Point Nemo : Différence entre versions
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[[Fichier:ant.jpg|300px|vignette|droite|Triangulation du Point Nemo <ref>1. Récif Wachusett. 2. Récif Ernest Legouvé. 3. Récif Jupiter. 4. Île Tabor. 5. Île Nimrod. 6. Île Dougherty </ref>]] | [[Fichier:ant.jpg|300px|vignette|droite|Triangulation du Point Nemo <ref>1. Récif Wachusett. 2. Récif Ernest Legouvé. 3. Récif Jupiter. 4. Île Tabor. 5. Île Nimrod. 6. Île Dougherty </ref>]] | ||
− | Nommé en référence au capitaine Nemo, le héros sous-marin de ''Vingt Mille Lieues sous les mers'' <ref>Jules Verne, ''Vingt Mille Lieues sous les mers'', 1870 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Vingt_mille_lieues_sous_les_mers En ligne]</ref> le roman d'aventure de Jules Verne, le point Nemo est le pôle maritime d'inaccessibilité. C'est-à-dire qu'il est le lieu marin le plus éloigné des terres. Pour situer ce lieu, il est nécessaire de résoudre le problème du plus grand cercle vide. En 1992, un ingénieur canado-croate parvient à calculer que cette zone se situe dans la partie méridionale de l'océan Pacifique. Le point Nemo se trouve à équidistance des îles Pitcairn au nord, des îles de Pâques au nord-est et de l'Antarctique au sud. Plus précisément, il est le centre d'un cercle qui passe par l'îlot Pandora de l'île Ducie, une des quatre îles des Pitcairn, par l'îlot Motu Nui, à l'extrémité sud-ouest de l'île de Pâques, et par l'île Maher au nord de la côte de l'Antarctique. Ducie est un atoll de 3,9 km<sup><small>2</small></sup> composé de quatre petites îles, à 500 kilomètres à l'est des autres îles qui constituent Pitcairn. Surface rocheuse de 0,039 km<sup><small>2</small></sup>, Motu Nui est la partie émergée d'une montagne volcanique sous-marine s’élevant à 2000 mètres d'altitude. En forme de fer à cheval et d'une longueur d'un kilomètre, l'île Maher est à une dizaine de kilomètres au nord de la grande île volcanique de Siple au large de l'Antarctique occidental. Recouvertes de neige, ces îles sont réunies au continent antarctique par la banquise. Du point de vue politique, les îles Pitcairn sont un territoire britannique d'outre-mer et l'île de Pâques est sous autorité du Chili. Plus 14000 kilomètres séparent Adamstown, la capitale des Pitcairn, à Londres, la métropole britannique. Plus de 3700 kilomètres entre la capitale pascuane Hanga Roa et celle du Chili. L'île Maher dépend de la Terre Marie Byrd, la seule région de l'Antarctique à n'être revendiquée par aucun pays. De fait la Terre Marie Byrd est donc une [[terra nullius]] même si techniquement elle ne l'est pas car des États ont des vues sur cette région mais, par un traité signé en 1959, ont suspendu leurs revendications respectives. Aucune des trois petites îles définissant le point Nemo n'est habitée par des hominines <ref>Omniprésente et invasive sur les terres émergées de la planète, les hominines sont une espèce peu présente dans le périmètre du point Nemo. Leur densité est très inférieure à celle d'autres espèces de bilatériens, tel que les cétacés, les poissons ou les vers marins. </ref>. Des quatre îles qui composent le territoire britannique, seule Pitcairn à proprement dit a une population d'hominines. Adamstown, unique village, est peuplé d'une quarantaine d'hominines. Sur l'île de Pâques chilienne vivent environ 7800 hominines. L'isolement géographique de l'île pascuane est tel que l'endroit peuplé d'hominines le plus proche est les îles Pitcairn, à plus de 2700 kilomètres à l'est. Pour ces dernières, les hominines les plus proches sont la dizaine qui vivent à environ 540 kilomètres à l'est sur la petite île d'Akamaru dans l'archipel des Gambier, actuellement incorporé dans la Polynésie française <ref>Polynésie française</ref>. L'ensemble de cet archipel abrite environ 1800 hominines. | + | Nommé en référence au capitaine Nemo, le héros sous-marin de ''Vingt Mille Lieues sous les mers'' <ref>Jules Verne, ''Vingt Mille Lieues sous les mers'', 1870 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Vingt_mille_lieues_sous_les_mers En ligne]</ref> le roman d'aventure de Jules Verne, le point Nemo est le pôle maritime d'inaccessibilité. C'est-à-dire qu'il est le lieu marin le plus éloigné des terres. Pour situer ce lieu, il est nécessaire de résoudre le problème du plus grand cercle vide. En 1992, Hrvoje Lukatela, un ingénieur canado-croate parvient à calculer que cette zone se situe dans la partie méridionale de l'océan Pacifique <ref>Hrvoje Lukatela, "Where exactly is Point Nemo ?" (Revisited), septembre 2022 - [https://www.lukatela.com/pointNemoRevisited/index.html En ligne]</ref>. Le point Nemo se trouve à équidistance des îles Pitcairn au nord, des îles de Pâques au nord-est et de l'Antarctique au sud. Plus précisément, il est le centre d'un cercle qui passe par l'îlot Pandora de l'île Ducie, une des quatre îles des Pitcairn, par l'îlot Motu Nui, à l'extrémité sud-ouest de l'île de Pâques, et par l'île Maher au nord de la côte de l'Antarctique. Ducie est un atoll de 3,9 km<sup><small>2</small></sup> composé de quatre petites îles, à 500 kilomètres à l'est des autres îles qui constituent Pitcairn. Surface rocheuse de 0,039 km<sup><small>2</small></sup>, Motu Nui est la partie émergée d'une montagne volcanique sous-marine s’élevant à 2000 mètres d'altitude. En forme de fer à cheval et d'une longueur d'un kilomètre, l'île Maher est à une dizaine de kilomètres au nord de la grande île volcanique de Siple au large de l'Antarctique occidental. Recouvertes de neige, ces îles sont réunies au continent antarctique par la banquise. Du point de vue politique, les îles Pitcairn sont un territoire britannique d'outre-mer et l'île de Pâques est sous autorité du Chili. Plus 14000 kilomètres séparent Adamstown, la capitale des Pitcairn, à Londres, la métropole britannique. Plus de 3700 kilomètres entre la capitale pascuane Hanga Roa et celle du Chili. L'île Maher dépend de la Terre Marie Byrd, la seule région de l'Antarctique à n'être revendiquée par aucun pays. De fait la Terre Marie Byrd est donc une [[terra nullius]] même si techniquement elle ne l'est pas car des États ont des vues sur cette région mais, par un traité signé en 1959, ont suspendu leurs revendications respectives. Aucune des trois petites îles définissant le point Nemo n'est habitée par des hominines <ref>Omniprésente et invasive sur les terres émergées de la planète, les hominines sont une espèce peu présente dans le périmètre du point Nemo. Leur densité est très inférieure à celle d'autres espèces de bilatériens, tel que les cétacés, les poissons ou les vers marins. </ref>. Des quatre îles qui composent le territoire britannique, seule Pitcairn à proprement dit a une population d'hominines. Adamstown, unique village, est peuplé d'une quarantaine d'hominines. Sur l'île de Pâques chilienne vivent environ 7800 hominines. L'isolement géographique de l'île pascuane est tel que l'endroit peuplé d'hominines le plus proche est les îles Pitcairn, à plus de 2700 kilomètres à l'est. Pour ces dernières, les hominines les plus proches sont la dizaine qui vivent à environ 540 kilomètres à l'est sur la petite île d'Akamaru dans l'archipel des Gambier, actuellement incorporé dans la Polynésie française <ref>À environ 6000 kilomètres à l'est de l'Australie, la Polynésie française est composée de cinq archipels qui regroupent 118 îles dont 76 habitées. Sa population est d'un peu moins de 300000 hominines.</ref>. L'ensemble de cet archipel abrite environ 1800 hominines. |
L'intérêt du Royaume-Uni et du Chili pour ces archipels s'explique non par leurs superficies ou les hominines qui y vivent mais par la Zone économique exclusive (ZEE) supplémentaire qu'ils permettent à ces deux pays. Une zone économique exclusive (ZEE) d'un pays s'étend à 200 miles de la côte — un peu plus de 370 km — et peut parfois être étendue. Avec 47 km<sup><small>2</small></sup>, l'archipel de Pitcairn représente une ZEE de 836100 km<sup><small>2</small></sup> — plus que la ZEE de l'île de Grande-Bretagne — et l'île de Pâques chilienne dispose d'une ZEE de 713465 km<sup><small>2</small></sup> pour une surface de 164 km<sup><small>2</small></sup> alors que le Chili a une ZEE trois fois plus importante pour une superficie presque 5000 fois plus grande. | L'intérêt du Royaume-Uni et du Chili pour ces archipels s'explique non par leurs superficies ou les hominines qui y vivent mais par la Zone économique exclusive (ZEE) supplémentaire qu'ils permettent à ces deux pays. Une zone économique exclusive (ZEE) d'un pays s'étend à 200 miles de la côte — un peu plus de 370 km — et peut parfois être étendue. Avec 47 km<sup><small>2</small></sup>, l'archipel de Pitcairn représente une ZEE de 836100 km<sup><small>2</small></sup> — plus que la ZEE de l'île de Grande-Bretagne — et l'île de Pâques chilienne dispose d'une ZEE de 713465 km<sup><small>2</small></sup> pour une surface de 164 km<sup><small>2</small></sup> alors que le Chili a une ZEE trois fois plus importante pour une superficie presque 5000 fois plus grande. | ||
=== Pitcairn === | === Pitcairn === | ||
− | Les restes archéologiques de temples, les objets en pierre et les pétroglyphes trouvés sur les deux principales îles de l'archipel Pitcairn montrent que son occupation par des hominines est très ancienne. Elle semble prendre fin au début du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> <ref>N'ayant jamais mis les pieds dans le Pacifique sud alors qu'il prétend marcher sur l'eau, Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup> dit JC<sup>Ⓒ</sup> est encore une fois un imposteur. Un autre JC semble plus approprié pour cet article, John W. Campbell. Il est l'auteur en 1939 de ''La Chose'', un roman de science-fiction qui raconte la découverte d'un extra-terrestre dans l'Antarctique. Un texte qui inspire les réalisateurs des documentaires ''La Chose d'un autre monde'' en 1951 et ''The Thing'' en 1982.