Qarmates : Différence entre versions
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− | |'''Qarmates'''. | + | | |
+ | '''Qarmates''' (Карма́т en [[macédonien]]) Mouvement mahométien<ref name="#Mah">''Mahométien'' désigne celles et ceux qui croient que Mahomet est un prophète - les musulmans - comme le terme de christien désigne les chrétiens adeptes de Jésus ''aka'' Christ<sup>Ⓒ</sup> ou celui de moïsien pour parler des adeptes de Moïse, les juifs.</ref> insufflé par Hamdan Qarmat Ibn al-Ach'ath (حمدان قرمط بن الاشعث) vers la fin du III<sup>ème</sup> (IX<sup>ème</sup>) siècle. | ||
− | + | ''Précision''<BR> | |
− | + | ''Afin de préserver l'imaginaire propre à la mythologie des mahométiens et en conserver sa trame romanesque, nous avons gardé la chronologie qui est la sienne. Pour plus de clarté et par souci de rendre ce texte plus accessible nous faisons suivre entre parenthèses la datation des christiens<ref name="#Mah"/>. Lorsque ces derniers sont en 2018 - soit autant d'années après la naissance de Christ<sup>Ⓒ</sup> - les moïsiens<ref name="#Mah"/> décomptent 5578 années depuis la création du monde par la divinité alors que les mahométiens se situent 1439 ans après la fuite de Mahomet de la ville de La Mecque. '' | |
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− | + | == ex nihilo ? == | |
+ | <blockquote>''Nous sommes là encore dans l’illusion, celle qui confond le désert avec le rien''<ref name="#FM" /></blockquote> | ||
− | + | Loin de l'imaginaire populaire qui en fait un endroit empli de rien, la péninsule arabique est un vaste territoire qui abrite depuis des millénaires des hominines qui y ont bâti cités et empires. Elle est un carrefour des caravanes de commerce qui y transitent pour relier la Chine et l'Afrique à la Méditerranée ; une voie incontournable pour les marchandises alimentant, dans les deux sens, les marchés et les besoins des différents pouvoirs politiques comme le puissant royaume nabatéen (dans l'actuelle Jordanie) ou l'empire romain qui lui succède en le conquérant. Du sel, des esclaves, des métaux précieux, des soieries, des épices et divers objets manufacturés ; mais aussi échanges de techniques et de savoirs, de croyances et de superstitions. | |
− | Les racines historiques des qarmates sont à | + | [[Fichier:nabateens.png|250px|thumb|right|Routes de commerce utilisées par le royaume nabatéen]]Dans les régions côtières et montagneuses humides du sud-ouest de la péninsule se sont développées de nombreuses cités, dont certaines sont au centre d'empire régionaux puissants. Si les rastafariens ont en mémoire le seul<ref>Est-ce l'effet du cannabis qui altère la mémoire courte ?</ref> royaume de la reine de Saba<ref>Selon la mythologie rastafari, la reine de Saba, après s'être rendue à Jérusalem pour y rencontrer le sage roi Salomon, engendre un fils, Menelik. Celui-ci est à l'origine d'une dynastie royale éthiopienne. La visite à Salomon d'une mystérieuse reine est mentionnée dans la littérature religieuse moïsienne, christienne et mahométienne, sans qu'il soit possible de l'identifier. Aucune d'elles ne nomme clairement cette reine comme étant de Saba. L'archéologie n'a pour l'instant découvert aucun vestige d'un royaume de Saba antérieur au VII<sup>ème</sup> siècle avant le messie des christiens, soit plus de trois siècles après la mort de Salomon, et les sources disponibles sur lesquelles travaillent les historiens ne font pas mention de cette reine.</ref>, les historiens décrivent une succession d'entités politiques, diverses et concurrentes, dès le quatrième millénaire avant le présent. À contrario de ces régions que les antiques grecs nomment alors l'Arabie Heureuse, la partie intérieure de la péninsule est un vaste territoire de montagnes et de sable avec, au sud, le désert des déserts, le Rub al-Khali (Quart Vide). Les oasis qui s'y développent à ses marges sont autant des lieux de vie que des relais sur ces routes qui traversent des étendues de sable et de chaleur harassante. |
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+ | Au I<sup>er</sup> (VII<sup>ème</sup>) siècle, la population est diverse dans ses croyances religieuses. Aux côtés des quelques oasis peuplées de moïsiens<ref>Dans l'Arabie Heureuse, de nombreuses communautés moïsiennes vivent dans des villages ou les quartiers des cités. Pour certaines, vestiges des royaumes disparus de la région.</ref> et de plusieurs communautés nomades de marchands ou de propagandistes appartenant à la myriade d'opinions christiennes rivales, la plupart des autres hominines vouent un culte aux pierres et croient à des créatures mythologiques peuplant le désert. Ces pierres, appelées bétyles selon une étymologie sémitique ''beth-el'' signifiant "maison de dieu", sont souvent sanctifiées. Elles sont choisies pour leur spécificités géologique, leur origine météorique ou leur proximité avec des points d'eau. Il n'y a pas de culte unifié mais des pratiques et des croyances locales qui subissent des influences diverses. Comme pour les christiens, les moïsiens ou les sabéens, leurs passés se peuplent de héros mythiques ou de reines légendaires, de royaumes anciens ou de personnages imaginaires. Ces croyances bétyliques sont alors partagées du golfe d'Aden jusqu'à la Méditerranée. | ||
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+ | La société péninsulaire n'est pas qu'une organisation bédouine et nomade de l'espace, elle se compose aussi de quelques concentrations urbaines qui maillent les routes marchandes. S'ils ne sont pas des centres politiques, ces relais permettent l'émergence de riches familles de marchands qui s'accaparent un peu de pouvoir politique local de part leur importance économique. La Mecque, par exemple, est alors dirigée par des familles de marchands appartenant à la tribu de Quraych qui s'impose - politiquement et militairement - aux autres ou avec qui elle fait des alliances. Les quraychites sont ainsi divisés entre différents clans familiaux. Les alliances entre les tribus nomades, pourvoyeuses de marchandises, et les citadines sont des équilibres fragiles. Certaines tribus nomades préfèrent le pillage des caravanes marchandes. La Mecque est aussi un lieu de pèlerinage local lors duquel les trois divinités féminines Al-Lât, Al-Uzzâ et Manât sont invoquées lors de circumambulations bétyliques - c'est-à-dire en tournant autour d'une pierre - à proximité d'une source d'eau quasi-permanente. D'autres bétyles sont vénérés dans la péninsule ainsi que d'autres divinités et donnent lieu aussi à des pèlerinages pour les tribus locales. La Mecque est alors un lieu de culte parmi d'autres<ref>Jacqueline Chabbi, "Aux origines de La Mecque. Le regard de l'historien", 2002 - [https://analectes2rien.legtux.org/images/PDF/originesmecque.pdf En ligne]</ref> où des adeptes des monothéismes moïso-christiens vivent ou sont de passage. | ||
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+ | Ces hominines du presque-rien ont des pratiques linguistiques diversifiées. Dans le sud de la péninsule se parlent des langues sudarabiques qui se différencient des parlers arabiques du nord qui, eux-mêmes, ne forment pas une unité mais une sorte de continuum linguistique qui s'étend jusqu'à la côte méditerranéenne. La mise par écrit ne comporte pas encore les voyelles car elles ne sont pas totalement indispensables pour une bonne compréhension du texte. Les poètes et les adeptes du tag raffolent de cette absence qui décuple les sens. Les influences politiques et culturelles les plus fortes sont exercées du nord par deux royaumes christiens rivaux (lakhmides et ghassanides) : le premier allié aux perses et le second aux byzantins. Toute la région partage alors - d'une manière ou d'une autre - l'héritage des civilisations araméennes, grecques, romaines ou nabatéennes qui se greffent et s'entrecroisent avec des substrats culturels plus locaux dans une sorte de [[macédoine]]. L'alphabet utilisé pour noter la langue parlée est dérivé de celui des nabatéens qui s'étaient eux-mêmes inspirés de l'écriture araméenne. | ||
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+ | Pour tous les adeptes des monothéismes, ''ex nihilo'' renvoie à l'idée d'un dieu créateur de rien. Des recherches récentes - en terme de [[protivophilie]] - tendent à montrer que les copistes ont tronqué le latinisme ''ex nihilo nihil fit'', "rien ne vient de rien", en laissant croire que cela change rien. Et insinuer ainsi que "Rien est divin" est similaire à "Rien n'est divin". | ||
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+ | <blockquote>''Rien''<ref>Tag anti-dieu parfois trouvé sur des murs du sud de la France ([[Nice]] ?). Non daté.</ref></blockquote> | ||
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+ | === Graffitis & C<sup>ie</sup> === | ||
+ | [[Fichier:600.png|250px|thumb|right|Situation politique au début du VII<sup>ème</sup> siècle]]Au début du I<sup>er</sup> (VII<sup>ème</sup>) siècle, la région du Hedjaz - où est située La Mecque - est dans un contexte régional de conflits politiques permanents entre les empires romain (byzantin<ref>Par convention, les historiens modernes désignent sous le terme de Byzance ou empire romain d'Orient, la continuité de l'empire romain après la chute de sa partie occidentale vers la fin du I<sup>er</sup> siècle avant Mahomet (V<sup>ème</sup>). La capitale de l'empire romain d'Orient est Byzance (future Constantinople).</ref>) et perse, dans lesquels ils ont chacun des alliés locaux. Après les nombreuses guerres qui se sont menées, les deux empires sont très affaiblis et leurs alliés perdent en influence dans le premier quart du I<sup>er</sup> (VII<sup>ème</sup>) siècle. Dans le camp byzantin, le royaume d'Aksoum, au sud, recule et se retire de la péninsule pour laisser la place aux perses, et les ghassanides, au nord, qui ont résisté sont finalement persécutés par leur allié pour leur dissidence religieuse. Les lakhmides et tous les petits royaumes le long des côtes de la péninsule sont vassalisés par l'empire perse qui s'étend un peu plus. Après la chute du royaume de Kindah - dans le centre - détruit par les lakhmides dans le I<sup>er</sup> siècle avant Mahomet (milieu du VI<sup>ème</sup>), ce nouvel affaiblissement des royaumes et empires environnants fait diminuer encore un peu plus la pression militaire et politique sur le Hedjaz et le centre de la péninsule, laissant ainsi plus de latitude aux dynamiques locales. | ||
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+ | Le terme de ''hedjaz'' signifie "barrière" et désigne une zone côtière située dans la partie nord des Monts Sarawat qui cheminent tout le long des côtes de la mer Rouge jusqu'à l'océan Indien. La chaîne montagneuse est un rempart naturel qui, sur son versant maritime, est fait de falaises abruptes qui rendent difficiles les incursions venues de la mer. La région du Hedjaz est une zone située entre la façade maritime et les vallées des Monts Sarawat, arrosée par de petits cours d'eau (oued). Une de ces vallées abrite La Mecque. De l'autre côté des montagnes, plus à l'est, l'environnement est désertique et difficile d'accès. | ||
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+ | Cette relative tranquillité profite aux familles marchandes qui n'interrompent pas les voies commerciales et continuent d'alimenter les empires - même affaiblis - et les royaumes environnants. Sa situation géographique fait de la péninsule un passage obligé pour les marchandises. Les quraychites prétendent détenir leurs droits sur la cité de La Mecque d'un lointain ancêtre, dans une généalogie discutable de clans familiaux qui se répartissent - ou se disputent - le pouvoir politique et économique. | ||
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+ | Parmi les croyances religieuses, le monothéisme est présent dans la péninsule sous différentes formes qui mélangent les traditions issues des multiples moïsismes alors existant et qui, pour certaines, croient en l'existence d'un nouveau messie nommé Jésus. Ces "sectes" monothéistes moïso-christiennes s'affrontent théologiquement sur la nature de dieu et de son hypothétique messie<ref>Parmi les nombreux courants religieux moïsiens - qui tous attendent la venue d'un messie - certains ont reconnu Jésus et se sont progressivement séparés de leurs "racines" moïsiennes pour former différentes églises christiennes. Chacune a ses particularités. Le grand débat qui traverse les IV<sup>ème</sup> et V<sup>ème</sup> siècles est celui de la nature de Jésus, plus connu sous son nom de Cène : Christ<sup>Ⓒ</sup>. La question est complexe et sérieuse. Est-il Dieu incarné, un hominine, les deux ou autre chose ? Cohabite-t-il avec la divinité dans son corps ? Sont-ils deux êtres séparés ou un seul ? Les monophysites pensent qu'il n'a qu'une nature et qu'elle est divine car la divinité a absorbé son côté hominine. Celles et ceux qui connaissent le film ''La mouche'' peuvent vaguement imaginer ce que cela veut dire. Les nestoriens quant à eux s'imaginent un Jésus possédé par dieu mais gardant sa part d'hominine. Une coloc' pour le dire dans un langage moderne. De ces interrogations sont nées une myriade de christismes dont certains existent encore de nos jours (1439 / 2017). Ces questions fondamentales suscitent de nombreuses querelles théologiques qui donnent lieu à des conciles lors desquels le débat est tranché. Les récalcitrants s'exposent à la répression. Peut-être plaît-Il à dieu que les hominines meurent pour cela ? Sur le messianisme moïsien, voir Yankel Mandel, ''Dictionnaire des messies juifs de l'Antiquité à nos jours'', Berg International, 2009. Gershom Scholem, ''Le messianisme juif. Essais sur la spiritualité du judaïsme'', Calmann-Lévy, 1974.</ref>. L'adoption par l'empire romain d'une forme de christisme parmi d'autres comme religion d’État en -250 (380) et les politiques répressives menées contre les autres courants moïso-christiens ont poussé beaucoup de leurs adeptes à fréquenter les marges des empires. Leurs idées suivent les voies de commerce. Des graffitis retrouvés sur des vestiges archéologiques attestent d'une croyance monothéiste - pré-mahométienne ? - à travers une sorte de profession de foi qui déclare qu'il n'y a qu'un seul dieu, sans mentionner un quelconque prophète<ref>Frédéric Imbert, "L’Islam des pierres : l’expression de la foi dans les graffiti arabes des premiers siècles" dans ''Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée'', n° 129 Écriture de l’histoire et processus de canonisation dans les premiers siècles de l'islam, 2011 [http://journals.openedition.org/remmm/7067 En ligne]</ref>. | ||
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+ | Un peu à l'image de l'univers de Conan le Barbare ou des contes pour enfants, les religions monothéistes abrahamiques sont peuplées de magiciens et de superstitions, de miracles et de prophètes dans des sagas construites pendant des siècles, dont la complexité surpasse ''Le Seigneur des Anneaux'' et dont la profondeur de pensée rivalise avec la pauvreté des dialogues de ''Star Wars''. Les prétendants au titre de prophète sont légion. Les plus entreprenants affirment être en contact direct avec une divinité dont ils se proclament les représentants sur terre. Comme cela était prévu par les légendes. Les carrières sont diverses<ref>Celle de Mahomet à duré 23 ans. L'iranien Ali Dachti écrit en 1356 (1937) un livre intitulé "23 ans" dans lequel il fait part de son scepticisme face à la religion mahométienne. Le livre est publié clandestinement dans les années 1390 (1970). Ali Dachti meurt dans les prisons iraniennes en 1403 (1982).</ref>, et si certains accèdent à une certaine reconnaissance, d'autres devront se contenter du statut de poète<ref>Taha Hussein, ''De la littérature pré-islamique'', 1927. L'auteur égyptien fut vivement critiqué pour sa remise en cause de l'historicité du coran et sa relecture de la poésie antéislamique.</ref> ou d'idiot. Voir être lapidés<ref>La tradition mahométienne assume la mise à mort - sur ordre du prophète - à Médine du poète Abu Afak puis celle de la poétesse Asmaa bint Marwân. La poétesse Hind bint Utba est épargnée par Mahomet à La Mecque.</ref>. | ||
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+ | <blockquote>''Lorsque Mahomet le prophète de l'islam n'était pas le seul à prétendre exercer ce métier, les poètes du désert lui faisaient de l'ombre. Il déclara qu'il n'en resterait rien...''<ref>Sous-titre de F. Merdjanov (attribué à), ''Jâhiliyya. L'Islam avant la lettre'', inédit</ref></blockquote> | ||
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+ | Même si cela est pour les dénigrer, beaucoup de sources historiques religieuses ou profanes mentionnent tous les malheureux qui ne furent pas reconnus. Ou finalement rejetés par leurs adeptes. Faire carrière dans le prophétisme n'est pas chose sans risque. Par principe, il ne peut y en avoir trop en même temps. Les places sont chères et la concurrence est sévère. De manière plus synthétique que la série documentaire ''Corpus Christi'' consacrée à Christ<sup>Ⓒ</sup>, un collectif de documentaristes britanniques spécialistes des origines des christismes nommé Monty Python retrace de manière émouvante et tragique dans ''La vie de Brian'' le destin de celui qui fut désigné prophète alors qu'il ne demandait rien<ref>Pour la protivophilie, la question n'est pas celle de l'existence ou non d'un prophète mais celle du pourquoi la croyance dans son existence. Le seul miracle consiste sans doute en ce qu'une existence réelle historique ne soit pas une condition nécessaire à l'émergence d'adeptes.</ref>. | ||
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+ | <blockquote>''Si j'avais les pouvoir du ciel pareil à dieu''<BR>''Je le détruirais et l’ôterais de mes yeux''<BR>''Pour rebâtir en un clin d'œil un autre monde''<BR>''Où l'humain exaucerait aisément tous ses vœux !''<ref name="#omar">Extrait des ''Roba'iyat'' de Omar Khayyam, poète, savant et philosophe mahométien né en Perse dans la seconde moitié du XI<sup>ème</sup> siècle.</ref></blockquote> | ||
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+ | == Mahométiens == | ||
+ | Vu la quasi-absence de sources d'époque<ref>Trois sources christiennes de la seconde moitié du VII<sup>ème</sup> siècle mentionnent des tribus arabes remuantes. L'une d'elles parle d'un prophète monothéiste se réclamant de l'Abraham biblique.</ref>, il est difficile d'affirmer l'historicité d'un Mahomet qui naît en -53 (570) à La Mecque et meurt en 10 (632) à Médine<ref>Jacqueline Chabbi, "Histoire et tradition sacrée. La biographie impossible de Mahomet", ''Arabica'', 1996 [https://analectes2rien.legtux.org/images/PDF/Histoireettraditionsacree.pdf En ligne]. Jacqueline Chabbi, ''Le seigneur des tribus. L'islam de Mahomet'', Noésis, 1997.</ref>. Sa biographie se construit à travers des sources religieuses qui prétendent regrouper l'ensemble des propos et attitudes qui lui sont prêtés. Aucune fouille archéologique ne confirme pour l'instant ce qu'il est possible d'en savoir par les textes coraniques et l'ensemble de la tradition mahométienne<ref>Une grande partie des sites liés à l'islam de l'époque prophétique ont été détruits par l’État saoudien moderne. Au nom de la lutte contre les superstitions et l'idolâtrie, les tombes supposées de Mahomet et de plusieurs membres de sa famille, devenues des mausolées, ont été rasées ainsi que plusieurs mosquées et maisons. Une liste plus complète [https://fr.wikipedia.org/wiki/Destruction_de_sites_li%C3%A9s_%C3%A0_l'Islam_pr%C3%A9coce en ligne].</ref>. Les sources disponibles se contredisent parfois. Il en est de même pour le Coran. Les premières versions sont le résultat des choix de ses successeurs <ref>Françoise Micheau, ''Les débuts de l'islam. Jalons pour une nouvelle histoire'', Téraèdre, 2012. Alfred-Louis de Prémare, ''Les fondations de l'islam. Entre écriture et histoire'', Seuil, 2002. Rémi Brague, "Le coran : Sortir du cercle ?", ''Critique'', 2003, n° 671 - [http://www.revue-texto.net/Parutions/CR/Brague_CR.html En ligne]. Antoine Borrut (Dir.), ''Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée'', n° 129 Écriture de l’histoire et processus de canonisation dans les premiers siècles de l'islam, 2011 - [http://journals.openedition.org/remmm/7038 En ligne]. Pour un thriller avec pour toile de fond les premiers siècles de la religion des mahométiens, voir Barouk Salamé, ''Le testament syriaque'', Rivages, 2009</ref>. | ||
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+ | <blockquote>''Inutile de s’évertuer à tuer dieu, car il n’existe pas. Le même raisonnement est applicable avec le Père Noël ou le dahu.''<ref name="#FM">"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans ''Analectes de rien'', 2017 [http://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne] </ref></blockquote> | ||
