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'''Néoplatisme'''. (''неорамниэам'' en [[macédonien]] - ''neoplatisme'' en [[nissard]]) Utopie passéiste du futur. | '''Néoplatisme'''. (''неорамниэам'' en [[macédonien]] - ''neoplatisme'' en [[nissard]]) Utopie passéiste du futur. | ||
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− | De toutes les espèces vivantes sur | + | De toutes les espèces vivantes sur la planète, les hominines <ref>Cousine des chimpanzés, les hominines sont une espèce connue pour prendre ses rêves, ses croyances et ses hallucinations pour la réalité. Sans avoir à ingurgiter des substances hallucinogènes.</ref> sont la seule dont nous possédons des représentations du monde qui l'environne, et que nous comprenons. Non pas le monde tel qu'il est mais tel qu'il est pensé. Comme n'importe quel animal, les hominines ressentent et fondent leurs connaissances de l'existant à partir de leurs sensations. Peu d'espèces semblent avoir des connaissances cumulatives. Hormis les hominines, cela a été confirmé chez les bourdons ou les chimpanzés qui sont capables d'apprendre et de transmettre des techniques ou des savoirs à leurs congénères. <ref>"Les bourdons et les chimpanzés aussi peuvent se transmettre des compétences" sur ''Sciencepost'', mars 2024 - [https://sciencepost.fr/bourdons-et-chimpanzes-se-transmettent-competences/ En ligne]</ref> Idem chez les minions, une espèce bien plus ancienne que les bourdons, les chimpanzés et les hominines. <ref>Extrait d'un documentaire de 2015 sur l'origine des minions - [https://www.youtube.com/watch?v=FWlwI31Myyo En ligne]</ref> Cela ne dit évidemment rien sur l'intelligence d'autres espèces. En effet, les poulpes, par exemple, sont capables d'apprentissage et d'expérimentation mais, dans leur environnement naturel, illes <ref>Pour l'ensemble des espèces sexuées sur le mode mâle/femelle, le pronom neutre ''illes'' est employé pour désigner leurs membres, même s'il existe des individus ne pouvant se cataloguer ainsi. Les processus biologiques ne sont pas une pure mécanique intangible et de multiples possibilités existent en dehors de cette simple binarité. </ref> ne sont pas dans des conditions matérielles leur permettant de transmettre quelque chose à des congénères. Les individus de cette espèce vivent en solitaire et meurent à l'issue de la reproduction. Les poulpes parviennent très bien à résoudre des problèmes de mécanismes complexes et de labyrinthes en laboratoire mais ne les inventent pas. Les animaux dit sociaux sont plus à même de développer des connaissances cumulatives et des mécanismes de transmission intergénérationnelle. |
Après les premières stupeurs sont arrivées les premières tentatives de réponse à ce qu'est l'existant pour des hominines. La datation de cela est difficile. Les questionnements sont divers tant le monde est vaste et complexe. Malgré des nuances évidentes, il y a très peu de différences entre les histoires inventées dans les sociétés d'hominines pour raconter le commencement de tout. Le premier scénario de fiction, le premier roman oral ? Les schémas mythologiques sont similaires. Une ligne est tracée entre le Rien primordial et les hominines. D'évidence, le résultat est une narration autocentrée pour décrire l'existant. D'une manière ou d'une autre, les hominines trônent. Illes ne sont jamais simplement une espèce parmi d'autres. | Après les premières stupeurs sont arrivées les premières tentatives de réponse à ce qu'est l'existant pour des hominines. La datation de cela est difficile. Les questionnements sont divers tant le monde est vaste et complexe. Malgré des nuances évidentes, il y a très peu de différences entre les histoires inventées dans les sociétés d'hominines pour raconter le commencement de tout. Le premier scénario de fiction, le premier roman oral ? Les schémas mythologiques sont similaires. Une ligne est tracée entre le Rien primordial et les hominines. D'évidence, le résultat est une narration autocentrée pour décrire l'existant. D'une manière ou d'une autre, les hominines trônent. Illes ne sont jamais simplement une espèce parmi d'autres. | ||
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== Hier == | == Hier == | ||
− | Sans exception, la totalité des cultures hominines se sont dotées de savoirs et de techniques afin de mieux survivre. Pour compenser leur fragilité et s'adapter au mieux à tous les environnements. Il y a de fortes probabilités pour que l'invention des vêtements en peau d'animaux soit concomitante de l'exploration de régions moins tempérées, et non les prémisses de la combinaison de sudation. Le manteau de fourrure ne s'invente pas sous des climats chauds, tout comme les lunettes de soleil ne sont pas | + | Sans exception, la totalité des cultures hominines se sont dotées de savoirs et de techniques afin de mieux survivre. Pour compenser leur fragilité et s'adapter au mieux à tous les environnements. Il y a de fortes probabilités pour que l'invention des vêtements en peau d'animaux soit concomitante de l'exploration de régions moins tempérées, et non les prémisses de la combinaison de sudation. Le manteau de fourrure ne s'invente pas sous des climats chauds, tout comme les lunettes de soleil ne sont pas pensées pour la nuit polaire. |
− | Impossible ici d'énumérer toutes les questions que les hominines se posent. Parmi celles-ci, celles sur la "planète" sur laquelle illes vivent. Est-elle sans fin comme semble le laisser penser son exploration pédestre ? Quelle est sa forme ? Qu'y a-t-il après l'horizon ? Existe-t-il un ailleurs ? Tout indique que les étoiles et les astres solaire et lunaire se déplacent. Sans vouloir faire preuve de validisme <ref>validisme</ref>, il suffit de regarder pour le constater. À partir de ces simples questionnements et constatations, de nombreuses hypothèses peuvent être formulées. Les récits mythologiques ne se gênent pas pour cela. Bien souvent le monde existant n'est pas pensé en tant que planète dans un univers beaucoup plus vaste mais comme l'unique réalité. Les étymologies possibles de ce mot de ''planète'' sont d'ailleurs des indicateurs de la complexité de ces réponses apportées par les croyances. Selon la plupart des dictionnaires actuels, le terme ''planète'' renvoie à une racine grecque antique signifiant "vagabond", "errant". Le grec ancien utilise l'expression ''astra planeta'', "étoile errante". Un sens que l'on retrouve dans le [[français]] moderne ''planer''. Pour certains, il est à rapprocher de ''flâner'' qui en serait la déformation. Dans plusieurs langues germaniques nord-européennes, il existe des formes de l'étymon ''flan'' avec le sens de "balader", "errer". Tel ''flanieren'' en allemand. Ce sens de vagabondage, de déplacement, correspond très bien à une description du mouvement des étoiles, de la lune et du soleil. Elles sont donc bien des planètes. Le terme est aujourd'hui genré au féminin mais pendant plusieurs siècles cela n'a pas été le cas. Le ''Dictionnaire de la langue française'' de Godefroy rapporte que ''un planet'' est une planète et que ''une planete'' est une petite hache pour rendre plat ou une plate-forme. <ref>Godefroy - [En ligne]</ref> Et ''planer'' est l'action de rendre plat. Un sens encore présent en français. Une ''plaine'' est un vaste endroit ouvert et à peu près plat. L'utilisation du mot ''astre'' évite cette ambiguïté. Son étymon a donné une multitude de mots dans les langues d'Europe. ''Star'' en anglais ou ''stern'' en allemand. ''Estela'' en nissard. Le ''stella'' latin débouche sur le nom ''étoile'' en français ou le qualificatif ''stellaire''. Ou encore ''constellation''. | + | Impossible ici d'énumérer toutes les questions que les hominines se posent. Parmi celles-ci, celles sur la "planète" sur laquelle illes vivent. Est-elle sans fin comme semble le laisser penser son exploration pédestre ? Quelle est sa forme ? Qu'y a-t-il après l'horizon ? Existe-t-il un ailleurs ? Tout indique que les étoiles et les astres solaire et lunaire se déplacent. Sans vouloir faire preuve de validisme <ref>Selon l'encyclopédie participative Wikipedia, "''Le capacitisme ou validisme est un système de valeurs oppressif faisant de la personne dite "valide", sans handicap, la norme sociale. C'est une forme de discrimination, de préjugé ou de traitement défavorable contre les personnes vivant un handicap''"</ref>, il suffit de regarder pour le constater. À partir de ces simples questionnements et constatations, de nombreuses hypothèses peuvent être formulées. Les récits mythologiques ne se gênent pas pour cela. Bien souvent le monde existant n'est pas pensé en tant que planète dans un univers beaucoup plus vaste mais comme l'unique réalité. Les étymologies possibles de ce mot de ''planète'' sont d'ailleurs des indicateurs de la complexité de ces réponses apportées par les croyances. Selon la plupart des dictionnaires actuels, le terme ''planète'' renvoie à une racine grecque antique signifiant "vagabond", "errant". Le grec ancien utilise l'expression ''astra planeta'', "étoile errante". Un sens que l'on retrouve dans le [[français]] moderne ''planer''. Pour certains, il est à rapprocher de ''flâner'' qui en serait la déformation. Dans plusieurs langues germaniques nord-européennes, il existe des formes de l'étymon ''flan'' avec le sens de "balader", "errer". Tel ''flanieren'' en allemand. Ce sens de vagabondage, de déplacement, correspond très bien à une description du mouvement des étoiles, de la lune et du soleil. Elles sont donc bien des planètes. Le terme est aujourd'hui genré au féminin mais pendant plusieurs siècles cela n'a pas été le cas. Le ''Dictionnaire de la langue française'' de Godefroy rapporte que ''un planet'' est une planète et que ''une planete'' est une petite hache pour rendre plat ou une plate-forme. <ref name="#god">Godefroy, ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle'', Tome sixième, 1888 - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire6/page/n227/mode/2up En ligne]</ref> Et ''planer'' est l'action de rendre plat. Un sens encore présent en français. Une ''plaine'' est un vaste endroit ouvert et à peu près plat. L'utilisation du mot ''astre'' évite cette ambiguïté. Son étymon a donné une multitude de mots dans les langues d'Europe. ''Star'' en anglais ou ''stern'' en allemand. ''Estela'' en nissard. Le ''stella'' latin débouche sur le nom ''étoile'' en français ou le qualificatif ''stellaire''. Ou encore ''constellation''. |
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− | À une date incertaine, mais fort probablement très ancienne, les hominines remarquent que l'ombre d'une chose fixe se déplace et change de taille. Cela fonctionne avec toute chose fixe. Ce mouvement de l'ombre est la matérialisation du déplacement du soleil. La longueur portée au sol est le reflet de l'inclinaison du soleil. L'hiver, lorsque la course du soleil est basse, l'ombre est plus longue que l'été, une saison où le soleil est haut. L'expérience est très facilement reproductible. Les premiers calendriers et horloges solaires apparaissent en Asie orientale et au Moyen-Orient. L'observation du ciel permet aux hominines de découvrir moult informations les concernant. Si le soleil et la lune ont une forme circulaire, qu'en est-il du monde ici-bas ? Les premières hypothèses postulent que "notre" monde est lui aussi circulaire. Rien ne dit encore s'il est plat ou cylindrique, mais la question se pose. Les documents les plus anciens dont nous disposons à ce sujet datent de la Grèce antique. L'application de quelques calculs géométriques, une science alors en plein essor, permet de répondre à quelques interrogations. Planter deux bâtons de hauteur égale à des endroits éloignés et mesurer leurs ombres à la même heure est une méthode qui montre que la terre est arrondie. Dès le V<sup><small>ème</small></sup> siècle avant JC<sup>Ⓒ</sup> <ref> | + | À une date incertaine, mais fort probablement très ancienne, les hominines remarquent que l'ombre d'une chose fixe se déplace et change de taille. Cela fonctionne avec toute chose fixe. Ce mouvement de l'ombre est la matérialisation du déplacement du soleil. La longueur portée au sol est le reflet de l'inclinaison du soleil. L'hiver, lorsque la course du soleil est basse, l'ombre est plus longue que l'été, une saison où le soleil est haut. L'expérience est très facilement reproductible. Les premiers calendriers et horloges solaires apparaissent en Asie orientale et au Moyen-Orient. L'observation du ciel permet aux hominines de découvrir moult informations les concernant. Si le soleil et la lune ont une forme circulaire, qu'en est-il du monde ici-bas ? Les premières hypothèses postulent que "notre" monde est lui aussi circulaire. Rien ne dit encore s'il est plat ou cylindrique, mais la question se pose. Les documents les plus anciens dont nous disposons à ce sujet datent de la Grèce antique. L'application de quelques calculs géométriques, une science alors en plein essor, permet de répondre à quelques interrogations. Planter deux bâtons de hauteur égale à des endroits éloignés et mesurer leurs ombres à la même heure est une méthode qui montre que la terre est arrondie. Dès le V<sup><small>ème</small></sup> siècle avant JC<sup>Ⓒ</sup> <ref>Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup> est le principal mis en cause dans la campagne internationale #mytho sur les agressions intellectuelles. </ref>, la plupart des érudits de l'antiquité grecque admettent la sphéricité de la Terre. Platon et Aristote pour ne citer que les plus connus. Même si les méthodes de calcul ne sont pas encore très précises, les formes arrondies des ombres de la Terre sur la Lune lors des éclipses et les calculs géométriques solaires sont pour eux des preuves suffisantes. Par contre ils divergent sur la question de la fixité ou non de notre astre terrestre. Même si certains défendent l'idée que l'astre terrestre tourne autour du soleil, le modèle dominant qui se dessine postule que la Terre est immobile et centrale dans l'univers, et que le Soleil et les autres astres tournent autour. Les avis divergent sur le rayon de cette sphère. Sans avoir recours aux mathématiques, il est possible de remarquer qu'au loin, à l'horizon, un bateau qui s'éloigne disparaît progressivement à partir du bas et que le mât est le dernier. Si la surface terrestre est plate, un objet qui s'éloigne à l'horizon doit simplement diminuer jusqu'à devenir si petit qu'il n'est plus visible. Inversement, à partir d'un bateau se rapprochant des côtes, les hominines voient les sommets des montagnes avant les côtes. La courbure terrestre implique qu'à une altitude d'environ 1,70 mètres — à la hauteur d'un regard d'hominine au bord de la mer — la vision ne peut dépasser les 4,7 kilomètres. À une altitude de 1312 mètres, l'horizon visible va jusqu'à presque 130 kilomètres. |
− | Les connaissances en astronomie sont résumées au II<sup><small>ème</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> par l'érudit Claude Ptolémée dans un traité en grec nommé ''Almageste'' | + | Les connaissances en astronomie sont résumées au II<sup><small>ème</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> par l'érudit Claude Ptolémée dans un traité en grec nommé ''Almageste''. Au cours des siècles suivants, la sphéricité de la Terre est chose acquise. Personne ne la remet en cause, que ce soit dans la civilisation mahométienne <ref name="#imp" /> ou, plus tard, lors du Moyen-Âge européen <ref>"Au Moyen Âge, croyait-on que la Terre était plate ?" dans l'émission ''Sans oser le demander'' sur ''France Culture'', 58 min., 2021 - [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/au-moyen-age-croyait-on-que-la-terre-etait-plate-5867779 En ligne]</ref>. L'astronomie et la navigation confirment cela. Le grand sujet de discorde reste la circonférence terrestre et sa place dans l'univers. Le géocentrisme demeure le modèle explicatif consensuel. Les autorités religieuses christiennes n'admettent pas que l'astre terrestre ne soit pas central car cela revient, selon elles, à minimiser la dimension centrale des hominines pour leur divinité. Malgré tout l'humour qui est le sien, ce dieu n'a pas pu créer sa créature préférée — les hominines — dans un simple coin de l'univers parmi d'autres. Pour le reste, elles ne contredisent pas la sphéricité. Dans l'un de ses ouvrages, ''Historia rerum ubique gestarum'', le pape Pie II signale en 1458 que "''à peu de choses près, tout le monde s’accorde à dire que la forme du monde est sphérique.''" |
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− | La fin du XV<sup><small>ème</small></sup> et le début du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècles est une époque d'exploration du monde par voie maritime. Les puissances politiques d'Europe financent des expéditions afin de découvrir de nouvelles routes vers les Indes et l'Orient. L'originalité de Christophe Colomb tient au fait qu'il veut partir en direction de l'ouest pour atteindre l'est. Les critiques de son projet ne sont pas sur l'absence de route vers les Indes, en passant par ce chemin, mais sur l'impossibilité de les rejoindre en bateau car le voyage s'annonce trop long. Les contraintes matérielles sont trop grandes. Lorsque son expédition approche enfin de la terre ferme après plus de deux mois de voyage, l'équipage est mal en point, affamé et à deux doigts de se révolter. En effet, les estimations de Colomb sont mauvaises car il pense que la sphère terrestre est plus petite qu'elle ne l'est véritablement. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il y a un continent entier entre l'Europe et l'Asie : le Nouveau Monde qui par la suite sera nommé Amérique. <ref>Amérique </ref> | + | La fin du XV<sup><small>ème</small></sup> et le début du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècles est une époque d'exploration du monde par voie maritime. Les puissances politiques d'Europe financent des expéditions afin de découvrir de nouvelles routes vers les Indes et l'Orient. L'originalité de Christophe Colomb tient au fait qu'il veut partir en direction de l'ouest pour atteindre l'est. Les critiques de son projet ne sont pas sur l'absence de route vers les Indes, en passant par ce chemin, mais sur l'impossibilité de les rejoindre en bateau car le voyage s'annonce trop long. Les contraintes matérielles sont trop grandes. Lorsque son expédition approche enfin de la terre ferme après plus de deux mois de voyage, l'équipage est mal en point, affamé et à deux doigts de se révolter. En effet, les estimations de Colomb sont mauvaises car il pense que la sphère terrestre est plus petite qu'elle ne l'est véritablement. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il y a un continent entier entre l'Europe et l'Asie : le Nouveau Monde qui par la suite sera nommé Amérique. <ref>Le néologisme Amérique, au féminin, apparaît à partir de 1507 en référence au navigateur Amerigo Vespucci qui aurait été le premier à comprendre que les Indes de Colomb sont un continent. </ref> |
− | Il faut attendre le milieu du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle pour que cette représentation du monde soit sérieusement remise en cause. Dans ''Des révolutions des sphères célestes'', Nicolas Copernic <ref> | + | Il faut attendre le milieu du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle pour que cette représentation du monde soit sérieusement remise en cause. Dans ''Des révolutions des sphères célestes'', Nicolas Copernic <ref>Médecin, mathématicien et clerc religieux, Mikołaj Kopernik (1473-1543) est né dans une famille germanophone de l'ancien royaume de Pologne. Sous le nom de Nikolaus Kopernikus, il est revendiqué par l'historiographie germanique. </ref> propose un système héliocentrique de notre univers. Se basant sur les observations astronomiques et l'héritage de siècles de progrès des sciences mathématiques, il explique que le soleil est un astre central autour duquel tournent les planètes. Dont la Terre. Peu soutenu, les travaux de Copernic ne font pas l'effet d'une bombe. Les autorités religieuses christiennes de Rome — la papauté — ne daignent pas répondre, ni même condamner. Elles l'ignorent. Avec son héliocentrisme affirmé, Copernic vient pourtant de fendiller le consensus. Il pose les fondations modernes de l'astronomie. En 1584, Giordano Bruno <ref>Filippo "Giordano" Bruno (1548-1600) naît près de Naples, alors dans le Royaume de Sicile. Membre de l'ordre religieux des Dominicains, il devient prêtre en 1573. Déçu par les enseignements religieux qu'il critique, il se défroque trois ans plus tard. Il est excommunié en 1578. Il publie de nombreux ouvrages qui mêlent théologie, science et philosophie</ref> publie ''De l’infinito, universo e Mondi'' (De l’Infini, de l'univers et des mondes) dans lequel il affirme : "''Il est donc d'innombrables soleils et un nombre infini de terres tournant autour de ces soleils, à l'instar des sept "terres" [la Terre, la Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne] que nous voyons tourner autour du Soleil qui nous est proche.''" À l'hypothèse que la sphère terrestre est immobile car lorsqu'un objet est lâché en haut d'un mât, il arrive au pied de ce même mât, Giordano Bruno répond qu'elle peut être mobile. Pour preuve, un objet lâché d'un mât en mouvement, sur un bateau par exemple, atterrie toujours à sa base. Une expérience aisément reproductible de nos jours. Sauter en l'air dans un train en marche, même à grande vitesse, ne fait pas courir le risque de se faire écraser par le bout du compartiment qui arrive à toute allure. Érudits dans plusieurs domaines, Giordano Bruno se met à dos les autorités papales qui lui reprochent ses positions sur la morale ou la religion. Ses positions scientifiques d'astronomie ne sont pas le principal reproche. Il est brûlé vif en 1600 pour hérésie. <ref>Sont hérétiques les doctrines, les hominines et les actes que les autorités religieuses papales considèrent non légitimes, divergentes ou dissidentes.</ref> |
