Pridniestrie
Pridniestrie. Pays imaginaire bien réel. Non reconnu par les autres pays, tout aussi imaginaires.
SommaireGéographie protivophilePridniestrie est une transcription mixte du russe Приднестровье "Pridniestrovie" qui désigne le "pays près du Dniestr" et du moldavo-roumain Transnistria, littéralement outre-Nistrie, que la langue française rend généralement par Transnistrie. Et plus rarement par Transniestrie. Le terme russe inclut les deux rives du fleuve alors que le roumain renvoie exclusivement à la rive gauche du Dniestr, à l'Est.DniestrPrenant sa source dans la partie orientale des monts Carpates dans l'Ouest de l'Ukraine, à deux pas des frontières polonaise et slovaque, le fleuve s'écoule sur 1362 km[1] pour finalement se jeter dans une grande lagune qui se déverse dans la mer Noire[2]. Il est nommé Дністер (Dnister) dans les zones ukrainophones qu'il traverse et Nistru pour les roumanophones. Selon les frontières internationalement reconnues, il prend donc sa source en Ukraine, puis entre en Moldavie et redevient ukrainien à l'approche de la mer Noire. Depuis des siècles, le Dniestr est une voie de communication, de commerce et de conquête pour les hominines qui s'y succèdent le long de ses rives ou qui y naviguent. Par lui, transitent hominines et marchandises, savoirs et armées. Il relie les grandes plaines ukrainiennes et polonaises à la mer Noire - et donc au commerce international - tout autant qu'il offre aux conquérants un débouché vers l'Asie mineure, le Caucase et la Mer méditerranée. DniestriensSi au sens strict dniestrien désigne celles et ceux qui habitent le fleuve, poissons, crustacés, batraciens et autres végétaux aquatiques, la protivophilie rejette l'étroitesse de cette définition. Elle préfère regrouper sous ce qualificatif l'ensemble de la faune et la flore de tout le bassin du Dniestr, incluant ainsi les espèces terrestres qui vivent dans l'écosystème dniestrien. Une approche inter-sectionnelle, dans une optique anti-spéciste, est un outil d'analyse puissant qui permet à la protivophilie - et bien au-delà - de classer les hominines qui peuplent les abords du fleuve avec les autres "espèces" dans la super-catégorie dite des dniestriens. Ces hominines sont bien moins nombreux et beaucoup moins diversifiés que les autres dniestriens. Malgré leur acharnement à mettre en valeur ce qui les différencie, il reste plus facile [Références nécessaires] même pour un regard non-averti de distinguer un oiseau d'un poisson, par exemple, tout deux dniestriens, que deux hominines, tout aussi dniestriens, dont l'un serait du haut-Dnister et l'autre du Nistru. PridniestriensPlutôt que de se renifler les orifices pour faire connaissance ou déployer leurs plus beaux apparats pour séduire, comme beaucoup d'autres dniestriens le font, les hominines préfèrent s'en tenir à une position de défiance vis-à-vis de leurs semblables, position qui tourne parfois à la haine et à l'affrontement. Rejetant toutes les avancées d'une zoologie protivophile, ces hominines ne se considèrent pas réellement au même niveau que les autres dniestriens à qui finalement ils reprochent indirectement de ne pas être des hominines comme eux. Problématique pour l'instant restée sans réponse de la part des ségrégués, ceux-ci s'amusent à les qualifier de pridniestriens, c'est-à-dire "proche des dniestriens". Et à défaut de pouvoir intervenir sur le cours de choses des hominines, les autres dniestriens assistent impuissants au spectacle, simples victimes collatérales des guerres et survivantes des pollutions industrielles. Nous sommes encore loin de cette période apaisée que les plus optimistes attendent pour enfin organiser un grand défilé des diversités, festif et revendicatif, la Pride Dniestrien. En octobre 1924, plus pragmatique, le pouvoir soviétique met en place la République autonome socialiste soviétique moldave (RASSM), sur la rive gauche du bas-Dniestr. Ce territoire autonome est partie intégrante de la République socialiste soviétique d'Ukraine (RSSU). L'entente entre Hitler et Staline permet à l'URSS de prendre pied sur la rive droite, puis de s'étendre en Bessarabie[4]. Cette entité roumanophone est censée être l'embryon