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+ | [[Fichier:perenoel.png|200px|thumb|right|Afin de respecter le refus de représenter Mahomet, nous illustrons ce chapitre par un autre personnage de contes merveilleux qui enchante, lui-aussi, enfants et adultes.<ref>Les plus iconoclastes des mahométiens refusent néanmoins ce type de représentation du Père Noël car elle permet selon eux que les enfants puissent - en les détournant habilement - en faire une figurine en papier imitant le prophète lors de leurs jeux. Les moins obtus trouvent que c'est un bon outil pédagogique introductif à la parole de Mahomet, une sorte de méthode Freinet mahométienne. Se rapporter, par exemple, au cas dit de "l'ours en peluche" : [https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_soudanaise_du_blasph%C3%A8me_%C3%A0_l%27ours_en_peluche Affaire soudanaise du blasphème à l'ours en peluche]. Pour cette problématique, voir François Boespflug, ''Le prophète de l'islam en images - Un sujet tabou ?'', Bayard, 2013. Et Silvia Naef, ''Y a-t-il une "question de l'image" dans l'islam ?'', Téraèdre, 2015. </ref>]]Les approches critiques (non-religieuses) des origines des mahométiens s'affrontent sur le sujet<ref>Avec des arguments parfois fallacieux qui sous-tendent qu'une absence de "preuve" est une "preuve". Pour une critique, voir Marc Orcel, ''L'invention de l'islam. Enquête historique sur les origines'', Perrin, 2012</ref>. Il n'est aujourd'hui pas possible d'en savoir plus, mais peu nous importe de savoir si, oui ou non, il a véritablement existé un certain Mahomet qui réussit à se faire reconnaître prophète par des adeptes de tel ou tel courant monothéiste. Il ne peut être prophète car dieu est une illusion. Au même titre, le Coran n'est qu'un livre, écrit progressivement par un ou plusieurs hominines, dont le contenu ne vaut pas plus qu'un autre écrit sur des sujets proches<ref>Alfred-Louis de Prémare, ''Aux origines du Coran. Questions d'hier, approches d'aujourd'hui'', Téraèdre, 2015. Voir aussi le cycle "Histoire du Coran. Texte et transmission" de François Déroche [https://www.college-de-france.fr/site/francois-deroche/index.htm En ligne]</ref>. Son contenu n'est en rien original et regorge de références aux autres fois monothéistes. Il n'est pas une rupture mais une continuité possible, il est une tentative de syncrétisme de polythéisme bétylique, de monothéisme abrahamique et de quelques nouveautés nécessaires à marquer sa différence<ref>Jacqueline Chabbi, ''Le Coran décrypté. Figues bibliques en Arabie'', Fayard, 2008</ref>. Comme les Torah moïsiennes ou les Bibles christiennes<ref>Les fouilles archéologique menées au XX<sup>ème</sup> siècle ne permettent pas de corroborer les textes bibliques. Israël Finkelstein, ''Un archéologue au pays de la bible'', Bayard, 2008. Neil Asher Silberman, Israël Finkelstein, ''La bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l'archéologie'', Bayard, 2002</ref>, le livre saint des mahométiens est un recueil de mythologies et de croyances. | ||
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+ | <blockquote>''De tous les fondateurs de religion, Mohammed est probablement celui dont la personnalité a le plus de caractère historique''<ref>Claude Cahen, ''L'Islam des origines au début de l'empire ottoman'', Collection Histoire Universelle n°14, [[1970]]</ref></blockquote> | ||
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+ | Autant dire que pour les autres prophètes des monothéismes abrahamiques il n'y a quasiment rien. Abraham, Moïse et Christ<sup>Ⓒ</sup> n'ont probablement aucune réalité historique<ref>Anonyme, ''Humeurs hérétiques. La Bible pour les caves'', 2017 - [https://humeursheretiques.noblogs.org/ En ligne]</ref>. La seule certitude possible est que ce personnage - fictif ou réel - de Mahomet et les mythes qui l'entourent permettent à certaines familles quraychites de se construire une légitimité au fil des conquêtes militaires qui suivent la mort de ce supposé prophète. Profitant de la faiblesse des empires romain et perse, les tribus coalisées attaquent et avancent rapidement. Si à la mort de Mahomet le premier successeur semble faire consensus, il est assassiné par des opposants. Comme les deux suivants. Les difficultés d'une passation de pouvoir consensuelle sont un problème persistant au sein des familles quraychites<ref>Hichem Djaït, ''La grande discorde. Religion et politique dans l'islam des origines'', Gallimard, 1989</ref>. Ali, époux de Fatima la fille de Mahomet et cousin de ce dernier, est le quatrième prétendant à la succession. Ali est assassiné par ses partisans qui lui reprochent d'avoir accepté sa défaite face à son rival, Muʿawiya - membre de la famille du troisième calife - le fondateur en 40 (661) de la dynastie omeyyades qui régnera de Damas sur le nouvel empire jusqu'en 132 (750). | ||
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+ | La mort de Ali est un tournant dans la nouvelle religion mahométienne. Les critiques se font plus précises et se structurent progressivement en différentes factions qui chacune revendique une légitimité et une forme de succession du pouvoir spécifique. Les partisans d'Ali qui le punissent par la mort de sa prétendue trahison se nomment kharidjites<ref>Moncef Gouja, ''La grande discorde de l'islam. Le point de vue des kharéjites'', L'Harmattan, 2006</ref>. Ils avancent que la direction de la communauté des croyants revient au meilleur d'entre eux, qu'elle que soit son origine tribale ou sociale. Même un ancien esclave est apte à diriger. Les alides, quant à eux, désignent ceux qui veulent que les descendants mâles directs d'Ali succèdent à leur ancêtre. Les autres reconnaissent la légitimité des omeyyades et donc le pouvoir en place. L'argumentation pour contester les successions s'appuie sur une interprétation du texte coranique et sur une lente construction idéologique et théologique à travers les écrits des érudits mahométiens<ref>Claude Gilliot, "Islam, "sectes" et groupes d'opposition politico-religieux (VII<sup>e</sup>-XII<sup>e</sup> siècles)", ''Rives méditerranéennes'', 2002 [http://journals.openedition.org/rives/4 En ligne]</ref>. | ||
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+ | Les alides n'ont de cesse de contester le pouvoir des omeyyades et établissent leur propre généalogie du pouvoir, à travers une lignée d'imams qui descendent tous de Ali. Pour autant, ils se divisent aussi sur lequel choisir parmi les différents prétendants. À la mort de leur quatrième imam en 94 (713), deux de ses fils se disputent sa place. Les uns choisirent Zayd ibn Ali, les autres Muhammad al-Bâqir. Les premiers, minoritaires, sont alors connus sous le terme de zaydites. Ils mènent des révoltes contre le pouvoir omeyyade et subissent en retour une terrible répression. Les zaydites se réjouissent lorsque Abû al-`Abbâs, descendant d'un oncle de Mahomet, renverse les omeyyades en 132 (750). Il fonde la dynastie des abbassides qui, rapidement, se retournent contre les alides, qu'ils soient zaydites ou non. Les survivants du pouvoir omeyyade s'installent en Andalousie et plusieurs dynasties zaydites forment des pouvoirs locaux sur les marges de l'empire, sur les bords de la mer Caspienne, en Arabie Heureuse ou au Maghreb et plus tard dans une partie de la péninsule ibérique. | ||
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+ | En parallèle de ces contestations politiques, les écoles juridiques affirment leur différences philosophico-théologiques. Elles se nourrissent tout autant de leur histoire propre, d'une tradition maintenant plus que centenaire, que de nombreux apports des philosophies antiques ou d'autres religions monothéistes. Toutes les écoles juridiques se composent petit à petit un corpus politico-religieux d'auto-légitimation<ref>Henri Laoust, "L'hérésiographie musulmane sous les Abbassides", ''Cahiers de Civilisation Médiévale'', 1967 [http://www.persee.fr/docAsPDF/ccmed_0007-9731_1967_num_10_38_1410.pdf En ligne]</ref>. L'empire abbasside se renforce. Les alides, toutes tendances confondues, ne parviennent pas à s'imposer politiquement et leur acceptation par le pouvoir est toujours fragile. La mort en 147 (765) de Ja`far as-Sâdiq, le sixième imam alide, provoque de nouveau de profondes dissensions. Face à l'absence de directives claires laissées par le défunt, les uns soutiennent son fils cadet alors que les autres lui préfèrent Muhammad ben Ismâ`il, le fils de son aîné Ismâ`il - mort avant lui. Surnommés ismaéliens, ils se distancient des autres alides et fondent plusieurs communautés dans des régions excentrées de l'empire. Une dynastie ismaélienne se détache<ref>Farhad Daftary, ''Les ismaéliens dans les sociétés musulmanes médiévales'', Vrin, 2011.</ref>. Face à la répression ou pour cacher l'impossibilité d'assurer une succession, les ismaéliens développent le concept d'imam caché. Cela signifie que même s'il n'est visible de personne, l'imam est vivant et s'exprime par l'intermédiaire de son représentant, le ''daï''. Confrontés aux mêmes problématiques que les ismaéliens, les alides développent aussi leur concept d'imam caché qui se différencie de celui des ismaéliens car ils acceptent la croyance en l'occultation du douzième imam et misent tout sur son retour, ce qui leur vaudra le qualificatif de duodécimains. À ce jour, nous sommes toujours sans nouvelles de lui<ref>La mise en place d'un numéro vert - gratuit - est sérieusement envisagée par les plus modernistes. Les discussions autour de la création d'un # ou d'un compte facebook n'ont pour l'instant pas abouti.</ref>. | ||
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+ | L'empire abbasside adopte officiellement en 211 (827) les préceptes d'un théologien mahométien qui introduit le rationalisme, le libre-arbitre et la critique de la pensée religieuse. Il instaure un courant de pensée appelé "mutazilisme" dans lequel les sciences, la philosophie, la poésie et la recherche côtoient la divinité. Le mutazilisme utilise grandement le principe mahométien de ''ijtihad''<ref name="#jih">La racine arabe ''jihad'' (جهاد) signifie "effort". Dans la religion des mahométiens ce terme se décline en ''ijtihad'' et ''jihad''. Le premier désigne l'effort de réflexion et le second celui sur les conditions matérielles. ''Jihad'' est synonyme d'introspection, de lutte contres "ses propres démons", de refus des inégalités ou des pouvoirs illégitimes, d'effort intellectuel pour résoudre le présent. Les formes du ''jihad'' sont multiples et n'impliquent pas nécessairement le recours à la violence armée. Voir Michael Bonner, ''Le jihad. Origines, interprétations, combats'', Téraèdre, 2004</ref> qui désigne l'effort de réflexion nécessaire à une meilleure compréhension des textes. Les mutazilistes sont accusés par leurs détracteurs d'introduire des innovations dans la religion des mahométiens, de contredire les "preuves" coraniques et de dénier au livre sacré tout caractère "incréé" (origine divine). Certains parmi eux vont plus loin dans leurs réflexions et sont même accusés d'athéisme, tel Abu Isa al-Warraq<ref>Ibn Warraq (Fils d'al-Warraq) est le pseudonyme choisi par un écrivain pour écrire en 1995 ''Pourquoi je ne suis pas musulman''. Publié en français en 1999 aux éditions L'Âge d'Homme.</ref> ou son disciple Ibn al-Rawandi qui dans un ouvrage daté de la fin du III<sup>ème</sup> (IX<sup>ème</sup>) siècle précise : | ||
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+ | <blockquote>''Si le prophète vient pour confirmer ce que la raison connaît comme bon ou mauvais, licite ou illicite, alors nous considérons sa mission comme nulle et ses preuves inutiles, car la raison nous suffit pour le savoir. Si sa mission contredit les conclusions de la raison, nous rejetons alors le prophète''</blockquote> | ||
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+ | Et s'adresse ainsi à la divinité : | ||
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+ | <blockquote>''Tu donnes à l'humain les moyens de vivre comme le ferait un vieux pingre. Un humain eut-il fait un tel partage, nous lui aurions assurément dit: "Tu nous as escroqué".''</blockquote> | ||
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+ | Finalement le pouvoir abbasside se rapproche des écoles juridiques plus "classiques" et rejette le mutazilisme qui décline dès le V<sup>ème</sup> (XI<sup>ème</sup>) siècle au profit d'approches plus rigoristes et moins novatrices. De nombreux écrits mutazilites ont été détruits et ne sont connus que par quelques mentions dans des ouvrages critiques. Les III<sup>ème</sup> (IX<sup>ème</sup>) et IV<sup>ème</sup> (X<sup>ème</sup>) siècle verront encore quelques auteurs osant affirmer leurs doutes sur la réalité des livres saints moïso-christo-mahométiens. Le moïsien Hiwi al-Balkhi critique la bible sous la forme d'un questionnaire de deux cent questions et le savant mahométien Abu Bakr Mohammad Ibn Zakariya al-Razi doute des bonnes intentions de la divinité<ref>al-Razi dit "Razès", ''La Science divine''</ref>. Au début du V<sup>ème</sup> (XI<sup>ème</sup>) siècle, le poète Abul ʿAla Al-Maʿarri peut encore clamer : | ||
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+ | <blockquote> | ||
+ | ''Foi, incroyance, rumeurs colportées,''<br> | ||
+ | ''Coran, Torah, Évangile''<br> | ||
+ | ''Prescrivant leurs lois...''<br> | ||
+ | ''À toute génération ses mensonges''<br> | ||
+ | ''Que l’on s’empresse de croire et consigner.''<br> | ||
+ | ''Une génération se distinguera-t-elle, un jour,''<br> | ||
+ | ''En suivant la vérité ?''<br> | ||
+ | </blockquote> | ||
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+ | Pour fuir la répression abbasside, le douzième imam ismaélien se réfugie au Maghreb où des communautés ismaéliennes sont implantées et très influentes auprès de certaines tribus berbères<ref>Hichem Djait, "L'Afrique arabe au VIII<sup>e</sup> siècle (86-184 H./705-800)", ''Annales'', 1973 [http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1973_num_28_3_293371 En ligne]</ref>. Il se proclame calife en 909 lorsque les forces militaires ismaéliennes renversent les petits imamats locaux. Il fonde ainsi l'empire fatimide, dont les principaux rivaux sont l'autre califat, celui des abbassides de Bagdad, et l'empire byzantin. Ses successeurs conquièrent l’Égypte en 358 (969) et font construire la ville du Caire qui devient capitale de l'empire. Les fatimides règnent jusqu'en 566 (1171), s'étendant de l’Égypte à Jérusalem. Les guerres menées par les Croisés venus d'Europe et la pression de prétendants locaux effritent le califat qui se disloque petit à petit. Les Croisés créent des États autour de Jérusalem et des dynasties émergent au Maghreb pour s'affirmer royaumes indépendants. L'Égypte puis une partie du Levant sont récupérées par la dynastie des ayyoubides - initiée par Ṣalāḥ ad-Dīn (Saladin) - qui gouverne jusqu'à son renversement en 647 (1250) par la caste militaire des Mamelouks. Très affaiblis et sous tutelle des turcs seldjoukides, les abbassides ne résistent pas à l'arrivée des troupes mongoles. Bagdad tombe en 656 (1258) et les survivants abbassides se réfugient auprès des mamelouks égypto-levantins. | ||
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+ | === Bétyles mahométiens === | ||
+ | [[Fichier:Stonehenge.jpg|250px|thumb|right|Stonehenge, au Royaume-Uni, est La Mecque des religions "new-age"<ref>Une sorte de mur des Lamentations ou de tombeau de Christ<sup>Ⓒ</sup> "à la sauce" XX<sup>ème</sup> siècle.</ref>]]Depuis l'apparition des mahométiens, La Mecque est devenue ville-sainte dans laquelle trône la Kaaba. Interdite aux non-mahométiens. Intégrant pleinement les croyances anté-mahométiennes les bétyles sont toujours vénérés et tous les mahométiens - hommes et femmes - se tournent vers eux pour effectuer leurs prières. Dans sa configuration actuelle, la Kaaba est une construction cubique recouverte d'un grand tissu. Deux bétyles sont incrustés à deux des coins. L'un est appelé Pierre Bienheureuse et l'autre Pierre Noire<ref>Selon la description faîte en 1815 par Jean Louis Burckhardt : "Elle est de figure ovale irrégulière, à peu près de sept pouces de diamètre, et a une surface ondulée, composée d'une douzaine de petites pierres de dimensions et de formes différentes, bien jointes ensemble par une petite quantité de ciment, et parfaitement polie ; son aspect ferait croire qu'elle a été brisée par un coup violent en plusieurs morceaux, puis réunie de nouveau. Il est très difficile de déterminer avec exactitude la nature de cette pierre, dont la surface a été usée et réduite à son état actuel par les baisers et les attouchements de plusieurs millions de pèlerins, Elle me parut ressembler à une lave, contenant plusieurs petites particules hétérogènes d'une substance blanchâtre et d'une autre jaunâtre. Sa couleur actuelle est un brun sombre et rougeâtre, qui se rapproche du noir ; elle est entourée complètement d'une bordure composée d'une substance que je pris pour un ciment compact de poix et de gravier ; également de couleur brunâtre, mais un peu différente. Cette bordure qui sert à maintenir les morceaux détachés, a deux à trois pouces de large, et s'élève un peu au-dessus de la surface de la pierre. La pierre et la bordure sont bordées tout autour d'une plaque d'argent plus large en bas qu'en haut, et offrant des deux côtés un renflement considérable par en bas, comme si une partie de la pierre était cachée dessous. Le bas de cette plaque est garni de clous d'argent."</ref>. À quelques mètres de la Kaaba est installé un autre bétyle nommé Station d'Abraham, prétendument marqué de traces de pas du prophète biblique Abraham<ref>Aucune étude sérieuse n'a pour l'instant réussi à déterminer la pointure du vieil Abraham. L'emprunte de pas attribuée à Mahomet et située à Jérusalem n'a pas été plus étudiée, et les fidèles doivent toujours vivre avec cette terrible incertitude. Les christiens aussi prétendent en avoir une de leur messie.</ref>. Sans prétendre qu'Abraham en soit à l'origine, il est probable que ce bétyle puisse effectivement être marqué d'une trace de pas d'hominine : les préhistoriens retrouvent parfois de tels traces fossilisées avec le temps. Par exemple, dans la région de l'ancien royaume d'Axoum, des traces datées de 800 000 ans ont été mise à jour dans le désert de Danakil (actuelle Érythrée). L'entomo-fabuliste Bernard Werber, connu pour sa trilogie sur les fourmis - un sujet cher aux mahométiens<ref>La fourmi est l'un des cinq insectes mentionnés dans le texte coranique - abeille, mouche, moustique et araignée. La sourate 27 est intitulée ''Les fourmis'' dans laquelle le roi Salomon parle aux oiseaux et aux fourmis.</ref> -, tente lui-aussi en 1418 (1998) dans ''Le Père de nos pères'' une théorie à partir d'une trace de pas préhistorique. Adam, le "premier hominine", serait issu des amours entre une truie et un hominine. Thèse certes hasardeuse et non-conforme aux croyances des monothéismes moïso-christo-mahométiens, mais à peine plus romancée. Néanmoins, elle n'a pas donné naissance à une nouvelle religion. | ||
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+ | En plus de la circumambulation qu'il est nécessaire de faire autour de la Kaaba, le rituel du pèlerinage intègre un autre rite pseudo-bétylique. À environ 5 km de la Kaaba trois piliers espacés de 150 mètres symbolisant le diable doivent être lapidés par les fidèles. Des travaux récents ont transformé ces trois piliers en de longs murs courbes. Le rituel impose aussi d'aller sur deux petites montagnes proches. Le rituel complet actuel - outre les quelques nouveautés propres aux mahométiens - reprend celui pratiqué par les citadins anté-mahométiennes de La Mecque et celui des Bédouins, intégrant les bétyles et les lieux de sacralité alentours. Les fidèles y voient une preuve - par l'absence - de l'ancienneté d'un rituel institué par Adam<ref>Selon la mythologie moïso-christo-mahométienne, Adam est le premier hominine qui pour des raisons encore obscures préféra se détourner de la consommation de viande - de serpent - pour s'affirmer clairement végétarien. Selon cette croyance adamique, les hominines en paierons chèrement le prix. Selon la tradition mahométienne, la tombe de sa compagne d'infortune, Ève, se situe à Djeddah dans l'actuelle Arabie saoudite.</ref> lui-même, les autres une simple récupération d'anciennes croyances selon des procédés déjà utilisés par les moïso-christiens. Très éloignées des pratiques dionysiaques de [[François Augiéras]] qui - des siècles plus tard - préfère voir en la pierre une source de plaisir, une texture sur laquelle frotter son sexe pour en jouir<ref>Si ses textes sous le pseudonyme d'Abdallah Chaamba sont connus, nul ne sait quels furent ses rêves érotiques sur La Kaaba. </ref>. | ||