− | <blockquote>'' Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n'y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j'aurais à rétracter.'' <ref>Giordano Bruno.</ref></blockquote> | + | <blockquote>'' Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n'y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j'aurais à rétracter.'' <ref>Giordano Bruno devant ses juges de l'Inquisition.</ref></blockquote> |
− | Quelques années plus tard, Johannes Kepler publie ses travaux sur les trajectoires des astres et conclue qu'elles ne sont pas circulaires mais elliptiques. Galilée provoque la colère d'érudits de son époque et des autorités religieuses en publiant ''Sidereus nuncius'' en 1610. S'appuyant sur les travaux de Copernic et ses successeurs, il fait l'hypothèse d'un système astronomique héliocentrique avec une sphère terrestre en mouvement. L'un de ses outils est une lunette astronomique, une invention récente. Le géocentrisme affirme que le poids des terres | + | Quelques années plus tard, Johannes Kepler publie ses travaux sur les trajectoires des astres et conclue qu'elles ne sont pas circulaires mais elliptiques. Galilée provoque la colère d'érudits de son époque et des autorités religieuses en publiant ''Sidereus nuncius'' en 1610. S'appuyant sur les travaux de Copernic et ses successeurs, il fait l'hypothèse d'un système astronomique héliocentrique avec une sphère terrestre en mouvement. L'un de ses outils est une lunette astronomique, une invention récente. Le géocentrisme affirme que le poids des terres émergées, avec leurs montagnes, est tel que la sphère ne peut évidemment pas bouger. Trop lourde. L'observation de la lune avec une lunette astronomique montre très bien qu'elle aussi a du relief alors que tout le monde est d'accord avec le fait qu'elle est en mouvement. Le théologien et érudit Paolo Antonio Foscarini soutient que l'héliocentrisme n'est pas contraire aux écrits de la mythologie christienne et tente de publier en 1615 sa ''Lettre sur l'opinion pythagoricienne et copernicienne concernant la mobilité de la Terre et la stabilité du Soleil'' <ref>''Lettre sur l'opinion pythagoricienne et copernicienne concernant la mobilité de la Terre et la stabilité du Soleil'', 1616</ref>. Mais l'héliocentrisme est officiellement déclaré hérétique en 1616 et les livres sur ce sujet sont ajoutés à l’''Index des livres interdits'', le catalogue officiel des autorités religieuses papales. <ref>Entre 1549 et 1948, vingt ''Index des livres interdits'' sont édités par les autorités papales avec le nom des auteurs, les ouvrages et les textes anonymes dont la possession, la lecture, la vente ou la diffusion sont proscrits. L'Index est supprimé en 1966. Pendant les quatre siècles de son existence, entre 4500 et 6000 livres ont été mis à l'index.</ref> La Terre peut bien être sphérique, peu importe, mais hors de question qu'elle bouge. En 1632, Galilée fait paraître ''Dialogue sur les deux grands systèmes du monde'' <ref>Galilée, ''Dialogue sur les deux grands systèmes du monde'', 1632. Traduction et édition aux éditions du Seuil par René Fréreux et François de Gandt en 2000</ref> dans lequel trois personnes échangent sur la question. La première, à laquelle il s'identifie, est favorable au système héliocentrique de Copernic, la deuxième, représentant les autorités religieuses, défend le système géocentrique et la troisième n'a pas encore d'avis sur cette question. Les autorités papales n'apprécient pas. L'année suivante, un procès lui est intenté. Il est condamné à ne plus aborder le sujet et contraint à s'exiler. Ses travaux sont ajoutés à l’''Index''. Si les théories héliocentriques apportent des réponses à des observations astronomiques et des calculs géométriques, elles ne sont pas encore en mesure d'expliquer tout ce que cela implique. Si la Terre n'est pas plate, les régions aux antipodes ne doivent pas être habitées car impossible d'y vivre avec la tête en bas. Si la Terre est en mouvement comment si maintenir sans se faire expulser par la vitesse ? Quoiqu'en pensent les héliocentristes, il suffit de retourner un verre d'eau pour constater qu'elle ne reste pas dans le récipient et se déverse. De plus, vivre en permanence la tête en bas n'est pas conseillé. Isaac Newton va permettre d'affiner le modèle héliocentrique. Par ses calculs il montre la présence d'une force de gravitation qui attire vers le sol. S'il est un personnage important dans l'histoire des sciences modernes, il l'est tout autant dans l'histoire de la [[protivophilie]] car, selon une source anonyme, "''avant sa découverte de la gravité en 1687, les hominines prenaient tout à la rigolade''". Les autorités religieuses christiennes de Rome reconnaissent dans le milieu du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle la validité des théories de Galilée. Ses écrits et tout ceux défendant l'héliocentrisme sont enlevés de l'Index. |
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''Pour une seule bonne raison''<br /> | ''Pour une seule bonne raison''<br /> | ||
''Après avoir fait l'tour du monde''<br /> | ''Après avoir fait l'tour du monde''<br /> | ||
− | ''Tout c'qu'on veut, c'est être à la maison'' <ref>Orelsan, "La Terre est ronde" sur l'album ''Le Chant des sirènes'', 2011 - [En ligne]</ref><br /> | + | ''Tout c'qu'on veut, c'est être à la maison'' <ref>Orelsan, "La Terre est ronde" sur l'album ''Le Chant des sirènes'', 2011 - [https://www.youtube.com/watch?v=oGdhZyS2ozo En ligne]</ref><br /> |
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− | Si l'autorité religieuse est contestée dans sa légitimité politique, elle l'est aussi pour sa volonté d'une main-mise sur la validité ou non à accorder à telles ou telles théories ou pensées. Que faire des sciences qui ne s'accordent pas avec les mythologies christiennes ou qui les heurtent ? Les scientifiques et les philosophes de ces siècles charnière inversent la question. Que faire des mythologies et des savoirs qui ne s'accordent pas avec les sciences nouvelles ? La superstar de cette époque est Voltaire. Il aime se voir en pourfendeur de la religion. Des textes anonymes circulent en Europe. La cible est la religion christienne et ses croyances. Le fait même de croire en cette religion est contesté. De ''La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy'' de Geoffroy Vallée en 1572 <ref>Geoffroy Vallée, ''La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy'', 1572 - [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71722w/f48.image En ligne]. Il est réédité au XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle sous le titre ''L'art de ne croire en rien''</ref> — et qui vaut à son auteur la pendaison suivie du bûcher deux ans plus tard <ref>Noël Journet est lui aussi pendu puis brûlé, à Metz en 1582, pour des écrits blasphématoires dont nous ne disposons d'aucune copie. Voir Alain Mothu, "Deux "jeunes éventés" : Geoffroy Vallée et Noël Journet. Spiritualisme et athéisme au XVIe siècle", ''Les dossiers du GRIHL'', 2009 - [http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/2083 En ligne]</ref> — à l'anonyme ''Traité des trois imposteurs'' <ref>''Traité des trois imposteurs'', 1777 - [http://classiques.uqac.ca/classiques/holbach_baron_d/trois_imposteurs/trois_imposteurs.pdf En ligne]. Pour une liste des différentes variantes, voir [https://biblioweb.hypotheses.org/16070 ici]. Georges Minois, ''Le traité des trois imposteurs. Histoire d'un livre blasphématoire qui n'existait pas'', Albin Michel, 2009</ref> dans les années 1720 en passant par le ''Testament de Jean Meslier'' publié en 1762 par Voltaire. Ce ''Testament'' est une version légèrement remaniée de ''Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, prêtre-curé d'Etrépigny et de Balaives, sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l'on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les religions du monde, pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux et à tous leurs semblables'', plus connu sous son nom abrégé de ''Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier''. <ref>Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier, Talus d'approche, 2007, 3 volumes. Une version du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle est disponible [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90605955 en ligne]</ref> L'opposition de Voltaire à la religion est si | + | Si l'autorité religieuse est contestée dans sa légitimité politique, elle l'est aussi pour sa volonté d'une main-mise sur la validité ou non à accorder à telles ou telles théories ou pensées. Que faire des sciences qui ne s'accordent pas avec les mythologies christiennes ou qui les heurtent ? Les scientifiques et les philosophes de ces siècles charnière inversent la question. Que faire des mythologies et des savoirs qui ne s'accordent pas avec les sciences nouvelles ? La superstar de cette époque est Voltaire. Il aime se voir en pourfendeur de la religion. Des textes anonymes circulent en Europe. La cible est la religion christienne et ses croyances. Le fait même de croire en cette religion est contesté. De ''La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy'' de Geoffroy Vallée en 1572 <ref>Geoffroy Vallée, ''La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy'', 1572 - [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k71722w/f48.image En ligne]. Il est réédité au XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle sous le titre ''L'art de ne croire en rien''</ref> — et qui vaut à son auteur la pendaison suivie du bûcher deux ans plus tard <ref>Noël Journet est lui aussi pendu puis brûlé, à Metz en 1582, pour des écrits blasphématoires dont nous ne disposons d'aucune copie. Voir Alain Mothu, "Deux "jeunes éventés" : Geoffroy Vallée et Noël Journet. Spiritualisme et athéisme au XVIe siècle", ''Les dossiers du GRIHL'', 2009 - [http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/2083 En ligne]</ref> — à l'anonyme ''Traité des trois imposteurs'' <ref>''Traité des trois imposteurs'', 1777 - [http://classiques.uqac.ca/classiques/holbach_baron_d/trois_imposteurs/trois_imposteurs.pdf En ligne]. Pour une liste des différentes variantes, voir [https://biblioweb.hypotheses.org/16070 ici]. Georges Minois, ''Le traité des trois imposteurs. Histoire d'un livre blasphématoire qui n'existait pas'', Albin Michel, 2009</ref> dans les années 1720 en passant par le ''Testament de Jean Meslier'' publié en 1762 par Voltaire. Ce ''Testament'' est une version légèrement remaniée de ''Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, prêtre-curé d'Etrépigny et de Balaives, sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l'on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les religions du monde, pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux et à tous leurs semblables'', plus connu sous son nom abrégé de ''Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier''. <ref>Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier, Talus d'approche, 2007, 3 volumes. Une version du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle est disponible [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90605955 en ligne]</ref> L'opposition de Voltaire à la religion est si tranchée qu'il lui dénie son héritage grec antique. Autant pour les sciences que pour la philosophie. L'Âge d'Or christien <ref name="#imp">''Christien'' désigne les hominines, mâles et femelles, qui suivent les préceptes de Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>. ''Moïsien'' pour Moïse et ''Mahométien'' pour Mahommet</ref> doit rimer avec obscurantisme. Par mensonge délibéré ou biais intellectuel, Voltaire affirme que les autorités et les croyances christiennes ont défendu la théorie d'une Terre plate. En rupture avec les connaissances acquises dans l'antiquité grecque. Pour sa démonstration il cite deux auteurs christiens anciens, Lactance et Cosmas. Vivant à cheval sur les III<sup><small>ème</small></sup> et IV<sup><small>ème</small></sup> siècles, le premier est, selon Nicolas Copernic, un "''illustre écrivain mais piètre astronome qui parle de manière infantile de la forme de la Terre quand il se moque de ceux qui déclarent qu’elle a la forme d’un globe.''" <ref>Nicolas Copernic dans sa dédicace au pape Paul III de ''Des révolutions des sphères célestes'' en 1543</ref> Lactance n'est pas stupide et interroge avec logique la théorie de la sphéricité terrestre : "''Ceux qui pensent qu'il y a des antipodiens opposés à nos pas, cela a-t-il quelque sens ? ou bien y a-t-il quelqu'un d'assez inepte pour croire qu'il y a des hommes dont les plantes des pieds sont au-dessus de leurs têtes ? ou bien que ce qui y est posé par terre, pour nous, pend en étant renversé ? que les herbes et les arbres croissent vers le bas ? que les pluies, la neige et la grêle tombent sur terre vers le haut ?''" <ref>Lactance, ''Divinæ Institutiones'', Livre III, chapitre XXIV </ref> Si la Terre est plate, personne ne peut tomber dans les airs. Il faut attendre la gravité de Isaac Newton pour que des hominines puissent admettre que toute la sphère est habitable. Avant, cela peut paraître impensable. Constantin d'Antioche dit Cosmas Indicopleustès ("le voyageur des Indes") rédige dans le milieu du VI<sup><small>ème</small></sup> siècle sa ''Topographie chrétienne'' en langue grecque. Le titre de son premier chapitre résume les autres ''Contre les faux chrétiens qui professent, comme les païens, que le ciel est sphérique''. Son ouvrage est très peu distribué et son contenu demeure confidentiel <ref>Constantin d'Antioche appartient au courant christien nestorien. Ce qualificatif vient de Nestorius qui prône que Jésus aka Christ possède à lui-seul deux natures, l'une humaine et l'autre divine. Une doctrine déclarée hérétique en 431 par les autorités religieuses papales. Absent en Europe et condamné comme hérésie, le nestorianisme devient un courant religieux distinct. Il se répand en direction de l'orient où des tribus turques et mongoles se convertissent. Les nestoriens parviennent en Chine dans le milieu du XIII<sup><small>ème</small></sup> siècle.</ref>. C'est une première traduction latine en 1707 qui permet à Voltaire et à l'ensemble du monde christien de prendre connaissance de ce livre. Pas publiée depuis le XII<sup><small>ème</small></sup> siècle, la ''Topographie'' de Cosmas n'est pas représentative d'une théorie platiste défendue par les autorités religieuses de Rome pendant des siècles. Celles-ci reconnaissent plutôt la validité de plusieurs textes écrits par différents religieux qui défendent que la Terre est une sphère. De Grégoire de Nysse — sans lien de parenté avec Brice de Nice — qui parle au IV<sup><small>ème</small></sup> siècle de la forme sphérique de l'ombre terrestre sur la Lune lors d'une éclipse à la parution du ''Traité de la sphère'' au XIV<sup><small>ème</small></sup> siècle par un dignitaire religieux. Ce même siècle où Thomas d'Aquin, LA grande référence des autorités religieuses papales, est catégorique : "''les sciences se différencient en fonction des différents moyens par lesquels la connaissance est obtenue. En effet, l'astronome et le physicien peuvent tous deux démontrer la même chose, par exemple que la terre est ronde : l'astronome au moyen des mathématiques (c'est-à-dire en faisant abstraction de la matière), mais le physicien au moyen de la matière elle-même.''" <ref>Thomas d'Aquin, ''Sommes théologiques'', question I, réponse I, objection II, deuxième moitié du XIV<sup><small>ème</small></sup> siècle</ref> |
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− | Les pensées philosophiques et politiques qui s'élaborent dans le courant du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle aiment présenter le passé uniquement comme un âge d'ignorance et de superstition. Quitte à traficoter un peu la réalité. Voltaire n'est pas un cas unique. Depuis la "Révolution française" qui a renversé en 1789 le régime féodal et son aristocratie pour le remplacer par un système parlementaire aux mains de la bourgeoisie, le discours officiel et l'historiographie vont dans ce sens. Penser que "''Avant c'était pire''" permet toujours une meilleure acceptation du présent. Quel qu'il soit. La méthode se rode. Rappelons ici que la chasse aux sorcières ne date pas des périodes médiévales christiennes mais se situe au XVI<sup><small>ème</small></sup> et XVII<sup><small>ème</small></sup> siècles. Que l'Inquisition anti-hérétique, aussi terrible soit-elle, n'a pas fait autant de morts que les conflits territoriaux et les guerres entre les royaumes d'Europe dans la même période. Un obscurantisme en remplace un autre : La politique prend le relai du religieux. Le colonialisme européen n'est pas mieux que les Croisades christiennes. Le sort des populations moïsiennes <ref name="#imp" /> médiévales n'est pas moins enviable que celui qui leur est réservé aux époques modernes. Celui des populations serviles sous la féodalité est-il vraiment différent du sort des hominines maintenant prolétaires ? Les ''Lumières'' < | + | Les pensées philosophiques et politiques qui s'élaborent dans le courant du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle aiment présenter le passé uniquement comme un âge d'ignorance et de superstition. Quitte à traficoter un peu la réalité. Voltaire n'est pas un cas unique. Depuis la "Révolution française" qui a renversé en 1789 le régime féodal et son aristocratie pour le remplacer par un système parlementaire aux mains de la bourgeoisie, le discours officiel et l'historiographie vont dans ce sens. Penser que "''Avant c'était pire''" permet toujours une meilleure acceptation du présent. Quel qu'il soit. La méthode se rode. Rappelons ici que la chasse aux sorcières ne date pas des périodes médiévales christiennes mais se situe au XVI<sup><small>ème</small></sup> et XVII<sup><small>ème</small></sup> siècles. Que l'Inquisition anti-hérétique, aussi terrible soit-elle, n'a pas fait autant de morts que les conflits territoriaux et les guerres entre les royaumes d'Europe dans la même période. Un obscurantisme en remplace un autre : La politique prend le relai du religieux. Le colonialisme européen n'est pas mieux que les Croisades christiennes. Le sort des populations moïsiennes <ref name="#imp" /> médiévales n'est pas moins enviable que celui qui leur est réservé aux époques modernes. Celui des populations serviles sous la féodalité est-il vraiment différent du sort des hominines maintenant prolétaires ? Les ''Lumières'' du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle ont assombri la réalité passée et présente. Que ce soit dans la phase où elles prennent de plus en plus de pouvoir politique, économique et culturel, ou lorsqu'elles s'en emparent vraiment, les bourgeoisies n'assument pas ouvertement leur position d'exploiteuses et de profiteuses. Elles rejettent tout sur la féodalité et l'aristocratie renversées. "''J'aime pas les gens !''" hurlent les foules qui doutent des promesses qui n'aboutissent jamais à [[rien]]. |
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− | Inversement, des hominines affirment que c'était mieux avant. Que ce soit à travers la politique ou la religion. L'une prétend qu'un retour en arrière est la solution à toutes les misères du présent et aux avenirs funestes, l'autre prend ses fantasmagories pour la réalité : "''On pourrait n’accorder que peu d’importance à tout cela. Après tout, le chrétien peut sauver son âme quelle que soit la forme qu’il attribue à la Terre. L’essentiel n’est-il pas cette effrayante diminution de l’espérance de vie qui n’est plus que de 85 ans alors qu’elle fut au Moyen-Age l’espérance de la vie éternelle ?''" <ref>"La Terre plate ? Les dessous d’une falsification (2)" sur ''FSSPX Actualités'', août 2023 - [https://fsspx.news/fr/news/la-terre-plate-les-dessous-dune-falsification-2-29806 En ligne]</ref> Il est vrai que l'impact de la croyance ou non d'une Terre plate est minime sur le sort des hominines. L'illusion n'est pas toujours un frein au réel et la pensée religieuse s'accommode très bien de ses propres contradictions. Isaac Newton, par exemple, est un hominine profondément croyant dans les mythologies christiennes tout en étant un scientifique, un hominine qui cherche la rationalité mais qui est persuadé que l'alchimie <ref>alchimie</ref> est une vraie science. Selon lui, "''la gravité explique le mouvement des planètes, mais elle ne peut expliquer ce qui les mit en mouvement. Dieu gouverne toutes choses et sait tout ce qui est ou tout ce qui peut être''" ! Avec la pensée religieuse et sa mythologie, la schizophrénie est un état permanent. Entre | + | Inversement, des hominines affirment que c'était mieux avant. Que ce soit à travers la politique ou la religion. L'une prétend qu'un retour en arrière est la solution à toutes les misères du présent et aux avenirs funestes, l'autre prend ses fantasmagories pour la réalité : "''On pourrait n’accorder que peu d’importance à tout cela. Après tout, le chrétien peut sauver son âme quelle que soit la forme qu’il attribue à la Terre. L’essentiel n’est-il pas cette effrayante diminution de l’espérance de vie qui n’est plus que de 85 ans alors qu’elle fut au Moyen-Age l’espérance de la vie éternelle ?''" <ref>"La Terre plate ? Les dessous d’une falsification (2)" sur ''FSSPX Actualités'', août 2023 - [https://fsspx.news/fr/news/la-terre-plate-les-dessous-dune-falsification-2-29806 En ligne]</ref> Il est vrai que l'impact de la croyance ou non d'une Terre plate est minime sur le sort des hominines. L'illusion n'est pas toujours un frein au réel et la pensée religieuse s'accommode très bien de ses propres contradictions. Isaac Newton, par exemple, est un hominine profondément croyant dans les mythologies christiennes tout en étant un scientifique, un hominine qui cherche la rationalité mais qui est persuadé que l'alchimie <ref>Attestée depuis des siècles, l'alchimie est un mélange de science et de croyances religieuses qui postule, entre autres choses, qu'il est possible de transformer les métaux pauvres, comme le plomb, en argent ou en or. Pour cela il faut découvrir ce qui est appelé la "Pierre philosophale". Aux époques contemporaines, l'alchimie est régulièrement moquée, voir Étienne-François Geoffroy, ''Des supercheries concernant la pierre philosophale'', 1722</ref> est une vraie science. Selon lui, "''la gravité explique le mouvement des planètes, mais elle ne peut expliquer ce qui les mit en mouvement. Dieu gouverne toutes choses et sait tout ce qui est ou tout ce qui peut être''" ! Avec la pensée religieuse et sa mythologie, la schizophrénie est un état permanent. Entre réalités et mythes. |
