Andaman et Nicobar (Îles)
Îles Andaman et Nicobar. Archipel du sud-est asiatique et site d'expérimentations touristiques et carcérales en décors naturels, situé à environ 7150 km de la ville de Karnobat en Bulgarie.
SommaireArchipel nousantarienL'insulinde désigne une vaste chaîne montagneuse qui émerge au nord-est de l'océan Indien. Elle s'est constituée par la rencontre entre une excroissance de la plaque tectonique eurasienne, entourée de la plaque indienne à l'ouest et philippine à l'est, et la plaque australienne au sud. Elle forme une vaste zone volcanique entre l'océan Indien et le Pacifique sur environ 2 millions de km2 et plus de 25000 îles et îlots. Pour des raisons qui dépassent la protivophilie, les hominines de cette région ont divisé la chaîne montagneuse en différents pays qu'ils nomment dorénavant Philippines, Indonésie[1], Malaisie, Brunei et Timor oriental. Ainsi qu'une minuscule partie de l'Inde, les îles Andaman et Nicobar. Actuellement, la population de l'archipel nousantarien est estimée à 400 millions d'hominines. Pour désigner cet ensemble géographique, le terme de nusantara a été introduit pour remplacer "insulinde", "monde malais" ou "austronésien" qui sentent la colonisation et les classifications racistes du XIXème siècle[2]. Basé sur l'étymon nusa (îles), le mot javanais, nusantara signifie "îles de l'extérieur" dans le sens de "autres que celle de Java". Une étymologie sanskrite postule que antara signifie "entre" et que par conséquent nusantara prend le sens de "archipel" et par extension le terme est utilisé pour nommer l'ensemble de l'archipel nousantarien. Andaman & NicobarPossession de l'Inde, les îles des Andaman et de Nicobar sont situées à l'extrême-nord de la chaîne montagneuse nousantarienne, au large du Myanmar (ex-Birmanie), et sont séparées de l'Inde par environ 1312 km d'eau du golfe de Bengale. Distant de 200 km du nord de l'île de Sumatra, le petit archipel est fait de deux groupes d'îles, séparés d'une centaine de kilomètres. Les Nicobar sont constitués de 22 îles, dont 12 habitées par des hominines, pour une superficie de 1840 km2 et les Andaman de 550 îles, dont 26 habitées, pour 6400 km2. Les premières tiennent leur nom d'un terme de la langue tamoule signifiant "nu" et les secondes sont à rapprocher d'un terme sanskrit ayant le sens de "hominine nu". Quelques récits mentionnent des hominines vivant nus sur certaines de ces îles. L'archipel andamano-nicobarien est connu des empires du sous-continent indien ou sud-asiatiques qui les incorporent dans leurs zones d'influence sans néanmoins s'y établir définitivement. Dans le milieu du XVIIIème siècle après JC[3], le royaume du Danemark s'installe sur des îles Nicobar qu'il incorpore à son empire sous le nom de Nouveau Danemark. Mais les épisodes de paludisme contraignent les colons danois à quitter définitivement les Nicobar moins d'un siècle plus tard. L'empire britannique s'empare des îles Andaman à la fin du XVIIIème siècle et les annexe à ses colonies des Indes orientales. En 1868, les Nicobar sont cédées par le Danemark aux britanniques. Lorsque ces empires coloniaux européens annexent l'archipel andamano-nicobarien, les îles sont habitées par des hominines chasseurs-cueilleurs. Leur population est alors estimée à quelques dizaines de milliers. Un climat tropical et des zones forestières denses leur fournissent une auto-suffisance alimentaire. Les différentes pratiques linguistiques des Nicobar se rattachent au khmer et au viet[4], alors que celles des Andaman constituent un groupe distinct, isolé. Archipel du goulagLorsqu'ils s'installent dans les Andaman, les britanniques ont pour projet d'en faire une colonie pénitentiaire, géographiquement isolée du reste de son empire. Dès 1789, une colonie est mise en place sur la petite île Chattam dans le sud-est de l'île de la Grande-Andaman, près de l'actuelle ville de Port Blair. Après deux années, la colonie est déménagée dans le nord de la Grande-Andaman puis finalement définitivement fermée en 1796 après de très nombreux morts parmi les