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+ | Plutôt que de tourner autour, une autre manière de sanctifier des pierres consiste pour les moïso-christiens à en rapprocher une multitude de plus petites sur des hominines grâce à des jets, souples et déterminés, effectués par plusieurs autres hominines. Prenant garde de ne toucher que le bénéficiaire de ce rituel dans ce qui relève aussi d'un jeu d'habilité. Appelée "Jetée bétylique" par les plus poètes des moïso-christo-mahométiens, la lapidation est une pratique souvent considérée comme punition par celui ou celle qui en est la cible. Qui d'ailleurs souvent en meurt. Cette tradition est présente dès les premiers textes moïso-christiens. Puis mahométiens. Ils conservent un rituel punitif employé parmi d'autres communautés politico-religieuses en reformant légèrement les justifications de cet amoncellement bétylico-hominine. La lapidation n'a pas attendu les mahométiens pour ravir les adeptes. | ||
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+ | Entre Moïse et Mahomet, Jésus ''aka'' Christ<sup>Ⓒ</sup> propose une pause dans la pratique de la "Jetée bétylique". Il lui semble plus efficace de privilégier le glaive dans l'argumentation face aux "incroyants", inventeur de fait du concept guerrier de ''jihad''<ref name="#jih" /> bien avant les mahométiens. Extraits de quelques propos tenus par Christ<sup>Ⓒ</sup> selon ses biographes officiels : | ||
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+ | <blockquote>''Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je suis venu apporter, non la paix, mais le glaive.''<ref>Dans l’Évangile selon Matthieu, X, 34</ref></blockquote> | ||
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+ | <blockquote>''Quant à ces gens qui me haïssent et n’ont pas voulu m’avoir pour roi, amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence.''<ref>Dans l’Évangile selon Luc, XIX, 27</ref></blockquote> | ||
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+ | Avec Christ<sup>Ⓒ</sup> les monothéistes tentent de s'extraire de l'âge de pierre. Ses successeurs, christiens et mahométiens, y affûtent leurs lames et font une entrée sanglante dans l'âge de fer<ref>Les croyances et mythologies des christiens et des mahométiens seront les cautions de la plupart des États et pouvoirs politiques, passés et présents, pour légitimer leurs dominations sur les populations.</ref>. | ||
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+ | === Précisions === | ||
+ | [[Fichier:madhhab.jpg|250px|thumb|right|Carte des différentes ''madhhab''<ref>''madhhab'' (مذهب) signifie "conception" et désigne les écoles juridiques mahométiennes.</ref> des mahométiens actuels]]Le terme de ''sunnite'' renvoie généralement à ceux qui ont opté pour les ommeyades, puis plus largement aux croyants qui suivirent les règles théologiques développées par différentes écoles juridiques depuis les omeyyades et leurs successeurs abbassides. Les mahométologues considèrent qu'il existe quatre grandes écoles parmi les sunnites (hanbalisme, chaféisme, hanafisme et malikisme d'après le nom de leur fondateur). Celui de ''chiite'' englobe tous les alides : zaydites, ismaéliens<ref>Farhad Daftary, ''Les ismaéliens. Histoire et traditions d'une communauté musulmane'', Fayard, 2003.</ref> et duodécimains <ref>Henry Corbin, ''En Islam iranien aspects spirituels et philosophiques'', Tome 1 Le shi'isme duodécimain - [https://jugurtha.noblogs.org/files/2018/09/En-Islam-iranien-aspects-spirituels-et-philosophiques-Henry-Corbin.pdf En ligne]</ref> (ou jafarites du nom du sixième imam) pour ne citer que les plus importants<ref name="#Chi">Heinz Halm, ''Le chiisme'', PUF, 1995. Mohammad Ali Amir-Moezzi, Christian Jambet, ''Qu’est-ce que le shi’isme'', 2004 - [https://jugurtha.noblogs.org/files/2018/02/Quest-ce-que-le-shiisme-_-Mohammad-Ali-Amir-Moezzi-Christian-Jambet.pdf En ligne]</ref>. Le kharidjisme est une école spécifique, la plus ancienne de toute. Très minoritaire, elle subsiste encore de nos jours en Tunisie, en Libye et en Oman sous une forme réformée que l'on appelle ibadisme<ref>Moncef Gouja, ''Aux origines de la pensée arabe'', Transbordeurs, 2003</ref>. Aucune de ces écoles ne peut donc prétendre à représenter une orthodoxie, ni prétendre être les "vrais mahométiens". À partir du III<sup>ème</sup> (IX<sup>ème</sup>) siècle, les érudits et théologiens mahométiens commencent à fixer les dogmes et les interprétations de ces écoles, renforçant de fait les différences entre elles. Malgré cela, les frontières entre ces écoles ne sont pas nettes et leurs théologies ou jurisprudences s'entrecroisent. Par exemple, les fondateurs du malikisme et du hafafisme sont élèves de Jafar, le sixième imam alide, et le zaydisme - estampillé chiite - est plus proche des écoles sunnites que le sont les ismaéliens ou les duodécimains. Il existe aussi plusieurs courants mystiques ou confrériques qui ne correspondent pas exactement aux répartitions selon les ''madhhab'' et font des jonctions entre certaines sur des sujets théologiques ou des rituels particuliers. | ||
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+ | Les croyances et mythologies des adaptes de Mahomet se rattachent à celles des adeptes de Moïse ou de Christ<sup>Ⓒ</sup>, avec qui elles partagent les mêmes prophètes et la même divinité. Pour résumer quelques millénaires de théologie monothéiste, disons qu'il existe un dieu créateur de tout, omniprésent et omniscient. Il est Tout<ref>Sébastien Faure, ''Douze preuves de l'inexistence de dieu'', 1908 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Douze_Preuves_de_l%E2%80%99inexistence_de_Dieu En ligne]</ref>. Les hominines sont ses créatures préférées. Parfois, cette divinité envoie aux hominines des messagers qui viennent rappeler que "Il n'y a aucune raison qu'il soit facile d'être hominine". Ou, pour le dire en termes monothéistes - "Les voies du seigneurs sont impénétrables". Car, généralement, les messagers emploient des formes d'expression peu claires et alambiquées - appelées paraboles - qui transforment considérablement le sens profond et permettent de justifier le monde existant. Cette divinité monothéiste<ref>Aussi appelée "Amour divin"</ref> est joueuse et cruelle par nature, rancunière par principe et jalouse par ennui<ref>Notons ici que les polythéismes et leurs divinités sont tout aussi cruels.</ref> : elle met les hominines en demeure de suivre aveuglément les règles d'un jeu, avec des menaces permanentes de punitions horribles en cas de non-respect, tout en leur faisant croire qu'il serait possible d'y échapper. Un jeu auquel personne n'a demandé à jouer. | ||
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+ | <blockquote>''La base obscure de croyances qui transforment la réalité en faux espoirs et font du présent une tombe à ciel ouvert. Une vérité immuable. Les spéculations théologiques autour de rien ne sont que des versions maintes fois ressassées d’histoires à dormir debout. La protivophilie évacue la question de dieu, inutilité humaine qui persiste à affirmer et à incarner une omniprésence, une omnipotence et une omniscience. Une vision très éloignée des prétentions de la protivophilie à rien.''<ref name="#FM" /></blockquote> | ||
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+ | Les religions et les croyances non-monothéistes regorgent aussi de divinités les plus improbables dont les mythes fondateurs sont tout aussi abracadabrants : un acte zoophile entre un "Ancêtre" et un autre animal, une tortue par exemple ou un raton-laveur, un être imaginaire géant dont les excréments font naître la vie, des esprits arboricoles qui décident d'expérimenter la bipédie ou une catastrophe causée par des ancêtres distraits contraignant les hominines à chasser le mammouth et gratter la terre, etc. | ||
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+ | == Dissidences et qarmates == | ||
+ | Depuis la mort de Mahomet, la bataille pour sa succession politique divise profondément la communauté de ses adeptes. Dans certains cas, cela s'apparente à un état de "guerre civile" que se mène les prétendants et leurs troupes. Alors qu'au nord de la Méditerranée les christiens se structurent en Église entrecroisée au pouvoir politique - souvent dynastique - mais qui agit "indirectement" sur lui, les mahométiens préfèrent s'organiser en dynasties - un peu sur le modèle tribal - qui détiennent directement le pouvoir. Par l'expansion des mahométiens, les fidèles sont de plus en plus divers dans leurs origines ou leurs conditions sociales. Tous et toutes ne sont pas originaires de la péninsule arabique - donc sans lien de "famille" avec le prophète - et parlent parfois d'autres langues que celles qui s'y pratiquent. Si les kharidjites sont les premiers à contester le "lien de sang" dans la succession du pouvoir, les alides ne sont pas en reste même s'ils sont parfois dans des entre-deux. | ||
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+ | === Exagériens === | ||
+ | Parmi les multiples "courants" qui existent au sein des kharidjites et des alides vont apparaître des formes extrémistes, dite ''ghulât'' qui signifie "exagéré"<ref name="#Chi" />. Grands utilisateurs de l'''ijtihad'', ces "exagériens" sont régulièrement accusés d'avoir des interprétations trop symboliques qui réduisent finalement les restrictions religieuses à rien. | ||
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+ | <blockquote>''Nulle contrainte en religion''<ref>''Le coran'', sourate II "La vache", verset 256</ref></blockquote> | ||
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+ | Dans ce verset obscur et contradictoire, les mahométiens non-exagériens - trop sensibles à la poésie - voient ce qu'ils nomment un "septain oxymorique" - une contradiction en sept pieds - qui est pour eux la marque du style poétique inimitable et de la beauté des textes mahométiens, alors que les exagériens y décèlent une invitation à mettre fin à tout<ref>Voir Michel Antony, "Islam et utopie", 2009 - [http://www.acratie.eu/FTPUTOP/UT-ISLAM05-2009.DOC En ligne]. Repris dans le chapitre IV "Quelques mouvements de révoltes et de réflexions parfois libertaires dans le monde islamique" dans ''Utopies libertaires dans l'espace et dans le temps'' - [http://www.acratie.eu/FTPUTOP/U4TRACES.DOC En ligne]</ref>. | ||
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+ | Mais pour cela ils attendent quelques signes leur indiquant le moment exact. Entre autre la venue d'un ''mahdi'' qui guidera le monde et annoncera la fin des temps ! Fiévreusement attendu par nombres d'alides. Les apparitions régulières de ''mahdi'' auto-proclamés se transforment parfois en révoltes armées ou en soulèvements populaires<ref>Pour un historique datant de 1885, voir James Darmesteter, ''Le mahdi. Depuis les origines de l'islam jusqu'à nos jours'', Manucius, 2004. Des ''mahdi'' sont apparus autant parmi les alides que les non-alides - communément nommés sunnites - du Maghreb nord-africain à l'Asie. En Inde, voir par exemple Marc Gaboriau, ''Le mahdi incompris'', CNRS Editions, 2010. La dernière apparition recensée d'un ''mahdi'' date du début du XXI<sup>ème</sup> siècle en Irak. Les "Soldats du Paradis" reconnaissent Abdul Zahra Kadim comme étant le douzième imam alide attendu et qui doit enfin instaurer un nouvel ordre divin. Plus d'un millier de ses partisans s'affrontent à Najaf en 2007 avec les forces armées irakiennes, puis américaines, dans des combats qui font plusieurs centaines de morts parmi les adeptes du ''mahdi''. Celui-ci est tué et des centaines sont arrêtés, hommes, femmes et enfants. Les Soldats du Paradis sont accusés d'avoir projeter de tuer les autorités religieuses de la ville considérées illégitimes.</ref>. | ||
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+ | Des courants exagériens n'ont pas hésité à assimiler des hominines à la divinité monothéiste. Ali, le gendre de Mahomet, ou certains imams alides ont bénéficié de ce statut privilégié qui les place au centre de Tout. Leurs morts sont venues leur démontrer qu'il n'en était rien. | ||
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+ | <blockquote> | ||
+ | ''Avant notre venue,''<br> | ||
+ | ''rien ne manquait au monde''<br> | ||
+ | ''Après notre départ,''<br> | ||
+ | ''rien ne lui manquera''<ref name="#omar" /><br> | ||
+ | </blockquote> | ||
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+ | === Qarmates === | ||
+ | Outre la propagande et l'implantation dans le Maghreb, les ''daï'' ismaéliens créent des communautés à travers l'empire abbasside. | ||
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+ | ==== Hère de rien ==== | ||
+ | [[Fichier:qarmates.jpg|250px|thumb|right|Carte des attaques menées à partir du territoire qarmate]]Dans la ville de Koufa - actuel Irak - s'installe un petit groupe sous la direction de Hamdan "Qarmat"<ref>Le terme de ''qarmat'' est un surnom - peut-être d'origine non-arabe - dont la signification n'est pas clairement définie. Selon l'étymologie retenue, il a le sens de "villageois", exprime le fait de marcher à petit pas ou être traduit par "jambes courtes". Faut-il rapprocher ce dernier sens avec les paroles de Mahomet - selon une compilation sortie deux siècle après sa mort - qui affirmait : "L’abyssin [éthiopien] aux jambes courtes ruinera la Ka'ba" ?</ref> Ibn al-Ach'ath qui, selon la tradition mahométienne, était un "pauvre hère", laboureur et exploité, en révolte contre le pouvoir abbasside et gagné à la cause par un ''daï'' en 260 (874). Tout en résistant au pouvoir abbasside, Hamdam Qarmat envoie quelques ''daï'' vers le sud de la péninsule arabique et le long de ses côtes orientales pour y implanter de nouvelles communautés. Leur ''dawa'' (propagation) s'adresse aux alides non-ismaéliens en deuil de leur onzième imam et de la disparition du suivant qui est, selon eux, "occulté". Alides qui prendront le nom de duodécimains. | ||
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+ | Malgré la création de l'empire fatimide à partir de bases ismaéliennes au Maghreb, Hamdam Qarmat ne reconnaît pas le nouveau calife et lui dénie le rôle du ''mahdi'' qu'il prétend être<ref>Mercedes Garcia-Arenal (Dir), "Mahdisme et millénarisme en Islam", ''Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée'', n° 91-94, 2000 [http://journals.openedition.org/remmm/1329 En ligne]</ref>. À la mort de Hamdam Qarmat, ses deux successeurs continuent de lancer des attaques contre le territoire abbasside. Alors qu'elles menacent Bagdad, les troupes qarmates sont défaites en 294 (907). | ||
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+ | Plus au sud, le long de la côte orientale de la péninsule, les communautés qarmates résistent aussi, puis progressent face aux abbassides. La prise de plusieurs oasis et ports permet la création d'un État qarmate viable dès le début du X<sup>ème</sup> siècle<ref>Pour une version romancée voir Jocelyne Laâbi, ''Hérétiques'', La Différence, 2013</ref> dans cette partie de la péninsule. En 300 (913) lorsque l'instigateur de cet État meurt, son frère lui succède pendant 10 années en attendant la majorité du fils aîné. Lorsqu'en 311 (923) Abû Tâhir prend les rênes du pouvoir qarmate, il a tout juste 17 ans<ref name="#abu">F. Merdjanov, ''Abû Tâhir. Portrait d'un qarmate'', date inconnue (Inédit)</ref>. Dans les premières années du règne guerrier d'Abû Tâhir, le territoire qarmate s'étend de l'actuel Qatar jusqu'au Koweit, englobant les oasis de Al-Hassa et Qatif (actuelle Arabie saoudite) et les îles Awal (actuel Bahreïn) jusqu'aux limites du désert de la péninsule. Bassorah est attaquée et pillée en 312 (924), sa mosquée détruite par les assaillants qarmates. Les caravanes de retour ou en partance pour la Mecque sont régulièrement attaquées et les pèlerins sont généralement tués. | ||
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+ | ==== Ère de rien ==== | ||
+ | Depuis l'apparition des ismaéliens, le corpus théo-philosophique s'est étoffé au fil des décennies de travaux, de traductions et d'interprétations de nombreux textes issus des pensées philosophique et mythologique de la Grèce antique. Plusieurs courants christiens et les religions pré-mahométiennes non-monothéistes influent aussi sur la mise en place d'une pensée ismaélienne originale. On retrouve ainsi la réincarnation chères aux anciens grecs, ou la nature divine de l'hominine proclamé porte-parole de la divinité unique, idée défendue par certains christiens. La littérature ismaélienne est riche et touche des domaines aussi diversifiés que la philosophie, les mathématiques, la géographie ou l'astronomie pour n'en citer que quelques-uns. Par cet enrichissement, les ismaéliens affirment se conformer au mieux à leur religion et être au plus prêt du sens caché des textes sacrés mahométiens. | ||
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+ | La proximité entre astronomie et astrologie chez les ismaéliens n'est pas dû à une mauvaise compréhension de la langue grecque, ni à une erreur, mais elle est la conséquence de l’interconnexion entre science et religion. L'astronomie est une activité répandue parmi les savants mahométiens qui écrivent de multiples traités pour rendre compte de leurs observations du ciel. Ainsi, la conjonction des planètes Saturne et Jupiter dans le ciel terrien en 316 (928) est pour les qarmates le signe d'un nouveau cycle, attendu. Ce 10 ramadan 316 (27 octobre 928) clôt les cycles qui se sont succédés depuis la mort de Mahomet pour ouvrir l'ère de la religion selon les qarmates. Sur un mode proche de l'horoscope, une étude datée de 1303 (1886) sur les "carmathes" nous éclaire : | ||
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+ | <blockquote>''C'est l'apparition de Mars dans l'Écrevisse qui exerce l'influence la plus malfaisante, à moins qu'elle ne soit contrebalancée par les deux astres favorables, Jupiter et le Lune. Nous devons donc admettre que l'année fatale [...] sera annoncée par cette apparition de Mars au moment où Jupiter et la Lune étant dans leur ''déjection'' ne pourront exercer que le minimum de leur influence bienfaisante, et qu'elle tombera dans la période de la septième conjonction de Jupiter et de Saturne, dans le Sagittaire, qui commence en 316 (928)''<ref>M. J. de Goeje, ''Mémoires sur les Carmathes du Bahraïn et les Fatimides'', 1886 [https://archive.org/download/mmoiresurlescar00goejgoog/mmoiresurlescar00goejgoog.pdf En ligne]</ref></blockquote> | ||
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+ | Les adeptes de l'astrologie à la page-détente d'un quotidien régional ou des dossiers de magazine consacrés aux prévisions de l'année suivante comprennent sans doute que cela annonce de bonnes choses à venir pour les qarmates, les autres doivent se contenter de l'obscurité d'une telle explication. D'ailleurs, d'un point de vue protivophile, la mention au détour d'un texte que [[F. Merdjanov]] soit "Chien" en astrologie chinoise ne doit pas laisser croire que cela explique sa vie ou les ''Analectes de rien'' ! L'astrologie est une autre approche du bétylisme qui dans une adoration comique des astres prévoit de cosmiques désastres. | ||
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+ | Au nom de leurs croyances en la parole de Mahomet, les troupes qarmates menées par Abû Tâhir traversent la péninsule pour se diriger vers le Hejjaz en 318 (930). Avec la ferme intention d'en découdre, inspirées de ces quelques mots coraniques attribués à Abraham : | ||
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+ | <blockquote>''Lors il dit à son père et à son peuple : "Qu'est-ce que ces statues auxquelles vous êtes si dévots ?"''<BR>''Ils dirent : "Nous avons trouvé nos pères les adorant"''<BR>''Il dit : "Sûr que vous étiez, comme vos pères, dans un radical égarement"''<ref>''Le coran'', sourate XXI "Les prophètes", versets 52, 53 et 54</ref></blockquote> | ||
