Pridniestrie

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[En cours de rédaction]

Pridniestrie. Pays imaginaire bien réel. Non reconnu par les autres pays, tout aussi imaginaires.


Géographie protivophile

Cours du Dnister/Nistru
Pridniestrie est une transcription mixte du russe Приднестровье "Pridniestrovie" qui désigne le "pays près du Dniestr" et du moldavo-roumain Transnistria, littéralement outre-Nistrie, que la langue française rend généralement par Transnistrie[1]. Et plus rarement par Transniestrie. Le terme russe inclut les deux rives du fleuve alors que le roumain renvoie exclusivement à la rive gauche du Dniestr, à l'Est.

Dniestr

Prenant sa source dans la partie orientale des monts Carpates dans l'Ouest de l'Ukraine, à deux pas des frontières polonaise et slovaque, le fleuve s'écoule sur 1362 km[2] pour finalement se jeter dans une grande lagune qui se déverse dans la mer Noire[3]. Il est nommé Дністер (Dnister) dans les zones ukrainophones qu'il traverse et Nistru pour les roumanophones. Selon les frontières internationalement reconnues, il prend donc sa source en Ukraine, puis entre en Moldavie et redevient ukrainien à l'approche de la mer Noire.

Depuis des siècles, le Dniestr est une voie de communication, de commerce et de conquête pour les hominines qui s'y succèdent le long de ses rives ou qui y naviguent. Par lui, transitent hominines et marchandises, savoirs et armées. Il relie les grandes plaines ukrainiennes et polonaises à la mer Noire - et donc au commerce international - tout autant qu'il offre aux conquérants un débouché vers l'Asie mineure, le Caucase et la Mer méditerranée.

Dniestriens

Si au sens strict dniestrien désigne celles et ceux qui habitent le fleuve, poissons, crustacés, batraciens et autres végétaux aquatiques, la protivophile rejette l'étroitesse de cette définition. Elle préfère regrouper sous ce qualificatif l'ensemble de la faune et la flore de tout le bassin du Dniestr, incluant ainsi les espèces terrestres qui vivent dans l'écosystème dniestrien.

Une approche inter-sectionnelle, dans une optique anti-spéciste, est un outil d'analyse puissant qui permet à la protivophile - et bien au-delà - de classer les hominines qui peuplent les abords du fleuve avec les autres "espèces" dans la super-catégorie dite des dniestriens. Ces hominines sont bien moins nombreux et beaucoup moins diversifiés que les autres dniestriens. Malgré leur acharnement à mettre en valeur ce qui les différencie, il reste plus facile [Références nécessaires] même pour un regard non-averti de distinguer un oiseau d'un poisson, par exemple, tout deux dniestriens, que deux hominines, tout aussi dniestriens, dont l'un serait du haut-Dniestr et l'autre du Nistru.

Pridniestriens

Plutôt que de se renifler les orifices pour faire connaissance ou déployer leurs plus beaux apparats pour séduire, comme beaucoup d'autres dniestriens le font, les hominines préfèrent s'en tenir à une position de défiance vis-à-vis de leurs semblables, position qui tourne parfois à la haine et à l'affrontement. Rejetant toutes les avancées d'une zoologie protivophile, ces hominines ne se considèrent pas réellement au même niveau que les autres dnniestriens à qui finalement ils reprochent indirectement de ne pas être des hominines. Problématique pour l'instant restée sans réponse de la part des ségrégués, ceux-ci s'amusent à les qualifier de pridniestriens, c'est-à-dire "proche des dniestriens". Et à défaut de pouvoir intervenir sur le cours de choses des hominines, les autres dniestriens assistent impuissants au spectacle, simples victimes collatérales des guerres et survivantes des pollutions industrielles. Nous sommes encore loin de cette période apaisée que les plus optimistes attendent pour enfin organiser un grand défilé des diversités, festif et revendicatif, la Pride Dniestrien.