d'une future Roumanie soviétique. Profitant de l'attaque de l'URSS par l'Allemagne hitlériste, ses alliés roumains traversent le Dniestr en 1941, chassent les soviétiques et fondent le Gouvernorat de Transnistrie qui s'étend jusqu'au fleuve Boug dans les zones roumanophones. Jusqu'en 1944, la Transnistrie roumaine est une zone de déportation dans laquelle les nouvelles autorités envoient leurs principaux opposants politiques et toutes celles et ceux qu'elles jugent indésirables. Nombre de juifs[5] et de roms[6] de Roumanie y sont envoyés pour être finalement exterminés. A l'issue de la seconde guerre mondiale, l'URSS obtient de la Roumanie les territoires entre le Prout et la rive droite du Dniestr, approximativement l'ex-Bessarabie, dans lesquels elle cale les nouvelles frontières de la République socialiste soviétique moldave (RSSM) et y adjoint une petite partie de territoire de la rive gauche du Dniestr de l'ex-RASSM. La Moldavie soviétique devient une entité indépendante de la République socialiste soviétique d'Ukraine. Si la protivophilie perçoit aisément que "faire mourir" ou "laisser mourir" n'ont pas la même construction grammaticale, la nuance qu'introduit une intention différente est difficile à discerner au regard des conséquences individuelles ou collectives. Appliquant cette forme d'humanisme qu'ils partagent avec les hitléristes, un amour des grands voyages et des espaces exiguës, les stalinistes ont déporté dans les régions de l'est du Dniestr leurs opposants, ou supposés tels, issus des régions périphériques déjà habituellement utilisées pour bannir ou emprisonner : Caucase, Sibérie et Asie centrale. Militants politiques, criminels de droit commun ou "camarades" en disgrâce contraints à vivre dans le décor militarisé des bords du Dniestr, à être une part de ce sous-prolétariat indissociable de l'univers concentrationnaire réservé aux ouvriers du gigantesque complexe militaro-industriel communiste. Contrairement à ce qu'affirmeraient les archives soviétiques, les disparitions et les morts inexpliquées ne sont pas dues à une mauvaise adaptation au climat. Ce que confirme - sur un tout autre sujet - l'ancienne responsable de la bibliothèque municipale de Nice :
Mêlant savamment matérialisme historique et rhétorique politique, les ethnologues soviétiques[8] parviennent étonnamment à démontrer que les roumanophones de Moldavie sont historiquement, culturellement et linguistiquement distincts des roumanophones de Roumanie. Ces derniers sont désignés "ennemis éternels" et oppresseurs de toujours. Ils créent une identité moldave, forgent ses mythes et inventent son histoire. L'alphabet cyrillique est conservé pour noter la langue moldave reconnue par la République - alors que le roumain utilise l'alphabet latin - et le russe est institué langue officielle. Ce processus de "nationalisation" n'est pas propre aux soviétiques et rappelle par exemple celui enclenché autour de la langue macédonienne en Macédoine yougoslave. Dans une Moldavie très largement agricole, le pouvoir soviétique développe les industries dans les seules régions situées autour du Dniestr. Il y installe des usines dans les filières textile ou vinicole et met en place un secteur de l'industrie lourde (armement et mécanique) et de l'énergie. Pour ce faire, des soviétiques venus d'Ukraine ou de Russie, incités par le pouvoir en place, migrent vers cette région pour fournir la main-d'œuvre ou l'encadrement. Les équilibres linguistiques s'en trouvent perturbés. Pour défendre l'économie du Dniestr, l'armée soviétique est présente en permanence. Vers la fin des années 1980, si les outre-dniestriens ne représentent qu'environ 17% des moldaves, la région produit 25% de la richesse de la Moldavie et 90% de son énergie. Alors que l'Union soviétique est de plus en plus chancelante, des revendications nationalistes émergent dans les nombreuses républiques périphérique de l'URSS, de l'Asie centrale[9] au Caucase[10], des pays baltes à l'Europe de l'Est dans le courant des années 1980. En Moldavie[11], une loi réintroduit l'alphabet latin en 1989 et, l'année suivante, adopte officiellement le roumain comme langue officielle[12]. En réaction, une République