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+ | Ils attaquent La Mecque et massacrent tous les mahométiens en train de faire le pèlerinage. La source de Zamzam est comblée avec des cadavres. Le sanctuaire de la ''kaaba'' est profané par les fidèles qarmates qui arrachent la pierre noire de son socle. Déjà endommagée en 63 (683) par une catapulte omeyyade, puis rafistolée, la pierre est de nouveau brisée en plusieurs morceaux. Le tissu recouvrant la ''kaaba'' est mis en pièces. Pour les qarmates, le sanctuaire de La Mecque est une tradition païenne qui ne fait rien d'autre que vénérer une pierre, une forme d’idolâtrie fort éloignée du message de Mahomet. Mettre à mort des pèlerins dans un endroit prétendument sacré est pour eux une démonstration éclatante - et sanglante - de l'absurdité d'une telle prétention. Après le pillage désacralisateur de la ville, les qarmates repartent avec la pierre noire qu'ils stockent ensuite dans un coin. | ||
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+ | La même année, les qarmates s'implantent jusqu'aux côtes omanaises, au sud de la péninsule arabique et, au nord, remontent jusqu'à Koufa qu'ils occupent plusieurs semaines avant d'en être chassés. | ||
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+ | [[Fichier:pierrenoire.png|250px|thumb|right|Croquis de la pierre noire daté du milieu du XIX<sup>ème</sup> siècle]]En 319 (931), à l'apogée territoriale et militaire de l'État qarmate, Abû Tahîr présente à ses fidèles un jeune esclave originaire d'Ispahan (actuel Iran) comme étant le ''mahdi'' tant attendu. Celui qui doit, selon les qarmates, restaurer la vraie religion, celle de l'époque d'Adam, paradisiaque et sans lois. Les prescriptions mahométiennes sont abolies : la prière, le jeun, le pèlerinage. Le sens caché du coran se révèle ainsi être sa propre caducité. La liberté est pour maintenant, et le reste n'a aucune importance<ref>Faut-il y voir une forme ancienne de "maho-spontex" pour reprendre l'expression mao-spontex qui désigne les maoïstes spontanéistes des années 1970C ?</ref>. L'ensemble des obligations liées à la loi mahométienne (''charia'') sont définitivement rejetées. | ||
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+ | <blockquote>''Adepte de ce grand Rien - avec majuscule - qui le sépare et le relie à la divinité, le [...] qarmate Abû Tâhir projette d'en finir avec Tout. Les dogmes, l'islam, les religions, les pouvoirs en place, les hiérarchies et Tout ce qui fait entrave à Rien.''<ref name="#abu" /></blockquote> | ||
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+ | Une partie des qarmates refusent ce ''mahdi'' et quittent le territoire. Malheureusement pour les autres qarmates, et particulièrement pour le ''mahdi'', ce dernier s'avère n'être rien d'autre qu'un simple hominine n'ayant aucun lien privilégié avec la divinité. Il y a erreur sur la personne. Pour cette faute impardonnable, il est assassiné par Abû Tahîr. La liberté fut de courte durée. | ||
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+ | À la mort d'Abû Tahîr en 332 (944), sa succession se divise entre différents prétendants, mais finalement un système de conseil est mis en place. Après plusieurs négociations, la pierre noire est envoyée à Koufa en 338 (950) afin d'y être examinée puis elle est restituée à La Mecque, contre une rançon selon certains. La prise de Damas en 357 (968) étend le territoire qarmate mais accentuent les affrontements militaires contre les fatimides et les abbassides. En 366 (977), l'État qarmate affaibli n'est plus en mesure de conserver Damas. Il se retire et se retranche dans son territoire de la péninsule pour redevenir une petite puissance régionale, prospère mais fragile, cernée par des puissances hostiles. | ||
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+ | Aidée par les abbassides et les turcs seljoukides, les îles Awal sont prise en 450 (1058) par une tribu hostile aux qarmates, puis l'oasis de Qatif. Après plusieurs années de siège, l'oasis-capitale al-Hassa tombe en 469 (1077). L'État qarmate n'existe plus. Une nouvelle dynastie est mise en place. Elle régnera sur la région jusqu'en 651 (1253). | ||
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+ | L'erreur de casting pour le ''mahdi'' et les pressions militaires font taire les aspirations qarmates qui se dissolvent dans celles des alides duodécimains. Lors de son voyage à Qatif en 731 (1331), Ibn Battuta ne mentionne aucune présence qarmate. Il décrit des pratiques religieuses d'alides qui pour lui sont tous des ''ghulât'', des exagèriens<ref>Ibn Battûta, ''Voyages'', De la Mecque aux steppes russes, vol. 2 [http://classiques.uqac.ca/classiques/ibn_battuta/voyages_tome_II/ibn_battuta_t2.pdf En ligne]</ref>. | ||
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+ | ==== Aire de rien ==== | ||
+ | Nassiri Khosrau, qui visite la région au début du V<sup>ème</sup> (XI<sup>ème</sup>) siècle, décrit ainsi la société qarmate : | ||
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+ | <blockquote>''Lorsque je me trouvais à al-Hassa, ces princes possédaient trente mille esclaves nègres ou Abyssiniens, achetés à prix d'argent et qui étaient employés à des travaux d'agriculture et de jardinage. Le peuple n'avait à payer ni impôt ni dîme. Si quelqu'un tombait dans la pauvreté ou s'endettait, on lui faisait des avances jusqu'à ce que ses affaires fussent rétablies ; si quelqu'un avait contracté une dette, son créancier ne réclamait de lui que le capital. Tout étranger connaissant un métier recevait, à son arrivée à al-Hassa, une certaine somme dont il disposait jusqu'à ce qu'il eût des moyens d'existence assurés. Il pouvait acheter les matières et les outils nécessaires à son industrie et il restituait, quand il le désirait, la somme exacte qui lui avait été prêtée. Si le propriétaire d'une maison ou d'un moulin vient à être ruiné, et s'il n'a pas le moyen de remettre son immeuble en état, les gouverneurs désignent un certain nombre de leurs esclaves qui sont chargés de réparer les dommages éprouvés par les maisons ou les moulins; il n'est rien réclamé, pour ce fait, au propriétaire. Il y a à al-Hassa des moulins qui sont la propriété de l’État et dans lesquels on convertit, pour les particuliers, le blé en farine, sans rien exiger de qui que ce soit. L'entretien de ces moulins et le salaire des ouvriers qui y travaillent, sont à la charge du gouvernement. [...] Il n'existe point à al-Hassa de mosquée où l'on puisse faire la prière du vendredi; on n'y récite point la khouthbèh et on n'y fait pas la prière.''<ref>''Sefer nameh. Relation du voyage'' de Nassiri Khosrau, 1035 - 1042 [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6154886b/f12.image En ligne].</ref></blockquote> | ||
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+ | La plupart des textes sur les qarmates émanent de leurs opposants politiques ou religieux, et sont généralement à charge. Il est donc difficile de faire la part des choses entre ce qui relève de la calomnie ou de faits réels. Outre l'abandon des rituels de la prière et du pèlerinage, et la désertion des mosquées, l'organisation sociale qarmate est au centre des rares commentaires par des contemporains. Un "certain" égalitarisme - sauf pour les esclaves - et l'absence de différenciation entre hommes et femmes pour ne citer que les plus "marquants". Cela a suffit à alimenter les discours politiques sur le proto-communisme chez les qarmates. | ||
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+ | ==== Air de rien ==== | ||
+ | La plus grande partie du territoire de l'Etat qarmate est aujourd'hui située sur les îles Awal au Bahreïn et dans la province orientale (Ash Sharqiyah) de l'Arabie saoudite. Les habitants sont majoritairement alides duodécimains mais il serait fallacieux de penser qu'ils sont les descendants des qarmates utilisant la ''taqiya'' (dissimulation), faisant mine d'être de "bons mahométiens", l'air de rien. | ||
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+ | === Nizâriens === | ||
+ | En 483 (1090), une communauté d'ismaéliens s'installent dans la forteresse d'Alamut (actuel Iran) sous la direction de Hassan al-Sabbah. Contrairement aux qarmates, ils reconnaissent le pouvoir et la légitimité des fatimides mais à la mort, en 487 (1094), du huitième calife fatimide - et 18<sup>ème</sup> imam ismaélien - ils refusent de suivre Al-Musta'li, le fils cadet du défunt calife. Hassan al-Sabbah prend partie pour le fils aîné, Nizâr ben al-Mustansir, désigné selon ses partisans par son propre père avant de mourir. La révolte de Nizâr est écrasée. Il est emmuré et meurt en 490 (1097). Son fils et successeur rejoint Hassan al-Sabbah à Alamut. | ||
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+ | [[Fichier:Alamut.jpg|250px|thumb|right|Ruines d'Alamut]]Les [[nizâriens]] de Hassan al-Sabbah s'étendent et s'installent dans plusieurs autres forteresses en Perse et en Syrie fatimide. En parallèle d'une forte activité littéraire et philosophique, d'exégèses théologiques, les nizâriens deviennent de féroces opposants aux fatimides, puis aux Croisés qui tentent d'envahir la région à partir de l'Europe. Ils pratiquent l'assassinat politique contre les dirigeants, politiques ou religieux, fatimides ou croisés. Le terme ''assassin'' et le sens qu'on lui connaît ont pour origine une déformation d'un mot désignant les nizâriens que l'historiographie nomment souvent Assassins<ref>Bernard Lewis, ''Les Assassins. Terrorisme et politique dans l'islam médiéval'', Éditions Complexes, 1982. Farhad Daftary, ''Légendes des Assassins - Mythes sur les ismaéliens'', Vrin, 2007. </ref>. Le réseau qui se tisse entre les différentes forteresses renforce la puissance politique des nizâriens et fait de Alamut le centre d'un vaste mouvement de contestation. Une bibliothèque gigantesque est installée à Alamut dans laquelle se côtoient des ouvrages mahométiens mais aussi christiens, des textes de la Grèce antique ou latins, des traités anciens, sur des sujets aussi divers que la philosophie ou la théologie, l'astronomie ou la médecine, les techniques et les sciences. L'érudit Hassan al-Sabbah est autant le chef militaire que spirituel de la communauté des nizâriens<ref>Pour des versions romancées, voir Vladimir Bartol, ''Alamut'', Phebus, 2001. Et Amin Maalouf, ''Samarcande'', Jean-Claude Lattès, 1988</ref>. | ||
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+ | <blockquote>''Rien n'est vrai, tout est permis''<ref>Propos attribués à Hassan al-Sabbah. Repris par Friedrich Nietzsche dans ''Ainsi parlait Zarathustra''</ref></blockquote> | ||
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+ | Après la mort de Hassan al-Sabbah en 518 (1124) l'État nizârien se consolide sous ses différents successeurs, malgré les attaques des abbassides, des fatimides et des seldjoukides. En 557 (1162), Hasan II ‘Alâ Dhikrihi al-Salâm succède à son père en tant que 23<sup>ème</sup> imam nizârien. Le 17 ramadan 559 (8 août 1164), il proclame la "Grande Résurrection" lors de laquelle les lois mahométiennes sont suspendues afin de laisser place à la "vrai religion"<ref>Christian Jambert, ''La grande résurrection d'Alamût. Les formes de la liberté dans le shî'isme ismaélien'', Verdier, 1990.</ref>. Pour l'imam [[nizâriens|nizârien]], le sens caché du texte coranique est ainsi dévoilé dans son intégralité<ref>Pour la version nizârienne, voir le texte écrit dans la seconde moitié du XIII<sup>ème</sup> siècle par Nasîroddîn Tûsî, ''La convocation d'Alamut'', édité chez Verdier en 1996. </ref>. Blessé, il meurt deux ans plus tard. | ||
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+ | Jusqu'en 606 (1210), pendant les 44 années de son imanat, le 24<sup>ème</sup> imam nizârien poursuit la grande réforme entamée par son prédécesseur. Ses deux successeurs se font plus discrets et réinstaurent la pratique de la ''taqiya'' qui autorise les nizâriens à dissimuler leurs pratiques religieuses lorsqu'ils sont entourés de mahométiens non-nizâriens. Celui qui devient en 653 (1255) le 27<sup>ème</sup> imam nizârien est tué lors de combats contre les troupes mongoles qui attaquent la région. En 656 (1258), Alamut est rasée par les mongols. La forteresse syrienne de Masyaf est assiégée en 658 (1260). La dernière forteresse nizârienne tombe en 671 (1273). | ||
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+ | Les survivants se dissimulent dans la population ou se réfugient en Asie centrale et en Inde pour y former quelques communautés. La lignée des imams nizâriens ne parvient pas à maintenir son influence sur tous les groupes de fidèles qui n'ont parfois plus aucun contact entre eux. Plusieurs lignées concurrentes apparaissent. Les nizâriens de Perse se réorganisent vers le IX<sup>ème</sup> (XV<sup>ème</sup>) siècle. Au XIII<sup>ème</sup> (XVIII<sup>ème</sup>) siècle, en Perse, la dynastie d'origine turkmène - les qadjars - renverse le pouvoir en place et s'installe sur le trône de l'empire. Après des affrontements entre alides duodécimains et nizâriens qui se soldent par la mort du 45<sup>ème</sup> imam en 1232 (1817), l'empereur instaure le titre de "Agha Khan" pour le successeur de l'imam. Puis, il lui donne une de ses filles en mariage et le nomme gouverneur de province. Après une tentative de coup de force armé contre le nouvel empereur, Agha Khan I<sup>er</sup> doit fuir la Perse et se réfugie en Inde en 1257 (1841). La justice britannique contraint les nizâriens des Indes à reconnaître l'autorité de l'Agha Khan qui peut ainsi disposer de l'ensemble des biens et richesses de la communauté. Riche héritier de cette lignée, l'Agha Khan Quatrième du nom est, de nos jours, un prince philanthrope qui dépense l'argent de ses adeptes dans des projets de scolarisation, de construction et de modernisation. Divine ironie que ce personnage tout droit sorti du ''Banquier anarchiste'' de Fernando Pessoa se dise nizârien. Encore un libertarien<ref>"Libéral ou libertaire, libéralisé ou libérateur, libéré ou libertarien ? Peu importe pour nous de nuancer et de choisir le moins illusoire, la racine liber – libre – nous indique le degré d’illusions que tout cela contient. Des illusionnistes, qui veulent faire croire qu’il n’y a rien derrière alors que s’y cache le quelque-chose, restent des illusionnistes. L’illusionnisme consiste en cela, c’est même la meilleure définition à en donner." Extrait de "Vie et œuvre de F. Merdjanov"</ref> qui s'approprie l'antique ''ex nihilo nihil fit'', "Rien ne vient de rien" pour en faire le très moderne "On a rien sans rien". | ||
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+ | <blockquote>''Rien''<ref>Tag anti-Tout parfois trouvé sur des murs du sud de la France ([[Nice]] ?). Non daté.</ref></blockquote> | ||
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+ | == Destructions == | ||
+ | Malgré la protection divine dont il jouit, le sanctuaire de la ''kaaba'' n'a pas échappé aux destructions naturelles et aux profanations par des hominines. | ||
+ | * -32 (590). Des pluies torrentielles endommagent gravement la ''kaaba''. Détruite puis reconstruite. | ||
+ | * -17 (605). Un incendie détruit la ''kaaba''. | ||
+ | * 64 (684). Les omeyyades assiègent la ville et l'incendient. Le sanctuaire est entièrement détruit. | ||
+ | * 73 (692). Les mêmes omeyyades le détruisent à nouveau avec des catapultes. | ||
+ | * 202 (817). Inondation du sanctuaire. | ||
+ | * 208 (823). Inondation du sanctuaire. | ||
+ | * 297 (909-910). Inondation du sanctuaire. | ||
+ | * 318 (930). Saccage de La Mecque, destruction de la ''kaaba'' et vol de la pierre noire par les qarmates. | ||
+ | * V<sup>ème</sup> (XI<sup>ème</sup>) siècle. Une personne tente de briser la pierre noire. Elle est tuée avant d'avoir pu faire de gros dégâts. | ||
+ | * 802 (1400). Destruction partielle par le feu de la mosquée entourant la ''kaaba'' | ||
+ | * 1030 (1621). Inondation du sanctuaire. | ||
+ | * 1039 (1630). Des pluies diluviennes inondent le sanctuaire. Le bâtiment s'effondre. | ||
+ | * 1085 (1674). De la boue est étalée sur la pierre noire et la porte de la ''kaaba'' par une personne restée anonyme.<ref>Jean Louis Burckhardt, "Voyage en Arabie, comprenant une description des territoires du Hedjaz, regardés comme sacrés par les mahométiens (1814-1817)", ''Bibliothèque universelle des voyages: effectués par mer ou par terre dans les diverses paries du Monde'', vol 32, 1835</ref> | ||
+ | * Vers 1153 (1740), un dignitaire religieux de la péninsule critique le projet de destruction de la pierre noire encouragée par Mohammed ben Abdelwahhab, fondateur d'un mouvement rigoriste appelé wahhabisme par ses détracteurs<ref>Hamadi Redissi, ''Le pacte de Nadj'', Seuil, 2007</ref>. | ||
+ | * 1221 (1806). Les troupes wahhabites attaquent La Mecque. Ils détruisent la plupart des sites liés à la religion de l'époque de Mahomet. Toutes les tombes et mausolées des proches compagnons ou des membres de la famille du prophète sont rasés. La pierre noire est piétinée. Plusieurs mosquées sont détruites. Médine subit aussi la fureur des iconoclastes wahhabites.<ref>Maurice Gaudefroy-Demombynes, ''Le pèlerinage à la Mekke : étude d'histoire religieuse'', 1923 [https://ia801901.us.archive.org/30/items/lepelerinagelame00gaud/lepelerinagelame00gaud.pdf En ligne]</ref> | ||
+ | * 1343 (1925). Nouvelles destructions à La Mecque par les troupes wahhabites. | ||
+ | * 1 au 14 mouharram 1400 (20 novembre - 4 décembre 1979). Le premier jour de l'année 1400, selon le calendrier mahométien, plusieurs centaines de personnes prennent d'assaut le sanctuaire. Un prétendant ''mahdi'' fait partie des assaillants. Après plus de 100 morts de part et d'autres, et près de 500 blessés, la ''kaaba'' retrouve son activité idolâtre. Le ''mahdi'' est tué et une soixante de ses fidèles exécutés. | ||
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+ | == R de rien == | ||
+ | Au nord du territoire qarmate, la région marécageuse de basse Mésopotamie est depuis le I<sup>er</sup> (VII<sup>ème</sup>) siècle sous le contrôle des pouvoirs mahométiens omeyyades puis abbassides. S'appuyant sur de supposées paroles de Mahomet qui affirme que "Quiconque exploite une terre sans propriétaire est en droit de la posséder" selon certains, ou "Quiconque fait ressusciter une terre morte mérite de la posséder" selon d'autres, ils y emploient des milliers d'esclaves dans le but d'assécher les marais pour développer la culture de la canne à sucre. Les conditions de travail sont terribles. La plupart des esclaves viennent d'Afrique, et particulièrement de ce que les perses nomment la Côte des Noirs, ''Zanji-bar'', en Afrique de l'Est le long des côtes de l'océan Indien<ref>Jacques Heers, ''Les négriers en terre d'islam. VII<sup>e</sup> - XVI<sup>e</sup> siècle'', Perrin, 2003</ref>. D'autres du sous-continent indien et, plus marginalement, s'y ajoutent des prisonniers faits lors d'attaques de caravanes ou de navires. Le terme de ''zandj'' désigne généralement l'ensemble des esclaves utilisés dans les marais, quelle qu'en soit la provenance. | ||
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+ | En 69 (689), des petits groupes éparses de zandjs se révoltent. Ils attaquent et pillent quelques villes et navires de commerce avant d'être anéantis. Cinq ans plus tard, des zandjs originaires du Sind (dans l'actuel Inde et Pakistan) employés à garder des troupeau se soulèvent. Sous la direction du "Lion des Zandjs", cette révolte s'intensifie et de nombreux esclaves fugitifs la rejoignent. Ils tiennent tête aux armées de Bagdad par deux fois puis sont écrasés. | ||
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+ | [[Fichier:zandj.png|250px|thumb|right|Révolte des zandjs (869 - 883)]]Sous la direction de Ali ibn Muhammad - qui se dit descendant de Ali, le gendre du prophète des mahométiens - des révoltes éclatent en 250 (864) parmi des tribus de la péninsule arabique. La répression contraint ses fidèles à se réfugier plus au nord, en basse Mésopotamie. À partir de 255 (869), ils attaquent les camps d'esclaves pour les libérer. Bientôt fort de quelques milliers d'hommes, ils prennent certaines villes de la région, libérant à chaque fois les esclaves qui s'y trouvent. Les troupes abbassides tentent à plusieurs reprises d'en finir à la rébellion mais elles sont défaites à chaque fois lors des combats contre les zandjs. Auto-proclamé ''mahdi'', l'érudit et guerrier Ali ibn Muhammad instaure progressivement un État zandj sur lequel il règne. Ses troupes sont composées des quelques tribus de la péninsule arabique ralliées et de zandjs libérés qui n'hésitent pas à capturer des prisonniers pour les mettre en esclavage. Après plusieurs années de combats et de siège, dans une région marécageuse difficilement accessible, les abbassides parviennent à tuer le ''mahdi'' en 269 (883), raser la capitale de l'État et mettre ses troupes en déroute. Ceux qui ne sont massacrés, ou repris et mis de nouveau en esclavage, parviennent à s'enfuir pour se réfugier plus au sud, dans ce qui sera bientôt territoire qarmate<ref>Alexandre Popovic, ''La révolte des esclaves en Iraq aux III<sup>e</sup>/IX<sup>e</sup> siècle'', Geuthner, 1976. Voir Alexandre Popovic, "La révolte des Zandj, esclaves noirs importés en Mésopotamie", ''Cahiers de la Méditerranée'', n° 65, 2002 - [http://journals.openedition.org/cdlm/pdf/48 En ligne] </ref>. | ||