Des dniestriens
En octobre 1924, le pouvoir soviétique met en place la République autonome socialiste soviétique moldave (RASSM), sur la rive gauche du bas-Dniestr. Ce territoire autonome est partie intégrante de la République socialiste soviétique d'Ukraine (RSSU). L'entente entre Hitler et Staline permet à l'URSS de prendre pied sur la rive droite, puis de s'étendre en Bessarabie. Cette entité roumanophone est censée être l'embryon d'une future Roumanie soviétique. Profitant de l'attaque de l'URSS par l'Allemagne hitlériste, les fascistes roumains traversent le Dniestr en 1941, chassent les soviétiques et fondent le Gouvernorat de Transnistrie qui s'étend jusqu'au fleuve Boug dans les zones roumanophones. La Transnistrie roumaine devient une zone de déportation dans laquelle les nouvelles autorités envoient leurs principaux opposants politiques et toutes celles et ceux qu'elles jugent indésirables. Nombre de juifs[4] et de roms[5] de Roumanie y sont envoyés pour être finalement exterminés. A l'issue de la seconde guerre mondiale, l'URSS obtient de la Roumanie les territoires entre le Prout et la rive droite du Dniestr, approximativement l'ex-Bessarabie, dans lesquels elle cale les nouvelles frontières de la République socialiste soviétique moldave (RSSM) et y adjoint une petite partie de territoire de la rive gauche du Dniestr de l'ex-RASSM. La Moldavie soviétique devient une entité indépendante de la République socialiste soviétique d'Ukraine.

Si la protivophilie perçoit aisément que "faire mourir" ou "laisser mourir" n'ont pas la même construction grammaticale, la nuance qu'introduit une intention différente est difficile à discerner au regard des conséquences individuelles ou collectives. Appliquant cette forme d'humanisme qu'ils partagent avec les hitléristes, un amour des grands voyages et des espaces exiguës, les stalinistes ont déporté dans les régions de l'est du Dniestr leurs opposants, ou supposés tels, issus des régions périphériques déjà habituellement utilisées pour bannir ou emprisonner : Caucase, Sibérie et Asie centrale. Militants politiques, criminels de droit commun ou "camarades" en disgrâce contraints à vivre dans le décor militarisé des bords du Dniestr, à être une part de ce sous-prolétariat indissociable de l'univers concentrationnaire réservé aux ouvriers du gigantesque complexe militaro-industriel. Contrairement à ce qu'affirmeraient les archives soviétiques, les disparitions et les morts inexpliquées ne sont pas dues à une mauvaise adaptation au climat. Ce que confirme l'ancienne responsable de la bibliothèque municipale de Nice :

Klima, klimat, climat ? Non, ça me dit rien ![6]

Mêlant savamment matérialisme historique et rhétorique politique, les ethnologues soviétiques[7] parviennent étonnamment à démontrer que les roumanophones de Moldavie sont historiquement, culturellement et linguistiquement distincts des roumanophones de Roumanie. Ces derniers sont désignés "ennemis éternels" et oppresseurs de toujours. Ils créent une identité moldave, forgent ses mythes et inventent son histoire. L'alphabet cyrillique est conservé pour noter la langue moldave reconnue par la République - alors que le roumain utilise l'alphabet latin - et le russe est institué langue officielle. Ce processus de "nationalisation" n'est pas propre aux soviétiques et rappelle par exemple celui enclenché autour de la langue macédonienne en Macédoine yougoslave.

Dans une Moldavie très largement agricole, le pouvoir soviétique développe les industries dans les seules régions situées autour du Dniestr. Il y installe des usines dans les filières textile ou vinicole et met en place un secteur de l'industrie lourde (armement et mécanique) et de l'énergie. Pour ce faire, des soviétiques venus d'Ukraine ou de Russie, incités par le pouvoir en place, migrent vers cette région pour fournir la main-d'œuvre ou l'encadrement. Les équilibres linguistiques s'en trouvent perturbés. Pour défendre l'économie du Dniestr, l'armée soviétique est présente en permanence. Vers la fin des années 1980, si les outre-dniestriens ne représentent qu'environ 17% des moldaves, la région produit 25% de la richesse de la Moldavie et 90% de son énergie.

