Enclave de Cabinda
Enclave de Cabinda. Aberration coloniale et post-coloniale ouest-africaine.
SommaireTriangulation protivophileÀ environ 5500 kilomètres de Nice et 5200 de la Macédoine — soit des distances protivophiles de 4180 et 3950 acab[1] — l'enclave de Cabinda est un petit territoire de quelques 7200 km² — soit presque deux fois plus que le département des Alpes-Maritimes et quatre fois moins que la Macédoine — situé sur la côte atlantique ouest-africaine. Ce territoire est ainsi nommé en référence à la ville côtière de Cabinda, dans le sud. Il est parfois aussi dénommé enclave du Cabinda. Administrativement rattaché à l'Angola dont il est officiellement une des 18 régions, il en est séparé par une portion de territoire du Congo-Kinshasa d'une soixantaine de kilomètres dans sa partie la plus large et d'une vingtaine sur la côte atlantique. Du point de vue angolais, le Cabinda est une exclave[2]. Géographiquement, le Cabinda est enclavé entre le Congo-Brazzaville au nord et le Congo-Kinshasa au sud. Sa frontière nord-est avec ce dernier est délimitée par le cours du fleuve Chiloango. Prenant sa source au Congo-Kinshasa et s'écoulant sur près de 160 kilomètres à travers la forêt tropicale qui couvre la chaîne montagneuse du Mayombe, le Chiloango se jette dans l'océan atlantique, au nord de la ville de Cacongo. Il est le plus grand cours d'eau de l'enclave de Cabinda et, avec ses deux affluents venus du Congo-Kinshasa le Lubuzi et le Lukula, il est le plus important d'entre eux. Les trois autres affluents du Chiloango sont les rivières cabindaises de Lombe, Lufo et Luali dans le nord-est de l'enclave. Dans le sud du territoire, les deux petits fleuves côtiers Lucola et Lulando se jettent dans la baie autour de la ville de Cabinda. Dans le nord-ouest le fleuve Lubinda se déverse dans la vaste lagune de Massabi, près de la frontière avec le Congo-Brazzaville, avant de rejoindre les eaux de l'Atlantique. La plus grande partie de la géographie de l'est et du nord cabindais est constituée d'une portion de la chaîne de montagne de basse altitude [3], le Mayombe, qui s'étale du sud au nord, de l'embouchure du fleuve Zaïre[4] au Congo-Kinshasa jusqu'au fleuve Kouilou-Niari au Congo-Brazzaville. Zone forestière aux nombreuses essences d'arbres, le Mayombe est aussi le lieu où prennent source la plupart des fleuves et rivières de l'enclave de Cabinda. La partie ouest de l'enclave, jusqu'à l'océan, est faîte de petites falaises qui sont les parties les plus érodées et les plus basses du Mayombe, et de zones de marécages dans les régions les plus proches de la côte atlantique. Le climat dans l'enclave de Cabinda est qualifié de tropical de savane, ce qui signifie que la température se situe entre 20 et 30° tout au long de l'année avec une alternance entre une saison sèche de mai à octobre et une humide de novembre à avril. Le taux d'humidité de l'air est autour de 85%. Les plus grandes villes actuelles sont, par ordre décroissant, Cabinda, Buco-Zau, Cacongo (ex-Lândana) et Belize avec, respectivement, 700000 hominines[5], 40000, 20000 et 18000. La population totale de l'enclave de Cabinda est estimée à environ 800000 hominines — un peu moins que celle de l'agglomération de Nice et ses alentours, mais près de 20% de plus que la population de Skopje en Macédoine. Sans arrière-pensée spéciste[6] aucune, il n'est pas possible de fournir ici une estimation des populations des différentes autres espèces vivantes de l'enclave. Dyrosauriens & CoLes plus anciens restes d'une espèce animale au Cabinda sont retrouvés en 1913 après JCⒸ[7] près de Cacongo par le naturaliste Joseph Bequaert. Examinés et décrits l'année suivante par le paléontologue Louis Dollon, les fragments de squelettes sont authentifiés comme étant ceux d'un Congosaurus bequaerti, une sorte de dyrosaurien[8]. Cette espèce, vivant il y a 60 millions d'années et aujourd'hui éteinte, est de la famille des crocodyliformes, alors nombreuse, et dont les seuls représentants sont de nos jours les crocodiles. Dans le classement du vivant, les dyrosauriens appartiennent aux bilatériens vertébrés dont les lointains ancêtres sont — comme les poulets ou les tarsiidae, et contrairement aux poulpes[9] — apparentés aux hominines. Comme plus de 700000 autres espèces animales vertébrées peuplant la planète. La présence des hominines dans le centre-ouest africain atlantique est fort ancienne. Dans la région côtière au sud du Congo-Brazzaville, au nord de l'enclave, elle est attestée dès le Vème siècle avant JCⒸ par des vestiges d'une industrie métallurgique. L'histoire des hominines de la région n'est pas documentée jusqu'au début du XVème siècle. Nommées "Expansion bantoue"[11] par les historiens de l'Afrique, des vagues d'hominines se répandent pour des raisons encore non