Macédoine socialiste

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Macédoine (Македонија en macédonien). Terme fourre-tout qui désigne, selon les époques et les contextes, des réalités qui n'ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres. Dans tous les cas, ce terme est associé à une chose illusoire.

De 1913 à 1944, le terme de macédoine désigne la province du royaume yougoslave, puis de 1945 à 1991, il est utilisé pour nommer la République fédérée de Macédoine au sein de la Yougoslavie socialiste.

Géographie approximative

Ceinture alpine
La Macédoine est située dans la partie centre-ouest de la péninsule balkanique, à l'ouest de la mer Noire dont elle est séparée par la Bulgarie, à l'est de la mer Adriatique avec l'Albanie entre, et au nord de la mer Égée avec la Grèce entre les deux. Malgré son nom, la péninsule balkanique n'en est pas une car il n'y a pas d'isthme mais une délimitation au nord par les cours des rivières Save et Kupa et d'une partie de celui du Danube. Et au sud par les mers environnantes. Elle est péninsule à la seule condition que l'on accepte que la Norvège ou l'Afrique soient des îles. S'étendant sur 10 pays, les Balkans sont un ensemble montagneux reliant les Carpates roumaines aux Alpes orientales. Ils sont généralement subdivisés entre, de l'est à l'ouest, les Grands balkans, les Rodhopes, les Alpes dinariques, et du nord au sud, le Pinde, le Parnasse et le Péloponnèse. L'arc qui va des Alpes dinariques au Péloponnèse se prolonge, sous les eaux, pour rejoindre l'Anatolie. Les Balkans s'intègrent dans le grand ensemble montagneux, appelé ceinture alpine, qui s'étend des côtes du Maroc à l'Himalaya, en passant par l'Atlas, la côte ibérique, les Pyrénées, les Alpes et les Apennins, les Balkans, les Carpates, les montagnes d'Asie mineure, le Caucase, les plateaux iraniens, l'Hindou Kouch puis l'Himalaya, pour finir tout le long de l'Indonésie. Cette ceinture est la conséquence de la dérive des continents et de la rencontre entamée il y a 65 millions d'années entre les plaques tectoniques eurasiatiques, africaines, arabiques et indiennes qui, pour les trois dernières, remontent à des vitesses différentes[1]. La Macédoine est donc à l'ouest de cette ceinture alpine et au sud de la plaque tectonique.

Les principaux fleuves qui la traversent sont le Vardar/Axios, le Strymon et la Mesta. Tous se jettent dans la mer Égée.

Macédoine socialiste

À l’issue de la Seconde guerre mondiale, la monarchie du royaume de Yougoslavie est exsangue et les grands vainqueurs sont les partisans communistes qui prennent le contrôle du territoire.

En 1945, la République fédérative populaire de Yougoslavie est proclamée. Elle inclut six entités fédérées dont la République de Macédoine. Pour ses frontières, la banovine du Vardar – l’ancienne province du royaume – est redécoupée, le nord est attribué à la République de Serbie et la province du Kosovo est créée. Alors que les découpages de l’ancien royaume de Yougoslavie étaient faits pour que les frontières ne coïncident pas avec une quelconque frontière "ethnico-linguistique" ou "culturo-religieuse", celles de cette nouvelle république redessinent la carte afin d’en exclure le plus possible les populations albanophones ou serbophones. Celles et ceux qui n’en sont pas exclus obtiennent le statut de "minorité". Le but annoncé est de créer ainsi une entité plus homogène pour les projets conjoints des communistes yougoslaves et des nationalistes macédoniens. Malgré les critiques de Tito vis à vis de Joseph Staline, il s’en inspire dans la politique des nationalités[2] qu’il met en place[3]. Autant pour faire taire les revendications bulgares[4] sur la Macédoine que pour équilibrer et renforcer la Yougoslavie populaire, il est urgent de développer économiquement la région et de mettre en place une identité macédonienne. La Macédoine est alors la région la plus pauvre de la République fédérative, elle est essentiellement rurale et ne dispose pas d’infrastructures routières ou d’industries. L’analphabétisme est plus présent que dans les autres républiques fédérées. Le pouvoir socialiste engage des politiques de "modernisation" en créant des usines, en construisant des routes ou en ouvrant des écoles, en parallèle d’une activité de création d’un nouveau nationalisme macédonien, d’une "identité macédonienne", par la publication de manuels scolaires, de dictionnaires, de presse ou de littérature, et par la standardisation d’une langue macédonienne. Plutôt que celles de la région de Skopje, jugées trop serbisées, les formes parlées autour de Vélès et Bitola sont choisies pour construire une langue macédonienne moderne différenciée du bulgare. Dès 1945, un alphabet cyrillique spécifique est adopté pour créer un alphabet macédonien – prétendument le mieux à même à restituer la langue – différent des cyrilliques des serbophones et des bulgarophones. L’ethnologie est mise à contribution pour dénicher une argumentation permettant d’affirmer que les macédoniens sont des slaves, slavophones, évidemment slavophiles, et surtout, contents d’être yougoslaves. Même si l’argumentaire peut sembler un "tantinet" nationaliste, elle repose officiellement sur une approche matérialiste historique qui définit le "droit à l’autodétermination des nations" à la sauce marxiste[5]. Où plus précisément sur les relents nationalistes présents chez les théoriciens marxistes du XIXème et du XXème siècle. Les positions théoriques de Marx flirtant avec un pangermanisme antislave face à un Bakounine slavophile ou celles où il décrète lesquelles des "nations" peuvent prétendre légitimement – selon le matérialisme historique – à une indépendance, les politiques des nationalités des soviétiques ou l’exaltation du folklorisme identitaire ne sont pas des dérives. Elles ne sont pas une marque de proximité idéologique mais une trace de raisonnements communs dans la construction de ces idéologies dans le contexte intellectuel et politique du XIXème siècle[6]. Néanmoins ils diffèrent largement sur les buts car si le nationalisme s’invente une "nation éternelle" qu’il faut défendre, au contraire, la pensée marxiste vise à ce qu’elle soit actrice de sa propre disparition. Quand il y aura eu La Révolution, évidemment ! Mais en attendant, il y a pour les penseurs marxistes de transitions nécessaires. Théoriquement justifiées, il va s’en dire. Bien loin d’une approche protivophile pour qui rien ne peut justifier tout et son contraire. Dans La révolution nécessaire, l’écrivain engagé Mikhaïl Bakounine écrivait, clairvoyant :