Alors que l'Union soviétique est de plus en plus chancelante, des revendications nationalistes émergent dans les nombreuses républiques périphérique de l'URSS, de l'Asie centrale[8] au Caucase[9], des pays baltes à l'Europe de l'Est dans le courant des années 1980. En Moldavie[10], une loi réintroduit l'alphabet latin en 1989 et, l'année suivante, adopte officiellement le roumain comme langue officielle[11]. En réaction, une République socialiste soviétique moldave du Dniestr est autoproclamée par des slavophones (Russes ou ukrainiens) d'outre-Dniestr, mais le pouvoir central soviétique ne valide pas cette initiative. Dès novembre 1990, les premiers accrochages ont lieu entre, d'une part, les forces armées moldaves et, d'autre part, des groupes armés d'outre-Dniestr épaulés par des militaires soviétiques. La proclamation de l'indépendance de la Moldavie en août 1991 et son hypothétique rapprochement d'avec la Roumanie dans un futur proche incitent les hominines outre-dniestriens à faire sécession et proclamer en novembre à leur tour la République moldave du Dniestr[12]. Décision largement entérinée lors du référendum organisé en décembre 1991 par les nouvelles autorités.

Pridniestrie

Frontières de la Pridniestrie, sur la rive orientale du Dniestr
L'acte fondateur de ce nouvel État indépendant est sans doute de renommer le Dnister/Nistru par son équivalent russe : Dniestr.

Délimitée à l'Est par sa frontière avec l'Ukraine, à l'ouest, la Pridniestrie l'est pas le Dniestr. Les négociations entre la Moldavie et le nouvel État sécessionniste restent sans effet, et la tentative de l'armée moldave de chasser les militaires russes[13] se solde par des combats avec les forces pridniestriennes qui, aidées par des troupes cosaques[14], traversent le fleuve en 1992. La ville industrielle de Bender, sur la rive occidentale, est annexée par la Pridniestrie. Finalement ces courts combats permettent à la Pridniestrie de régler le principal point de discorde dans les négociations : toutes les industries lui reviennent de fait.

Fin 1992, dans un accord sous le parrainage de la Russie, la Moldavie accepte, dans le cadre de ses frontières, d'octroyer un statut d'autonomie à la région à l'est du Dniestr renommée "Unité territoriale autonome de la rive gauche du Dniestr". Celle-ci peut accéder à l'indépendance si la Moldavie enclenche un processus de rapprochement avec la Roumanie. Mais les autorités de la Pridniestrie refusent cette proposition qui implique entre autres la restitution de la ville de Bender. Aucun pays dans le monde ne reconnaît officiellement le nouvel État et la revendication première de la Pridniestrie d'être, comme l'est le Kaliningrad[15], rattachée à la Russie n'est plus soutenue par cette dernière qui préfère le statu-quo.

Pridniestrie ?

"La Pridniestrie existe-t-elle vraiment ?" est une question persistante pour ses détracteurs. Précisons ici, qu'en dehors de ses quelques spécificités historiques et géographiques, elle ressemble en tous points à la Moldavie, à la Russie, à la France et à l'ensemble des autres pays du monde. Macédoine comprise.

Pour le reste, la Macédoine est un pays comme les autres : ses frontières sont une chimère, son histoire nationale une mythologie, son pouvoir politique un rapport de domination et son organisation sociale une contrainte. Comme toute identité collective, la Macédoine est une illusion. Bien sûr, la Macédoine a connu des épisodes de son histoire qu’elle ne partage pas avec les autres pays, mais cela ne change rien.[16]

Selon les trois langues officielles de cette nouvelle entité étatique, elle s'autoproclame République moldave niestréenne (Република Молдовеняскэ Нистрянэ) en moldave, République moldave de Pridniestrovie (Приднестровская Молдавская Республика) en russe et République moldave de Pridnistrovie (Придністровська Молдавська Республіка) en ukrainien. Par facilité de langage, ce nouveau pays est généralement nommé Transnistrie par celles et ceux qui regardent de la rive ouest du fleuve, et Pridniestrovie vue de la rive est. Ce que la protivophilie désigne sous le terme de Pridniestrie.

Malgré l'insistance de la Pridniestrie à se fédérer à la Russie, cette dernière ne donne pas suite et ne reconnaît pas officiellement le nouvel État. Dans le Caucase, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, nouvellement indépendantes suite à l'éclatement de l'Union soviétique, sont elles aussi confrontées à des revendications autonomistes[17] : dans le Haut Karabagh[18] pour la première, et en Abkhazie[19] et en Ossétie du Sud[20] pour la seconde. Autonomes de fait à la suite de courts conflits, ces trois entités - elles-mêmes non-reconnues internationalement - sont les seules à reconnaître l'indépendance des outre-dniestriens. En Pridniestrie, comme cela s'est passé dans les régions géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, les militaires de l'ex-Union soviétique encore présents dans ces territoires se transforment de belligérants en force d'interposition chargée du maintien de la paix.