déterminées[12] pendant environ un millénaire vers l'est et le sud du continent. Progressivement, les langues et les cultures bantoues se diversifient. Des groupes d'hominines venant de l'intérieur de l'Afrique centrale s'installent progressivement dans les régions côtières. Quelques royaumes voient le jour. Probablement dans le courant du XIVème siècle, le royaume de Kongo se structure autour du fleuve Zaïre et devient la puissance politique et économique régionale. Sans qu'il soit possible d'en déterminer la véracité, les traditions orales rapportent que plusieurs clans originaires de Cacongo et des membres d'une confrérie de forgerons[13] venus du royaume de Kongo fondent au XVème siècle le royaume de Loango le long de la côte atlantique entre le village de Mayumba, au sud de l'actuel Gabon, et la rive nord de l'embouchure du Zaïre[14]. Dans un premier temps vassal du royaume de Kongo, il prend peu à peu son autonomie. Le territoire de l'actuelle enclave de Cabinda est alors totalement inclus dans le royaume de Loango. Dirigé par une dynastie héréditaire, celui-ci doit faire face à des contestations internes qui aboutissent à sa fragmentation progressive. Dans sa partie méridionale sécessionniste émergent le royaume de Cacongo puis celui de Ngoyo dans le début du XVIème siècle[15]. Le royaume de Cacongo inclut la partie nord de l'actuelle enclave de Cabinda, et plus largement l'arrière-pays du Mayombe. Le royaume de Ngoyo comprend la partie du sud de l'enclave, ville de Cabinda comprise, et s'étend jusqu'à la rive nord du Zaïre aujourd'hui au Congo-Kinshasa. Les hominines qui vivent dans ces royaumes parlent des formes parentes du kikongo, une langue bantoue autrefois unique, et leurs sociétés se différencient les unes des autres selon des critères linguistiques et culturels qui les singularisent. S'illes sont tous d'origine bakongo, illes sont progressivement devenus bawoyo, bayombe, basundi ou bavili — pour ne citer que celleux de l'enclave de Cabinda. Au sein de chacun de ces groupes linguistico-culturels, organisés en clans, vont émerger certains clans qui formeront les dynasties et l'aristocratie des différents royaumes. Et les autres, le reste de la population. Ainsi, le royaume de Loango est dirigé par des clans bavili, celui de Cacongo par des clans bayombe et celui de Ngoyo par des bawoyo. Pour autant ces royaumes ne sont pas des constructions politiques et administratives reposant exclusivement sur des critères culturels ou linguistiques, ils sont des entités "multi-ethniques" dont le but n'est pas la domination culturelle mais la gestion politique et le contrôle des ressources. Kongos & CompagniesAprès plusieurs siècles d'affrontements entre les christiens[16] et les mahométiens pour le contrôle de la péninsule ibérique, dans le sud-ouest européen, les forces armées de dynasties royales christiennes parviennent progressivement à renverser le pouvoir mahométien ibérien en place depuis des siècles[17]. Les populations mahométiennes et moïsiennes sont contraintes de "choisir" entre la conversion aux mythologies christiennes ou l'expulsion vers la rive sud de la mer Méditerranée[18]. Les royaumes christiens se divisent la péninsule dans le courant du XVème siècle. Soucieux de consolider ses positions stratégiques et d'exploiter de nouvelles routes commerciales, le royaume du Portugal se lance dans l'exploration des côtes atlantiques africaines. Après avoir, dans un premier temps, navigué au large des côtes atlantiques du Maghreb, les navigateurs portugais parviennent en 1434 à dépasser les côtes de l'actuel Maroc. La géographie africaine est alors une totale inconnue pour ces hominines[19]. Ils suivent la côte, toujours plus vers le sud. Plusieurs expéditions se succèdent. En 1460, ils "découvrent" la côte de Malaguette et arrivent en 1483 à l'embouchure du Zaïre. Le renversement de l'empire christien de Constantinople par les ottomans mahométiens en 1453 complique l'accès aux marchandises venues d'Asie pour les différents royaumes en Europe. La nécessité est de trouver des routes de contournement pour s'approvisionner en matières premières et d'entrer en contact avec le mystérieux royaume christien est-africain du Prêtre Jean[20] afin de prendre les mahométiens en tenaille. L'Afrique est contournée en 1488 et une expédition arrive sur le sous-continent indien en 1498. Entre-temps, des navigateurs venus d'Europe arrivent jusqu'au continent américain[21]. Le royaume jano-prêtrien reste introuvable et celui du Portugal devient un empire. Tout le long de cette route commerciale, le royaume du Portugal installe des comptoirs et passent des accords commerciaux avec les différentes autorités locales. Ces expéditions sont financées par des commerçants européens qui se remboursent, et s'enrichissent, grâce aux marchandises