Modeste : Différence entre versions
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− | En français, la locution ''nous de modestie'' désigne une manière d'écrire ou de parler qui utilise le pronom pluriel ''nous'' à la place du ''je'', alors même qu'une seule personne s'exprime. Cela se retrouve dans les publications scientifiques, les traités politiques ou les écrits littéraires et philosophiques. Selon le wiktionnaire, cela est motivé "''par esprit de généralisation et pour gommer le côté trop individualiste de je''" <ref>"Nous de modestie" d'après le ''Wiktionnaire'' - [https://fr.wiktionary.org/wiki/nous_de_modestie En ligne]</ref>. Ce "nous de modestie" implique une grammaire différente. L'accord en genre et en nombre se fait, non pas sur la valeur pluriel du ''nous'', mais sur le singulier du ''je'' et selon le genre grammatical auquel la personne se rattache. Ainsi "''Nous sommes unique''" et non "''Nous sommes uniques''", et dans le cas où l'hominine qui s'exprime est femelle, il est préconisé d'écrire "''Nous sommes seule''" plutôt que "''Nous sommes seul''". Pour l'utilisation de ce nous de modestie il faut donc appliquer un accord selon le sens et non selon la grammaire : un accord sylleptique <ref>sylleptique</ref>. Rien à voir avec la schizophrénie où l'hominine dit nous en pensant je, et pense nous en disant je. Dans ce cas, la règle grammaticale n'est pas clairement définie. Il semble plus juste d'écrire ou de dire : "''Nous suis unique''". | + | En français, la locution ''nous de modestie'' désigne une manière d'écrire ou de parler qui utilise le pronom pluriel ''nous'' à la place du ''je'', alors même qu'une seule personne s'exprime. Cela se retrouve dans les publications scientifiques, les traités politiques ou les écrits littéraires et philosophiques. Selon le wiktionnaire, cela est motivé "''par esprit de généralisation et pour gommer le côté trop individualiste de je''" <ref>"Nous de modestie" d'après le ''Wiktionnaire'' - [https://fr.wiktionary.org/wiki/nous_de_modestie En ligne]</ref>. Ce "nous de modestie" implique une grammaire différente. L'accord en genre et en nombre se fait, non pas sur la valeur pluriel du ''nous'', mais sur le singulier du ''je'' et selon le genre grammatical auquel la personne se rattache. Ainsi "''Nous sommes unique''" et non "''Nous sommes uniques''", et dans le cas où l'hominine qui s'exprime est femelle, il est préconisé d'écrire "''Nous sommes seule''" plutôt que "''Nous sommes seul''". Pour l'utilisation de ce nous de modestie il faut donc appliquer un accord selon le sens et non selon la grammaire : un accord sylleptique <ref>sylleptique</ref>. Rien à voir avec la schizophrénie où l'hominine dit nous en pensant je, et pense nous en disant je. Dans ce cas, la règle grammaticale n'est pas clairement définie. Il semble plus juste d'écrire ou de dire : "''Nous suis unique''" ou "''Nous suis uniques''". Mais pour des raisons qui dépassent la [[protivophilie]], le nous de modestie ne s'est pas construit ainsi. Il en est de même avec le ''nous de majesté''. Celui-ci est structuré comme le nous de modestie — absence d'accord en nombre et accord en genre. Son emploi est réservé aux personnes importantes ou ayant une autorité officielle. Si vous êtes sur un trône royal, si vous êtes une divinité ou un rouage de l'administration, il convient de parler de vous-même en employant ce nous de majesté. Dans ces trois cas, le nous singulier-pluriel est un paravent du pouvoir et un rappel que l'autorité est indiscutable. Et comme tout jargon, il doit être décrypté. Pour le pouvoir royal, "''Nous voulons''" est une manière détournée pour une personne d'affirmer ce qu'elle, et elle seule, veut. Pour une divinité, "''Nous vous aimons''" est la meilleure façon de justifier ses horreurs et d'être crainte, pour l'administration "''Nous vous demandons''" est une obligation sous peine de sanctions. Tout ceci est bien loin de la modestie. |
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Version du 16 juillet 2023 à 14:15
Modeste (скромен en macédonien - modèst [1] en nissard) Euphémisme quotidien