− | L'idée que la théorie d'une Terre plate est défendue par les autorités religieuses médiévales s'impose. Pouvait-il en être autrement ? Elle devient une évidence partagée et au cours du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, cette fausse affirmation continue de circuler. Qui oserait remettre en cause ce que des auteurs fameux comme Voltaire ont dit ? Des spécialistes d'histoire, des romanciers, des érudits reprennent ces déformations historiques, et sont la caution moderne au mythe de la Terre plate. Dans sa biographie éponyme du navigateur ''Magellan'', en 1938, l'écrivain Stephan Zweig croit savoir que la platitude de la Terre est une évidence à l'époque du navigateur. Comme dans ''Pirates des Caraïbes'' troisième volet nommé ''Jusqu'au bout du monde'' <ref>''Pirates des Caraïbes : Jusqu'au bout du monde'' réalisé par Gore Verbinski en 2007. Bande-annonce [https://www.dailymotion.com/video/x8tjtty en ligne]</ref>. Contrairement à ce qui s'écrit, l'opposition au voyage de Christophe Colomb n'est pas pour des raisons d'hypothétique platitude mais de capacités à franchir une si longue distance sans ravitaillement. | + | L'idée que la théorie d'une Terre plate est défendue par les autorités religieuses médiévales s'impose. Pouvait-il en être autrement ? Elle devient une évidence partagée et au cours du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, cette fausse affirmation continue de circuler. Qui oserait remettre en cause ce que des auteurs fameux comme Voltaire ont dit ? Des spécialistes d'histoire, des romanciers, des érudits reprennent ces déformations historiques, et sont la caution moderne au mythe de la Terre plate. Dans sa biographie éponyme du navigateur ''Magellan'', en 1938, l'écrivain Stephan Zweig croit savoir que la platitude de la Terre est une évidence à l'époque du navigateur. Comme dans ''Pirates des Caraïbes'' troisième volet nommé ''Jusqu'au bout du monde'' <ref>''Pirates des Caraïbes : Jusqu'au bout du monde'' réalisé par Gore Verbinski en 2007. Bande-annonce [https://www.dailymotion.com/video/x8tjtty en ligne]</ref>. Contrairement à ce qui s'écrit, l'opposition au voyage de Christophe Colomb n'est pas pour des raisons d'hypothétique platitude mais de capacités à franchir une si longue distance sans ravitaillement. ''Les Somnambules. Essai sur l'histoire des conceptions de l'univers'', publié en 1959 par Arthur Koestler, reprend l'argumentaire qui minimise l'influence de Copernic et Galilée. Il affirme, à tort, que les travaux de Copernic ne sont pas très connus à son époque. "''Le livre que personne n’a lu – le ''Livre des Révolutions des Sphères Célestes'' était et demeure la plus mauvaise vente de tous les temps.''" <ref>Arthur Koestler, ''Les Somnambules. Essai sur l'histoire des conceptions de l'univers'', chapitre II, 1959</ref> Rien de moins. Une contrevérité largement débunkée en 2004 par Owen Gingerich dans ''Le livre que nul n'avait lu'' <ref>Owen Gingerich, ''Le livre que nul n'avait lu'', 2004</ref>. Pour Galilée, Arthur Koestler relativise le procès et la mise à l'Index de ses écrits. Des références antiques, quelques textes médiévaux, des sources intellectuelles reconnues et des confirmations contemporaines, tous les ingrédients sont réunis pour un "Mythe de la Terre plate" <ref>Violaine Giacomotto-Charra, Sylvie Nony, ''La Terre plate. Généalogie d’une idée fausse''. Les Belles Lettres, 2021</ref>. |
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− | Le XIX<sup><small>ème</small></sup> est le siècle des grands bouleversements. L'industrialisation grandissante des pays de l'ouest européen entraîne la critique de ce processus et des retombées néfastes sur les hominines qui l'alimentent. Cette critique est autant sociale que politique. La bourgeoisie humaniste se lance dans des programmes d'amélioration des conditions de vie des plus pauvres. La philanthropie a le vent en poupe. Elle vise à calmer les dilemmes moraux de ces philanthropes et à atténuer les misères endurées par la majorité. En parallèle, des théories politiques nouvelles s'élaborent. Leurs buts est de proposer des modes d'organisation qui extraient les hominines des réalités sociales en s'organisant en marge du monde. Pour celleux qui se réclament d'une religion, ces nouvelles théories sont une manière de revenir aux "vraies" sources | + | Le XIX<sup><small>ème</small></sup> est le siècle des grands bouleversements. L'industrialisation grandissante des pays de l'ouest européen entraîne la critique de ce processus et des retombées néfastes sur les hominines qui l'alimentent. Cette critique est autant sociale que politique. La bourgeoisie humaniste se lance dans des programmes d'amélioration des conditions de vie des plus pauvres. La philanthropie a le vent en poupe. Elle vise à calmer les dilemmes moraux de ces philanthropes et à atténuer les misères endurées par la majorité. En parallèle, des théories politiques nouvelles s'élaborent. Leurs buts est de proposer des modes d'organisation qui extraient les hominines des réalités sociales en s'organisant en marge du monde. Pour celleux qui se réclament d'une religion, ces nouvelles théories sont une manière de revenir aux "vraies" sources, pour celleux qui refusent les préceptes religieux, elles sont une façon de faire enfin rupture avec des croyances qui incarnent le passé. Dans ce cas, la religion n'est pas vue comme salutaire mais comme responsable de nombreux malheurs pour les hominines. En complément pour les philanthropes ou en réponse aux approches religieuses pour les critiques les plus radicales, les sciences sont mises à contribution. L'organisation sociale, politique et économique sont passées au crible de ces sciences. Des projets collectifs sont envisagés afin de s'extraire au mieux du monde industriel moderne. Il ne s'agit pas de tentatives de retour à un passé mythique mais de se projeter dans le futur en se construisant un présent. Autant les sciences dures — telles que les mathématiques, la physique ou l'astronomie — que les sciences dites humaines sont mises au service de ces projets. Le progrès social est alors nommé ''socialisme''. Avec toute la modestie qui est la sienne, Karl Marx catalogue d'utopistes ces premiers socialismes du début du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle alors qu'il qualifie le sien de scientifique. Pourtant, les différentes approches et théories "socialistes" ne restent pas cantonnées au monde des idées mais prennent forme dans de véritables tentatives de les réaliser concrètement. Elles ne sont pas plus utopiques que la pensée marxienne, et ne sont pas moins scientifiques. Les espoirs d'un monde meilleur ne sont pas l'apanage des hominines de la bourgeoisie intellectuelle, c'est aussi une activité de pauvres, la rage au ventre. Dans ''L'humanisphère'', en 1857, l'anarchiste Joseph Déjacque <ref>Joseph Déjacque (1821-1865) naît à Paris dans une famille prolétaire. Dans le milieu des années 1840, il découvre l'idée de socialisme. Il collabore au journal ''La Voix des femmes''. Son recueil de poésies ''Les Lazaréennes, fables et poésies sociales'', publié en 1851, lui vaut d'être condamné et le livre est interdit pour "''excitations à la haine et au mépris du gouvernement de la République''". Il quitte la France et trouve refuge aux États-Unis d'Amérique à partir de 1854. En 1857 dans ''De l'Être-Humain mâle et femelle - Lettre à P. J. Proudhon'', il invente le terme de ''libertaire'' pour s'opposer à ''libéral''. Joseph Déjacque est un auteur prolixe. ''À bas les chefs'' est publié en 1859 - [https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%80_bas_les_chefs_! En ligne]. Entre 1858 et 1861 il publie ''Le Libertaire'', sous titré "''Journal du mouvement social''", dont 27 numéros paraissent à New York. Selon son ami Gustave Lefrançais, dans ses ''Souvenirs d’un révolutionnaire'', "''il est mort, fou de misère, à Paris''". Un site consacré à Joseph Déjacque - [http://joseph.dejacque.free.fr/ En ligne]</ref> aspire à "''la sociale République humaine, une et indivisible, la République des hominines à l’''état'' libre, la République des individualités-unies du globe.''" <ref>Joseph Déjacque, ''L'humanisphère'', 1857 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k101911z En ligne]</ref> Les plus célèbres de ces socialistes "utopistes", tous nés dans le dernier quart du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècle, sont Charles Fourier <ref>Imaginés par Charles Fourier (1772-1837) dans ''Théorie des quatre mouvements et des destinées générales : prospectus et annonce de la découverte'' en 1808, les ''phalanstères'' sont un modèle d'habitat collectif idéal pour loger environ 2000 hominines, soit 400 familles. Logements, jardins et magasins sont réunis. Cela s'inscrit dans une recherche d'optimisation industrielle et d'améliorations des conditions sociales. Les phalanstères intéressent les industriels philanthropes. Le plus célèbre est Jean-Baptiste André Godin et sa fabrique coopérative de poêle à bois. Il est à l'origine du familistère de Guise, dans l'Aisne. Plusieurs expériences fouriéristes sont tentées en France et aux États-Unis. Nathalie Brémand, Florent Perrier (dir.), ''Le phalanstère représenté'', Cahiers Charles Fourier, n° 24, 2013 </ref>, Étienne Cabet <ref>En 1840, le français Étienne Cabet (1788-1856) publie anonymement ''Voyages et aventures du Lord Wiliam Carisdall en Icarie'', l'histoire fictive d'un jeune aristocrate britannique qui découvre l'île d'Icarie. Voyant que la censure n'y porte aucun intérêt, il le réédite deux ans plus tard, signé de son nom, et titré ''Voyage en Icarie'' - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k101886z En ligne]. Le livre est un succès et réédité plusieurs fois dans les années qui suivent sa sortie. Il y décrit une communauté socialiste idéale qui inspire quelques hominines. Sous l'impulsion de Étienne Cabet lui-même, plusieurs tentatives de mettre en place des communautés icariennes voient le jour aux États-Unis d'Amériques. La première Icarie est fondée 1848 au Texas. Presque 500 hominines, mâles, femelles et progéniture, sont dans ce projet. Dans l'Illinois puis Iowa. La dernière tentative en Californie se disloque en 1886. ''Colonie ou République icarienne dans les États-Unis d'Amérique'', 1852 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9771115j/f1.item En ligne]</ref>, Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon <ref>Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825) s'engage à 17 ans dans la lutte pour l'indépendance des États-Unis face au Royaume-Uni. Il est fait prisonnier par les britanniques et revient en France en 1783. Rationaliste, économiste et partisan du progrès social, Claude-Henri de Rouvroy publie plusieurs textes pour expliquer sa vision d'une société nouvelle et industrielle. ''Du système industriel'' en 1822, ''Catéchisme des industriels'' en 1824 et ''Nouveau christianisme – Dialogues entre un conservateur et un novateur'' en 1825 constitue la base du "socialisme saint-simonien" ou "saint-simonisme". Voir Pierre Musso, ''Saint-Simon et le saint-simonisme'', Que Sais-Je ?, PUF, 1999</ref> ou Robert Owen. Ils imaginent des formes d'organisation sociale idéale. Pour cela, les sciences sont sollicitées. Elles sont le socle sur lequel repose l'équilibre à trouver entre individualité et collectivité, au bénéfice des deux. L'architecture des lieux de vie est aussi importante que l'éducation donnée, l'hygiène est aussi primordiale que de la nourriture en quantité suffisante. Le travail est aussi indispensable que le repos, etc. Il y a urgence car tous savent que la situation sociale quotidienne est une catastrophe pour nombre d'hominines et que "''Demain c’est trop tard''". |
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− | Né en 1771 au Pays de Galles britannique dans une famille d'artisan, Robert Owen travaille très tôt dans l'industrie textile en tant qu'apprenti. Il est nommé à la direction d'une manufacture vers l'âge de 20 ans. Il épouse en 1797 la fille d'un industriel et par la suite prend la direction de la filature de son beau-père à New Lanark en Écosse britannique. Humaniste non-religieux, il se fait patron paternaliste. Pour lui, les hominines travaillant dans son entreprise doivent pouvoir bénéficier des meilleurs traitements. Il défend la journée de travail de 8 heures, améliore l'habitat de sa main-d'œuvre et organise la scolarisation de leur progéniture. L'entreprise est florissante et New Lanark est un véritable laboratoire social. Son modèle devient une référence en matière de réformes sociales et économiques <ref>Robert Owen, ''Institution pour améliorer le caractère moral du peuple, ou Adresse aux habitants de New-Lanark en Écosse'', 1818 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5432475h En ligne]</ref>. Dans les années 1820, Robert Owen prend ses distances vis-à-vis de l'industrie et projette de mettre en place des communautés de vie. Pour lui, elles sont la seule manière d'échapper aux logiques capitalistiques <ref>Robert Owen, ''Propositions fondamentales du système social de la communauté des biens, fondé sur les lois de la nature humaine'', 1837 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75665v En ligne]</ref>. Après avoir prôné un réformisme social et politique, Robert Owen imagine un "socialisme" basé sur la coopération où la main-d'œuvre est maîtresse des moyens de production et vit collectivement. Ses écrits trouvent une résonance auprès de plusieurs hominines qui s'associent à lui ou qui tentent de concrétiser son utopie sociale. Sur la petite dizaine d'expériences "owenistes" éphémères aux États-Unis américains, la plus connue de ces communautés est celle de New Harmony <ref>New Harmony</ref>, fondée en 1825 par Robert Owen lui-même. Elle ne dure que deux années. Au Royaume-Uni britannique, une dizaine de projets de communautés voient le jour entre 1820 et les années 1840. Aucune de ces communautés ne survie au-delà de cette décennie 1840. | + | Né en 1771 au Pays de Galles britannique dans une famille d'artisan, Robert Owen travaille très tôt dans l'industrie textile en tant qu'apprenti. Il est nommé à la direction d'une manufacture vers l'âge de 20 ans. Il épouse en 1797 la fille d'un industriel et par la suite prend la direction de la filature de son beau-père à New Lanark en Écosse britannique. Humaniste non-religieux, il se fait patron paternaliste. Pour lui, les hominines travaillant dans son entreprise doivent pouvoir bénéficier des meilleurs traitements. Il défend la journée de travail de 8 heures, améliore l'habitat de sa main-d'œuvre et organise la scolarisation de leur progéniture. L'entreprise est florissante et New Lanark est un véritable laboratoire social. Son modèle devient une référence en matière de réformes sociales et économiques <ref>Robert Owen, ''Institution pour améliorer le caractère moral du peuple, ou Adresse aux habitants de New-Lanark en Écosse'', 1818 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5432475h En ligne]</ref>. Dans les années 1820, Robert Owen prend ses distances vis-à-vis de l'industrie et projette de mettre en place des communautés de vie. Pour lui, elles sont la seule manière d'échapper aux logiques capitalistiques <ref>Robert Owen, ''Propositions fondamentales du système social de la communauté des biens, fondé sur les lois de la nature humaine'', 1837 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75665v En ligne]</ref>. Après avoir prôné un réformisme social et politique, Robert Owen imagine un "socialisme" basé sur la coopération où la main-d'œuvre est maîtresse des moyens de production et vit collectivement. Ses écrits trouvent une résonance auprès de plusieurs hominines qui s'associent à lui ou qui tentent de concrétiser son utopie sociale. Sur la petite dizaine d'expériences "owenistes" éphémères aux États-Unis américains, la plus connue de ces communautés est celle de New Harmony <ref>La ville d'Harmony, dans l'Indiana, est fondée en 1814 par la communauté christienne dissidente dite des ''rappistes'', d'après l'allemand Johann Georg Rapp qui s'est proclamé prophète depuis une quinzaine d'années et a fondé la ''Harmony Society''. Robert Owen rachète Harmony en 1824 et la rebaptise New Harmony. Parmi les premiers hominines à rejoindre New Harmony, il y a Josiah Warren. Ce dernier est un anarchiste individualiste, initiateur à partir de 1833 du journal ''The Peaceful Revolutionist'', "Le révolutionnaire paisible", l'un des tout premiers journaux libertaires étasuniens. Pendant des décennies, Josiah Warren participe à plusieurs tentatives de communautés. Voir Ronald Creagh, ''Utopies américaines'', Agone, 2009</ref>, fondée en 1825 par Robert Owen lui-même. Elle ne dure que deux années. Au Royaume-Uni britannique, une dizaine de projets de communautés voient le jour entre 1820 et les années 1840. Aucune de ces communautés ne survie au-delà de cette décennie 1840. |
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− | Samuel Rowbotham cofonde l'une d'elles en 1838, à l'est de l'Angleterre britannique dans le village de Manea. Dans cette région, existent de longs canaux destinés à drainer les eaux marécageuses. Dès l'été 1838, Samuel Rowbotham | + | Samuel Rowbotham (1816-1884) cofonde l'une d'elles en 1838, à l'est de l'Angleterre britannique dans le village de Manea. Dans cette région, existent de longs canaux destinés à drainer les eaux marécageuses. Dès l'été 1838, Samuel Rowbotham fait une expérience sur l'un des canaux, rectiligne sur plus de 10 kilomètres. Avec un télescope tenu à 20 centimètres au dessus de l'eau, il regarde s'éloigner un bateau avec un mat d'une hauteur de moins d'un mètre. Au bout de 10 kilomètres, le mat du bateau est toujours visible alors qu'avec une Terre sphérique il devrait être situé plusieurs mètres sous l'horizon. Il en conclue que la Terre est donc plate. Il publie les premiers résultats de ses observations en 1849 sous le pseudonyme de Parallax. Quelques hominines rejoignent ses conclusions. William Carpenter fait paraître en plusieurs épisodes ''L'Astronomie spéculative étudiée et démasquée - La Preuve que la Terre n'est pas une sphère'' à partir du 1864 sous le pseudonyme de Common Sense, "Le Bon Sens". En 1865, sous le titre ''Astronomie zététique. La Terre n'est pas une sphère'', Samuel Rowbotham fait paraître l'ouvrage qui synthétise l'ensemble de ses conclusions. Ses travaux restent inconnus du grand public et ignorés par les scientifiques de cette époque. Le quart d'heure de gloire a lieu en 1870 lorsqu'un partisan de la planéité terrestre invite à un pari qui veut démontrer le contraire. Naturaliste et géomètre, Alfred Wallace relève ce défi, et le gagne. Connaissant les risques de déformation visuelle — dit effet de réfraction atmosphérique lorsque les rayons lumineux sont déformés et suivent la rotondité terrestre — il se propose de faire l'expérience à une hauteur de 4 mètres. Dans ces conditions, le résultat est que la planète est une sphère. Samuel Rowbotham fait des émules et défend sa théorie dans de très nombreuses conférences publiques et polémiques avec des astronomes. Il affirme que la Terre est un disque, avec en son centre le pôle Nord et délimité au bord extérieur par un mur de glace, l'Antarctique. Pour lui, le Soleil et la Lune se trouvent à moins de 5000 kilomètres au dessus de la Terre. Une ''Société zététique'' <ref>zététique</ref> est inaugurée au Royaume-Uni britannique et une aux États-Unis américains. Afin de crédibiliser encore un peu plus son argumentaire, il fait paraître ''L'incohérence de l'astronomie moderne et son opposition aux Écritures'' où il explique que le seul bon sens démontre que la planète est plate et immobile. Ce que confirme, selon lui, la mythologie christienne dans ''La Bible''. Pour enfoncer un peu plus le clou, l'un de ses adeptes platistes, John Hampden, publie en 1877 son ''Nouveau manuel de cosmographie biblique''. Une vision contredite par d'autres approches religieuses christiennes qui affirment que la Terre est creuse et concave. Évidemment — en faisant abstraction de l'effet de la réfraction atmosphérique — des expériences le prouvent <ref>Les ''koreshiens'', un courant religieux dissident des ''mormons'', pensent que la Terre est creuse. Le mouvement est initié aux États-Unis américains par Cyrus Teed (1839-1908) qui affirme en 1869 avoir une révélation et change son nom pour celui de Koresh, un version hébraïque de Cyrus. Il est présenté par ses adeptes comme le nouveau messie. La doctrine est appelée ''Unité Koreshienne''. Entre la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> et le début du XX<sup><small>ème</small></sup> siècles, plusieurs communautés sont lancées aux États-Unis afin de vivre l'idéal de vie défendu par Koresh. À sa mort en 1908, le mouvement décline progressivement. La dernière personne à s'en réclamer meurt en 1981.