Féralité : Différence entre versions
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− | Maria Callasantos et sa jeune sœur Lucia sont nées dans la moitié nord du continent américain, à des dates non précisées. Abandonnées par leur père naturel, elles subissent très jeunes des violences physiques de leur parâtre alcoolique Harry Bellinger. Il tente même de violer Lucia. Alors qu'elle est encore une jeune femelle hominine, Maria tue ce beau-père violent et cache sa dépouille. Mécontente, leur mère se venge sur leurs pigeons apprivoisés et les tue. Ravagée par cette nouvelle, Maria Callasantos assassine sa mère en rétorsion. Contraintes de fuir, Maria et Alice se cachent alors dans les égouts de New York. Elles se joignent à la horde des Morlocks <ref>Morlocks</ref>, composée d'autres hominines vivant en marge de la société. Cette "''communauté par le retrait''" <ref>''communauté par le retrait''</ref>, comme dirait Gustav Landauer, est forte | + | Hominines femelles, Maria Callasantos et sa jeune sœur Lucia sont nées dans la moitié nord du continent américain, à des dates non précisées. Abandonnées par leur père naturel, elles subissent très jeunes des violences physiques de leur parâtre alcoolique Harry Bellinger. Il tente même de violer Lucia. Alors qu'elle est encore une jeune femelle hominine, Maria tue ce beau-père violent et cache sa dépouille. Mécontente, leur mère se venge sur leurs pigeons apprivoisés et les tue. Ravagée par cette nouvelle, Maria Callasantos assassine sa mère en rétorsion. Contraintes de fuir, Maria et Alice se cachent alors dans les égouts de New York. Elles se joignent à la horde des Morlocks <ref>Morlocks</ref>, composée d'autres hominines vivant en marge de la société. Cette "''communauté par le retrait''" <ref>''communauté par le retrait''</ref>, comme dirait Gustav Landauer, est forte de quelques centaine de membres. Le phénomène est signalé aussi dans la ville étasunienne de Chicago et celle de Londres au Royaume-Uni. Illes doivent vivre sous terre pour éviter d'être traqué. Celleux de Londres savent que leurs chances de survie à la surface sont de moins de 10 minutes. Clandestines, Maria adopte le surnom de Feral et Lucia celui de Thornn. Les premières mentions modernes des Morlocks datent du début des années 1980. Leur nom fait référence aux Morlocks que l'écrivain-voyageur H. G. Wells décrit en 1895 dans ''La Machine à explorer le temps'' <ref>''La Machine à explorer le temps'', 1895 - [https://fr.wikisource.org/wiki/La_Machine_%C3%A0_explorer_le_temps En ligne]</ref>. Selon lui, illes vivent dans des souterrains, craignent la lumière et sont probablement la descendance des plus pauvres des hominines. Description du futur, son récit est daté de 802701 après JC<sup>Ⓒ</sup>. La horde new-yorkaise est pourchassée en permanence par les autorités étasuniennes ou par des milices paramilitaires. Aux conditions de vie difficiles s'ajoute le risque constant de rencontrer ces hominines qui les traquent avec acharnement. Connue sous le nom de "Mutant Massacre" <ref>Sur le "Mutant Massacre" - [https://www.marvel-world.com/encyclopedie-3536-fiche-massacre-des-mutants-le-evenements.html En ligne]</ref>, l'attaque massive de la milice des Maraudeurs en 1986 fait environ une centaine de morts parmi les Morlocks. Toute proportion gardée, et pour le dire en termes actuels, ce massacre est l'équivalent d'un "nettoyage ethnique". Feral et Thornn échappent à la tuerie. Leurs conditions de vie deviennent encore plus compliquées. La survie est une question du quotidien. Selon ses biographes, Feral "''n’hésite pas à chasser des petits animaux tels que des rats ou des souris et à les manger''" <ref>Biographie succincte de Feral - [https://www.marvel-world.com/encyclopedie-642-fiche-feral-biographie.html En ligne]</ref>. Comme [[Ladislav Klíma]], elle ne s'embête pas toujours à cuisiner : "''Une fois j'ai volé à un chat une souris à moitié croquée et je l'ai bouffée telle que, avec les poils et les os, comme un petit pain.''" <ref>Ladislav Klíma, "Autobiographie", texte rédigé en février 1924. Publié dans ''Je suis la volonté absolue'', Éditions de la Différence, 2012</ref> Poursuivies, Thornn se cache avec ce qu'il reste de la horde des Morlocks de New-York et Feral rejoint le ''Front de Libération Mutant'' <ref>Front de Libération Mutant</ref>, un groupe armé clandestin qui lutte pour protéger les hominines ayant des mutations de celleux qui n'en ont pas et qui les pourchassent. Alors qu'elle et Thornn voyagent au Wakanda, Feral est tuée par le maraudeur Victor "Dents-de-sabre" Creed qui l'éventre lors d'un combat sanglant. Sa sœur Thornn disparaît. Plus aucune trace d'elle. |
− | Feral et Thornn sont des mutantes hominines félines. Elles possèdent une ouïe sensible grâce à des oreilles en pointe, une vision de nuit accrue par des yeux jaunes en amande et un odorat bien plus sensible que celui des simples hominines. Entièrement couvertes d'une fourrure, elles possèdent de véritables crocs, des griffes et une queue préhensile. | + | Feral et Thornn sont des mutantes hominines félines. Elles possèdent une ouïe sensible grâce à des oreilles en pointe, une vision de nuit accrue par des yeux jaunes en amande et un odorat bien plus sensible que celui des simples hominines. Leur agilité, leur force au combat et leur animalité féroce font d'elles des égales de Wolverine <ref>Wolverine</ref>. Entièrement couvertes d'une fourrure, elles possèdent de véritables crocs, des griffes et une queue préhensile. |
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Version du 18 février 2024 à 23:11
Féralité. (Дивите en macédonien - Fèralitat en nissard) Impasse de secours.