Pridniestrie !

Dans un style humoristique proche de celui pratiqué en France sur l'héritage de la "Révolution de 1789" ou la lutte de la "Résistance" contre l'occupant, le pouvoir pridniestrien se construit une légitimité et une profondeur historique par un supposé héritage du modèle sociétal soviétique et une lutte glorieuse contre l'invasion de l'Union soviétique par les armées hitléristes et leurs hordes de collabos.

Paysage pridniestrien
De manière assez classique, l'adoption de cette mythologie nationale est concomitante de la mise en place de tout ce qui fait le charme des États : un appareil policier chargé de surveiller le bon déroulement d'un système politique, une monnaie dans le but de prélever des impôts et écouler les marchandises, un système judiciaire prétexte à punir toutes les formes d'opposition, et un système économique permettant à celles et ceux qui n'ont presque rien de ne pas en avoir beaucoup plus.

Jumelage

Notes

  1. Ce terme est néanmoins marqué du sceau infamant du fascisme à la roumaine qui, au prétexte de défendre les roumanophones qui y vivent, instaure entre 1941 et 1944 un Gouvernorat de Transnistrie dans les régions d'outre-Nistrie auparavant sous domination soviétique.
  2. Pour comparaison, la Loire, le plus long fleuve de France s'étend sur 1000 km et le Vardar en Macédoine sur 388.
  3. Bernard Lory, "La mer Noire, à nulle autre pareille. Esquisse géographique", CEMOTI, n° 13, 1992 - En ligne
  4. Matei Cazacu, "La disparition des Juifs de Roumanie", Matériaux pour l'histoire de notre temps, n° 71, 2003 - En ligne
  5. Viorel Achim, "La déportation des Rroms en Transnistrie, les données principales", Études tsiganes, n° 56/57, 2016
  6. Propos tenus par l'ancienne responsable de la bibliothèque municipale de Nice. Selon "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans Analectes de rien - En ligne
  7. Frédéric Bertrand, L'anthropologie soviétique des années 20-30, Presses Universitaires de Bordeaux, 2002
  8. Olivier Roy, La nouvelle Asie centrale ou la fabrication des nations, Seuil, 1997
  9. Bayram Balci (Sous la direction de), Religion et politique dans le Caucase post-soviétique, Maisonneuve & Larose, 2007
  10. Nicolas Pélissier, "Pour une médiaphysique des confins : étude du rôle des médias de masse dans la production de l'incertitude territoriale d'une ex-république de l'URSS : la Moldavie", Quaderni, n°34, Hiver 1997-98 - En ligne
  11. Natalia Scurtu, "Les moldavisants et les roumanisants au sein du Comité des sciences moldave : un regard sur l'identité moldave en République autonome soviétique socialiste moldave", Revue Russe, n°36, 2011 - En ligne
  12. Dans les régions moldaves du Sud peuplées de turcophones, la République de Gagaouzie déclare aussi son indépendance et réclame son rattachement à l'URSS, avant de faire machine arrière et négocier un statut d'autonomie interne à la Moldavie. Voir Gangloff Sylvie, "L'émancipation politique des Gagaouzes : Turcophones chrétiens de Moldavie", CEMOTI, n°23 La Caspienne. Une nouvelle frontière, 1997 - En ligne
  13. L'Union soviétique prend officiellement fin le 26 décembre 1991, et le territoire se fragmente entre différents pays nouvellement indépendants : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Estonie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Lettonie, Lituanie, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine.
  14. Les Cosaques
  15. Le Kaliningrad
  16. "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, Gemidžii Éditions, 2017 - En ligne
  17. Aude Merlin, Silvia Serrano (Sous la dir.), Ordres et désordres au Caucase, Éditions de l'Université de Bruxelles, 2010 - En ligne
  18. Haut Karabagh
  19. Abkhazie
  20. Ossétie du Sud