</ref>. Après sa mort en 1884, très marginales, les théories de Rowbotham continuent à être relayées, principalement au Royaume-Uni britannique et aux États-Unis d'Amérique. La succession est assurée. Côté britannique, Elizabeth Blount prend le relai de la ''Société zététique'' existante et anime à partir de 1893 la ''Société zététique universelle'' dans le but de diffuser "''des connaissances relatives à la cosmogonie naturelle en confirmation des Saintes Écritures, sur la base d'une recherche scientifique pratique''". Le magazine ''The Earth Not a Globe'' est la vitrine de la théorie platiste. Un mensuel est même publié entre 1901 et 1904. Outre-Atlantique William Carpenter publie, entre autres, ''Cent preuves que la Terre n'est pas une sphère'' <ref>William Carpenter, ''One Hundred Proofs the Earth is Not a Globe'', 1885 - [https://archive.org/details/onehundredproofs00carp/page/n1/mode/2up En ligne]</ref> en 1885. Dans ce pays, deux courants religieux marginaux adoptent la théorie de la planéité terrestre au prétexte qu'elle est conforme avec leur lecture des mythologies christiennes. L'un est l’''Église catholique chrétienne'', fondée à Zion dans l'Illinois en 1896 et issue de la multitude protestante évangéliste. Elle a quelques milliers de membres. Au début du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle, sous la direction de Wilbur Glenn Voliva elle prend le nom d’''Église apostolique catholique chrétienne'' et adopte officiellement la théorie platiste. En 1923, Voliva est le premier prédicateur à posséder sa propre station de radio. Sa Trinité diabolique est constituée de la théorie de l'évolution, de l'exégèse historico-critique de la Bible et de l'astronomie moderne. Voliva prédit plusieurs fois la fin du monde au cours des décennies 1920 et 1930, pour finalement mourir avant lui en 1942. L'autre mouvement religieux platiste est celui des "Hébreux noirs israélites". Affirmant avoir eu des visions expliquant que les hominines à la peau noire sont la véritable descendance du peuple hébreu dont parle le roman ''La Bible'', Franck Cherry fonde une première congrégation en 1886. Son décryptage historique de cette fiction littéraire qu'est la Bible lui fait dire que de Adam et Eve <ref name="#aee">Adam et Eve, respectivement mâle et femelle, sont deux personnages fictifs des mythologies moïso-christo-mahométiennes. Les deux hominines dont l'humanité entière descend. Pour des biographies pas plus fictives, voir ''Extraits du journal d’Adam'' (1893) et ''Le Journal d'Ève'' (1905) de Mark Twain. </ref> jusqu'à Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>, leur lointain cousin consanguin, les principaux personnages ont la peau noire. Comme le peuple hébreu biblique. Dieu déteste les hominines à la peau blanche pour leur méchanceté et les populations moïsiennes actuelles sont issues d'un métissage entre ces antiques populations hébraïques noires et des hominines à la peau blanche. Pour Franck Cherry et son ''Église du Dieu vivant, pilier de la vérité pour toutes les nations'' les pratiques et les croyances mélangent les moïsiennes et les christiennes. La Bible christienne est leur référence textuel mais l'hébreu ou le respect du vendredi chômé, ou bien encore l'interdiction de manger du porc, sont en usage. Le ''Talmud'', un des livres de la mythologie moïsienne, est aussi une source importante de la théologie inventée par Franck Cherry. En ce qui concerne la planéité terrestre, il fait sienne cette théorie mais nie qu'elle soit circulaire. Elle n'a pas la forme d'une assiette plate classique mais plutôt celle d'une assiette carrée. Les visions ne mentent jamais. Dieu n'est pas là pour blaguer. |
<blockquote>''D’où vient qu’on puisse faire de ce rien qu’est notre présence sur terre un monument ?'' <ref name="#gop">Georges Perros, ''Une vie ordinaire'', 1967</ref><br /></blockquote> | <blockquote>''D’où vient qu’on puisse faire de ce rien qu’est notre présence sur terre un monument ?'' <ref name="#gop">Georges Perros, ''Une vie ordinaire'', 1967</ref><br /></blockquote> | ||
− | Quelques décennies avant que la théorie de la forme en | + | Quelques décennies avant que la théorie de la forme en donut n'apparaisse <ref name="#don" />, le britannique Samuel Shenton découvre ''Astronomie zététique. La Terre n'est pas une sphère'' de Samuel Rowbotham dans les années 1950. Persuadé de la validité des arguments, il fonde en 1956 la ''Société internationale de recherche sur la Terre plate''. Le premier satellite est envoyé dans l'espace en octobre 1957 par l'Union soviétique <ref>L'Union soviétique est un pays ayant existé de 1917 à fin 1991 à l'est de l'Europe. Il regroupait les actuels Russie, Biélorussie, Ukraine, Moldavie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan, Turkménistan, Ouzbekistan, Khirgistan, Tadjikistan, Kazhakstan. Selon historiographie officielle soviétique, ce pays se réclame d'un des socialismes. </ref>. Selon les autorités, il fait le tour du globe terrestre de nombreuses fois avant de se désintégrer dans l'atmosphère après trois semaines mais pour Samuel Shenton, "''la navigation autour de l'île de Wight prouverait-elle qu'elle est sphérique ? Il en va de même pour ces satellites.''" Le début de la conquête spatiale est une épreuve difficile pour le platisme. En 1966, la ''Société'' publie ''Plaine réalité'' dans lequel il est rappelé que "''l'astronomie moderne et les vols spatiaux sont des insultes à Dieu et que la punition divine pour l'arrogance de l'humanité n'est plus qu'une question de temps.''" Lors du vol spatial Apollo 8 en décembre 1968, Samuel Shenton déclare que "''s'ils nous montrent une image très claire de la terre vue de l'espace et que l'image ne montre pas tous les continents, et que le bord de l'image est hors perspective, alors cela prouverait que la terre est ronde. En attendant, nous continuerons à nous battre pour prouver que la Terre est plate.''" <ref>"Flat Earth Proponents To Pause and Reconsider" dans ''St. Louis Post-Dispatch'', 24 décembre 1968 [https://www.newspapers.com/article/st-louis-post-dispatch/21503644/ En ligne]</ref> Le programme Apollo 11 et le premier pas d'hominines sur la Lune en 1969 le laisse perplexe et à bout d'argument : "''Les astronautes sont hypnotisés et croient qu'ils vont dans l'espace.''" <ref>"Flat Earth Society Leader Scoffs At Apollo 11 Flight" dans ''The Anniston Star'', 6 août 1969 - [https://www.newspapers.com/article/the-anniston-star/21504047/ En ligne]</ref> La première photographie du globe terrestre éclairé dans son entièreté date de décembre 1972, réalisée par des hominines lors de la mission spatiale étasunienne Apollo 17. Elle est connue sous le nom de ''The Blue Marble'', la "Bille bleue". Mort en mars 1971, Samuel Shenton ne verra jamais cette photo qui montre que la Terre plate est finalement sphérique. Le platisme est moribond. |
== Demain matin == | == Demain matin == | ||
− | L'exploration spatiale fait entrer la théorie platiste dans une nouvelle ère. Il n'est désormais plus question de démontrer ou non la planéité terrestre mais d'expliquer la raison pour laquelle les hominines croient que la Terre est sphérique... malgré sa planéité ! Le doute scientifique qui a motivé quelques hominines dans le passé n'est plus véritablement possible. Les schémas théoriques élaborés progressivement au cours des siècles précédents ont pour la plupart été validés par l'expérience. Ou simplement constatés directement. Le mouvement des planètes, l'héliocentrisme et la gravitation, par exemple, sont des connaissances consensuelles pour les scientifiques des matières concernées. La méthode pour cela est très différente de l'approche religieuse. Étrangement, la charge de la preuve de la réalité ou non d'une entité divine est pour les hominines qui n'y croient pas. Celleux qui pensent que son existence est réelle se contente de l'affirmer : ce qu'illes appellent la foi. Du point de vue méthodologique, si des personnes disent entendre une voix dans leur tête, elles doivent apporter une preuve de cela et non pas proposer aux autres de démontrer que cette voix n'existe pas. Une hallucination n'est pas un mirage. L'une est une illusion explicable, l'autre un phénomène physique démontrable. Profondément [[apathée]], la protivophilie n'a pas de temps à perdre avec ces questionnements inutiles. Le platiste Samuel Shenton a la même démarche pour valider sa théorie. Il promet plusieurs milliers de dollars étasuniens à la première personne qui parvient à prouver que la Terre n'est pas plate. | + | L'exploration spatiale fait entrer la théorie platiste dans une nouvelle ère. Il n'est désormais plus question de démontrer ou non la planéité terrestre mais d'expliquer la raison pour laquelle les hominines croient que la Terre est sphérique... malgré sa planéité ! Le doute scientifique qui a motivé quelques hominines dans le passé n'est plus véritablement possible. Les schémas théoriques élaborés progressivement au cours des siècles précédents ont pour la plupart été validés par l'expérience. Ou simplement constatés directement. Le mouvement des planètes, l'héliocentrisme et la gravitation, par exemple, sont des connaissances consensuelles pour les scientifiques des matières concernées. La méthode pour cela est très différente de l'approche religieuse. Étrangement, la charge de la preuve de la réalité ou non d'une entité divine est pour les hominines qui n'y croient pas. Celleux qui pensent que son existence est réelle se contente de l'affirmer : ce qu'illes appellent la foi. Du point de vue méthodologique, si des personnes disent entendre une voix dans leur tête, elles doivent apporter une preuve de cela et non pas proposer aux autres de démontrer que cette voix n'existe pas. Une hallucination n'est pas un mirage. L'une est une illusion explicable, l'autre un phénomène physique démontrable. Pour reprendre les propos contestés du psychiatre Pierre Desproges, "''Si vous parlez à dieu, vous êtes croyant. S'il vous répond vous êtes schizophrène.''" Profondément [[apathée]], la protivophilie n'a pas de temps à perdre avec ces questionnements inutiles. Le platiste Samuel Shenton a la même démarche pour valider sa théorie. Il promet plusieurs milliers de dollars étasuniens à la première personne qui parvient à prouver que la Terre n'est pas plate. |
Les platistes d'aujourd'hui ne sont plus ces scientifiques amateurs qui inventent des procédés techniques et conçoivent des méthodes pour démontrer leurs dires. Illes sont partie intégrante de l'histoire des sciences. Le nombre de théories, quel que soit le sujet, qui ont été élaborées au cours des siècles pour finalement n'aboutir à rien est incalculable. Immense. C'est le principe même d'une approche scientifique de tenter de démontrer la véracité de quelque chose en faisant des hypothèses et de développer les outils permettant de valider cette hypothèse. Il n'est pas question de foi — les personnes qui croient en une divinité font très rarement preuve d'humilité intellectuelle en admettant qu'il s'agit d'une simple hypothèse. Les nouvelles expérimentations et théories viennent s'imbriquer ou non avec les hypothèses scientifiques déjà admises, démontrées ou constatées. Des hypothèses sont invalidées par de nouvelles. Dans les siècles passés, il est logique que des hominines hésitent à accepter ce que les sciences émergentes tentent de mettre en avant. Une terre plate n'est alors pas plus aberrante qu'une sphérique. Il n'est pas stupide, intuitivement, de se dire que si on enlève les montagnes et les collines, le sol est plutôt plat ! Et il n'y a pas de raison particulière pour qu'il en soit autrement ailleurs sur la planète. Le fameux "bon sens" tant chéri par les platistes. Dans le cadre de leur hypothèse platiste, des hominines essayent de proposer un système cohérent avec ce qui est irréfutable. La présence et le mouvement de la Lune et du Soleil par exemple. Si la Terre est plate, la gravitation n'est pas nécessaire. Et étant donné qu'elle est plate, la gravitation n'existe pas. | Les platistes d'aujourd'hui ne sont plus ces scientifiques amateurs qui inventent des procédés techniques et conçoivent des méthodes pour démontrer leurs dires. Illes sont partie intégrante de l'histoire des sciences. Le nombre de théories, quel que soit le sujet, qui ont été élaborées au cours des siècles pour finalement n'aboutir à rien est incalculable. Immense. C'est le principe même d'une approche scientifique de tenter de démontrer la véracité de quelque chose en faisant des hypothèses et de développer les outils permettant de valider cette hypothèse. Il n'est pas question de foi — les personnes qui croient en une divinité font très rarement preuve d'humilité intellectuelle en admettant qu'il s'agit d'une simple hypothèse. Les nouvelles expérimentations et théories viennent s'imbriquer ou non avec les hypothèses scientifiques déjà admises, démontrées ou constatées. Des hypothèses sont invalidées par de nouvelles. Dans les siècles passés, il est logique que des hominines hésitent à accepter ce que les sciences émergentes tentent de mettre en avant. Une terre plate n'est alors pas plus aberrante qu'une sphérique. Il n'est pas stupide, intuitivement, de se dire que si on enlève les montagnes et les collines, le sol est plutôt plat ! Et il n'y a pas de raison particulière pour qu'il en soit autrement ailleurs sur la planète. Le fameux "bon sens" tant chéri par les platistes. Dans le cadre de leur hypothèse platiste, des hominines essayent de proposer un système cohérent avec ce qui est irréfutable. La présence et le mouvement de la Lune et du Soleil par exemple. Si la Terre est plate, la gravitation n'est pas nécessaire. Et étant donné qu'elle est plate, la gravitation n'existe pas. | ||
− | La dernière preuve tangible d'une planète plate remonte à avril 1968, lors de la diffusion d'une série documentaire intitulée ''Les shadoks'' | + | La dernière preuve tangible d'une planète plate remonte à avril 1968, lors de la diffusion d'une série documentaire intitulée ''Les shadoks''. Mais cette planéité ne concerne pas la Terre mais la planète des gibis. Cela n'est pas sans risque car elle penche parfois à droite, parfois à gauche, entraînant ainsi des gibis dans une chute mortelle dans l'immensité de l'espace. La planète des shadoks change de forme régulièrement, avec les mêmes risques d'en tomber. Ayant conscience de leurs situations périlleuses, les shadoks et les gibis cherchent à construire des engins spatiaux afin de rejoindre la Terre qui, à leur époque lointaine, ne semble pas encore habitée. Nous sommes depuis sans nouvelles. Rien depuis nombre 1974, date du dernier épisode de la série documentaire <ref>''Les Shadoks et le Big Blank'', un remake de 2000, tente en 52 épisodes de répondre aux questions restées sans réponses - [https://www.youtube.com/watch?v=5fsmDWRhMnQ En ligne]</ref>. |
<blockquote>''C'était il y a très très très longtemps. En ce temps là, il y avait le ciel. À droite du ciel, il y avait la planète Gibi. Elle était complètement plate et elle penchait soit d'un côté, soit de l'autre. À gauche du ciel, il y avait la planète Shadok. Elle n'avait pas de forme spéciale. Ou plutôt elle changeait de forme. Au milieu du ciel, il y avait la Terre qui était ronde et qui bougeait. Sur la Terre, il n'y avait apparemment rien...'' <ref>''Les Shadoks'', épisode 1, avril 1968 - [https://www.youtube.com/watch?v=tpD0Pdr7oD0 En ligne]</ref></blockquote> | <blockquote>''C'était il y a très très très longtemps. En ce temps là, il y avait le ciel. À droite du ciel, il y avait la planète Gibi. Elle était complètement plate et elle penchait soit d'un côté, soit de l'autre. À gauche du ciel, il y avait la planète Shadok. Elle n'avait pas de forme spéciale. Ou plutôt elle changeait de forme. Au milieu du ciel, il y avait la Terre qui était ronde et qui bougeait. Sur la Terre, il n'y avait apparemment rien...'' <ref>''Les Shadoks'', épisode 1, avril 1968 - [https://www.youtube.com/watch?v=tpD0Pdr7oD0 En ligne]</ref></blockquote> | ||
[[Fichier:MrSaisrien.jpeg|200px|vignette|droite]] | [[Fichier:MrSaisrien.jpeg|200px|vignette|droite]] | ||
− | En l'absence de toute trace d'une présence gibi, les platistes modernes se trouvent à cours d'arguments. Personne à questionner sur la forme de sa planète natale. Comment peut-on chez les gibis ou les shadoks affirmer que la Terre est ronde si personne n'y a jamais posé un orteil ? Pour les platistes, il est donc nécessaire de mettre au point un argumentaire moderne et crédible. Il faut vivre avec son temps. Il faut chercher et interpréter les signes cachés qui indiquent qu'il y a, au mieux une méconnaissance, au pire un mensonge, sur cette question de la sphéricité terrestre. Datant | + | En l'absence de toute trace d'une présence gibi, les platistes modernes se trouvent à cours d'arguments. Personne à questionner sur la forme de sa planète natale. Comment peut-on chez les gibis ou les shadoks affirmer que la Terre est ronde si personne n'y a jamais posé un orteil ? Pour les platistes, il est donc nécessaire de mettre au point un argumentaire moderne et crédible. Il faut vivre avec son temps. Il faut chercher et interpréter les signes cachés qui indiquent qu'il y a, au mieux une méconnaissance, au pire un mensonge, sur cette question de la sphéricité terrestre. Datant d'environ un siècle, les arguments de William Carpenter ne sont plus suffisants : "''Si la Terre était une sphère, alors un modèle miniature de cette sphère serait la meilleure chose — parce que la plus exacte — qu'un navigateur puisse prendre avec lui quand il sort en mer. Or une chose comme celle-là n'est pas connue : avec un jouet pareil pour guide, le marin ferait s'échouer son bateau, avec certitude ! Ceci prouve que la Terre n'est pas une sphère.''" <ref>William Carpenter, ''Cent preuves que la Terre n'est pas une sphère'', 1885</ref> Affirmer cela au XXI<sup><small>ème</small></sup> siècle n'est plus possible. Les cartes routières en papier pliantes de ''Michelin'', celles de l'IGN (''Institut Géographique National'') pour les randonnées ou la cartographie plane de ''Google Map'' ne sont pas des preuves sérieuses que la Terre est plate. Un ''planisphère'', même de forme circulaire, n'est pas une représentation de la réalité à une échelle réduite mais la projection d'une sphère sur une surface plane. Cela implique une déformation des contours et des échelles. La plus classique de ces projections est celle dite de Mercator <ref>D'après le nom du géographe et cartographe flamand Geert Kremer alias Gerardus Mercator aka Gérard Mercator (1512-1594). Il est le premier à utiliser en 1595 le terme de ''atlas'' pour désigner un recueil de cartes. </ref>, un rectangle qui donne l'impression d'une Terre cylindrique. Parmi toutes les projections, celle qui déforme le moins les continents est celle dite de Fuller <ref>Du nom de l'étasunien Richard Buckminster Fuller (1895-1983), un architecte, écrivain et inventeur. La première projection cartographique de Fuller date de 1946 sur un cuboctaèdre et de 1954 sur un icosaèdre. </ref>. Elle consiste à faire du globe terrestre un objet icosaèdre, c'est-à-dire une sphère composée de vingt triangles équilatéraux. Pour la mise à plat de ce volume, il a plusieurs possibilités de découpage. Fuller opte pour celle qui donne l'impression d'un gigantesque archipel dans un seul océan, avec les continents eurasiatique et américain réunis par l'océan Arctique. Plusieurs dizaines d'autres projections existent. Celle qui convient aux platistes est celle dite de Postel, du nom de Guillaume Postel qui en conçoit le principe à la fin du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle. La même qui est utilisée pour l'emblème de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Elle représente l'ensemble des continents contenus dans un cercle. Ainsi, les surfaces sont de plus en plus déformées en se rapprochant du Pôle sud qui n'apparaît pas sur ce type de planisphère. Les platistes corrigent ce "manque" en bordant cette projection circulaire d'un pôle qui fait le tour complet. Pour elleux, ce que les hominines nomment généralement Antarctique, le continent recouvert de glace au niveau du Pôle sud, est en fait une très longue muraille de glace de plusieurs dizaines de mètres de haut et d'épaisseur. Elle entoure la planète plate et empêche les océans de se déverser hors de la Terre. Essentielle, cette muraille est la limite du monde. De fait, cette région questionne les adeptes du platisme moderne. Suffisamment pour motiver le fantasque Jay Decasby à annoncer en 2019 un projet de voyage le long de cette grande muraille afin d'en mesurer la longueur exacte <ref>"Il veut organiser une expédition en Antarctique pour prouver que la Terre est plate" sur ''RTL'', avril 2019 - [https://www.rtl.fr/culture/culture-generale/il-veut-organiser-une-expedition-en-antarctique-pour-prouver-que-la-terre-est-plate-7797337880 En ligne]</ref>. Sans suite pour l'instant. En attendant que Jay Decasby se décide, Jacques Lemaire a écrit la fiction radiophonique ''La Terre est plate. Carnet de voyage d’un platiste'' <ref>Jacques Lemaire, ''La Terre est plate. Carnet de voyage d’un platiste'', 2022 - [https://www.radiola.be/productions/la-terre-est-plate/ En ligne]</ref>, l'histoire de "''Léon [qui] prend la décision de partir pour l’Antarctique afin de prouver au monde et à sa fille que la Terre est bien plate.''" Les platistes modernes prétendent que le Traité international de 1961 sur l'Antarctique <ref>Le Traité international sur l'Antarctique entré en vigueur en 1961 est signé par 12 pays ayant des revendications sur la région : Afrique du Sud, Argentine, Australie, Belgique, Chili, États-Unis, France, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, URSS (actuelle Russie) et Royaume-Uni. Des zones sont attribuées aux différents pays. Si les études scientifiques sont autorisées, les militaires sont strictement proscrites par le Traité. L'accès à l'Antarctique est soumis à des restrictions. </ref> ne vise qu'à empêcher la découverte du bord du monde. Dans l'imaginaire platiste le monde est fermé par un dôme, celui sur lequel il y a les étoiles et les deux disques lumineux que sont le Soleil et la Lune. Selon le modèle récent, ces deux disques qui se déplacent sur des orbites précises mesurent un peu plus de 50 kilomètres de diamètre. Demi-sphérique, ce dôme mesure presque 5000 kilomètres à son point le plus haut. Après, le cosmos commence. |