SommaireÉtymologieFéralité se décompose en féral et le suffixe -ité qui, en français, est utilisé pour former un nom à partir d'un adjectif. Ainsi la féralité caractérise ce qui est féral. Ce dernier se compose de la racine fér et du suffixe -al qui permet de former un adjectif. Comme fécal·e ou normal·e, qui renvoient respectivement aux fèces — le caca — et à la norme, le terme de féral qualifie ce qui se rapporte à l'étymon latin fera, la "bête sauvage". Cette racine se retrouve dans la plupart des langues latines avec des sens proches. Du nissard fèra au portugais fera, en passant par le roumain ou le provençal, la racine latine conserve des sens se rapportant aux animaux non-hominines [1]. Plusieurs mots, composés à partir de cette racine latine, sont attestés dans les pratiques linguistiques anciennes d'après les dictionnaires et lexiques de langue française édités dans le courant du XIXème siècle après JCⒸ [2]. Le Lexique de l'ancien français, publié en 1890 par Frédéric Godefroy, répertorie dans les textes anciens les formes adjectivales feral·e, ferage, ferain·e, ferin·e et ferasche pour qualifier l'aspect "sauvage" ou "cruel" de quelque chose. Selon sa recension, à la fin du XVème siècle, féral désigne aussi l'hominine — mâle et femelle ? — qui ne respecte pas une parole donnée, colérique et qui a des mœurs "semblables à beste sauvage". Une fere est une "bête sauvage" et le ferin désigne le gibier. Alors que les normes orthographiques ne sont pas encore fixées, il note aussi dans son Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle l'existence de ferrain, ferein, farain, farein, faraing, ferain, ferien et foren. Alors que fere et ferin·e sont mentionnés dans A dictionarie of the French and English tongues de Randle Cotgrave en 1611, avec le sens de "bête sauvage" pour le premier et de "cruauté" et de "sauvagerie" pour le second, aucune des huit éditions successives du dictionnaire de l'Académie française, entre 1694 et 1935, ne recensent ces mots. Le Littré de 1873 indique que férin et férine s'utilisent dans un contexte médical pour désigner des pathologies particulièrement dangereuses [3]. Selon lui, une toux peut être férine et un ulcère férin. L'absence quasi complète de ces mots issu du latin fera dans les dictionnaires officiels n'est évidemment pas le reflet des pratiques linguistiques réelles des hominines. La neuvième édition du dictionnaire académique concède l'utilisation de quelques dérivés dans les zones francophones autour du lac Léman. Ferrat ainsi que féra et férat désigne une espèce de saumons qui "habite les lacs et qui peut être acclimatée avec avantage dans les grands réservoirs des canaux, à cause de sa grande fécondité" [4]. "Rien à voir" comme l'affirme le linguiste piscicole Jean Tenenbaum [5], grand spécialiste de "Ferrat". En effet, il est probable que ce sens dérive du latin ferax qui signifie "fertile", "fécond" [6] Outre des "régionalismes" que les dictionnaires omettent et qui sont utilisés dans la vie réelle, la langue française actuelle conserve féroce et farouche ainsi que leurs dérivés. Férocité ou effaroucher par exemple. L'un se compose de l'étymon fér et du suffixe -ox qui exprime le fait de "sembler être". Comme les véloces semblent voler. L'autre signifie "Qui ne se laisse pas facilement approcher et séduire" et "Qui agit avec fermeté, intransigeance, rudesse ou brutalité" selon le Trésor de la langue française. Deux façons d'être sauvage. Sous des formes proches, "féroce" se retrouve dans plusieurs autres langues romanes, tel feroz en castillan et en portugais. L'histoire de farouche ne fait pas l'unanimité. S'agit-il ou non de la métathèse [7] de fourache — l'inversion entre deux sonorités, un phénomène courant dans l'histoire des changements linguistiques ? Cette orthographe est attestée dans certaines régions de l'espace francophone de l'ouest de la France [8], avec des sens liés à la peur ou à la timidité pour les hominines, ou à des notions d'insuffisance de domestication pour les autres animaux. Trop sauvages. Est-ce une mutation de la forme forasche recenser par Frédéric Godefroy à côté de ferasche et farasche avec les sens de "sauvage, dur, insensible" ? Farouche est-il issu de fera, "bête sauvage", ou de fora, "dehors", qui constitue aussi forain·e ? Celleux qui se tiennent en marge, qui sont à l'extérieur. Les hominines, les autres animaux ou les espaces. Par exemple, lorsqu'elles sont distantes du reste de la maison, les toilettes sont dites foraines. La fête aussi peut être foraine. Dans les pratiques linguistiques actuelles, farouche conserve un double sens. D'une part il signifie "timidité" ou "réserve", comme dans l'expression "Ne pas être farouche", et d'autre part renvoie à la bravoure et l'acharnement dans des expressions de type "Combats farouches". Parmi les mots de la langue française qui se rapportent au fera latin, les étymologistes et les lexicographes ajoutent fier et ses dérivés. La fierté ou fièrement par exemple. L'attitude de défiance qui s'exprime dans la fierté, au sens moderne du terme, est mise en parallèle avec celle de distance ou de méfiance que revêt le sens de féral. Dans le Lexique de l'ancien français, la définition de fièrement est "d’une manière sauvage, cruelle" et celle de la fieresse est "férocité, humeur sauvage, fierté hautaine". La fierté signifie "audace, violence" et le fiertage a le sens actuel de fierté [9]. Les descriptions zoologiques du XIXème siècle utilisent le terme de fierté pour décrire les réticences d'une espèce animale non-hominine à son apprivoisement [10]. Au fil des siècles, la fierté est devenue synonyme d'attitude hautaine, voire méprisante. L'expression "Ne pas faire le fier" ou "la fière", pour exprimer l'inquiétude ou la peur, joue sur la dimension "J'me la raconte" et imperturbable de la fierté. Celle qui est dite "mal placée". Depuis le XIXème siècle, l'utilisation moderne de féral·e et de féralité a opéré un léger glissement de sens. La féralité est la situation de ce qui est retourné à l'état sauvage après domestication. La féralité n'est pas seulement une situation fixe mais un mouvement : il ne faut pas confondre chat sauvage et chat féral [11]. Elle est synonyme d'ensauvagement, sans la connotation péjorative de ce mot. Elle peut être rapprochée de l'ancien verbe ensauvagir [12] ou de sauvageté. Pour être au plus proche du sens de "féralité" il convient d'utiliser, suivant le contexte, la forme simple ou la pronominale selon que l'acte d'ensauvagement est passif ou actif : Ensauvager et s'ensauvager ne sont pas de même nature. Le verbe féraliser est d'un usage rare. Les formes masculine et féminine s'écrivent respectivement féral et férale au singulier et prennent un s final au pluriel. La forme masculin pluriel est parfois notée féraux. La féralité s'applique à des espaces, des végétaux et des animaux — hominines compris. La féralisation est ce qui est aussi appelé marronnage, le fait de vivre librement après avoir échappé à la captivité. Il s'applique généralement à des animaux non-hominines ayant échappé à la domestication et à des hominines ayant fuit l'esclavage.