</ref>. Les îles sont inhabitées lorsque des hominines, venant d'Europe sur des bateaux, les cartographient progressivement à partir du début du XVII<sup><small>ème</small></sup> siècle. L'île Pitcairn est nommée ainsi par un marin britannique en 1767 du nom d'un matelot de quinze ans Robert Pitcairn qui est le premier à l'avoir aperçu. En avril 1789 une partie des marins du bateau britannique ''Bounty'' se mutinent. Le capitaine et les membres d'équipage qui lui restent fidèles sont mis dans une petite embarcation. Les mutins gardent la ''Bounty'' et tentent de s'installer sur une petite île de l'actuelle Polynésie française. Sans succès <ref>Sur l'île Tubuai, les mutins construisent une fortification qu'ils nomment Fort George, du nom du roi britannique. "''Le terrain ayant été défriché, les dimensions du fort furent marquées sur le sol ; de forme quadrangulaire, il avait 100 mètres de côté (à l’extérieur du fossé), largeur du fossé 6 mètres, profondeur 7 mètres, épaisseur du mur à la base 6 mètres, au sommet 4 mètres, avec un pont-levis du côté faisant face à la plage ; les canons du navire devaient être installés''". Selon le journal de James Morrison, second maître à bord de la ''Bounty'' - [https://books.openedition.org/sdo/172 En ligne]. Ils sont finalement chassés par les hominines autochtones de Tubuai. </ref>. La population locale n'y est pas favorable. En janvier 1790, neuf des mutins britanniques et 18 hominines de Tahiti — 6 mâles, 11 femelles et un nourrisson — arrivent sur l'île Pitcairn. Le choix se porte sur cette île inhabitée car sa cartographie est approximative. Le bateau est sabordé. Les relations entre les britanniques et les tahitiens dégénèrent après quelques années. En 1793, cinq mutins sont tués par les tahitiens qui, tous, sont assassinés en 1794 par les survivants et leurs compagnes tahitiennes. En 1800, il ne reste qu'un unique survivant des mutins, neuf hominines femelles et 23 enfants. Une cinquantaine d'années plus tard, alors que Pitcairn est annexée par le Royaume-Uni, la population est de presque 200 hominines. Illes parlent le ''pitkern'' <ref>Le nombre d'hominines parlant le pitkern est estimé à une centaine. Le norfuk est une forme dérivée du pitkern, issue de la migration d'hominines de l'île Pitcairn vers l'île Norfolk dans le milieu du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle. Environ 2000 hominines le parle. </ref>, un créole d'anglais et de tahitien, et sont adeptes des mythologies christiennes <ref>Les christiens sont les hominines, mâles et femelles, à croire en Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>. Comme les moïsiens en Moïse et les mahométiens en Mahomet.</ref>. Une culture pitcairnaise voit le jour. Elle fonde ses préceptes moraux et ses traditions sur un mélange singulier d'un passé britannique et tahitien, une [[macédoine]] culturelle à base d'ingrédients christiens et polynésiens <ref> | + | Les restes archéologiques de temples, les objets en pierre et les pétroglyphes trouvés sur les deux principales îles de l'archipel Pitcairn montrent que son occupation par des hominines est très ancienne. Elle semble prendre fin au début du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> <ref>N'ayant jamais mis les pieds dans le Pacifique sud alors qu'il prétend marcher sur l'eau, Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup> dit JC<sup>Ⓒ</sup> est encore une fois un imposteur. Un autre JC semble plus approprié pour cet article, John W. Campbell. Il est l'auteur en 1939 de ''La Chose'', un roman de science-fiction qui raconte la découverte d'un extra-terrestre dans l'Antarctique. Un texte qui inspire les réalisateurs des documentaires ''La Chose d'un autre monde'' en 1951 et ''The Thing'' en 1982.</ref>. Les îles sont inhabitées lorsque des hominines, venant d'Europe sur des bateaux, les cartographient progressivement à partir du début du XVII<sup><small>ème</small></sup> siècle. L'île Pitcairn est nommée ainsi par un marin britannique en 1767 du nom d'un matelot de quinze ans Robert Pitcairn qui est le premier à l'avoir aperçu. En avril 1789 une partie des marins du bateau britannique ''Bounty'' se mutinent. Le capitaine et les membres d'équipage qui lui restent fidèles sont mis dans une petite embarcation. Les mutins gardent la ''Bounty'' et tentent de s'installer sur une petite île de l'actuelle Polynésie française. Sans succès <ref>Sur l'île Tubuai, les mutins construisent une fortification qu'ils nomment Fort George, du nom du roi britannique. "''Le terrain ayant été défriché, les dimensions du fort furent marquées sur le sol ; de forme quadrangulaire, il avait 100 mètres de côté (à l’extérieur du fossé), largeur du fossé 6 mètres, profondeur 7 mètres, épaisseur du mur à la base 6 mètres, au sommet 4 mètres, avec un pont-levis du côté faisant face à la plage ; les canons du navire devaient être installés''". Selon le journal de James Morrison, second maître à bord de la ''Bounty'' - [https://books.openedition.org/sdo/172 En ligne]. Ils sont finalement chassés par les hominines autochtones de Tubuai. </ref>. La population locale n'y est pas favorable. En janvier 1790, neuf des mutins britanniques et 18 hominines de Tahiti — 6 mâles, 11 femelles et un nourrisson — arrivent sur l'île Pitcairn. Le choix se porte sur cette île inhabitée car sa cartographie est approximative. Le bateau est sabordé. Les relations entre les britanniques et les tahitiens dégénèrent après quelques années. En 1793, cinq mutins sont tués par les tahitiens qui, tous, sont assassinés en 1794 par les survivants et leurs compagnes tahitiennes. En 1800, il ne reste qu'un unique survivant des mutins, neuf hominines femelles et 23 enfants. Une cinquantaine d'années plus tard, alors que Pitcairn est annexée par le Royaume-Uni, la population est de presque 200 hominines. Illes parlent le ''pitkern'' <ref>Le nombre d'hominines parlant le pitkern est estimé à une centaine. Le norfuk est une forme dérivée du pitkern, issue de la migration d'hominines de l'île Pitcairn vers l'île Norfolk dans le milieu du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle. Environ 2000 hominines le parle. </ref>, un créole d'anglais et de tahitien, et sont adeptes des mythologies christiennes <ref>Les christiens sont les hominines, mâles et femelles, à croire en Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>. Comme les moïsiens en Moïse et les mahométiens en Mahomet.</ref>. Une culture pitcairnaise voit le jour. Elle fonde ses préceptes moraux et ses traditions sur un mélange singulier d'un passé britannique et tahitien, une [[macédoine]] culturelle à base d'ingrédients christiens et polynésiens <ref>En 2004, les autorités britanniques engagent une procédure judiciare à l'encontre de 7 hominines mâles de l'île Pitcairn pour des relations sexuels avec des hominines femelles de moins de 15 ans. Un délit selon la loi britannique de 1956. Ils sont mis en accusation pour des faits remontant parfois aux années 1970. La défense argue que le droit britannique ne s'exerce pas sur les îles Pitcairn qui n'ont jamais reconnu leur annexion par les britanniques et que les coutumes locales admettent que le début de la puberté est synonyme de début de l'activité sexuelle et de la procréation. Les registres locaux confirment que la plupart des hominines femelles ont enfanté avant l'âge de 15 ans. Six sont condamnés à des peines de quelques années de prison. Six autres, ne vivant pas sur Pitcairn, passent en procès en 2005 en Nouvelle-Zélande pour des faits similaires. Louis Assier-Andrieu, "Le crépuscule des cultures. L'affaire Pitcairn et l'idéologie des droits humains", ''Droit et société'', vol. 82, n°3, 2012 - [https://doi.org/10.3917/drs.082.0763 En ligne]</ref>. Consciente de la surpopulation, une grande partie des hominines demandent à pouvoir s'installer sur une autre île. Le Royaume-Uni propose l'île inhabitée de Norfolk <ref>De presque 35 km<sup><small>2</small></sup>, l'île Norfolk est située à 744 kilomètres au nord de la Nouvelle-Zélande et à 738 de la Nouvelle-Calédonie française. L'Australie est à plus de 1400 kilomètres. L'île est une colonie pénitentiaire britannique de la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> au milieu du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle. Norfolk est un territoire australien mais dispose de son propre parlement. Son statut est encore un sujet de controverse entre les autorités australienne et les hominines de Norfolk qui s'auto-gouvernent.</ref>, au nord de la Nouvelle-Zélande. Toute la population pitcairnaise s'y installe en 1856 et seule une vingtaine d'hominines retournent sur Pitcairn quelques années plus tard. À la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, presque cent hominines y vivent. Après l'installation d'un missionnaire de l’Église adventiste du septième jour <ref>L’Église adventiste du septième jour est issue d'un courant christien né dans le premier quart du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle qui annonce le retour de Jésus aka Christ<sup>Ⓒ</sup>, et donc de la fin du monde, pour le 22 octobre 1844. Cela n'est évidemment jamais arrivé. Par la suite, les adventistes ont cessé de s'avancer sur une date et ont adapté leur doctrine pour survivre à cette non-venue. Aujourd'hui, plus de 16 millions d'hominines se réclament de l'Église adventiste du septième jour. </ref> en 1886, illes en deviennent adeptes. Au début du siècle suivant, les îles inhabitées Henderson <ref>L'île Henderson est peuplée d'hominines venant de Polynésie entre le XIII<sup><small>ème</small></sup> et le XV<sup><small>ème</small></sup> siècle. Illes sont en très petit nombre car les ressources de l'île sont limitées et illes dépendent des hominines habitant Pitcairn et l'archipel Gambier. Lorsque des hominines venant d'Europe arrivent sur l'île en 1606, elle est alors inhabitée. Elle ne possède plus de sources d'eau douce. Avec l'île de Pâques, elle fait partie des exemples régionaux de Jared Diamond dans son livre ''Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie'' pour illustrer les conséquences des changements environnementaux sur les sociétés d'hominines. </ref>, Oeno et Ducie deviennent britanniques et sont intégrées administrativement à celle de Pitcairn — sans demander l'avis aux hominines de l'île. Le pic de population est atteint dans le milieu des années 1930 avec 250 hominines et décline depuis pour atteindre aujourd'hui le nombre d'une quarantaine <ref>Olivier Goujon, ''Pitcairn, les révoltés du Bounty vont disparaître'', Max Millo, 2021. "Pitcairn, une île maudite au cœur du Pacifique" dans l'émission ''Affaires sensibles'' sur France Inter, avril 2022 - [https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-jeudi-21-avril-2022-2690434 En ligne]</ref>, répartie en quelques familles <ref>Pitcairn Islands Study Center - [https://library.puc.edu/pitcairn/index.shtml En ligne]</ref>. |
=== Rapa Nui === | === Rapa Nui === | ||