<blockquote>''Je cherche à savoir ce que pense un Homme quand il ne pense à rien.'' <ref name="#gop" /></blockquote> | <blockquote>''Je cherche à savoir ce que pense un Homme quand il ne pense à rien.'' <ref name="#gop" /></blockquote> | ||
− | Il n'y a presque plus rien à discuter entre platistes modernes. La bataille scientifique est d'un autre temps. Le modèle théorique étant "globalement" admis, il ne reste plus qu'à trouver les raisons pour lesquelles la sphéricité est la théorie qui s'impose. Contre toutes les évidences. Pour cela il est nécessaire de démonter tout ce qui dit le contraire. Ainsi, l'exploration spatiale, le voyage sur la Lune ou les satellites ne peuvent exister. Thomas Pesquet est le nom d'un grand mythomane. Les lois de la physique se trompent et les mesures des télescopes sont faussées. Voir le célèbre hashtag #mytho. La question fondamentale qui traverse les platistes est le fameux ''Pourquoi''. Le bon sens montre bien que des efforts considérables sont déployés pour faire admettre que la Terre est une boule. Que de temps et d'argent dépensés pour faire croire que les satellites sont ces points mobiles visibles la nuit, que d'énergie pour que le bluff gigantesque de la station spatiale orbitale internationale soit crédible, que de fausses images de l'espace et de la Terre vue de l'espace. Etc. Le dispositif pseudo-sphériste est si vaste et complexe qu'il ne peut être que l'œuvre d'hominines ayant une puissance économique ou politique importante. Les autres hominines ne sont rien, de simples PNJ, les personnages non jouables dans l'univers des jeux vidéo <ref>PNJ</ref>. Avec son argumentaire [[ultracrépidarien]], le platisme moderne s'est considérablement éloigné de son prédécesseur en rejetant toute approche scientifique. Dorénavant, il s'approprie l'argumentation "complotiste". La seule à même de répondre à ses attentes. La seule en mesure de fournir une explication logique au fait que la planéité soit tue. La logique basique du complotisme consiste à attribuer à des forces puissantes agissant dans l'ombre les causes de quelque chose ou de son absence, d'une situation présente ou passée. En soi, le complotisme n'est pas lié à des opinions politiques, philosophiques ou religieuses spécifiques. Il est une méthode qui convient à qui veut bien s'en saisir. Pendant des siècles, cette méthode de démonstration impliquait les "''Juifs et les Francs-maçons''", ainsi que des forces occultes, pour expliquer la marche du monde. Avec la modernité, des espèces intraterrestres ou extraterrestres viennent compléter la liste déjà éclectique des "méchants" faite d'êtres surnaturels, d’États malintentionnés, de sociétés secrètes, d'entreprises tentaculaires et de scientifiques aux ordres. Par définition, cette liste ne peut être véritablement exhaustive. Les critères ne sont pas nécessairement cumulables. Les fameux "''Juifs et les Francs-maçons''" ne sont pas obligatoirement des extraterrestres, tout comme les scientifiques ne sont pas toujours de la race des reptiliens. En optant pour cette méthode explicative, le platisme moderne rejoint la nébuleuse complotiste. Une vaste famille argumentaire dans laquelle s'alimente toutes les théories qui n'admettent pas que l'existant ne soit pas conforme à ce qu'il est supposé être. | + | Il n'y a presque plus rien à discuter entre platistes modernes <ref>"Bienvenue sur la TERRE PLATE !" dans ''On Se l'Demande'', n°56, 2023 - [https://www.youtube.com/watch?v=qMifxCKa0pk En ligne]. "Platisme: qu'est-ce qui ne tourne pas rond ?" sur Radio Télévision Suisse, 2020 - [https://www.youtube.com/watch?v=Cpp4YDOaFgo En ligne]</ref>. La bataille scientifique est d'un autre temps. Le modèle théorique étant "globalement" admis, il ne reste plus qu'à trouver les raisons pour lesquelles la sphéricité est la théorie qui s'impose. Contre toutes les évidences. Pour cela il est nécessaire de démonter tout ce qui dit le contraire. Ainsi, l'exploration spatiale, le voyage sur la Lune ou les satellites ne peuvent exister. Thomas Pesquet est le nom d'un grand mythomane. Les lois de la physique se trompent et les mesures des télescopes sont faussées. Voir le célèbre hashtag #mytho. La question fondamentale qui traverse les platistes est le fameux ''Pourquoi''. Le bon sens montre bien que des efforts considérables sont déployés pour faire admettre que la Terre est une boule. Que de temps et d'argent dépensés pour faire croire que les satellites sont ces points mobiles visibles la nuit, que d'énergie pour que le bluff gigantesque de la station spatiale orbitale internationale soit crédible, que de fausses images de l'espace et de la Terre vue de l'espace. Etc. Le dispositif pseudo-sphériste est si vaste et complexe qu'il ne peut être que l'œuvre d'hominines ayant une puissance économique ou politique importante. Les autres hominines ne sont rien, de simples PNJ, les personnages non jouables dans l'univers des jeux vidéo <ref>Pour une rare autobiographie d'un PNJ, voir ''Free Guy'', réalisé en 2021 par Shawn Levy. Bande-annonce [https://www.youtube.com/watch?v=sL5SgG_mxF8 en ligne]</ref>. Avec son argumentaire [[ultracrépidarien]], le platisme moderne s'est considérablement éloigné de son prédécesseur en rejetant toute approche scientifique. Dorénavant, il s'approprie l'argumentation "complotiste". La seule à même de répondre à ses attentes. La seule en mesure de fournir une explication logique au fait que la planéité soit tue. La logique basique du complotisme consiste à attribuer à des forces puissantes agissant dans l'ombre les causes de quelque chose ou de son absence, d'une situation présente ou passée. En soi, le complotisme n'est pas lié à des opinions politiques, philosophiques ou religieuses spécifiques. Il est une méthode qui convient à qui veut bien s'en saisir. Pendant des siècles, cette méthode de démonstration impliquait les "''Juifs et les Francs-maçons''", ainsi que des forces occultes, pour expliquer la marche du monde. Avec la modernité, des espèces intraterrestres ou extraterrestres viennent compléter la liste déjà éclectique des "méchants" faite d'êtres surnaturels, d’États malintentionnés, de sociétés secrètes, d'entreprises tentaculaires et de scientifiques aux ordres. Par définition, cette liste ne peut être véritablement exhaustive. Les critères ne sont pas nécessairement cumulables. Les fameux "''Juifs et les Francs-maçons''" ne sont pas obligatoirement des extraterrestres, tout comme les scientifiques ne sont pas toujours de la race des reptiliens. En optant pour cette méthode explicative, le platisme moderne rejoint la nébuleuse complotiste. Une vaste famille argumentaire dans laquelle s'alimente toutes les théories qui n'admettent pas que l'existant ne soit pas conforme à ce qu'il est supposé être. |
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+ | Et si la Terre était comme le Disque-Monde de Terry Pratchett <ref>Les ''Annales du Disque-monde'' sont une suite de fantasy-comédie écrite par Terry Pratchett. Quarante et un textes sont publiés entre 1983 et sa mort en 2015. </ref>, plate et circulaire, portée par quatre éléphants titanesques, eux-même posés sur une tortue immensément grande qui navigue à travers l'espace ? Ou en forme de donut ? <ref name="#don">"Et Si la Terre Était en Forme de Donut ?!" par ''Poisson Fécond'', 2021 - [https://www.youtube.com/watch?v=Zqcu6X5IN3g En ligne]</ref> La réalité semble démontrer que tout est fait pour nous le cacher ! Avec succès. Hormis, évidemment, quelques rares hominines qui connaissent la vérité. Pour rendre public la planéité terrestre que tout s'acharne à dissimuler, les platistes doivent être en mesure de débusquer tous les signes cachés qui montrent qu'illes ont raison <ref>Pour un florilège de signes, voir l'interview de son excellence Mike aka Neosalva, un platiste royaliste christien créationniste français en 2024 sur ''Legend'' - [https://www.youtube.com/watch?v=vFJAeqcmOzU En ligne] Une perle !</ref>. Les platistes sont loin d'être stupides, illes savent très bien que la Terre n'est pas creuse et que "l'eau ça mouille". Aujourd'hui le platisme n'est plus qu'un argument pour confirmer d'autres théories dans lesquelles il s'imbrique. Une interprétation particulière d'écrits religieux et le créationnisme, par exemple. L'adoption de la théorie platiste revient à un marqueur de radicalité dans le rejet. Un exemple significatif est celui du mouvement politico-religieux mahométien ''Boko Haram'' <ref>Après la mort de Mohamed Yusuf leur chef charismatique en 2009, tué par l'armée, le ''Groupe sunnite pour la prédication et le djihad'', surnommé ''Boko Haram'', se lance dans une insurrection armée. Son nouveau chef est Abubakar Shekau, mort en 2021. Boko Haram est très actif dans la région du lac Tchad aux frontières communes entre Nigéria, Niger, Mali, Cameroun et Tchad. Le groupe est tristement célèbre pour ses enlèvements massifs de jeunes hominines mâles et femelles dans des écoles de village. Voir Marc-Antoine Pérouse de Montclos, "Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ?", ''Questions de recherche'', n°40, juin 2012 - [https://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/qdr40.pdf En ligne]. Dossier "Comprendre Boko Haram" dans ''Afrique Contemporaine'', 2015</ref> au Nigeria. ''Boko'' est la déformation de l'anglais ''book'', "livre", et ''haram'' est l'interdit dans la religion mahométienne. L'opposé de ''hallal''. Le credo de Boko Haram est de s'opposer aux savoirs jugés non-conformes à la religion et enseignés à travers des livres d'infidèles. Ainsi, selon son fondateur dans une interview de la BBC en 2009 <ref>"Nigeria's 'Taliban' enigma" sur ''BBC'', juillet 2009 - [http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/8172270.stm En ligne]</ref>, le mouvement prône la planéité terrestre en pensant ainsi s'opposer à des connaissances scientifiques impies : la sphéricité. Oubliant que depuis des siècles les érudits mahométiens, dans la continuité des sciences astronomiques grecques antiques, défendent que la Terre est une sphère. Idem pour des formes de créationnisme, christien ou mahométien, qui intègrent le platisme dans leurs visions du monde. Le créationnisme postule que l'existant est l'œuvre d'une entité divine et, par conséquent, rejette la théorie de l'évolution des espèces qui contredit le mythe d'Adam et Eve <ref name="#aee" />, refuse d'admettre que la planète soit âgée d'un peu plus de 4 milliards d'années et pense plutôt qu'il a suffit de quelques jours divins pour créer l'univers, nie l'existence passée des dinosaures, etc. Être créationniste aujourd'hui équivaut à vouloir que ''Jurassic Park'' ne soit pas diffusé auprès du grand public sans un avertissement préalable. Que la saga ''Star Wars'' soit classé X, interdit aux moins de 18 ans, pour toutes ces rondeurs obscènes de planètes qui y sont montrées. | ||
− | + | Le platisme n'est pas vraiment un phénomène réel. Cette théorie est ultra marginale, amplifiée par l'effet du réseau Internet et par les échos qu'elle reçoit dans les médias. Son caractère surprenant, anachronique, amusant ou pathétique lui assure une visibilité hors de mesure avec son impact réel dans le monde des idées. Les compteurs de visites de Youtube ne sont pas un indicateur fiable. Buzz, ''Putaclic'' et ''Fake news'' sont les trois néologismes qui s'accordent le mieux avec le platisme moderne. Titrer un article ''Un Français sur 10 pense que la Terre est plate'' <ref>"Un Français sur 10 pense que la Terre est plate" sur ''National Geographic'', - [https://www.nationalgeographic.fr/sciences/un-francais-sur-10-pense-que-la-terre-est-plate En ligne]</ref> est un succès assuré. Ce chiffre farfelu se base sur une lecture sensationnaliste d'une étude réalisée en décembre 2017 par un institut de sondage <ref>Hadrien Mathoux, "Huit Français sur 10 complotistes: pourquoi ce sondage est problématique" dans ''Marianne'', janvier 2018 - [https://www.marianne.net/societe/huit-francais-sur-10-complotistes-pourquoi-le-sondage-de-l-ifop-est-problematique En ligne]</ref>. Un peu plus de 1250 personnes sont interrogées sur les différentes thématiques complotistes. Il en ressort que 2% disent être "''Totalement d'accord''" avec l'affirmation "''Il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école''", et 7% disent être "''Plutôt d'accord''" avec cela ! Ainsi, 25 hominines se disent platistes — parmi les autres théories auxquelles illes adhèrent — et un peu moins de 90 estiment que cela ne leur semble pas inimaginable. D'où le titre accrocheur. Toute la magie des sondages. Le rappeur étasunien B.o.B fait le buzz en annonçant en 2017 qu'il veut envoyer un satellite dans l'espace afin de démontrer que la terre est plate. Une cagnotte participative est lancée pour récolter 200000 dollars étasuniens, puis finalement augmentée à 1 million. <ref>"Le rappeur B.o.B veut envoyer un satellite dans l'espace pour prouver que la terre est plate" dans ''Métro'', septembre 2017 - [https://www.20minutes.fr/insolite/2139827-20170926-rappeur-bob-veut-envoyer-satellite-espace-prouver-terre-plate En ligne] </ref>. Celui qui se considère comme le "''Galilée de notre époque''" sort un album entier consacré à sa croyance en la planéité de la Terre et nommé ''E.A.R.T.H. aka Educational Avatar Reality Training Habitat'' <ref>B.o.B, ''E.A.R.T.H. aka Educational Avatar Reality Training Habitat'', 2017 - [https://www.youtube.com/watch?v=XLotm6lwBhg En ligne]</ref>. Ce qui peut se traduire par ''T.E.R.R.E aka Terrain Éducatif de Reconditionnement au Réel par l'Expérience''. Pour l'instant le projet n'a pas abouti. Le platisme a sa star ! Il a aussi son martyr, malgré lui. Présenté comme conducteur de limousine et cascadeur, détenteur du record mondial de saut en limousine en 2002, "Mad" Mike Hughes a une passion : fabriquer une fusée artisanale. En février 2020, il est prêt. Son but est de s'élever à 1500 mètres d'altitude grâce à une fusée à vapeur construite avec quelques proches. Malgré les accidents, ces précédents essais lui ont paru concluants. Pour mener à bien ce projet spatial amateur, Mike Hugues lance une première collecte qui s'avère insuffisante. Après l'annonce qu'il veut prouver que la Terre est plate, "''en forme de frisbee''", il obtient les quelques milliers de dollars qui lui manquent. Un incident technique au décollage fait s'écraser la fusée peu de temps après. "Mad" Mike décède dans cet accident <ref>"Mike Hughes, l’astronaute amateur qui voulait prouver que la Terre a la "forme d’un frisbee", ''Le Monde'', 23 février 2020 - [https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2020/02/23/mike-hughes-l-astronaute-amateur-qui-voulait-prouver-que-la-terre-a-la-forme-d-un-frisbee_6030561_4832693.html En ligne]</ref>. Après cette mort tragique, moment douloureux dans l'histoire de la conquête spatiale amateur, l'un de ses proches a déclaré : "''Nous avons utilisé la Terre plate comme un coup de relations publiques... La Terre plate nous a permis d'obtenir tellement de publicité que nous avons continué ! Je sais qu'il ne croyait pas à la Terre plate et que c'était une blague.''" | |
== Après demain == | == Après demain == | ||
+ | Le platisme "à l'ancienne" est mort en 1972 et le platisme moderne repose sur rien. Ce qui se profile à l'avenir est l'émergence d'un ''néoplatisme'', l'acceptation post-moderne du platisme. Une vision futuriste du présent, un dépassement des anciens carcans qui maintiennent le platisme dans des référents dépassés. Avant toute chose, les néoplatistes désirent que la Terre soit plate. Non pas qu'elle le redevienne — elle ne l'a jamais été — mais qu'elle le devienne. Au delà des nuances sur les façons d'y parvenir, le slogan fédérateur reste "''La Terre soit plate !''". Hominines de leur temps, les fondamentaux des sciences modernes sont acquis pour les néoplatistes. Évidemment que la Terre n'est pas plate ! Le néoplatisme ne nie pas la sphéricité, il est simplement contre. Il ne partage pas l'enthousiasme qu'elle déclenche et se méfie des adeptes de la théorie post-moderne dissidente dite "En donut" <ref name="#don" />, régulièrement associée par jeu de mot grotesque à la guerre autour de la République de Donetsk ! <ref>La ''République populaire de Donetsk'' (RPD) est une entité para-étatique qui se détache de l'Ukraine en 2014. Dans le cadre de la guerre actuelle entre la Russie et l'Ukraine, la RPD est intégrée à la Russie après un référendum en 2022, évidemment contesté par l'Ukraine. Idem pour son homologue de la ''République populaire de Louhansk'' (RPL)</ref> Très peu étudié, l'humour néoplatiste est une perpétuelle déconstruction. | ||
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+ | [[Fichier:Rouleau.jpg|300px|vignette|droite|Pour une Internationale [neoplatist] ]] | ||
+ | Il faut être précis sur les termes employés. Totalement inclusif et non-discriminant, le néoplatisme s'écrit sans le ''e'' final et doit s'utiliser au féminin. Idem pour les adeptes qu'il convient d'écrire ''[neoplatist]''. Sans article. Inutile d'y ajouter un ''s'' final pour le pluriel car la probabilité de rencontrer deux [neoplatist] en même temps est très faible. Presque autant que de rencontrer [[F. Merdjanov]] par hasard au coin d'une rue ou dans une réunion platiste. La raison profonde de ces étonnantes normes orthographiques n'est pas à chercher uniquement du côté des problématiques de genre. Il s'agit d'unir symboliquement l'ancien ''planet'', au masculin, qui désigne une planète et la ''planete'', la petite [[Hache|hachette]] à faire des surfaces plates, avec une approche dégenrée des hominines <ref name="#god" />. Post-moderne, la neoplatism est intersectionnelle. Le projet de rendre la Terre plate est si vaste qu'il pose mille questions. Il englobe la plupart des grandes interrogations philosophiques, tout en proposant de nouvelles approches critiques. Les réponses qui se dessinent sont multiples. La question essentielle restée en suspens est celle des moyens pour y parvenir. Quel sont les outils les plus appropriés ? | ||
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+ | La neoplatism n'est pas un bloc compact et lisse. Pour cette raison, [neoplatist] privilégient les polices de caractère lisibles, adaptées aux dyslexiques, de type <FONT face="helvetica">Helvetica</FONT>, <FONT face="courier">Courier</FONT>, <FONT face="arial">Arial</FONT> ou <FONT face="verdana">Verdana</FONT> pour avoir l'assurance de bien se faire comprendre lorsque que cela est nécessaire. | ||
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+ | <blockquote><FONT face="helvetica"> | ||
+ | ''"Je crois en Dieu, le père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre..."''<br /> | ||
+ | ''Mais ces paroles ne signifiaient rien pour moi.'' <ref name="#mar">Maryse Condé, ''Moi, Tituba sorcière...''</ref><br /></FONT> | ||
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+ | ''"Je crois en Dieu, le père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre..."''<br /> | ||
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+ | Il est clair que pour ses envies éclairées de tout araser dans les sociétés d'hominines, [[F. Merdjanov]] a plus de liens avec cette neoplatism qu'avec les formes passéistes que sont le platisme pré-spatial ou sa version moderne. La comparaison s'arrête là. Rien dans ses textes ne laissent penser que la planéité terrestre soit une théorie validée, même si aucun d'entre eux n'affirme clairement une sphéricité. Mais cette absence de mention explicite ne peut être comprise comme une validation de la théorie platiste. "''Qui ne dit rien consent !''" n'est pas recevable, ce n'est qu'un argumentaire de violeur. Également, l'absence de toute référence à la planéité terrestre dans ''Analectes de rien'' <ref>F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', Gemidžii Éditions, 2017</ref> ne signifie pas que cette théorie saugrenue lui soit inconnue. Une naissance à [[Nice]] — comme dans le cas de F. Merdjanov — est potentiellement une explication plausible d'un désintérêt pour cette fausse problématique. Les hominines de cette ville connaissent très bien les phénomènes physiques qui laissent penser que la sphère est finalement plate. Selon les saisons et les conditions météorologiques, l'île Corse est visible de la plage alors qu'elle est située à environ 170 kilomètres, derrière la ligne d'horizon qui, selon la sphéricité, ne dépasse pas les 5 kilomètres. Les montagnes de plus de 1500 mètres d'altitude sont visibles sur une soixantaine de kilomètres de long. Pour pouvoir distinguer les régions moins élevées de Corse, il faut monter dans les hauteurs de l'arrière-pays niçois. Selon les lois mathématiques de la sphéricité, plus on monte et plus on voit au loin. Plus la ligne d'horizon recule. Au niveau de la plage niçoise, et de manière générale près du sol, l'effet de réfraction est le plus fort. Les rayons lumineux suivent la courbure terrestre. Juste au lever du soleil et à son coucher, une partie des sommets montagneux de la Corse apparaît pendant quelques minutes. Puis s'estompe. <ref>"Panorama HD de la Corse vue du continent" - [https://www.ovalp.com/fr/comprendre/panorama-hd-de-la-corse-vue-du-continent En ligne]</ref> Personne à Nice ne se dit que la Terre est plate pendant quelques minutes avant de redevenir sphérique. | ||
== Notes == | == Notes == | ||
<references /> | <references /> |
Version actuelle datée du 27 octobre 2024 à 17:33
Néoplatisme. (неорамниэам en macédonien - neoplatisme en nissard) Utopie passéiste du futur.