L'usage de féral·e et de féralité n'est pas très répandu. Généralement, ils sont employés en zoologie et en botanique. Les incidences croissantes des hominines sur le reste du vivant et l'impact sur l'écosystème planétaire sont si fortes et nuisibles que cela a suscité une utilisation de "féral" et ses dérivés pour décrire des situations où les hominines se retirent afin de freiner la dégradation. Si la féralité appliquée aux plantes et aux animaux non-hominines est d'un usage classique, il l'est moins pour ce qui concerne directement les hominines. Pour la protivophilie, le cas le plus célèbre reste le texte Le Tout, le Rien attribué à F. Merdjanov dans lequel le qualificatif est réapproprié :
Enjeux de mauxParadoxalement, la féralité n'existe que par l'intervention des hominines. Pour qu'il y ait retour à une certaine sauvageté, il est nécessaire qu'il y ait eu auparavant domestication. Ou au moins apprivoisement. La domestication peut être définie comme un processus d'adaptation aux besoins des hominines alors que l'apprivoisement est "seulement" un accaparement ponctuel de l'existant. La frontière entre les deux n'est pas toujours nette. La domestication concerne tous les aspects du vivant, végétal et animal. Pour se faire, les hominines trient, modifient et choisissent les espèces qui leur conviennent en modifiant progressivement des caractéristiques naturelles jugées défavorables. Dans la plupart des cas, les principaux changements recherchés portent sur la reproduction pour améliorer le taux de fécondité, sur le comportement pour faciliter la domestication sur plusieurs générations, et sur l'augmentation de la valeur nutritionnelle en adaptant l'alimentation des espèces domestiquées. Contrairement à l'apprivoisement, le but est de modifier en profondeur telles ou telles caractéristiques afin qu'elles deviennent héréditaires. Les formes les plus courantes de domestication de l'existant par les hominines sont l'agriculture et l'élevage. Des milliers d'espèces végétales et animales sont concernées. La plupart sont domestiquées pour répondre aux nécessités physiologiques des hominines, notamment l'alimentation, et aux "besoins culturels" des différentes sociétés d'hominines. Les rites, les vêtements et les distractions, entre autres, sont de sérieux prétextes à la domestication, même lorsqu'ils ne revêtent aucun caractère indispensable. Par exemple, la cueillette de plantes pour les regarder mourir doucement dans un vase ou les animaux de compagnie de toutes sortes qui ne peuvent survivre autrement. Les hominines sont du genre bilatérien : ce qui est avalé par un orifice doit ressortir par un autre orifice dédié à cela. Par l'observation attentive, il est possible de les distinguer des mammifères monotrèmes — de mono "unique" et trêma "orifice" — chez qui les orifices anal, urinal et génital ne font qu'un. L'ornithorynque est de celleux-là. Sa reproduction est dite ovipare — de ovum "œuf" — et son clade [15] est celui des protothériens, alors que les hominines sont vivipares et thériens — du grec ancien thêra "animal sauvage", "gibier". Des linguistes rapprochent cette racine grecque à la forme latine fera, avec le même sens. Comme plusieurs autres espèces, les hominines sont omnivores. Non par choix mais par l'agencement de leur biologie, la nourriture des hominines préhistoriques est diversifiée. De fait, sa nourriture est constituée d'une base végétale avec des apports de viande occasionnels. Il est possible de se passer de viande et de se contenter de végétaux, mais l'inverse n'est pas vrai. VégétauxAvant les débuts de l'agriculture, il est nécessaire de cueillir ou de ramasser ce qui doit être ingurgité pour vivre. La domestication des végétaux s'étale sur plusieurs millénaires et apparaît dans des zones géographiques multiples. Les botanistes estiment à un peu plus d'une dizaine de zones différentes. La plus ancienne semble être l'actuel Proche-Orient, vers 9000 avant JCⒸ, soit environ 11000 ans avant Johnny Catherine, et les premières plantes domestiquées sont des céréales, le blé et l'orge [16]. La sélection méthodique aboutit à l'apparition de plantes ayant des caractéristiques différentes de leurs congénères restées sauvages. Charles Darwin note que "les races d'animaux domestiques et de plantes cultivées présentent souvent, comparées aux espèces naturelles, des caractères anormaux ou monstrueux ; c'est qu'en effet elles ont été modifiées, non pour leur propre avantage, mais pour celui de l'Homme" [17]. Les principales conséquences positives pour les hominines de la domestication sont la diminution de la taille du végétal et un aspect plus compact avec moins de ramifications mais une augmentation de la taille de ses fruits ou de ses graines, une facilitation de la reproduction et de la récolte. Les conséquences négatives sont une moindre diversification naturelle et la disparition progressive de défenses naturelles contre les maladies et les insectes ravageurs. Sur les environ 500000 espèces de végétaux répertoriées au cours des siècles, un peu plus de 2500 ont été domestiqués partiellement et seulement 250 l'ont été pleinement. Une vingtaine d'espèces représentent 95% de l'apport nutritionnel des hominines. Parmi celles-ci, le riz, le blé, le maïs, la pomme de terre, l'orge, le sorgho, le millet et plusieurs légumineuses comme le haricot, la lentille ou le soja. Outre la nourriture, les usages des végétaux — plantes et arbres — sont médicinaux et ornementaux. Cette approche utilitariste des végétaux n'est cependant pas toujours une évidence partagée. Ce que rappelle Tchouang-tseu dès le IVème siècle avant JCⒸ :