prisonniers. Pour faire face à l'augmentation du nombre de prisonniers fait lors de manifestations anti-britanniques dans les Indes orientales, les autorités lancent la construction d'une nouvelle prison sur l'île Viper, près de Port Blair, à partir de 1857. Sur Ross, une autre petite île de la rade de Port Blair, une nouvelle colonie pénitentiaire est ouverte. Les conditions de détention sont déplorables, les gardiens cruels et les morts nombreuses. Un premier groupe de 200 prisonniers, venant des Indes, est déporté vers les Andaman. Enchaînés, mal nourris et malades, ils sont contraints de construire des baraquements et de défricher une partie de la dense forêt pour accueillir un millier de prisonniers. Sur les 8000 prisonniers arrivés entre 1859 et 1864 dans les Andaman et parqués sur l'île Ross, plus de 3500 décèdent de maladie et de mauvais traitements. Soit une mortalité de 700 par an. Dans le début des années 1870, les britanniques lancent des tests pharmaceutiques sur environ 10000 prisonniers pour lutter contre le paludisme. Les effets secondaires sont terribles et causent la mort de nombre d'entre eux. Outre les conditions de détention, les hominines prisonniers doivent faire face à l'hostilité des hominines autochtones des îles. En 1859 ces derniers attaquent la colonie pénitentiaire de Ross pour s'opposer à l'avancée coloniale. Même si le rapport de force militaire est au bénéfice des britanniques, les hominines autochtones maintiennent la pression et parfois tuent ceux qui s'aventurent trop loin de la colonie. Entre les prisonniers et leurs geôliers les tensions sont permanentes. Un prisonnier assassine le vice-roi des Indes britanniques lors de sa visite de la colonie pénitentiaire en 1872. Les évasions sont durement réprimées et les évadés ne peuvent pas compter sur l'aide des hominines andamanais qui n'hésitent pas à les tuer[5]. En 1896, pour faire face au nombre grandissant de prisonniers, les britanniques entament la construction d'une nouvelle prison à Port Blair. Le projet est basé sur le principe du panoptique[6] où 696 cellules de 4,5 mètres sur 2,7 sont réparties dans un bâtiment en forme de sept rayons de roues de vélo dont le centre est le poste de contrôle. Cette structure permet de limiter au maximum les communications entre les prisonniers. Après dix ans de travaux, cette prison de haute-sécurité est opérationnelle en 1906. Les britanniques y déportent des milliers d'hominines opposés à la politique coloniale dans les Indes orientales. La plupart des prisonniers appartiennent aux nombreux mouvements qui luttent pour une Inde indépendante ou pour le refus de la partition entre l'Inde et le Pakistan, qu'il soient nationalistes, révolutionnaires marxistes, religieux traditionalistes ou anti-colonialistes laïques, qu'ils aient opté pour un opposition pacifiste ou soient adeptes de la violence politique. Cet archipel du goulag[7] est un haut-lieu de la torture et des mauvais traitements à la sauce Worcestershire : lorsqu'ils ne sont pas tués par pendaison pour des tentatives d'évasion ou de révoltes, ou assassinés lors de séances de tortures, les prisonniers décèdent du manque de nourriture, de maladies ou de suicides désespérés. La prison est surnommée Kala Pani (Eaux noires) en référence à un tabou de la culture hindouienne[8] qui proscrit la traversée des océans, au risque de perdre la pureté assurée par les eaux du Gange et son statut dans le système de castes ou d'y rencontrer des monstres marins[9].Environ 80000 hominines - dont peu ont survécu - sont envoyés dans cet archipel jusqu'en 1941, date à la quelle un tremblement de terre endommage gravement quatre ailes de la prison de Port Blair, ailes qui seront par la suite fermées puis détruites. En 1942, les forces armées nippones chassent les britanniques des Andaman et Nicobar et occupent l'archipel. Ils prennent le contrôle des prisons. Pendant trois ans ils administrent, à la sauce shoyu, le territoire où ils envoient un détachement de 600 militaires et font parvenir quelques "femmes de réconfort" coréennes, chinoises