Avant-hier
De toutes les espèces vivantes sur la planète, les hominines [2] sont la seule dont nous possédons des représentations du monde qui l'environne, et que nous comprenons. Non pas le monde tel qu'il est mais tel qu'il est pensé. Comme n'importe quel animal, les hominines ressentent et fondent leurs connaissances de l'existant à partir de leurs sensations. Peu d'espèces semblent avoir des connaissances cumulatives. Hormis les hominines, cela a été confirmé chez les bourdons ou les chimpanzés qui sont capables d'apprendre et de transmettre des techniques ou des savoirs à leurs congénères. [3] Idem chez les minions, une espèce bien plus ancienne que les bourdons, les chimpanzés et les hominines. [4] Cela ne dit évidemment rien sur l'intelligence d'autres espèces. En effet, les poulpes, par exemple, sont capables d'apprentissage et d'expérimentation mais, dans leur environnement naturel, illes [5] ne sont pas dans des conditions matérielles leur permettant de transmettre quelque chose à des congénères. Les individus de cette espèce vivent en solitaire et meurent à l'issue de la reproduction. Les poulpes parviennent très bien à résoudre des problèmes de mécanismes complexes et de labyrinthes en laboratoire mais ne les inventent pas. Les animaux dit sociaux sont plus à même de développer des connaissances cumulatives et des mécanismes de transmission intergénérationnelle. Après les premières stupeurs sont arrivées les premières tentatives de réponse à ce qu'est l'existant pour des hominines. La datation de cela est difficile. Les questionnements sont divers tant le monde est vaste et complexe. Malgré des nuances évidentes, il y a très peu de différences entre les histoires inventées dans les sociétés d'hominines pour raconter le commencement de tout. Le premier scénario de fiction, le premier roman oral ? Les schémas mythologiques sont similaires. Une ligne est tracée entre le Rien primordial et les hominines. D'évidence, le résultat est une narration autocentrée pour décrire l'existant. D'une manière ou d'une autre, les hominines trônent. Illes ne sont jamais simplement une espèce parmi d'autres. Les hominines se répandent progressivement sur l'ensemble des terres émergées de la planète. Au fil de leurs migrations, des changements de climat. La "sortie" d'Afrique est un processus qui prend des centaines de milliers d'années, en plusieurs vagues. Même dans les zones les plus inhospitalières, les hominines sont dorénavant partout. Leur diversité est riche en mythes, en langues, en cultures, etc. HierSans exception, la totalité des cultures hominines se sont dotées de savoirs et de techniques afin de mieux survivre. Pour compenser leur fragilité et s'adapter au mieux à tous les environnements. Il y a de fortes probabilités pour que l'invention des vêtements en peau d'animaux soit concomitante de l'exploration de régions moins tempérées, et non les prémisses de la combinaison de sudation. Le manteau de fourrure ne s'invente pas sous des climats chauds, tout comme les lunettes de soleil ne sont pas pensées pour la nuit polaire. Impossible ici d'énumérer toutes les questions que les hominines se posent. Parmi celles-ci, celles sur la "planète" sur laquelle illes vivent. Est-elle sans fin comme semble le laisser penser son exploration pédestre ? Quelle est sa forme ? Qu'y a-t-il après l'horizon ? Existe-t-il un ailleurs ? Tout indique que les étoiles et les astres solaire et lunaire se déplacent. Sans vouloir faire preuve de validisme [6], il suffit de regarder pour le constater. À partir de ces simples questionnements et constatations, de nombreuses hypothèses peuvent être formulées. Les récits mythologiques ne se gênent pas pour cela. Bien souvent le monde existant n'est pas pensé en tant que planète dans un univers beaucoup plus vaste mais comme l'unique réalité. Les étymologies possibles de ce mot de planète sont d'ailleurs des indicateurs de la complexité de ces réponses apportées par les croyances. Selon la plupart des dictionnaires actuels, le terme planète renvoie à une racine grecque antique signifiant "vagabond", "errant". Le grec ancien utilise l'expression astra planeta, "étoile errante". Un sens que l'on retrouve dans le français moderne planer. Pour certains, il est à rapprocher de flâner qui en serait la déformation. Dans plusieurs langues germaniques nord-européennes, il existe des formes de l'étymon flan avec le sens de "balader", "errer". Tel flanieren en allemand. Ce sens de vagabondage, de déplacement, correspond très bien à une description du mouvement des étoiles, de la lune et du soleil. Elles sont donc bien des planètes. Le terme est aujourd'hui genré au féminin mais pendant plusieurs siècles cela n'a pas été le cas. Le Dictionnaire de la langue française de Godefroy rapporte que un planet est une planète et que une planete est une petite hache pour rendre plat ou une plate-forme. [7] Et planer est l'action de rendre plat. Un sens encore présent en français. Une plaine est un vaste endroit ouvert et à peu près plat. L'utilisation du mot astre évite cette ambiguïté. Son étymon a donné une multitude de mots dans les langues d'Europe. Star en anglais ou stern en allemand. Estela en nissard. Le stella latin débouche sur le nom étoile en français ou le qualificatif stellaire. Ou encore constellation.
À une date incertaine, mais fort probablement très ancienne, les hominines remarquent que l'ombre d'une chose fixe se déplace et change de taille. Cela fonctionne avec toute chose fixe. Ce mouvement de l'ombre est la matérialisation du déplacement du soleil. La longueur portée au sol est le reflet de l'inclinaison du soleil. L'hiver, lorsque la course du soleil est basse, l'ombre est plus longue que l'été, une saison où le soleil est haut. L'expérience est très facilement reproductible. Les premiers calendriers et horloges solaires apparaissent en Asie orientale et au Moyen-Orient. L'observation du ciel permet aux hominines de découvrir moult informations les concernant. Si le soleil et la lune ont une forme circulaire, qu'en est-il du monde ici-bas ? Les premières hypothèses postulent que "notre" monde est lui aussi circulaire. Rien ne dit encore s'il est plat ou cylindrique, mais la question se pose. Les documents les plus anciens dont nous disposons à ce sujet datent de la Grèce antique. L'application de quelques calculs géométriques, une science alors en plein essor, permet de répondre à quelques interrogations. Planter deux bâtons de hauteur égale à des endroits éloignés et mesurer leurs ombres à la même heure est une méthode qui montre que la terre est arrondie. Dès le Vème siècle avant JCⒸ [9], la plupart des érudits de l'antiquité grecque admettent la sphéricité de la Terre. Platon et Aristote pour ne citer que les plus connus. Même si les méthodes de calcul ne sont pas encore très précises, les formes arrondies des ombres de la Terre sur la Lune lors des éclipses et les calculs géométriques solaires sont pour eux des preuves suffisantes. Par contre ils divergent sur la question de la fixité ou non de notre astre terrestre. Même si certains défendent l'idée que l'astre terrestre tourne autour du soleil, le modèle dominant qui se dessine postule que la Terre est immobile et centrale dans l'univers, et que le Soleil et les autres astres tournent autour. Les avis divergent sur le rayon de cette sphère. Sans avoir recours aux mathématiques, il est possible de remarquer qu'au loin, à l'horizon, un bateau qui s'éloigne disparaît progressivement à partir du bas et que le mât est le dernier. Si la surface terrestre est plate, un objet qui s'éloigne à l'horizon doit simplement diminuer jusqu'à devenir si petit qu'il n'est plus visible. Inversement, à partir d'un bateau se rapprochant des côtes, les hominines voient les sommets des montagnes avant les côtes. La courbure terrestre implique qu'à une altitude d'environ 1,70 mètres — à la hauteur d'un regard d'hominine au bord de la mer — la vision ne peut dépasser les 4,7 kilomètres. À une altitude de 1312 mètres, l'horizon visible va jusqu'à presque 130 kilomètres. Les connaissances en astronomie sont résumées au IIème siècle après JCⒸ par l'érudit Claude Ptolémée dans un traité en grec nommé Almageste. Au cours des siècles suivants, la sphéricité de la Terre est chose acquise. Personne ne la remet en cause, que ce soit dans la civilisation mahométienne [10] ou, plus tard, lors du Moyen-Âge européen [11]. L'astronomie et la navigation confirment cela. Le grand sujet de discorde reste la circonférence terrestre et sa place dans l'univers. Le géocentrisme demeure le modèle explicatif consensuel. Les autorités religieuses christiennes n'admettent pas que l'astre terrestre ne soit pas central car cela revient, selon elles, à minimiser la dimension centrale des hominines pour leur divinité. Malgré tout l'humour qui est le sien, ce dieu n'a pas pu créer sa créature préférée — les hominines — dans un simple coin de l'univers parmi d'autres. Pour le reste, elles ne contredisent pas la sphéricité. Dans l'un de ses ouvrages, Historia rerum ubique gestarum, le pape Pie II signale en 1458 que "à peu de choses près, tout le monde s’accorde à dire que la forme du monde est sphérique." La fin du XVème et le début du XVIème siècles est une époque d'exploration du monde par voie maritime. Les puissances politiques d'Europe financent des expéditions afin de découvrir de nouvelles routes vers les Indes et l'Orient. L'originalité de Christophe Colomb tient au fait qu'il veut partir en direction de l'ouest pour atteindre l'est. Les critiques de son projet ne sont pas sur l'absence de route vers les Indes, en passant par ce chemin, mais sur l'impossibilité de les rejoindre en bateau car le voyage s'annonce trop long. Les contraintes matérielles sont trop grandes. Lorsque son expédition approche enfin de la terre ferme après plus de deux mois de voyage, l'équipage est mal en point, affamé et à deux doigts de se révolter. En effet, les estimations de Colomb sont mauvaises car il pense que la sphère terrestre est plus petite qu'elle ne l'est véritablement. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'il y a un continent entier entre l'Europe et l'Asie : le Nouveau Monde qui par la suite sera nommé Amérique. [12] Il faut attendre le milieu du XVIème siècle pour que cette représentation du monde soit sérieusement remise en cause. Dans Des révolutions des sphères célestes, Nicolas Copernic [13] propose un système héliocentrique de notre univers. Se basant sur les observations astronomiques et l'héritage de siècles de progrès des sciences mathématiques, il explique que le soleil est un astre central autour duquel tournent les planètes. Dont la Terre. Peu soutenu, les travaux de Copernic ne font pas l'effet d'une bombe. Les autorités religieuses christiennes de Rome — la papauté — ne daignent pas répondre, ni même condamner. Elles l'ignorent. Avec son héliocentrisme affirmé, Copernic vient pourtant de fendiller le consensus. Il pose les fondations modernes de l'astronomie. En 1584, Giordano Bruno [14] publie De l’infinito, universo e Mondi (De l’Infini, de l'univers et des mondes) dans lequel il affirme : "Il est donc d'innombrables soleils et un nombre infini de terres tournant autour de ces soleils, à l'instar des sept "terres" [la Terre, la Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne] que nous voyons tourner autour du Soleil qui nous est proche." À l'hypothèse que la sphère terrestre est immobile car lorsqu'un objet est lâché en haut d'un mât, il arrive au pied de ce même mât, Giordano Bruno répond qu'elle peut être mobile. Pour preuve, un objet lâché d'un mât en mouvement, sur un bateau par exemple, atterrie toujours à sa base. Une expérience aisément reproductible de nos jours. Sauter en l'air dans un train en marche, même à grande vitesse, ne fait pas courir le risque de se faire écraser par le bout du compartiment qui arrive à toute allure. Érudits dans plusieurs domaines, Giordano Bruno se met à dos les autorités papales qui lui reprochent ses positions sur la morale ou la religion. Ses positions scientifiques d'astronomie ne sont pas le principal reproche. Il est brûlé vif en 1600 pour hérésie. [15]
Quelques années plus tard, Johannes Kepler publie ses travaux sur les trajectoires des astres et conclue qu'elles ne sont pas circulaires mais elliptiques. Galilée provoque la colère d'érudits de son époque et des autorités religieuses en publiant Sidereus nuncius en 1610. S'appuyant sur les travaux de Copernic et ses successeurs, il fait l'hypothèse d'un système astronomique héliocentrique avec une sphère terrestre en mouvement. L'un de ses outils est une lunette astronomique, une invention récente. Le géocentrisme affirme que le poids des terres émergées, avec leurs montagnes, est tel que la sphère ne peut évidemment pas bouger. Trop lourde. L'observation de la lune avec une lunette astronomique montre très bien qu'elle aussi a du relief alors que tout le monde est d'accord avec le fait qu'elle est en mouvement. Le théologien et érudit Paolo Antonio Foscarini soutient que l'héliocentrisme n'est pas contraire aux écrits de la mythologie christienne et tente de publier en 1615 sa Lettre sur l'opinion pythagoricienne et copernicienne concernant la mobilité de la Terre et la stabilité du Soleil [17]. Mais l'héliocentrisme est officiellement déclaré hérétique en 1616 et les livres sur ce sujet sont ajoutés à l’Index des livres interdits, le catalogue officiel des autorités religieuses papales. [18] La Terre peut bien être sphérique, peu importe, mais hors de question qu'elle bouge. En 1632, Galilée fait paraître Dialogue sur les deux grands systèmes du monde [19] dans lequel trois personnes échangent sur la question. La première, à laquelle il s'identifie, est favorable au système héliocentrique de Copernic, la deuxième, représentant les autorités religieuses, défend le système géocentrique et la troisième n'a pas encore d'avis sur cette question. Les autorités papales n'apprécient pas. L'année suivante, un procès lui est intenté. Il est condamné à ne plus aborder le sujet et contraint à s'exiler. Ses travaux sont ajoutés à l’Index. Si les théories héliocentriques apportent des réponses à des observations astronomiques et des calculs géométriques, elles ne sont pas encore en mesure d'expliquer tout ce que cela implique. Si la Terre n'est pas plate, les régions aux antipodes ne doivent pas être habitées car impossible d'y vivre avec la tête en bas. Si la Terre est en mouvement comment si maintenir sans se faire expulser par la vitesse ? Quoiqu'en pensent les héliocentristes, il suffit de retourner un verre d'eau pour constater qu'elle ne reste pas dans le récipient et se déverse. De plus, vivre en permanence la tête en bas n'est pas conseillé. Isaac Newton va permettre d'affiner le modèle héliocentrique. Par ses calculs il montre la présence d'une force de gravitation qui attire vers le sol. S'il est un personnage important dans l'histoire des sciences modernes, il l'est tout autant dans l'histoire de la protivophilie car, selon une source anonyme, "avant sa découverte de la gravité en 1687, les hominines prenaient tout à la rigolade". Les autorités religieuses christiennes de Rome reconnaissent dans le milieu du XVIIIème siècle la validité des théories de Galilée. Ses écrits et tout ceux défendant l'héliocentrisme sont enlevés de l'Index. Aujourd'huiLe développement du commerce mondialisé, les dissensions théologiques entre les différents courants christiens ou les oppositions politiques entre les puissants royaumes d'Europe, entraînent dans leur sillage de profonds changements sociaux et des interrogations philosophiques sur le présent et l'avenir. Les XVIIème et XVIIIème siècles sont l'articulation entre hier et aujourd'hui dans l'histoire du néoplatisme. Depuis maintenant un millénaire et demi, la pensée philosophique et les savoirs de l'antiquité grecque sont partie intégrante des philosophies christiennes et des savoirs qui se développent dans les régions à dominante christienne. Et aussi mahométienne. Les érudits pré-JCⒸ les plus proches des croyances christiennes font office de caution intellectuelle. Les savoirs qui ne sont pas antagonistes avec ce que les autorités religieuses professent sont évidemment valorisés. Elles écrivent ainsi leur "roman national" en ce donnant une profondeur historique. Elles légitiment leur autorité en se posant comme un "progrès" par rapport à une époque précédente. Tout en se présentant comme sa continuité naturelle. La sphéricité du monde est admise grâce aux textes de l'antiquité grecque, mais l'approche reste un peu mystique selon Aurélien "Orelsan" Cotentin :
Si l'autorité religieuse est contestée dans sa légitimité politique, elle l'est aussi pour sa volonté d'une main-mise sur la validité ou non à accorder à telles ou telles théories ou pensées. Que faire des sciences qui ne s'accordent pas avec les mythologies christiennes ou qui les heurtent ? Les scientifiques et les philosophes de ces siècles charnière inversent la question. Que faire des mythologies et des savoirs qui ne s'accordent pas avec les sciences nouvelles ? La superstar de cette époque est Voltaire. Il aime se voir en pourfendeur de la religion. Des textes anonymes circulent en Europe. La cible est la religion christienne et ses croyances. Le fait même de croire en cette religion est contesté. De La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy de Geoffroy Vallée en 1572 [21] — et qui vaut à son auteur la pendaison suivie du bûcher deux ans plus tard [22] — à l'anonyme Traité des trois imposteurs [23] dans les années 1720 en passant par le Testament de Jean Meslier publié en 1762 par Voltaire. Ce Testament est une version légèrement remaniée de Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, prêtre-curé d'Etrépigny et de Balaives, sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l'on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les religions du monde, pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux et à tous leurs semblables, plus connu sous son nom abrégé de Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier. [24] L'opposition de Voltaire à la religion est si tranchée qu'il lui dénie son héritage grec antique. Autant pour les sciences que pour la philosophie. L'Âge d'Or christien [10] doit rimer avec obscurantisme. Par mensonge délibéré ou biais intellectuel, Voltaire affirme que les autorités et les croyances christiennes ont défendu la théorie d'une Terre plate. En rupture avec les connaissances acquises dans l'antiquité grecque. Pour sa démonstration il cite deux auteurs christiens anciens, Lactance et Cosmas. Vivant à cheval sur les IIIème et IVème siècles, le premier est, selon Nicolas Copernic, un "illustre écrivain mais piètre astronome qui parle de manière infantile de la forme de la Terre quand il se moque de ceux qui déclarent qu’elle a la forme d’un globe." [25] Lactance n'est pas stupide et interroge avec logique la théorie de la sphéricité terrestre : "Ceux qui pensent qu'il y a des antipodiens opposés à nos pas, cela a-t-il quelque sens ? ou bien y a-t-il quelqu'un d'assez inepte pour croire qu'il y a des hommes dont les plantes des pieds sont au-dessus de leurs têtes ? ou bien que ce qui y est posé par terre, pour nous, pend en étant renversé ? que les herbes et les arbres croissent vers le bas ? que les pluies, la neige et la grêle tombent sur terre vers le haut ?" [26] Si la Terre est plate, personne ne peut tomber dans les airs. Il faut attendre la gravité de Isaac Newton pour que des hominines puissent admettre que toute la sphère est habitable. Avant, cela peut paraître impensable. Constantin d'Antioche dit Cosmas Indicopleustès ("le voyageur des Indes") rédige dans le milieu du VIème siècle sa Topographie chrétienne en langue grecque. Le titre de son premier chapitre résume les autres Contre les faux chrétiens qui professent, comme les païens, que le ciel est sphérique. Son ouvrage est très peu distribué et son contenu demeure confidentiel [27]. C'est une première traduction latine en 1707 qui permet à Voltaire et à l'ensemble du monde christien de prendre connaissance de ce livre. Pas publiée depuis le XIIème siècle, la Topographie de Cosmas n'est pas représentative d'une théorie platiste défendue par les autorités religieuses de Rome pendant des siècles. Celles-ci reconnaissent plutôt la validité de plusieurs textes écrits par différents religieux qui défendent que la Terre est une sphère. De Grégoire de Nysse — sans lien de parenté avec Brice de Nice — qui parle au IVème siècle de la forme sphérique de l'ombre terrestre sur la Lune lors d'une éclipse à la parution du Traité de la sphère au XIVème siècle par un dignitaire religieux. Ce même siècle où Thomas d'Aquin, LA grande référence des autorités religieuses papales, est catégorique : "les sciences se différencient en fonction des différents moyens par lesquels la connaissance est obtenue. En effet, l'astronome et le physicien peuvent tous deux démontrer la même chose, par exemple que la terre est ronde : l'astronome au moyen des mathématiques (c'est-à-dire en faisant abstraction de la matière), mais le physicien au moyen de la matière elle-même." [28] Les pensées philosophiques et politiques qui s'élaborent dans le courant du XVIIIème siècle aiment présenter le passé uniquement comme un âge d'ignorance et de superstition. Quitte à traficoter un peu la réalité. Voltaire n'est pas un cas unique. Depuis la "Révolution française" qui a renversé en 1789 le régime féodal et son aristocratie pour le remplacer par un système parlementaire aux mains de la bourgeoisie, le discours officiel et l'historiographie vont dans ce sens. Penser que "Avant c'était pire" permet toujours une meilleure acceptation du présent. Quel qu'il soit. La méthode se rode. Rappelons ici que la chasse aux sorcières ne date pas des périodes médiévales christiennes mais se situe au XVIème et XVIIème siècles. Que l'Inquisition anti-hérétique, aussi terrible soit-elle, n'a pas fait autant de morts que les conflits territoriaux et les guerres entre les royaumes d'Europe dans la même période. Un obscurantisme en remplace un autre : La politique prend le relai du religieux. Le colonialisme européen n'est pas mieux que les Croisades christiennes. Le sort des populations moïsiennes [10] médiévales n'est pas moins enviable que celui qui leur est réservé aux époques modernes. Celui des populations serviles sous la féodalité est-il vraiment différent du sort des hominines maintenant prolétaires ? Les Lumières du XVIIIème siècle ont assombri la réalité passée et présente. Que ce soit dans la phase où elles prennent de plus en plus de pouvoir politique, économique et culturel, ou lorsqu'elles s'en emparent vraiment, les bourgeoisies n'assument pas ouvertement leur position d'exploiteuses et de profiteuses. Elles rejettent tout sur la féodalité et l'aristocratie renversées. "J'aime pas les gens !" hurlent les foules qui doutent des promesses qui n'aboutissent jamais à rien.