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+ | Pour les historiens et les mahométologues, il est difficile de déterminer les liens exacts qu'il pouvait y avoir entre la révolte des zandjs et celle des qarmates, même s'ils sont évoqués. Des sources protivophiles - non encore exploitées - mentionnent l'existence d'une comptine pour enfants intitulée ''R de rien'' qui atteste d'une relation qui, évidemment, tient à rien <sup>[Références nécessaires]</sup>. Le ou les auteurs, ainsi que la date de rédaction, restent à ce jour inconnus. Deux versions existent, réunies sous le titre ''Désert de rien''<ref name="#abu" />. La première retrace l'histoire de Hamdan Qarmat et la seconde résume la révolte des zandjs, sans qu'il soit possible de définir laquelle précède chronologiquement l'autre dans son écriture. | ||
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+ | {| | ||
+ | |+ ''R de rien'' | ||
+ | |style="width: 100px;"| | ||
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+ | ''Un hère de rien''<BR> | ||
+ | ''Un air de rien''<BR> | ||
+ | ''Une ère de rien''<BR> | ||
+ | ''Une aire de rien''<BR> | ||
+ | ''Désert de rien''<BR> | ||
+ | |style="width: 50px;"| | ||
+ | | | ||
+ | ''Des aires de rien''<BR> | ||
+ | ''Des hères de rien''<BR> | ||
+ | ''Des airs de rien''<BR> | ||
+ | ''Des ères de rien''<BR> | ||
+ | ''Déserts de rien''<BR> | ||
+ | |} | ||
+ | |||
+ | Des études plus approfondies permettront sans doute de lever un peu du mystère des origines de cette comptine et de son sens qui pour l'instant reste un peu obscur. Comme d'ailleurs la plupart des écrits religieux qui, dans une [[macédoine]] philosophique et une méthode auto-justificatrice, cachent le désespoir et la douleur de ne pouvoir répondre à la seule question véritablement essentielle pour celles et ceux qui ont la foi en la divinité : "Et s'il n'y avait rien !?". Le mystique mahométien Mansur al-Hallaj - suspecté d'être proche des zandjs - est crucifié en 310 (922) pour avoir oser y répondre en affirmant "Je suis dieu", près de mille ans avant que [[Ladislav Klíma]] ne prononce son "Deus Sum". Les thématiques abordées se retrouvent dans la plupart des grands textes de la pensée des révolutionariens modernes<ref>Anonyme, ''Éloge de rien dédié à personne'', 1730 - [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6308420j?rk=21459;2 En ligne]. Et Anonyme, ''Éloge de rien'', 2014 - [http://analectes2rien.legtux.org/images/ElogeDeRien.pdf En ligne].</ref> et sont au cœur de l'œuvre de [[F. Merdjanov]]. | ||
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+ | Si l'exégèse religieuse n'apporte rien à tout, la [[protivophilie]] rapporte tout à rien. L'une répond, l'autre questionne. | ||
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+ | == Exégèse de rien == | ||
+ | Un texte intitulé ''Abû Tahîr. Portrait d'un qarmate''<ref name="#abu" /> est attribué à [[F. Merdjanov]]. Il est à ce jour inédit. Les recherches entreprises par la [[protivophilie]] n'ont pu aboutir à l'obtenir. Néanmoins, ces mêmes études ont permis de confirmer en partie son authenticité. Le choix du sujet et les questionnements qu'il implique sont en liens directs avec certaines thématiques de l'œuvre de F. Merdjanov. | ||
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+ | Le peu de sources disponibles sur Abû Tahîr ne permettent pas de dresser un portrait de ce personnage. Tout du moins si on exclue le roman. Pour l'instant aucune mention d'un quelconque roman écrit par [[F. Merdjanov]] n'a été trouvée. | ||
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+ | Le plaisir de souiller le sacré, de profaner le divin, de transgresser les lois, de ravager les cultures, de détruire l'ordre des choses, ou bien encore d'attendre rien sont des occupations qui ravissent toutes celles et ceux qui, comme F. Merdjanov, résument l'existant proposé à cette tragi-comédie qu'est ''Le trop petit prince''<ref>Zoïa Trofimova, ''Le trop petit prince'', 2002. Film d'animation de 7min30. Voir [https://www.youtube.com/watch?v=a11GzQ3NC0c en ligne].</ref> de Zoïa Trofimova. Les quelques commentaires protivophiles du texte ''Le Tout, le Rien''<ref name="#rien">F. Merdjanov, ''Le Tout, le Rien'', non daté [http://analectes2rien.legtux.org/index.php/15-inedits/398-le-tout-le-rien-2 En ligne]</ref> de F. Merdjanov parlent d'eux-mêmes : | ||
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+ | <blockquote>''Peut-être eût-il mieux valu pointer ses accents destructifs et joyeux ? Ses penchants déicides et vengeurs ? Ses névroses bienfaitrices et ses envies d’être contre ? Ou tout simplement ses envies violentes et apaisées de rien''<ref name="#FM" /></blockquote> | ||
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+ | [[Fichier:Traite-des-trois-imposteurs.jpg|200px|thumb|right|''Traité des trois imposteurs'', 1191 (1777)]]Depuis l'apparition des religions existent des profanations par des hominines pour qui le sacré se désacralise. Tout simplement. Combien de lieux de culte partis en fumée depuis des siècles ? En ce début de XV<sup>ème</sup> (XXI<sup>ème</sup>) siècle, en France<ref>Le nombre de profanation de lieux de culte et de cimetières est passé de 304 en 2008 à 621 en 2010. Fin octobre 2011, 509 affaires de ce type ont déjà été enregistrées. Les faits concernent majoritairement des lieux christiens (308 églises et 214 cimetières en 2010, des chiffres en augmentation de 33 % par rapport à 2009) puis les lieux mahométiens (50 mosquées et 7 cimetières, +216%) et les lieux moïsiens (30 synagogues et 12 cimetières, -36% après une hausse spectaculaire entre 2008 et 2009). Les chiffres pour 2011 font état de 434 actes de dégradation dans les sites christiens, 41 sur les sites mahométiens et 34 sur les sites moïsiens.</ref> et en [[Macédoine républicaine|Macédoine]], l'incendie volontaire des lieux de culte est une pratique qui tend à devenir anecdotique face au saccage de crèche, à la destruction de crucifix, de cimetières ou de sapins de Noël. Tristement les églises ne sont généralement que légèrement dégradées et les mosquées et synagogues le sont pour des motifs racistes. Le pic de destruction est généralement atteint lors de conflits armés qui instrumentalisent le fait religieux. Du point de vue de la protivophilie, la plupart des profanations "historiques" sont faites pour des raisons non-protivophiles ! De nos jours, elles sont souvent le fait de satanistes, néo-nazistes, lucifériens et autres sornettes. Mais aussi sans doute par celles et ceux qui n'ont rien trouvé de mieux à faire. Ou peut-être par plaisir. La sacralité n'est pas que cultuelle, elle est aussi culturelle. L'art, par exemple, mérite son statut et doit donc en tirer les conséquences. Quoique l'on en pense, il est juste d'affirmer que les lois de la physique de la combustion fonctionnent tout aussi bien avec un lieu de culte, les guirlandes de la crèche ou le Louvre. Dans les deux premiers cas, le risque est de s'exposer aux lois vengeresses de la divinité et du Père Noël, et dans le dernier à la lapidation populaire<ref>En France et en Macédoine, la pratique de la lapidation s'est sécularisée mais est restée une manière populaire de faire savoir son désaccord. Elle est très largement utilisée lors de manifestations. La "Grande révolution démocratique" est que dorénavant, la personne lapidée est autorisée à porter une coque de protection, un casque et un bouclier. Voire à se rebeller violemment. Dans une autre variante, les vitrines et les abri-bus sont prisés par les adeptes de la lapidation urbaine. </ref>. Toute sacralité appelle à profanation. Pour le plaisir. Pour rien. | ||
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+ | Si pour les mahométiens, il y a profanation de la ''kaaba'', pour les qarmates il n'y a rien. Dans un autre registre que la profanation, les homnines pratiquent le blasphème. Contre les textes sacrés, les prophètes ou les divines illusions. Dans le monde moïso-christo-mahométien, persiste depuis des siècles un triptyque blasphématoire, celui des trois imposteurs, qui affirme qu'il a existé trois imposteurs, un berger, un médecin et un chamelier que sont respectivement Moïse, Christ<sup>Ⓒ</sup> et Mahomet. L'imposture est question récurrente dans les monothéismes abrahamiques : pour les moïsiens, Jésus ne mérite pas son titre de Christ<sup>Ⓒ</sup>, pour les christiens, Mahomet est un affabulateur, et pour les mahométiens, leur prophète est le successeur de tous les autres. Chacun s'accuse d'imposture. Il est parfois prêté à Abû Tahîr la paternité de cette réfutation des "Trois imposteurs", ou tout du moins aux qarmates<ref>Louis Massignon, "La légende de De tribus impostoribus et ses origines islamiques", ''Revue de l'histoire des religions'', 1920 [https://www.scribd.com/document/294360027/Massignon-La-Legende-de-Tribus-Impostoribus En ligne]. Ahmad Gunny, "Le Traité des trois imposteurs et ses origines arabes", ''Dix-huitième Siècle'', 1996, Volume 28, Numéro L’Orient [http://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1996_num_28_1_2102 En ligne]. Patrick Marcolini, "Le De Tribus impostoribus et les origines arabes de l’athéisme philosophique européen", ''Cahiers de l'ATP'', 2003 [http://maelko.typepad.com/TroisImposteurs.pdf En ligne]</ref>. En Europe, la chasse qui est menée par les forces ecclésiales de Rome montre que ce thème est récurrent à partir du VII<sup>ème</sup> (XIII<sup>ème</sup>) siècle. Pendant les siècles qui suivent, quelques textes critiques de la religion sont écrits par différents auteurs<ref>Jean-Pierre Albert, "À propos de l’incroyance (XIII<sup>e</sup>-XVI<sup>e</sup> siècle)", ''Les dossiers du GRIHL'', 2011 [http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/4579 En ligne]</ref>. L'un d'eux, Geoffroy Vallée, auteur de ''La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy''<ref>Geoffroy Vallée, ''La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy'', 1572 [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71722w/f48.image En ligne]</ref>, est pendu puis brûlé en 982 (1574)<ref>Noël Journet est lui aussi pendu puis brûlé, à Metz en 990 (1582), pour des écrits blasphématoires dont nous ne disposons d'aucune copie. Voir Alain Mothu, "Deux "jeunes éventés" : Geoffroy Vallée et Noël Journet. Spiritualisme et athéisme au XVI<sup>e</sup> siècle", ''Les dossiers du GRIHL'', 2009 [http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/2083 En ligne]</ref> pour avoir "tenu dit et maintenu les blasphèmes et propos erronés […] contre l’honneur de Dieu et de notre mère sainte Église" ! Le XII<sup>ème</sup> (XVIII<sup>ème</sup>) siècle - qui voit la réédition du texte de Geoffroy Vallée sous le titre de ''L'art de ne croire en rien'' - s'ouvre en 1124 (1712) ou 1131 (1719) par la publication clandestine de ''La vie et l’esprit de M. Benoit Spinoza''. Ce texte est la plus ancienne publication connue - peut-être la première<ref>Georges Minois, ''Le traité des trois imposteurs. Histoire d'un livre blasphématoire qui n'existait pas'', Albin Michel, 2009</ref> - à reprendre le triptyque blasphématoire. Il est republié quelques années plus tard sous le titre de ''Traité des trois imposteurs''. En 1191 (1777), une nouvelle version est publiée.<ref>''Traité des trois imposteurs'', 1777 [http://classiques.uqac.ca/classiques/holbach_baron_d/trois_imposteurs/trois_imposteurs.pdf En ligne]. Pour une liste des différentes variantes, voir [https://biblioweb.hypotheses.org/16070 ici]</ref>. Il circule à la même époque un texte en latin, intitulé ''De tribus impostoribus'', que la traduction en allemand de 1166 (1753) présente comme datant de 1006 (1598). Les spéculations quant aux auteurs de ces textes sont nombreuses. | ||
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+ | Loin des cercles littéraires et philosophiques dont sont probablement issus ces auteurs mystérieux qui - comme les qarmates ou les nizâriens - attaquent frontalement la religion mais épargnent ou égratignent à peine la divinité, un curé d'une petite ville des Ardennes, Jean Meslier<ref>Maurice Dommanget, ''Le curé Meslier, athée, communiste et révolutionnaire sous Louis XIV'', éd. Julliard, 1965, réédition Coda 2008</ref>, laisse à sa mort en 1141 (1729) le manuscrit d'un ouvrage, écrit au long de ses quarante années au service de l’Église, et une lettre dans laquelle il en demande la publication. Intitulé ''Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, prêtre-curé d'Etrépigny et de Balaives, sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l'on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les religions du monde, pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux et à tous leurs semblables'', connu sous le nom de ''Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier''<ref>''Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier'', Talus d'approche, 2007, 3 volumes. Une version du XIX<sup>ème</sup> siècle est disponible [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90605955/f1.image.r=jean%20meslier en ligne]</ref>, ce texte est une longue réfutation et un pamphlet contre la religion et l'idée même de dieu. Il est finalement publié - et légèrement remanié - en 1175 (1762) par Voltaire sous le titre ''Testament de J. Meslier''<ref>''Testament de J. Meslier'', 1762 [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71566z/f2.image.r=jean%20meslier En ligne]</ref>. Moïse, Christ<sup>Ⓒ</sup> et Mahomet y sont qualifiés d'imposteurs. Et dieu de mensonge. Athée affirmé, ''post-mortem'', Jean Meslier démontre que Tout est rien et conclut ainsi son ouvrage : | ||
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+ | <blockquote>''Je finirai donc ceci par le rien, aussi ne suis-je guère plus qu’un rien, et bientôt je ne serai rien.''<ref>Cité à l'entrée "indifférence" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref></blockquote> | ||
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+ | En pleine tourmente révolutionnaire en France, le ''Catéchisme du curé Meslier''<ref>''Catéchisme du curé Meslier'', 1790 [https://fr.wikisource.org/wiki/Cat%C3%A9chisme_du_cur%C3%A9_Meslier En ligne]</ref> est publié en 1204 (1790). Ce texte est généralement attribué à Sylvain Maréchal, auteur avec Gracchus Babeuf du ''Manifeste des égaux''<ref>''Manifeste des égaux'', 1796 [http://libertaire.pagesperso-orange.fr/portraits/egaux.htm En ligne]</ref> et rescapé de la répression contre la "Conjuration des Égaux" en 1210 (1796). Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages prônant le refus et la négation de dieu<ref>''Culte et Lois d’une société d’hommes sans Dieu'', 1798. ''Dictionnaire des Athées anciens et modernes'', 1800 [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71824v?rk=85837;2 En ligne]. ''Pour et contre la Bible'', 1801</ref>. | ||
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+ | <blockquote>''Tuer Dieu n’est pas suffisant, l’acceptation de sa mort non plus, c’est son évacuation du domaine de la pensée qui importe.''<ref name="#rien" /></blockquote> | ||
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+ | En cette fin de XIII<sup>ème</sup> (XIX<sup>ème</sup>) siècle, l'activisme politique révolutionnaire préconise parfois l'action de petits groupes de conspirateurs, secrets, infiltrés dans l'appareil politique, pour renverser le pouvoir en place. L'athéisme militant fait alors peur aux autorités étatiques ou religieuses. Dans une [[macédoine]] périmée de conspirations fantasmées et de peur de la mort de dieu proclamée joyeusement par l'athéisme, un jésuite fait paraître en 1212 (1798) ''Mémoire pour servir à l'histoire du jacobinisme'' dont le troisième tome reprend en grande partie un livre intitulé ''Écrits originaux de l'Ordre des Illuminés'' publié en 1201 (1787) par le gouvernement de Bavière. Ce tome trois s'intitule "Conspiration de sophistes de l'impiété et de l'anarchie". La même année, un franc-maçon britannique édite ''Les Preuves d’une conspiration contre l’ensemble des religions et des gouvernements d’Europe''. Ces deux ouvrages prétendent rendre public l'existence d'un "grand complot" athéiste que mènerait différentes "sectes" politico-philosophiques, dont les Illuminati de Bavière. Le jésuite annonce son livre sous le titre complet de ''Conspirations des sophistes de l'impiété et de l'anarchie, contre toute religion et contre tout gouvernement, sans exception même des républiques ; contre toute société civile et toute propriété quelconque''. Réprimée, la petite société secrète conspiratrice des Illuminati disparaît en 1200 (1785) mais les écrits du maçon et du christien inventent une légende : Survivant dans l'ombre, adepte moderne de la ''taqiya'' qarmate, elle œuvrerait à la destruction de la civilisation. Ainsi naît la fameuse "théorie du complot" qui anime depuis les esprits conspirationnistes. | ||
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+ | <blockquote>''Rien''<ref>Tag (illuminé) qui appelle à détruire tout. Parfois trouvé sur des murs du sud de la France ([[Nice]] ?). Non daté </ref></blockquote> | ||
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+ | === Égaux solistes === | ||
+ | Parmi les "dissidences" moïsiennes, christiennes ou mahométiennes, les qarmates sont une de ces multiples tentatives communautaires "religieuses" d'établir une égalité entre ses membres<ref>Norman Cohn, ''Les fanatiques de l'apocalypse. Courants millénaristes révolutionnaires du XI<sup>ème</sup> au XVI<sup>ème</sup> siècle'', 1957. Raoul Vaneigem, ''La résistance au christianisme. Les hérésies des origines au XVIII<sup>ème</sup> siècle'', Fayard, 1993. Wilhelm E. Mühlmann, ''Messianismes révolutionnaires du tiers monde'', Gallimard, 1968. Maria Isaura Pereira de Queiroz, ''Réforme et révolution dans les sociétés traditionnelles. Histoire et ethnologie des mouvements messianiques'', Anthropos, 1968. Vittorio Lanternari, ''Les mouvements religieux des peuples opprimés'' La Découverte, 1983. Yves Delhoysie, Georges Lapierre, ''L'incendie millénariste'', 1987 (Réédition de 2011) - [https://www.esprit68.org/images/incendiemillenariste.pdf En ligne] </ref>. Accomplir la religion pour mieux la sublimer et, enfin, se passer de la divinité comme intermédiaire entre les hominines. Ultime utopie qui décrète qu'une société d'hominines peut être non-aliénante !<ref>Georges Palante, ''Les antinomies entre l'individu et la société'', 1913 - [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114275f En ligne]. ''Combat pour l'individu'', 1904 - [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1142742 En ligne]</ref> Doux rêves qu'imagineront aussi les pensées révolutionnaires à partir du XIII<sup>ème</sup> (XIX<sup>ème</sup>) siècle, pour finalement faire vivre aux individus, au mieux, une expérimentation du présent et, au pire, un cauchemar... | ||
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+ | <blockquote>''L'égoïste sera la ruine de la "société humaine" ; les égoïstes, en effet, ne se rapportent pas les uns aux autres comme des [hominines], mais chacun d'entre eux se pose égoïstement comme un Moi par rapport à un Toi ou par rapport à un nous tout à fait différent et opposé.''<ref>Max Stirner, ''L'unique et sa propriété'', 1844 - [http://kropot.free.fr/Stirner-Unique.htm En ligne]</ref></blockquote> | ||
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+ | Pour que les Égos soient Égaux, véritablement, ils se doivent de détruire toutes les médiations entre eux - société, État, dieu, culture, religion, etc. - pour se défaire de ce qui les entravent. | ||
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+ | <blockquote>''L'Égosoliste ? Un Qarmate qui aurait trucidé ses compagnons !''<ref name="#abu" /><ref>Égosoliste est un concept développé par [[Ladislav Klíma]]</ref></blockquote> | ||
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+ | == Voir aussi == | ||
+ | |||
+ | * Hérésies moïsiennes | ||
+ | ** [[Sabbataïsme]] | ||
+ | |||
+ | * Hérésies christiennes | ||
+ | ** [[Pikarti]] | ||
+ | |||
+ | * Hérésies mahométiennes | ||
+ | ** [[qarmates|Qarmates]] | ||
+ | ** [[babisme|Babisme]] | ||
== Notes == | == Notes == | ||
<references /> | <references /> |
Version actuelle datée du 15 septembre 2020 à 16:41
Qarmates (Карма́т en macédonien) Mouvement mahométien[1] insufflé par Hamdan Qarmat Ibn al-Ach'ath (حمدان قرمط بن الاشعث) vers la fin du IIIème (IXème) siècle.
