Královec : Différence entre versions

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<blockquote>''Klíma, klimat, climat ? Non, ça me dit rien !'' <ref>Extrait de "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref></blockquote>
 
<blockquote>''Klíma, klimat, climat ? Non, ça me dit rien !'' <ref>Extrait de "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref></blockquote>
  
Afin de faire s'impatienter les hominines en attente d'un départ pour Královec, l'office du tourisme tchèque de Nice propose un petit guide, fruit d'une collaboration <ref>"''Emmanuel Kant, dans ''Logique'', ramène la philosophie aux quatre questions suivantes ; on peut s’amuser à mettre en face les mots "rien" ou "tout", au choix et dans tous les sens''". Cité à l'entrée "libre-arbitre" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref> entre Emmanuel Kant et [[F. Merdjanov]], l'un spécialiste des déambulations dans les rues de Königsberg, et l'autre du saltimbanque tchèque Ladislav Klíma.
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Afin de faire patienter les hominines attendant l'ouverture prochaine de la ligne aérienne Nice/Královec, l'office du tourisme tchèque de Nice propose un petit guide original. Le fruit d'une collaboration <ref>"''Emmanuel Kant, dans ''Logique'', ramène la philosophie aux quatre questions suivantes ; on peut s’amuser à mettre en face les mots "rien" ou "tout", au choix et dans tous les sens''". Cité à l'entrée "libre-arbitre" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref> entre Emmanuel Kant et [[F. Merdjanov]], l'un spécialiste des déambulations dans les rues de Königsberg, et l'autre du saltimbanque tchèque Ladislav Klíma.
  
 
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Version du 16 décembre 2025 à 19:11

Královec (Краловеk en macédonien - Cralovec en nissard) Région sur les (futures) rives tchèques de la mer Baltique. Ex-Kaliningrad russe.


[En cours de rédaction]


Sortie de l'ambre

Découpage politique actuel

Avant de devenir la mer actuelle, bordée par le nord de l'Europe continentale et le sud de la Scandinavie [1], la Baltique a connu plusieurs évolutions géologiques au cours des millions d'années qui précèdent le présent. Chronologiquement, les géologues s'accordent pour dire qu'elle fut d'abord un vaste lac d'eau douce, peu profond et alimenté par la fonte des glaciers alentours, puis, il y a environ 10000 ans, les eaux salées de l'océan viennent s'y mêler via la mer du Nord. La fonte des glaces et l'élévation du niveau général des océans planétaires modifient sa géographie et sa composition aquatique. Appelée mer de Yoldia, elle est dorénavant une étendue d'eau saumâtre. La fonte de glaciers engendre une remontée de la croûte terrestre qui forme un isthme et ferme cette mer aux eaux salées et redevient, de fait, un lac d'eau douce. Entre 9000 et 7000 ans avant le présent — soit, pour apporter une précision qui ne sert à rien, approximativement entre 9000 et 7000 ans avant la naissance de F. Merdjanov — ce lac Ancylus est de nouveau en lien avec la mer du Nord et les eaux salées s'infiltrent. Devenant la mer à Littorines — comme l'appellent les géologues — elle se forme entre 7000 et 4000 avant le présent. Elle est plus étendue que l'actuelle mer Baltique qui lui succède et dont la superficie est de 364800 km². Ces noms des périodes d'évolution successives ne sont évidemment pas contemporains mais sont choisis, rétrospectivement, par les géologues et correspondent à des fossiles de petits animaux aquatiques caractéristiques de différents stades. La désignation de mer Baltique remonte à la fin du XIème siècle après JC [2] sous la plume du théologien et chroniqueur Adam de Brême qui parle de Mare Balticum[3]. L'étymologie de ce terme est incertaine. Elle peut renvoyer à l'étymon germanique belt qui désigne une ceinture ou à la légendaire île Baltia présente dans les mythologies romaines qui la situent au nord de l'Europe. Pour les populations d'hominines [4] qui vivent dans ses parages, cette mer est aussi simplement nommée selon un référentiel géographique. Mer de l'Est pour les unes, de l'Ouest pour les autres. Pour les populations lointaines, elle est désignée selon le nom des populations qui vivent à proximité d'après les connaissances approximatives de ces régions. La mer Baltique est la mer des Sarmates [5] selon le géographe gréco-antique Ptolémée ou des Suèves [6] selon l'historien romain Tacite. La mer Baltique est l'une des plus récentes mers à se former sur le globe terrestre.

Quelque soit le stade de son évolution géologique, le pourtour de la mer Baltique est habité par de nombreuses espèces animales et végétales. Le recul des zones de glace permet une diffusion plus large des espèces vivantes. Des vastes forêts de pinèdes ont été recouvertes par la montée des eaux. L'une des caractéristiques de cette région est que des vestiges du vivant se retrouvent régulièrement dans de l'ambre. Résine de pinèdes, l'ambre piège de petits insectes et les conserve intacts pendant des millénaires. Contrairement à ce qu'affirment en 1993 Steven Spielberg, le réalisateur du documentaire Jurassic Park [7], la préservation d'insectes, en l’occurrence de moustiques, ne permet pas d'avoir accès à de l'ADN de mammouth ou de dinosaure par le sang contenu dans l'insecte. L'état de dégradation d'un tel ADN n'est pas exploitable pour être cloné. Steven Spielberg est mondialement connu et reconnu pour ses faux documentaires. De Les Dents de la mer à E.T., l'extra-terrestre, en passant par Indiana Jones et le Temple maudit. Pour n'en citer que quelques-uns. Son style singulier lui permet, selon ses critiques les plus acerbes, de filmer "les déportés juifs traqués par les nazis comme il film[e] les nageuses attaquées par le requin dans Les Dents de la mer ou les enfants pourchassés par les dinosaures dans Jurassic Park : avec les effets propres au cinéma de divertissement." [8] Les conséquences peuvent être désastreuses pour l'imaginaire de la peur chez les hominines les plus jeunes comme le clame, dès 1976, le pédopsychiatre Gérard "Lenorman" Lenormand dans son pamphlet Gentil dauphin triste :

Moi le gentil dauphin
Je n'y comprends rien
Pourquoi tout ce fracas ce cinéma
Pour un poisson bidon
Un requin de carton
Allez, sois chouette envoie-moi ton ballon. [9]

Ombres zélumières

Parmi la faune qui profite du réchauffement climatique pour s'installer sur les rives de la future mer Baltique, les hominines se font une place. La plus ancienne trace de leur présence est un long mur de pierres datant d'au minimum 11000 ans. D'une longueur de près d'un kilomètre et d'une hauteur d'un mètre, ce mur est aujourd'hui sous les eaux. Identifié en 2021 à 10 kilomètres de la côte actuelle de l'Allemagne et à 21 mètres de profondeur, il est constitué d'environ "1400 pierres qui semblent avoir été positionnées pour relier près de 300 rochers, dont beaucoup apparaissent trop lourds pour que des individus puissent les déplacer." [10] La première hypothèse avancée est qu'il s'agit d'un piège à rennes installé par une population hominines de chasseurs-cueilleurs. La région est alors une zone de toundra [11] sur les rives d'un vaste lac d'eau douce. D'après l'archéologue Marcel Bradtmöller, "on suppose qu’à cette époque, l’Europe du Nord ne comptait pas plus de 5000 habitants" dont "les rennes constituaient leur régime alimentaire de base. Les animaux se déplaçaient en troupeaux dans le paysage pauvre en végétation de l’ère postglaciaire." [12] Construit sur la rive du lac, le mur aurait servi de goulot afin de contraindre les rennes à se déplacer jusqu'aux hominines qui les attendent pour les tuer. Des analyses complémentaires des roches doivent être encore réalisées afin de préciser la datation de cette construction.

Doigt.jpg

La présence des hominines dans les parages de la mer Baltique est attestée par les nombreuses trouvailles archéologiques. À travers des objets et des techniques, les archéologues définissent ce qu'illes [13] appellent des "cultures" en fonction des proximités et des similarités [14] et les nomment bien souvent en fonction du lieu de la première découverte. Les cinq doigts de la main des hominines lui permettent de réaliser un nombre très important d'objets divers. Les différentes cultures définies par l'archéologie moderne s'étendent sur de vastes territoires et ne sont pas cantonnées à des régions d'Europe. Il n'y a pas de frontières entre elles et parfois elles se chevauchent et s'entrecroisent. Parfois elles ne semblent pas avoir de liens directs entre elles. Des plus anciennes populations, vivant de la chasse et de la cueillette, les archéologues ont retrouvé des pointes en pierre taillée et quelques autres éléments matériels [15]. Le passage d'un mode de vie nomade ou semi-sédentaire de ces populations à une sédentarité agricole et d'élevage prend des millénaires. En Europe, le néolithique s'étale entre 10000 et 2000 avant JC et les rythmes des changements ne sont pas uniformes. Alors que dans certaines régions d'Europe l'agriculture et l'élevage se généralisent, avec une organisation villageoise permanente, le nord conserve encore une organisation sociale basée sur la chasse et la cueillette. L'utilisation de la poterie/céramique semble plus tardive dans ces populations du nord que dans le reste du sous-continent européen et l'Âge du bronze qui succède à l'Âge de pierre est chronologiquement décalé. De manière générale, le passage d'une organisation sociale basée sur la chasse et la cueillette vers l'agriculture et l'élevage interroge toutes les sciences liées aux questionnements sur l'histoire de l'homininité.

