproquement. Au fond, il est peut-être un peu vain d’établir des distinctions subtiles entre ces maîtres mots qui, dans l’esprit de la grande majorité, représentent la même idée." [15] Dans une formule qui déclenche l'hilarité chez les personnes les plus sensibles, il ajoute "l’État, c’est la prose ; la patrie, c’est la poésie de la nation" ! Quoiqu'en pense ce blédard de Victor, l'ensemble des hominines de son époque ne partagent pas son enthousiasme. En parallèle de la montée en puissance de l'idée de patrie, avec une majuscule, les critiques se font de plus en plus mordantes. En 1898, sous le pseudonyme d'Alexandra Myrial, Alexandra David-Néel publie Pour la vie, un recueil de textes anarchistes individualistes :
Au sens premier de patrie, il ne peut exister d'hominines apatrides car il faut bien naître quelque part. D'un père. Et d'une mère. Ou tout du moins de la rencontre entre spermatozoïde et ovule. Avec le glissement qui en fait, selon Victorio Del Pegouzo, un équivalent de "nation, État, peuple", l'apatridie s'applique dorénavant "à toute personne qu’aucun État ne considère comme sa ressortissante par application de sa législation". Pour celleux qui savent néanmoins que l'Apatridie est un pays lointain et veulent que les apatrides y retournent, le Guide du Rien écrit en 1922 leur offre un petit tour d'horizon, sans avoir à se déplacer aussi loin :
Diagnostics apatriensLa lettre a en début de mot n'est pas systématiquement un préfixe privatif. Les gentilés et les noms des pays n'échappent pas à cette règle. En effet, l'Arménie, l'Afghanistan et l'Albanie ne sont, par exemple, pas les contrées des hominines en privation de Rménie, de Fghanistan et de Lbanie. Ce diagnostic peut s'étendre à la plupart des pays, régions et autres subdivisions du monde par les hominines. Les Amériques, l'Asie, l'Argentine, l'Azerbaïdjan ou encore l'Arabie saoudite ont des étymologies qui n'ont rien à voir avec le a- privatif de apatride. Idem pour les départements français d'Ariège ou des Alpes-Maritimes : Les hominines de ses régions ne sont pas plus en manque de Riège et de Lpes-maritimes que d'autres. Dans la langue française "normalisée", ce préfixe n'est pas le seul à être utilisé avec patrie. Il existe aussi des verbes composés avec ex-, ra- et de- pour former expatrier, rapatrier et dépatrier, et leurs dérivés. Les trois induisent un déplacement. Le premier exprime le mouvement d'un endroit vers un autre, le deuxième un mouvement de retour et le troisième décrit le mouvement qu'est une déchirure entre deux choses. Ils s'emploient aux formes actives et passives. Il est possible de s'expatrier soi-même ou d'expatrier une personne, de se rapatrier ou de se faire rapatrier, tout comme sont possibles le fait de dépatrier ou de se faire dépatrier. Selon qui les utilise, ces termes peuvent avoir des synonymes dépréciateurs. Un État parle d'expatriation pour désigner l'installation de "ses" hominines dans un autre État, mais qualifie un mouvement de population vers lui de migration. Lorsque des hominines fuient une situation et retournent d'où illes viennent, ce mouvement de rapatriement est classiquement désigné par expulsion ou exfiltration, selon qui parle. Pour dépatrier, il est synonyme de négation profonde ou de libération totale. Dans le doute, l'apatriste Bérurier Noir inclut les deux dans sa longue liste de salutations : "Salut à tous les Hommes libres. Salut à tous les apatrides" [18] Bref, celleux qui réclament de se faire dépatrier et celleux qui subissent un dépatriement, une dépatriation, une dépatrissade, une dépatrissure, etc. Plusieurs néologismes peuvent être utilisés. En ce premier quart de XXIème siècle, les estimations du nombre d'apatrides varient de quelques millions à environ 10 millions d'hominines à travers le monde. Cette situation d'apatridie est la conséquence de guerres directes entre pays, d'occupation coloniale de régions ou de situations post-coloniales, de changements de frontières ou d'échanges de territoires, de politiques discriminatoires ou de dysfonctionnements administratifs, ou de cas particuliers. L'apatridie est collective ou individuelle. Dans l'impossibilité de lister l'ensemble des cas et situations tant ils sont nombreux, cet article se contente de quelques exemples significatifs. Apatri-UnLa dislocation progressive de plusieurs empires et la multiplication des États-nations au début du XXème siècle entraînent des vagues d'apatridie. Des dizaines de milliers d'hominines se retrouvent sans aucune reconnaissance légale de la part des États existants. La Russie tsariste et l'empire ottoman implosent. Depuis le prise de pouvoir des bolchevistes et le renversement de la dynastie russe en 1917, la Russie est en guerre civile [19]. Jusqu'en 1921, l'armée rouge des bolchevistes s'affronte aux armées pro-tsaristes, à l'insurrection paysanne anarchiste dans le sud (en Ukraine) [20] et à de multiples armées nationalistes de régions qui aspirent à l'indépendance. Après leur victoire, les bolchevistes transforment en 1922 la Russie impériale en une Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), abrégé par Union soviétique. Par