ÉtymonsComme beaucoup de mots de la langue française, modeste est issu du latin. On retrouve modestus sous différentes formes dans d'autres langues ouest-européennes actuelles influencées elles-aussi par le latin, tel modesto en italien, en castillan, en portugais ou en galicien. Tel modest en catalan et en roumain, ou modèst en nissard. Contrairement aux autres langues germaniques qui se basent sur un étymon différent, l'anglais moderne retient modest sous l'influence de l'anglo-normand [2]. Grand spécialiste des cultures et des langues anglaises et françaises, et de leurs interactions, le britannique Rowan Atkinson tente dans son essai Johnny English de définir au mieux les nuances entre le français modeste et l'anglais modest. Se basant sur les liens profonds qui interpénètrent linguistiquement et historiquement les deux rives de la Manche, il propose pour cela une définition imagée et sensible : "Je crois que j'aimerais mieux qu'on m'empale le derrière sur un cactus géant plutôt que d'échanger des platitudes avec ce parvenu de français prétentieux. Si vous voulez mon avis, les seuls convives que les français sont bons à accueillir sont des envahisseurs." [3] Moins féru de botanique, Pierre Vandrepote préfère une approche plus pratique de modeste :
Dans toutes ces langues, modeste a des sens qui sont des variations autour de la thématique de l'absence d'excès, de la retenue ou de la simplicité. Modestus dérive du latin modus qui a le sens de "mesuré", c'est-à-dire dont les limites ont été défini. Cet étymon donne au latin de très nombreux mots de vocabulaire que le français a conservé avec modique, modération ou modicité — relatif à ce qui est modique —, pour n'en citer que quelques uns, qui définissent une taille réduite ou une restriction. Le glissement de modus vers le sens restrictif de "règle" ou de "cadre" est encore présent en français dans les locutions latines modus vivendi et modus operandi, respectivement "mode de vie" et "mode opératoire". En français, un mode est une manière de faire. Et le faire grosso modo [5], c'est le faire à gros traits, approximativement. Une mode est une manière de voir ou d'être. Être moderne, c'est être à la mode du moment. L'adjectif aujourd'hui disparu modeux et modeuse est utilisé pour désigner le caractère habituel de quelque chose. Avec le sens de règle, la langue française possède, par exemple, moduler ou modifier. L'origine de l'étymon latin est discutée parmi les étymologistes. Il est parfois rattaché au grec antique μῆδος (mêdos) qui a le sens de "conseil" et forme les mots méditer ou remède et leurs dérivés. Lorsqu'illes [6] étendent leur raisonnement, les étymologistes tentent de rapprocher cette racine grecque de celle qui forme les mots médecine et médicament, et leurs nombreux dérivés, et qui a le sens de "prendre soin". L'adjectif modeste est constitutif du nom féminin modestie, de l'adverbe invariable modestement et de l'adjectif modestissime. S'y ajoutent les antonymes immodeste, immodestie et immodestement. La modeſteté ou modesteté [7] n'est plus listée dans les dictionnaires actuels, au seul profit de modeste. Idem pour les formes nominales modestin et modestine qui n'existent plus qu'en tant que prénom désuet, comme l'est Modeste. Attesté depuis le milieu du XIVème siècle après JCⒸ [8] dans le vocabulaire de l'ancien français [9], le verbe amodester [10] avec le sens de "tempérer" n'ai pas retenu dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie française, datée de 1694. Selon les travaux des lexicographes, la modestance ne semble pas avoir été utilisée, contrairement à modérance [11] et amodérance [12] qui ont aussi le même sens de "action de tempérer". UsagesLes lexicographes et autres spécialistes des langues classent généralement le vocabulaire et les pratiques linguistiques selon ce qu'illes appellent les "registres de langue" : familier, courant et soutenu. Les subtilités entre "Rien à cirer", "J'en ai rien à faire" et "Rien ne me chaut". Lorsque le souteneur François-Marie "Voltaire" Arouet dit "Peu me chaut d’où elle est sortie. Je ne comprends rien à votre galimatias." [13] il