socialiste soviétique moldave du Dniestr est autoproclamée par des slavophones (russes ou ukrainiens) d'outre-Dniestr, mais le pouvoir central soviétique ne valide pas cette initiative. Dès novembre 1990, les premiers accrochages ont lieu entre, d'une part, les forces armées moldaves et, d'autre part, des groupes armés d'outre-Dniestr épaulés par des militaires soviétiques. La proclamation de l'indépendance de la Moldavie en août 1991 et son hypothétique rapprochement d'avec la Roumanie dans un futur proche incitent les hominines outre-dniestriens à faire sécession et proclamer en novembre à leur tour la République moldave du Dniestr[13]. Décision largement entérinée lors du référendum organisé en décembre 1991 par les nouvelles autorités. PridniestrieL'acte fondateur de ce nouvel État indépendant est sans doute de renommer le Dnister/Nistru par son équivalent russe : Dniestr.Délimitée à l'Est par sa frontière avec l'Ukraine, à l'ouest, la Pridniestrie l'est pas le Dniestr. Les négociations entre la Moldavie et le nouvel État sécessionniste restent sans effet, et la tentative de l'armée moldave de chasser les militaires russes[14] se solde par des combats avec les forces pridniestriennes qui, aidées par des troupes cosaques[15], traversent le fleuve en 1992. La ville industrielle de Bender, sur la rive occidentale, est annexée par la Pridniestrie[16]. Finalement ces courts combats permettent à la Pridniestrie de régler le principal point de discorde dans les négociations : toutes les industries lui reviennent de fait. Fin 1992, dans un accord sous le parrainage de la Russie, la Moldavie accepte, dans le cadre de ses frontières, d'octroyer un statut d'autonomie à la région à l'est du Dniestr renommée "Unité territoriale autonome de la rive gauche du Dniestr". Celle-ci peut accéder à l'indépendance si la Moldavie enclenche un processus de rapprochement avec la Roumanie. Mais les autorités de la Pridniestrie refusent cette proposition qui implique entre autres la restitution de la ville de Bender. Aucun pays dans le monde ne reconnaît officiellement le nouvel État et la revendication première de la Pridniestrie d'être, comme l'est Kaliningrad[17], rattachée à la Russie n'est plus soutenue par cette dernière qui préfère le statu-quo. Pridniestrie ?"La Pridniestrie existe-t-elle vraiment ?" est une question persistante pour ses détracteurs. Précisons ici, qu'en dehors de ses quelques spécificités historiques et géographiques, elle ressemble en tous points à la Moldavie, à la Russie, à la France et à l'ensemble des autres pays du monde. Macédoine comprise.
Selon les trois langues officielles de cette nouvelle entité étatique, elle s'autoproclame République moldave niestréenne (Република Молдовеняскэ Нистрянэ) en moldave, République moldave de Pridniestrovie (Приднестровская Молдавская Республика) en russe et République moldave de Pridnistrovie (Придністровська Молдавська Республіка) en ukrainien. Par facilité de langage, ce nouveau pays est généralement nommé Transnistrie par celles et ceux qui regardent de la rive ouest du fleuve, et Pridniestrovie vue de la rive est. Ce que la protivophilie désigne sous le terme de Pridniestrie. Malgré l'insistance de la Pridniestrie à se fédérer à la Russie, cette dernière ne donne pas suite et ne reconnaît pas officiellement le nouvel État. Dans le Caucase, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, nouvellement indépendantes suite à l'éclatement de l'Union soviétique, sont elles aussi confrontées à des revendications autonomistes[19] : dans le Haut-Karabagh[20] pour la première, et en Abkhazie[21] et en Ossétie du Sud[22] pour la seconde. Autonomes de fait à la suite de courts conflits, ces trois entités - elles-mêmes non-reconnues internationalement - sont les seules à reconnaître l'indépendance des outre-dniestriens. En Pridniestrie, comme cela s'est passé dans les régions géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, les militaires de l'ex-Union soviétique encore présents dans ces territoires se transforment de belligérants en force d'interposition chargée du maintien de la paix et en commerçants. Pridniestrie !Dans un style humoristique proche de celui pratiqué