Pour le prolétariat, un régime de casernes où la masse uniformisée des travailleurs et des travailleuses s’éveillera, s’endormira, travaillera et vivra au tambour ; pour les habiles, un privilège de gouvernement [...] À l’intérieur, ce sera l’esclavage ; à l’extérieur la guerre sans trêve à moins que tous les peuples ne se résignent à subir le joug d’une nation essentiellement bourgeoise et d’un État d’autant plus despotique qu’il s’appellera l’État populaire.[7]

Ainsi, progressivement, le régime socialiste met en place tous les ingrédients classiques d’un nationalisme moderne. Pour celles et ceux qui n’ont pas écouté la radio depuis longtemps, nous tenons à préciser que de révolution il n’y a pas eu, alors logiquement il reste ce qui aurait dû disparaître. La pensée nationaliste de la République de Macédoine actuelle (ARYM) a hérité de cette mythologie nationale. Par cet exemple yougoslave en Macédoine, le matérialisme historique donne ici la preuve de son utilité – pour qui en doute – afin de démonter "scientifiquement" que la "nation" n’existe pas, qu’elle est une création idéologique et qu’elle n’est pas la raison du nationalisme. Au contraire, c’est ce dernier qui donne forme à cette illusion collective, qui s’acharne à la faire fictivement exister. Ainsi les nationalismes qui semblent fleurir depuis l’effondrement de l’ex-Bloc de l’Est ne sont ni la résurgence d’un courant idéologique crypto-persistant, ni d’une nation qui auraient su résister au système, ils sont en grande partie la conséquence des approches nationalistes dans lesquelles les différents partis communistes se sont engouffrés. La protivophilie ne les salue pas. Mort trop tôt pour avoir pu le tweeter du Brésil, Carlos Marighella[8] nous a fait parvenir le petit haïku suivant, écrit dans un style léger, en 18 pieds, mêlant casse-tête et devinette, rires et pleurs :

Le marxisme, ou ça débouche sur la pratique, ou ça ne sert à rien.

Sans avoir à dévoiler la solution, nous pouvons affirmer que dans le cas de la Macédoine, cela a donné l’inverse de l’effet recherché[9]. Malgré les apparences, la Macédoine yougoslave et socialiste n’est pas la continuité historique d’une imaginaire nation macédonienne mais le résultat d’un modelage idéologique d’une réalité sociale. Ce qui, là encore, ne la différencie en rien des autres pays du monde qui tous s’inventent des "nations"[10].