est possible de le traduire par "J'me fout d'où elle sort. J'comprends rien à vot' charabia". À ces trois niveaux, il faut ajouter les registres vulgaire et argotique. L'un utilise souvent un vocabulaire lié à la sexualité et le second peut sembler être une autre langue. "Rien à branler" et "Keud' à treuf" [14] sont les équivalents vulgaire et argotique du "J'en ai rien à faire" courant. Cette séparation en plusieurs registres de langue est assez subjective car elle dépend très largement du milieu social des hominines [15]. Dans des sociétés hiérarchisées et pyramidales, le vocabulaire du registre soutenu est celui des hautes sphères sociales, politiques, économiques et intellectuelles qui sont numériquement les moins nombreuses et le familier est celui de l'écrasante majorité des hominines pour qui il est simplement la langue de tous les jours. Pour elleux, la distinction nette entre familier et courant n'est pas une réalité langagière. Pour se persuader de la dimension sociale qui se joue dans un dictionnaire, il suffit d'en consulter un et de voir comment sont qualifiés les mots répertoriés. Les catégories "populaire", "argotique" ou "vulgaire" remplissent ce rôle discriminant. Même problématique avec le vocabulaire vulgaire qui n'est pas le même suivant la place de l'hominine dans la hiérarchie sociale. Si le "Salope" peut être interclassiste, le "Putain de toi" l'est beaucoup moins. Les registres de langue ne concernent pas que le vocabulaire. La grammaire est largement impactée par la réalité sociale des hominines qui parlent. Par exemple, "Rien à faire", "J'en ai rien à faire" et "Je n'en ai rien à faire" — qui représentent respectivement les registres familier, courant et soutenu — n'utilisent pas le négatif de la même manière. Dans la première locution la négation est implicite et induite par le choix des mots, dans la seconde elle est explicite et est marquée par le seul rien. Dans la dernière locution la construction est conforme à la règle grammaticale qui impose la présence de ne, ni ou n’ et d'une seconde négation — pas, plus ou rien — pour marquer une négation entière. En plus de ces discriminants de grammaire et de vocabulaire, la normalisation linguistique invisibilise toutes les manières de prononcer selon la condition sociale ou la géographie. Outre qu'il peut ne pas avoir le même sens, rien ne se prononce pas exactement de la même manière dans les quartiers riches et pauvres. Idem pour les différentes régions où se parle le français. Pour un même "Rien", la prononciation n'est pas identique entre les parties nord et sud de la France. [ʁjɛ̃] dans l'une, [ʁjẽ] dans l'autre. Selon la poétique du marseillais Julien "Jul" Mari modeste rime autant avec gueux ou dégueu [16] qu'avec peste ou déteste car selon l'accent de sa région le "e" final est sonore. Les discriminations liées aux pratiques linguistiques, au registre de langue ou à la prononciation se nomment glottophobie. Elle touche nombre d'hominines. Préférant modifier son prénom pour conserver son anonymat, le rappeur Jacques Tardieu restitue le témoignage de La môme Néant :
Modeste n'échappe pas aux phénomènes qui touchent les autres mots du vocabulaire français. Son emploi et ses significations diffèrent selon les hominines qui l'emploient et selon la situation sociale qui est la leur. SimplesLe terme modeste est d'un usage courant et, selon le Trésor de la langue française, sa signification est généralement "Qui a de la modération, de la retenue" et "Qui ne cherche pas à se mettre en valeur, à faire étalage de ses qualités ou de son savoir". Suivant cet usage populaire, est modeste une personne qui ne "se la raconte pas", qui fait preuve de modestie. Ses synonymes les plus proches sont la discrétion, l'effacement ou la réserve, à l'opposé de l'orgueil, de la vanité, de la fierté ou de la prétention. Ce que tente d'expliciter le collectif de sociologue Fonky Family dans Ça ou rien :