précieuses importées, telle l'ivoire, l'or et le sucre. Ainsi que par l'importation de produits alimentaires, de matières premières et des esclaves. Ces hominines, mâles et femelles, mis en esclavage, sont destinés au continent américain sur lequel les royaumes du Portugal et de Castille installent des plantations de café et de sucre et, lorsqu'ils ne les pillent pas directement, extraient des métaux précieux. Lors de son arrivée à l'embouchure du Zaïre en 1483, le navigateur Diogo Cão remonte le fleuve à la recherche du royaume du Prêtre Jean. Il entre en contact avec le royaume de Kongo. Le roi portugais, Joao II, propose à son royal collègue de se convertir à la mythologie des christiens et d'obtenir en retour des accords commerciaux et un accès aux technologies de guerre. Nzinga Nkuwu accepte et devient Joao Ier du Kongo en 1491. La famille royale et une partie de l'aristocratie se convertissent aussi. Des échanges diplomatiques entre les deux royaumes sont mis en place[22] et une école tenue par des missionnaires christiens est ouverte. En 1506, le roi bakongo Alfonso Ier envoie son fils étudier la mythologie christienne dans la capitale portugaise Lisbonne. Il devient en 1518 le premier évêque d'origine africaine reconnu par les autorités religieuses de Rome sous le nom de Henrique[23]. Le Portugal bénéficie de l'ivoire, du cuivre et des esclaves disponibles via le royaume du Kongo, et ce dernier est épaulé militairement dans sa lutte contre des royaumes du sud et s'enrichit de ce commerce. Mais les besoins toujours plus importants en esclaves du royaume du Portugal mécontentent le roi bakongo qui, s'il acceptait jusqu'à maintenant de livrer des prisonniers, voit d'un mauvais œil que les portugais se lancent dans la chasse au esclaves. D'autant plus que des membres de la famille royale ont été réduit en esclavage après leur capture. Ses protestations officielles[24], chargées de références religieuses, ne changent rien et lui valent une réponse condescendante de son homologue portugais qui lui dit pouvoir se débrouiller seul pour se pourvoir en esclaves. Faisant le choix des avantages, Alfonso Ier se résout à la traite esclavagiste mais tente de la réglementer. Seul son royaume peut dire qui peut être déclaré esclave afin de limiter les excès du Portugal. Ce dernier se rapproche des royaumes côtiers de Cacongo et Ngoyo qui s'émancipent petit à petit du royaume de Loango et avec lesquels il est plus facile de faire du commerce d'esclaves. Le royaume de Kongo est attaqué en 1568 par des populations bayaka et sa capitale est détruite. Remis sur pied trois ans plus tard grâce à l'aide du royaume du Portugal, le Kongo en sort affaibli. Son autorité régionale est ébranlée. En 1575, à la mort du roi portugais lors d'une bataille perdue au Maghreb, son royaume entame aussi sa phase de déclin.
L'affaiblissement des royaumes du Portugal et de Castille entraîne l'apparition de concurrent sérieux dans le lucratif commerce des esclaves et autres richesses africaines. Les royaumes de France, d'Angleterre et des Pays-Bas arrivent en force. Pour se fournir en esclaves pour ses colonies du Brésil, le royaume du Portugal entretient ses relations avec les royaumes Cacongo et Ngoyo qui raflent des hominines dans l'arrière-pays et les royaumes alentour. Abritée du vent, la baie de Cabinda est un endroit idéal pour jeter l'ancre et pratique pour servir de lieu de chargement des marchandises. Au sud du Kongo — divisé entre plusieurs prétendants à la succession depuis la mort de son roi — les hominines du Portugal prennent pied dans le royaume de Ndongo où la résistance menée par la reine Njinga[26] tient tête pendant plus de vingt ans et perturbe le trafic d'esclaves. Les convoitises européennes s'affrontent. Au milieu du XVIIème siècle, les Pays-Bas tentent à deux reprises de s'emparer du port de Cabinda, puis au début du siècle suivant les royaumes britanniques et français s'affrontent pour la main-mise sur ce lieu stratégique du commerce d'esclaves. La révolte contre les prétentions européennes dans la région prend aussi des biais religieux. En 1704, Appolonia "Fumaria" Mafuta[27] proclame qu'elle a vu la Vierge-Marie — la mère imaginaire du messie des christiens — et appelle tous les hominines, mâles et femelles, à rejoindre la capitale du royaume de Kongo. Avec pour preuve une pierre sur laquelle est gravée le visage du messie ! Inspirée elle aussi par une voix dans sa tête, Kimpa Vita[28] proclame que tous les bakongo doivent se rassembler dans un même royaume, dans un discours mélangeant cultures locales et christiennes. Elle est brûlée vive en 1706 en tant qu'hérétique par décision du roi du Kongo. En 1722 les britanniques se lancent dans la construction d'une petite forteresse dans la baie de Cabinda mais elle est détruite