décret de décembre 1921, des milliers d'hominines faisant partie de ces oppositions politiques et militaires ne reçoivent pas automatiquement cette nouvelle nationalité. Illes sont ce que les nouveaux maîtres appellent des "éléments contre-révolutionnaires". Illes doivent quitter le pays sans se faire tuer, ni finir dans un camp d'internement sibérien — ce qui n'est pas une évidence — et les autres, déjà en exil à l'étranger, ne peuvent plus retourner dans cette ex-Russie impériale. L'apatridie est leur nouvelle situation. La Société des Nations (SDN) est créé au lendemain de la première guerre dite mondiale. En 1919, elle regroupe 45 pays, dont 26 non-européens, qui prétendent ainsi éviter de futurs conflits et guerres. Une commission de la SDN instaure en 1922 un passeport pour ces apatrides. Il est nommé Passeport Nansen, du nom du diplomate norvégien qui en est à l'origine. Il peut être obtenu après une demande étudiée par des fonctionnaires de la SDN. En cas d'accord, le passeport Nansen est délivré pour une première période de deux ans, puis, renouvelable à vie. Pour celleux qui en ont les moyens, il permet de voyager. Selon l'écrivain russe apatride Vladimir Nabokov, "son titulaire valait à peine mieux qu'un criminel libéré sur parole et devait passer par d'odieuses épreuves chaque fois qu'il voulait voyager d'un pays dans l'autre, et plus les pays étaient petits, plus ils étaient tatillons. Quelque part dans le fin fond de leurs glandes, les autorités sécrétaient cette notion que peu importait à quel point un État – disons la Russie soviétique – pouvait être mauvais, toute personne ayant fui cet État était intrinsèquement méprisable du fait qu'elle s'était soustraite à toute administration nationale : et par conséquent, on marquait à son endroit la désapprobation absurde avec laquelle certains milieux religieux regardent un enfant né hors mariage." [21] Ce sont ces circonstances d'apatrides soviétiques qui mènent Nestor Makhno [20], Alexander Shapiro [22] et Hanka Grothendieck [23] en France. Anarchistes, les deux premiers sont russes et elle allemande. Grace à Makhno, l'entreprise de construction automobile Renault de Boulogne-Billancourt, en région parisienne, augmente son taux d'embauche de tuberculeux. Il en profite pour co-écrire la Plate-forme organisationnelle de l’union générale des anarchistes (projet) [24] et mourir en 1934 dans un hôpital parisien. Et les deux autres enfantent d'Alexandre Grothendieck [25], le plus célèbre des mathématiciens du département français d'Ariège. Héritier de l'apatridie parentale, Alexandre Grothendieck publie dans la décennie 1970 Esquisse d'un Programme, qui n'en est pas un, puis dans le début de la décennie suivante Récoltes et Semailles, sa non-autobiographie. Dans le documentaire La plateforme II, sorti en 2024, Zamiatin laisse penser qu'il est enfant naturel de Nestor Makhno et Alexandre Grothendieck :
Affaibli par les guerres balkaniques [27] et la première guerre dite mondiale, l'empire ottoman continue de se fissurer. Que ce soit dans ses provinces d'Europe, d'Afrique ou d'Asie, la contestation gronde, bien souvent soutenue par les autres États européens. Le nationalisme ottoman ne parvient pas à s'imposer face aux nationalismes "ethniques" qui fragmentent l'empire. Il est progressivement remplacé par un nationalisme turco-mahométien. Dans ces circonstances, toutes autres revendications culturelles, linguistiques et religieuses sont considérées ennemies. Les populations christiennes arméniennes et assyriennes [28] payent le prix fort de ces antagonismes politiques. Expulsées, massacrées, humiliées, elles sont contraintes de fuir pour ne pas mourir. Pour les survivantes les décennies suivantes sont faîtes d'errance et d'exil dans les pays limitrophes. D'autres partent en Europe ou dans les Amériques. Plus d'un million de personnes des communautés arméniennes, soit environ 70% de la population arménienne anatolienne, meurent d'assassinats et de massacres, de misère et de faim sur les routes. Entre 50% et 75% du million d'hominines des communautés assyriennes subissent le même sort. Mâles, femelles et rejetons. Ces deux massacres et déportations de masse de populations christiennes d'Anatolie sont considérés comme le second génocide du XXème siècle, qui ne fait que commencer. En 1922, sur les cendres de l'empire ottoman, la Turquie moderne est proclamée. Au total, 26 pays émergent avec l'effondrement ottoman. Le Traité de Lausanne de 1923, signé entre les puissances européennes et l'empire ottoman, abandonne l'idée d'une Arménie et d'un Kurdistan indépendants. Les promesses faîtes aux populations assyriennes ne tiennent plus. Afin de normaliser leurs relations et d'homogénéiser leurs territoires, des échanges de populations sont organisés entre la Turquie, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et la Yougoslavie. Selon que leurs croyances sont christiennes ou mahométiennes. Presque un million et demi de grécophones micrasiates [29] doivent quitter l'Anatolie pour la Grèce et plus de 500000 hominines de croyances mahométiennes d'Europe doivent rejoindre la Turquie. Les critères