Sommaireex nihilo ?
Loin de l'imaginaire populaire qui en fait un endroit empli de rien, la péninsule arabique est un vaste territoire qui abrite depuis des millénaires des hominines qui y ont bâti cités et empires. Elle est un carrefour des caravanes de commerce qui y transitent pour relier la Chine et l'Afrique à la Méditerranée ; une voie incontournable pour les marchandises alimentant, dans les deux sens, les marchés et les besoins des différents pouvoirs politiques comme le puissant royaume nabatéen (dans l'actuelle Jordanie) ou l'empire romain qui lui succède en le conquérant. Du sel, des esclaves, des métaux précieux, des soieries, des épices et divers objets manufacturés ; mais aussi échanges de techniques et de savoirs, de croyances et de superstitions. Dans les régions côtières et montagneuses humides du sud-ouest de la péninsule se sont développées de nombreuses cités, dont certaines sont au centre d'empire régionaux puissants. Si les rastafariens ont en mémoire le seul[3] royaume de la reine de Saba[4], les historiens décrivent une succession d'entités politiques, diverses et concurrentes, dès le quatrième millénaire avant le présent. À contrario de ces régions que les antiques grecs nomment alors l'Arabie Heureuse, la partie intérieure de la péninsule est un vaste territoire de montagnes et de sable avec, au sud, le désert des déserts, le Rub al-Khali (Quart Vide). Les oasis qui s'y développent à ses marges sont autant des lieux de vie que des relais sur ces routes qui traversent des étendues de sable et de chaleur harassante.Au Ier (VIIème) siècle, la population est diverse dans ses croyances religieuses. Aux côtés des quelques oasis peuplées de moïsiens[5] et de plusieurs communautés nomades de marchands ou de propagandistes appartenant à la myriade d'opinions christiennes rivales, la plupart des autres hominines vouent un culte aux pierres et croient à des créatures mythologiques peuplant le désert. Ces pierres, appelées bétyles selon une étymologie sémitique beth-el signifiant "maison de dieu", sont souvent sanctifiées. Elles sont choisies pour leur spécificités géologique, leur origine météorique ou leur proximité avec des points d'eau. Il n'y a pas de culte unifié mais des pratiques et des croyances locales qui subissent des influences diverses. Comme pour les christiens, les moïsiens ou les sabéens, leurs passés se peuplent de héros mythiques ou de reines légendaires, de royaumes anciens ou de personnages imaginaires. Ces croyances bétyliques sont alors partagées du golfe d'Aden jusqu'à la Méditerranée. La société péninsulaire n'est pas qu'une organisation bédouine et nomade de l'espace, elle se compose aussi de quelques concentrations urbaines qui maillent les routes marchandes. S'ils ne sont pas des centres politiques, ces relais permettent l'émergence de riches familles de marchands qui s'accaparent un peu de pouvoir politique local de part leur importance économique. La Mecque, par exemple, est alors dirigée par des familles de marchands appartenant à la tribu de Quraych qui s'impose - politiquement et militairement - aux autres ou avec qui elle fait des alliances. Les quraychites sont ainsi divisés entre différents clans familiaux. Les alliances entre les tribus nomades, pourvoyeuses de marchandises, et les citadines sont des équilibres fragiles. Certaines tribus nomades préfèrent le pillage des caravanes marchandes. La Mecque est aussi un lieu de pèlerinage local lors duquel les trois divinités féminines Al-Lât, Al-Uzzâ et Manât sont invoquées lors de circumambulations bétyliques - c'est-à-dire en tournant autour d'une pierre - à proximité d'une source d'eau quasi-permanente. D'autres bétyles sont vénérés dans la péninsule ainsi que d'autres divinités et donnent lieu aussi à des pèlerinages pour les tribus locales. La Mecque est alors un lieu de culte parmi d'autres[6] où des adeptes des monothéismes moïso-christiens vivent ou sont de passage. Ces hominines du presque-rien ont des pratiques linguistiques diversifiées. Dans le sud de la péninsule se parlent des langues sudarabiques qui se différencient des parlers arabiques du nord qui, eux-mêmes, ne forment pas une unité mais une sorte de continuum linguistique qui s'étend jusqu'à la côte méditerranéenne. La mise par écrit ne comporte pas encore les voyelles car elles ne sont pas totalement indispensables pour une bonne compréhension du texte. Les poètes et les adeptes du tag raffolent de cette absence qui décuple les sens. Les influences politiques et culturelles les plus fortes sont exercées du nord par deux royaumes christiens rivaux (lakhmides et ghassanides) : le premier allié aux perses et le second aux byzantins. Toute la région partage alors - d'une manière ou d'une autre - l'héritage des civilisations araméennes, grecques, romaines ou nabatéennes qui se greffent et s'entrecroisent avec des substrats culturels plus locaux dans une sorte de macédoine. L'alphabet utilisé pour noter la langue parlée est dérivé de celui des nabatéens qui s'étaient eux-mêmes inspirés de l'écriture araméenne. Pour tous les adeptes des monothéismes, ex nihilo renvoie à l'idée d'un dieu créateur de rien. Des recherches récentes - en terme de protivophilie - tendent à montrer que les copistes ont tronqué le latinisme ex nihilo nihil fit, "rien ne vient de rien", en laissant croire que cela change rien. Et insinuer ainsi que "Rien est divin" est similaire à "Rien n'est divin".
Graffitis & CieAu début du Ier (VIIème) siècle, la région du Hedjaz - où est située La Mecque - est dans un contexte régional de conflits politiques permanents entre les empires romain (byzantin[8]) et perse, dans lesquels ils ont chacun des alliés locaux. Après les nombreuses guerres qui se sont menées, les deux empires sont très affaiblis et leurs alliés perdent en influence dans le premier quart du Ier (VIIème) siècle. Dans le camp byzantin, le royaume d'Aksoum, au sud, recule et se retire de la péninsule pour laisser la place aux perses, et les ghassanides, au nord, qui ont résisté sont finalement persécutés par leur allié pour leur dissidence religieuse. Les lakhmides et tous les petits royaumes le long des côtes de la péninsule sont vassalisés par l'empire perse qui s'étend un peu plus. Après la chute du royaume de Kindah - dans le centre - détruit par les lakhmides dans le Ier siècle avant Mahomet (milieu du VIème), ce nouvel affaiblissement des royaumes et empires environnants fait diminuer encore un peu plus la pression militaire et politique sur le Hedjaz et le centre de la péninsule, laissant ainsi plus de latitude aux dynamiques locales.Le terme de hedjaz signifie "barrière" et désigne une zone côtière située dans la partie nord des Monts Sarawat qui cheminent tout le long des côtes de la mer Rouge jusqu'à l'océan Indien. La chaîne montagneuse est un rempart naturel qui, sur son versant maritime, est fait de falaises abruptes qui rendent difficiles les incursions venues de la mer. La région du Hedjaz est une zone située entre la façade maritime et les vallées des Monts Sarawat, arrosée par de petits cours d'eau (oued). Une de ces vallées abrite La Mecque. De l'autre côté des montagnes, plus à l'est, l'environnement est désertique et difficile d'accès. Cette relative tranquillité profite aux familles marchandes qui n'interrompent pas les voies commerciales et continuent d'alimenter les empires - même affaiblis - et les royaumes environnants. Sa situation géographique fait de la péninsule un passage obligé pour les marchandises. Les quraychites prétendent détenir leurs droits sur la cité de La Mecque d'un lointain ancêtre, dans une généalogie discutable de clans familiaux qui se répartissent - ou se disputent - le pouvoir politique et économique. Parmi les croyances religieuses, le monothéisme est présent dans la péninsule sous différentes formes qui mélangent les traditions issues des multiples moïsismes alors existant et qui, pour certaines, croient en l'existence d'un nouveau messie nommé Jésus. Ces "sectes" monothéistes moïso-christiennes s'affrontent théologiquement sur la nature de dieu et de son hypothétique messie[9]. L'adoption par l'empire romain d'une forme de christisme parmi d'autres comme religion d’État en -250 (380) et les politiques répressives menées contre les autres courants moïso-christiens ont poussé beaucoup de leurs adeptes à fréquenter les marges des empires. Leurs idées suivent les voies de commerce. Des graffitis retrouvés sur des vestiges archéologiques attestent d'une croyance monothéiste - pré-mahométienne ? - à travers une sorte de profession de foi qui déclare qu'il n'y a qu'un seul dieu, sans mentionner un quelconque prophète[10]. Un peu à l'image de l'univers de Conan le Barbare ou des contes pour enfants, les religions monothéistes abrahamiques sont peuplées de magiciens et de superstitions, de miracles et de prophètes dans des sagas construites pendant des siècles, dont la complexité surpasse Le Seigneur des Anneaux et dont la profondeur de pensée rivalise avec la pauvreté des dialogues de Star Wars. Les prétendants au titre de prophète sont légion. Les plus entreprenants affirment être en contact direct avec une divinité dont ils se proclament les représentants sur terre. Comme cela était prévu par les légendes. Les carrières sont diverses[11], et si certains accèdent à une certaine reconnaissance, d'autres devront se contenter du statut de poète[12] ou d'idiot. Voir être lapidés[13].
Même si cela est pour les dénigrer, beaucoup de sources historiques religieuses ou profanes mentionnent tous les malheureux qui ne furent pas reconnus. Ou finalement rejetés par leurs adeptes. Faire carrière dans le prophétisme n'est pas chose sans risque. Par principe, il ne peut y en avoir trop en même temps. Les places sont chères et la concurrence est sévère. De manière plus synthétique que la série documentaire Corpus Christi consacrée à ChristⒸ, un collectif de documentaristes britanniques spécialistes des origines des christismes nommé Monty Python retrace de manière émouvante et tragique dans La vie de Brian le destin de celui qui fut désigné prophète alors qu'il ne demandait rien[15].
MahométiensVu la quasi-absence de sources d'époque[17], il est difficile d'affirmer l'historicité d'un Mahomet qui naît en -53 (570) à La Mecque et meurt en 10 (632) à Médine[18]. Sa biographie se construit à travers des sources religieuses qui prétendent regrouper l'ensemble des propos et attitudes qui lui sont prêtés. Aucune fouille archéologique ne confirme pour l'instant ce qu'il est possible d'en savoir par les textes coraniques et l'ensemble de la tradition mahométienne[19]. Les sources disponibles se contredisent parfois. Il en est de même pour le Coran. Les premières versions sont le résultat des choix de ses successeurs [20]. Les approches critiques (non-religieuses) des origines des mahométiens s'affrontent sur le sujet[22]. Il n'est aujourd'hui pas possible d'en savoir plus, mais peu nous importe de savoir si, oui ou non, il a véritablement existé un certain Mahomet qui réussit à se faire reconnaître prophète par des adeptes de tel ou tel courant monothéiste. Il ne peut être prophète car dieu est une illusion. Au même titre, le Coran n'est qu'un livre, écrit progressivement par un ou plusieurs hominines, dont le contenu ne vaut pas plus qu'un autre écrit sur des sujets proches[23]. Son contenu n'est en rien original et regorge de références aux autres fois monothéistes. Il n'est pas une rupture mais une continuité possible, il est une tentative de syncrétisme de polythéisme bétylique, de monothéisme abrahamique et de quelques nouveautés nécessaires à marquer sa différence[24]. Comme les Torah moïsiennes ou les Bibles christiennes[25], le livre saint des mahométiens est un recueil de mythologies et de croyances.