pas les portugais qui se lancent eux-mêmes dans une telle construction en 1783. Une coalition militaire entre les royaumes de France, de Cacongo et de Ngoyo met fin à cette tentative. Un accord est signé quelques années plus tard entre les royaumes du Portugal, de France et de Grande-Bretagne afin de garantir un libre accès au commerce des esclaves et autres marchandises. L'interdiction du commerce des esclaves, progressivement décrétée par différents pays esclavagistes, change l'ordre des priorités. Principaux bénéficiaires locaux de la traite des esclaves, les royaumes de Cacongo et Ngoyo sont considérablement touchés par cette nouvelle situation. Idem au nord pour le royaume de Loango dont l'aristocratie qui, après l'éphémère régime constitutionnel de 1766 à 1773 soutenu par les commerçants esclavagistes du royaume, ne parvient pas à se remettre de sa perte d'influence politique et de la perte de revenu qu'engendre la fin de la traite. À la suite de la mort du roi de Ngoyo en 1830, les dissensions internes autour de sa succession engendre un effritement du royaume. Pour consolider son implantation, le royaume du Portugal signe trois accords avec des autorités locales : Le traité de Tchimfumu le 29 septembre 1883 avec le royaume de Kakongo, le traité de Tchikamba le 26 décembre 1884 avec le royaume de Loango et celui de Simulambuko le 1er février 1885 avec le royaume de Ngoyo. Selon ces traités, en échange de sa protection, "les Princes et chefs du pays et leurs successeurs déclarent volontairement reconnaître la souveraineté du Portugal, en plaçant sous le protectorat de cette nation tous les territoires gouvernés par eux"[29]. Ces territoires sont regroupés sous le nom de Protectorat du Congo portugais avec la bande côtière allant jusqu'à Luanda, au sud du Zaïre. Lors de la conférence de Berlin de 1885, les principales puissances économiques européennes entérinent, tel de petits arrangements, les frontières entre leurs différentes possession africaines. Parce que la Belgique obtient un accès à l'Atlantique pour sa colonie, le protectorat du Congo portugais est enclavé entre, au nord, le Congo français qui inclut une grande partie de l'ex-royaume de Loango, et au sud le Congo belge, sur les ruines du Kongo. Sur la rive sud du Zaïre, l'ensemble des territoires portugais des anciens royaumes de Kongo et de Ndongo sont réunis pour former la colonie d'Afrique Occidentale portugaise ou Angola. Protectorat du Congo portugaisLa capitale du protectorat est fixée dans la ville de Cabinda, dans le sud du territoire. Au début du XXème siècle, la population est estimée à environ 50000 hominines, mâles et femelles, dont plus de 11000 dans la capitale. Dans le courant des années 1910, le Portugal réorganise son administration coloniale en deux districts, celui de Congo et celui de Cabinda, gérés par un unique gouverneur d'Angola. En 1922, le district de Congo est divisé en deux et s'y ajoute donc celui de Zaïre. Alors que la constitution portugaise de 1933 fait clairement mention de la distinction entre les différents districts, celle de 1951 gomme cette nuance et intègre l'ensemble dans une unique province ultramarine de l'empire du Portugal. De fait, cette province coloniale ne présente pas de continuité territoriale entre les districts du sud du fleuve Zaïre et celui de Cabinda. L'enclave de Cabinda est une aberration coloniale. Éclatés entre les trois Congo — belge, français et portugais — et le nord de la colonie d'Angola, des militants bakongo réclament dans un premier temps l'unification de l'ancien royaume de Kongo et de ses vassaux dans un unique territoire[31] et la restauration de l'autorité de la dynastie royale. Malgré la création de diverses associations soutenant ce projet politique, l'idée d'un "nationalisme" et d'un "royalisme" bakongo ne résiste pas à l'éclatement, de fait, du territoire entre les puissances coloniales. Chaque colonie va mener la lutte contre "son" colonisateur. La première association culturelle cabindaise est créée en 1948 à Kinshasa (renommée Léopoldville entre 1880 et 1960) sous le nom de Communauté Cabindaise (COMCABI) et au Congo français sous celui de Association des Originaires de l'Enclave de Cabinda (AOECA). Après le rattachement de l'enclave à la colonie d'Angola en 1951, des membres de la COMCABI fondent la Jeunesse Côtière Cabindaise (JCC) qui se fixe pour objectif le regroupement des hominines originaires du Cabinda vivant à Kinshasa. Le discours politique dénonce clairement la présence portugaise. En 1959, la JCC devient l’Association des ressortissants de l’enclave de Cabinda (AREC) qui, dans un manifeste, réclame la révocation des traités signés avec le Portugal ainsi que l'indépendance immédiate de l'enclave. En août 1960, l'AREC est renommée Mouvement pour la Libération de l'Enclave de Cabinda (MLEC) et distribue en décembre ses premiers textes dénonçant les abus des colons. Presque tous les dirigeants du MLEC sont des descendants de notables du royaume de Ngoyo de la fin du XIXème siècle qui géraient l'économie et finançaient les fastes de la cour royale[32]. Aucun n'appartient à la noblesse. L'un d'eux, Luis Ranque Franque[33], fait le tour des institutions internationales pour plaider la cause cabindaise en tant que représentant du MLEC. Il parle devant les Nations-Unies et l'Organisation de l'Unité Africaine qui, toutes deux, placent l'enclave de Cabinda — en parallèle de l'Angola — sur la liste des territoires à décoloniser.