Outre les modes de vie, les scénarios élaborés par les archéologues et autres spécialistes de la préhistoire des hominines tentent de répondre aux questions sur les modes de diffusion des biens, des techniques et des hominines sur le continent eurasiatique. S'il y a consensus sur une origine africaine de cette espèce, suivie par des expansions hors de ce continent, les rythmes et les routes sont toujours en discussion. Les éléments de ces scénarios sont fait de toutes les traces matérielles laissées par les hominines préhistoriques et des interprétations qu'elles permettent. Exercice périlleux. Les données sont peu nombreuses au regard de l'immensité de la période concernée. Comme dans toutes les sciences, le réponses apportées par ces scénarios formulent des hypothèses qui, par la suite, peuvent être contredite, critiquée ou rejetée. Ou confirmée. Certaines se laissent emporter par des biais dans leurs raisonnements et parviennent à inventer un passé conforme à leur présent. Jusqu'à postuler l'existence de populations d'hominines préhistoriques qui n'ont peut-être jamais existé. Comme les zélumièriens par exemple.

Malgré l'absence de la moindre certitude, les populations baltiques préhistoriques sont utilisées pour construire des théories linguistiques et/ou culturelles par des hominines du XXème siècle afin de justifier leurs positions politiques présentes. Ce protochronisme [16] est très répandu dans la construction des mythologies nationalistes qui, pour écrire leur roman national, prétendent que les populations actuelles, leurs caractéristiques culturelles ou linguistiques, sont directement issues de celles de la préhistoire ou d'époques anciennes. Les gauloiseries remplissent ce rôle dans le nationalisme français [17]. Tout comme les thraces en Bulgarie [18] ou les hébreux en Israël [19], par exemple. Les populations préhistoriques du sud de la mer Baltique sont utilisées pour l'élaboration de théories sur les origines des "peuples indo-européens" [20]. La région est présentée comme le berceau originel des populations actuelles de l'Anatolie à l'Inde et d'Europe dont les langues diverses seraient toutes issues de la fragmentation d'une seule et même langue. Une vision trompeuse en forme d'arbre généalogique, une approche simpliste des processus linguistiques qui exclue les phénomènes de créolisation, de multilinguisme, d'emprunt lexical, de changement de langue, d'extinction, etc. Des phénomènes pourtant observables dès les périodes antiques et encore opérants de nos jours. Historien d'une langue préhistorique qui n'a aucune existence attestée, George Dumézil semble conscient de ses propres limites : "À supposer que j'aie totalement tort, mes indo-européens seront comme les géométries de Riemann et de Lobachevski : des constructions hors du réel. Ce n'est déjà pas si mal. Il suffira de me changer de rayon dans les bibliothèques. Je passerai dans la rubrique Romans." [21] L'hypothèse baltique s'oppose à celles qui postulent une origine transcaucasienne ou moyen-orientale. Elle permet d'éviter de faire "apparaître" ces populations dites indo-européennes hors d'Europe. Elle a évidemment les faveurs des racistes et autres adeptes de la blanchité qui ne supportent pas cette idée d'origines extra-européennes, de migrations préhistoriques [22]. Alors même que la sortie d'Afrique des hominines, en tant qu'espèce, n'est pas encore bien digérée ! Il ne faut pas prendre les aryens pour ce qu'illes ne sont pas, au prétexte de rimer à rien, ni penser que le verlan de rien en Henri justifie quoique ce soit. Prénom très répandu en Europe sous des formes proches ou titre officiel de monarques, Henri dérive de la forme germanique Haimric constituée des racines heim et rik. Respectivement, "domicile", "foyer" et "puissant". Dans la langue française actuelle, la première est encore présente dans hameau [23] et la seconde dans tous les mots basés sur riche. Le hameau de Rien n'est pas le hameau des riens, et s'appeler Henri ne dit rien de ses propres richesses. Attention aux biais et aux raccourcis.

- Henri, c'est bizarre comme titre !
- Pourquoi tu dis ça ?
- Bah, Henri à l'envers... ça fait quoi ? Ça fait ri-hen
- Ouais...
- Ri-en. Qui dit rien, dit tout. Qui dit toux, dit maux de gorge. Qui dit mots de gorge, dit "Gorge profonde". Qui dit gorge profonde, dit CIA. Qui dit CIA, dit Mossad. Et qui dit Mossad, dit...
- Juifs ?
- Voilà ! [24]

Borusse

L'histoire ancienne des populations d'hominines du sud de la mer Baltique et de son arrière-pays reste très mal définie. Les vestiges archéologique ne disent rien des structures sociales et leurs traits culturels sont encore un mystère. Entre les IVème et IIème millénaires avant JC, la vaste région entre les mers Baltique et Noire est peuplée par des "cultures archéologiques" diversifiées. Impossible de déterminer les liens entre elles. Dans cet espace géographique, les paléolinguistes supposent la présence d'un vaste ensemble linguistique qu'illes nomment balto-slave. Il n'est pas défini comme une entité homogène mais comme un continuum, c'est-à-dire une zone de variabilités géographiques d'éléments linguistiques proches. Il n'y a pas de langue balto-slave. Des linguistes parlent même d'espace germano-balto-slave pour indiquer qu'il s'agit de la zone d'apparition des "familles" des langues germaniques, baltes et slaves. Les recherches archéologiques ne permettent pas de faire un lien entre les hominines des "cultures archéologiques" des millénaires passés et les populations balto-slaves de l'Âge de Bronze. Sont-elles la continuité directe, un mélange complexe ou issues de vagues migratoires ? La plus ancienne mention attestée d'une population balte semble être celle de l'historien Tacite, à la fin du premier siècle après JC, qui parle des Aesti dans le sud-est de la mer Baltique qui récoltent l'ambre pour en faire commerce [25]. Selon lui, illes sont dans le voisinage des populations germaniques auxquelles l'empire romain se heurte dans son expansion vers le nord de l'Europe. Quelques siècles plus tard, ces mêmes Aesti sont décrits comme germaniques dans Histoire des Goths de Jordanès [26]. Ces identifications antiques sont à prendre avec beaucoup de réserves.

Du point de vue linguistique, le continuum balto-slave se subdivise historiquement entre, d'une part, le domaine slave, et d'autre part, les domaines baltes orientaux et occidentaux. Selon les linguistes, le processus de séparation entre ces deux derniers groupes s'amorce vers le Vème siècle avant JC, pendant l'Âge de Fer. Dans la zone orientale, plusieurs formes proches mais différenciées dont il ne reste de nos jours que le lituanien et le letton qui ont le statut de langue d’État officielle, et le samogitien, le latgalien et couronien qui sont reconnues comme langues régionales [27]. Dans la zone occidentale, il convient de distinguer, d'une part, le borussien, le nadruvien et le galindien, et d'autre part, le skalvien et le sudovien. La division orientale/occidentale n'est pas une frontière clairement définie : le couronien est parfois rattaché à l'une ou l'autre. Toutes ces langues baltes occidentales sont aujourd'hui disparues.

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Périphériques des empires et royaumes qui gouvernent de vastes régions de l'Europe occidentale et restées en marge de l'adoption des mythologies christiennes, les populations baltes demeurent très largement méconnues. Quelques textes les mentionnent et donnent de maigres indications sur elles. Dans le milieu du VIème siècle, le haut-fonctionnaire Cassiodore publie la lettre que le roi ostrogoth [28] fait parvenir sur les bords de la Baltique en réponse aux sollicitations diplomatiques : "Nous sommes heureux d'apprendre que vous avez entendu parler de notre renommée et que vous avez envoyé des ambassadeurs qui ont traversé tant de nations étrangères pour solliciter notre amitié. Nous avons reçu l'ambre que vous nous avez envoyé." [29] Wulfstan, un marchand-navigateur de la fin du IXème siècle [30], livre une courte description des Estes. Il indique qu'il ne s'agit pas d'une société unique mais que chaque forteresse à son propre roi. Aucune tribu balte ne semble se nommer elle-même borusse ou d'une quelconque forme dérivée. Description des cités et des régions au nord du Danube [31], un texte anonyme rédigé en latin dans le courant du IXème siècle, mentionne les prisanni et leurs 70 cités et les bruzi, deux noms proches de la sonorité borusse qui se transforme aux cours des siècles en prusse.