En français, modeste est épicène, c'est-à-dire que sa forme est identique au masculin et au féminin grammatical. Dans la réalité des faits d'une organisation sociale binaire et discriminatoire, l'hominine mâle est taxé de modeste lorsqu'il est connu pour être raisonnable, alors que l'hominine femelle l'est lorsqu'elle demeure effacée, discrète. L'un est dans la retenue, l'autre dans la timidité. Monsieur est un extraverti qui se contrôle et madame est une introvertie qui se soigne. À définition similaire, l'usage est toujours chargé de sous-entendus ou de constructions sociales sous-jacentes. Cela est moins évident avec les termes épicènes. Cela l'est plus avec, pour quelques exemples parmi tant d'autres, chaud et chaude, ouvert et ouverte ou bon et bonne, qui peuvent induire une connotation sexuelle dans l'emploi au féminin. Ainsi, un "homme facile" est une personne accessible et gentille alors qu'une "femme facile" est une personne qui succombe aisément aux propositions sexuelles. Au cours des XVIIème et XVIIIème siècles, dans le style vestimentaire de leur époque, les hominines femelles des hautes classes sociales portent trois jupons, celui "de dessus s'appelle la modeste, [celui] de dessous la secrète, et l'entre-deux la friponne" [19]. Un modeste est alors aussi un "petit mouchoir placé à l'encolure d'un corsage pour en voiler le décolleté" [20]. Au XIXème siècle encore, un hominine mâle modeste est humble alors qu'une hominine femelle modeste est pudique. Deux siècles plus tard, la dimension sexuelle ou morale semble avoir disparu de l'usage courant. Un des usages de modeste est celui de la locution fausse modestie. Elle est utilisée pour décrire une attitude où l'hominine simule une grande modestie, voir se dénigre, pour susciter chez les autres des envies de compliments, pour avoir son orgueil flatté. Le faire de manière outrancière est une façon détournée de se vanter. Ou humoristique. Pour le dire en termes protivophiles, la fausse modestie consiste à dire "Je suis tout !" pour s'entendre répondre que ce n'est pas vrai : "Tu n'es rien !" Se vanter, c'est affirmer "Je suis rien" alors qu'en fait "Je ne suis rien". La notion relative du "presque rien" se retrouve dans modeste lorsqu'il est utilisé pour parler d'un cadeau, d'un don ou d'une contribution, par exemple. Celleux qui ont peu mesurent l'importance de ce qui est modeste. Le geste est plus important que la valeur réelle ou supposée. Presque rien n'est pas rien. Et celleux qui pensent ne rien valoir se trompent. Le prénom Modeste et ses dérivés que sont Modestin et Modestine sont rares. Même s'il est épicène, Modeste est le plus souvent utilisé pour des hominines femelles que pour des mâles. Hormis quelques cas de fanatiques christiens qui n’intéressent pas la protivophilie, l'histoire récente n'a retenu que très peu d'hominines portant ces prénoms. Ainsi, les plus célèbres Modeste sont l'ancienne esclave Modeste Testas qui vécut au XVIII et XIXème siècle entre l'Afrique de l'est et Haïti, et le personnage littéraire de Modeste Mignon de La Bastie, une jeune aristocrate sortie de l'esprit de l'écrivain Honoré de Balzac dans la première moitié du XIXème siècle [21]. La première est enlevée en Afrique de l'est à l'âge de 14 ans, vendue et envoyée vers 1780 dans la colonie française de Saint-Domingue — futur Haïti — sur l'île d'Hispaniola pour travailler dans une plantation sucrière. Son esclavagiste français, François Testas, la baptise sous les prénoms Marthe Adélaïde Modeste et lui donne son propre nom. Elle se fait appeler simplement Modeste. Ensemble, illes ont deux enfants. À la mort du maître en 1795, Modeste est affranchie par testament, reçoit en héritage une soixantaine d'hectares de la plantation et doit se marier avec un autre esclave affranchi de François Testas. Presque une dizaine d'enfants naissent de cette union. À l'indépendance d'Haïti en 1804, cette nouvelle famille dirige la plantation et rejoint la classe dominante qui émerge [22]. Modeste meurt plus que centenaire en 1870. L'histoire fictive de Modeste Mignon de La Bastie est tout autre. Née dans une riche famille d'aristocrates de France au début du XIXème siècle, elle se passionne pour la poésie et la littérature. Signant "O. d'Este M.", elle se lance dans une correspondance avec le poète Melchior