Les usages futiles, voir inutiles, sont courants dans les sociétés d'hominines passées et actuelles. Sans véritable considération pour ce que cela implique [19], les hominines tuent des milliards de singularités végétales pour des cérémonies religieuses, des coutumes sexistes, des rites mortuaires ou des aménagements intérieurs de leur habitat, etc. Les cimetières d'hominines ont vu mourir tant de fleurs coupées et de plantes abandonnées que leurs cadavres sont bien plus nombreux que ceux des hominines. Quel plaisir cruel de mettre en pot un végétal pour le droguer et en faire un monstre, coupé de ses semblables et incapable d'être autonome. Sans la main du maître, sa mort est presque sûre. Sans aide ou circonstances extérieures, échapper à son pot n'est pas chose facile. La cage est solide. Que de végétaux déterrés et démembrés, encore sèviolents [20], offerts en sacrifice pour rendre hommage à des divinités qui n'existent pas ou lors de cérémonials sentimentaux ou sexuels et des rituels culturels. Parmi les végétaux domestiqués, tous ne sont pas contraints de la même façon. Certains finissent totalement isolés socialement, vivant dans des pots, d'autres sont contraints à vivre dans des espaces clos de type jardin potager, d'autres encore sont avec des milliers et des milliers de leurs homologues dans de grands espaces, tel des serres ou des champs. Pour chaque végétal, pris individuellement, il n'y a aucune possibilité de s'échapper. Rien à voir avec la présence ou non de conscience d'eux-même, leur biologie ne le permet pas. Le déplacement autonome n'est pas possible — sujet de moquerie récurrent pour les plus spécistes [21] des hominines qui pensent avoir inventé la bipédie. De rares cas existent néanmoins. Vases brisés dont le contenu se replante ou seconde vie éphémère sur un tas de fumier. La féralité n'est pas possible à tous les stades de croissance d'un végétal. La maturité emprisonne. Seules les graines, les pollens ou les spores sont en capacité de se déplacer. Toutes les manières de prendre des distances sont envisageables : eau, vent, insectes, tubes digestifs et autres moyens de transport. Si les conditions matérielles le permettent, le processus de reproduction donne naissance à une nouvelle singularité végétale. Une graine de plante qui germe. Un arbrisseau qui sort de terre. Les botanistes intersectionnalistes de l'antispécisme [21] et du marxisme [22] insistent sur ce fait primordial : "Ce n'est pas la conscience [...] qui détermine leurs conditions matérielles d'existence, mais ce sont ces conditions matérielles qui déterminent leur conscience" [23]. La question fait toujours débat. Les quelques qui parviennent à croître sont en plein processus de féralisation. Encore faut-il survivre. La féralité est actée lorsque l'implantation, individuelle ou collective, perdure. De très nombreux cas sont largement documentés. Dès lors, il ne faut pas confondre un végétal féral et son homologue sauvage. Leurs caractéristiques ne sont pas identiques et par conséquent leurs besoins diffèrent. À conditions matérielles égales, les chances de survie ne sont pas les mêmes. Une adaptation peut être indispensable.
La féralité végétale est une réalité sur l'ensemble de la planète. Ses dimensions véritables sont insaisissables et ses impacts difficiles à évaluer. Le concept controversé de "plante invasive" est évidemment une idée d'hominine. Toutes les espèces végétales ne réagissent pas de la même façon lors de moments férals. Toutes ne peuvent survivre durablement. Trop homininisées pour féraliser. Certaines peuvent s'hybrider avec leurs homologues sauvages. Les hominines ont deux façons extrêmes d'agir face à des féralisations. Dans l'une, des opérations d'éradication complète sont menées pour traquer et tuer tous les végétaux matures et enfantins vus comme une menace. Dans les années 1990, la France se livre à une éradication de plantes jugées invasives sur ses îles de Saint-Paul et Amsterdam, au sud de l'océan Indien. Des listes sont établies et des opérations de cueillette sont instaurées lors desquelles les végétaux collectés et leurs graines sont incinérés. Méthodiquement. Certaines ne sont pas totalement éradiquées et font l'objet d'un suivi attentif. Idem dans les îles Kerguelen. Le but affirmé est de revenir à l'état de la flore avant que les hominines ne piétinent ces terres isolées. L'idée sous-jacente de ces petits écocides est que la "nature" est un équilibre qu'il faut restaurer et non un chaos en perpétuel ajustement. L'autre attitude extrême des hominines est de ne pas intervenir. Dans plusieurs régions françaises, par exemple, des plantes ou des arbres férals ont pris l'avantage sur les formes sauvages. Les raisons sont diverses. Une reproduction plus fertile, une meilleure résistance aux maladies, une bonne adaptabilité, etc. Le châtaignier est un bonne exemple d'une féralisation réussie. Là où les hominines les ont sélectionné pour avoir des rendements maximaux, les châtaigniers domestiqués ont pu s'installer dans les régions où les activités agricoles ont progressivement reculé. Les traces d'activités agricoles ont laissé place à des forêts de châtaigniers. La physionomie de ces régions a été bouleversée au cours des deux siècles précédents. Cette féralisation ne s'est pas faîte sans heurts. Combien de châtaignes qui ne sortent pas de terre ou mangées fraîches par de nombreux animaux ? Combien de jeunes pousses dévorées par des prédateurs forestiers ? Sur les dizaines de milliers de ces fruits qui finissent au sol, seulement quelques-uns parviennent à devenir un châtaignier en capacité de se reproduire. Les autres meurent avant. BestiauxLa domestication animale par des hominines est très ancienne. Les traces les plus vieilles sont datées entre 15000 et 30000 années avant le présent. Des restes de canidés domestiques sont en effet retrouvés sur des sites d'habitant d'hominines. Le scénario de la domestication canine n'est pas connu, seules des hypothèses peuvent être posées avec les données que l'archéologie fournit. Des restes de canidés sont retrouvés sur des sites archéologiques d'hominines et datés d'environ 125000 ans. Par exemple à Nice, dans la grotte du Lazaret. Le plus ancien vestige d'un lien entre hominines et canidés est daté d'environ 2 millions d'années. D'après les recherches en génétique, la séparation de la lignée commune du canis lupus entre le canis lupus lupus — le loup gris commun — et le canis lupus familiaris — le chien domestique — est estimée entre 100000 et 150000 années. Les raisons de cette domestication restent mystérieuses. Elles peuvent être motivées par de multiples facteurs. La première rencontre a-t-elle eu lieu autour d'une charogne abandonnée ? Les adeptes de scénarios optimistes postulent que, dans un premier temps, l'intérêt est partagé entre les canidés et les hominines. Pour la chasse et pour la défense. Les deux espèces se complémentent et s'entraident. Les pessimistes affirment que la domestication est une appropriation par des hominines de canidés qui les servent. Les premières traces de domestication animale précèdent celles de l'agriculture. Par ordre d'apparition dans la vie des hominines entre 12000 et 7000 ans avant la naissance de F. Merdjanov, les chèvres, les moutons, les bœufs, les porcs, les poules et les chats. Les espèces les plus récemment domestiquées sont le poisson rouge et le lapin. Après l'an 1000 pour l'une et vers 1600 pour l'autre. Les processus de domestication animale s'enclenchent indépendamment dans