ou birmanes[10]. Comme leurs prédécesseurs britanniques, la torture des prisonniers est une activité du quotidien, un raffinement sadique[11]. Pour cause de Seconde guerre mondiale, les conditions de vie sur l'archipel sont de plus en plus difficiles, et pas seulement pour les prisonniers. Le manque de nourriture est le principal problème. Les nippons décident même, en 1945, d'expulser vers l'intérieur des îles entre 250 et 700 hominines pour qu'ils y trouvent de quoi survivre. La plupart meurent. Selon les estimations, cette occupation militaire est responsable de plus de 2000 morts. Après la fin de la Seconde guerre mondiale et la capitulation nippone, l'archipel andamano-nicobarien est "restitué" aux britanniques, puis avec l'indépendance de l'Inde en 1947, il est incorporé en 1950 à ce nouveau pays, malgré les protestations de colons anglo-indiens qui voulaient en faire un État séparé. Des colonies pénitentiaires des îles Viper et Ross, il ne reste maintenant que des ruines[12] et d'obscures références cinéphiles[13]. Les trois ailes de la prison de Port Blair qui ont survécu au tremblement de terre sont transformées en musée par les nouvelles autorités indiennes et restent les symboles de la barbarie coloniale dans la mythologie nationaliste indienne[14]. Archipel andamano-nicobarienL'une des conséquences de la colonisation des Andaman et Nicobar est le reflux des hominines autochtones dans des zones toujours plus isolées et réduites. Depuis le XVIIIème siècle, leur population a considérablement diminuée. Les maladies importées, l'implantation de colons sur de nouveaux territoires et les tentatives de pacification furent autant de moments de déclin des sociétés d'hominines de l'archipel. Toutes furent, à un moment ou un autre de la colonisation, en contact avec les occupants. Elles furent tout autant observées par des anthropologues ou des militaires britanniques. Quelques "spécimens" furent même kidnappés pour être étudiés. Dans un humour très britannique, Maurice Vidal Portman, aristocrate et officier en charge du territoire, publie en 1899 son étude A History of Our Relations with the Andamanese[15] dans laquelle il retrace ses observations anthropologiques relevées lors de ses campagnes de pacification qu'il mène pendant une vingtaine d'années et, en 1922, l'anthropologue britannique Alfred Radcliffe-Brown fait paraître The Andaman Islanders. A study in social anthropology[16]. Généralement estampillés negritos[17], les hominines des Andaman suscitent depuis une fantasmagorie littéraire et scientifique sur leurs mode de vie. Physiquement plus proches des hominines africains qu'asiatiques, vivant de chasse, de pêche et de cueillette, préférant souvent la nudité, les sociétés andamanaises se différencient entre elles par des territoires et des pratiques linguistiques distinctes. Au XIXème siècle, les estimations donnent un chiffre de plus de 7000 hominines autochtones sur les Andaman, dont plus de 5000 grand-andamanais - répartis en une dizaine de groupes distincts sur toute l'île - et, par ordre décroissant, des jarawas[18], des jangils, des onges et des sentinels. En ce qui concerne les Nicobar, elles sont peuplées de deux sociétés d'hominines différentes, dont les langues ne sont apparentées ni entre elles, ni avec celles des Andaman. Les nicobaris sont probablement issus de migrations d'hominines plus récentes que les andamanais et ne sont pas classifiés parmi les negritos. L'éclatement de l'empire britannique des Indes orientales entre le Pakistan et l'Inde [20], puis la lutte du Pakistan oriental dans les années 1970 pour être indépendant - sous le nom de Bangladesh [21] - provoquent des vagues de migration de réfugiés hindouiens fuyant l'ex-Pakistan oriental. La pression démographique sur les Andaman et Nicobar est considérable. Les jangils et la majeure partie des tribus de la Grande-Andaman ont disparu entre les années 1910 et 1930, et au XXIème siècle il ne reste qu'une cinquantaine de grand-andamanais déplacés sur une petite île du centre-est [22], un peu plus de 