L'expansion des mythologies christiennes est un phénomène qui gagne le nord et l'est du sous-continent européen. Les conversions ne sont pas une douce découverte des paroles de Jésus aka Christ mais une véritable mise au pas des populations par des missionnaires qui, pour paraphraser le spécialiste de l'histoire sociale Pierre-Emmanuel Barré, "ont plus de sang sur les mains qu'une parkinsonienne qui vide sa cup." [32] Les hostilités débutent à la fin du Xème siècle mais la résistance est féroce. Les premiers fanatiques missionnaires se font décapiter. Adalbert en 997, puis Bruno en 1009 qui, selon la terminologie morbide des autorités christiennes, "avec 18 de ses compagnons, [...] offre sa vie en sacrifice pour la conversion et le salut des païens" ! [33] Les populations baltes ne restent pas sans réaction face à ces tentatives d'intrusion et lancent des incursions militaires contre les royaumes alentours convertis aux mythologies christiennes.

Prusse

Vers la fin du XIIème siècle, les autorités religieuses christiennes et les royaumes qui les reconnaissent veulent en finir avec le paganisme des populations scandinaves, slaves et baltes. Afin de consolider les premières implantations christiennes et de s'étendre encore plus, des ordres militaro-religieux sont appelés à l'aide. Véritables mercenaires de la foi, les terres conquises leur sont promises par les autorités religieuses de Rome. En 1226, à la demande d'un aristocrate polonais, l'ordre des chevaliers teutoniques [34] est sollicité pour mettre fin à la menace païenne à l'est. Les moines-soldats s'installent et obtiennent progressivement l'indépendance autour de la ville de Chelmno puis de tous les territoires qu'ils conquièrent. Conséquences de ces attaques, la population balte prussienne passe d'environ 150000 hominines dans le milieu du XIIIème siècle à moins de 80000 en un siècle. Le territoire de l'État monastique teuton s'étend le long de la côte orientale de la mer Baltique, de la Vistule au golfe de Finlande. Sa capitale est fixée dans la ville de Marienburg [35], près de l'actuelle Gdansk [36] en Pologne. Il est bordé par le Saint-Empire romain germanique [37] à l'ouest, le Royaume de Pologne au sud et le Grand-Duché de Lituanie au nord-est. Afin de nourrir l'historiographie de Ordre des chevaliers teutoniques, l'un d'eux rédige en latin Chronicon terrae Prussiae [38] dans le premier quart du XIVème siècle dans lequel, outre l'histoire et les faits de guerre des moines-guerriers, il fait une courte description des croyances et des mœurs, ainsi qu'une liste des territoires et des tribus de ces baltes occidentaux. Écrit probablement à la même époque, le Vocabulaire d'Elbing [39] est un recueil d'environ 800 mots appartenant à l'ensemble linguistique balte occidental avec leur traduction en vieux-saxon [40]. Ils sont notés avec l'alphabet latin. Pour consolider son autorité, l'Ordre favorise la colonisation en donnant des terres agricoles à des hominines venant de régions germaniques d'Europe. Phénomène qui accentue l'assimilation culturelle des populations baltes à la culture coloniale. La pratique des langues baltes est en net recul et les anciennes croyances religieuses sont remplacées par les mythologies christiennes. Progressivement, le terme de prusse est utilisé pour désigner les populations de langue et de culture germaniques vivant sur la côte orientale de la mer Baltique. La Prusse désigne l’État monastique germanique.

En plus des colons paysans, le pouvoir politique teutonique s'appuie sur des marchands, des artisans, des nobles et des ecclésiastiques qui peuplent les grandes cités baltiques. Le commerce est prospère et l'Ordre vit grâce aux impôts importants qu'il collecte. Son monopole sur le commerce de l'ambre est une source de revenus importante. Les conflits récurrents avec la Pologne voisine ou avec la Lituanie affaiblissent toujours plus l'État monastique. Même si les pertes de territoires sont faibles, le fardeau financier est énorme. La gourmandise des élites marchandes et de la noblesse n'est plus rassasiée suffisamment. Dans la première moitié du XVème siècle, elles réclament des changements politiques et de nouveaux privilèges. Face au refus de l'Ordre, une cinquantaine de nobles et presque une vingtaine de villes de la Prusse teutonique demandent l'aide du royaume polonais. La guerre est lancée. Acculés, les chevaliers teutoniques et leurs supplétifs cèdent après plus de dix années de guerre et signent en 1466 un accord qui divise en deux la Prusse. À l'ouest, la Prusse royale devient une province autonome au sein du Royaume de Pologne, et à l'est, le reste du territoire demeure indépendant. La capitale de cette Prusse orientale passe de Marienburg — Malbork en polonais — sur la rivière Nogat, un bras de la Vistule, à la ville de Königsberg [41] sur l'estuaire de la Pregolia et séparée de la mer Baltique par la presqu'île de Sambie. L'une est au sud de la lagune de la Vistule, l'autre au nord. Königsberg est la version germanique du polonais Królewiec. Královec en tchèque.

Dans le premier quart du XVIème siècle, Albert, 37ème grand maître de l'ordre Teutonique, prend partie dans les querelles politiques et religieuses qui divisent les adeptes des mythologies christiennes en Europe. Membre de la noblesse polonaise par sa génitrice et germanique par son géniteur, il est le neveu du roi de Pologne. Il s'entiche du réformateur Martin Luther [42] et prend la décision de séculariser l'Ordre. Il se converti officiellement au luthéranisme et proclame en 1525 un duché de Prusse, vassal de la Pologne. Une clause spéciale prévoit l'abandon des territoires à la Pologne en cas d'extinction de la lignée masculine de ce duché héréditaire de Prusse. Le protestantisme luthérien est religion d'État et l'ensemble de la population est appelée à s'y convertir. La Prusse ducale est le premier État officiellement "protestant" [43]. En partie refuge pour les hominines qui se disent adeptes d'une forme ou d'une autre de protestantisme, les migrations de germanophones accentue l'acculturation des baltes entre les XVIIème et XVIIIème siècles. Des vestiges linguistiques borusses, et plus généralement baltes occidentaux, perdurent en substrat dans la variante prussienne de l'ensemble linguistique germanique [44]. Le même phénomène de recul, puis de vestiges, s'observe dans les régions slave polonaise ou balte lituanienne.

Sans héritier mâle, la dynastie ducale change de mains. Marié à la fille du dernier duc, Sigmund de Brandebourg devient le nouveau dirigeant de la Prusse orientale. Cette dernière est de fait unie avec le Brandebourg pour former en 1618 l'État de Brandebourg-Prusse. La marche de Brandebourg, fondée au milieu du XIIème siècle, est une des composantes du Saint-Empire germanique. Située au nord-est de l'empire, elle n'a pas de continuité territoriale avec la Prusse orientale. Sa capitale, Berlin, est à plus de 500 kilomètres de Königsberg. Séparées par le royaume de Pologne. En 1701, le statut politique de l'État de Brandebourg-Prusse lorsque le duc de Prusse obtient de l'empereur que le duché soit reconnu comme royaume. Mais ne pouvant être désigné roi dans le cadre de l'empire, Frédéric Ier est dit roi en Prusse et non roi de Prusse. Par conséquent son titre de roi est uniquement valable en Prusse. Son petit-fils, Frédéric II, est le premier à obtenir le titre officiel de roi de Prusse en 1772. Un despotisme éclairé qui n'a pas fait fuir des hominines comme Emmanuel Kant [45] qui "ne s'est jamais [éloigné] au-delà d'un rayon de soixante kilomètres autour de son lieu de naissance" [46], Königsberg. Emmanuel Kant est célèbre depuis les travaux biographiques de Jean-Baptiste Botul, fondateur de la colonie sud-américaine de Nueva Königsberg où un décor reconstitué des rues de Königsberg permet de faire chaque jour la même promenade que celle que faisait Kant. Avec La Vie sexuelle d'Emmanuel Kant [47], le philosophe se fait philo-seuf [48]. Royaume militariste et expansionniste, la Prusse conquiert plusieurs territoires en Europe occidentale. La Prusse royale, sous domination polonaise depuis la seconde moitié du XVème siècle siècle, est annexée sous le nom de Province de Prusse-Occidentale. Cette nouvelle situation crée une continuité territoriale entre le Brandebourg et la Prusse. À la fin du XVIIIème siècle la superficie de la Prusse a presque doublé. Le royaume de Prusse est un État européen important de par son activité économique florissante, son armée puissante et l'étendue de son territoire. S'étirant de la mer Baltique aux frontières françaises, il est la composante principale de l'empire allemand qui voit le jour en 1871 sous la forme d'une confédération d'une myriade de principautés et de royaumes. Le projet d'un pangermanisme regroupant l'ensemble des populations de langue et de culture germaniques est l'arrière-plan idéologique. Son extension maximale à l'ouest de l'Europe se concrétise par l'annexion de l'Alsace-Lorraine en 1870 [49] lors du conflit militaire qui oppose l'armée prussienne et les militaires français de l'empire de Napoléon III. Roi de Prusse, Guillaume Ier se fait proclamer empereur allemand en janvier 1871 à Versailles.