plusieurs régions de la planète. Les motivations peuvent être changeantes. Le mouton est probablement domestiqué d'abord pour sa viande et non pour sa laine, car cette dernière est la conséquence de la domestication et de sélections successives. Sa version sauvage n'a pas une telle toison. Le chien est dans un premier temps une aide à la chasse avant de devenir guide pour aveugles ou toutou de sa mamie. La domestication canine a considérablement modifié les caractéristiques du canis lupus familiaris. Son évolution diffère de celle du canis lupus lupus. Son agressivité a diminué et sa biologie s'est adaptée à la proximité avec les hominines. Ce que les biologistes appellent "syndrome de domestication" se matérialise par des fourrures à taches variées, des dents plus petites, des oreilles tombantes. Comme les hominines ou quelques autres espèces, le chien domestique conserve à l'âge adulte des caractéristiques juvéniles. À partir de différentes zones géographiques et à des époques variées, les hominines ont réussi à créer plus de 400 "races" canines. Les variations entre elles peuvent être énormes. Le rapport entre le poids du chihuahua et un gros chien peut être de 1 à 50. Idem pour les tailles. D'une dizaine de centimètres de haut pour les plus petites "races" jusqu'à plus d'un mètre pour les plus grandes. Aucune ne préexiste à l'état sauvage. Toutes sont issues d'une reproduction sélective sur plusieurs générations. Pour les hominines, le but est d'ajuster les morphologies et les caractères à leurs propres "besoins" sociaux. [25] Faire des molosses pour la guerre ou des jouets d'intérieur à poil ras, faire de farouches combattants pour des jeux sadiques ou des animaux utiles pour des sauvetage, etc. Toutes ses sous-espèces canines inventées par les hominines peuvent se reproduire entre elles. Sans l'intervention permanente sur cette reproduction, une partouze canine mettrait rapidement fin à ces différenciations artificielles. Les modifications anatomiques sur les canidés domestiques ne sont pas sans conséquences sur leur santé. Parmi toutes ces races canines, certaines souffrent de malformations et de symptômes chroniques. Problèmes articulaires, cardiaques ou respiratoires. Les canidés à nez aplati ont de graves problèmes respiratoires et cardiaques, celleux qui sont trop maigres ou avec des têtes énormes ont des douleurs articulaires. Par exemple, le commerce de bouledogues est interdit dans quelques pays d'Europe [26] : En plus des difficultés à respirer convenablement, trop de plis amènent des infections dermiques et l'absence de place suffisante pour les yeux crée des conjonctivites. Les carlins [27] sont en insuffisance respiratoire permanente. À deux doigts de l'arrêt cardiaque. Environ un quart des "races canines" ont des soucis de santé en lien avec les manipulations des hominines. La douleur et l'homininisation sont telles qu'au XXIème siècle des psychanalystes reçoivent une patientèle canine dépressive et dans le déni d'elle-même le plus total :
Parmi les espèces animales domestiquées par les hominines, les bovins tiennent une place importante. Illes fournissent dans un premier temps lait, viande, cuir, corne et bouse. Puis force de travail pour remplacer les hominines. Du point de vue hominine, les bovins sont aussi utiles morts que vivants. Les mâles et les femelles n'ont pas les mêmes destinées. Les datations actuelles mentionnent une domestication vieille d'environ 10000 ans. Les plus anciens vestiges datent d'environ 7000 ans et se situent en Inde actuelle, lieu probable de l'émergence de l'espèce bovine. L'auroch est le bovin sauvage, appelé bos primigenius. Les sélections reproductives sur les bovins aurochs et les déplacements de populations d'hominines ont donné lieu à l'apparition de trois principales espèces bovines domestiquées, les bos taurus. Celles d'Asie, d'Europe et d'Afrique. Après des millénaires de reproduction artificialisée, la morphologie et la biologie des espèces bovines domestiquées ont été largement modifiées. Plus d'un milliers de "race" existent de nos jours. Outre de meilleures adaptations au climat, les sélections visent à augmenter la masse de viande et le litrage de lait. Selon l'utilisation qu'illes en font, les hominines différencient les bovins entre vache, taureau, agneau et bœuf. De son vivant, la vache, la femelle, donne le lait avant de finir en viande consommable, tout comme ses petits. L'agneau fournit la tendresse de sa viande immature. Le taureau, le mâle, offre la distraction dans des jeux de combats sadiques avant de finir en morceaux de viande. Les bœufs sont des bovins mâles castrés alors qu'ils n'étaient que des agneaux. Une manière intrusive de calmer leurs ardeurs et de les faire grossir pour en obtenir plus de viande. Rien à voir avoir l'expression "Faire un effet bœuf", "impressionner", "plaire énormément". Plusieurs centaines d'anomalies génétique sont répertoriées dans les différentes races bovines actuelles, effets secondaires d'un "amour vache". L'hypertrophie musculaire est l'un des symptômes. Le gêne culard est responsable d'une hypertrophie de l'arrière-train chez certaines races qui ne peuvent faire naître sans intervention hominine par une césarienne. La recherche de toujours plus de masse musculaire engendre des faiblesses de l'ossature chez d'autres. La différence de poids entre espèces peut varier d'environ 150 kilos à plus de 1,3 tonnes. Sur un peu plus de 1,4 milliards d'individus de type bos taurus, environ 300 millions par an perdent la vie pour se transformer en nourriture. Pour les mêmes raisons que les canidés à nez aplati, certains bovins domestiques sont interdits par quelques pays qui y voient malformations et maltraitance. Comme c'est le cas avec les végétaux domestiqués, les hominines ne peuvent empêcher la féralisation animale. Des abandons d'élevages, des fuites individuelles ou collectives, des hybridations avec des espèces sauvages, autant de façons pour des animaux domestiques de fuir l'exploitation hominine. Entre la Ferme des animaux [30] de George Orwell et Chicken Run [31] de Nick Park et Peter Lord. De très nombreux cas de féralisation sont documentés. Pour ne citer que quelques exemples, les chevaux mustang d'Amérique du nord, les dromadaires d'Australie ou les pigeons des villes sont férals. Et aussi des chèvres, des porcs, des bovins, des chiens et des chats. L'ensemble des hominines ne soutiennent pas nécessairement le sort réservé aux animaux domestiqués et par conséquent les féralisations sont parfois des actes volontaires d'hominines qui décident de