en France sur l'héritage de la "Révolution de 1789" ou la lutte de la "Résistance" contre l'occupant, le pouvoir pridniestrien se construit une légitimité et une profondeur historique par un supposé héritage du modèle sociétal soviétique et une lutte glorieuse contre l'invasion de l'Union soviétique par les armées hitléristes et leurs hordes de collabos. De manière assez classique, l'adoption de cette mythologie nationale est concomitante de la mise en place de tout ce qui fait le charme des États : un appareil policier chargé de surveiller le bon déroulement d'un système politique, une monnaie dans le but de prélever des impôts et écouler les marchandises, un système judiciaire prétexte à punir toutes les formes d'opposition, et un système économique permettant à celles et ceux qui n'ont presque rien de ne pas en avoir beaucoup plus. La protivophilie postule que, si ce n'est pas encore le cas, cette nouvelle mythologie nationale forgera bientôt une identité collective illusoire autour de la gastronomie et s'inventera - comble de l'originalité - une macédoine de légumes locale de type niçoise ou chopska.La superficie de l'État pridniestrien de fait est d'environ 4160 km2 - soit approximativement celle de l'ancien comté de Nice, lieu de naissance de F. Merdjanov, dans l'actuel département français des Alpes-Maritimes - et s'étend sur une longue bande d'une dizaine de km au plus large et d'une centaine de km de long, en suivant le cours du Dniestr. De rares territoires demeurés moldaves sont situés sur la rive est du fleuve, et la Pridniestrie administre quelques zones de la rive ouest. La capitale est installée dans la ville de Tiraspol, au sud du pays. La population d'hominines d'outre-Dniestr est estimée à 500 000 personnes réparties en trois tiers équivalents entre les russophones, les ukrainophones et les moldavophones. La moitié de la population vit dans les deux principales villes que sont Tiraspol et Bender (Tighina en moldave). Le moldave et l'ukrainien sont langues officielles avec le russe, mais celui-ci est prédominant dans l'administration et, de fait, ne pas être russophone amène à des formes de ségrégation au quotidien. Des hominines de langue polonaise vivent à l'extrême-nord de la Pridniestrie et quelques autres de langue bulgare et arménienne sont présents à Tiraspol. La frontière biscornue entre la Moldavie et la Pridniestrie s'est dessinée selon la ligne de front après les combats de 1992 entre les deux pays et du choix de certaines municipalité d'être rattachée à l'un plutôt qu'à l'autre. Quelques zones moldaves se trouvent enclavées, là où le territoire de la Pridniestrie se résume à la largeur de la route entre deux zones. La frontière ne tient évidemment compte d'aucune réalité des hominines vivant sur place, morcelant les terres agricoles, limitant l'accès aux zones militarisées et coupant les relations familiales[23] entre les hominines de part et d'autre de la frontière. La Pridniestrie conserve tous les apparats du soviétisme d'antan : le parlement se nomme toujours soviet, la statue de Lénine[24] trône fièrement et les outils symbolisant le "bon vieux temps" - étoile, faucille et marteau - sont maintenus. Elle en conserve aussi toute l'hypocrisie. Le système économique marchand est passé d'une forme de gestion étatisée à une approche plus libérale, en permettant aux élites politiques et aux investisseurs de s'unir - enfin - plus ouvertement pour exploiter pleinement les infrastructures industrielles héritées de l'Union soviétique. Être moderne pour ces néo-soviétiques c'est avoir le droit de s'enrichir tout en s'encrant dans un discours du paradis prolétarien. Perdu ou à venir ? Le monde vu de Pridniestrie est franchement hostile. Si l'Ukraine ne représente pas de menace directe, le rapprochement entre la Moldavie et la Roumanie est un projet-typiquement-fasciste-aux-visées-impérialistes-financées-par-les-capitalistes-et-leurs-suppôts-européens... Et la Russie est la seule amie. Pridniestrie...Depuis son accession à l'indépendance, la Pridniestrie est selon les critères internationaux un État de facto[25] : ce qui signifie que des autorités politique administrent une population dans des