ethnolinguistiques sont appliqués sans aucune finesse. Plusieurs populations minoritaires se retrouvent déportées dans des pays dont elles ne parlent pas la langue, ou dont les seuls liens sont linguistiques mais pas culturels. Sont cataloguées grecques toutes les populations christiennes quelle que soit leurs langues et turques toutes les mahométiennes, de langue turque ou non. Les populations arméniennes et assyriennes ne peuvent "bénéficier" de ses déportations car aucun pays ne les réclament. L'Arménie soviétique n'existe pas encore et l'Assyrie autonome n'est même plus un projet. Des passeports Nansen sont attribués à partir de 1924 à des hominines de ces deux communautés pourchassées et orphelines d’État. Beaucoup arrivent en France. Ainsi, le jeune Charles Aznavourian, né en France de parents apatrides, apprend à jouer aux échecs avec Missak Manouchian [30], lui-même apatride. "Le football c'est comme les échecs mais sans les dés" est abusivement prêté à Charles Aznavour par une petite encyclopédie de rien mais des recherches rapides sur le réseau internet permettent de montrer que ce n'est pas le cas [31] : Il semble que les échecs se jouent sans dé. Missak Manouchian est fusillé fin 1943 pour sa participation active à la résistance communiste contre les hitléristes et le petit Charles deviendra un chanteur populaire français qui déclare en 2013 qu'il faut, en matière d'immigration, faire le tri entre les gens utiles et les autres [32]. "Non, je n'ai rien oublié" n'est pas sa devise politique mais le titre d'une de ses célèbres chansons d'amour. Entre sa création en 1922 et sa disparition en 1945, le passeport spécial apatride est attribué à 450000 hominines. Ce ne sont évidemment pas les premiers cas d'apatridie, mais ce passeport est la première reconnaissance internationale et tentative commune de gérer le sort des populations victimes de la géopolitique. Le terme même d'apatride fait son apparition dans la langue française dans le premier quart du XXème siècle. Le Larousse du XXe siècle en six volumes de 1928 ne le recense pas encore et le dictionnaire de l'Académie française ne le mentionne pas dans sa huitième édition de 1935. Il faut attendre la neuvième (non encore publiée) pour qu'il apparaisse et le Larousse du XXe siècle le liste dans son supplément, le volume 7 de 1953. Le volume trois de ce Larousse, daté de 1930, liste heimatlos un terme germanique composé de heimat signifiant "patrie" ou "pays natal" et du suffixe privatif los [33]. Il mentionne aussi heimatlosat, le synonyme d'apatridie. Au siècle précédent, les hominines sans attache nationale, régionale ou communale sont des heimatlos. Le terme est utilisé en France et en Suisse. Il a le sens d'apatride et aussi celui de "sans domicile fixe", de "sans abri". Selon le contexte, il qualifie autant les apatrides que les mendiants, les populations non sédentaires et différentes communautés marginales. D'après le Dictionnaire historique de la Suisse, "à l'origine du statut de heimatlos, il y avait les lois et les pratiques juridiques, mais aussi diverses normes pénales. La réglementation confessionnelle, notamment, priva les convertis de leurs droits d'origine jusqu'au début du XIXe s. De plus, de nombreuses communes refusaient de reconnaître leurs ressortissants pauvres si, errants ou travailleurs itinérants, ils avaient été longtemps absents." [34] Cousine proche de la France, en Suisse "l'attitude des autorités et des sédentaires envers les heimatlos et les errants alterna entre oppression et assistance, exclusion et intégration forcée ou assimilation." Pour les allergiques à la patrie, heimatlos n'est pas péjoratif. Selon l'écrivain et futur académicien Jean Guéhenno, "un intellectuel est une sorte d'heimatlos, et c'est n'avoir plus de patrie que d'avoir sa patrie au ciel des idées." [35] Profondément marqué par la première guerre dite mondiale où le patriotisme exacerbé des pays européens a mis le continent à feu et à sang, il professe dès lors une approche pacifiste et livre son bilan au bord de l'amer :
Apatri-DeuxHeimatlos et autres apatrides ont mauvaise réputation. Au mieux. Au pire, illes sont responsables de tous les maux de la planète. Dans une bouche à l'haleine fétide, l'apatride est toujours à regarder avec méfiance. "Et s'ille était juif ?" se demandent les adeptes des jeux de maux. Alors que les plus réactionnaires savent très bien que "ille doit être manouche !" Le vendeur de sac à vomi le dit. Celleux qui ne se prononcent pas pensent que ce sont un peu les mêmes. Difficile de les différencier. Utiliser apatride en insulte c'est faire la démonstration savante que, pour des élucubrations racistes, finalement les "juifs sont des manouches qui ont réussi" ou que "les manouches sont des juifs à caravane". Bref, qu'il y a toutes les raisons de leur faire porter la responsabilité de tous les malheurs du monde. Passés, présents et futurs. L'insulte apatride a son heure de gloire lors de la dernière en date des grandes vagues de persécutions à l'encontre des populations moïsiennes. Les hitléristes et leurs homologues en raffolaient. Le procédé est simple. Il suffit