de Canalis dont elle apprécie énormément l'œuvre. Plein de fatuité — l'opposé de la modestie —, ce dernier ne daigne pas lui répondre lui-même et confie cette tache à son secrétaire Ernest de La Brière. Leurs échanges épistolaires sont intenses et Ernest succombe à la jeune inconnue. Découvrant la supercherie de ce pseudo-Melchior, Modeste tombe en amour pour lui et les deux décident finalement de se marier. Dorénavant elle est Modeste Mignon de La Bastie La Brière, jeune égérie du milieu littéraire mondain parisien. Un scénario digne de la collection Harlequin. Modestin et Modestine sont plus communément employé en tant que nom de famille qu'en tant que prénom. La communarde Louise Modestin [23], par exemple, dont on ne sait quasiment rien, si ce n'est cette précision sur sa photo de prison : "Barricadière a fait le coup de fusil". Elle est condamnée à perpétuité et, comme les autres, est amnistiée en 1880. Mais la plus connue des Modestine reste sans conteste celle avec qui Robert Louis Stevenson partage son périple entre les petites villes du Monastier-sur-Gazeille dans le département de la Haute-Loire et Saint-Jean-du-Gard dans la région des Cévennes. Selon le biographe de cette ânesse, "nous ignorons tout de Modestine avant l’irruption d’un Écossais dans sa vie ! Svelte, brun, moustachu, bohème, souffreteux, mais grand marcheur à pas vifs et amoureux de la France, ce calviniste de presque vingt-huit ans, bientôt célèbre écrivain, est venu arpenter les Cévennes pour découvrir le pays des camisards, éprouver son corps, oublier un amour déçu, méditer sa condition. Leur rencontre a lieu le 18 septembre 1878 au marché du Monastier en Haute-Loire." [24] Elle est décrite comme "une ânesse minuscule, pas beaucoup plus haute qu'un chien, à la robe couleur de souris, l'œil doux et la mâchoire inférieure très prononcée. Elle avait en elle quelque chose de gentil, de distingué, une simplicité élégante qui plurent tout de suite à Stevenson quand il la vit sur la place du marché." [25] Pour cela, il décide alors de l'appeler Modestine. Achetée quelques dizaines de francs à son propriétaire, elle porte pendant une dizaine de jours le nécessaire de survie du futur auteur de L'Île au trésor et de L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde. Ayant fait le choix de ne dessiner que les paysages, nous ne disposons pas de représentation de Modestine. Selon Éric Baratay dans Modestine, voyage avec un Stevenson dans les Cévennes (1878), elle est "d’un âge méconnu ou tu. Elle semble [...] appartenir [...] à la population asine de l’époque au centre de la France : une taille de 65 centimètres à un mètre au garrot, une tête plus grosse en proportion que le corps, une robe grise [et] parfois une raie cruciale sur le dos." [24] Bien qu'illes apprennent à se connaître au long de ce voyage, les relations entre l'hominine et l'ânesse ne sont pas faciles. Surtout pour elle. Tel des trekkers avec leurs sherpas dans l'Himalaya [26], Stevenson ne s'embête pas avec son matériel et le fait porter par Modestine. Trouvant qu'elle n'avance pas assez vite, avec son lourd chargement sur le dos, il n'hésite pas à la frapper de coups de trique ou de poing. Ne connaissant rien à l’éthologie asine, il maltraite Modestine, pensant qu'elle n'est pas intelligente, qu'elle met de la mauvaise volonté ou qu'elle est faignante. Voulant donner son propre rythme et ne connaissant pas vraiment la route à suivre, Stevenson l'épuise. Auparavant, Modestine était employée à tirer de petites charrettes sur des chemins et le délire pédestre de Stevenson est une rupture radicale dans sa vie personnelle [27]. Examinée par un palefrenier le lendemain de leur arrivée début octobre à Saint-Jean-du-Gard, Modestine est jugée "inapte à voyager" et nécessitant "au moins deux mois de repos" [24]. N'ayant plus besoin d'elle, et sans attendre qu'elle se repose, le tortionnaire revend Modestine qui retourne par la suite à une activité de traction de charrettes. Les contacts entre elle et lui sont rompus définitivement. Il disparaît de sa vie. De retour au Royaume-Uni, Robert Louis Stevenson retravaille