C'est dans ce contexte d'occupation militaire prussienne et de siège de la capitale Paris que Sergueï Netchaïev rencontre Albertine Hottin entre la fin 1870 et février 1871. Pour quitter la ville, Netchaïev est contraint de traverser les lignes de front entre les deux armées. Albertine Hottin est présente à Paris pendant le siège et l'éphémère Commune [50] de mars à mai 1871. Les quartiers de Paris dans lesquels elle vit sont moins touchés par les combats entre militaires français et prussiens. Impossible d'affirmer qu'elle croise un militaire teuton, et encore moins qu'elle entame la discussion. Plus d'un siècle avant la populaire proclamation dite du 113, les teutons du bled n'ont pas la côte.

Teuton.jpg

On parle de tout et de rien, des Nike Air aux visas
De la traversée du désert au bon couscous de Yemma[51]

La participation et la défaite de l'empire allemand à la Première guerre dite mondiale débouche sur de multiples conséquences politiques et géographiques. À l'extrême-ouest de son territoire, il est amputé de l'Alsace-Lorraine et à l'extrême-est de la région de Dantzig/Gdansk qui permet ainsi un accès à la Baltique pour la Pologne. Avec ce corridor de Dantzig [52], la province la plus orientale de Prusse n'a plus de continuité terrestre avec le reste de l'empire. L'autre conséquence de la guerre est l'affaiblissement du pouvoir politique impérial et l'instauration d'une république fédérée à la fin de 1918. Cette nouvelle configuration regroupe 18 länders dont l’État libre de Prusse. Ce dernier est divisé en treize provinces dont celle de Prusse-Orientale, entre les fleuves Vistule et Niémen. Le nord de ce fleuve, connu sous le nom de Territoire de Memel [53], est annexé par la Lituanie au prétexte qu'une partie de sa population est lituanophone [54]. La capitale orientaloprusse est toujours Königsberg. Environ 2,5 millions d'hominines vivent dans cette Prusse-Orientale, dont plus de 60% dans des communes de moins de deux mille personnes. Königsberg abrite presque 300000 hominines.

Les sept siècles de colonisation et de présence germanique ont considérablement marqué le paysage culturel et linguistique de la région. Les premiers hominines à arriver proviennent des zones linguistiques bas-allemandes [55], du nord des Pays-Bas et de l'Allemagne, qui constituent un vaste continuum. Le vocabulaire et la syntaxe diffèrent de ceux des zones du sud, dites haut-allemandes. Le prussien germanique se singularise des autres variantes linguistiques par sa position géographique dans les confins et par l'histoire singulière de l’État monastique des chevaliers teutoniques. Les linguistes différencient généralement le haut-prussien et le bas-prussien. Pour des raisons d'origine géographique différente des hominines qui migrent vers cette région, l'un est plus influencé par le haut-allemand que l'autre. Par exemple, rien se dit nichts en haut-allemand et nix en bas-allemand, nuscht ou nüx en prussien. La différentiation entre bas et haut prussien n'est pas une ligne nette de démarcation entre les deux, et chacun est lui-même un ensemble de variations linguistiques. Il n'existe pas de langue prussienne standardisée. Un substrat borusse est présent et de très nombreux emprunts aux langues slaves alentour sont intégrés aux pratiques linguistiques dans l'État monastique et ses successeurs. Les influences sont polonaises, kachoubes [56], poméraniennes [57] ou masuriennes [58]. La division entre Prusse royale et ducale engendre des spécificités linguistiques. Intégrée au royaume de Pologne, la Prusse royale subit une pression plus forte des langues slaves présentes. Les spécialistes notent aussi l'existence de pratiques linguistiques singulières dans la région de la ville de Dantzig/Gdansk ou parmi les communautés mennonites [59] réfugiées dans le royaume de Prusse. Dans la ville de Dantzig/Gdansk se développe un bas-prussien particulier qui intègre nombre de traits haut-allemands à des schémas bas-allemands [60]. Hérétiques selon les autorités religieuses christiennes catholiques, les mennonites doivent quitter les Pays-Bas aux XVIème et XVIIème siècles et trouvent refuge en Prusse. Parlant de fait essentiellement le néerlandais de leur région d'origine, illes forment progressivement le plautdietsch [61], un parler bas-prussien très influencé par le néerlandais — une langue germanique proche de la famille bas-allemande. Une autre langue germanique parlée en Prusse-Orientale est le yiddish. Né à partir des pratiques linguistiques germaniques d'Europe de l'ouest, le yiddish a progressivement glissé vers l'est et subit des influences slaves. Parlé essentiellement par des hominines des communautés moïsiennes et écrit la plupart du temps avec l'alphabet hébraïque, il existe plusieurs variantes sur l'ensemble du sous-continent européen. La première mention d'une présence moïsienne remonte à la fin de la première moitié du XVIème siècle. Deux hominines originaires de Pologne. Vers 1680, un premier lieu de prière est autorisé, un cimetière spécifique voit le jour en 1704 et une synagogue est construite un demi-siècle plus tard. Comme dans l'ensemble des pays européens, les populations moïsiennes de Prusse sont soumises à des traitements discriminatoires qui restreignent les déplacements, l'installation dans certaines villes ou l'achat de terres, et limitent les métiers et fonctions officielles accessibles. Au cours du XIXème siècle, plusieurs réformes améliorent leur statut mais les discriminations perdurent. Au début du XXème siècle, environ 4000 d'entre elleux vivent en Prusse-Orientale. Parfois venant de la Russie voisine, fuyant les pogroms [62] qui détruisent des villages et en massacrent les hominines. Comme la famille de l'anarchiste Emma Goldman [63] ou de la philosophe Hannah Arendt [64].

Outre ces langues issues de l'installation germanique progressive, les Prusse orientale et occidentale, ducale et royale, abritent de nombreuses communautés d'hominines de langues slaves. Les interconnections et les influences sont des réalités linguistiques. Les frontières au couperet n'existent pas. Les langues baltes occidentales se sont éteintes. Le borusse disparaît dans le courant du XVIIIème siècle, absorbé par les langues polonaise, lituanienne et germanique. Il est le dernier représentant des langues baltes occidentales. Le galindien s'éteint vers le XIVème siècle, le skalvien et le nadruvien au XVIème et le sudovien au XVIIème. Des substrats existent dans les langues baltes actuelles ou dans le toponymie. Dans la Prusse-Orientale du début du XXème siècle, perdure des communautés d'hominines considérées culturellement baltes mais très largement germanisées. C'est le cas de kurseniekis [65] et des lietuvininsks. Ces dernières, par exemple, bien que lituanophones et germanophones, réclament l'indépendance d'un Memelland [53] ou un rattachement à la Prusse plutôt qu'une annexion par la Lituanie car leur sentiment communautaire n'est pas linguistique mais religieux. En effet, les lietuvininsks sont de rite protestant alors que la Lituanie est majoritairement catholique. Idem pour les populations masuriennes [58], considérées par la Pologne catholique comme des polonophones germanisées mais qui, en tant que protestantes, se voient plutôt un avenir commun avec les germanophones de Prusse-Orientale.

La fin de la Première guerre dite mondiale et les conséquences territoriales et financières qui en découlent pour le royaume de Prusse, devenu République de Weimar, engendrent un fort ressentiment et l'émergence d'un nationalisme allemand "revanchard". Feu le royaume de Prusse et l'imaginaire autour de sa puissance militaire et géopolitique alimente l'écriture de la mythologie nationaliste. Adolf Hitler [66] et son parti national-socialiste lui donne une coloration profondément raciste [67]. L'ancien peintre déteste les nuances et les couleurs. Sa hiérarchisation raciale place les communautés moïsiennes au bas de l'échelle et les germaniques en haut, les slaves sont entre les deux. Deux siècle après Voltaire, il s'en inspire : "Enfin je vois des hommes qui me paraissent supérieurs à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce" ? [68] Les hitléristes traquent, massacrent, déplacent, remplacent ou volatilisent celleux qui ne correspondent pas à leur échelle raciste. L'idée principale du tristement célèbre Troisième Reich est d'étendre la main-mise sur l'Europe orientale. La Seconde guerre dite mondiale commence en 1939. La Pologne est démembrée mais la Russie, devenue l'Union soviétique, oppose une farouche résistance à la tentative d'invasion. Les hordes hitléristes déportent ou tuent les populations slaves et moïsiennes de régions conquises. Hitler pérore sur la Prusse-Orientale qui est, selon lui, "le bastion absolument imprenable de l'âme allemande". Mais la guerre du Troisième Reich patine. La ville de Königsberg est presque entièrement détruite par les bombardements anglo-étasuniens d'août 1944. Face à l'avancée soviétique, les autorités hitléristes appellent à l'évacuation des populations "allemandes" de Prusse-Orientale et du territoire de Memel en début de 1945. Sur les 2,6 millions d'hominines qui y vivent, environ 2 millions fuient vers des territoires jugés sûrs par les hitléristes. Les kurseniekis et les lietuvininsks fuient aussi. L'offensive soviétique contre la Prusse-Orientale tue environ 30000 personnes. Le Troisième Reich allemand s'effondre et son territoire est démembré à partir du second semestre de 1945. À travers toute l'Europe, les populations germanophones civiles sont contraintes de quitter les régions dans lesquels elles vivent. Qu'elles soient autochtones ou non. Elles tentent d'échapper aux vengeances des armées ou des civils en colère. Au total, plus de 10 millions d'hominines germaniques ou germanophones sont sur les routes d'Europe, fuyant après la débâcle hitlériste, tentant de rejoindre l'Allemagne de l'ouest. Plus de 2 millions meurent en chemin. De froid, de faim, de misère, de violence. Il s'agit du plus grand déplacement de populations de l'histoire contemporaine.