200 jarawas dans le sud, une centaine d'onges à l'extrême-nord de la Petite-Andaman et moins d'une centaines d'hominines sur l'île North Sentinel. Dans les Nicobar, seuls quelques 200 shompens[23] vivent à l'écart sur l'île Grande-Nicobar et plus de 20000 nicobaris - dont les différentes langues se rattachent aux langues viêt ou khmer - sont établis sur une dizaine d'îles. En Inde, il existe depuis les années 1950 plusieurs cadres juridiques qui définissent des statuts particuliers pour des situations sociales marginalisées. Au côté des Scheduled Castes (SCs) qui recensent les "intouchables" ou dalits, c'est-à-dire l'ensemble de hominines n'appartenant à aucune caste[24] et contraints d'exercer les métiers et les activités jugées dégradantes, le système indien instaure les Scheduled Tribes (STs) par lesquels 744 tribus sont recensées sur l'ensemble du territoire indien, environ 8% de la population totale. Rapporté aux Andaman et Nicobar, les hominines autochtones représentent respectivement 0,0000833% et 0,00166% de la population de l'Inde. La population actuelle sur l'ensemble l'archipel est de plus de 380000 hominines, originaires pour la plupart d'anciennes colonies britanniques aujourd'hui indépendantes, tel l'Inde, le Bangladesh ou le Myanmar (ex-Birmanie). Pour certains cas particuliers, il existe la classification Other Backward Class (OBC) qui, dans le cas des Andaman et Nicobar, inclue les karens déportés du nord de l'actuel Myanmar par les britanniques et restés dans le nord de l'archipel à l'indépendance. En théorie, ces différents statuts prévoient la mise en place d'une ségrégation positive pour améliorer l'intégration sociale des dalits, accordent des protections particulières pour des "minorités" et des interdits sur des territoires. Pour minimiser l'impact des migrations, des routes et des touristes, les autorités indiennes ont sanctuarisé certaines îles de l'archipel, les interdisant formellement à tout "étranger". Ainsi les jarawas au sud de la Grande-Andaman et les hominines de North Sentinel sont-ils contraints de rester dans leur zone s'ils ne veulent pas avoir à en découdre avec un "extérieur" qui leur est hostile. Les premiers sont confrontés aux nouvelles maladies et à l'extension de la route qui traverse la Grande-Andaman du sud au nord, et les seconds parqués sur leur île doivent se cacher de toute intrusion. Celleux qui les soutiennent usent parfois d'un "romantisme" malsain pour ceux qu'ils appellent des "peuples premiers" vivant encore, selon eux, à l'âge de pierre [25]! Après les colonies pénitentiaires britanniques, les indiens instaurent ainsi des prisons à ciel ouvert pour "autochtones en voie de disparition".
Malgré ces quelques contraintes administratives, il reste possible pour les touristes de se rendre dans ce magnifique zoo humain. Les zones visitables sont garanties sans risques, ni animaux sauvages, ni hominines belliqueux. Les principales régions où résident encore de petites poches d'hominines pacifiés sont accessibles par la route. Les Andaman possèdent aussi plusieurs espaces délimités où la faune et la flore sont préservées. Les paysages sont magnifiques et les ruines des anciennes prisons feront un beau fond d'écran ou de nombreux like. Les photos et les vidéos sont autorisées mais il est formellement interdit de nourrir la population locale. Ni friandises, ni hamburgers. Ne pas jeter les mouchoirs usagés et utiliser des toilettes chimiques portables. Mécontents de la timidité de ces quelques prescriptions qui ne font que renforcer le tourisme prétendument "responsable" et sans doute courroucés par les effets néfastes de l'aéroport de Port Blair sur les espèces endémiques d'oiseaux nocturnes, des Survivalistes internationalistes [27] appellent depuis des années à une campagne du type #bruletonport. Île North SentinelL'île North Sentinel est située dans le sud-ouest de la Grande-Andaman, à moins de 40 kilomètres de la côte. D'une superficie de 60 km2 et entourée d'une barrière corallienne, l'île est recouverte d'une forêt dense dont le point