[34]. L'attaque début 1961 de la prison centrale de Luanda dans la colonie voisine d'Angola par des combattants du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) marque, selon l'historiographie classique, le début des guerres d'indépendance dans les colonies portugaises d'Afrique. Dans le nord de l'Angola, des centaines de colons portugais sont attaqués et des révoltes éclatent dans des plantations. La réponse des colons se soldent par des centaines de morts et la fuite de plusieurs centaines de milliers d'hominines vers le Congo-Kinshasa. Outre le MPLA, les principaux mouvements de cette guerre de libération dans la colonie d'Angola sont le Front national de libération de l'Angola (FNLA) et l’Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA). Ils réclament la décolonisation de l'Angola et de l'enclave de Cabinda qu'ils considèrent comme un seul et même pays. Le FNLA et ses alliés proclament en 1962 un Gouvernement révolutionnaire de l'Angola en exil (GRAE). Le ministère de la Défense est confié à Alexandre Taty[35], responsable du Mouvement de lutte pour l'indépendance du Cabinda (MLIC), le seul mouvement cabindais à prendre part à cette initiative. Les autres restent à l'écart. Le MLEC n'est implanté que dans les régions côtières dont sont issus la plupart de ses membres. En 1962, le Comité d'action d'union nationale cabindaise (CAUNC) voit le jour à Brazzaville sous l'impulsion d'Henriques Tiago Nzita[36], un ancien du MLEC. Avec un brin de nationalisme bakongo, le CAUNC milite pour que la cause cabindaise soit différenciée de l'angolaise et que le Cabinda fasse le choix de rejoindre le Congo-Kinshasa ou le Congo-Brazzaville. En mars, il appelle à un référendum. La même année, naît à Pointe-Noire (Congo-Brazzaville) l’Alliance du Mayombe (ALIAMA) sous la direction d'Eduardo Sozinho Nzau[37]. Lui-même bayombe, il se dit favorable à l'intégration des régions bayombe, à l'est de l'enclave, au sein d'un Cabinda indépendant plutôt que de s'unir au Congo-Kinshasa ou à l'Angola. Malgré leurs différences, le MLEC, le CAUNC et l'ALIAMA s'unissent en août 1963 à Pointe-Noire au sein d'un Front de libération de l'enclave du Cabinda (FLEC) : Luis Ranque Franque en est le président, Henriques Tiago Nzita le vice-président et Eduardo Sozinho Nzau le secrétaire-général. Contrairement aux mouvements en Angola, le FLEC ne dispose pas d'une branche militaire et se contente de protestations pacifiques. Géopolitique d'exclaveDepuis leur accession à l'indépendance en 1960, les Congo français et belge sont devenus deux puissances régionales directement concernées par les conflits en Angola et au Cabinda[38]. Dans un contexte mondial où tous les pays existant se questionnent s'ils doivent rejoindre le bloc de l'Est, supposément "communiste" sous la tutelle de l'Union soviétique, ou celui de l'Ouest, manifestement "capitaliste" dirigé par les États-Unis d'Amérique. Les premières années d'indépendance du Congo-Brazzaville et du Congo-Kinshasa sont celles des luttes internes. Encouragée par le nouveau pouvoir à Brazzaville, présidé par un ancien prêtre et fervent anti-communiste, la création du Front de libération de l'enclave de Cabinda (FLEC) est regardée avec méfiance par les autorités de Kinshasa. Plus proches du bloc de l'Est, elles s'intéressent plutôt aux activités, dans le nord de l'Angola, du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) qui se revendique aussi du "socialisme scientifique". Mais les polarités s'inversent. En 1963, après de fortes contestations sociales, le gouvernement de Brazzaville est destitué et remplacé par un "régime socialiste", la République populaire du Congo. En 1965, au Congo-Kinshasa, la nouvelle République du Congo est renversée par Mobutu Sese Seko, un farouche anti-communiste, et rebaptisée Zaïre. Dès lors, Congo et Zaïre vont s'affronter indirectement sur leurs politiques angolaises et cabindaises. Alors que le Zaïre cesse tout aide au MPLA et apporte son soutien au Front national de libération de l'Angola (FNLA) et au FLEC, le Congo est le principal soutien régional pour le MPLA dont il est une base logistique