Rien n’est mortel à la sympathie comme l’entassement des individus. — Jusqu’à ce jour, hélas ! la Patrie ne fut rien que ce point restreint de la terre où l’homme consume son existence attristée ! À l’avenir, chaque citoyen du monde se fera sa Patrie aussi grande et aussi belle que puissent se l’imaginer son intelligence et son cœur ! [69]

Russe

À la fin de la guerre, les soviétiques imposent leur ordre dans l'est de l'Europe. Les pays baltes sont annexés [70] à l'Union soviétique (URSS) et le Bélarus soviétique récupère une partie de la Pologne. Cette dernière intègre la région de Gdansk, ex-Dantzig, et le corridor du même nom qui mène à la mer Baltique. La province de Prusse-Orientale est divisée en deux. Le sud revient à la Pologne et le nord côtier à l'URSS. Le territoire de Memel est intégré à la Lituanie soviétique. Renommée Kaliningrad [71] en 1946 la ville de Königsberg et son territoire ne sont pas rattachés au Bélarus ou à la Lituanie qui lui sont frontaliers mais à la Russie soviétique. Les 20000 hominines germanophones encore sur place doivent quitter la région, à l'exception de celleux qui sont reconnus comme des communistes [72]. Conséquence directe de la guerre, des milliers d'enfants se retrouvent sans leurs parents. Pour l'ex-Prusse-Orientale leur nombre est estimé entre 20000 et 25000. Afin de survivre, illes sont contraints de vivre clandestinement en Lituanie, échangeant de la nourriture contre leur force de travail auprès de paysans. D'autres viennent de Mazurie polonaise. Illes voyagent à pied ou par train, échappant aux contrôles. Illes sont appelés vokietukai, littéralement petits allemands en lituanien. L'historiographie moderne les qualifient de enfant-loup. Malgré les risques de répression, certains d'entre elleux sont cachés par des paysans de Lituanie qui leur donnent des prénoms lituaniens et leur apprennent la langue [73].

Traduction approximative de L'Internationale ! [74]

Afin de dégermaniser l'ex-Prusse-Orientale, l'ensemble des noms sont russifiés. Villes, rues, monuments, topographie, etc. Seulement environ 600000 personnes y vivent toujours après la guerre. Des hominines arrivant essentiellement de Russie — et plus marginalement du Bélarus, d'Ukraine et de Lituanie — repeuplent le territoire désormais soviétique. En 1950, la population s'élève à plus de 1,2 millions d'hominines — la moitié de celle d'avant-guerre. La ville de Kaliningrad est reconstruite sur les ruines de Königsberg. Le rapport entre la Lituanie et le Kaliningrad n'est pas très clair et les archives n'apportent pas de réponses. Selon certains historiens, dans les années 1960, les autorités centrales soviétiques proposent à la Lituanie d'incorporer en son sein le Kaliningrad mais la république soviétique balte refuse, craignant un déséquilibre démographique de fait entre les populations lituaniennes et russes. Pour d'autres, la Lituanie le revendique et définie comme étant la "Lituanie mineure" [75] mais les autorités soviétique refusent au prétexte que "les habitants d'avant-guerre n'étaient pas des lituaniens mais simplement liés aux lituaniens par la culture et la langue, et désormais cela n'a plus d'importance puisque la population locale est russe." [76] La frontière entre la Pologne et le Kaliningrad est définitivement fixée à la fin des années 1950.

Pour la même raison que l'intérêt de la Lituanie pour le territoire de Memel, Kaliningrad offre à la Russie un accès à des ports de la mer Baltique qui ne sont pas bloqués par les glaces hivernales [77]. Cela offre des opportunités militaires et civiles. Kaliningrad devient une ouverture sur les océans. Selon Olivier Roqueplo, "l'action des marines a permis à l'URSS d'acquérir une véritable dimension maritime, encore sous-développée avant 1945, dans la continuité des plans de Pierre Ier, créateur de la Flotte, précisément celle de la Baltique dont Kaliningrad est l'héritière. La pêche, quant à elle, a permis à la population soviétique de s'approprier l'Océan, y compris sur le plan culturel et social, en tant que mode de vie et comme source d'une vision particulière du monde." [76] Il ajoute que "toutes les familles de l'Oblast' occidentale ont, entre 1947 et 1990, au moins un de leurs membres qui travaille dans le secteur de la pêche." Kaliningrad et les ports baltiques de la Lituanie et de la Lettonie abritent les navires et sous-marins militaires soviétiques. La Flotte de la Baltique est le principal atout maritime de l'URSS, en "guerre froide" contre le bloc de l'ouest.

L'Union des Républiques Socialistes Soviétiques se disloque en décembre 1991, laissant place à 15 nouveaux pays indépendants [78] — dont la Russie. Dans les régions d'extrême-occident soviétique, émergent la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie bordant la mer Baltique et ayant une frontière commune avec la Russie et le Bélarus. Jusqu'alors le Kaliningrad n'était séparé de la Russie que par des frontières administratives internes au sein de l'URSS. Dorénavant, il est une exclave [79] située à environ 600 kilomètres de la première ville russe. Il est nécessaire de traverser deux pays pour rejoindre la Russie : Soit la Pologne et le Bélarus, soit la Lituanie et le Bélarus. La frontière entre la Pologne et la Lituanie constitue le corridor de Suwałki [80]. Long de 85 kilomètres, il est le point le plus étroit entre le Kaliningrad et le Bélarus — 65 kilomètres à vol d'oiseau. La zone est peu peuplée et couverte de forêt, et aucune route de relie le Kaliningrad russe au Bélarus. L'éclatement de l'URSS a engendré deux autres cas d'exclaves problématiques. Celle du Karabagh, une région revendiquée par l'Arménie mais située en territoire azerbaïdjanais et reliée par le corridor de Latchin, et celle du Nakitchevan, une région azerbaïdjanaise séparée de l'Azerbaïdjan par l'Arménie. La première a donné lieu à une guerre sanglante [81] et la seconde au projet de corridor de Zanguezour [82], le long de la frontière arméno-iranienne.

Avec l'indépendance des pays baltes, la Russie n'a plus accès qu'aux seuls ports de son exclave. Du point de vue géostratégique, l'entrée de la Pologne et de la Lituanie dans l'Union européenne en mai 2004 complique le maintien du lien entre la Russie et l'oblast de Kaliningrad. Des accords sont signés afin de limiter les taxes douanières sur les marchandises et d'étendre les possibilités de déplacement des hominines entre les trois entités politiques que sont la Pologne, la Lituanie et le Kaliningrad russe. L'entrée en guerre de la Russie en Ukraine en 2022 [83] et les prises de position européennes pro-ukrainiennes compliquent la situation pour le Kaliningrad.

Dérives baltiques

Au recensement de 2021, la population de Kaliningrad est d'un peu plus d'un million d'hominines. Si 78% se définissent "russes", près de 14% ne mentionnent aucune appartenance "ethnique" ou "culturelle" spécifique. Les autres se répartissent entre les cases "ukrainienne" et "bélarusse", environ 1% pour chacune de ces deux catégories. L'auto-dénomination lituanienne ou allemande ne représente qu'un demi pourcent chacune.

Les revendications politiques sur le Kaliningrad restent marginales. Créé en 1993, le Parti républicain balte réclame officiellement un statut particulier au sein de la Russie, une autonomie interne qui n'exclue pas à terme une adhésion à l'Union européenne (UE). Voire l'obtention de l'indépendance de l'oblast en une république parlementaire. L'une de ses revendications est l'obtention de visas pour les hominines voulant se rendre dans l'UE. Russophone et d'inspiration libérale social-démocrate, il réclame le retour officiel du nom historique Königsberg pour la ville et la région, et de manière plus générale la dérussification de la toponymie imposée dans les années 1940. Il se présente aux élections régionales de 2000 et obtient un siège sur 31 au parlement régional, mais il est interdit en 2003 en vertu d'une nouvelle loi russe sur les organisations politiques. Renommé depuis 2005 en Mouvement public de Kaliningrad – Respublika, ses membres doivent maintenant agir dans la clandestinité ou à l'étranger. Il est accusé par les autorités de l'oblast d'être "autonomiste allemand" et d'être affilié au Forum des peuples libres de la post-Russie [84], déclaré terroriste en 2024, qui regroupe plusieurs mouvements indépendantistes favorables à une "décolonisation pacifique et non violente" de la Fédération de Russie. La guerre russe en Ukraine complique la donne. Le mouvement dénonce les restrictions à l'encontre du Kaliningrad qui découlent de cette situation et prend position pour l'Ukraine.