Inversement, des hominines affirment que c'était mieux avant. Que ce soit à travers la politique ou la religion. L'une prétend qu'un retour en arrière est la solution à toutes les misères du présent et aux avenirs funestes, l'autre prend ses fantasmagories pour la réalité : "On pourrait n’accorder que peu d’importance à tout cela. Après tout, le chrétien peut sauver son âme quelle que soit la forme qu’il attribue à la Terre. L’essentiel n’est-il pas cette effrayante diminution de l’espérance de vie qui n’est plus que de 85 ans alors qu’elle fut au Moyen-Age l’espérance de la vie éternelle ?" [30] Il est vrai que l'impact de la croyance ou non d'une Terre plate est minime sur le sort des hominines. L'illusion n'est pas toujours un frein au réel et la pensée religieuse s'accommode très bien de ses propres contradictions. Isaac Newton, par exemple, est un hominine profondément croyant dans les mythologies christiennes tout en étant un scientifique, un hominine qui cherche la rationalité mais qui est persuadé que l'alchimie [31] est une vraie science. Selon lui, "la gravité explique le mouvement des planètes, mais elle ne peut expliquer ce qui les mit en mouvement. Dieu gouverne toutes choses et sait tout ce qui est ou tout ce qui peut être" ! Avec la pensée religieuse et sa mythologie, la schizophrénie est un état permanent. Entre réalités et mythes. L'idée que la théorie d'une Terre plate est défendue par les autorités religieuses médiévales s'impose. Pouvait-il en être autrement ? Elle devient une évidence partagée et au cours du XXème siècle, cette fausse affirmation continue de circuler. Qui oserait remettre en cause ce que des auteurs fameux comme Voltaire ont dit ? Des spécialistes d'histoire, des romanciers, des érudits reprennent ces déformations historiques, et sont la caution moderne au mythe de la Terre plate. Dans sa biographie éponyme du navigateur Magellan, en 1938, l'écrivain Stephan Zweig croit savoir que la platitude de la Terre est une évidence à l'époque du navigateur. Comme dans Pirates des Caraïbes troisième volet nommé Jusqu'au bout du monde [32]. Contrairement à ce qui s'écrit, l'opposition au voyage de Christophe Colomb n'est pas pour des raisons d'hypothétique platitude mais de capacités à franchir une si longue distance sans ravitaillement. Les Somnambules. Essai sur l'histoire des conceptions de l'univers, publié en 1959 par Arthur Koestler, reprend l'argumentaire qui minimise l'influence de Copernic et Galilée. Il affirme, à tort, que les travaux de Copernic ne sont pas très connus à son époque. "Le livre que personne n’a lu – le Livre des Révolutions des Sphères Célestes était et demeure la plus mauvaise vente de tous les temps." [33] Rien de moins. Une contrevérité largement débunkée en 2004 par Owen Gingerich dans Le livre que nul n'avait lu [34]. Pour Galilée, Arthur Koestler relativise le procès et la mise à l'Index de ses écrits. Des références antiques, quelques textes médiévaux, des sources intellectuelles reconnues et des confirmations contemporaines, tous les ingrédients sont réunis pour un "Mythe de la Terre plate" [35]. Cette nuitLe XIXème est le siècle des grands bouleversements. L'industrialisation grandissante des pays de l'ouest européen entraîne la critique de ce processus et des retombées néfastes sur les hominines qui l'alimentent. Cette critique est autant sociale que politique. La bourgeoisie humaniste se lance dans des programmes d'amélioration des conditions de vie des plus pauvres. La philanthropie a le vent en poupe. Elle vise à calmer les dilemmes moraux de ces philanthropes et à atténuer les misères endurées par la majorité. En parallèle, des théories politiques nouvelles s'élaborent. Leurs buts est de proposer des modes d'organisation qui extraient les hominines des réalités sociales en s'organisant en marge du monde. Pour celleux qui se réclament d'une religion, ces nouvelles théories sont une manière de revenir aux "vraies" sources, pour celleux qui refusent les préceptes religieux, elles sont une façon de faire enfin rupture avec des croyances qui incarnent le passé. Dans ce cas, la religion n'est pas vue comme salutaire mais comme responsable de nombreux malheurs pour les hominines. En complément pour les philanthropes ou en réponse aux approches religieuses pour les critiques les plus radicales, les sciences sont mises à contribution. L'organisation sociale, politique et économique sont passées au crible de ces sciences. Des projets collectifs sont envisagés afin de s'extraire au mieux du monde industriel moderne. Il ne s'agit pas de tentatives de retour à un passé mythique mais de se projeter dans le futur en se construisant un présent. Autant les sciences dures — telles que les mathématiques, la physique ou l'astronomie — que les sciences dites humaines sont mises au service de ces projets. Le progrès social est alors nommé socialisme. Avec toute la modestie qui est la sienne, Karl Marx catalogue d'utopistes ces premiers socialismes du début du XIXème siècle alors qu'il qualifie le sien de scientifique. Pourtant, les différentes approches et théories "socialistes" ne restent pas cantonnées au monde des idées mais prennent forme dans de véritables tentatives de les réaliser concrètement. Elles ne sont pas plus utopiques que la pensée marxienne, et ne sont pas moins scientifiques. Les espoirs d'un monde meilleur ne sont pas l'apanage des hominines de la bourgeoisie intellectuelle, c'est aussi une activité de pauvres, la rage au ventre. Dans L'humanisphère, en 1857, l'anarchiste Joseph Déjacque [36] aspire à "la sociale République humaine, une et indivisible, la République des hominines à l’état libre, la République des individualités-unies du globe." [37] Les plus célèbres de ces socialistes "utopistes", tous nés dans le dernier quart du XVIIIème siècle, sont Charles Fourier [38], Étienne Cabet [39], Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon [40] ou Robert Owen. Ils imaginent des formes d'organisation sociale idéale. Pour cela, les sciences sont sollicitées. Elles sont le socle sur lequel repose l'équilibre à trouver entre individualité et collectivité, au bénéfice des deux. L'architecture des lieux de vie est aussi importante que l'éducation donnée, l'hygiène est aussi primordiale que de la nourriture en quantité suffisante. Le travail est aussi indispensable que le repos, etc. Il y a urgence car tous savent que la situation sociale quotidienne est une catastrophe pour nombre d'hominines et que "Demain c’est trop tard".
Né en 1771 au Pays de Galles britannique dans une famille d'artisan, Robert Owen travaille très tôt dans l'industrie textile en tant qu'apprenti. Il est nommé à la direction d'une manufacture vers l'âge de 20 ans. Il épouse en 1797 la fille d'un industriel et par la suite prend la direction de la filature de son beau-père à New Lanark en Écosse britannique. Humaniste non-religieux, il se fait patron paternaliste. Pour lui, les hominines travaillant dans son entreprise doivent pouvoir bénéficier des meilleurs traitements. Il défend la journée de travail de 8 heures, améliore l'habitat de sa main-d'œuvre et organise la scolarisation de leur progéniture. L'entreprise est florissante et New Lanark est un véritable laboratoire social. Son modèle devient une référence en matière de réformes sociales et économiques [42]. Dans les années 1820, Robert Owen prend ses distances vis-à-vis de l'industrie et projette de mettre en place des communautés de vie. Pour lui, elles sont la seule manière d'échapper aux logiques capitalistiques [43]. Après avoir prôné un réformisme social et politique, Robert Owen imagine un "socialisme" basé sur la coopération où la main-d'œuvre est maîtresse des moyens de production et vit collectivement. Ses écrits trouvent une résonance auprès de plusieurs hominines qui s'associent à lui ou qui tentent de concrétiser son utopie sociale. Sur la petite dizaine d'expériences "owenistes" éphémères aux États-Unis américains, la plus connue de ces communautés est celle de New Harmony [44], fondée en 1825 par Robert Owen lui-même. Elle ne dure que deux années. Au Royaume-Uni britannique, une dizaine de projets de communautés voient le jour entre 1820 et les années 1840. Aucune de ces communautés ne survie au-delà de cette décennie 1840. Samuel Rowbotham (1816-1884) cofonde l'une d'elles en 1838, à l'est de l'Angleterre britannique dans le village de Manea. Dans cette région, existent de longs canaux destinés à drainer les eaux marécageuses. Dès l'été 1838, Samuel Rowbotham fait une expérience sur l'un des canaux, rectiligne sur plus de 10 kilomètres. Avec un télescope tenu à 20 centimètres au dessus de l'eau, il regarde s'éloigner un bateau avec un mat d'une hauteur de moins d'un mètre. Au bout de 10 kilomètres, le mat du bateau est toujours visible alors qu'avec une Terre sphérique il devrait être situé plusieurs mètres sous l'horizon. Il en conclue que la Terre est donc plate. Il publie les premiers résultats de ses observations en 1849 sous le pseudonyme de Parallax. Quelques hominines rejoignent ses conclusions. William Carpenter fait paraître en plusieurs épisodes L'Astronomie spéculative étudiée et démasquée - La Preuve que la Terre n'est pas une sphère à partir du 1864 sous le pseudonyme de Common Sense, "Le Bon Sens". En 1865, sous le titre Astronomie zététique. La Terre n'est pas une sphère, Samuel Rowbotham fait paraître l'ouvrage qui synthétise l'ensemble de ses conclusions. Ses travaux restent inconnus du grand public et ignorés par les scientifiques de cette époque. Le quart d'heure de gloire a lieu en 1870 lorsqu'un partisan de la planéité terrestre invite à un pari qui veut démontrer le contraire. Naturaliste et géomètre, Alfred Wallace relève ce défi, et le gagne. Connaissant les risques de déformation visuelle — dit effet de réfraction atmosphérique lorsque les rayons lumineux sont déformés et suivent la rotondité terrestre — il se propose de faire l'expérience à une hauteur de 4 mètres. Dans ces conditions, le résultat est que la planète est une sphère. Samuel Rowbotham fait des émules et défend sa théorie dans de très nombreuses conférences publiques et polémiques avec des astronomes. Il affirme que la Terre est un disque, avec en son centre le pôle Nord et délimité au bord extérieur par un mur de glace, l'Antarctique. Pour lui, le Soleil et la Lune se trouvent à moins de 5000 kilomètres au dessus de la Terre. Une Société zététique [45] est inaugurée au Royaume-Uni britannique et une aux États-Unis américains. Afin de crédibiliser encore un peu plus son argumentaire, il fait paraître L'incohérence de l'astronomie moderne et son opposition aux Écritures où il explique que le seul bon sens démontre que la planète est plate et immobile. Ce que confirme, selon lui, la mythologie christienne dans La Bible. Pour enfoncer un peu plus le clou, l'un de ses adeptes platistes, John Hampden, publie en 1877 son Nouveau manuel de cosmographie biblique. Une vision contredite par d'autres approches religieuses christiennes qui affirment que la Terre est creuse et concave. Évidemment — en faisant abstraction de l'effet de la réfraction atmosphérique — des expériences le prouvent [46]. Après sa mort en 1884, très marginales, les théories de Rowbotham continuent à être relayées, principalement au Royaume-Uni britannique et aux États-Unis d'Amérique. La succession est assurée. Côté britannique, Elizabeth Blount prend le relai de la Société zététique existante et anime à partir de 1893 la Société zététique universelle dans le but de diffuser "des connaissances relatives à la cosmogonie naturelle en confirmation des Saintes Écritures, sur la base d'une recherche scientifique pratique". Le magazine The Earth Not a Globe est la vitrine de la théorie platiste. Un mensuel est même publié entre 1901 et 1904. Outre-Atlantique William Carpenter publie, entre autres, Cent preuves que la Terre n'est pas une sphère [47] en 1885. Dans ce pays, deux courants religieux marginaux adoptent la théorie de la planéité terrestre au prétexte qu'elle est conforme avec leur lecture des mythologies christiennes. L'un est l’Église catholique chrétienne, fondée à Zion dans l'Illinois en 1896 et issue de la multitude protestante évangéliste. Elle a quelques milliers de membres. Au début du XXème siècle, sous la direction de Wilbur Glenn Voliva elle prend le nom d’Église apostolique catholique chrétienne et adopte officiellement la théorie platiste. En 1923, Voliva est le premier prédicateur à posséder sa propre station de radio. Sa Trinité diabolique est constituée de la théorie de l'évolution, de l'exégèse historico-critique de la Bible et de l'astronomie moderne. Voliva prédit plusieurs fois la fin du monde au cours des décennies 1920 et 1930, pour finalement mourir avant lui en 1942. L'autre mouvement religieux platiste est celui des "Hébreux noirs israélites". Affirmant avoir eu des visions expliquant que les hominines à la peau noire sont la véritable descendance du peuple hébreu dont parle le roman La Bible, Franck Cherry fonde une première congrégation en 1886. Son décryptage historique de cette fiction littéraire qu'est la Bible lui fait dire que de Adam et Eve [48] jusqu'à Jésus aka ChristⒸ, leur lointain cousin consanguin, les principaux personnages ont la peau noire. Comme le peuple hébreu biblique. Dieu déteste les hominines à la peau blanche pour leur méchanceté et les populations moïsiennes actuelles sont issues d'un métissage entre ces antiques populations hébraïques noires et des hominines à la peau blanche. Pour Franck Cherry et son Église du Dieu vivant, pilier de la vérité pour toutes les nations les pratiques et les croyances mélangent les moïsiennes et les christiennes. La Bible christienne est leur référence textuel mais l'hébreu ou le respect du vendredi chômé, ou bien encore l'interdiction de manger du porc, sont en usage. Le Talmud, un des livres de la mythologie moïsienne, est aussi une source importante de la théologie inventée par Franck Cherry. En ce qui concerne la planéité terrestre, il fait sienne cette théorie mais nie qu'elle soit circulaire. Elle n'a pas la forme d'une assiette plate classique mais plutôt celle d'une assiette carrée. Les visions ne mentent jamais. Dieu n'est pas là pour blaguer.