frontières données, édictent des lois et règlements, émettent une monnaie, etc. Mais qui ne sont pas officiellement reconnues par leur pairs. Ces autorités se légitiment par un processus électoral présidentiel et de référendum réaffirmant la volonté "populaire" d'être rattachée à la Russie. Pour autant, la Russie refuse de reconnaître l'indépendance et se cantonne aux accords de paix qui font de la Pridniestrie une région fédérée de la Moldavie. Elle finance une grande part de l'économie du pays, et en tire partie, par l'importation de produits russes et des investissements locaux. Les militaires de maintien de la paix défendent l'économie russo-pridniestrienne. La Moldavie a négocié en 2005 des autorisations de passages ferroviaires pour faire transiter, via le territoire pridniestrien, les marchandises. L'Union européenne, qui ne reconnaît pas plus la Pridniestrie, en importe, sous l'étiquette Made in Moldova, de nombreux produits textiles pour la grande distribution et des marques de "luxe". Héritée de la période soviétique, l'entreprise Tirotex est, dans le domaine du textile, dans le haut de tableau de l'espace économique européen. Des accords douaniers sont signés avec plusieurs pays de l'Union européenne et la tendance est à la mise à niveau aux "standards politiques" de cette institution internationale[26]. Sheriff (Шериф) est l'entreprise "nationale" par excellence, œuvrant dans les médias, les magasins alimentaires, la distribution d'essence, le commerce de voitures, le bâtiment, le football et autres activités lucratives. Les privatisations sont un processus d'enrichissement post-soviétique, comme le sont les différents trafics illégaux que permet la situation de statu quo actuel. Globalement, depuis l'indépendance, le pouvoir politique et économique est entre les mains de nombreux ex-apparatchik du régime soviétique. Contrairement aux habitudes soviétiques de s’accommoder discrètement du fait religieux, le nouveau pouvoir l'assume pleinement. L’Église orthodoxe[27] est promue partenaire officielle de la distribution d'opiacés. Dans la continuité de la tradition soviétique, la Pridniestrie est adepte d'une lecture pragmatique et utilitariste des textes fondamentaux du marxisme[28] :
Globalement, le niveau de vie pridniestrien est plus élevé que celui de ses voisins moldave et ukrainien. Tout aussi efficacement que le reste du monde, la Pridniestrie est un espace semi-clos dans lequel celles et ceux qui produisent les richesses sont les mêmes qui en profitent le moins. Comme pendant la période soviétique, seul l'enrobage est différent. En 2018, les passeports pridniestriens ne permettent toujours pas de sortir du pays mais certains sont bénéficiaires de passeports moldaves, ukrainiens ou russes qui limitent moins les déplacements entre les Pridniestrie et ses voisins. La frontière entre la Moldavie et la Pridniestrie n'est pas fermée pour les hominines qui souhaitent la traverser aux quelques postes de douanes. Les seules ambassades installées dans la capitale Tiraspol sont celles d'Ossétie du Sud[22] et du Nagorno-Karabagh[20], la Russie n'ayant maintenu qu'une représentation consulaire. L'unique ambassade de la Pridniestrie se situe à Tskhinvali, la capitale sud-ossète. Derrière toute propagande officielle se cache toujours une réalité sociale différente. Si les générations ayant connu la période soviétique sont bercées de nostalgie pour cette "époque glorieuse" et que les discours patriotiques et militaristes sont insufflés dès l'école, l'arrivée d'une nouvelle génération née après l'indépendance, la lassitude face à une situation stagnante et les difficultés économiques[31] chamboulent légèrement les équilibres politiques[32]. La Pridniestrie est un pays comme un autre : une part de la population ne partage pas forcément la propagande officielle ou les politiques mises en place mais fait avec, une part infime s'y oppose d'une manière ou d'une autre, la "jeunesse" se divise entre celles et ceux qui veulent apprendre à "faire avec", et les autres qui tentent - au moins temporairement - de "faire contre", ou sans[33]. Comme partout à travers le monde la modernité marchande et son imaginaire sont une réalité