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L'effondrement de l'URSS et l'émergence de nouveaux pays indépendants suscite des mouvements de population. Quelques hominines du Kazakhstan et du sud de la Russie (Caucase), d'origine germanique selon la terminologie soviétique, tentent leur chance dans l'oblast de Kaliningrad. Illes renouent ainsi avec cette vague idée d'un foyer germanique russe, sur les décombres de l'ex-empire de Prusse. Des maisons d'un village de l'est du Kaliningrad sont rénovées et du matériel est acheté afin d'aider à leur installation par la Société pour la recolonisation. Une école de langue allemande est mise en place afin que ces hominines puissent apprendre la langue de leurs "ancêtres" qu'illes ne parlent pas. Illes sont russophones. Évidemment, la langue apprise n'est pas une des variantes dialectales prussiennes bas-allemandes, qui ne sont plus parlées [85], mais l'allemand standard. Ces néo-colons n'ont aucun lien avec des personnes réfugiées de Prusse-Orientale en 1945. Plusieurs centaines de personnes sont concernées par ce projet. Leurs motivations sont plus économiques que politiques, sans lien avec celles de quelques mouvements politiques de l'extrême-droite allemande qui fantasment un retour aux frontières de l'empire entre 1871 et 1918. Dans — sans vouloir être insultant avec les adeptes des rainbow shower — ce grand sac à vomi [86], où se côtoient nationalistes, néo-hitléristes, monarchistes ou simples nostalgiques d'un passé mythifié, il existe des adeptes d'un retour à l’État libre de Prusse ou d'une annexion du Kaliningrad par l'Allemagne. Dans cette optique de "décolonisation russe", ces vomito-germanistes financent une tentative de "recolonisation germanique" dès la fin des années 1990. Afin d'éviter toute ambiguïté, ils appellent leur projet Agnes Miegel [87], du nom d'une poétesse prussienne des XIX et XXème siècles favorable à la politique d'Adolf Hitler ! Les autorités russes n'apprécient pas et interdisent finalement la continuation de ce projet dans le début des années 2000. Une décision sans appel qui s'appuie sur le proverbe populaire russe "Грязный сукин сын, ты ничто, ты ничто. Как Джамель Деббуз, который обнимает тебя" qui peut se traduire par :

Sale fils de pute, t'es walou, t'es rien
Comme Jamel Debbouze qui te serre dans ses bras [88]

Bien que la langue lituanienne soit parlée par quelques hominines dans l'oblast de Kaliningrad, la Lituanie moderne n'a aucune revendication sur, selon la terminologie historique, la "Lituanie mineure" ou "Petite Lituanie". Pas plus qu'elle n'en a sur les régions lituanophones de Pologne. Il en est autrement du Bélarus. Ce dernier n'a pas de frontière directe avec le Kaliningrad mais cela tient à peu. Il semble que, dès les années 1950, le Bélarus soviétique envisage d'incorporer l'exclave kaliningradaise à son territoire. Les raisons sont multiples. Elles mélangent vision nationaliste, tactique géopolitique et adaptation économique. Il est proposé de faire des échanges de territoires entre Lituanie et Bélarus. Contre des territoires du nord bélarusse, il est envisagé de détacher une zone du sud de la Lituanie et de l'unir au nord-ouest du Bélarus afin de le relier au Kaliningrad par un corridor. Cette option permet, d'une part, de renforcer la frontière entre la Pologne et la Lituanie soviétique à une période où la résistance balte anti-soviétique des Frères de la Forêt est encore très active, et d'autre part de désenclaver le Bélarus en lui offrant un accès direct à la mer Baltique. Cette extension territoriale rejoint les revendications des nationalistes bélarusses qui considèrent les russophones de Kaliningrad comme des bélarusses "ethniques" originaires de Russie. Finalement, la jonction territoriale entre le Kaliningrad et le Bélarus ne voit pas le jour. L'indépendance de la Lituanie en 1990 n'a fait que compliquer l'accès russe à son exclave. Loin de son développement à l'époque soviétique, l'agriculture n'a de cesse de diminuer. Ce constat pousse le président bélarusse Alexandre Loukachenko à proposer en 2013 à son homologue russe Vladimir Poutine de gérer le développement agricole de l'exclave: "Il n'est pas nécessaire de nous rendre la terre en toute propriété, nous nous occuperons simplement du business agricole..." [76] L'idée d'un référendum est même évoquée. Si Loukachenko affirme que Poutine n'est pas hostile à ce projet de rapprochement agricole, il est néanmoins resté sans suite. Le président bélarusse rappelle en 2019 son souhait que le Kaliningrad soit intégré au Bélarus sous la nom de Borussie.

Officiellement, depuis 1999, le Bélarus et la Russie sont liés par un projet confédéral qui doit mener à la fusion entre les deux pays voisins et appelé État de l'Union. Aucune date n'a été fixée. Autant pour le Bélarus que pour la Russie, le Kaliningrad demeure un point faible de leurs stratégies géopolitiques. Conscients de cela, les deux pays organisent en septembre 2017 un exercice d'entraînement militaire conjoint dans le nord-ouest bélarusse et au Kaliningrad. Pour se faire un scénario est imaginé. Le nord-ouest de l'État de l'Union est attaqué par une coalition de trois pays (fictifs): Lubenia, Vesbaria et Veyshnoria. Le premier s'étend sur le nord-est de la Pologne et au sud-ouest de la Lituanie, et contrôle le corridor de Suwalki qui relie le Kaliningrad au Bélarus. Le second inclut le reste du territoire lituanien et une grande partie de la Lettonie. Veyshnoria est un État indépendant "auto-proclamé" situé dans la région de Grodno, dans le nord-ouest du Bélarus, et longeant la frontière lituano-bélarusse. Le nom Veyshnoria est formé à partir de la racine balte veisnor qui signifie "hospitalier". De par sa situation géographique, il faut en conclure que sa population est très majoritairement de langue polonaise [89] et adeptes des mythologies christiennes de rite catholique, contrairement au reste du Bélarus où la langue principale est le bélarusse et la croyance de rite orthodoxe. Des sources officielles veyshnoriennes [90] indiquent que la langue est le veyshnorien, une forme de bélarusse écrit avec l'alphabet łacinka, une variante de l'alphabet latin adaptée pour le bélarusse [91]. La monnaie est le taler et l'hymne national est la chanson du groupe bélarusse Stary Olsa [92] intitulée Niamon, du nom du fleuve qui prend sa sources au Bélarus, traverse la Lituanie et fait office de frontière entre elle et le Kaliningrad, avant de se jeter dans la mer Baltique. La capitale politique est Grodno, le parlement et le gouvernement sont à Lida et la capitale culturelle est Smarhon.

Dans ce scénario imaginaire, le Kaliningrad est de fait coupé de l’État de l'Union et le Veyshnoria cherche à s'étendre sur le reste du territoire bélarusse qu'il ne contrôle pas encore. Avec l'aide de ses alliés lubenien et vesbarien. Comme prévu par l’État de l'Union, l'offensive est victorieusement repoussée.

Královec

Selon qui regarde, Königsberg s'appelle différemment [76]. Les soviétiques imposent le nom de Kaliningrad – Калининград en russe – en 1946 mais le voisinage voit cela d'un autre œil. Pour la Pologne, la ville et l'oblast se nomment Królewiec. Pour la Lituanie, il s'agit de Karaliaučius. Deux calques dans chacune des langues du nom allemand Königsberg qui signifie "mont royal". Knigsberg en prussien. Vue du Bélarus, il convient de dire Караляве́ц, transcrit Karalevec. Très proche du russe Короле́вец, transcrit Korolevec. Les formes russe et bélarusse sont constituées à partir du polonais Królewiec, d'un usage antérieur de plusieurs siècles. La question du nom interroge les soviétiques qui dans un premier temps proposent Baltijsk, une référence géographique sans équivoque, mais la mort subite de Mikhaïl Kalinine en 1946 les porte finalement à un autre choix. Une dimension géopolitique aurait pu faire que le choix se porte sur Vladibaltijsk, "qui domine la Baltique", avec une construction linguistique similaire à Vladivostok et Vladikavkaz, respectivement ville la plus orientale et la plus méridionale de la Russie. Une mixité linguistique n'a pas retenu l'attention soviétique. Plusieurs possibilités existent. Königsgrad conserve une empreinte germanique et marque le présent russe. Tsargrad offre une russification plus complète se fondant sur tsar, titre de l'empereur russe, et sur grad qui marque la toponymie citadine. Mais reprendre le mot tsar n'est plus d'actualité depuis le renversement de la famille royale en 1917. Pour une profondeur historique maximale, une traduction en borusse donne Kunnegsgarbs, basée sur kunneg "roi" et garbs "colline", même si la ville germanique est bâtie sur celle borusse de Tvangest. En français, le calque de Königsberg est Konigsbourg, et celui de Tsargrad est Tsarbourg. L'adaptation en calque ou en traduction en français, et de manière générale dans une autre langue, des noms de villes est une problématique qui ne répond pas toujours à la seule linguistique [93]. Est-elle nécessaire ? Par exemple, faut-il dire Petrograd, Pétersbourg ou Pierreville pour une traduction la mieux adaptée à la ville actuelle de Saint-Pétersbourg ? Comme avec Kaliningrad qui est composé avec un nom propre, la problématique est moins compliquée qu'avec Königsberg qui a un signifiant. En effet, Kalinineville ou Kalininebourg peuvent très bien suffire pour coller au mieux aux normes toponymiques francophones. Le choix entre différentes possibilités a des ressorts politiques. Faut-il retenir Kaliningrad ou plutôt Königsberg pour proposer une forme traduite en français ?