les libérer [32]. Mais le plus souvent, il s'agit d'opportunités saisies par les animaux elleux-mêmes. De la même manière qu'avec les végétaux férals, les hominines réagissent à la féralisation animale. Avec toute la subtilité qui est la leur... [33] Des histoires de canidés et de bovins témoignent de ces situations. Venant d'Asie du sud-est par bateaux avec des hominines, les canidés domestiques arrivent en Australie et en Nouvelle-Guinée vers 3000 avant JCⒸ. Une partie optent pour la féralité. Progressivement, ces canis lupus familiaris se différencient et deviennent la sous-espèce canis lupus dingo, les dingos [34]. Cette nouvelle population férale perd partiellement les syndromes de domestication mais reste interféconde avec ses homologues domestiques. Au cours des siècles, les mélanges sont d'ailleurs fréquents. Les conditions sont propices à une féralité et les dingos se répartissent dans toutes les régions australiennes qui leur sont favorables. Selon les hominines — qui ainsi s'en dédouanent en partie — illes sont responsables de la disparition progressive de quelques espèces locales de marsupiaux [35], tel que les thylacines [36] ou les diables de Tasmanie [37]. La pression des dingos sur les zones d'élevage des hominines les pousse au début du XXème siècle à construire une barrière dans le sud-est australien pour protéger le bétail [38]. Haut de 1,80 mètres et profond de 30 centimètres, avec des poteaux tous les 9 mètres, le grillage s'étend sur 5614 kilomètres, soit 4278 acab [39]. De quoi faire pâlir de jalousie les États-Unis d'Amérique avec leur barrière anti-migration de 1300 kilomètres qui les sépare du Mexique, Israël et son mur de 700 kilomètres qui enferme les territoires palestiniens ou encore les 12 kilomètres de grillages espagnols qui freinent l'entrée à partir du Maroc. Autorisés dans un premier temps, l'empoisonnement et l'abattage des dingos sont finalement abandonnés. La féralité canine n'est pas toujours rurale. À la charnière des XIX et XXème siècles, la ville turco-ottomane d'Istanbul (Constantinople) abrite des dizaines de milliers de canidés qui vivent dans les rues. À part quelques exceptions, les "animaux de compagnie" ne sont pas une coutume commune. À l'image de Spyridon Mavroyéni — médecin personnel du sultan ottoman — qui possède des bouledogues et des carlins, et qui publie l'ouvrage Chiens et chats de bonne maison à la fin du XIXème siècle, puis un article sur Les Chiens errants de Constantinople. La nourriture canine est faite des détritus d'hominines, de ce qu'illes veulent bien leur donner à manger et de ce qui est abandonné [40]. Environ un milliers d'hominines vivent du commerce de caca canin. Par an, plus de 12000 sacs de 60 kg sont exportés vers les États-Unis d'Amérique pour l'industrie gantière qui utilise ces excréments canins afin d’assouplir et de blanchir les peaux par des bains [41]. La domestication n'est pas totale, ce qui implique que la féralité non plus : ce type de relation inter-espèce est nommé commensalisme, du latin cum-, "avec" et mensa, "table". Comme par exemple les pigeons ou les rats. Les projets de modernisation de la ville n'incluent pas les canidés commensaux. À l'image de ce qu'il se fait déjà à Paris et à Londres, l'idée première est de les capturer et de les tuer dans des chambres à gaz. Le docteur Paul Remlinger [42], directeur de l’Institut Pasteur de Constantinople, propose une méthode industrielle où "peau, poils, os, graisse, muscles, tout ou presque était "recyclable", jusqu'aux intestins." [43] Sa proposition n'est pas retenue. Après le renversement du sultan ottoman, ses successeurs relancent cette idée de décanisation. En 1910, les portées sont systématiquement détruites, "entassées pêle-mêle dans de grands sacs qui étaient descendus au port, jetés dans des mahonnes [bateaux] et vidés de leur contenu au large" de la mer de Marmara [41] Les petites hordes d'adultes sont raflées : attrapées, mises en cages et chargées dans des véhicules. D'après le témoignage de Paul Remlinger, "au début, les pauvres bêtes se laissaient tenter par le pain qu'on leur offrait et appréhender sans grande résistance. Mais bientôt, instruites par la disparition de leurs congénères, elles se mirent à opposer une farouche résistance à leurs ravisseurs. Ceux-ci durent d'abord protéger, au moyen de gants en cuir épais, leurs mains contre les morsures. [...] Les animaux déjà emprisonnés remplissaient l'air de leurs cris et jetaient l'alarme parmi les camarades encore libres. Ceux-ci tentaient de fuir ou, appréhendés, se défendaient à coups de crocs. La résistance irritait, affolait les hommes, dont la figure prenait un masque bestial horrible à voir. Ils perdaient toute mesure et redoublaient de cruauté." [41] Les estimations parlent de plus de 60000 individus. Direction l'îlot Sivriada [44] au sud-est d'Istanbul en juillet 1910 où illes sont regroupés de force. Sans eau, ni nourriture. La totalité des canidés vont mourir de faim et de soif, agonisant ou s'entre-dévorant. Connu pour son humour décalé [45], le ministre de l’Intérieur, Talaat Pacha, affirme que les chiens vont être "bien soignés et nourris aux frais de l’État" [46]. Deux ans plus tard, le nouveau maire de la ville réitère une décanisation massive. Plus de 30000 individus se font déporter dans des fourrières et y meurent. Ce "nettoyage" des rues stanbouliotes de leurs canidés se double d'une chasse à la mendicité chez les hominines. Les pauvres ne doivent plus être visibles. De passage dans la ville, l'écrivain français Pierre Loti récolte le témoignage de Mahmoud le chaton qui, pour lui, est l'incarnation même de cette situation faîte aux pauvres:
Pour les bovins domestiques, la question de la féralité est une question d'espace non-homininisé. Fuir les lieux dans lesquels illes sont en esclavage est une chose, trouver des endroits où il est possible de vivre féralement en est une autre. Leurs tailles, leur mode de vie et leurs besoins alimentaires nécessitent des milieux non-urbains et où la présence d'hominines est minime. En effet, cette espèce invasive laisse souvent très peu d'espace aux autres espèces. Les îles Saint-Paul et Amsterdam, dans l'océan Indien, fournissent un bon exemple de traitement radical d'une féralité non-désirée. Venus de l'île française de la Réunion, la famille Heurtin et quelques paysans s'installent en décembre 1870 sur l'île Amsterdam avec 5 bovins pour y faire de l'élevage et des cultures. Le projet est abandonné en août 1871 et les bovins sont abandonnés sur place. Les conditions environnementales sont propices à une féralisation heureuse. Illes sont les uniques mammifères terrestres de l'île et n'ont aucun prédateur. Le Philica arborea, l'unique espèce d'arbre de l'île, et la flore locale ravissent les ruminants. Espèce grégaire, le quotidien se vit en troupeaux. Un siècle plus tard, la population bovine férale est d'environ 2000 individus. Le Philica arborea se maintient essentiellement dans les zones difficiles d’accès pour les bovins. En 1726, il est dit que sur Amsterdam le Phylica arborea couvre 1500 ha, soit environ un quart de son territoire, contre 250 ha en 1875 et 10 ha de nos jours. Entre 1988 et 1993, une politique de cantonnement est menée par les hominines qui les regroupent dans des espaces clos par des barbelés. Seulement 20% de l'île est dorénavant autorisé pour la population férale. Dans cette prison à ciel ouvert, le cheptel est désormais géré par abattage régulier. Afin de restaurer la présence du Philica arborea et malgré l'opposition de quelques hominines [48], la décision est prise d'abattre progressivement tous les bovins lors de différentes campagnes. "La première, entre 2008 et 2009, consistait à faire diminuer la taille du troupeau en abattant principalement les femelles adultes et les jeunes (0-2 ans). La seconde, entre 2009 et 2010, était d’abattre le reste du troupeau (environ 200 bêtes)." [49] La dernière trace de féralité bovine date de 2011 lorsque le dernier bovin ayant survécu libre est dénoncé, capturé puis abattu. Sans savoir s'il s'agit d'une femelle ou d'un mâle, la communauté protivophile l'a prénommé Babeuf, en référence au révolutionnaire français Gracchus Babeuf [50] qui tenta de se tuer lors de son procès pour ne pas laisser le plaisir à ses bourreaux de le faire eux-mêmes. Comme les hominines aiment l'imaginer, la liquidation totale de la population férale bovine a été préférée à un hypothétique asile de la part de l'Inde. Le journal Libération rappelle qu'en avril 1996 déjà "des hindous d'Inde ont offert l'asile aux vaches folles, à condition que le gouvernement britannique subventionne leur voyage. Pendant que le Cambodge proposait de les faire paître sur ses champs de mines pour se débarrasser des explosifs qui continuent à tuer et à mutiler." [51] Les hominines sont une source inépuisable d'idées sanguinaires. La présence des hominines sur les îles Saint-Paul et Amsterdam n'a pas cessé de modifier les écosystèmes locaux. Chats, lapins, souris et rats ont fait leur apparition, des graines issues de potagers abandonnés et celles importées involontairement se sont disséminées. De nouvelles essences d'arbres sont plantées et des insectes exogènes s'installent. La population de rats sur Saint-Paul, estimée entre 50000 et 100000, est exterminée à la fin des années 1990. De la même manière, des insectes, tel des charançons, des mille-pattes ou des mouches subissent cet acharnement génocidaire. Les végétaux et les animaux exogènes sont éradiqués.
BestiolesL'histoire des hominines est celle de la domestication progressive des espèces vivantes jugées nécessaires. Un processus qui s'étale sur des milliers d'années. Il ne s'agit pas d'un simple apprivoisement d'individus mais d'une soumission de groupes entiers sur des générations. Il n'y a pas de doute que la domestication par les hominines d'espèces animales et végétales a modifié celles-ci, et a aussi eu un impact considérable sur les hominines. Des spécialistes avancent parfois que la domestication a pu être possible car elle apporte des avantages mutuels aux deux espèces, une coévolution. Canidés et hominines s'avantagent réciproquement en coexistant. Quels que soient les scénarios sur les débuts de la domestication et les raisons exactes de cette rencontre, il semble que dorénavant se soient les hominines qui domestiquent les canidés et non l'inverse. Avoir la main-mise sur la reproduction est le critère déterminant pour savoir qui domestique qui. Aucune trace de meutes de chiens qui adoptent des hominines enfants pour les faire se reproduire à maturité. Les mythologies et les légendes sont pleines d'histoires d'hominines qui, par les vicissitudes de la vie, se retrouvent hors des sociétés d'hominines et vivent avec des animaux non-hominines qui les élèvent. Un simple apprivoisement. Comme le ferait des hominines avec des chatons. De Mowgli à George de la jungle en passant par l'archétype de l'enfant sauvage. Datée de 1980, la dernière tentative documentée d'un apprivoisement d'hominines par des canidés est celle d'Azaria Chamberlain, une petite femelle hominine de neuf mois, prélevée par un dingo dans un camping du nord de l'Australie. Cette hypothèse Dingo [53] est rejetée par les plus sceptiques qui condamnent la propre mère d'Azaria aux travaux forcés à perpétuité pour meurtre. Le verdict est sévère et la plaidoirie incompréhensible.
La génitrice d'Azaria Chamberlain est finalement innocentée en 1988 et la piste des dingos est de nouveau prise au sérieux. Ces dommages collatéraux de la tentative d'apprivoiser une petite hominine par des dingos est le sujet du documentaire Un cri dans la nuit [55] avec Meryl Streep qui incarne la condamnée. Rôle pour lequel elle reçoit en 1989 le Prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes. Azaria Chamberlain n'a jamais été retrouvée et, depuis plus de 40 ans maintenant, vit hypothétiquement une vie de dingo. Ou est morte. Qu'en est-il pour les hominines mêmes ? Leur histoire est-elle celle de leur auto-domestication ? Les hominines semblent être la seule espèce vivante à n'exister que sous sa forme domestiquée. Ce qui n'est pas le cas des canidés ou des bovins. Ou de la plupart des végétaux. Des formes d'auto-domestication ont déjà été constatées chez deux autres espèces : des primates bonobos et des éléphants. Mais cela n'est pas généralisé, alors que l'ensemble des hominines est domestiqué. Comme d'autres animaux domestiqués, la mâchoire s'est affinée et le caractère violent s'est atténué. De la même manière que les canidés domestiques, et contrairement aux loups sauvages, les hominines conservent des traits et des attitudes juvéniles même à l'âge adulte. Ce qu'était exactement homo sapiens férus — l'hominine non-domestique, sauvage, selon les sciences du XIXème siècle — demeure mystérieux. À quoi ressemble Paris avant les Hommes [57] s'interroge Pierre Boitard en 1859 ? De Georges-Louis Leclerc de Buffon qui au XVIIIème siècle pense que "le singe est de la famille de l'Homme, que c'est un Homme dégénéré" [58] à Desmond Morris et son Singe nu en 1967, en passant par Ladislav Klíma en 1904 pour qui "le singe tire son origine de prédateurs pervertis [et] l'homme descend de singes pourris" [59], l'imaginaire autour de ces hominines non-domestiques tourne autour des primates. Homo sapiens férus n'a pas véritablement le statut d'hominine et lorsqu'il lui est reconnu, le rapprochement est fait entre les "sauvages" modernes et les préhistoriques. Pour L'encyclopédie du XVIIIème siècle, les sauvages sont "des peuples qui vivent sans lois, sans police, sans religion & qui n'ont point d'habitation fixe."