importante. Mais, pour relier la ville congolaise de Pointe-Noire aux territoires du nord de l'Angola, il est inévitable de traverser l'enclave de Cabinda et la région zaïroise de l'embouchure de l'ex-Congo, renommé lui-aussi Zaïre[4] par un phénomène de "schtroumpfisation" zaïroise. Déjà, en 1964, des affrontements ont opposés des paysans mayombe du nord-est de l'enclave aux combattants du MPLA. Comme le MPLA deux ans auparavant, le FLEC annonce en janvier 1967 la mise en place d'un gouvernement en exil. Son siège est fixé à Tshela, une ville de l'ouest zaïrois à une centaine de kilomètres de l'enclave de Cabinda. Si les combattants du MPLA et des autres mouvements angolais inquiètent sérieusement le Portugal, les militants de la cause cabindaise sont à peine pris en compte. La présence du MPLA au Cabinda est réelle, celle du FLEC est plus que discrète. Au large de l'enclave, depuis la moitié des années 1950, un gisement de pétrole offshore dans le secteur dit "block zéro" est exploité par l'entreprise étasunienne Gulf Oil Company (GOC, futur Chevron), associée à 49% avec l'entreprise portugaise Angol via sa filière locale CABGOC. À travers Angol, après des accords avec l'entreprise belge Petro-Fina, le Portugal signe en 1968 avec la Compagnie française des pétroles (CFP, futur Total) pour mener sur plusieurs années des recherches de gisements le long des côtes angolaises et leur exploitation[39]. L'autre entreprise française, la Société nationale des pétroles d'Aquitaine (SNPA, futur Elf), implantée au Gabon et au Congo, lorgne sur les hypothétiques réserves pétrolifères cabindaises. Cette intrusion française crée des dissensions politiques au sein du FLEC. De Kinshasa, Luis Ranque Franque est favorable à un rapprochement avec les États-Unis d'Amérique, alors que, de Brazzaville, Henriques Tiago Nzita fait le choix de la France. Il devient le responsable de la branche militaire du FLEC, les Forces armées cabindaises (FLEC-FAC). Mais le Cabinda est invisibilisé par l'ampleur des luttes qui se mènent dans les autres colonies portugaises. Sa quasi-absence sur le terrain militaire fait du FLEC un interlocuteur secondaire et de la cause cabindaise une lutte fantôme. Alors que les mouvements angolais gagnent du terrain dans la guerre sanglante qui les oppose à l'armée portugaise et ses supplétifs, le FLEC se divise en plusieurs factions rivales. L'armée portugaise est forte d'environ 60000 hominines envoyés en Angola pour se battre, dont de très nombreux conscrits, épaulée par des colons et des métis volontaires et par des unités spéciales composées d'angolais et de cabindais. L'une d'elles, les Tropas Especiais, est particulièrement active au Cabinda et dans le nord-angolais contre les combattants du MPLA et forte de plus de 1200 combattants, dont certains sont d'anciens de l’Union des Populations du Nord de l'Angola ayant rejoints l'armée coloniale. En presque quatorze années de guerre, plus de 4000 militaires portugais vont perdre la vie. Des milliers d'hominines d'Angola, mâles et femelles, vont être tués et autant emprisonnés par ces forces coloniales. Le Portugal ne compte pas abandonner facilement toutes ces matières premières dont regorgent l'Angola : coton, sucre, café, bois, pétrole et diamant. Contraint de mener aussi des guerres meurtrières et coûteuses dans ses colonies du Mozambique, de Guinée-Bissau et quelques autres, le Portugal est très affaibli politiquement et économiquement en difficulté. Les luttes anti-coloniales dans l'empire portugais, dans ces provinces ultramarines, contribuent à l'ambiance politique qui aboutit au renversement du régime en place à Lisbonne en avril 1974. Le nouveau pouvoir est favorable à un arrêt immédiat de la guerre et à l'organisation de référendums dans les provinces ultramarines. Le 15 janvier 1975 les Accords d'Alvor sont signés — dans un village portugais du même nom — entre le Portugal et les représentants des trois principaux mouvements angolais : le MPLA, le FNLA et l'UNITA. Les absents sont le FLEC, Révolte active et Révolte de l'Est, deux factions importantes du MPLA[40]. Conformément aux demandes angolaises, l'accord entérine l'indépendance du Protectorat du Congo portugais et de la colonie d'Angola au sein d'un même pays, l'Angola. L'enclave de Cabinda est maintenant exclave angolaise. Enclave de CabindaLa perspective de l'indépendance prochaine de l'Angola post-coloniale ne laisse pas indifférentes les entreprises pétrolières actives dans la région. L'américaine Gulf Oil doit défendre ses intérêts et ses exploitations en cours, et Elf la française lorgne sur les potentialités du sous-sol cabindais. Les autorités politiques des États-Unis et de la France ne supportent pas l'idée que le pétrole tombe entre les mains d'une future Angola communiste. Elles sont allergiques