de priver, administrativement, historiquement et politiquement, une personne ou un groupe d'hominines d'affiliation à une quelconque patrie afin de pouvoir leur reprocher d'être apatrides. L'idée que l'apatridie soit une condition peu enviable, une malédiction, se retrouve dans l'imaginaire moïsien. L'errance et l'exil sont des symboles très présents dans la mythologie moïsienne. Les plus philosophes y voient une preuve [De quoi ?] et les plus extrémistes s'inventent des raisons de les détester et détournent à leur profit le célèbre slogan végétarien : "Myth is murder" [37]. Pour les "gens du voyages", les nomades, les tziganes et autres gitaneries, le refus de la sédentarisation n'est pas une affirmation apatride mais un mode de vie à défendre. Que ce soit pour les populations moïsiennes ou les pseudo-apatrides de tous poils, l'accusation d'apatridie est simplement une stigmatisation. Personne ne cherche à s'affirmer fièrement apatride, mais dans une bouche accusatrice, ceci n'est que du simple déni. Mais au-delà de ces fantasmagories nauséabondes, il existe réellement des populations considérées apatrides. Ou plus précisément, mise en état d'apatridie. Après la seconde guerre dite mondiale, avec ses millions de morts, de populations massacrées et de personnes déplacées, la Société des Nations est remplacée par l'Organisation des Nations Unies (ONU). Chargée du maintien de la paix et de la gestion des crises humanitaires, comme sa prédécesseure, elle est composée des États-nations responsables des crises mondiales, des guerres et des massacres de populations à travers le monde. Le nombre de morts dues à des organisations non-étatiques est, sans commune mesure, bien moins élevé que celui causé par des armées nationales ou des organisations para-étatiques. Dans les années 1950 la décolonisation s'enclenche. La plupart des pays colonisateurs se retirent de leurs territoires annexés au cours des siècles précédents. Les frontières sont une nouvelle fois redessinées et des populations d'hominines sont déplacées afin de faire correspondre les cartographies abstraites à la réalité. La partition des Indes britanniques sur des critères religieux — l'indépendance de l'Inde et du Pakistan en 1947 — entraîne le déplacement forcé de plus de 12 millions de personnes, mâles, femelles et enfants. Les morts sont nombreuses sur ces routes de l'exil et les violences sont aggravées lorsqu'il s'agit de femelles [38]. Environ le même nombre que les populations allemandes contraintes de fuir les différents pays d'Europe après la chute de l'Allemagne hitlériste. Mais les chiffres ne sont pas précis. Peu importe, il donne une idée de l'ampleur de ses déplacements de populations. Malgré les difficultés, l'Inde et le Pakistan tentent de gérer ces flux et d'intégrer "au mieux" ces hominines. Idem pour l'Allemagne post-hitlériste. L'apatridie est éphémère. Les guerres anti-coloniales débouchent sur des redécoupages de territoires et sur la passation de pouvoir entre les autorités coloniales et les nouvelles élites politiques autochtones. Officiellement, le processus de décolonisation se termine dans les années 1970-1980. Les situations politiques sont complexes. Par nature inventées, les frontières sont contestées entre les ex-puissances coloniales et les nouveaux pays indépendants mais aussi entre ces derniers. Si les frontières sont une abstraction, leurs incidences sur les populations sont bien réelles. Les premières concernées le savent très bien. Elles sont rarement l'enjeu de conflits entre pays mais elles sont soit des prétextes à des visées territoriales, soit des obstacles pour des politiques expansionnistes. L'accès aux ressources naturelles ou à des voies commerciales sont bien plus moteur des conflits que le sort des populations mêmes. Le monde est dorénavant post-colonial. "Fini le temps béni des colonies" comme se désole feu Michel Sardou [39], lorsque les populations colonisées souffraient des violences militaires et policières métropolitaines, étaient exploitées par une classe dirigeante étrangère. Place aux violences militaires et policières autochtones et à l'exploitation par une classe dirigeante locale. "Indépendance cha cha" chantonne gaiement Grand Kallé avec son groupe African Jazz [40]. Depuis 1945, le nombre de pays internationalement et réciproquement reconnus est passé de 88 en 1955, à 156 en 1975 jusqu'à atteindre 197 en 2012. Ces chiffres n'incluent pas les territoires auto-proclamés dont la reconnaissance officielle n'est pas internationale. La Pridniestrie, le Somaliland, le Haut-Karabagh ou l'Abkhazie par exemple. Afin de répondre au mieux à ces nouvelles complexités géopolitiques et d'œuvrer à une meilleure prise en compte des hominines qui ne savent pas compter, la protivophilie invente en 2017 le jeu pédagogique intersectionnel 1312 raisons d'en finir avec [...] Il est adapté à tous les âges et toutes les nationalités. Que que soit son raphé ou la longueur des bras. Simple à comprendre. Pour une première prise en main, il suffit de tester avec des [...] déjà connus pour être des [...] qui correspondent. La France ou la Macédoine par exemple.