− | Les études menées récemment sur l'île de Pâques ont permis de dater du tout début du XIII<sup><small>ème</small></sup> siècle l'arrivée des hominines. Sans qu'il soit possible de dire avec certitude que cela fut le cas, les hypothèses indiquent qu'illes viennent de l'ouest et passent par l'archipel des Gambier, puis Pitcairn, avant d'arriver. Un trajet de plus de 3000 kilomètres. En bateau, bien évidemment. Vivant sur une île très isolée illes développent une culture singulière, dont les grandes statues de pierre pour rendre un "culte aux ancêtres" <ref>Monolithes de 2,5 à 9 mètres et de plusieurs tonnes, avec leur visage caractéristique, les moaï de l'île de Pâques sont devenus l'incarnation même de l'île dans l'imaginaire international. Il en existe plus de 880 répartis sur l'île.</ref> sont la caractéristique la plus connue. Les premiers bateaux avec des hominines venant d'Europe ou de leurs implantations américaines y accostent à partir de 1722. Le culte des statues de pierre est abandonné depuis déjà environ deux siècles et remplacé par de nouveaux rituels culturels. Ne prenant pas la peine de demander aux hominines qui y vivent le nom qu'illes lui donnent, elle est appelée île de Pâques, en référence à son jour de "découverte". Cinquante ans plus tard, l'Espagne décrète sa souveraineté sur l'île, sous le nom d'île de San Carlos. Avec la fin de l'esclavage, pour répondre à leurs besoins en main-d'œuvre pour les plantations, les mines et la récolte du guano, les colonies européennes d'Océanie et d'Amérique du sud mettent en place un système de recrutement à destination des hominines de la myriade d'îles de l'océan Pacifique. Appelé ''Blackbirding'' <ref>''Blackbirding'' </ref> — de "black bird", "oiseau noir" en anglais — il s'apparente dans le meilleur des cas à du travail forcé, et au pire, à de véritables razzias esclavagistes contre les hominines des îles. Ainsi, dans la seconde moitié du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, la population d'hominines de l'île de Pâques passe d'environ 2500 à moins de 1000 en quelques années. Esclavagisée pour du guano sur les îles Chincha et décimée par les maladies et les conditions de travail. Le français Jean-Baptiste Dutrou-Bornier décide de s'implanter sur cette île pour y lancer un vaste projet agricole pour lequel il fait venir des hominines des îles de l'ouest du Pacifique et achète à bas prix des terrains. Après un échec agricole, il importe huit mille quatre cents [[Tondeuse|ovins]] et cent cinquante bovins pour en faire l'élevage. Les autochtones de l'île de Pâques <ref>Les haumakas se présentent selon leurs traditions culturelles comme la descendance de Hotu Matu’a, un hominine d'origine polynésienne, premier roi de l'île de Pâques, arrivé entre le IV<sup><small>ème</small></sup> et le IX<sup><small>ème</small></sup> siècle. L'anthropologue Thor Heyerdahl affirme à partir de la fin des années 1940 que l'origine de ces hominines est l'Amérique du sud. Cette thèse n'est pas vérifiée par les données scientifiques actuelles. Le dernier roi, Kaimakoi, et son fils Maurata sont enlevés puis tués en 1861. </ref> ayant survécu se mêlent aux hominines arrivant pour les plantations ou les élevages. Beaucoup viennent de l'île de Rapa, sous domination française, à plusieurs milliers de kilomètres à l'ouest. Pour elleux, l'île de Pâques se nomme Rapa Nui, la Grande Rapa. Jean-Baptiste Dutrou-Bornier se marie avec une polynésienne qui se proclame reine de l'île en 1870. Pendant plusieurs années, le couple royal demande au gouverneur français de Tahiti d'être reconnu comme un protectorat français. Sans suite. Les relations entre le royal esclavagiste et sa main-d'œuvre sont tendues. Après la mort du roi sans sujet en 1876, l'île de Pâques ou Rapa Nui est annexée par le Chili en 1888. L'ensemble de la population pascuane est forcée à se rassembler dans un unique lieu — une réserve entourée de barbelés d'environ 6% du territoire près du village de Hanga Roa — afin que le reste de l'île soit exploité pour l'élevage d'ovins. Elle n'est pas autorisée à en sortir jusqu'en 1966. La population rapanui est alors d'environ 500 hominines. La moitié de la population de l'île. Aujourd'hui, elle est estimée à environ 4000 hominines et représente 60% de la population îlienne. | + | Les études menées récemment sur l'île de Pâques ont permis de dater du tout début du XIII<sup><small>ème</small></sup> siècle l'arrivée des hominines. Sans qu'il soit possible de dire avec certitude que cela fut le cas, les hypothèses indiquent qu'illes viennent de l'ouest et passent par l'archipel des Gambier, puis Pitcairn, avant d'arriver. Un trajet de plus de 3000 kilomètres. En bateau, bien évidemment. Vivant sur une île très isolée illes développent une culture singulière, dont les grandes statues de pierre pour rendre un "culte aux ancêtres" <ref>Monolithes de 2,5 à 9 mètres et de plusieurs tonnes, avec leur visage caractéristique, les moaï de l'île de Pâques sont devenus l'incarnation même de l'île dans l'imaginaire international. Il en existe plus de 880 répartis sur l'île.</ref> sont la caractéristique la plus connue. Les premiers bateaux avec des hominines venant d'Europe ou de leurs implantations américaines y accostent à partir de 1722. Le culte des statues de pierre est abandonné depuis déjà environ deux siècles et remplacé par de nouveaux rituels culturels. Ne prenant pas la peine de demander aux hominines qui y vivent le nom qu'illes lui donnent, elle est appelée île de Pâques, en référence à son jour de "découverte". Cinquante ans plus tard, l'Espagne décrète sa souveraineté sur l'île, sous le nom d'île de San Carlos. Avec la fin de l'esclavage, pour répondre à leurs besoins en main-d'œuvre pour les plantations, les mines et la récolte du guano, les colonies européennes d'Océanie et d'Amérique du sud mettent en place un système de recrutement à destination des hominines de la myriade d'îles de l'océan Pacifique. Appelé ''Blackbirding'' <ref>Dans la seconde moitié du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, environ 100000 hominines des îles du Pacifique sont envoyés travailler, contre leur gré, dans des plantations ou des mines des colonies européennes en Australie et en Amérique du sud. Les conditions de vie sont terribles : La mortalité est importante lors du voyage ou lors des travaux forcés. Sans compter les morts lors des captures. Le taux de mortalité global est de 30%. Les révoltes sont noyées dans le sang. Avec l'interdiction du ''Blackbirding'', la plupart des survivants sont rapatriés de force au début du XX<sup><small>ème</small></sup> siècle. Voir ''La Croisière sur le Snark'', écrit en 1911 par Jack London et Georges Baudoux, ''Jean M'Barai, le pêcheur de tripangs'', 1919 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3367261h/f17.item En ligne]. Jacques-Olivier Trompas, ''Blackbird'', Au Vent Des Iles, 2020.</ref> — de "black bird", "oiseau noir" en anglais — il s'apparente dans le meilleur des cas à du travail forcé, et au pire, à de véritables razzias esclavagistes contre les hominines des îles. Ainsi, dans la seconde moitié du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle, la population d'hominines de l'île de Pâques passe d'environ 2500 à moins de 1000 en quelques années. Esclavagisée pour du guano sur les îles Chincha et décimée par les maladies et les conditions de travail. Le français Jean-Baptiste Dutrou-Bornier décide de s'implanter sur cette île pour y lancer un vaste projet agricole pour lequel il fait venir des hominines des îles de l'ouest du Pacifique et achète à bas prix des terrains. Après un échec agricole, il importe huit mille quatre cents [[Tondeuse|ovins]] et cent cinquante bovins pour en faire l'élevage. Les autochtones de l'île de Pâques <ref>Les haumakas se présentent selon leurs traditions culturelles comme la descendance de Hotu Matu’a, un hominine d'origine polynésienne, premier roi de l'île de Pâques, arrivé entre le IV<sup><small>ème</small></sup> et le IX<sup><small>ème</small></sup> siècle. L'anthropologue Thor Heyerdahl affirme à partir de la fin des années 1940 que l'origine de ces hominines est l'Amérique du sud. Cette thèse n'est pas vérifiée par les données scientifiques actuelles. Le dernier roi, Kaimakoi, et son fils Maurata sont enlevés puis tués en 1861. </ref> ayant survécu se mêlent aux hominines arrivant pour les plantations ou les élevages. Beaucoup viennent de l'île de Rapa, sous domination française, à plusieurs milliers de kilomètres à l'ouest. Pour elleux, l'île de Pâques se nomme Rapa Nui, la Grande Rapa. Jean-Baptiste Dutrou-Bornier se marie avec une polynésienne qui se proclame reine de l'île en 1870. Pendant plusieurs années, le couple royal demande au gouverneur français de Tahiti d'être reconnu comme un protectorat français. Sans suite. Les relations entre le royal esclavagiste et sa main-d'œuvre sont tendues. Après la mort du roi sans sujet en 1876, l'île de Pâques ou Rapa Nui est annexée par le Chili en 1888. L'ensemble de la population pascuane est forcée à se rassembler dans un unique lieu — une réserve entourée de barbelés d'environ 6% du territoire près du village de Hanga Roa — afin que le reste de l'île soit exploité pour l'élevage d'ovins. Elle n'est pas autorisée à en sortir jusqu'en 1966. La population rapanui est alors d'environ 500 hominines. La moitié de la population de l'île. Aujourd'hui, elle est estimée à environ 4000 hominines et représente 60% de la population îlienne. |
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− | ''Contrastant avec cet étalage de médiocrité, quel réconfort que l'attitude des anarchistes, de c[ell]eux qui "ne croient en rien" et "ne respectent rien". Rien en effet ne trouve grâce devant leur critique désagrégeante. Rien ne leur est sacré. Les lois, les morales, les dogmes, les coutumes, les conventions. Le capitalisme, le militarisme, le patriotisme. L'enseignement officiel, ou privé, l'éducation dispensée à l'école, au lycée, au collège ou par la famille. Les faits acquis, les choses jugées, les principes immuables, les déclarations de droits de l'Homme, les proclamations d'indépendance. La famille, l'affection paternelle, maternelle, fraternelle, filiale, la fidélité sexuelle obligatoire, le mariage. La tradition, le passé, le devenir meilleur, la société future, le déterminisme fatal, la prédestination religieuse ou laïque, les fois indémontrables et les croyances aprioristiques. L'autoritarisme, le parlementarisme, la centralisation administrative, — qu'elle émane de l’État, ou des syndicats. La charité, la solidarité et l'amour universels, les superstitions, les momeries, les légendes, le travail-exploitation. La politesse, la courtoisie, l'honnêteté, la pudeur. Toutes ces choses comme les accommodent la sauce bourgeoise...'' <ref>Rose Deshayes, "Ne rien respecter... Ne croire en rien..." dans ''L’anarchie'', n°368, 2 mai 1912 - [https://archivesautonomies.org/IMG/pdf/anarchismes/avant-1914/anarchie/anarchie-n368.pdf En ligne]</ref><br/> | + | ''Contrastant avec cet étalage de médiocrité, quel réconfort que l'attitude des anarchistes, de c[ell]eux qui "ne croient en rien" et "ne respectent rien". Rien en effet ne trouve grâce devant leur critique désagrégeante. Rien ne leur est sacré. Les lois, les morales, les dogmes, les coutumes, les conventions. Le capitalisme, le militarisme, le patriotisme. L'enseignement officiel, ou privé, l'éducation dispensée à l'école, au lycée, au collège ou par la famille. Les faits acquis, les choses jugées, les principes immuables, les déclarations de droits de l'Homme, les proclamations d'indépendance. La famille, l'affection paternelle, maternelle, fraternelle, filiale, la fidélité sexuelle obligatoire, le mariage. La tradition, le passé, le devenir meilleur, la société future, le déterminisme fatal, la prédestination religieuse ou laïque, les fois indémontrables et les croyances aprioristiques. L'autoritarisme, le parlementarisme, la centralisation administrative, — qu'elle émane de l’État, ou des syndicats. La charité, la solidarité et l'amour universels, les superstitions, les momeries, les légendes, le travail-exploitation. La politesse, la courtoisie, l'honnêteté, la pudeur. Toutes ces choses comme les accommodent la sauce bourgeoise...'' <ref>Rose Deshayes, "Ne rien respecter... Ne croire en rien..." dans ''L’anarchie'', n°368, 2 mai 1912 - [https://archivesautonomies.org/IMG/pdf/anarchismes/avant-1914/anarchie/anarchie-n368.pdf En ligne]. Extrait de ''Ne rien respecter. Ne croire en rien. Anthologie individualiste anarchiste'', n°1, 2022 - [https://nantes.indymedia.org/wp-content/uploads/2022/12/brochure_nerien.pdf En ligne]</ref><br/> |