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Pour qui s'intéresse aux origines multiples de la ville, il convient de proposer Ottocargrad, en référence au roi de Bohême Ottokar II qui fonde la ville en 1255 avec l'aide des moines-chevaliers de l'Ordre teutonique. Ou Královec en tchèque pour faire calque avec Königsberg. Personne n'est en mesure d'affirmer lequel des deux noms précède l'autre. Les guerriers teutons nomment-ils leur nouveau château d'abord dans leur propre langue ou est-ce le roi qui, de par sa fonction, en a le privilège ? Cette problématique divise les spécialistes.

Probablement sans intérêt pour la plupart, la question de la souveraineté du Kaliningrad est fondamentale dans le contexte géopolitique actuel. Réagissant au soutien russe à la sécession en septembre 2022 des républiques de Donetsk et de Lougansk [94], toutes deux situées sur le territoire de l'Ukraine, puis leur annexion, des activistes tchèques lancent une pétition afin d'avoir "une occasion unique d'étendre le territoire tchèque et d'obtenir enfin un accès à la mer. Nous demandons donc au gouvernement de la République tchèque d'envoyer des soldats tchèques à Kaliningrad, d'y organiser un référendum qui aboutira à un résultat de 98 % en faveur du rattachement à la République tchèque, puis d'annexer Kaliningrad et de le rebaptiser Královec." [95] À la question de savoir si "Oui" ou "Non" il faut annexer le Kaliningrad, un premier référendum organisé en Tchéquie dès octobre 2022 obtient le score affirmatif de 97,8% des personnes ayant pris part au vote. Peu importe leur nombre tant la victoire du "Oui" est écrasante. Si cela ne suffit pas à contraindre la Russie à accepter la légitimité "démocratique" de ces revendications, il est toujours possible d'invoquer l'Histoire. Ottokar II, bien évidemment, mais aussi la mémoire de l'évêque de Prague, Adalbert le missionnaire. Mort en 997 en tentant de convertir les tribus baltes, Vojtěch Slavníkovci dit Adalbertus est né en Bohême et est devenu par la suite le "Saint patron de la Bohême, de la Pologne, de la Prusse". L'antériorité tchèque est sans contestation possible pour la Russie. En dernier recours, la proximité géographique demeure un (faible) argument. En effet, Královec est à moins de 700 kilomètres de Prague alors que Kaliningrad est à plus de 1000 kilomètres de Moscou. En cas d'annexion tchèque de Královec, il reste à négocier avec la Pologne les conditions d'accès à son territoire pour rejoindre l'exclave baltique à partir de la Tchéquie. La démarche doit rester pacifique et ne pas déboucher sur une guerre. Idem pour les futures négociations avec la Suède qui peut, tout comme la Tchéquie, revendiquer l'archipel arctique François-Joseph dans l'extrême-nord de la Russie. Afin de favoriser la future intégration de Královec/Königsberg/Kaliningrad à la Tchéquie, le site d'information #VisitKralovec est d'ores et déjà disponible [96].

Pour l'instant, aucun pays dans le monde n'a reconnu la tchéquité kaliningradaise. La crainte est que ce statu-quo ne débouche sur une proclamation unilatérale d'une République de Královec. Hypothétique source d'une prochaine guerre en Europe. Les tensions avec la Russie vont aller crescendo sans une reconnaissance internationale de Královec en tant que région baltique tchèque. Dans le monde il existe déjà plusieurs États "auto-proclamés" qui, même sans cette reconnaissance, existent depuis des décennies. Somaliland [97], Karabagh [81], Transniestrie, Ossétie du Sud [98] ou Abkhazie [99]. Ou d'autres qui, malgré une quasi reconnaissance, n'existent toujours pas ! La Palestine est un bon exemple d'une situation absurde. En Absurdistan, il n'est pas possible de trouver un vol aérien direct entre Nice et Gaza, ou Královec, alors qu'il est possible deux fois par semaine de trouver un vol entre Nice, ville de naissance de F. Merdjanov, et Lurenberg, capitale du Listenbourg [100]. Alors même que ce vaste pays francophone à l'ouest de l'Espagne et du Portugal n'existe que depuis octobre 2022, Lurenberg est jumelée dès novembre avec Nice. "Qui ne connaît pas le Listenbourg ?" se moquent les spécialistes de géopolitique. La même question se pose pour Kaliningrad. Et pour Královec, qui est aussi connu du grand public que ne l'est Ladislav Klíma pour l'ancienne responsable de la bibliothèque de Nice.

Klíma, klimat, climat ? Non, ça me dit rien ! [101]

Afin de faire patienter les hominines attendant l'ouverture prochaine de la ligne aérienne Nice/Královec, l'office du tourisme tchèque de Nice propose un petit guide original. Le fruit d'une collaboration [102] entre Emmanuel Kant et F. Merdjanov, l'un spécialiste des déambulations dans les rues de Königsberg, et l'autre du saltimbanque tchèque Ladislav Klíma.

Que puis-je savoir ?
Que dois-je faire ?
Que m’est-il permis d’espérer ?
Qu’est-ce que l’hominine ?