De cette situation géopolitique actuelle où des millions d'hominines sont apatrides, les cas les plus emblématiques sont ceux de populations de l'ancienne Palestine mandataire britannique et de l'ex-empire des Indes britanniques. Le premier s'inscrit dans le processus qui aboutit à la proclamation de l'indépendance d'Israël en 1948 sur une partie de cette Palestine britannique et le second résulte des migrations internes de populations mahométiennes dans des régions, hier sous la même autorité coloniale, aujourd'hui appartenant à deux États différents, la Birmanie (Myanmar) et le Bangladesh. Dans les régions et les pays à dominante christienne ou mahométienne, le sort des populations moïsiennes ne fut pas un long fleuve tranquille. Les nouvelles mythologies regardent avec méfiance ce qui les a précédé. L'histoire européenne et méditerranéenne de ces populations est une alternance d'expulsions et de calme, de violences et d'indifférence, de discrimination et d'intégration. Elles sont un exutoire récurrent et des formes de racisme spécifique à leur encontre se sont élaborées au fil des siècles. Elles sont généralement appelées "antisémitisme" ou antimoïsianisme dans l'univers protivophile. Il est souvent porté par des hominines qui accusent les populations moïsiennes d'être tout simplement trop rancunières d'être détestées sans raisons valables. Si l'on s'en tient seulement à son étymologie, même le terme antisémitisme est d'essence antisémite [42]. Au cours des siècles, le monde christien rivalise d'innovation pour trouver de nouvelles façons de faire vivre cet antimoïsianisme. Les plus gros massacres sont commis au nom de Jésus aka ChristⒸ, cet ancien moïsien dont les disciples ont depuis longtemps perdu la raison. Au XIXème siècle, plusieurs millions d'hominines en Europe et sur le pourtour méditerranéen se réclament des mythologies moïsiennes et des pratiques religieuses qui en découlent. L'Europe centrale et orientale est la région d'Europe ayant le plus grand nombre de ces hominines. Les cultures moïsiennes sont une mosaïque de langues [43] et d'histoires. Lors des regains de tensions, des hominines font parfois le choix de fuir pour se réfugier ailleurs. La plupart restent. Beaucoup partent pour les Amériques, d'autres vers la Palestine britannique. Parmi les avenirs qui se décident, une poignée a dans l'idée de fonder un État qui regroupe les moïsiens, mâles et femelles, qui le veulent. En Palestine de préférence [44]. Le sionisme est né. L'hostilité ambiante est une motivation sérieuse. Le summum des persécutions en Europe est la première moitié du XXème siècle, lors de sa période hitlériste. Les populations moïsiennes sont méthodiquement décimées, déportées, expulsées, traquées, etc. Summum n'est pas le nom hébreu d'une "fête juive". Des millions disparaissent. Une partie de celleux qui ont survécu s'installent en Palestine. Les autres retournent dans les pays dont illes sont originaires ou migrent vers les Amériques. Cela inquiète les plus revêches car si "naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochus. Maintenant [...] c'est pas évident de reconnaître du premier coup d'œil un petit enfant juif d'un petit enfant antisémite." [45] Paradoxalement, l'idée que les populations moïsiennes se regroupent toutes au même endroit est un projet qui enchante autant les antimoïsianistes que celleux qui veulent les en défendre. Depuis la fin du XIXème siècle où les premiers petits groupes moïsiens s'installent en Palestine ottomane jusqu'aux lendemains de la seconde guerre dite mondiale où le flux migratoire vers la Palestine britannique est à son comble, les populations moïsiennes arrivent dans une région habitée par d'autres. La plupart sont arabophones de croyances mahométiennes ou christiennes. Quelques unes de ces populations autochtones sont moïsiennes et ne voient pas d'un œil favorable la venue de celleux qui se déclarent être leurs homologues : Leurs langues, leurs histoires et leurs cultures différent. Comme c'est la règle dans le processus de colonisation, les autochtones n'ont que peu de valeur. Dans cette région de la Méditerranée orientale, après l'éclatement de l'empire ottoman, la France et le Royaume-Uni britannique obtiennent des mandats internationaux de la Société des Nations (SDN) sur les territoires. Dans une recette mêlant divisions communautaires ottomanes basées sur la religion et la langue, avec une bonne dose de nationalisme à la mode européenne, et un grossier saupoudrage de leurs propres intérêts, les aspirations des puissances européennes sont une macédoine d’États-nations sur des critères "ethniques, linguistiques et religieux". La fin du mandat français engendre la création des États actuels du Liban [46] en 1943 et de la Syrie [47] en 1946, deux républiques fondées sur des équilibres de pouvoirs politiques et économiques entre différentes "minorités" religieuses christiennes et mahométiennes [48], la plupart arabophones. Dans la réalité — évidemment — il n'y a aucune "communauté" au pouvoir mais la monopolisation du pouvoir par des hominines qui disent les représenter ! Pour rappel, voir le jeu 1312 raisons d'en finir avec [...] cité ci-dessus. La fin du mandat britannique abouti à l'indépendance d'une monarchie, la Jordanie [49] en 1946, à l'est du fleuve Jourdain. Ce qui demeure sous domination britannique, à l'ouest du Jourdain, représente moins de 25% de la Palestine ottomane. En effet, en septembre 1922, la Société des Nations (SDN) a entériné la scission de la Palestine entre Transjordanie et le reste qui prend le nom de Palestine mandataire. Si la Jordanie est appelée Transjordanie, cette miette palestinienne est au sens strict la Cisjordanie — l'autre rive du Jourdain. L'Organisation des Nations Unies (ONU) vote un plan de partage en 