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Malgré cette présence plus que discrète, les hominines parviennent à marquer de leurs odeurs les eaux et les profondeurs qui entourent le point Nemo. Avec la conquête spatiale, les hominines se préoccupent des retombées sur la planète de la multitudes de satellites et autres engins de l'espace. L'absence de terres dans le vaste périmètre du point Nemo minimise les probabilités d'une chute sur des zones habitées. Ainsi, lorsque cela est possible, le choix est fait de diriger les débris vers ce ''no man's land''. Selon un astronome de l'Observatoire de Paris, "''le trafic aérien est prévenu, la navigation maritime également''". Entre 1971 et 2016, "''263 engins ont fini leur vie dans cette décharge maritime''" <ref>"Le point Nemo, la décharge spatiale en pleine mer qui aurait dû accueillir Tiangong 1", ''Le Parisien'', 2 avril 2018 - [https://www.leparisien.fr/societe/le-point-nemo-la-decharge-spatiale-en-pleine-mer-qui-aurait-du-accueillir-tiangong-1-02-04-2018-7642260.php En ligne]</ref>. Du simple satellite à la station spatiale de plusieurs tonnes. Les débris de la station russe Mir, pesant 120 tonnes, se dispersent en mars 2001. Ceux de la station chinoise Tiangong I en 2018 et de Tiangong II en 2019, d'un poids de presque 9 tonnes chacune. Les débris des quelques 400 tonnes de la station internationale ISS doivent subir le même sort en 2031. | Malgré cette présence plus que discrète, les hominines parviennent à marquer de leurs odeurs les eaux et les profondeurs qui entourent le point Nemo. Avec la conquête spatiale, les hominines se préoccupent des retombées sur la planète de la multitudes de satellites et autres engins de l'espace. L'absence de terres dans le vaste périmètre du point Nemo minimise les probabilités d'une chute sur des zones habitées. Ainsi, lorsque cela est possible, le choix est fait de diriger les débris vers ce ''no man's land''. Selon un astronome de l'Observatoire de Paris, "''le trafic aérien est prévenu, la navigation maritime également''". Entre 1971 et 2016, "''263 engins ont fini leur vie dans cette décharge maritime''" <ref>"Le point Nemo, la décharge spatiale en pleine mer qui aurait dû accueillir Tiangong 1", ''Le Parisien'', 2 avril 2018 - [https://www.leparisien.fr/societe/le-point-nemo-la-decharge-spatiale-en-pleine-mer-qui-aurait-du-accueillir-tiangong-1-02-04-2018-7642260.php En ligne]</ref>. Du simple satellite à la station spatiale de plusieurs tonnes. Les débris de la station russe Mir, pesant 120 tonnes, se dispersent en mars 2001. Ceux de la station chinoise Tiangong I en 2018 et de Tiangong II en 2019, d'un poids de presque 9 tonnes chacune. Les débris des quelques 400 tonnes de la station internationale ISS doivent subir le même sort en 2031. | ||
− | Les courants marins jouent un rôle important dans l'impact des hominines sur les océans. L'ensemble des eaux marines de la planète sont interconnectées entre elles et les différences de température, de salinité et de relief provoquent de grands déplacements de liquides. Les eaux profondes n'agissent pas de la même manière que les autres. Les courants de surface sont plus contraints par les vents et tournent donc dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère nord et dans le sens anti-horaire dans l'hémisphère sud <ref> | + | Les courants marins jouent un rôle important dans l'impact des hominines sur les océans. L'ensemble des eaux marines de la planète sont interconnectées entre elles et les différences de température, de salinité et de relief provoquent de grands déplacements de liquides. Les eaux profondes n'agissent pas de la même manière que les autres. Les courants de surface sont plus contraints par les vents et tournent donc dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère nord et dans le sens anti-horaire dans l'hémisphère sud <ref>Phénomène maritime probablement à l'origine de l'idée fausse du siphon qui se vide dans un sens ou dans l'autre suivant l'émisphère dans lequel on est. </ref>. L'océan Pacifique est divisé entre le courant circulaire du nord, de l'équateur et celui du sud. Ce dernier est en contact avec le courant circulaire froid qui longe les côtes de l'Antarctique. L'intensité de ces courants circulaires — les gyres — est plus importante sur leur extérieur qu'en leur centre. Le point Nemo est proche du centre du gyre sud-pacifique. Ainsi, les échanges liquides y sont limités et la faune et la flore n'y sont pas très développées. L'archipel des Pitcairn est dans une zone où le gyre équatorial met en contact les gyres du sud et du nord du Pacifique. Les détritus organiques et plastiques produits par les hominines peuvent venir s'y entasser, déplacés depuis les zones habitées par les courants marins à travers l'ensemble des océans. Le gyre du Pacifique nord est le lieu principal de circulation et d’accumulation de déchets hominines, le désormais célèbre "continent de plastique". À plusieurs milliers de kilomètres de la première industrie, l'île inhabitée d'Henderson, au nord de l'archipel des Pitcairn, "''possède la densité la plus élevée de détritus de la planète''" avec "''671 objets en plastique par mètre carré''" <ref>"L’atoll désert d’Henderson, capitale des déchets en plastique", ''Le Monde'', 17 mai 2017 - [https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/05/17/henderson-un-atoll-desert-et-isole-mais-couvert-de-plastique_5128781_3244.html En ligne]</ref>. En 2019, une expédition scientifique a collecté plus de 6 tonnes en deux semaines et a estimé à plus de 17 tonnes ce qu'il restait encore à ramasser sur cette île de 31 km<sup><small>2</small></sup>. "''C’est la boîte aux ordures de la mer !''" pour reprendre la boutade de l'écologiste Jules Ver(t)ne en autopsiant une espèce animale marine <ref>Jules Verne, ''Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin'', chapitre IV, 1901 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Histoires_de_Jean-Marie_Cabidoulin/Chapitre_IV En ligne]</ref>. Arrivant du monde entier, ces déchets très largement plastiques se composent de rasoirs, de brosses à dents, de ballons, de sacs, de bouteilles, de jouets, de boîtes, etc. Selon l'UNESCO — organisation internationale de préservation du patrimoine — "''en tant que l’une des dernières îles calcaires de grande taille à avoir conservé une écologie pratiquement intacte, l’île d’Henderson a préservé sa beauté exceptionnelle avec ses plages de sable blanc, ses falaises calcaires et sa riche végétation pratiquement intacte''" ! <ref>Présentation de l'île Henderson sur le site de l'UNESCO - [https://whc.unesco.org/fr/list/487/ En ligne]</ref> Pour s'en rendre compte, il suffit de soulever les tas de merdes qui jonchent les rivages et perturbent ou tuent nombre d'espèces locales. Même si, comme l'a déjà montré la protivophilie, [[F. Merdjanov]] n'a rien contre les [[cocovores]], il n'en reste pas moins que l'un de ses déchets puisse être de ceux qui polluent cette île. Même un petit rien du tout. Les courants marins font parcourir des milliers de kilomètres aux déchets. À l'instar des 28800 jouets de bain en plastique pour enfants, en forme de canards jaunes, de castors rouges, de grenouilles vertes et de tortues bleues, qui s'échappent en janvier 1992 du conteneur qui les transporte à partir du port chinois de Hong Kong. Ce lâcher sauvage a lieu au beau milieu du Pacifique nord. Les premiers jouets sont retrouvés échoués en novembre en l'Alaska, à plus de 3000 kilomètres de là. Plusieurs centaines s'étalent sur presque un millier de kilomètres de côtes. La cargaison de jouets est prise dans le gyre du Pacifique nord et celui du sud. Une partie est signalée dans le nord des États-Unis d'Amérique en 1996, l'autre est aspirée par le gyre sud et se dirige vers les îles d'Asie et l'Australie. Des essaims de canards jaunes, de castors rouges, de grenouilles vertes et de tortues bleues continuent leur route. Dans le sud du Pacifique, quelques jouets s'échouent sur l'île Henderson, d'autres se laissent porter jusqu'aux côtes de l'extrême-sud du continent américain. Dans le nord du Pacifique, certains jouets franchissent le détroit de Béring en direction des eaux glacées de l'océan arctique. Ils sont ralentis par les glaces et mettent plusieurs années à traverser cet océan pour ressortir dans le nord de l'océan atlantique par le Groenland puis l'Islande. Les premiers sont signalés dans le début des années 2000 sur la côte atlantique du Canada. À partir de 2003, quelques spécimens sont retrouvés en Irlande et au Royaume-Uni <ref>"Comment des canards en plastique nous aident à comprendre les courants marins", ''Konbini'', novembre 2016 - [https://www.konbini.com/archive/comment-des-canards-flottants-nous-aide-a-comprendre-les-courants-marins/ En ligne]. Pour une modélisation sur une carte interactive, voir le site ''Plastic Adrift'' - [https://plasticadrift.org/index.html En ligne]</ref>. La totalité de ces jouets en plastique sont restés anonymes, à l'exception de Lucky le canard jaune avec qui le documentariste Disney a réalisé en 2014 un témoignage de 43 minutes intitulé ''Lucky, un canard à la mer'' <ref>''Lucky Duck'' ou ''Lucky, un canard à la mer'', 2014. Fiche technique - [https://www.imdb.com/title/tt3279276/ En ligne]. Quelques extraits - [https://www.youtube.com/playlist?list=PLCsaupo3NIE6BE0GGnFdaI61QGxdMscBc En ligne]</ref>. Il s'agit évidemment d'une vision romancée comme l'indique la présence de tortues vertes, et non bleues, et d'hippopotames roses. |
=== Rien vs Cthulhu === | === Rien vs Cthulhu === |
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Point Nemo (Точка Немо en macédonien - Ponch Nemo en nissard) Milieu de rien.