Autant dire que pour les autres prophètes des monothéismes abrahamiques il n'y a quasiment rien. Abraham, Moïse et ChristⒸ n'ont probablement aucune réalité historique[27]. La seule certitude possible est que ce personnage - fictif ou réel - de Mahomet et les mythes qui l'entourent permettent à certaines familles quraychites de se construire une légitimité au fil des conquêtes militaires qui suivent la mort de ce supposé prophète. Profitant de la faiblesse des empires romain et perse, les tribus coalisées attaquent et avancent rapidement. Si à la mort de Mahomet le premier successeur semble faire consensus, il est assassiné par des opposants. Comme les deux suivants. Les difficultés d'une passation de pouvoir consensuelle sont un problème persistant au sein des familles quraychites[28]. Ali, époux de Fatima la fille de Mahomet et cousin de ce dernier, est le quatrième prétendant à la succession. Ali est assassiné par ses partisans qui lui reprochent d'avoir accepté sa défaite face à son rival, Muʿawiya - membre de la famille du troisième calife - le fondateur en 40 (661) de la dynastie omeyyades qui régnera de Damas sur le nouvel empire jusqu'en 132 (750). La mort de Ali est un tournant dans la nouvelle religion mahométienne. Les critiques se font plus précises et se structurent progressivement en différentes factions qui chacune revendique une légitimité et une forme de succession du pouvoir spécifique. Les partisans d'Ali qui le punissent par la mort de sa prétendue trahison se nomment kharidjites[29]. Ils avancent que la direction de la communauté des croyants revient au meilleur d'entre eux, qu'elle que soit son origine tribale ou sociale. Même un ancien esclave est apte à diriger. Les alides, quant à eux, désignent ceux qui veulent que les descendants mâles directs d'Ali succèdent à leur ancêtre. Les autres reconnaissent la légitimité des omeyyades et donc le pouvoir en place. L'argumentation pour contester les successions s'appuie sur une interprétation du texte coranique et sur une lente construction idéologique et théologique à travers les écrits des érudits mahométiens[30]. Les alides n'ont de cesse de contester le pouvoir des omeyyades et établissent leur propre généalogie du pouvoir, à travers une lignée d'imams qui descendent tous de Ali. Pour autant, ils se divisent aussi sur lequel choisir parmi les différents prétendants. À la mort de leur quatrième imam en 94 (713), deux de ses fils se disputent sa place. Les uns choisirent Zayd ibn Ali, les autres Muhammad al-Bâqir. Les premiers, minoritaires, sont alors connus sous le terme de zaydites. Ils mènent des révoltes contre le pouvoir omeyyade et subissent en retour une terrible répression. Les zaydites se réjouissent lorsque Abû al-`Abbâs, descendant d'un oncle de Mahomet, renverse les omeyyades en 132 (750). Il fonde la dynastie des abbassides qui, rapidement, se retournent contre les alides, qu'ils soient zaydites ou non. Les survivants du pouvoir omeyyade s'installent en Andalousie et plusieurs dynasties zaydites forment des pouvoirs locaux sur les marges de l'empire, sur les bords de la mer Caspienne, en Arabie Heureuse ou au Maghreb et plus tard dans une partie de la péninsule ibérique. En parallèle de ces contestations politiques, les écoles juridiques affirment leur différences philosophico-théologiques. Elles se nourrissent tout autant de leur histoire propre, d'une tradition maintenant plus que centenaire, que de nombreux apports des philosophies antiques ou d'autres religions monothéistes. Toutes les écoles juridiques se composent petit à petit un corpus politico-religieux d'auto-légitimation[31]. L'empire abbasside se renforce. Les alides, toutes tendances confondues, ne parviennent pas à s'imposer politiquement et leur acceptation par le pouvoir est toujours fragile. La mort en 147 (765) de Ja`far as-Sâdiq, le sixième imam alide, provoque de nouveau de profondes dissensions. Face à l'absence de directives claires laissées par le défunt, les uns soutiennent son fils cadet alors que les autres lui préfèrent Muhammad ben Ismâ`il, le fils de son aîné Ismâ`il - mort avant lui. Surnommés ismaéliens, ils se distancient des autres alides et fondent plusieurs communautés dans des régions excentrées de l'empire. Une dynastie ismaélienne se détache[32]. Face à la répression ou pour cacher l'impossibilité d'assurer une succession, les ismaéliens développent le concept d'imam caché. Cela signifie que même s'il n'est visible de personne, l'imam est vivant et s'exprime par l'intermédiaire de son représentant, le daï. Confrontés aux mêmes problématiques que les ismaéliens, les alides développent aussi leur concept d'imam caché qui se différencie de celui des ismaéliens car ils acceptent la croyance en l'occultation du douzième imam et misent tout sur son retour, ce qui leur vaudra le qualificatif de duodécimains. À ce jour, nous sommes toujours sans nouvelles de lui[33]. L'empire abbasside adopte officiellement en 211 (827) les préceptes d'un théologien mahométien qui introduit le rationalisme, le libre-arbitre et la critique de la pensée religieuse. Il instaure un courant de pensée appelé "mutazilisme" dans lequel les sciences, la philosophie, la poésie et la recherche côtoient la divinité. Le mutazilisme utilise grandement le principe mahométien de ijtihad[34] qui désigne l'effort de réflexion nécessaire à une meilleure compréhension des textes. Les mutazilistes sont accusés par leurs détracteurs d'introduire des innovations dans la religion des mahométiens, de contredire les "preuves" coraniques et de dénier au livre sacré tout caractère "incréé" (origine divine). Certains parmi eux vont plus loin dans leurs réflexions et sont même accusés d'athéisme, tel Abu Isa al-Warraq[35] ou son disciple Ibn al-Rawandi qui dans un ouvrage daté de la fin du IIIème (IXème) siècle précise :
Et s'adresse ainsi à la divinité :
Finalement le pouvoir abbasside se rapproche des écoles juridiques plus "classiques" et rejette le mutazilisme qui décline dès le Vème (XIème) siècle au profit d'approches plus rigoristes et moins novatrices. De nombreux écrits mutazilites ont été détruits et ne sont connus que par quelques mentions dans des ouvrages critiques. Les IIIème (IXème) et IVème (Xème) siècle verront encore quelques auteurs osant affirmer leurs doutes sur la réalité des livres saints moïso-christo-mahométiens. Le moïsien Hiwi al-Balkhi critique la bible sous la forme d'un questionnaire de deux cent questions et le savant mahométien Abu Bakr Mohammad Ibn Zakariya al-Razi doute des bonnes intentions de la divinité[36]. Au début du Vème (XIème) siècle, le poète Abul ʿAla Al-Maʿarri peut encore clamer :
Pour fuir la répression abbasside, le douzième imam ismaélien se réfugie au Maghreb où des communautés ismaéliennes sont implantées et très influentes auprès de certaines tribus berbères[37]. Il se proclame calife en 909 lorsque les forces militaires ismaéliennes renversent les petits imamats locaux. Il fonde ainsi l'empire fatimide, dont les principaux rivaux sont l'autre califat, celui des abbassides de Bagdad, et l'empire byzantin. Ses successeurs conquièrent l’Égypte en 358 (969) et font construire la ville du Caire qui devient capitale de l'empire. Les fatimides règnent jusqu'en 566 (1171), s'étendant de l’Égypte à Jérusalem. Les guerres menées par les Croisés venus d'Europe et la pression de prétendants locaux effritent le califat qui se disloque petit à petit. Les Croisés créent des États autour de Jérusalem et des dynasties émergent au Maghreb pour s'affirmer royaumes indépendants. L'Égypte puis une partie du Levant sont récupérées par la dynastie des ayyoubides - initiée par Ṣalāḥ ad-Dīn (Saladin) - qui gouverne jusqu'à son renversement en 647 (1250) par la caste militaire des Mamelouks. Très affaiblis et sous tutelle des turcs seldjoukides, les abbassides ne résistent pas à l'arrivée des troupes mongoles. Bagdad tombe en 656 (1258) et les survivants abbassides se réfugient auprès des mamelouks égypto-levantins. Bétyles mahométiensDepuis l'apparition des mahométiens, La Mecque est devenue ville-sainte dans laquelle trône la Kaaba. Interdite aux non-mahométiens. Intégrant pleinement les croyances anté-mahométiennes les bétyles sont toujours vénérés et tous les mahométiens - hommes et femmes - se tournent vers eux pour effectuer leurs prières. Dans sa configuration actuelle, la Kaaba est une construction cubique recouverte d'un grand tissu. Deux bétyles sont incrustés à deux des coins. L'un est appelé Pierre Bienheureuse et l'autre Pierre Noire[39]. À quelques mètres de la Kaaba est installé un autre bétyle nommé Station d'Abraham, prétendument marqué de traces de pas du prophète biblique Abraham[40]. Sans prétendre qu'Abraham en soit à l'origine, il est probable que ce bétyle puisse effectivement être marqué d'une trace de pas d'hominine : les préhistoriens retrouvent parfois de tels traces fossilisées avec le temps. Par exemple, dans la région de l'ancien royaume d'Axoum, des traces datées de 800 000 ans ont été mise à jour dans le désert de Danakil (actuelle Érythrée). L'entomo-fabuliste Bernard Werber, connu pour sa trilogie sur les fourmis - un sujet cher aux mahométiens[41] -, tente lui-aussi en 1418 (1998) dans Le Père de nos pères une théorie à partir d'une trace de pas préhistorique. Adam, le "premier hominine", serait issu des amours entre une truie et un hominine. Thèse certes hasardeuse et non-conforme aux croyances des monothéismes moïso-christo-mahométiens, mais à peine plus romancée. Néanmoins, elle n'a pas donné naissance à une nouvelle religion.En plus de la circumambulation qu'il est nécessaire de faire autour de la Kaaba, le rituel du pèlerinage intègre un autre rite pseudo-bétylique. À environ 5 km de la Kaaba trois piliers espacés de 150 mètres symbolisant le diable doivent être lapidés par les fidèles. Des travaux récents ont transformé ces trois piliers en de longs murs courbes. Le rituel impose aussi d'aller sur deux petites montagnes proches. Le rituel complet actuel - outre les quelques nouveautés propres aux mahométiens - reprend celui pratiqué par les citadins anté-mahométiennes de La Mecque et celui des Bédouins, intégrant les bétyles et les lieux de sacralité alentours. Les fidèles y voient une preuve - par l'absence - de l'ancienneté d'un rituel institué par Adam[42] lui-même, les autres une simple récupération d'anciennes croyances selon des procédés déjà utilisés par les moïso-christiens. Très éloignées des pratiques dionysiaques de François Augiéras qui - des siècles plus tard - préfère voir en la pierre une source de plaisir, une texture sur laquelle frotter son sexe pour en jouir[43]. Plutôt que de tourner autour, une autre manière de sanctifier des pierres consiste pour les moïso-christiens à en rapprocher une multitude de plus petites sur des hominines grâce à des jets, souples et déterminés, effectués par plusieurs autres hominines. Prenant garde de ne toucher que le bénéficiaire de ce rituel dans ce qui relève aussi d'un jeu d'habilité. Appelée "Jetée bétylique" par les plus poètes des moïso-christo-mahométiens, la lapidation est une pratique souvent considérée comme punition par celui ou celle qui en est la cible. Qui d'ailleurs souvent en meurt. Cette tradition est présente dès les premiers textes moïso-christiens. Puis mahométiens. Ils conservent un rituel punitif employé parmi d'autres communautés politico-religieuses en reformant légèrement les justifications de cet amoncellement bétylico-hominine. La lapidation n'a pas attendu les mahométiens pour ravir les adeptes. Entre Moïse et Mahomet, Jésus aka ChristⒸ propose une pause dans la pratique de la "Jetée bétylique". Il lui semble plus efficace de privilégier le glaive dans l'argumentation face aux "incroyants", inventeur de fait du concept guerrier de jihad[34] bien avant les mahométiens. Extraits de quelques propos tenus par ChristⒸ selon ses biographes officiels :
Avec ChristⒸ les monothéistes tentent de s'extraire de l'âge de pierre. Ses successeurs, christiens et mahométiens, y affûtent leurs lames et font une entrée sanglante dans l'âge de fer[46]. PrécisionsLe terme de sunnite renvoie généralement à ceux qui ont opté pour les ommeyades, puis plus largement aux croyants qui suivirent les règles théologiques développées par différentes écoles juridiques depuis les omeyyades et leurs successeurs abbassides. Les mahométologues considèrent qu'il existe quatre grandes écoles parmi les sunnites (hanbalisme, chaféisme, hanafisme et malikisme d'après le nom de leur fondateur). Celui de chiite englobe tous les alides : zaydites, ismaéliens[48] et duodécimains [49] (ou jafarites du nom du sixième imam) pour ne citer que les plus importants[50]. Le kharidjisme est une école spécifique, la plus ancienne de toute. Très minoritaire, elle subsiste encore de nos jours en Tunisie, en Libye et en Oman sous une forme réformée que l'on appelle ibadisme[51]. Aucune de ces écoles ne peut donc prétendre à représenter une orthodoxie, ni prétendre être les "vrais mahométiens". À partir du IIIème (IXème) siècle, les érudits et théologiens mahométiens commencent à fixer les dogmes et les interprétations de ces écoles, renforçant de fait les différences entre elles. Malgré cela, les frontières entre ces écoles ne sont pas nettes et leurs théologies ou jurisprudences s'entrecroisent. Par exemple, les fondateurs du malikisme et du hafafisme sont élèves de Jafar, le sixième imam alide, et le zaydisme - estampillé chiite - est plus proche des écoles sunnites que le sont les ismaéliens ou les duodécimains. Il existe aussi plusieurs courants mystiques ou confrériques qui ne correspondent pas exactement aux répartitions selon les madhhab et font des jonctions entre certaines sur des sujets théologiques ou des rituels particuliers.Les croyances et mythologies des adaptes de Mahomet se rattachent à celles des adeptes de Moïse ou de ChristⒸ, avec qui elles partagent les mêmes prophètes et la même divinité. Pour résumer quelques millénaires de théologie monothéiste, disons qu'il existe un dieu créateur de tout, omniprésent et omniscient. Il est Tout[52]. Les hominines sont ses créatures préférées. Parfois, cette divinité envoie aux hominines des messagers qui viennent rappeler que "Il n'y a aucune raison qu'il soit facile d'être hominine". Ou, pour le dire en termes monothéistes - "Les voies du seigneurs sont impénétrables". Car, généralement, les messagers emploient des formes d'expression peu claires et alambiquées - appelées paraboles - qui transforment considérablement le sens profond et permettent de justifier le monde existant. Cette divinité monothéiste[53] est joueuse et cruelle par nature, rancunière par principe et jalouse par ennui[54] : elle met les hominines en demeure de suivre aveuglément les règles d'un jeu, avec des menaces permanentes de punitions horribles en cas de non-respect, tout en leur faisant croire qu'il serait possible d'y échapper. Un jeu auquel personne n'a demandé à jouer.
Les religions et les croyances non-monothéistes regorgent aussi de divinités les plus improbables dont les mythes fondateurs sont tout aussi abracadabrants : un acte zoophile entre un "Ancêtre" et un autre animal, une tortue par exemple ou un raton-laveur, un être imaginaire géant dont les excréments font naître la vie, des esprits arboricoles qui décident d'expérimenter la bipédie ou une catastrophe causée par des ancêtres distraits contraignant les hominines à chasser le mammouth et gratter la terre, etc. Dissidences et qarmatesDepuis la mort de Mahomet, la bataille pour sa succession politique divise profondément la communauté de ses adeptes. Dans certains cas, cela s'apparente à un état de "guerre civile" que se mène les prétendants et leurs troupes. Alors qu'au nord de la Méditerranée les christiens se structurent en Église entrecroisée au pouvoir politique - souvent dynastique - mais qui agit "indirectement" sur lui, les mahométiens préfèrent s'organiser en dynasties - un peu sur le modèle tribal - qui détiennent directement le pouvoir. Par l'expansion des mahométiens, les fidèles sont de plus en plus divers dans leurs origines ou leurs conditions sociales. Tous et toutes ne sont pas originaires de la péninsule arabique - donc sans lien de "famille" avec le prophète - et parlent parfois d'autres langues que celles qui s'y pratiquent. Si les kharidjites sont les premiers à contester le "lien de sang" dans la succession du pouvoir, les alides ne sont pas en reste même s'ils sont parfois dans des entre-deux. ExagériensParmi les multiples "courants" qui existent au sein des kharidjites et des alides vont apparaître des formes extrémistes, dite ghulât qui signifie "exagéré"[50]. Grands utilisateurs de l'ijtihad, ces "exagériens" sont régulièrement accusés d'avoir des interprétations trop symboliques qui réduisent finalement les restrictions religieuses à rien.
Dans ce verset obscur et contradictoire, les mahométiens non-exagériens - trop sensibles à la poésie - voient ce qu'ils nomment un "septain oxymorique" - une contradiction en sept pieds - qui est pour eux la marque du style poétique inimitable et de la beauté des textes mahométiens, alors que les exagériens y décèlent une invitation à mettre fin à tout[56]. Mais pour cela ils attendent quelques signes leur indiquant le moment exact. Entre autre la venue d'un mahdi qui guidera le monde et annoncera la fin des temps ! Fiévreusement attendu par nombres d'alides. Les apparitions régulières de mahdi auto-proclamés se transforment parfois en révoltes armées ou en soulèvements populaires[57]. Des courants exagériens n'ont pas hésité à assimiler des hominines à la divinité monothéiste. Ali, le gendre de Mahomet, ou certains imams alides ont bénéficié de ce statut privilégié qui les place au centre de Tout. Leurs morts sont venues leur démontrer qu'il n'en était rien.
QarmatesOutre la propagande et l'implantation dans le Maghreb, les daï ismaéliens créent des communautés à travers l'empire abbasside. Hère de rienDans la ville de Koufa - actuel Irak - s'installe un petit groupe sous la direction de Hamdan "Qarmat"[58] Ibn al-Ach'ath qui, selon la tradition mahométienne, était un "pauvre hère", laboureur et exploité, en révolte contre le pouvoir abbasside et gagné à la cause par un daï en 260 (874). Tout en résistant au pouvoir abbasside, Hamdam Qarmat envoie quelques daï vers le sud de la péninsule arabique et le long de ses côtes orientales pour y implanter de nouvelles communautés. Leur dawa (propagation) s'adresse aux alides non-ismaéliens en deuil de leur onzième imam et de la disparition du suivant qui est, selon eux, "occulté". Alides qui prendront le nom de duodécimains.Malgré la création de l'empire fatimide à partir de bases ismaéliennes au Maghreb, Hamdam Qarmat ne reconnaît pas le nouveau calife et lui dénie le rôle du mahdi qu'il prétend être[59]. À la mort de Hamdam Qarmat, ses deux successeurs continuent de lancer des attaques contre le territoire abbasside. Alors qu'elles menacent Bagdad, les troupes qarmates sont défaites en 294 (907). Plus au sud, le long de la côte orientale de la péninsule, les communautés qarmates résistent aussi, puis progressent face aux abbassides. La prise de plusieurs oasis et ports permet la création d'un État qarmate viable dès le début du Xème siècle[60] dans cette partie de la péninsule. En 300 (913) lorsque l'instigateur de cet État meurt, son frère lui succède pendant 10 années en attendant la majorité du fils aîné. Lorsqu'en 311 (923) Abû Tâhir prend les rênes du pouvoir qarmate, il a tout juste 17 ans[61]. Dans les premières années du règne guerrier d'Abû Tâhir, le territoire qarmate s'étend de l'actuel Qatar jusqu'au Koweit, englobant les oasis de Al-Hassa et Qatif (actuelle Arabie saoudite) et les îles Awal (actuel Bahreïn) jusqu'aux limites du désert de la péninsule. Bassorah est attaquée et pillée en 312 (924), sa mosquée détruite par les assaillants qarmates. Les caravanes de retour ou en partance pour la Mecque sont régulièrement attaquées et les pèlerins sont généralement tués. Ère de rienDepuis l'apparition des ismaéliens, le corpus théo-philosophique s'est étoffé au fil des décennies de travaux, de traductions et d'interprétations de nombreux textes issus des pensées philosophique et mythologique de la Grèce antique. Plusieurs courants christiens et les religions pré-mahométiennes non-monothéistes influent aussi sur la mise en place d'une pensée ismaélienne originale. On retrouve ainsi la réincarnation chères aux anciens grecs, ou la nature divine de l'hominine proclamé porte-parole de la divinité unique, idée défendue par certains christiens. La littérature ismaélienne est riche et touche des domaines aussi diversifiés que la philosophie, les mathématiques, la géographie ou l'astronomie pour n'en citer que quelques-uns. Par cet enrichissement, les ismaéliens affirment se conformer au mieux à leur religion et être au plus prêt du sens caché des textes sacrés mahométiens. La proximité entre astronomie et astrologie chez les ismaéliens n'est pas dû à une mauvaise compréhension de la langue grecque, ni à une erreur, mais elle est la conséquence de l’interconnexion entre science et religion. L'astronomie est une activité répandue parmi les savants mahométiens qui écrivent de multiples traités pour rendre compte de leurs observations du ciel. Ainsi, la conjonction des planètes Saturne et Jupiter dans le ciel terrien en 316 (928) est pour les qarmates le signe d'un nouveau cycle, attendu. Ce 10 ramadan 316 (27 octobre 928) clôt les cycles qui se sont succédés depuis la mort de Mahomet pour ouvrir l'ère de la religion selon les qarmates. Sur un mode proche de l'horoscope, une étude datée de 1303 (1886) sur les "carmathes" nous éclaire :
Les adeptes de l'astrologie à la page-détente d'un quotidien régional ou des dossiers de magazine consacrés aux prévisions de l'année suivante comprennent sans doute que cela annonce de bonnes choses à venir pour les qarmates, les autres doivent se contenter de l'obscurité d'une telle explication. D'ailleurs, d'un point de vue protivophile, la mention au détour d'un texte que F. Merdjanov soit "Chien" en astrologie chinoise ne doit pas laisser croire que cela explique sa vie ou les Analectes de rien ! L'astrologie est une autre approche du bétylisme qui dans une adoration comique des astres prévoit de cosmiques désastres. Au nom de leurs croyances en la parole de Mahomet, les troupes qarmates menées par Abû Tâhir traversent la péninsule pour se diriger vers le Hejjaz en 318 (930). Avec la ferme intention d'en découdre, inspirées de ces quelques mots coraniques attribués à Abraham :
Ils attaquent La Mecque et massacrent tous les mahométiens en train de faire le pèlerinage. La source de Zamzam est comblée avec des cadavres. Le sanctuaire de la kaaba est profané par les fidèles qarmates qui arrachent la pierre noire de son socle. Déjà endommagée en 63 (683) par une catapulte omeyyade, puis rafistolée, la pierre est de nouveau brisée en plusieurs morceaux. Le tissu recouvrant la kaaba est mis en pièces. Pour les qarmates, le sanctuaire de La Mecque est une tradition païenne qui ne fait rien d'autre que vénérer une pierre, une forme d’idolâtrie fort éloignée du message de Mahomet. Mettre à mort des pèlerins dans un endroit prétendument sacré est pour eux une démonstration éclatante - et sanglante - de l'absurdité d'une telle prétention. Après le pillage désacralisateur de la ville, les qarmates repartent avec la pierre noire qu'ils stockent ensuite dans un coin. La même année, les qarmates s'implantent jusqu'aux côtes omanaises, au sud de la péninsule arabique et, au nord, remontent jusqu'à Koufa qu'ils occupent plusieurs semaines avant d'en être chassés. En 319 (931), à l'apogée territoriale et militaire de l'État qarmate, Abû Tahîr présente à ses fidèles un jeune esclave originaire d'Ispahan (actuel Iran) comme étant le mahdi tant attendu. Celui qui doit, selon les qarmates, restaurer la vraie religion, celle de l'époque d'Adam, paradisiaque et sans lois. Les prescriptions mahométiennes sont abolies : la prière, le jeun, le pèlerinage. Le sens caché du coran se révèle ainsi être sa propre caducité. La liberté est pour maintenant, et le reste n'a aucune importance[64]. L'ensemble des obligations liées à la loi mahométienne (charia) sont définitivement rejetées.