culminant est à une centaine de mètres d'altitude. Son climat est tropical. Quatre îlets proches sont rattachés à North Sentinel. A une soixantaine de kilomètres au sud se situe l'île inhabitée de South Sentinel, plus petite. Toutes deux tiennent leurs noms de leurs positions géographiques qui en font, en arrivant par l'ouest, les premières îles avant de rejoindre la Grande-Andaman pour l'une, la Petite-Andaman pour l'autre. Dès 1771, les britanniques observent que l'île est habitée lors d'une expédition de cartographie marine. L'équipage ne débarque pas. En 1867, un bateau de marchandises indien s'échoue sur un récif de North Sentinel. Les rescapés doivent faire face à une attaques des îliens avant d'être secourus par un navire britannique. Cette même année, un officier britannique débarque pour la première fois sur l'île et fournit la première description des hominines qui y vivent, avec toute l'arrogance aristocratique et le mépris raciste de sa classe sociale :
Maurice Vidal Portman, l'administrateur militaire britannique, prend la tête en 1880 d'un détachement armé envoyé sur North Sentinel. Lorsqu'ils débarquent, les îliens fuient et les militaires ne trouvent que des maisons abandonnées de leurs habitants. Ils traquent ces hominines et en capturent six qui sont déportés à Port Blair. Deux sont âgés et meurent peu de temps après leur arrivée, les quatre autres - des enfants - tombent rapidement malades. Décision est prise de les renvoyer à North Sentinel. De nouvelles expéditions sont lancées par Portman en 1883, 1885 et 1887 pour tenter d'établir des contacts entre les britanniques et les îliens. Sans succès. En 1896, une petite troupe est envoyée sur l'île à la poursuite d'un évadé de la colonie pénitentiaire qui est finalement retrouvé mort, tué par les îliens. Les premiers écrits anthropologiques sur les hominines de North Sentinel datent de cette fin de XIXème siècle. Ils décrivent des hominines de petite taille et à la peau noire dont le mode de vie est fait de chasse et de cueillette, vivant dans de petits villages faits de maisons collectives. Des canoës sont utilisés pour la pêche. Leur nudité est habillée de décorations corporelles. Généralement ils montrent une hostilité envers les non-îliens qu'ils n'hésitent pas à attaquer avec des arcs et des lances, mais tout en restant prudent et à distance, préférant plutôt se rendre inaccessibles. Les quelques interprètes natifs de la Grande-Andaman accompagnant les expéditions ne parviennent pas à se faire comprendre d'eux. Des théories avancent que les îliens de North Sentinel sont issus d'ancêtres des onges de la Petite-Andaman dont ils seraient détachés depuis des milliers d'années. Responsable militaire de la colonie pénitentiaire de Port Blair par sadisme, et anthropologue par passion, Richard Carnac Temple définit ainsi les îliens de North Sentinel en 1899 : Les expéditions britanniques de 1902, 1911 et 1932 sont motivées par des recensements de la population. Celle de 1911 doit faire face à l'hostilité des îliens qui, à l'aide d'arcs, repoussent les curieux qui s'étaient aventurés trop profondément dans la forêt. En 1959 l'Inde interdit de s'approcher à moins de 5 km des côtes de l'île. Entre 1967 et 1991 un anthropologue indien [29] est envoyé, lors de différentes missions, pour établir un contact amical avec les îliens. Si la première en 1967 ne se solde pas par une rencontre, les suivantes permettent à l'anthropologue d'échanger quelques objets et des noix de coco - inexistantes sur l'île. De nombreuses photos et vidéos sont faites lors de ces expéditions. Mais le rapport établi reste fragile et, maintes fois, l'hostilité prudente des îliens se transforme en agressivité violente. Dans la même période, des naufragés doivent se protéger des attaques des îliens alors que d'autres parviennent à établir des contacts, des vidéastes du National Geographic fuient devant les flèches en 1974, tout comme le roi des belges en vacances l'année suivante, alors qu'une anthropologue indienne [30] parvient en 1991 à établir un contact amical