SommaireTriangulation protivophileAvec plus de 165 millions de km2, l'océan Pacifique représente plus d'un tiers de la surface totale du globe terrestre et sa superficie est supérieure à l'ensemble des terres émergées. Malgré le nom qu'il lui est généralement donné, la Terre est une planète aquatique. La répartition entre espaces terrestres et maritimes n'est pas équilibrée. Environ un tiers des zones terrestres se situent dans l'hémisphère sud — entre l'équateur et le pole Sud — où elles ne représentent que 20% de sa surface. Du point de vue géologique, l'océan Pacifique se situe sur la plus grande plaque tectonique qui est bordée par de nombreuses failles marines et par la "ceinture de feu", un alignement de volcans qui s'étire sur plus de 40000 kilomètres, de la Nouvelle-Zélande à la péninsule du Kamtchatka, au nord-est de la Russie, puis le long du continent américain, de l'Alaska à la Terre de Feu. La plaque tectonique pacifique se déplace en direction du nord-ouest à une vitesse moyenne d'environ 8 centimètres par an. Cette situation en fait le lieu de très nombreux séismes marins dont certains donnent naissance à de puissants raz-de-marées. L'océan Pacifique est parcouru de chaînes montagneuses sous-marines qui, en rapport aux fonds abyssaux, peuvent atteindre entre 2000 et 3000 mètres d'altitude. Dans son ouvrage L'île mystérieuse, consacré aux névroses hydrophobes, le psychanalyste Jules Verne rappelle que l'immensité océane est le lieu de perdition par excellence et celui de tous les fantasmes et dangers :
Nommé en référence au capitaine Nemo, le héros sous-marin de Vingt Mille Lieues sous les mers [3] le roman d'aventure de Jules Verne, le point Nemo est le pôle maritime d'inaccessibilité. C'est-à-dire qu'il est le lieu marin le plus éloigné des terres. Pour situer ce lieu, il est nécessaire de résoudre le problème du plus grand cercle vide. En 1992, Hrvoje Lukatela, un ingénieur canado-croate parvient à calculer que cette zone se situe dans la partie méridionale de l'océan Pacifique [4]. Le point Nemo se trouve à équidistance des îles Pitcairn au nord, des îles de Pâques au nord-est et de l'Antarctique au sud. Plus précisément, il est le centre d'un cercle qui passe par l'îlot Pandora de l'île Ducie, une des quatre îles des Pitcairn, par l'îlot Motu Nui, à l'extrémité sud-ouest de l'île de Pâques, et par l'île Maher au nord de la côte de l'Antarctique. Ducie est un atoll de 3,9 km2 composé de quatre petites îles, à 500 kilomètres à l'est des autres îles qui constituent Pitcairn. Surface rocheuse de 0,039 km2, Motu Nui est la partie émergée d'une montagne volcanique sous-marine s’élevant à 2000 mètres d'altitude. En forme de fer à cheval et d'une longueur d'un kilomètre, l'île Maher est à une dizaine de kilomètres au nord de la grande île volcanique de Siple au large de l'Antarctique occidental. Recouvertes de neige, ces îles sont réunies au continent antarctique par la banquise. Du point de vue politique, les îles Pitcairn sont un territoire britannique d'outre-mer et l'île de Pâques est sous autorité du Chili. Plus 14000 kilomètres séparent Adamstown, la capitale des Pitcairn, à Londres, la métropole britannique. Plus de 3700 kilomètres entre la capitale pascuane Hanga Roa et celle du Chili. L'île Maher dépend de la Terre Marie Byrd, la seule région de l'Antarctique à n'être revendiquée par aucun pays. De fait la Terre Marie Byrd est donc une terra nullius même si techniquement elle ne l'est pas car des États ont des vues sur cette région mais, par un traité signé en 1959, ont suspendu leurs revendications respectives. Aucune des trois petites îles définissant le point Nemo n'est habitée par des hominines [5]. Des quatre îles qui composent le territoire britannique, seule Pitcairn à proprement dit a une population d'hominines. Adamstown, unique village, est peuplé d'une quarantaine d'hominines. Sur l'île de Pâques chilienne vivent environ 7800 hominines. L'isolement géographique de l'île pascuane est tel que l'endroit peuplé d'hominines le plus proche est les îles Pitcairn, à plus de 2700 kilomètres à l'est. Pour ces dernières, les hominines les plus proches sont la dizaine qui vivent à environ 540 kilomètres à l'est sur la petite île d'Akamaru dans l'archipel des Gambier, actuellement incorporé dans la Polynésie française [6]. L'ensemble de cet archipel abrite environ 1800 hominines. L'intérêt du Royaume-Uni et du Chili pour ces archipels s'explique non par leurs superficies ou les hominines qui y vivent mais par la Zone économique exclusive (ZEE) supplémentaire qu'ils permettent à ces deux pays. Une zone économique exclusive (ZEE) d'un pays s'étend à 200 miles de la côte — un peu plus de 370 km — et peut parfois être étendue. Avec 47 km2, l'archipel de Pitcairn représente une ZEE de 836100 km2 — plus que la ZEE de l'île de Grande-Bretagne — et l'île de Pâques chilienne dispose d'une ZEE de 713465 km2 pour une surface de 164 km2 alors que le Chili a une ZEE trois fois plus importante pour une superficie presque 5000 fois plus grande. PitcairnLes restes archéologiques de temples, les objets en pierre et les pétroglyphes trouvés sur les deux principales îles de l'archipel Pitcairn montrent que son occupation par des hominines est très ancienne. Elle semble prendre fin au début du XVIème siècle après JCⒸ [7]. Les îles sont inhabitées lorsque des hominines, venant d'Europe sur des bateaux, les cartographient progressivement à partir du début du XVIIème siècle. L'île Pitcairn est nommée ainsi par un marin britannique en 1767 du nom d'un matelot de quinze ans Robert Pitcairn qui est le premier à l'avoir aperçu. En avril 1789 une partie des marins du bateau britannique Bounty se mutinent. Le capitaine et les membres d'équipage qui lui restent fidèles sont mis dans une petite embarcation. Les mutins gardent la Bounty et tentent de s'installer sur une petite île de l'actuelle Polynésie française. Sans succès [8]. La population locale n'y est pas favorable. En janvier 1790, neuf des mutins britanniques et 18 hominines de Tahiti — 6 mâles, 11 femelles et un nourrisson — arrivent sur l'île Pitcairn. Le choix se porte sur cette île inhabitée car sa cartographie est approximative. Le bateau est sabordé. Les relations entre les britanniques et les tahitiens dégénèrent après quelques années. En 1793, cinq mutins sont tués par les tahitiens qui, tous, sont assassinés en 1794 par les survivants et leurs compagnes tahitiennes. En 1800, il ne reste qu'un unique survivant des mutins, neuf hominines femelles et 23 enfants. Une cinquantaine d'années plus tard, alors que Pitcairn est annexée par le Royaume-Uni, la population est de presque 200 hominines. Illes parlent le pitkern [9], un créole d'anglais et de tahitien, et sont adeptes des mythologies christiennes [10]. Une culture pitcairnaise voit le jour. Elle fonde ses préceptes moraux et ses traditions sur un mélange singulier d'un passé britannique et tahitien, une macédoine culturelle à base d'ingrédients christiens et polynésiens [11]. Consciente de la surpopulation, une grande partie des hominines demandent à pouvoir s'installer sur une autre île. Le Royaume-Uni propose l'île inhabitée de Norfolk [12], au nord de la Nouvelle-Zélande. Toute la population pitcairnaise s'y installe en 1856 et seule une vingtaine d'hominines retournent sur Pitcairn quelques années plus tard. À la fin du XIXème siècle, presque cent hominines y vivent. Après l'installation d'un missionnaire de l’Église adventiste du septième jour [13] en 1886, illes en deviennent adeptes. Au début du siècle suivant, les îles inhabitées Henderson [14], Oeno et Ducie deviennent britanniques et sont intégrées administrativement à celle de Pitcairn — sans demander l'avis aux hominines de l'île. Le pic de population est atteint dans le milieu des années 1930 avec 250 hominines et décline depuis pour atteindre aujourd'hui le nombre d'une quarantaine [15], répartie en quelques familles [16]. Rapa NuiLes études menées récemment sur l'île de Pâques ont permis de dater du tout début du XIIIème siècle l'arrivée des hominines. Sans qu'il soit possible de dire avec certitude que cela fut le cas, les hypothèses indiquent qu'illes viennent de l'ouest et passent par l'archipel des Gambier, puis Pitcairn, avant d'arriver. Un trajet de plus de 3000 kilomètres. En bateau, bien évidemment. Vivant sur une île très isolée illes développent une culture singulière, dont les grandes statues de pierre pour rendre un "culte aux ancêtres" [17] sont la caractéristique la plus connue. Les premiers bateaux avec des hominines venant d'Europe ou de leurs implantations américaines y accostent à partir de 1722. Le culte des statues de pierre est abandonné depuis déjà environ deux siècles et remplacé par de nouveaux rituels culturels. Ne prenant pas la peine de demander aux hominines qui y vivent le nom qu'illes lui donnent, elle est appelée île de Pâques, en référence à son jour de "découverte". Cinquante ans plus tard, l'Espagne décrète sa souveraineté sur l'île, sous le nom d'île de San Carlos. Avec la fin de l'esclavage, pour répondre à leurs besoins en main-d'œuvre pour les plantations, les mines et la récolte du guano, les colonies européennes d'Océanie et d'Amérique du sud mettent en place un système de recrutement à destination des hominines de la myriade d'îles de l'océan Pacifique. Appelé Blackbirding [18] — de "black bird", "oiseau noir" en anglais — il s'apparente dans le meilleur des cas à du travail forcé, et au pire, à de véritables razzias esclavagistes contre les hominines des îles. Ainsi, dans la seconde moitié du XIXème siècle, la population d'hominines de l'île de Pâques passe d'environ 2500 à moins de 1000 en quelques années. Esclavagisée pour du guano sur