Quelques décennies avant que la théorie de la forme en donut n'apparaisse [50], le britannique Samuel Shenton découvre Astronomie zététique. La Terre n'est pas une sphère de Samuel Rowbotham dans les années 1950. Persuadé de la validité des arguments, il fonde en 1956 la Société internationale de recherche sur la Terre plate. Le premier satellite est envoyé dans l'espace en octobre 1957 par l'Union soviétique [51]. Selon les autorités, il fait le tour du globe terrestre de nombreuses fois avant de se désintégrer dans l'atmosphère après trois semaines mais pour Samuel Shenton, "la navigation autour de l'île de Wight prouverait-elle qu'elle est sphérique ? Il en va de même pour ces satellites." Le début de la conquête spatiale est une épreuve difficile pour le platisme. En 1966, la Société publie Plaine réalité dans lequel il est rappelé que "l'astronomie moderne et les vols spatiaux sont des insultes à Dieu et que la punition divine pour l'arrogance de l'humanité n'est plus qu'une question de temps." Lors du vol spatial Apollo 8 en décembre 1968, Samuel Shenton déclare que "s'ils nous montrent une image très claire de la terre vue de l'espace et que l'image ne montre pas tous les continents, et que le bord de l'image est hors perspective, alors cela prouverait que la terre est ronde. En attendant, nous continuerons à nous battre pour prouver que la Terre est plate." [52] Le programme Apollo 11 et le premier pas d'hominines sur la Lune en 1969 le laisse perplexe et à bout d'argument : "Les astronautes sont hypnotisés et croient qu'ils vont dans l'espace." [53] La première photographie du globe terrestre éclairé dans son entièreté date de décembre 1972, réalisée par des hominines lors de la mission spatiale étasunienne Apollo 17. Elle est connue sous le nom de The Blue Marble, la "Bille bleue". Mort en mars 1971, Samuel Shenton ne verra jamais cette photo qui montre que la Terre plate est finalement sphérique. Le platisme est moribond. Demain matinL'exploration spatiale fait entrer la théorie platiste dans une nouvelle ère. Il n'est désormais plus question de démontrer ou non la planéité terrestre mais d'expliquer la raison pour laquelle les hominines croient que la Terre est sphérique... malgré sa planéité ! Le doute scientifique qui a motivé quelques hominines dans le passé n'est plus véritablement possible. Les schémas théoriques élaborés progressivement au cours des siècles précédents ont pour la plupart été validés par l'expérience. Ou simplement constatés directement. Le mouvement des planètes, l'héliocentrisme et la gravitation, par exemple, sont des connaissances consensuelles pour les scientifiques des matières concernées. La méthode pour cela est très différente de l'approche religieuse. Étrangement, la charge de la preuve de la réalité ou non d'une entité divine est pour les hominines qui n'y croient pas. Celleux qui pensent que son existence est réelle se contente de l'affirmer : ce qu'illes appellent la foi. Du point de vue méthodologique, si des personnes disent entendre une voix dans leur tête, elles doivent apporter une preuve de cela et non pas proposer aux autres de démontrer que cette voix n'existe pas. Une hallucination n'est pas un mirage. L'une est une illusion explicable, l'autre un phénomène physique démontrable. Pour reprendre les propos contestés du psychiatre Pierre Desproges, "Si vous parlez à dieu, vous êtes croyant. S'il vous répond vous êtes schizophrène." Profondément apathée, la protivophilie n'a pas de temps à perdre avec ces questionnements inutiles. Le platiste Samuel Shenton a la même démarche pour valider sa théorie. Il promet plusieurs milliers de dollars étasuniens à la première personne qui parvient à prouver que la Terre n'est pas plate. Les platistes d'aujourd'hui ne sont plus ces scientifiques amateurs qui inventent des procédés techniques et conçoivent des méthodes pour démontrer leurs dires. Illes sont partie intégrante de l'histoire des sciences. Le nombre de théories, quel que soit le sujet, qui ont été élaborées au cours des siècles pour finalement n'aboutir à rien est incalculable. Immense. C'est le principe même d'une approche scientifique de tenter de démontrer la véracité de quelque chose en faisant des hypothèses et de développer les outils permettant de valider cette hypothèse. Il n'est pas question de foi — les personnes qui croient en une divinité font très rarement preuve d'humilité intellectuelle en admettant qu'il s'agit d'une simple hypothèse. Les nouvelles expérimentations et théories viennent s'imbriquer ou non avec les hypothèses scientifiques déjà admises, démontrées ou constatées. Des hypothèses sont invalidées par de nouvelles. Dans les siècles passés, il est logique que des hominines hésitent à accepter ce que les sciences émergentes tentent de mettre en avant. Une terre plate n'est alors pas plus aberrante qu'une sphérique. Il n'est pas stupide, intuitivement, de se dire que si on enlève les montagnes et les collines, le sol est plutôt plat ! Et il n'y a pas de raison particulière pour qu'il en soit autrement ailleurs sur la planète. Le fameux "bon sens" tant chéri par les platistes. Dans le cadre de leur hypothèse platiste, des hominines essayent de proposer un système cohérent avec ce qui est irréfutable. La présence et le mouvement de la Lune et du Soleil par exemple. Si la Terre est plate, la gravitation n'est pas nécessaire. Et étant donné qu'elle est plate, la gravitation n'existe pas. La dernière preuve tangible d'une planète plate remonte à avril 1968, lors de la diffusion d'une série documentaire intitulée Les shadoks. Mais cette planéité ne concerne pas la Terre mais la planète des gibis. Cela n'est pas sans risque car elle penche parfois à droite, parfois à gauche, entraînant ainsi des gibis dans une chute mortelle dans l'immensité de l'espace. La planète des shadoks change de forme régulièrement, avec les mêmes risques d'en tomber. Ayant conscience de leurs situations périlleuses, les shadoks et les gibis cherchent à construire des engins spatiaux afin de rejoindre la Terre qui, à leur époque lointaine, ne semble pas encore habitée. Nous sommes depuis sans nouvelles. Rien depuis nombre 1974, date du dernier épisode de la série documentaire [54].
En l'absence de toute trace d'une présence gibi, les platistes modernes se trouvent à cours d'arguments. Personne à questionner sur la forme de sa planète natale. Comment peut-on chez les gibis ou les shadoks affirmer que la Terre est ronde si personne n'y a jamais posé un orteil ? Pour les platistes, il est donc nécessaire de mettre au point un argumentaire moderne et crédible. Il faut vivre avec son temps. Il faut chercher et interpréter les signes cachés qui indiquent qu'il y a, au mieux une méconnaissance, au pire un mensonge, sur cette question de la sphéricité terrestre. Datant d'environ un siècle, les arguments de William Carpenter ne sont plus suffisants : "Si la Terre était une sphère, alors un modèle miniature de cette sphère serait la meilleure chose — parce que la plus exacte — qu'un navigateur puisse prendre avec lui quand il sort en mer. Or une chose comme celle-là n'est pas connue : avec un jouet pareil pour guide, le marin ferait s'échouer son bateau, avec certitude ! Ceci prouve que la Terre n'est pas une sphère." [56] Affirmer cela au XXIème siècle n'est plus possible. Les cartes routières en papier pliantes de Michelin, celles de l'IGN (Institut Géographique National) pour les randonnées ou la cartographie plane de Google Map ne sont pas des preuves sérieuses que la Terre est plate. Un planisphère, même de forme circulaire, n'est pas une représentation de la réalité à une échelle réduite mais la projection d'une sphère sur une surface plane. Cela implique une déformation des contours et des échelles. La plus classique de ces projections est celle dite de Mercator [57], un rectangle qui donne l'impression d'une Terre cylindrique. Parmi toutes les projections, celle qui déforme le moins les continents est celle dite de Fuller [58]. Elle consiste à faire du globe terrestre un objet icosaèdre, c'est-à-dire une sphère composée de vingt triangles équilatéraux. Pour la mise à plat de ce volume, il a plusieurs possibilités de découpage. Fuller opte pour celle qui donne l'impression d'un gigantesque archipel dans un seul océan, avec les continents eurasiatique et américain réunis par l'océan Arctique. Plusieurs dizaines d'autres projections existent. Celle qui convient aux platistes est celle dite de Postel, du nom de Guillaume Postel qui en conçoit le principe à la fin du XVIème siècle. La même qui est utilisée pour l'emblème de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Elle représente l'ensemble des continents contenus dans un cercle. Ainsi, les surfaces sont de plus en plus déformées en se rapprochant du Pôle sud qui n'apparaît pas sur ce type de planisphère. Les platistes corrigent ce "manque" en bordant cette projection circulaire d'un pôle qui fait le tour complet. Pour elleux, ce que les hominines nomment généralement Antarctique, le continent recouvert de glace au niveau du Pôle sud, est en fait une très longue muraille de glace de plusieurs dizaines de mètres de haut et d'épaisseur. Elle entoure la planète plate et empêche les océans de se déverser hors de la Terre. Essentielle, cette muraille est la limite du monde. De fait, cette région questionne les adeptes du platisme moderne. Suffisamment pour motiver le fantasque Jay Decasby à annoncer en 2019 un projet de voyage le long de cette grande muraille afin d'en mesurer la longueur exacte [59]. Sans suite pour l'instant. En attendant que Jay Decasby se décide, Jacques Lemaire a écrit la fiction radiophonique La Terre est plate. Carnet de voyage d’un platiste [60], l'histoire de "Léon [qui] prend la décision de partir pour l’Antarctique afin de prouver au monde et à sa fille que la Terre est bien plate." Les platistes modernes prétendent que le Traité international de 1961 sur l'Antarctique [61] ne vise qu'à empêcher la découverte du bord du monde. Dans l'imaginaire platiste le monde est fermé par un dôme, celui sur lequel il y a les étoiles et les deux disques lumineux que sont le Soleil et la Lune. Selon le modèle récent, ces deux disques qui se déplacent sur des orbites précises mesurent un peu plus de 50 kilomètres de diamètre. Demi-sphérique, ce dôme mesure presque 5000 kilomètres à son point le plus haut. Après, le cosmos commence.
Il n'y a presque plus rien à discuter entre platistes modernes [62]. La bataille scientifique est d'un autre temps. Le modèle théorique étant "globalement" admis, il ne reste plus qu'à trouver les raisons pour lesquelles la sphéricité est la théorie qui s'impose. Contre toutes les évidences. Pour cela il est nécessaire de démonter tout ce qui dit le contraire. Ainsi, l'exploration spatiale, le voyage sur la Lune ou les satellites ne peuvent exister. Thomas Pesquet est le nom d'un grand mythomane. Les lois de la physique se trompent et les mesures des télescopes sont faussées. Voir le célèbre hashtag #mytho. La question fondamentale qui traverse les platistes est le fameux Pourquoi. Le bon sens montre bien que des efforts considérables sont déployés pour faire admettre que la Terre est une boule. Que de temps et d'argent dépensés pour faire croire que les satellites sont ces points mobiles visibles la nuit, que d'énergie pour que le bluff gigantesque de la station spatiale orbitale internationale soit crédible, que de fausses images de l'espace et de la Terre vue de l'espace. Etc. Le dispositif pseudo-sphériste est si vaste et complexe qu'il ne peut être que l'œuvre d'hominines ayant une puissance économique ou politique importante. Les autres hominines ne sont rien, de simples PNJ, les personnages non jouables dans l'univers des jeux vidéo [63]. Avec son argumentaire ultracrépidarien, le platisme moderne s'est considérablement éloigné de son prédécesseur en rejetant toute approche scientifique. Dorénavant, il s'approprie l'argumentation "complotiste". La seule à même de répondre à ses attentes. La seule en mesure de fournir une explication logique au fait que la planéité soit tue. La logique basique du complotisme consiste à attribuer à des forces puissantes agissant dans l'ombre les causes de quelque chose ou de son absence, d'une situation présente ou passée. En soi, le complotisme n'est pas lié à des opinions politiques, philosophiques ou religieuses spécifiques. Il est une méthode qui convient à qui veut bien s'en saisir. Pendant des siècles, cette méthode de démonstration impliquait les "Juifs et les Francs-maçons", ainsi que des forces occultes, pour expliquer la marche du monde. Avec la modernité, des espèces intraterrestres ou extraterrestres viennent compléter la liste déjà éclectique des "méchants" faite d'êtres surnaturels, d’États malintentionnés, de sociétés secrètes, d'entreprises tentaculaires et de scientifiques aux ordres. Par définition, cette liste ne peut être véritablement exhaustive. Les critères ne sont pas nécessairement cumulables. Les fameux "Juifs et les Francs-maçons" ne sont pas obligatoirement des extraterrestres, tout comme les scientifiques ne sont pas toujours de la race des reptiliens. En optant pour cette méthode explicative, le platisme moderne rejoint la nébuleuse complotiste. Une vaste famille argumentaire dans laquelle s'alimente toutes les théories qui n'admettent pas que l'existant ne soit pas conforme à ce qu'il est supposé être. Et si la Terre était comme le Disque-Monde de Terry Pratchett [64], plate et circulaire, portée par quatre éléphants titanesques, eux-même posés sur une tortue immensément grande qui navigue à travers l'espace ? Ou en forme de donut ? [50] La réalité semble démontrer que tout est fait pour nous le cacher ! Avec succès. Hormis, évidemment, quelques rares hominines qui connaissent la vérité. Pour rendre public la planéité terrestre que tout s'acharne à dissimuler, les platistes doivent être en mesure de débusquer tous les signes cachés qui montrent qu'illes ont raison [65]. Les platistes sont loin d'être stupides, illes savent très bien que la Terre n'est pas creuse et que "l'eau ça mouille". Aujourd'hui le platisme n'est plus qu'un argument pour confirmer d'autres théories dans lesquelles il s'imbrique. Une interprétation particulière d'écrits religieux et le créationnisme, par exemple. L'adoption de la théorie platiste revient à un marqueur de radicalité dans le rejet. Un exemple significatif est celui du mouvement politico-religieux mahométien Boko Haram [66] au Nigeria. Boko est la déformation de l'anglais book, "livre", et haram est l'interdit dans la religion mahométienne. L'opposé de hallal. Le credo de Boko Haram est de s'opposer aux savoirs jugés non-conformes à la religion et enseignés à travers des livres d'infidèles. Ainsi, selon son fondateur dans une interview de la BBC en 2009 [67], le mouvement prône la planéité terrestre en pensant ainsi s'opposer à des connaissances scientifiques impies : la sphéricité. Oubliant que depuis des siècles les érudits mahométiens, dans la continuité des sciences astronomiques grecques antiques, défendent que la Terre est une sphère. Idem pour des formes de créationnisme, christien ou mahométien, qui intègrent le platisme dans leurs visions du monde. Le créationnisme postule que l'existant est l'œuvre d'une entité divine et, par conséquent, rejette la théorie de l'évolution des espèces qui contredit le mythe d'Adam et Eve [48], refuse d'admettre que la planète soit âgée d'un peu plus de 4 milliards d'années et pense plutôt qu'il a suffit de quelques jours divins pour créer l'univers, nie l'existence passée des dinosaures, etc. Être créationniste aujourd'hui équivaut à vouloir que Jurassic Park ne soit pas diffusé auprès du grand public sans un avertissement préalable. Que la saga Star Wars soit classé X, interdit aux moins de 18 ans, pour toutes ces rondeurs obscènes de planètes qui y sont montrées. Le platisme n'est pas vraiment un phénomène réel. Cette théorie est ultra marginale, amplifiée par l'effet du réseau Internet et par les échos qu'elle reçoit dans les médias. Son caractère surprenant, anachronique, amusant ou pathétique lui assure une visibilité hors de mesure avec son impact réel dans le monde des idées. Les compteurs de visites de Youtube ne sont pas un indicateur fiable. Buzz, Putaclic et Fake news sont les trois néologismes qui s'accordent le mieux avec le platisme moderne. Titrer un article Un Français sur 10 pense que la Terre est plate [68] est un succès assuré. Ce chiffre farfelu se base sur une lecture sensationnaliste d'une étude réalisée en décembre 2017 par un institut de sondage [69]. Un peu plus de 1250 personnes sont interrogées sur les différentes thématiques complotistes. Il en ressort que 2% disent être "Totalement d'accord" avec l'affirmation "Il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école", et 7% disent être "Plutôt d'accord" avec cela ! Ainsi, 25 hominines se disent platistes — parmi les autres théories auxquelles illes adhèrent — et un peu moins de 90 estiment que cela ne leur semble pas inimaginable. D'où le titre accrocheur. Toute la magie des sondages. Le rappeur étasunien B.o.B fait le buzz en annonçant en 2017 qu'il veut envoyer un satellite dans l'espace afin de démontrer que la terre est plate. Une cagnotte participative est lancée pour récolter 200000 dollars étasuniens, puis finalement augmentée à 1 million. [70]. Celui qui se considère comme le "Galilée de notre époque" sort un album entier consacré à sa croyance en la planéité de la Terre et nommé E.A.R.T.H. aka Educational Avatar Reality Training Habitat [71]. Ce qui peut se traduire par T.E.R.R.E aka Terrain Éducatif de Reconditionnement au Réel par l'Expérience. Pour l'instant le projet n'a pas abouti. Le platisme a sa star ! Il a aussi son martyr, malgré lui. Présenté comme conducteur de limousine et cascadeur, détenteur du record mondial de saut en limousine en 2002, "Mad" Mike Hughes a une passion : fabriquer une fusée artisanale. En février 2020, il est prêt. Son but est de s'élever à 1500 mètres d'altitude grâce à une fusée à vapeur construite avec quelques proches. Malgré les accidents, ces précédents essais lui ont paru concluants. Pour mener à bien ce projet spatial amateur, Mike Hugues lance une première collecte qui s'avère insuffisante. Après l'annonce qu'il veut prouver que la Terre est plate, "en forme de frisbee", il obtient les quelques milliers de dollars qui lui manquent. Un incident technique au décollage fait s'écraser la fusée peu de temps après. "Mad" Mike décède dans cet accident [72]. Après cette mort tragique, moment douloureux dans l'histoire de la conquête spatiale amateur, l'un de ses proches a déclaré : "Nous avons utilisé la Terre plate comme un coup de relations publiques... La Terre plate nous a permis d'obtenir tellement de publicité que nous avons continué ! Je sais qu'il ne croyait pas à la Terre plate et que c'était une blague." Après demainLe platisme "à l'ancienne" est mort en 1972 et le platisme moderne repose sur rien. Ce qui se profile à l'avenir est l'émergence d'un néoplatisme, l'acceptation post-moderne du platisme. Une vision futuriste du présent, un dépassement des anciens carcans qui maintiennent le platisme dans des référents dépassés. Avant toute chose, les néoplatistes désirent que la Terre soit plate. Non pas qu'elle le redevienne — elle ne l'a jamais été — mais qu'elle le devienne. Au delà des nuances sur les façons d'y parvenir, le slogan fédérateur reste "La Terre soit plate !". Hominines de leur temps, les fondamentaux des sciences modernes sont acquis pour les néoplatistes. Évidemment que la Terre n'est pas plate ! Le néoplatisme ne nie pas la sphéricité, il est simplement contre. Il ne partage pas l'enthousiasme qu'elle déclenche et se méfie des adeptes de la théorie post-moderne dissidente dite "En donut" [50], régulièrement associée par jeu de mot grotesque à la guerre autour de la République de Donetsk ! [73] Très peu étudié, l'humour néoplatiste est une perpétuelle déconstruction. Il faut être précis sur les termes employés. Totalement inclusif et non-discriminant, le néoplatisme s'écrit sans le e final et doit s'utiliser au féminin. Idem pour les adeptes qu'il convient d'écrire [neoplatist]. Sans article. Inutile d'y ajouter un s final pour le pluriel car la probabilité de rencontrer deux [neoplatist] en même temps est très faible. Presque autant que de rencontrer F. Merdjanov par hasard au coin d'une rue ou dans une réunion platiste. La raison profonde de ces étonnantes normes orthographiques n'est pas à chercher uniquement du côté des problématiques de genre. Il s'agit d'unir symboliquement l'ancien planet, au masculin, qui désigne une planète et la planete, la petite hachette à faire des surfaces plates, avec une approche dégenrée des hominines [7]. Post-moderne, la neoplatism est intersectionnelle. Le projet de rendre la Terre plate est si vaste qu'il pose mille questions. Il englobe la plupart des grandes interrogations philosophiques, tout en proposant de nouvelles approches critiques. Les réponses qui se dessinent sont multiples. La question essentielle restée en suspens est celle des moyens pour y parvenir. Quel sont les outils les plus appropriés ? La neoplatism n'est pas un bloc compact et lisse. Pour cette raison, [neoplatist] privilégient les polices de caractère lisibles, adaptées aux dyslexiques, de type Helvetica, Courier, Arial ou Verdana pour avoir l'assurance de bien se faire comprendre lorsque que cela est nécessaire.
Il est clair que pour ses envies éclairées de tout araser dans les sociétés d'hominines, F. Merdjanov a plus de liens avec cette neoplatism qu'avec les formes passéistes que sont le platisme pré-spatial ou sa version moderne. La comparaison s'arrête là. Rien dans ses textes ne laissent penser que la planéité terrestre soit une théorie validée, même si aucun d'entre eux n'affirme clairement une sphéricité. Mais cette absence de mention explicite ne peut être comprise comme une validation de la théorie platiste. "Qui ne dit rien consent !" n'est pas recevable, ce n'est qu'un argumentaire de violeur. Également, l'absence de toute référence à la planéité terrestre dans Analectes de rien [75] ne signifie pas que cette théorie saugrenue lui soit inconnue. Une naissance à Nice — comme dans le cas de F. Merdjanov — est potentiellement une explication plausible d'un désintérêt pour cette fausse problématique. Les hominines de cette ville connaissent très bien les phénomènes physiques qui laissent penser que la sphère est finalement plate. Selon les saisons et les conditions météorologiques, l'île Corse est visible de la plage alors qu'elle est située à environ 170 kilomètres, derrière la ligne d'horizon qui, selon la sphéricité, ne dépasse pas les 5 kilomètres. Les montagnes de plus de 1500 mètres d'altitude sont visibles sur une soixantaine de kilomètres de long. Pour pouvoir distinguer les régions moins élevées de Corse, il faut monter dans les hauteurs de l'arrière-pays niçois. Selon les lois mathématiques de la sphéricité, plus on monte et plus on voit au loin. Plus la ligne d'horizon recule. Au niveau de la plage niçoise, et de manière générale près du sol, l'effet de réfraction est le plus fort. Les rayons lumineux suivent la courbure terrestre. Juste au lever du soleil et à son coucher, une partie des sommets montagneux de la Corse apparaît pendant quelques minutes. Puis s'estompe. [76] Personne à Nice ne se dit que la Terre est plate pendant quelques minutes avant de redevenir sphérique. Notes
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