avec les quelques îliens venus à sa rencontre. Elle mène plusieurs autres prises de contact jusqu'en 1994 lors desquelles les relations sont tout aussi pacifiques [31]. Le projet d'implanter des cocotiers sur l'île est néanmoins abandonné et l'Inde adopte une politique visant à préserver les îliens de toute relation extérieure et ainsi minimiser l'impact néfaste que d'éventuels contacts pourraient produire sur leur micro-société. Des patrouilles de la marine indienne assurent une surveillance partielle afin d'empêcher des pêcheurs, des touristes ou des curieux de poser le pied sur North Sentinel. La population de l'île est alors estimée entre 50 et 250 hominines. L'horrible nom de "Sentinelles" qui leur est généralement accolé est par défaut de connaître celui qu'ils se donnent eux-mêmes. Fin décembre 2004, le frottement entre les plaques tectoniques indienne, eurasienne et australienne provoque un gigantesque tremblement de terre au nord de l'île indonésienne de Sumatra, au sud des Nicobar. Ce mouvement sous-marin fait naître trois violents raz-de-marée successifs qui se répandent à travers l'océan indien jusqu'aux côtes somaliennes en Afrique et dévastent tout sur leur passage, faisant plus de 250000 morts dans les pays du pourtour de l'océan Indien. Dans les Nicobar, proches de l'épicentre, le bilan est d'environ 7000 morts et autant de disparus. Certaines petites îles ont été entièrement submergées, avec des milliers de disparus. L'île Katchall est ravagée et seuls 700 hominines sur 5300 survivent. Environ 18000 hominines sont portés disparus sur l'ensemble de l'archipel des Andaman et Nicobar. Outre les dégâts matériels et ses conséquences désastreuses sur les hominines, ce tremblement de terre opère localement des changements sur la croûte terrestre, rehaussant quelques îles de plusieurs mètres. L'île North Sentinel s'est ainsi élevée de 1,5 mètres, faisant émerger de petites zones coralliennes jusqu'alors sous-marine comme autant d'îlets. L'hélicoptère envoyé rapidement par l'Inde pour voir s'il y a des survivants est assailli par des flèches et dénombre une trentaine d'îliens avant de rebrousser chemin. Même accueil lors d'une tentative en 2006 de récupérer les corps de deux marins échoués sur l'île. En novembre 2018, un jeune missionnaire évangéliste [32] américain se rend sur North Sentinel afin de convertir aux mythologies christiennes, selon ses dires, ce "dernier bastion de Satan". Il est tué de plusieurs flèches lorsqu'il débarque sur la plage [33]. A la demande de l'Inde, les États-Unis d'Amérique acceptent de ne pas réclamer la restitution de la dépouille afin de préserver l'isolement des îliens de North Sentinel et leur refus d'établir un contact durable. L'histoire, le mode d'organisation sociale et la langue des îliens de North Sentinel restent encore un grand mystère mais la certitude à avoir à leur encontre est que du monde extérieur à leur île, ils ne veulent rien. La disparition programmée des îliens est une chance pour le développement d'un écotourisme antispéciste. Lorsque l'interdiction de se rendre autour de North Sentinel sera enfin levée, les militants et les enfants du monde entier vont pouvoir venir admirer les derniers dugongs - dans leur environnement naturel - avant que ces mammifères marins ne s'éteignent eux-aussi définitivement. Archipel protivophileParce qu'elle est un archipel, celui du rien, seule la protivophilie est en capacité de mesurer l'étendue des connaissances amassées sur F. Merdjanov. Défenderesse d'une approche radicale d'une macédoine qui part de rien pour mieux cerner l'état des recherches, la protivophilie est un outil indispensable. Par son intersectionnalité intégrale, elle croise les sujets pour déterminer les possibilités que F. Merdjanov puisse en avoir eu connaissance, pour multiplier les probabilités qu'ils soient en lien avec sa vie, dont nous ne savons rien. Ou presque [35]. Les hypothèses sont innombrables et la dimension encyclopédique du projet protivophile ne parvient pas à toutes les explorer. Inutile de prêter à F. Merdjanov