les îles Chincha et décimée par les maladies et les conditions de travail. Le français Jean-Baptiste Dutrou-Bornier décide de s'implanter sur cette île pour y lancer un vaste projet agricole pour lequel il fait venir des hominines des îles de l'ouest du Pacifique et achète à bas prix des terrains. Après un échec agricole, il importe huit mille quatre cents ovins et cent cinquante bovins pour en faire l'élevage. Les autochtones de l'île de Pâques [19] ayant survécu se mêlent aux hominines arrivant pour les plantations ou les élevages. Beaucoup viennent de l'île de Rapa, sous domination française, à plusieurs milliers de kilomètres à l'ouest. Pour elleux, l'île de Pâques se nomme Rapa Nui, la Grande Rapa. Jean-Baptiste Dutrou-Bornier se marie avec une polynésienne qui se proclame reine de l'île en 1870. Pendant plusieurs années, le couple royal demande au gouverneur français de Tahiti d'être reconnu comme un protectorat français. Sans suite. Les relations entre le royal esclavagiste et sa main-d'œuvre sont tendues. Après la mort du roi sans sujet en 1876, l'île de Pâques ou Rapa Nui est annexée par le Chili en 1888. L'ensemble de la population pascuane est forcée à se rassembler dans un unique lieu — une réserve entourée de barbelés d'environ 6% du territoire près du village de Hanga Roa — afin que le reste de l'île soit exploité pour l'élevage d'ovins. Elle n'est pas autorisée à en sortir jusqu'en 1966. La population rapanui est alors d'environ 500 hominines. La moitié de la population de l'île. Aujourd'hui, elle est estimée à environ 4000 hominines et représente 60% de la population îlienne. MaherLe continent antarctique et toutes les îles qui l'entourent ont une superficie de 14 millions de km2 dont seulement 280000 km2 sont libres de glace. En hiver, la banquise double sa superficie. L'épaisseur de glace est telle que l'Antarctique représente 90 % de la glace terrestre, soit 70 % de l'eau douce mondiale. Les conditions climatiques ne permettent pas aux hominines de s'implanter durablement. Seules des espèces de mammifères marins et d'oiseaux sont en mesure d'y vivre. Sept pays modernes revendiquent une autorité sur des régions de l'Antarctique. Par ordre décroissant de superficie, l'Australie, la Norvège, le Royaume-Uni, le Chili, l'Argentine, la Nouvelle-Zélande et la France. Seule le Terre Marie Byrd n'est pas réclamée. Soit 1,6 millions de km2 laissés sans propriétaire. Elle abrite quelques missions scientifiques étasuniennes depuis le milieu du XXème siècle et une espèce extra-terrestre hollywoodienne dans les années 1980 [20]. Depuis la découverte de son existence, l'immensité inexplorée de l'Antarctique agite l'imagination des hominines. D'Edgar Allan Poe avec Les Aventures d'Arthur Gordon Pym en 1838 à La Nuit des temps de René Barjavel en 1968, en passant par Les montagnes hallucinées d'Howard Phillips Lovecraft en 1936. Malgré le traité international signé en 1959 qui propose un statu-quo entre les pays sur les revendications à propos de l'Antarctique, ce continent est aussi disputé par plusieurs micronations, c'est-à-dire par des individualités qui réclament une autorité territoriale sur certaines régions du monde [21]. Pour l'Antarctique, 9 micronations convoitent des parties du continent. Les revendications de huit d'entre elles entrent en conflit avec celles des pays officiels. Deux portent leur attention sur la Terre Marie Byrd, terra nullius officiel. En 2001, un militaire de la marine étasunienne proclame le Grand-Duché de Westarctica et réclame pour territoire l’entièreté de la Terre Marie Byrd — dont l'île Maher — ainsi que des îles revendiquées par la Nouvelle-Zélande et la Norvège. En 2008, à l'initiative d'un hominine de Belgique, le Grand-Duché de Flandrensis revendique cinq des îles de la Terre Marie Byrd : Siple, Cherry, Pranke, Carney et Maher. Afin de se soutenir entre elles et d'éviter les conflits de "frontières" entre micronations, l'Union Micronationale Antarctique voit le jour en 2008 [22] et regroupe les 9 prétendantes. En plus des institutions instaurées, des constitutions écrites et d'hominines qui s'en réclament, certaines émettent une monnaie sans valeur, des timbres inutilisables et des passeports non-reconnus internationalement. Ces micronations semblent avoir autant d'avenir que celles instaurées dans le passé sur les très nombreux îlots et récifs contestés de l'archipel des Spratleys en mer de Chine, que ce soit l'utopique République de Koneuwe (KOmmunistisch-NEUtral-WEstlich / Communiste-Neutre-Occidental), la Principauté de Freedomland du comte Othmar di Schmieder Rocca Forozata en 1970 ou la République Souveraine de Thaumaturgie et sa capitale Mère Teresa City [23] qui n'a, aux dernières nouvelles, jamais été érigée. À ce jour, les revendications des deux Grand-Duchés n'ont jamais reçu une quelconque reconnaissance auprès des instances internationales ou des États internationalement reconnus. La guerre entre les deux n'a pas (encore) eu lieu. Si elle devait éclater, nul doute que l'île Maher serait hautement stratégique. Pour éviter une escalade dans la violence, il peut être utile pour les Grand-Duchés de Westarctica et de Flandrensis de s'inspirer de la Chine et de l'Inde qui, pour éviter un dérapage vers la guerre du conflit frontalier qui les oppose dans l’Himalaya, imposent à leurs militaires sur place de n'avoir que des couteaux et des bâtons. Pas d'armes à feu [24]. Milieu de rienLe point Nemo se situe à une distance de 2042 acab [25] — soit 2688 kilomètres — de chacune des îles Pandora, Motu Nui et Maher. Il est le centre du cercle formé par ces trois lieux et selon la formule mathématique pour calculer la surface d'un cercle, celle-ci est le rayon de 2688 kilomètres, multiplié par lui-même et par le nombre π (pi), soit 22,7 millions de km2. L'équivalent de 300000 fois la superficie de Nice ou de 880 fois celle de la Macédoine, selon les mathématiques protivophiles, ou plus d'une quarantaine de fois celle de la France métropolitaine pour utiliser une mesure plus standard. Le point Nemo est à environ 3500 kilomètres des côtes chiliennes et plus de 4500 de la Nouvelle-Zélande. Afin d'éviter les anachronismes et de lever les doutes il est préférable de préciser tout ce qui concerne ce nom de Nemo. Dérivé du latin ne hemo "pas un homme", il signifie "personne", "sans valeur", "méprisable". S'il vient du grec ancien, il a le sens de "partager". Il est utilisé en prénom par les hominines et par les poissons-clowns du Pacifique. Cet usage est très marginal parmi les hominines alors qu'il est très marquant chez les poissons-clowns. Selon les chiffres disponibles, un énorme pourcentage des poissons-clowns dont le prénom est connu s'appelle Nemo. Pour les hydrophiles et les aquaphiles, Le monde de Nemo [26] et Le monde de Doris [27] retracent les péripéties de Nemo et son petit monde. Deux touchants biopics réalistes qui sont l'une des très rares sources sur cette problématique du prénom chez les poissons-clowns — une sous-branche de la protivophilie. Fortement déconseillés aux hydrophobes et aux aquaphobes. Le calcul du point Nemo datant de 1992 et la prégnance du prénom Nemo chez les poissons-clowns du Pacifique n'étant pas connu avant 2003, il est plus que probable qu'il soit ainsi nommé en référence au Nemo de Vingt Mille Lieux sous les Mers. En effet, les chances que l'hominine qui a calculé le point ait choisi Nemo parce qu'il connaît déjà Nemo Nobody sont quasi nulles. Ce dernier n'est connu du grand public que depuis 2009, date de sortie du documentaire Mr Nobody qui lui est consacré [28]. Il y raconte qu'en 2092, à l'âge de 118 ans, il est l'unique hominine à ne pas être immortel. Sa fin est proche et il se livre intimement. Pour la protivophilie, l'intérêt de cette problématique du "Pourquoi Nemo ?" se comprend mieux lorsque l'on examine la question sous un autre angle. Est-il si intéressant de savoir pourquoi il est aussi le prénom du chien du gériatre [29] Emmanuel Macron et de sa compagne Brigitte ? La question essentielle est de savoir s'il n'y a vraiment rien entre ce point Nemo et ses 22,7 millions de km2 qui l'entourent. Sans ce rien, il n'existe pas. Ou du moins, ce n'est plus celui-ci mais un autre. Rien est à entendre ici au sens d'absence de terre émergée. Car l'océan Pacifique n'est pas vide, il est fait d'eau et des créatures qui y vivent. Les fonds marins et les reliefs montagneux qui les traversent sont soumis aux mêmes contraintes géologiques que leurs homologues sur-marins. Le mouvement est permanent et les plaques tectoniques font bouger doucement tous les reliefs. Les montagnes se déplacent sans arrêt et les volcans s'agitent parfois. S'il était possible de calculer au millimètre près la position du point Nemo, il se peut qu'elle varie en permanence. Les cartographies de l'océan Pacifique sont doucement établies par les bateaux qui y naviguent au fil des siècles. Ses dimensions sont immenses. Les premières recensions des îles ne sont pas précises et certaines sont confondues avec d'autres. Certaines sont découvertes plusieurs fois ! D'autres demeurent introuvables. Quelques unes ont pu être englouties par l'océan après des mouvements tectoniques ou des éruptions volcaniques. Dans la cartographie des deux derniers siècles, plusieurs îles et récifs sont mentionnés dans le périmètre du cercle Nemo. L'île Tabor, appelée aussi récif Maria-Theresa [30], est mentionnée en 1843, le récif Jupiter [31] en 1878, le récif Wachusett [32] en 1899 et le récif Ernest Legouvé [33] en 1902. Ces récifs se situent dans la même zone géographique. Pour Jules Verne, en 1875, Tabor est voisine de son Île mystérieuse qu'il nomme île Lincoln. Aucune des recherches entreprises dans la seconde moitié du XXème