les pages du journal quotidien qu'il a tenu pendant son voyage. L'hominine Stevenson n'hésite pas à minimiser son comportement brutal et les maltraitances et réécrit sous un jour plus favorable pour lui sa relation avec l'ânesse Modestine. Après cette réécriture, il publie Voyage avec un âne dans les Cévennes en 1879 [28]. Il y raconte la "difficulté" pour lui de battre Modestine. Après s'être fait mal au bras à force de la frapper avec un bâton, il opte pour un aiguillon. "À nous une escrime discrète de gentleman ! Et qu'importe si, de temps en temps, une goutte de sang perlait sur le pelage gris souris qui recouvrait les côtes saillantes de Modestine !" [28] Fini d'avoir mal aux bras. Enfin. Aujourd'hui, le "Chemin de Stevenson" est une activité touristique et des randonnées avec des ânes sont organisées régulièrement. Le discours aux touristes vante les aspects bénéfiques pour les hominines d'une balade au grand-air, sur les traces d'un écrivain venu se ressourcer. Rien sur la maltraitance à l'encontre de Modestine. À Saint-Jean-du-Gard, il est même possible de déguster un petit gâteau à son nom composé de pâte sablée amande noisette, de compote de fruits rouges et de miel de châtaignier, ainsi que toucher l'anneau métallique où elle était attachée lors de son passage [29] et boire dans la même fontaine qu'elle. Le "Chemin de Stevenson" n'est officiellement pas le "Calvaire de Modestine". Acte individuel, un hommage lui est rendu en 1997 avec la publication de Voyage avec un anglais à travers les Cévennes ou les mémoires de Modestine [30]. SimplificateursEn parallèle des usages simples, qui sont les plus répandus, existent aussi des emplois plus marginaux de modeste et ses dérivés. L'un est une forme de fausse modestie déguisée, l'autre est une euphémisation de la réalité. En français, la locution nous de modestie désigne une manière d'écrire ou de parler qui utilise le pronom pluriel nous à la place du je, alors même qu'une seule personne s'exprime. Cela se retrouve dans les publications scientifiques, les traités politiques ou les écrits littéraires et philosophiques. Selon le wiktionnaire, cela est motivé "par esprit de généralisation et pour gommer le côté trop individualiste de je" [31]. Ce "nous de modestie" implique une grammaire différente. L'accord en genre et en nombre se fait, non pas sur la valeur pluriel du nous, mais sur le singulier du je et selon le genre grammatical auquel la personne se rattache. Ainsi "Nous sommes unique" et non "Nous sommes uniques", et dans le cas où l'hominine qui s'exprime est femelle, il est préconisé d'écrire "Nous sommes seule" plutôt que "Nous sommes seul". Pour l'utilisation de ce nous de modestie il faut donc appliquer un accord selon le sens et non selon la grammaire : un accord sylleptique [32]. Rien à voir avec la schizophrénie où l'hominine dit nous en pensant je, et pense nous en disant je. Dans ce cas, la règle grammaticale n'est pas clairement définie. Il semble plus juste d'écrire ou de dire : "Nous suis unique" ou "Nous suis uniques". Mais pour des raisons qui dépassent la protivophilie, le nous de modestie ne s'est pas construit ainsi. Il en est de même avec le nous de majesté. Celui-ci est structuré comme le nous de modestie — absence d'accord en nombre et accord en genre. Son emploi est réservé aux personnes importantes ou ayant une autorité officielle. Si vous êtes sur un trône royal, si vous êtes une divinité ou un rouage de l'administration, il convient de parler de vous-même en employant ce nous de majesté. Dans ces trois cas, le nous singulier-pluriel est un paravent du pouvoir et un rappel que l'autorité est indiscutable. Et comme tout jargon, il doit être décrypté. Pour le pouvoir royal, "Nous voulons" est une manière détournée pour une personne d'affirmer ce qu'elle, et elle seule, veut. Pour une divinité, "Nous vous aimons" est la meilleure façon de justifier ses horreurs et d'être crainte, pour l'administration "Nous vous demandons" est une obligation sous peine de sanctions. Tout ceci est bien loin de la modestie. Notes
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