une quête désespérée à la recherche de l'empire de Lilliput décrit par le mythe romanesque gullivérien [36], ni de se lancer dans une navigation imaginaire pour accoster sur l'île des cynocéphales[37] que Marco Polo assimile aux Andaman [38], pour penser un lien protivophile entre l'archipel andamano-nicobarien et F. Merdjanov. Bien sûr, la machine à écrire des textes dépourvus de sens que Gulliver rencontre lors de son troisième voyage qui le conduit à Balnibarbi[39] fait penser à la protivophilie, mais cette dernière, contrairement aux inventeurs de cette machine à endormir les lumpenprolétariens, n'a d'autres but que rien. Bien sûr les îles Femelle et Mâle [40] décrites par le voyageur-fabuliste Marco Polo - la première habitée exclusivement par des hominines femelles et la seconde par des hominines mâles, toutes deux adeptes des croyances christiennes, toutes deux se réunissant une fois par an pour procréer une descendance - semblent être un double indice sur le sens des initiales de F. Merdjanov - FM - et une confirmation de l'absence d'informations sur son genre. Mais ces liens fictifs et littéraires ne résistent pas à une analyse protivophile qui rejette ces hypothèses relevant de l'illusion et du mythe, comme le formule d'ailleurs très bien Alain Chany, célèbre éleveur de chèvres et éternel[références nécessaires] balbutiant de la protivophilie :
Double illusions façonnées par les hominines et bien éloignées de la démarche protivophile, elles se rapprochent plus du "Paradoxe du singe savant" [42] qui postule qu'un hominine qui tape au hasard sur un clavier d'ordinateur pendant un temps indéfini a une chance infinitésimale, mais non nulle, d'écrire quelque chose qui semble faire sens pour les hominines. Pour se convaincre d'hypothétiques liens entre l'archipel andamano-nicobarien et F. Merdjanov, il convient plutôt de se tourner vers ses propres écrits pour tenter de les décrypter.
Si l'utilisation du terme libre divise encore la communauté protivophile [44] quant à savoir si, oui ou non, il faut attribuer ce texte à F. Merdjanov, celui de féral interroge sur l’incongruité d'un tel choix. Peut-être est-il motivé par la volonté d'appuyer sur sa centralité ? Provenant du mot latin fera "bête sauvage", ce terme peu usité de féral qualifie la situation d'une espèce vivante - animale ou végétale - qui, après s'en être extraite, vit et se développe hors de toute domestication. Ou tout du moins le souhaite car la domestication est un "impérialisme" persistant. Même sans ne rien savoir des hominines de North Sentinel, la protivophilie se refuse à imaginer possible une communauté sans contrainte car "l’illusion n’est pas de notre ressort, nous avons déjà eu l’occasion de le préciser" [44] et, par conséquent, elle rejette la féralité attribuée à ces hominines. Pour F. Merdjanov, féral est sans doute plus à comprendre comme une prétention, une déclaration d'intention que nul hominine n'est en mesure de vivre réellement mais qui l'assigne, à son corps défendant, dans la caste très bollywoodienne des Individualités Tendant vers le Sauvage - ou ITs - qui, malgré les quelques études entreprises par des anthropologues de terrain [45], est encore mal identifiée[46].
Si les liens qui unissent F. Merdjanov et l'archipel andamano-nicobarien sont à chercher dans l'ordre du symbolique, la protivophilie note qu'une autre approche doit être explorée. D'évidence, l'expression de Kala Pani "Eaux noires" est à rapprocher de la mer Noire - црно море (crno more) en macédonien - où F. Merdjanov vit actuellement de l'apiculture[35] parmi les tchernomoriens. Cette constatation agite d'hilarité la communauté protivophile qui voit dans ce parallèle une possibilité, même infime, que F. Merdjanov puisse vivre sur l'île North Sentinel, sur laquelle la consommation de miel est avérée[48], ou dans un style marco-gullivérien, qu'elle soit son véritable lieu d'origine et que les Analectes de rien soient son récit de voyage dans le reste de l'archipel terrien. Notes
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