siècle n'a permis de localiser ces récifs et de confirmer leur existence. Leurs positions géographiques supposées, à cheval sur le tracé actuel du cercle du point Nemo, ne changent presque rien aux coordonnées du point. Le cercle est juste un petit peu plus petit. Idem pour les îles Nimrod [34]. Répertoriées en 1828, elles demeurent introuvables. Plus au sud, leur position est plus proche de l'île Maher que de Pandora et Motu Nui. La situation est différente pour l'île Dougherty [35] (ou Keates [36]). Identifiée à plusieurs reprises entre 1841 et 1886, elle est décrite comme faisant presque 9 kilomètres de long avec de la neige sur son sommet montagneux. Sa position proche du 60ème parallèle invalide la possibilité même de situer le point Nemo dans cette région de l'océan Pacifique. Avec elle, le plus grand cercle vide ne peut plus être ici. Mais l'existence de cette île n'a jamais pu être confirmé. Malgré l'absence de confirmation pour ces îles fantômes, elles sont encore parfois présentes sur des atlas modernes. Par exemple, Google Earth et Google Map proposent une localisation du récif Ernest Legouvé avec un visuel qui, évidemment, pointe vers une eau sans terre. Rien. Google Map référence aussi une photographie montrant un piton rocheux émergeant hors de l'océan pour illustrer le récif Ernest Legouvé, sans que cela soit fondé sur une réelle observation. Dans quelques référencements, il y a confusion entre ce récif et l'île Lincoln, inventée par Jules Verne. En France, l'Institut de Géographie Nationale (IGN) continue de proposer des planisphères avec les quatre récifs. Elle y ajoute le récif fantôme Sophie Christensen, situé plus au sud. L'île Dougherty n'apparaît pas sur les cartes de l'IGN. Pour celleux qui peinent parfois à discerner la réalité de la fiction, il est utile ici de rappeler que L'île du Point Némo [37] est un roman uchronique et fictionnel. Le point Nemo reste le milieu de rien. Ce n'est pas la première fois qu'un texte protivostorien [38] prétend qu'à l'endroit du point Nemo il n'y a pas rien mais quelque chose. Toujours cette même ambiguïté entre les deux sens du mot rien dérivés du latin rem, "chose". Dans L'Appel de Cthulhu en 1926, l'auteur étasunien Howard Phillips Lovecraft situe à proximité du point Nemo la ville engloutie de R'lyeh. Selon lui, ses dimensions sont gigantesques et son architecture est non-euclidienne, sa "géométrie était anormale : on ne savait trop si la mer et le sol étaient horizontaux, de sorte que la position relative de tout le reste paraissait fantastiquement variable" [39]. Il affirme qu'elle a été construite il y a plusieurs millions d'années par des créatures extra-terrestres avant de sombrer dans les flots à la suite d'un cataclysme. Dans les ruines sous-marines vit depuis une très-très-très immense créature extra-terrestre au corps vaguement humanoïde avec une tête de seiche, des tentacules de pieuvre et des ailes appelée Cthulhu. "La véritable sonorité, si les organes humains peuvent l'imiter, ou la retranscrire, ressemble à : khlûl'-hloo, la première syllabe étant prononcée gutturalement et très sèchement. Le "u" ressemble à celui de "full". Cette première syllabe n'est pas sans rappeler "klul", puisque le "h" affirme l’épaisseur gutturale. Quant au son "l", lui, il n'est pas représenté." [40]. Selon Lovecraft lui-même, "nul ne saurait décrire le monstre ; aucun langage ne saurait peindre cette vision de folie, ce chaos de cris inarticulés, cette hideuse contradiction de toutes les lois de la matière et de l'ordre cosmique" ! Au sens strict, Cthulhu ne ressemble à rien. Un culte lui est rendu par des créatures aquatiques et quelques très-très-très rares hominines qui ressassent "Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn" en attendant son retour. Seul et meilleur spécialiste actuel des langues extra-terrestres, Groot a récemment déclaré à ce sujet "Je s'appelle Groot" confirmant ainsi la traduction "Dans sa demeure de R'lyeh, le défunt Cthulhu attend en rêvant". Comme pour les adeptes des mythologies moïsiennes et christiennes qui attendent la venue d'un dernier illuminé messianique, il ne se passe évidemment rien. Avec ce culte de Cthulhu, on retrouve cette touchante naïveté des hominines qui s'inventent des personnages et des histoires et s'étonnent sincèrement que cela ne les fait pas exister pour autant. Cette découverte que la Méthode Coué a ses limites peut évidemment attrister les plus sensibles d'entre ces hominines. Voire les tuer. La même tristesse que celle que l'on voit dans les yeux de l'enfant qui apprend que le Père Noël n'est finalement qu'une foutaise, le même étonnement dans les yeux de l'enfant qui se jette du balcon en pensant voler grâce à sa cape magique reçue en cadeau de Noël. Sans études plus approfondies, il n'est pas possible de déterminer à partir de quel moment exact la compréhension de la situation réelle prend le dessus sur la croyance. Est-ce aux premiers moments de l'effet de la pesanteur sur un corps dans l'air et le début de la chute ou l'enfant croit-ille jusqu'à son contact réel et brutal avec le sol que la cape va s'enclencher ? Pour les Post Nothing Studies la question reste entière.
Rien au milieuL'absence de terres émergées dans le périmètre du point Nemo limite grandement les possibilités pour les hominines d'y demeurer. Cette quasi-absence des hominines fait du point Nemo le seul endroit où l'anarchie est probablement une réalité, où les horreurs qui font ce monde n'existent pas. Là où les ingrédients de la macédoine écœurante des sociétés d'hominines ne sont pas.
Mais la réalité n'est jamais si simple. Parce que central, le point Nemo est le point le plus éloigné des bords du cercle sans terre. Ainsi, passer par le point Nemo signifie emprunter le chemin le plus long entre deux points extérieurs à ce cercle. Quelque soit la route choisie. Par conséquent, les activités des hominines ne privilégient pas d'y passer. En entrant dans ce cercle de 22,7 millions de km2, toutes les routes pour en sortir sont plus courtes en ne passant pas par le point Nemo. Quelque soient les points d'entrée et de sortie. Malgré tout, des hominines traversent occasionnellement cette vaste zone. Le suivi en direct du trafic maritime quotidien indique que très peu de cargos, de rares bateaux de pêche et d'encore plus rares bateaux de plaisance y sont géolocalisés [43]. Tous les quatre ans, une trentaine de voiliers et autant d'hominines passent à quelques centaines de kilomètres au sud du point Nemo dans le cadre de la course nautique du Vendée Globe [44], profitant des courants qui les mènent vers l'extrême pointe sud du continent américain [45]. Un trajet qu'empruntent évidemment toutes les autres courses maritimes qui visent aussi à faire un tour du monde. Le suivi en direct du trafic aérien quotidien montre que seulement deux vols entrent dans la surface du cercle. Le premier est celui qui relie la capitale chilienne à l'île de Rapa Nui et qui est très éloigné du centre. Les itinéraires du second sont les plus proches du point Nemo : le vol aller et retour quotidien de la compagnie aérienne chilienne LATAM entre l'Australie et le Chili avec une escale en Nouvelle-Zélande [46]. Le type d'avion utilisé peut transporter entre 200 et 300 hominines. Son altitude maximale de vol est de 13000 mètres. Le voisinage du point Nemo est aussi spatial. À intervalle régulier, la station spatiale internationale (ISS) et la chinoise (Tiangong) passent au dessus de cette vaste zone sans terre à la vitesse d'environ 27400 kilomètres par heure, soit environ 7600 mètres par seconde. L'orbite de ces stations spatiales n'étant que d'environ 350 kilomètres, lorsqu'elles survolent Pitcairn et Rapa Nui les hominines qui y vivent sont leur plus proche voisinage. Pendant quelques secondes [47]. Malgré cette présence plus que discrète, les hominines parviennent à marquer de leurs odeurs les eaux et les profondeurs qui entourent le point Nemo. Avec la conquête spatiale, les hominines se préoccupent des retombées sur la planète de la multitudes de satellites et autres engins de l'espace. L'absence de terres dans le vaste périmètre du point Nemo minimise les probabilités d'une chute sur des zones habitées. Ainsi, lorsque cela est possible, le choix est fait de diriger les débris vers ce no man's land. Selon un astronome de l'Observatoire de Paris, "le trafic aérien est prévenu, la navigation maritime également". Entre 1971 et 2016, "263 engins ont fini leur vie dans cette décharge maritime" [49]. Du simple satellite à la station spatiale de plusieurs tonnes. Les débris de la station russe Mir, pesant 120 tonnes, se dispersent en mars 2001. Ceux de la station chinoise Tiangong I en 2018 et de Tiangong II en 2019, d'un poids de presque 9 tonnes chacune. Les débris des quelques 400 tonnes de la station internationale ISS doivent subir le même sort en 2031. Les courants marins jouent un rôle important dans l'impact des hominines sur les océans. L'ensemble des eaux marines de la planète sont interconnectées entre elles et les différences de température, de salinité et de relief provoquent de grands déplacements de liquides. Les eaux profondes n'agissent pas de la même manière que les autres. Les courants de surface sont plus contraints par les vents et tournent donc dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère nord et dans le sens anti-horaire dans l'hémisphère sud [50]. L'océan Pacifique est divisé entre le courant circulaire du nord, de l'équateur et celui du sud. Ce dernier est en contact avec le courant circulaire froid qui longe les côtes de l'Antarctique. L'intensité de ces courants circulaires — les gyres — est plus importante sur leur extérieur qu'en leur centre. Le point Nemo