prégnante dans ce pays, mais aller en Pridniestrie, c'est un peu faire un selfie avec Lénine[24]. La Pridniestrie est un point de croisement entre l'Union européenne en expansion et les vestiges de feue l'Union soviétique. Elle est un confetti d'empire déchu[34]. JumelageFormation étatique de facto, la Pridniestrie est jumelée avec différentes régions du monde. Sans que personne le reconnaisse, pas même la Pridniestrie, il existe un jumelage de facto. Nécessaire à rien, la protivophilie est un outil puissant pour décrypter ces liens. SibérienDans le cadre étroit des frontières de la Pridniestrie, le terme sibérien ne renvoie ni à un ethnonyme, ni à une donnée linguistique. Il désigne la progéniture née lors de l'exil sibérien des hominines qualifiés d'opposants à l'époque de la Moldavie soviétique et, depuis, revenue dans leur région "originelle". Cette catégorie de sibériens est présente parmi les élites politiques et économiques. Sur trois président élu, deux sont des sibériens. Les proches du premier président et son réseau d'influence sont souvent qualifiés de Clan des sibériens. Fort éloignée de la précédente, l'autre catégorie dite des sibériens est celle qui désigne la cinquantaine de familles, et leurs descendants, déportées dans les années 1950 dans l'actuelle Pridniestrie par Joseph Staline et ses successeurs. Elles sont les vestiges d'un monde aujourd'hui quasiment disparu. L'histoire de ces familles plonge dans celle du banditisme de l'époque tsariste. Il existe alors de nombreuses communautés dans lesquels s'organisent des hominines, parmi les plus pauvres, pour vivre du vol. Plus ou moins liées entre elles, souvent régionales, parfois spécialisées dans telles ou telles activités (recel, cambriolage, escroquerie, etc.) certaines établissent un code éthique auquel tous les membres doivent un respect absolu. Leur non-respect est puni de sanctions pouvant aller jusqu'à la mort. Les règles du code tiennent en quelques lignes : refus absolu de collaborer avec la police ou l'État, de participer aux activités syndicales ou politiques ou d’enrôler d'autres hominines dans leurs rangs, se consacrer entièrement à son activité de voleur et ne pas adorer l'argent. Ces voleurs ne visent pas à l'enrichissement par le vol mais le considèrent comme un simple travail pour vivre. Comme d'autres la boulangerie ou l'apiculture. Les butins sont équitablement partagés et une partie est consacrée aux caisses de solidarité mises en place pour aider les prisonniers ou les familles endeuillées. A tout cela se mêle des croyances dans les dogmes religieux de l'Église orthodoxe[27]. Une carrière dans le vol implique pour la plupart d'entre eux un passage en prison : c'est même une "obligation morale" dont dépend toute crédibilité. Lors de son passage par la case prison le voleur est qualifié de Urkas (Уркас), "taulards" en russe dans l'argot des prisons. Il existe un système de code de tatouages, jouant sur les symboles, par lesquels ils dessinent sur leurs corps tous les évènements de leurs vies de manière à ne pas être déchiffré par les "autres". Les anciennes "communautés" de voleurs ont progressivement laissée place à des organisations plus hiérarchisées et structurées, à la discipline stricte et où tout manquement aux règles est passible d'un tribunal interne. Une sorte de "banditisme d'honneur". Très présents parmi le sous-prolétariat urbain - tant honni par les bolcheviques - et organisés dans la plupart des prisons, les urkas participent aux soulèvements qui amènent au renversement de l'empire tsariste russe en 1917. A l'arrivée de Joseph Staline, ces anciens alliés de circonstance sont envoyés en prison rejoindre les nombreux autres urkas qui y sont déjà. Alors que la Russie révolutionnaire est partie prenante de la Seconde Guerre mondiale, peu rancunier, Staline propose une amnistie pour tous les taulards qui voudront venir grandir les rangs de l'Armée Rouge. Du moins, pour ceux qui survivront à cette guerre. Finalement, la guerre finie, le bienfaiteur du prolétariat expédie les urkas survivants dans leurs anciennes prisons. Ayant brisés l'une des règles du code - celle qui précise qu'aucune collaboration avec les autorités