au MPLA. Soutenir l'indépendance de l'enclave de Cabinda est, pour elles, un moyen de s'assurer un meilleur contrôle de ses matières premières. "Gagnant-gagnant" comme on dit dans le langage managérial. Et pourquoi pas en faire un "Koweït africain" ? Emprisonné depuis quelques mois, Henriques Tiago Nzita est libéré en juin 1974 et autorisé à retourner dans l'enclave de Cabinda. Le siège du Front de libération de l'enclave de Cabinda (FLEC) est transféré de Pointe-Noire (Congo) à la ville de Cabinda, renommée Tchiowa, où une représentation du FLEC est officiellement ouverte en juillet[41]. Nzita remplace Alexandre Taty, critiqué pour sa participation à une unité spéciale de l'armée portugaise, composée de cabindais et d'angolais, et destinée à la lutte contre le MPLA. Si quelques combattants viennent de ces Tropas Especiais, le gros des troupes de la banche militaire du FLEC sont issus d'un groupe de combattants cabindais, dirigés par le commandant Afonso Bissafi, qui quittent en 1972 le MPLA après de graves conflits internes au sujet du sort du Cabinda. Favorable au rajout du "C" pour Cabinda à la fin du sigle MPLA, l'écrivain Nicolau Gomes Spencer, membre important du MPLA et cabindais, est assassiné par un de ses "camarades" en 1971. En l’occurrence, un cabindais. Nombre d'hominines originaires de l'enclave de Cabinda n'ont pas fait le choix politique d'un nationalisme cabindais mais celui de la lutte anti-coloniale, et à ce titre, rejoignent les rangs du MPLA. D'autant plus que, dans ses premières années, ce mouvement accepte de considérer le Cabinda comme une entité singulière à laquelle il faudra donner un statut particulier. Les temps changent. Une nouvelle faction du FLEC, parfois un peu abusivement dit FLEC "Rouge", voit le jour à Pointe-Noire. Hasard des rencontres ou rencontres hasardeuses, elle est dirigée par José Auguste Tchioufou[42], ancien directeur-adjoint de la filiale congolaise d’Elf ! Soutenu politiquement et logistiquement par le Congo, et bénéficiant des crédits et des réseaux de l'entreprise pétrolière française, un groupe d'hominines armés traversent la frontière congolo-cabindaise en août 1974. À leur tête José Auguste Tchioufou et une demie douzaine de mercenaires français chargés de les encadrer. Le but est de prêter main-forte aux combattants du FLEC à Tchiowa, la capitale cabindaise, où les combattants du commandant Bissafi peinent à s'imposer face à ceux du MPLA. Le 10 août, Tchioufou se proclame "président du Cabinda libre" dans un discours en français, la nouvelle langue officielle, incompréhensible pour la grande majorité des hominines de l'enclave. De ce point de vue là, le macédonien aurait pu faire l'affaire... Pendant un peu moins de trois mois, les combattants du FLEC et de son homologue "rouge" parviennent à repousser les attaques du MPLA, sous l'œil bienveillant d'un gouverneur portugais favorable à la cause cabindaise. Après son remplacement en novembre, les autorités portugaises et le MPLA reprennent rapidement le contrôle de la situation et chassent de Tchiowa les combattants du FLEC et les mercenaires. Ils sont repoussés vers la frontière congolaise, emmenant avec eux des prisonniers angolais et portugais. L'intervention de l'armée congolaise permet de libérer les prisonniers. Les mercenaires sont arrêtés, puis expulsés après quelques mois de prison à Brazzaville. Les différentes factions du FLEC sont très divisées sur les suites à donner à cette éphémère indépendance[43]. Aidés par des militaires cubains, les combattants du MPLA prennent le contrôle de l'enclave de Cabinda. Conscient des volontés d'annexion des Congo et Zaïre voisins, ainsi que de l'intérêt économique qu'il représente, le MPLA réaffirme dès septembre 1974 que ce territoire est "partie intégrante" du futur État angolais indépendant. Le Zaïre réclame l'organisation d'un référendum d'autodétermination dans l'enclave. En représailles, des villages cabindais sont détruits par l'alliance militaire cubano-angolaise et quelques hominines déportés vers le camp de Bentiana, dans la province de Namibe au sud-ouest de l’Angola. Critiqué pour ses proximités avec Elf, José Auguste Tchioufou est remplacé à la tête du FLEC de Pointe-Noire par Alfred Raoul, originaire du Cabinda et ancien premier ministre congolais. Pointe-Noire abrite alors plus de 3000 hominines, mâles et femelles, nés dans l'enclave mais de nationalité congolaise. Le siège du FLEC est alors situé dans un faubourg pauvre de la ville, en face du bar Kronenbourg.