1947 [50] des vestiges de la Palestine mandataire en trois entités : un "État juif" sur 56% du territoire, un "État arabe" sur 42%, et la ville d'Al Qods/Jérusalem et sa banlieue (2%) est placée sous contrôle international. Chaque État est divisé en trois régions, reliées entre elles en un point. Le futur État arabe palestinien comprend, du sud au nord, la bande côtière d'Ashkelon à la frontière égyptienne, centrée sur Gaza, ainsi qu'une bande dans le désert du Néguev le long de la frontière égyptienne, une Cisjordanie de Jénine à Hébron, et l'ouest de la Galilée autour des villes d'Acre et Nazareth. Ces fragmentations post-ottomanes ne sont pas du goût du nationalisme arabe proche-oriental qui aspire à un État unique regroupant Syrie, Liban, Transjordanie (Jordanie) et Cisjordanie (Palestine). Depuis l'émiettement de la région après la chute de l'empire ottoman et le redécoupage par les puissances mandataires, les populations cisjordaniennes contestent la présence britannique, les clivages franco-britanniques qui redéfinissent les frontières régionales et les ambitions des États-nations en devenir. Les britanniques s'opposent aux revendications sociales et politiques des arabophones du Levant, la présence française empêche un rapprochement avec les républiques libanaise et syrienne — nées respectivement en 1926 et 1930 — et l'émirat de Transjordanie — né en 1921 — a des vues sur la Cisjordanie. Les plus grandes révoltes autochtones contre les britanniques sont entre 1936 et 1939. Elles critiquent l'absence de projet clair d'indépendance et l'implantation toujours plus importante de communautés moïsiennes sur le territoire. La vente de terres à des sionistes par des autochtones de Cisjordanie est considérée comme une trahison et les sionistes sont directement la cible de violences. Ce petit territoire qu'est la Cisjordanie, fraction de la Palestine, est le lieu de confrontation de deux nationalismes : le sionisme et le palestinisme. L'un se revendique d'un antique royaume hébraïque, en grande partie fantasmé [51], et se justifie par le déferlement haineux antimoïsianistes en Europe, le second réclame pour les territoires cisjordaniens ce que les autres populations arabes ont obtenu et s'appuie sur une identité palestinienne émergente. Alors qu'auparavant les populations de part et d'autre du Jourdain sont définies comme palestiniennes, cette définition évolue et désigne pour le palestinisme les populations n'ayant pas bénéficié de l’indépendance de la Transjordanie, la partie orientale de la Palestine. Cette "cisjordanie virtuelle" devient la nouvelle Palestine. Le plan de partage de novembre 1947 concerne donc cette Palestine réduite. Le projet d’un "État juif" regroupe plus d'un demi million de moïsiens, tout type de raphé confondu, pour un peu plus de 400000 personnes étiquetées "arabes". Le projet d'un "État arabe" regroupe plus de 800000 arabes et 10000 personnes étiquetées moïsiennes. Al Qods/Jérusalem est peuplée de plus de 200000 hominines, dont un peu plus de la moitié est considérée arabe. Dans les faits, environ 2% de la population moïsienne ne se retrouve ni dans l’État juif ni dans la zone internationale hiérosolymite contre plus de 30% de la population arabe qui n'est ni dans l’État arabe ni dans la zone internationale. La superficie octroyée au futur État moïsien est supérieure à celle de l’État arabe mais 40% de son territoire se trouve dans le désert inhabité du Néguev. Si les plus extrémistes des sionistes ne veulent pas se contenter d'une simple portion, et réclament même la Jordanie, la plupart se satisfont de la proposition de partage. Par contre, les palestinistes ne l'entendent pas ainsi. Illes réclament la création d'une Palestine indépendante dont la population serait mixte, moïsienne et arabe. Cette dernière étant christienne et majoritairement mahométienne. À l'exception des sionistes, les palestinistes reconnaissent la présence d'une communauté moïsienne pré-sioniste, le yichouv [52], désignée comme "palestinienne juive" ou "arabe juive". En mai 1948, sur les frontières prévues par le plan de partage, l’État d'Israël est proclamé par les instances politiques sionistes en Palestine. Les pays arabes alentours rejettent cette indépendance et déclarent la guerre. Entre mai 1948 et mars 1949, les armées de Jordanie, d’Égypte, de Syrie et d’Irak, ainsi que l'Armée de libération arabe faite de volontaires, s'affrontent avec les forces armées du nouvel État israélien. La défaite arabe est cuisante. Israël contrôle dorénavant 78% du territoire concerné par le plan de partage de 1947 et occupe la partie occidentale d'Al Qods/Jérusalem. L’Égypte prend le contrôle de la bande de Gaza et la Jordanie s'installe en Cisjordanie et dans la partie orientale d'Al Qods/Jérusalem. L’État arabe de Palestine est mort-né. Les conséquences directes de cette guerre et de l'extension d'Israël est l'exode massif des populations des territoires conquis. L'historiographie palestiniste nomme cet épisode Nakba, la "catastrophe" en arabe [53]. Sur les quelques 900000 hominines arabes se retrouvant de fait dans les nouvelles frontières israéliennes, environ 750000 hominines fuient les combats, ainsi que les expulsions forcées et les destructions de villages par le nouvel État [54]. Illes se réfugient dans les pays arabes voisins et dans les zones conquises par l’Égypte et la Jordanie. Des camps de réfugiés sont installés à la hâte. Pour faire face à cette situation, l'ONU crée en 1949 l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, plus connu sous son acronyme anglophone UNRWA [55]. Dans un premier temps, les hominines pensent que la situation n'est que provisoire et qu'illes vont pouvoir retourner dans leurs villages et régions d'origine, mais la situation d'exil perdure et le droit