n'est autorisée - ces anciens combattants sont alors qualifiés de сукой par les autres urkas. Ce terme injurieux russe peut se traduire par chienne ou salope dans un sens proche de ce que la langue française rend par balance. Plusieurs sont tués pour ce non-respect d'une règle fondamentale : ACAB. En 1948, une partie des "balances" rompt officiellement avec ce fondement des voleurs urkas et décide qu'il n'est plus interdit d'être politicien ou militaire, ni de prendre quelques postes de "kapo" au sein de la prison. Jusqu'au début des années 1950, une bataille sanglante s'engage entre les tenants des deux lignes et fait de nombreux morts dans les prisons soviétiques. Sous le regard bienveillant des autorités pénitentiaires, les volontaires collabos sortent victorieux de cette Guerre des balances[35]. La plupart des morts sont dénombrés du côté des réfractaires à tout changement du code éthique.Pour parfaire leur opération de pacification des prisons et de "nettoyage social", les autorités soviétiques déportent les familles urkas restées fidèles à l'ancien code éthique. Parmi elles, celles de l'extrême-orient russe, les sibériens. Dans son roman autobiographique Urkas ! Itinéraire d’un parfait bandit sibérien[36], Nicolaï Lilin met en scène trois jeunes garçons nés quelques années avant la chute de l'Union soviétique en Pridniestrie dans des familles urkas. Le livre est adapté en 2017 pour le cinéma sous le titre Le clan des gangsters[37]. Entre libre débrouille et code strict, entre choix personnel et pression collective, trois itinéraires du jumelage pridniestro-sibérien. SertarienInutile de chercher sur une mappe-monde une hypothétique Sertarie, même avec un puissant microscope, même doté des derniers outils quantiques qui explorent l'infiniment petit. Cela ne sert à rien. Pas plus de Nihilistan[18] que de Sertarie dans la géo-protivophilie[38]. Les bien-nommés sertariens sont un ensemble de réseaux d'influence et de micro-groupes politiques qui, pour des raisons diverses, soutiennent la "cause" de la Pridniestrie. Parfois nostalgiques de cette sombre période dite "des moustaches", les micro-groupes pro-Pridniestrie balancent entre le style "Petite et sub-nasale" répandue en Allemagne et ses environs entre 1933 et 1945, et le "Grosse et sur-labiale" qui fit frémir d'émotions l'Union soviétique de 1924 à 1953. Ils sont pour l'un ou l'autre, parfois pour les deux, passent de l'un à l'autre, ou inversement. Seule une étude permettrait de démêler cet enchevêtrement pileux. Pour celles et ceux qui s'ennuient suffisamment pour entreprendre une exploration du monde de ces sertariens et décrypter ce qui donne cette odeur buccale si particulière aux adeptes moustachistes[39], il est nécessaire de se doter d'outil de réflexions élaborés tels le tarot ou le marc de café dans lesquels se lisent les mystères intimes et les peurs. Ici, ce sera dans un sac à vomi. Comme tout le monde, le sertarien actuel est post-moderne : La moustache ne se fait plus. Malgré les risques de repousse presque inévitable certains optent pour l'épilation définitive de la zone sur-labiale (dite aussi sub-nasale), d'autres pour la barbichette ou le collier. Les codes pileux et les prétextes au bonheur pour toutes et tous se sont transformés. Après la (quasi) disparition des "moustachistes", alibis faciles pour expliquer l'horreur, les épilationistes et autres sertariens continuent de comprendre ou de justifier le monde par la géopolitique dans des analyses où - pour ne citer que les plus célèbres - la guerre, l'économie, la politique ou la religion seraient les seules sources des décès directs et indirects chez les hominines. La famille[23] et son panel de réjouissances, la prison et les tendresses policières, le suicide ou la mort accidentelle, la misère, le travail ou les caresses nasales - enfin dégagées des poils moustacheux - d'une émanation polluante ne sont-elles pas à prendre au sérieux dans le décompte des morts d'avoir été vivants ? Par principe, pour la géopolitique, les hominines ne sont qu'une variable abstraite dans un schéma général d'explication du monde où les frontières, les ressources, l'armement, l'industrie, l'idéologie et la géographie