est proche du centre du gyre sud-pacifique. Ainsi, les échanges liquides y sont limités et la faune et la flore n'y sont pas très développées. L'archipel des Pitcairn est dans une zone où le gyre équatorial met en contact les gyres du sud et du nord du Pacifique. Les détritus organiques et plastiques produits par les hominines peuvent venir s'y entasser, déplacés depuis les zones habitées par les courants marins à travers l'ensemble des océans. Le gyre du Pacifique nord est le lieu principal de circulation et d’accumulation de déchets hominines, le désormais célèbre "continent de plastique". À plusieurs milliers de kilomètres de la première industrie, l'île inhabitée d'Henderson, au nord de l'archipel des Pitcairn, "possède la densité la plus élevée de détritus de la planète" avec "671 objets en plastique par mètre carré" [51]. En 2019, une expédition scientifique a collecté plus de 6 tonnes en deux semaines et a estimé à plus de 17 tonnes ce qu'il restait encore à ramasser sur cette île de 31 km2. "C’est la boîte aux ordures de la mer !" pour reprendre la boutade de l'écologiste Jules Ver(t)ne en autopsiant une espèce animale marine [52]. Arrivant du monde entier, ces déchets très largement plastiques se composent de rasoirs, de brosses à dents, de ballons, de sacs, de bouteilles, de jouets, de boîtes, etc. Selon l'UNESCO — organisation internationale de préservation du patrimoine — "en tant que l’une des dernières îles calcaires de grande taille à avoir conservé une écologie pratiquement intacte, l’île d’Henderson a préservé sa beauté exceptionnelle avec ses plages de sable blanc, ses falaises calcaires et sa riche végétation pratiquement intacte" ! [53] Pour s'en rendre compte, il suffit de soulever les tas de merdes qui jonchent les rivages et perturbent ou tuent nombre d'espèces locales. Même si, comme l'a déjà montré la protivophilie, F. Merdjanov n'a rien contre les cocovores, il n'en reste pas moins que l'un de ses déchets puisse être de ceux qui polluent cette île. Même un petit rien du tout. Les courants marins font parcourir des milliers de kilomètres aux déchets. À l'instar des 28800 jouets de bain en plastique pour enfants, en forme de canards jaunes, de castors rouges, de grenouilles vertes et de tortues bleues, qui s'échappent en janvier 1992 du conteneur qui les transporte à partir du port chinois de Hong Kong. Ce lâcher sauvage a lieu au beau milieu du Pacifique nord. Les premiers jouets sont retrouvés échoués en novembre en l'Alaska, à plus de 3000 kilomètres de là. Plusieurs centaines s'étalent sur presque un millier de kilomètres de côtes. La cargaison de jouets est prise dans le gyre du Pacifique nord et celui du sud. Une partie est signalée dans le nord des États-Unis d'Amérique en 1996, l'autre est aspirée par le gyre sud et se dirige vers les îles d'Asie et l'Australie. Des essaims de canards jaunes, de castors rouges, de grenouilles vertes et de tortues bleues continuent leur route. Dans le sud du Pacifique, quelques jouets s'échouent sur l'île Henderson, d'autres se laissent porter jusqu'aux côtes de l'extrême-sud du continent américain. Dans le nord du Pacifique, certains jouets franchissent le détroit de Béring en direction des eaux glacées de l'océan arctique. Ils sont ralentis par les glaces et mettent plusieurs années à traverser cet océan pour ressortir dans le nord de l'océan atlantique par le Groenland puis l'Islande. Les premiers sont signalés dans le début des années 2000 sur la côte atlantique du Canada. À partir de 2003, quelques spécimens sont retrouvés en Irlande et au Royaume-Uni [54]. La totalité de ces jouets en plastique sont restés anonymes, à l'exception de Lucky le canard jaune avec qui le documentariste Disney a réalisé en 2014 un témoignage de 43 minutes intitulé Lucky, un canard à la mer [55]. Il s'agit évidemment d'une vision romancée comme l'indique la présence de tortues vertes, et non bleues, et d'hippopotames roses. Rien vs CthulhuSi les courants de surface sont de mieux en mieux décrits par les spécialistes des migrations des canards en plastique jaune et des chaussures Nike [56], ceux des profondeurs restent toujours un mystère. Impossible pour l'instant de les modéliser. Les données sont très insuffisantes et les moyens techniques pour en savoir plus n'existent pas encore. Néanmoins, la présence de plastiques a été signalée dans des zones de grande profondeur et sur des fonds marins. Les hominines ne sont pas en mesure d'évaluer le niveau de pollution, et encore moins les conséquences sur la faune et la flore. Le centre des gyres forme de véritables vortex où s'accumulent petit-à-petit ce que les océans ont charrié. Ressemblant toujours plus à des cimetières de canards jaunes et de tortues bleues. Telle une vaste poubelle à plastique. Une gigantesque décharge à ciel ouvert. Le gyre du Pacifique sud est plus lent que son homologue du nord. Le phénomène d'accumulation y est moindre. Mais pour les eaux plus profondes, rien n'est su. Durant l'été 1997, plusieurs sons sous-marins d'ultra-basse fréquence sont captés et enregistrés par le système d'écoute de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA) qui décrit un son qui "monte rapidement en fréquence sur environ une minute et a une amplitude suffisante pour être détecté par plusieurs capteurs sur une portée de plus de 5000 kilomètres". Appelé bloop, le son enregistré n'a jamais plus été entendu depuis 1997. Son origine géographique n'est pas définie avec certitude. L'hypothèse de la NOAA est qu'il est émis à partir de la région sud de l'océan Pacifique. Probablement dans les alentours de la Terre Marie Byrd, à l'ouest de l'île Maher, à la limite extérieure du cercle que forme le pôle maritime d'inaccessibilité. Les hypothèses sur la source de ce son restent encore à ce jour discutées par les spécialistes qui n'ont pu trancher. La NOAA privilégie l'hypothèse d'un "tremblement de glace", c'est-à-dire d'un bruit engendré par le mouvement de la glace. Soit une banquise qui se fissure, soit un iceberg qui se désagrège. Deux cas observés où cette situation produit un son proche et de si basse fréquence qu'il se répand sur plusieurs milliers de kilomètres. Un tremblement de glace n'est pas détecté par les sismographes qui n'enregistrent que les mouvements des plaques tectoniques. La NOAA diffuse un fichier audio de 10 secondes qu'elle précise être le son du bloop accéléré 16 fois. L'autre hypothèse évidente est celle d'une origine animale. L'intensité et la fréquence ultra-basse sont des indicateurs d'une masse corporelle très importante. Pour quelques spécialistes, il peut s'agir d'une espèce inconnue de gros cétacés ou de céphalopodes, type pieuvres, calmars ou seiches. Pour produire un tel son, la dimension de l'animal doit être bien plus grande que celle des espèces déjà répertoriées. Le plus gros des cétacés est la baleine bleue, avec plus d'une trentaine de mètres et plus de 130 tonnes. Parmi les céphalopodes, il existe des calmars d'environ 15 mètres pour quelques centaines de kilos. De Mega Shark vs. Giant Octopus [57] à Mega Shark vs Kolossus [58], les productions documentaires étasuniennes ne sont pas à la hauteur. Ni Sharktopus, mi-requin mi-pieuvre, ni Pteracuda, mi-ptérodactyle mi-barracuda, ne font le poids [59]. Pas plus que Whalewolf, une espèce mi-loup mi-orque, ou le très redouté Sharkula [60]. Au vu de nos connaissances actuelles sur les phénomènes audios et leur diffusion dans les océans, rien n'est assez volumineux pour pouvoir émettre le bloop. Et aucune de ces espèces marines connues, même hybrides, ne possèdent d'organes adéquats pour produire une telle sonorité.
Pour les hominines qui aiment croire dans des mythologies, tous les ingrédients sont réunis pour y trouver leur compte. Avec sa tête de sèche et ses tentacules de pieuvre, Cthulhu est le candidat idéal pour le bloop. Son gigantisme est proportionnel à ses aspects terrifiants pour les hominines qui se le représentent comme "un monstre vaguement anthropoïde dans ses contours ; mais avec une tête de pieuvre dont la face n’était qu’une masse de tentacules, un corps squameux d’aspect caoutchouteux, des griffes formidables aux quatre membres, et deux longues ailes minces sur le dos" [39]. Hormis les descriptions sensationnelles le concernant, peu d'informations circulent sur la biologie de Cthulhu. Bien qu'il soit d'origine extra-terrestre, est-il bilatérien comme les hominines et les concombres de mer ? Est-il symétrique et possède-t-il lui-aussi une bouche et un anus ? Il semble que ce soit le cas si l'on se fie aux représentations de lui existantes. D'autres similitudes existent avec les hominines. Cthulhu semble être en mesure de vivre et de mourir, et la prière qui lui est consacrée précise qu'il peut rêver. Et donc dormir. Pour ses adeptes, seules deux hypothèses s'offrent à elleux pour expliquer le mystérieux bloop. L'une postule que ce son n'est autre qu'un râle, de celui que l'on fait juste avant de mourir. Son dernier souffle. Comme les cétacés après leur mort, il doit dorénavant être en voie de décomposition dans les profondeurs océaniques et sa carcasse servir de festin à la faune. Bonne appetit à tout le monde. L'autre hypothèse est qu'il s'agit d'un long pet comme en produisent aussi les hominines et les canidés, par exemple, pendant leur sommeil. Une flatulence extra-terrestre. Mais est-elle réellement un pet ? Le bloop n'est-il pas plutôt une flatulence buccale ? Ou mieux encore, une tentative de communiquer qui, en attendant d'être traduite par Groot, peut être retranscrite par "Je s'appelle Proot". Les adeptes de Cthulhu se déchirent autour de ces questions essentielles. La protivophilie, non !
Notes
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