Une partie des qarmates refusent ce mahdi et quittent le territoire. Malheureusement pour les autres qarmates, et particulièrement pour le mahdi, ce dernier s'avère n'être rien d'autre qu'un simple hominine n'ayant aucun lien privilégié avec la divinité. Il y a erreur sur la personne. Pour cette faute impardonnable, il est assassiné par Abû Tahîr. La liberté fut de courte durée. À la mort d'Abû Tahîr en 332 (944), sa succession se divise entre différents prétendants, mais finalement un système de conseil est mis en place. Après plusieurs négociations, la pierre noire est envoyée à Koufa en 338 (950) afin d'y être examinée puis elle est restituée à La Mecque, contre une rançon selon certains. La prise de Damas en 357 (968) étend le territoire qarmate mais accentuent les affrontements militaires contre les fatimides et les abbassides. En 366 (977), l'État qarmate affaibli n'est plus en mesure de conserver Damas. Il se retire et se retranche dans son territoire de la péninsule pour redevenir une petite puissance régionale, prospère mais fragile, cernée par des puissances hostiles. Aidée par les abbassides et les turcs seljoukides, les îles Awal sont prise en 450 (1058) par une tribu hostile aux qarmates, puis l'oasis de Qatif. Après plusieurs années de siège, l'oasis-capitale al-Hassa tombe en 469 (1077). L'État qarmate n'existe plus. Une nouvelle dynastie est mise en place. Elle régnera sur la région jusqu'en 651 (1253). L'erreur de casting pour le mahdi et les pressions militaires font taire les aspirations qarmates qui se dissolvent dans celles des alides duodécimains. Lors de son voyage à Qatif en 731 (1331), Ibn Battuta ne mentionne aucune présence qarmate. Il décrit des pratiques religieuses d'alides qui pour lui sont tous des ghulât, des exagèriens[65]. Aire de rienNassiri Khosrau, qui visite la région au début du Vème (XIème) siècle, décrit ainsi la société qarmate :
La plupart des textes sur les qarmates émanent de leurs opposants politiques ou religieux, et sont généralement à charge. Il est donc difficile de faire la part des choses entre ce qui relève de la calomnie ou de faits réels. Outre l'abandon des rituels de la prière et du pèlerinage, et la désertion des mosquées, l'organisation sociale qarmate est au centre des rares commentaires par des contemporains. Un "certain" égalitarisme - sauf pour les esclaves - et l'absence de différenciation entre hommes et femmes pour ne citer que les plus "marquants". Cela a suffit à alimenter les discours politiques sur le proto-communisme chez les qarmates. Air de rienLa plus grande partie du territoire de l'Etat qarmate est aujourd'hui située sur les îles Awal au Bahreïn et dans la province orientale (Ash Sharqiyah) de l'Arabie saoudite. Les habitants sont majoritairement alides duodécimains mais il serait fallacieux de penser qu'ils sont les descendants des qarmates utilisant la taqiya (dissimulation), faisant mine d'être de "bons mahométiens", l'air de rien. NizâriensEn 483 (1090), une communauté d'ismaéliens s'installent dans la forteresse d'Alamut (actuel Iran) sous la direction de Hassan al-Sabbah. Contrairement aux qarmates, ils reconnaissent le pouvoir et la légitimité des fatimides mais à la mort, en 487 (1094), du huitième calife fatimide - et 18ème imam ismaélien - ils refusent de suivre Al-Musta'li, le fils cadet du défunt calife. Hassan al-Sabbah prend partie pour le fils aîné, Nizâr ben al-Mustansir, désigné selon ses partisans par son propre père avant de mourir. La révolte de Nizâr est écrasée. Il est emmuré et meurt en 490 (1097). Son fils et successeur rejoint Hassan al-Sabbah à Alamut. Les nizâriens de Hassan al-Sabbah s'étendent et s'installent dans plusieurs autres forteresses en Perse et en Syrie fatimide. En parallèle d'une forte activité littéraire et philosophique, d'exégèses théologiques, les nizâriens deviennent de féroces opposants aux fatimides, puis aux Croisés qui tentent d'envahir la région à partir de l'Europe. Ils pratiquent l'assassinat politique contre les dirigeants, politiques ou religieux, fatimides ou croisés. Le terme assassin et le sens qu'on lui connaît ont pour origine une déformation d'un mot désignant les nizâriens que l'historiographie nomment souvent Assassins[67]. Le réseau qui se tisse entre les différentes forteresses renforce la puissance politique des nizâriens et fait de Alamut le centre d'un vaste mouvement de contestation. Une bibliothèque gigantesque est installée à Alamut dans laquelle se côtoient des ouvrages mahométiens mais aussi christiens, des textes de la Grèce antique ou latins, des traités anciens, sur des sujets aussi divers que la philosophie ou la théologie, l'astronomie ou la médecine, les techniques et les sciences. L'érudit Hassan al-Sabbah est autant le chef militaire que spirituel de la communauté des nizâriens[68].
Après la mort de Hassan al-Sabbah en 518 (1124) l'État nizârien se consolide sous ses différents successeurs, malgré les attaques des abbassides, des fatimides et des seldjoukides. En 557 (1162), Hasan II ‘Alâ Dhikrihi al-Salâm succède à son père en tant que 23ème imam nizârien. Le 17 ramadan 559 (8 août 1164), il proclame la "Grande Résurrection" lors de laquelle les lois mahométiennes sont suspendues afin de laisser place à la "vrai religion"[70]. Pour l'imam nizârien, le sens caché du texte coranique est ainsi dévoilé dans son intégralité[71]. Blessé, il meurt deux ans plus tard. Jusqu'en 606 (1210), pendant les 44 années de son imanat, le 24ème imam nizârien poursuit la grande réforme entamée par son prédécesseur. Ses deux successeurs se font plus discrets et réinstaurent la pratique de la taqiya qui autorise les nizâriens à dissimuler leurs pratiques religieuses lorsqu'ils sont entourés de mahométiens non-nizâriens. Celui qui devient en 653 (1255) le 27ème imam nizârien est tué lors de combats contre les troupes mongoles qui attaquent la région. En 656 (1258), Alamut est rasée par les mongols. La forteresse syrienne de Masyaf est assiégée en 658 (1260). La dernière forteresse nizârienne tombe en 671 (1273). Les survivants se dissimulent dans la population ou se réfugient en Asie centrale et en Inde pour y former quelques communautés. La lignée des imams nizâriens ne parvient pas à maintenir son influence sur tous les groupes de fidèles qui n'ont parfois plus aucun contact entre eux. Plusieurs lignées concurrentes apparaissent. Les nizâriens de Perse se réorganisent vers le IXème (XVème) siècle. Au XIIIème (XVIIIème) siècle, en Perse, la dynastie d'origine turkmène - les qadjars - renverse le pouvoir en place et s'installe sur le trône de l'empire. Après des affrontements entre alides duodécimains et nizâriens qui se soldent par la mort du 45ème imam en 1232 (1817), l'empereur instaure le titre de "Agha Khan" pour le successeur de l'imam. Puis, il lui donne une de ses filles en mariage et le nomme gouverneur de province. Après une tentative de coup de force armé contre le nouvel empereur, Agha Khan Ier doit fuir la Perse et se réfugie en Inde en 1257 (1841). La justice britannique contraint les nizâriens des Indes à reconnaître l'autorité de l'Agha Khan qui peut ainsi disposer de l'ensemble des biens et richesses de la communauté. Riche héritier de cette lignée, l'Agha Khan Quatrième du nom est, de nos jours, un prince philanthrope qui dépense l'argent de ses adeptes dans des projets de scolarisation, de construction et de modernisation. Divine ironie que ce personnage tout droit sorti du Banquier anarchiste de Fernando Pessoa se dise nizârien. Encore un libertarien[72] qui s'approprie l'antique ex nihilo nihil fit, "Rien ne vient de rien" pour en faire le très moderne "On a rien sans rien".
DestructionsMalgré la protection divine dont il jouit, le sanctuaire de la kaaba n'a pas échappé aux destructions naturelles et aux profanations par des hominines.
R de rienAu nord du territoire qarmate, la région marécageuse de basse Mésopotamie est depuis le Ier (VIIème) siècle sous le contrôle des pouvoirs mahométiens omeyyades puis abbassides. S'appuyant sur de supposées paroles de Mahomet qui affirme que "Quiconque exploite une terre sans propriétaire est en droit de la posséder" selon certains, ou "Quiconque fait ressusciter une terre morte mérite de la posséder" selon d'autres, ils y emploient des milliers d'esclaves dans le but d'assécher les marais pour développer la culture de la canne à sucre. Les conditions de travail sont terribles. La plupart des esclaves viennent d'Afrique, et particulièrement de ce que les perses nomment la Côte des Noirs, Zanji-bar, en Afrique de l'Est le long des côtes de l'océan Indien[77]. D'autres du sous-continent indien et, plus marginalement, s'y ajoutent des prisonniers faits lors d'attaques de caravanes ou de navires. Le terme de zandj désigne généralement l'ensemble des esclaves utilisés dans les marais, quelle qu'en soit la provenance. En 69 (689), des petits groupes éparses de zandjs se révoltent. Ils attaquent et pillent quelques villes et navires de commerce avant d'être anéantis. Cinq ans plus tard, des zandjs originaires du Sind (dans l'actuel Inde et Pakistan) employés à garder des troupeau se soulèvent. Sous la direction du "Lion des Zandjs", cette révolte s'intensifie et de nombreux esclaves fugitifs la rejoignent. Ils tiennent tête aux armées de Bagdad par deux fois puis sont écrasés. Sous la direction de Ali ibn Muhammad - qui se dit descendant de Ali, le gendre du prophète des mahométiens - des révoltes éclatent en 250 (864) parmi des tribus de la péninsule arabique. La répression contraint ses fidèles à se réfugier plus au nord, en basse Mésopotamie. À partir de 255 (869), ils attaquent les camps d'esclaves pour les libérer. Bientôt fort de quelques milliers d'hommes, ils prennent certaines villes de la région, libérant à chaque fois les esclaves qui s'y trouvent. Les troupes abbassides tentent à plusieurs reprises d'en finir à la rébellion mais elles sont défaites à chaque fois lors des combats contre les zandjs. Auto-proclamé mahdi, l'érudit et guerrier Ali ibn Muhammad instaure progressivement un État zandj sur lequel il règne. Ses troupes sont composées des quelques tribus de la péninsule arabique ralliées et de zandjs libérés qui n'hésitent pas à capturer des prisonniers pour les mettre en esclavage. Après plusieurs années de combats et de siège, dans une région marécageuse difficilement accessible, les abbassides parviennent à tuer le mahdi en 269 (883), raser la capitale de l'État et mettre ses troupes en déroute. Ceux qui ne sont massacrés, ou repris et mis de nouveau en esclavage, parviennent à s'enfuir pour se réfugier plus au sud, dans ce qui sera bientôt territoire qarmate[78].Pour les historiens et les mahométologues, il est difficile de déterminer les liens exacts qu'il pouvait y avoir entre la révolte des zandjs et celle des qarmates, même s'ils sont évoqués. Des sources protivophiles - non encore exploitées - mentionnent l'existence d'une comptine pour enfants intitulée R de rien qui atteste d'une relation qui, évidemment, tient à rien [Références nécessaires]. Le ou les auteurs, ainsi que la date de rédaction, restent à ce jour inconnus. Deux versions existent, réunies sous le titre Désert de rien[61]. La première retrace l'histoire de Hamdan Qarmat et la seconde résume la révolte des zandjs, sans qu'il soit possible de définir laquelle précède chronologiquement l'autre dans son écriture.
Des études plus approfondies permettront sans doute de lever un peu du mystère des origines de cette comptine et de son sens qui pour l'instant reste un peu obscur. Comme d'ailleurs la plupart des écrits religieux qui, dans une macédoine philosophique et une méthode auto-justificatrice, cachent le désespoir et la douleur de ne pouvoir répondre à la seule question véritablement essentielle pour celles et ceux qui ont la foi en la divinité : "Et s'il n'y avait rien !?". Le mystique mahométien Mansur al-Hallaj - suspecté d'être proche des zandjs - est crucifié en 310 (922) pour avoir oser y répondre en affirmant "Je suis dieu", près de mille ans avant que Ladislav Klíma ne prononce son "Deus Sum". Les thématiques abordées se retrouvent dans la plupart des grands textes de la pensée des révolutionariens modernes[79] et sont au cœur de l'œuvre de F. Merdjanov. Si l'exégèse religieuse n'apporte rien à tout, la protivophilie rapporte tout à rien. L'une répond, l'autre questionne. Exégèse de rienUn texte intitulé Abû Tahîr. Portrait d'un qarmate[61] est attribué à F. Merdjanov. Il est à ce jour inédit. Les recherches entreprises par la protivophilie n'ont pu aboutir à l'obtenir. Néanmoins, ces mêmes études ont permis de confirmer en partie son authenticité. Le choix du sujet et les questionnements qu'il implique sont en liens directs avec certaines thématiques de l'œuvre de F. Merdjanov. Le peu de sources disponibles sur Abû Tahîr ne permettent pas de dresser un portrait de ce personnage. Tout du moins si on exclue le roman. Pour l'instant aucune mention d'un quelconque roman écrit par F. Merdjanov n'a été trouvée. Le plaisir de souiller le sacré, de profaner le divin, de transgresser les lois, de ravager les cultures, de détruire l'ordre des choses, ou bien encore d'attendre rien sont des occupations qui ravissent toutes celles et ceux qui, comme F. Merdjanov, résument l'existant proposé à cette tragi-comédie qu'est Le trop petit prince[80] de Zoïa Trofimova. Les quelques commentaires protivophiles du texte Le Tout, le Rien[81] de F. Merdjanov parlent d'eux-mêmes : Depuis l'apparition des religions existent des profanations par des hominines pour qui le sacré se désacralise. Tout simplement. Combien de lieux de culte partis en fumée depuis des siècles ? En ce début de XVème (XXIème) siècle, en France[82] et en Macédoine, l'incendie volontaire des lieux de culte est une pratique qui tend à devenir anecdotique face au saccage de crèche, à la destruction de crucifix, de cimetières ou de sapins de Noël. Tristement les églises ne sont généralement que légèrement dégradées et les mosquées et synagogues le sont pour des motifs racistes. Le pic de destruction est généralement atteint lors de conflits armés qui instrumentalisent le fait religieux. Du point de vue de la protivophilie, la plupart des profanations "historiques" sont faites pour des raisons non-protivophiles ! De nos jours, elles sont souvent le fait de satanistes, néo-nazistes, lucifériens et autres sornettes. Mais aussi sans doute par celles et ceux qui n'ont rien trouvé de mieux à faire. Ou peut-être par plaisir. La sacralité n'est pas que cultuelle, elle est aussi culturelle. L'art, par exemple, mérite son statut et doit donc en tirer les conséquences. Quoique l'on en pense, il est juste d'affirmer que les lois de la physique de la combustion fonctionnent tout aussi bien avec un lieu de culte, les guirlandes de la crèche ou le Louvre. Dans les deux premiers cas, le risque est de s'exposer aux lois vengeresses de la divinité et du Père Noël, et dans le dernier à la lapidation populaire[83]. Toute sacralité appelle à profanation. Pour le plaisir. Pour rien. Si pour les mahométiens, il y a profanation de la kaaba, pour les qarmates il n'y a rien. Dans un autre registre que la profanation, les homnines pratiquent le blasphème. Contre les textes sacrés, les prophètes ou les divines illusions. Dans le monde moïso-christo-mahométien, persiste depuis des siècles un triptyque blasphématoire, celui des trois imposteurs, qui affirme qu'il a existé trois imposteurs, un berger, un médecin et un chamelier que sont respectivement Moïse, ChristⒸ et Mahomet. L'imposture est question récurrente dans les monothéismes abrahamiques : pour les moïsiens, Jésus ne mérite pas son titre de ChristⒸ, pour les christiens, Mahomet est un affabulateur, et pour les mahométiens, leur prophète est le successeur de tous les autres. Chacun s'accuse d'imposture. Il est parfois prêté à Abû Tahîr la paternité de cette réfutation des "Trois imposteurs", ou tout du moins aux qarmates[84]. En Europe, la chasse qui est menée par les forces ecclésiales de Rome montre que ce thème est récurrent à partir du VIIème (XIIIème) siècle. Pendant les siècles qui suivent, quelques textes critiques de la religion sont écrits par différents auteurs[85]. L'un d'eux, Geoffroy Vallée, auteur de La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy[86], est pendu puis brûlé en 982 (1574)[87] pour avoir "tenu dit et maintenu les blasphèmes et propos erronés […] contre l’honneur de Dieu et de notre mère sainte Église" ! Le XIIème (XVIIIème) siècle - qui voit la réédition du texte de Geoffroy Vallée sous le titre de L'art de ne croire en rien - s'ouvre en 1124 (1712) ou 1131 (1719) par la publication clandestine de La vie et l’esprit de M. Benoit Spinoza. Ce texte est la plus ancienne publication connue - peut-être la première[88] - à reprendre le triptyque blasphématoire. Il est republié quelques années plus tard sous le titre de Traité des trois imposteurs. En 1191 (1777), une nouvelle version est publiée.[89]. Il circule à la même époque un texte en latin, intitulé De tribus impostoribus, que la traduction en allemand de 1166 (1753) présente comme datant de 1006 (1598). Les spéculations quant aux auteurs de ces textes sont nombreuses. Loin des cercles littéraires et philosophiques dont sont probablement issus ces auteurs mystérieux qui - comme les qarmates ou les nizâriens - attaquent frontalement la religion mais épargnent ou égratignent à peine la divinité, un curé d'une petite ville des Ardennes, Jean Meslier[90], laisse à sa mort en 1141 (1729) le manuscrit d'un ouvrage, écrit au long de ses quarante années au service de l’Église, et une lettre dans laquelle il en demande la publication. Intitulé Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, prêtre-curé d'Etrépigny et de Balaives, sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l'on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les religions du monde, pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux et à tous leurs semblables, connu sous le nom de Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier[91], ce texte est une longue réfutation et un pamphlet contre la religion et l'idée même de dieu. Il est finalement publié - et légèrement remanié - en 1175 (1762) par Voltaire sous le titre Testament de J. Meslier[92]. Moïse, ChristⒸ et Mahomet y sont qualifiés d'imposteurs. Et dieu de mensonge. Athée affirmé, post-mortem, Jean Meslier démontre que Tout est rien et conclut ainsi son ouvrage :
En pleine tourmente révolutionnaire en France, le Catéchisme du curé Meslier[94] est publié en 1204 (1790). Ce texte est généralement attribué à Sylvain Maréchal, auteur avec Gracchus Babeuf du Manifeste des égaux[95] et rescapé de la répression contre la "Conjuration des Égaux" en 1210 (1796). Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages prônant le refus et la négation de dieu[96].
En cette fin de XIIIème (XIXème) siècle, l'activisme politique révolutionnaire préconise parfois l'action de petits groupes de conspirateurs, secrets, infiltrés dans l'appareil politique, pour renverser le pouvoir en place. L'athéisme militant fait alors peur aux autorités étatiques ou religieuses. Dans une macédoine périmée de conspirations fantasmées et de peur de la mort de dieu proclamée joyeusement par l'athéisme, un jésuite fait paraître en 1212 (1798) Mémoire pour servir à l'histoire du jacobinisme dont le troisième tome reprend en grande partie un livre intitulé Écrits originaux de l'Ordre des Illuminés publié en 1201 (1787) par le gouvernement de Bavière. Ce tome trois s'intitule "Conspiration de sophistes de l'impiété et de l'anarchie". La même année, un franc-maçon britannique édite Les Preuves d’une conspiration contre l’ensemble des religions et des gouvernements d’Europe. Ces deux ouvrages prétendent rendre public l'existence d'un "grand complot" athéiste que mènerait différentes "sectes" politico-philosophiques, dont les Illuminati de Bavière. Le jésuite annonce son livre sous le titre complet de Conspirations des sophistes de l'impiété et de l'anarchie, contre toute religion et contre tout gouvernement, sans exception même des républiques ; contre toute société civile et toute propriété quelconque. Réprimée, la petite société secrète conspiratrice des Illuminati disparaît en 1200 (1785) mais les écrits du maçon et du christien inventent une légende : Survivant dans l'ombre, adepte moderne de la taqiya qarmate, elle œuvrerait à la destruction de la civilisation. Ainsi naît la fameuse "théorie du complot" qui anime depuis les esprits conspirationnistes.
Égaux solistesParmi les "dissidences" moïsiennes, christiennes ou mahométiennes, les qarmates sont une de ces multiples tentatives communautaires "religieuses" d'établir une égalité entre ses membres[98]. Accomplir la religion pour mieux la sublimer et, enfin, se passer de la divinité comme intermédiaire entre les hominines. Ultime utopie qui décrète qu'une société d'hominines peut être non-aliénante ![99] Doux rêves qu'imagineront aussi les pensées révolutionnaires à partir du XIIIème (XIXème) siècle, pour finalement faire vivre aux individus, au mieux, une expérimentation du présent et, au pire, un cauchemar...
Pour que les Égos soient Égaux, véritablement, ils se doivent de détruire toutes les médiations entre eux - société, État, dieu, culture, religion, etc. - pour se défaire de ce qui les entravent.
Voir aussi
Notes
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