sont des données concrètes, les seuls moteurs de ce monde merveilleux qu'il est donné de vivre aux hominines qui le subissent. La géopolitique des sertariens, épilationistes ou non, place la Pridniestrie sur l'échiquier d'un grand jeu stratégique entre, d'une part, la Russie post-soviétique et ses alliés, et d'autre part les États-Unis d'Amérique via l'Union européenne. Si le plus rétifs aux crèmes dépilatoires projettent dans la Pridniestrie une sorte de remake post-moderne du pacte hitléro-soviétique, et où d'autres sertariens y voient l'épicentre d'une conflagration européenne à venir[40], les sertariens de tous poil, épilationistes ou pas, veulent dorénavant l'intégrer dans ce projet de "Nouvelle-Russie" qui inclurait les zones autonomes de l'est de l'Ukraine, la Crimée, la Pridniestrie et la Gagaouzie. Toutes unifiées à la Russie dans un jumelage réinventé. Ces fins stratèges veulent ainsi mettre la Pridniestrie au cœur d'une géopolitique qui, comme c'est souvent le cas en de telles circonstances, va apporter "paix et sérénité" aux populations concernées. Depuis 2014 et le début du conflit qui oppose l'Ukraine et les indépendantistes de l'Est, la Pridniestrie souffre des difficultés d'approvisionnement à partir de la Russie, et, avec les soubresauts des économies moldave et ukrainienne de 2015, la dépréciation de leurs monnaies a affaibli un peu plus l'économie d'outre-Dniestr qui a vu ses exportations baisser. Confrontés à ces nouvelles configurations internes et externes, les politiciens de Pridniestrie se tournent vers ce choix stratégique, tout en conservant un œil intéressé vers la rive ouest du Dniestr, et les pridniestriens - surtout les plus pauvres - vont vivre ce qu'ils connaissent déjà sous sa version soviétique : la contrainte économique et le pouvoir politique sertarien. Prèz DniestrienLes travaux menés par la protivophilie ne mentionnent aucun lien entre la Pridniestrie et F. Merdjanov. Le préfixe russe При (Pri) se traduit en français par "près de" ou "autour de". En toponymie, il peut être rendu par "lès", "lez" ou "près" pour indiquer la proximité avec un lieu. Il existe aussi la forme ancienne "prèz", pour un sens identique. Peu usité, "prèz" marque l'environnement géographique d'un lieu précis, sans en délimiter l'éloignement. Par conséquent, l'expression "Prèz dniestrien" doit être comprise comme définissant tout ce qui est de part et d'autre du Dniestr. Celui-ci se jetant dans la mer Noire, il est ainsi possible d'étendre le sens de "prèz dniestrien" à l'ensemble des régions du pourtour de cette mer. Du fait de son installation en apiculture sur les rives de la mer Noire[18], cette définition extensive permet d'affubler F. Merdjanov du qualificatif de "prèz dniestrien". Mais cela ne dit rien sur une localisation plus précise. Tout au plus, cela permet-il à la protivophilie de confirmer que si F. Merdjanov avait vécu avant la disparition de l'habitat traditionnel des rives de la mer Noire, il aurait pu être un de ses lieux de vie.Dans un contexte merdjanovien, la protivophilie voit dans l'emploi de "prèz" une manière directe de renvoyer au terme de "près", au sens de "être contre", et une indirecte qui rappelle que "être contre" c'est être en opposition. Dans un sens proche de l'étymon slave protiv qui forme le néologisme "protivophilie"[41]. Ainsi, "prèz dniestrien" devient le marqueur d'un refus clair des catégories et des identités collectives. L'unique texte consacré à sa vie et à son œuvre[18] précise que F. Merdjanov n'est rien et compte le rester.
Toujours prompte à partager une ironie dont elle est la seule à rire, la protivophilie a exhumé de ses immenses archives, une composition poétique inédite[42] qu'il est encore difficile de dater. Ou d'en certifier l'authenticité. Son style concis mais riche laisse à penser aux spécialistes qu'il provient d'une époque si ancienne que les hominines n'avaient encore que peu de mots à leur disposition, ou est-il un quatrain prèz dniestrien d'époque plus tardive, ou simplement le tract d'obscurs activistes de rien en Pridniestrie ? En Macédoine ? Ou n'importe où ailleurs !
Personnalités
Notes
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