au retour [56] se fait attendre. Les pays arabes qui les accueillent ne leur accordent pas la nationalité et les maintiennent dans un statut bancal de réfugiés qui ne leur garantie pas les mêmes droits que les autochtones et les cantonne dans des camps. L'asile politique n'est pas accordé. La Jordanie et le Liban font exception en proposant leur nationalité à une partie de ces hominines. Sous certaines conditions. La Jordanie accorde la nationalité à un grand nombre mais une partie est contrainte de rester vivre dans des camps, alors que le Liban octroie sa nationalité de préférence à des hominines de religion christienne ou à des membres de la bourgeoisie exilée, quelque soit leur religion. Une nouvelle guerre en juin 1967 entre les pays arabes de la région et l’État israélien abouti à l'annexion, par ce dernier, de la Cisjordanie et de la partie orientale de la ville d'Al Qods/Jérusalem alors sous domination jordanienne, ainsi que la bande de Gaza, égyptienne depuis 1949 [57]. Environ 300000 hominines fuient vers la Jordanie et s'installent dans des camps déjà présents depuis 1948. Les négociations pour un retour organisé des hominines de 1948 et 1967 n'aboutissent à rien. Israël est très réticent car il craint un déséquilibre démographique en sa défaveur et n'est pas en mesure de dédommager pour toutes les expropriations de terres et les destructions de villages. Les pays arabes qui abritent des camps refusent d'accorder l'asile politique ou d'intégrer définitivement les populations issues de la Nakba de 1948 et de la guerre de 1967. Les raisons ne sont pas identiques pour tous ces pays. Des circonstances de politiques internes, des considérations stratégiques et géopolitiques et des positionnements idéologiques motivent leurs choix de maintenir les populations d'hominines de l'ex-futur État arabe de Palestine en état d'apatridie. Illes sont les célèbres "réfugiés palestiniens" qui, contrairement à ce que laisse penser la formulation genrée de cette expression, sont mâles et femelles. Parfois aussi notée "réfugié·es palestinien·nes". Après des accords signés en 1993, Israël s'est très partiellement retiré des territoires cisjordaniens conquis en 1967. Aujourd'hui, cet État colonial conserve le contrôle militaire et civil sur 60% des Territoires palestiniens [58], 22% est sous contrôle civil palestinien mais sous contrôle militaire israélien et 18% est totalement contrôlé par les autorités palestiniennes. Décolonisée en 2005, la bande de Gaza est entièrement cernée et la Cisjordanie est émiettée en 165 îlots. Ces deux territoires palestiniens abritent une population d'un peu plus de 5 millions d'hominines. Tous genres confondus. La densité de population est énorme. Les Territoires palestiniens abritent plus de 830 personnes au km2 — environ sept fois plus que la France métropolitaine — ce qui les placent au quatorzième rang mondial. À elle seule, la bande de Gaza a une densité de 6000 personnes au km2 — cinquante fois plus qu'en France métropolitaine — ce qui en fait le quatrième territoire le plus peuplé au monde. Sur les 12 millions de personnes se disant d'origine palestinienne à travers le monde, celleux qui ont fui en 1948 et 1967 et leur descendance représentent, selon les estimations fournies par l'UNWRA, plus de 5 millions de personnes dont 2 millions environ vivent dans 58 camps — 9 en Syrie, 10 en Jordanie, 12 au Liban, 8 dans la bande de Gaza et 12 en Cisjordanie. La plupart sont apatrides. Selon les pessimistes, l'actualité ne présage pas d'une amélioration de leur situation. Pour les optimistes, en réponse à une attaque meurtrière contre des hominines de l’État israélien, ce dernier s'est décidé à réglé cette "question palestinienne" en tuant plus de 42000 hominines qui, par définition, ne sont plus apatrides. L'UNRWA doit même être interdite par Israël. Une situation que l'apatriologue B. Traven résume ainsi :
La bonne nouvelle lorsque l'on parle de colonisation est qu'elle a une fin, la mauvaise étant qu'elle laisse des traces. Parfois très profondes. Le biais de l'anti-colonialisme en France est qu'il tend souvent à masquer — involontairement ou par chauvinisme — les impacts du Royaume-Uni de Grande-Bretagne, autre puissance coloniale majeure. Aucune région du monde n'est épargnée par les ambitions coloniales britanniques. Les gestions politiques de leurs empires coloniaux respectifs ne sont pas identiques. Parmi les préoccupations géopolitiques britanniques au cours des XVIII et XIXème siècles figure le contrôle, puis la main-mise, sur les routes commerciales terrestres et maritimes entre l'Europe et l'Asie. Plus précisément entre la Méditerranée orientale et le sous-continent indien, porte vers l'Asie plus lointaine. Pendant un siècle, la Compagnie britannique des Indes orientales règne sur le commerce international entre ces deux régions, avant de passer le flambeau en 1858 [60] aux autorités britanniques qui officialisent l'empire colonial. Même le célèbre prédictologue Karl Marx reste prudent dans son analyse en août 1857 de la situation aux Indes britanniques : "Il est possible que je passe pour un con. Mais dans ce cas, on peut toujours s'en sortir avec un peu de dialectique. Bien entendu, j'ai formulé ma proposition de manière à ce qu'elle soit valable dans les deux cas." [61] Le Raj britannique s'étend sur les actuels Pakistan, Inde, Bangladesh et Birmanie, à l'exception de quelques petits territoires dominés par d'autres puissances coloniales européennes [62]. Sans être incorporés véritablement dans le Raj britannique, les royaumes himalayens du Bhoutan, du Népal et du Sikkim subissent directement son influence politique et économique. Idem pour l'île de Ceylan (futur Sri Lanka), à la pointe sud du sous-continent indien [63]. Le pouvoir politique colonial