Rien
Rien
Rien
Rien





Tout
Tout
Tout
Tout

Notes

  1. Le Danemark, l’Estonie, la Lettonie, la Finlande, l’Allemagne, la Lituanie, la Pologne, la Russie et la Suède
  2. JC
  3. Adam de Brême
  4. hominines
  5. Sarmates et Arthur
  6. Suèves
  7. Jurassic Park
  8. Louis Skorecki, "La Liste de Schindler" dans Libération, 5 juin 1999
  9. En s'affirmant ainsi être un dauphin, Gérard Lenorman ne souffre d'aucun trouble psychiatrique mais utilise un procédé artistique classique qui consiste à se mettre à la place d'autrui. Gérard Lenorman, "Gentil dauphin triste" sur l'album Drôles de chansons, 1976 - En ligne
  10. - En ligne
  11. toundra
  12. - En ligne
  13. illes
  14. cultures archéologiques
  15. Différentes cultures
  16. protochronisme
  17. François Reynaert, Nos ancêtres les gaulois et autres fadaises, 2010
  18. Nicolas Trifon, Précis de thracomanie : en marge de "Nos ancêtres les Thraces" de Tchavdar Marinov, septembre 2016 - En ligne. Tchavdar Marinov, Nos ancêtres les Thraces : usages idéologiques de l’Antiquité en Europe du Sud-Est, L’Harmattan, coll. Historiques, 2016
  19. Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, 2008
  20. Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés les indo-européens ?, 2014
  21. George Dumézil, Entretiens avec Didier Eribon, 1987
  22. continuité préhistorique
  23. 'hameau - [En ligne]
  24. Extrait de Fabcaro, Zaï Zaï Zaï Zaï, 2015
  25. Tacite, Germania - [En ligne]
  26. Jordanès, Histoire des Goths, 551 - [En ligne]
  27. langues régionales et dialectes
  28. roi ostrogoth
  29. Cassiodore - [En ligne]
  30. Stéphane Lebecq, "Ohthere et Wulfstan : deux marchands-navigateurs dans le Nord-Est européen à la fin du IXe siècle", Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge, Vol. 1, Presses universitaires du Septentrion, 2001 - En ligne
  31. Anonyme, Description des cités et des régions au nord du Danube - [En ligne]
  32. Pierre-Emmanuel Barré, "Révolution" dans La dernière, octobre 2025 - En ligne
  33. Saint Bruno de Querfurt sur Nominis - En ligne
  34. ordre des chevaliers teutoniques
  35. Marienburg
  36. Appelée Dantzig dans sa version germanophone
  37. Saint-Empire romain germanique
  38. Chronicon terrae Prussiae
  39. Vocabulaire d'Elbing
  40. vieux-saxon
  41. Königsberg
  42. Martin Luther
  43. "protestant"
  44. variante prussienne
  45. Emmanuel Kant, Botul et BHL
  46. wikipedia
  47. Jean-Baptiste Botul, La Vie sexuelle d'Emmanuel Kant, 1999
  48. D'après le verlan de "fesse"
  49. Alsace-Lorraine en 1870
  50. Commune
  51. Extrait de Tonton du bled sur l'album éponyme du 113 en 1999 - En ligne
  52. corridor de Dantzig
  53. 53,0 et 53,1 Territoire de Memel
  54. Lietuvininsks
  55. Dans un référentiel germanique, "bas" signifie proche de la mer donc "du nord", et "haut" signifie "du sud". Cette distinction se retrouve en français dans le nom des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin
  56. kachoubes
  57. poméraniennes
  58. 58,0 et 58,1 masuriennes
  59. mennonites
  60. Missingsch
  61. plautdietsch
  62. pogroms
  63. Emma Goldman
  64. Hannah Arendt
  65. kurseniekis
  66. Adolf Hitler
  67. raciste
  68. Voltaire, Traité de Métaphysique, 1734 - En ligne
  69. Ernest Cœurderoy, Hurrah !!! ou la Révolution par les Cosaques, chapitre VII, 1854 - En ligne
  70. Frères de la forêt
  71. Kaliningrad
  72. spartakistes et autres
  73. En 1951, environ 3000 d'entre elleux sont expulsés vers l'Allemagne de l'Ouest. Pour un roman historique, voir Ingeborg Jacobs, Moi, enfant-loup, Fleuve noir, 2012
  74. L'Internationale
  75. "Lituanie mineure"
  76. 76,0 76,1 76,2 et 76,3 Olivier Roqueplo, La Russie et son miroir d'Extrême-Occident : l'identité géopolitique de la Russie ultra-périphérique sous le prisme de l'Oblast' de Kaliningrad. Étude géographique et géopolitique, 2018 - En ligne
  77. Élise Lépy, "Les conditions glacielles de la Baltique du XVIème au XXIème siècle", Physio-Géo, Volume 7, 2013 - En ligne
  78. 15 nouveaux pays indépendants
  79. exclave
  80. corridor de Suwałki.
  81. 81,0 et 81,1 L'Arménie et l'Azerbaïdjan proclament leurs indépendances en 1991. Majoritairement peuplées d'arménophones, la province azerbaïdjanaise du Haut-Karabagh fait sécession et réclame son rattachement à l'Arménie. Depuis le milieu des années 1980, les régions soviétiques d'Arménie et d'Azerbaïdjan se disputent les territoires peuplés d'arméniens et d'azéris : les morts, les destructions et les expulsions se multiplient de part et d'autre. Entre 1988 et 1994, les tensions arméno-azéris puis la guerre entre les deux pays se soldent par environ 30000 morts et 50000 blessés. L'Arménie prend le contrôle du corridor de Lachin la séparant du Haut-Karabagh, puis occupe les territoires entre elle et la région arménophone. Environ 14% de l'Azerbaïdjan passe sous l'autorité de l'Arménie. Depuis le cessez-le-feu de 1994, le Haut-Karabagh est autonome de fait. La population totale est estimée en 2015 à 150000 personnes, essentiellement arménophones. "300000 arméniens ont fui l'Azerbaïdjan et 185 000 azéris ont fui l'Arménie, et 620000 azéris ont fui le Haut-Karabagh et les territoires occupés adjacents. En outre, 30000 déplacés arméniens d'autres régions d'Azerbaïdjan se sont installés au Haut-Karabagh, après avoir vécu un temps en Arménie ou dans d'autres États. Enfin, selon les sources arméniennes, 70000 des arméniens qui vivaient avant la guerre en Azerbaïdjan se seraient installés dans des pays tiers. Si l'on ajoute à cela les azéris chassés de la région, cela signifie qu'environ les deux tiers de la population vivant au Haut-Karabagh avant la guerre — arméniens et azéris confondus — n'y résident plus aujourd'hui." D'après Ordres et désordres au Caucase, 2010 - En ligne. Pour les adeptes du décryptage des tags muraux, précisons qu'en référence à une province antique, la mythologie nationaliste arménienne nomme Artsakh le Haut-Karabagh, et Miatsum (en arménien Միացում, "unification") le projet d'une grande Arménie. En septembre 2023, l'armée azerbaïdjanaise se lance à l'attaque de la République d'Artsakh. Celle-ci s'effondre et la quasi totalité des hominines fuient la région et trouvent refuge en Arménie. En 2025, un accord de paix est signé dans lequel le gouvernement arménien reconnaît la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabagh.
  82. Zanguezour
  83. Guerre en Ukraine
  84. Forum des peuples libres de la post-Russie
  85. variantes dialectales prussiennes bas-allemandes
  86. Mouvement des citoyens du reich
  87. Agnes Miegel
  88. Lacrim feat. Booba, "Oh bah oui", Force & Honneur, 2017 - En ligne
  89. minorité langue polonaise
  90. sources officielles veyshnoriennes
  91. łacinka
  92. Stary Olsa, "Niamon" sur l'album Vir, 2001 - En ligne
  93. "Pourquoi traduire les noms de ville ?" sur Linguiticae, 2019 - En ligne
  94. républiques de Donetsk et de Lougansk
  95. Texte de la pétition en tchèque - En ligne
  96. #VisitKralovec sur https://visitkralovec.cz/
  97. Le Somaliland est l'ex-colonie britannique dans l'est de l'Afrique de 1887 à 1960, unie en 1960 avec la colonie de la Somalia italienne pour former la Somalie. Depuis 1991, le Somaliland s'est séparé de la Somalie pour se proclamer État indépendant car le reste de la Somalie est dans une situation de guerre civile. Somali.e.s ? Synthèse de lecture sur la Corne de l'Afrique, 2014 - En ligne
  98. L'Ossétie du Sud est une région administrative créée en 1922 et intégrée au sein de la Géorgie soviétique, dans le Caucase. Lorsque la Géorgie devient un pays indépendant avec l'effondrement de l'Union soviétique, la région sud-ossète demande son rattachement à la région d'Ossétie du Nord, située en Russie. Le conflit entre les milices sud-ossètes et les forces armées géorgiennes se solde par la proclamation en 1992 de l'indépendance de l'Ossétie du Sud. Les nouvelles autorités ossètes se légitiment par un référendum qui donne gagnant le "oui" à l'indépendance. Depuis, la Russie se pose en garante du cessez-le-feu. Première à reconnaître ce nouvel État en 2008, elle est rejointe par le Nicaragua, le Venezuela, Nauru et la Syrie. En réponse, les géorgiens tentent de reprendre le contrôle de l'Ossétie du Sud, mais les militaires russes repoussent victorieusement les attaques. L'Ossétie du Sud est peuplée d'environ 50000 habitants et d'une superficie de 3900 km2 de montagnes. Voir la première partie consacrée à l'Ossétie du Sud dans Collectif, Ordres et désordres au Caucase, 2010 - En ligne
  99. La région d'Abkhazie est intégrée en 1922 dans la République soviétique de Transcaucasie, puis devient une région de la république soviétique de Géorgie au début des années 1930. Le moustachiste en chef, Joseph Staline, et le chef de la police politique, Lavrenti Beria — tout deux originaires de Géorgie — se lancent dans des politiques d'immigration de géorgiens et de russes vers l'Abkhazie, ferment les écoles en langue abkhaze et punissent toutes contestations. Leurs morts vont adoucir la répression et, petit à petit, la pression géorgienne sur les abkhazes va s'atténuer. Quelques mois après la déclaration d'indépendance de la Géorgie en février 1992, l'Abkhazie fait sécession et proclame la sienne. Pendant deux ans, aidés de volontaires venus d'autres régions du Caucase, les nationalistes abkhazes tiennent tête aux groupes armés de géorgiens d'Abkhazie et à l'armée géorgienne. Cette dernière est chassée de l'autre côté du fleuve Igouri qui marque la frontière entre les deux pays. Cette guerre fait plusieurs milliers de morts parmi les combattants et plus de 20000 parmi les civils. Les géorgiens sont les plus touchés. Les combats et la politique du nouvel État abkhaze contraignent de nombreuses populations d'Abkhazie à fuir le pays. Depuis, l'Abkhazie est un Etat de facto de 240000 habitants sur une superficie de 8600 km2, non reconnu internationalement, hormis par la Russie, le Nicaragua, le Venezuela, Nauru et la Syrie, et - pour les entités étatiques non-reconnues - par la Pridniestrie, l'Ossétie du Sud et le Haut-Karabagh.
  100. "Les Niçois pourront bientôt s'envoler vers le Listenbourg" sur Actu.fr, novembre 2022 - En ligne
  101. Extrait de "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  102. "Emmanuel Kant, dans Logique, ramène la philosophie aux quatre questions suivantes ; on peut s’amuser à mettre en face les mots "rien" ou "tout", au choix et dans tous les sens". Cité à l'entrée "libre-arbitre" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017