Projet Rien

Cela serait parler pour ne rien dire que de chercher à démontrer l’hypothèse que F. Merdjanov ait pu aller en Macédoine à l’époque. Même si son âge le permet et qu’une hypothétique double nationalité franco-macédonienne a sans doute facilité les voyages. Plusieurs possibilités s’offrent à nous. Il se peut que F. Merdjanov, enfant vivant en France, ne puisse pas échapper aux obligations familiales et soit dans l’obligation de faire une visite régulière aux grands-parents au "bled" dans les années 80. Avec alors peut-être quelques vagues souvenirs de la crise économique et l’augmentation de la misère. Une révolte d’adolescence ou une maladie grave[11] permettent parfois d’être exempté. Si sa résidence principale est la Macédoine cela ne lui rend pas moins difficile la visite obligatoire, mais l’expose au risque – si F. Merdjanov est homme – d’être appelé pour des obligations militaires. Avoir 20 ans lors de l’éclatement de la République yougoslave dans les années 1990, c’est prendre le risque de ne jamais atteindre 21. Nous ne disposons pas des chiffres du nombre de déserteurs.

Notes

  1. La plaque africaine se déplace vers le nord-est de 2,15 cm par an. La plaque arabique se déplace vers le nord-est à une vitesse de 4,65 cm par an. La plaque indienne se déplace vers le nord à une vitesse de 6 cm par an. La plaque eurasiatique se déplace vers le nord-ouest en Europe et vers le sud-est en Asie à une vitesse de 0,95 cm par an.
  2. Sur les suites des politiques nationalistes dans l’Asie centrale soviétique : Collectif, Revue du Monde Musulman et de la Méditerranée, n° 59-60 "Des ethnies aux nations en Asie centrale", Edisud, 1991 En ligne. Olivier Roy, La nouvelle Asie centrale ou la fabrication des nations, Seuil, 1997. Dans le Caucase : Collectif, Religion et politique dans le Caucase post-soviétique. Les traditions réinventées à l’épreuve des influences extérieures, Maisonneuve & Larose, 2007. Collectif, Les déportations en héritage. Les peuples réprimés du Caucase et de Crimée hier et aujourd’hui, Presses Universitaires de Rennes, 2009. Voir aussi Frédéric Bertrand, L’anthropologie soviétique des années 20-30, Presses Universitaires de Bordeaux, 2002
  3. Georges Castellan, "Aspects de la politique des nationalités dans la Fédération socialiste yougoslave", Revue française de science politique, vol 10, n° 1, 1960 En ligne. Jean-Pierre Débats, "Nationalités et groupes ethniques en République Socialiste de Macédoine (Yougoslavie)", Revue Géographique de l'Est, vol 19 Europe centrale et balkanique, n° 1, 1979 En ligne. Morgane Labbé, "Les nationalités dans les Balkans : de l'usage des recensements", Espace géographique, vol 26, n° 1, 1997 En ligne
  4. Stoyanka Boyadzhieva, "Folklore, ethnographie, ethnologie : Recherche et théorie en Bulgarie au XXe siècle", En ligne. Iveta Todorova-Pirgova, "Langue et esprit national : mythe, folklore, identité" En ligne. Stefana Stoykova, "Naissance et développement du folklore bulgare au XIXe siècle", Ethnologie française, vol 31 Bulgarie : voix d'hier, paroles d'aujourd'hui, 2001/2 En ligne. La construction de l’identité nationale bulgare entamée au XIXème siècle ne reconnaît pas d’identité macédonienne qui est, pour elle, une forme de "bulgarité". L’utilisation des termes de slaves macédoniens apparaît vers 1880 dans la littérature ethnographique ou politique, alors que jusqu’alors seul le terme de bulgares était employé.
  5. K. Bochmann, "La glottopolitique dans les pays socialistes. Quelques traits caractéristiques", Langages, vol 21, n° 83 Glottopolitique, 1986 En ligne. Dubravko Škiljan, "Les politiques langagières en ex-Yougoslavie", Revue des études slaves, vol 75, n° 1, 2004 En ligne
  6. Maxime Rodinson, "Le marxisme et la nation", L’Homme et la société, Vol 7, n° 1, 1968 En ligne Pour une critique conseilliste, voir Anton Pannekoek, Nation et lutte de classe, 1912 En ligne
  7. Cité dans la biographie de Mikhaïl Bakounine dans Analectes de rien
  8. Cité à l’entrée "confession intime"» dans Analectes de rien
  9. La Macédoine n’est pas le seul cas. Il serait trop long de lister ici toutes les tentatives échouées de mise en place d’un système socialiste.
  10. Eric Hobsbawm, Terence Ranger, L'invention de la tradition, 1983. Anne-Marie Thiese, La création des identités nationales. Europe XVIIIe – XXe siècle, Seuil, 2001
  11. Des discussions internes à la protivophilie sont en cours afin de mettre en place le Projet Rien. Même si cela contredit les données actuelles qui considèrent Leon Botha comme la plus vieille – en mourant à 26 ans en 2011 – il sera lancé des travaux approfondis pour déterminer si, oui ou non, B. Smotivni (et donc F. Merdjanov ?) est une personne atteinte de progéria.