s'exerce à deux niveaux : l'un est une gestion territoriale directe et l'autre est un rapport de vassalité d'États princiers vis-à-vis de la royauté britannique. Officiellement, la reine d'Angleterre est impératrice des Indes et elle est représentée sur place par un unique vice-roi dans les territoires directement sous administration coloniale et par un résident dans chaque État vassal. Ils sont désignés par le gouvernement. Au début du XXème siècle, l'empire colonial des Indes est divisé en 8 grandes provinces et 5 autres, plus petites. Dont les îles Andaman et Nicobar. Les plus importants concurrents à la présence britannique dans la région sont, au nord, par delà la chaîne montagneuse de l'Himalaya, l'empire de la dynastie Qing, et à l'est, l'empire de la dynastie Konbaung. L'un est ce qui sera par la suite la Chine contemporaine et l'autre s'étend à cheval sur l'actuelle Birmanie et des régions de l'Inde du nord-est. Fondée dans le milieu du XVIIIème siècle, la dynastie Konbaung prend les rênes d'un empire régional [64]. L’expansionnisme de cet empire vers l'est inquiète sa voisine Qing avec laquelle quatre guerres sont entamées et aboutissent à des accords de paix et des échanges commerciaux. Connu comme troisième empire birman par l'historiographie, ou empire d'Ava [65], il s'étend au détriment de petits royaumes régionaux. À la fin du XVIIIème siècle, il conquiert le royaume de l'Arakan, sur la côte du golfe du Bengale, puis celui de l'Assam au sud-est de l'Himalaya. Ces conquêtes le mettent en contact direct avec les intérêts britanniques. L'empire d'Ava est dorénavant frontalier des territoires de la Compagnie britannique des Indes orientales. Le contrôle du golfe du Bengale est un enjeu stratégique important pour le commerce régional et international. Un litige sur la petite île marécageuse et inhabitable de Shapuree est le prétexte à la première guerre entre les empires de Londres et d'Ava entre 1824 et 1826. Elle se solde par le rattachement de l'Arakan et de l'Assam [66] aux territoires de la Compagnie des Indes orientales [67]. Les deux anciens royaumes sont alors intégrés à la province du Bengale. Une seconde guerre en 1852 aboutit à la perte de toute la zone côtière pour l'empire birman. Après la troisième et dernière guerre entre les deux concurrents en 1885, l'empire d'Ava est définitivement englobé dans la zone d'influence du Raj britannique et la dynastie Konbaung est destituée. L'annonce officielle au Parlement britannique le 1er janvier 1886 est présentée comme un "cadeau de Nouvel-an" à la reine Victoria. Dans les faits, le renforcement de la présence britannique le long de la côte — environ 1500 kilomètres du golfe de Bengale à la péninsule malaise — et dans l'arrière-pays met un frein à l'avancée française dans la péninsule indochinoise [68]. De la même manière que l'empire birman en expansion s'est heurté à des résistances armées lors de sa conquête de l'Arakan et de l'Assam, les nouvelles autorités coloniales britanniques doivent faire face à une forte résistance. La répression est souvent très violente. Les anciennes classes dirigeantes birmanes et les élites émergentes au début du XXème siècle [69] réclament un retrait britannique ou, pour les plus pragmatiques, une "simple" amélioration des droits pour les hominines des territoires conquis. En 1937, la Birmanie coloniale devient un territoire distinct du reste du Raj britannique et dont les frontières incluent l'Arakan. Lors de la seconde guerre dite mondiale, les armées japonaises chassent les britanniques et instaurent un éphémère État de Birmanie entre 1943 et 1945. L'insatisfaction pousse les anticolonialistes à changer de camp. Le Japon est dorénavant l'ennemi et plusieurs organisations politico-militaires se regroupent en une Organisation anti-fasciste (AFO) [70] pour chasser l'empire nippon et s'allier avec les britanniques. Après cette guerre mondialisée et la chute de l'empire du Japon, rompant avec les vagues promesses d'indépendance faîtes aux élites politiques de diverses régions colonisées par l'ex-empire d'Ava, les britanniques s'appuient finalement sur le nationalisme birman. Celui-ci affirme qu'une future Birmanie indépendante doit inclure les anciens royaumes conquis au XVIIIème siècle et perdus au siècle suivant, que les hominines de langue bama [71] — majoritaires en Birmanie britannique et adeptes des mythologies bouddhaïennes [72] — doivent gouverner les populations minoritaires. Il y a ambiguïté avec l'emploi du terme birman (burma en anglais) qui désigne tout à la fois les populations de langue bama et les autres, que les celles habitant la Birmanie et qui ne sont pas nécessairement bama. L'utilisation du qualificatif français·e induit les mêmes ambiguïtés, implique les mêmes illusions. Des accords d'autonomie interne sont négociés en 1947 entre les birmano-nationalistes et les élites régionales. Devenue la Ligue anti-fasciste pour la liberté du peuple [73], l'ancienne AFO négocie avec la puissance coloniale britannique les termes d'une indépendance birmane. La Ligue forme le premier gouvernement lors de l'indépendance le 4 janvier 1948 de l'Union birmane [74]. Fin de la colonisation britannique, continuation du colonialisme birman. Aux lendemains de l'indépendance, la Ligue explose et les amitiés d'hier deviennent ennemies, et la plupart des provinces entre en rébellion. Depuis 1948 jusqu'à aujourd'hui, la guerre fait rage en Birmanie. La police et l'armée sont maintenant autochtones. Bien que Léo Malet n'ait "jamais été très flicophile" [75], son fils spirituel Nestor Burma [76] ne s'est pas tourné vers une carrière d'avocat pour les victimes de la répression, en Birmanie et ailleurs, et n'a jamais dit les mots suivants [77] :
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