[60]. Sont sauvages les hominines qui n'ont pas développé de sociétés, de techniques ou de savoirs identiques à ce que les hominines d'Europe et d'Asie ont réalisé. Dans cette vision suprémaciste, être sauvage signifie demeurer à un niveau d'arriération. Par conséquent, les hominines prédomestiques devaient vivre ainsi. Déjà au Ier siècle, le poète latin Horace affirme avec misérabilisme que "les humains primitifs formaient un troupeau muet et hideux qui combattait pour se procurer du gland et des tanières" [61]. Les préjugés ont la vie dure. Cette définition dénigrante de la sauvagerie se retrouve dix-huit siècles plus tard dans les mots méprisants de Charles Dickens qui écrit que "si nous avons quelque chose à apprendre du noble sauvage, il est ce qu'il faut éviter. Ses vertus sont une fable, son bonheur est une illusion, sa noblesse, un non-sens." [62] Intime des préhistoriques, Marylène Patou-Mathis relève que la construction de l'imaginaire concernant ces hominines anté-historiques se fait sur des postulats racistes au cours des siècles [63]. La sauvageté est synonyme de brutalité et d'absence de culture, ou d'une proximité avec un environnement naturel et d'une naïveté animale. Dans un cas elle est assimilée à une barbarie sanglante et immorale, dans l'autre elle alimente le mythe du "bon sauvage". Dans l'un cette sauvageté est un repoussoir absolu, dans l'autre elle est une idéalisation d'un paradis perdu. Loin des histoires qui se racontent, loin des mythes qui s'inventent, la protivophilie dénombre quelques très rares cas de féralité réelle. Il ne s'agit pas d'expériences de retrait du monde à la mode Henry David Thoreau [64], à la façon expéditive de Theodore "Unabomber" Kaczynski [65] ou celle plus pacifique de Filareto Kavernido, pas plus que de biographies de Tarzan ou de Victor, des hominines que leur communauté a laissé à leur jeune âge, les fameux "enfants sauvages". La féralité nécessite, par essence, une socialisation. Pour qu'il y ait mouvement vers la non-domestication, il faut une domestication préalable. Elle est le point de départ. La féralité n'est pas qu'une impasse de secours pour fuir la réalité, elle est aussi un espace entre la vie et la mort. Depuis quelques siècles maintenant, avec la modernisation accrue des sociétés d'hominines, elle s'est adaptée à son temps et peut revêtir plusieurs formes. Être urbaines ou rurales. Solitaires ou collectives. Farouches ou féroces.
Maria & Lucia CallasantosHominines femelles, Maria Callasantos et sa jeune sœur Lucia sont nées dans la moitié nord du continent américain, à des dates non précisées. Abandonnées par leur père naturel, elles subissent très jeunes des violences physiques de leur parâtre alcoolique Harry Bellinger. Il tente même de violer Lucia. Alors qu'elle est encore une jeune femelle hominine, Maria tue ce beau-père violent et cache sa dépouille. Mécontente, leur mère se venge sur leurs pigeons apprivoisés et les tue. Ravagée par cette nouvelle, Maria Callasantos assassine sa mère en rétorsion. Contraintes de fuir, Maria et Alice se cachent alors dans les égouts de New York. Elles se joignent à la horde des Morlocks [67], composée d'autres hominines vivant en marge de la société. Cette "communauté par le retrait" [68], comme dirait Gustav Landauer, est forte de quelques centaine de membres. Le phénomène est signalé aussi dans la ville étasunienne de Chicago et celle de Londres au Royaume-Uni. Illes doivent vivre sous terre pour éviter d'être traqué. Celleux de Londres savent que leurs chances de survie à la surface sont de moins de 10 minutes. Clandestines, Maria adopte le surnom de Feral et Lucia celui de Thornn. Les premières mentions modernes des Morlocks datent du début des années 1980. Leur nom fait référence aux Morlocks que l'écrivain-voyageur H. G. Wells décrit en 1895 dans La Machine à explorer le temps [69]. Selon lui, illes vivent dans des souterrains, craignent la lumière et sont probablement la descendance des plus pauvres des hominines. Description du futur, son récit est daté de 802701 après JCⒸ. La horde new-yorkaise est pourchassée en permanence par les autorités étasuniennes ou par des milices paramilitaires. Aux conditions de vie difficiles s'ajoute le risque constant de rencontrer ces hominines qui les traquent avec acharnement. Connue sous le nom de "Mutant Massacre" [70], l'attaque massive de la milice des Maraudeurs en 1986 fait environ une centaine de morts parmi les Morlocks. Toute proportion gardée, et pour le dire en termes actuels, ce massacre est l'équivalent d'un "nettoyage ethnique". Feral et Thornn échappent à la tuerie. Leurs conditions de vie deviennent encore plus compliquées. La survie est une question du quotidien. Selon ses biographes, Feral "n’hésite pas à chasser des petits animaux tels que des rats ou des souris et à les manger" [71]. Comme Ladislav Klíma, elle ne s'embête pas toujours à cuisiner : "Une fois j'ai volé à un chat une souris à moitié croquée et je l'ai bouffée telle que, avec les poils et les os, comme un petit pain." [72] Poursuivies, Thornn se cache avec ce qu'il reste de la horde des Morlocks de New-York et Feral rejoint le Front de Libération Mutant [73], un groupe armé clandestin qui lutte pour protéger les hominines ayant des mutations de celleux qui n'en ont pas et qui les pourchassent. Alors qu'elle et Thornn voyagent au Wakanda, Feral est tuée par le maraudeur Victor "Dents-de-sabre" Creed qui l'éventre lors d'un combat sanglant. Sa sœur Thornn disparaît. Plus aucune trace d'elle. Feral et Thornn sont des mutantes hominines félines. Elles possèdent une ouïe sensible grâce à des oreilles en pointe, une vision de nuit accrue par des yeux jaunes en amande et un odorat bien plus sensible que celui des simples hominines. Leur agilité, leur force au combat et leur animalité féroce font d'elles des égales de Wolverine [74]. Entièrement couvertes d'une fourrure, elles possèdent de véritables crocs, des griffes et une queue préhensile. Individualités Tendant vers le SauvageClaraNotes
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