Environ 150 combattants de l'éphémère "Cabinda libre" sont réfugiés depuis novembre 1974 dans un village congolais, à quelques kilomètres de la frontière cabindaise. Au Zaïre, Entre 800 et 2000 hominines sont entraînés dans des camps dans la région de Tshela avec le soutien politique du président zaïrois Mobutu et l'aide financière étasunienne. Les antagonismes entre la faction de Luis Ranque Franque et celle de Henriques Tiago Nzita sont de plus en plus profonds. Alors que l'un annonce à Paris la constitution d’un gouvernement cabindais en exil, le 1er août 1975 Luis Ranque Franque proclame l'indépendance de l'enclave de Cabinda lors d'un sommet de l'Organisation de l'Unité africaine en Ouganda. La population est alors d'environ 80000 hominines, mâles et femelles, dont 8000 sont des portugais. L'exploitation du pétrole par l'entreprise américaine ne s'est pas arrêtée pendant cet intermède d'un "Cabinda libre". Les gisements offshore sont inatteignables pour le FLEC ou le MPLA, et les gisements terrestres sont protégés d'hypothétiques attaques car ils sont situés sur une presqu'île dont l'accès est truffé de mines et de barbelés. Une milice armée privée vient en soutien à ce système de défense[45]. Pour autant, les États-Unis d'Amérique sont inquiets pour leurs intérêts pétroliers. Que la future Angola soit aux mains des "communistes" du MPLA est, selon eux, un risque majeur contre l'entreprise Gulf Oil. Venant du Zaïre, environ 2000 combattants du FLEC (faction Franque) et des militaires zaïrois entrent dans l'enclave de Cabinda le 2 novembre 1975. Ils sont encadrés par 150 mercenaires dirigés par John Stockwell[46], un membre de la fameuse CIA étasunienne. La participation française à cette opération militaire est moins "massive". Les réseaux clandestins et informels de la politique africaine de la France sont mobilisés. Ainsi, même si selon John Stockwell ils n'ont pas brillé au combat, une vingtaine de mercenaires français sont chapeautés par Bob Denard[47]. Face à cette offensive militaire du FLEC, le MPLA et ses alliés cubains reculent dans un premier temps sur la capitale Tchiowa. Mais la contre-offensive repousse en quelques jours les forces du FLEC qui se retirent au Zaïre après plusieurs combats. L'opération est un échec et fait de très nombreux morts et blessés parmi les assaillants. Le MPLA prend le contrôle de toute l'enclave. Les gisements de Gulf Oil demeurent en place tranquillement. Le 11 novembre 1975, le MPLA proclame l'indépendance du nord de l'Angola, enclave de Cabinda comprise, sous le nom de République populaire d'Angola alors qu'au sud, le même jour, le Front national de libération de l'Angola (FNLA) et l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) proclament celle d'une République démocratique et populaire. La fin de 15 années de lutte anti-coloniale et le début d'une guerre civile de vingt cinq ans. Exclave cabindaiseLa défaite militaire de novembre 1975 et la proclamation de l'indépendance de l'Angola portent un coup au Front de libération de l'enclave de Cabinda (FLEC) et attisent les critiques contre les choix politiques des factions menées par Luis Ranque Franque et Henriques Tiago Nzita. Le FLEC de Franque est favorable aux négociations alors que le FLEC-FAC (Forces armées cabindaises) de Nzita préconise la continuation de la lutte armée contre les nouvelles autorités angolaises. Considéré comme un "agent de l'impérialisme américain", le FLEC "Rouge" d'Alfred Raoul est interdit au Congo. Il se retranche au Gabon avec l'appui des services secrets de la France. L'entraînement des combattants de cette faction est pris en charge par Jean da Costa, un ancien militaire et (ancien ?) espion français, qui devient ainsi le chef d’état-major de ce FLEC "Rouge" daltonien. Face à l'obstruction systématique du Congo et confrontée à son éloignement géographique de l'enclave de Cabinda, cette faction du FLEC périclite rapidement. Les accords de juillet 1976 entre l'Angola et le Zaïre, qui garantissent à ce dernier un meilleur accès aux ports angolais, sonnent le glas du soutien zaïrois au FLEC. Beaucoup de ses membres sont expulsés et l'aide financière se tarie. Au Congo, la répression s'accentue contre le mouvement cabindais. Les contestations internes au FLEC-FAC aboutissent en 1977 à l'apparition d'un nouveau mouvement le Commandement militaire de libération du Cabinda (CMLC) dirigé par Marcelino Luemba Tubi[48]. Les choix politiques de Nzita sont rendus responsables de l'arrestation récente de près de 400 cabindais par les autorités congolaises et son comportement est jugé népotique. Des affrontements armés entre ces deux mouvements cabindais font une centaine de morts. Une première dans l'histoire récente de l'enclave de Cabinda. Entre 1976 et 1978, les forces armées de la République populaire d'Angola vont se livrer à une traque des combattants et sympathisants du FLEC et de leurs familles. Ils n'hésitent pas à pénétrer en territoire zaïrois pour les poursuivre après des affrontements. Des villages sont détruits et plusieurs dizaines de milliers d'hominines, mâles et femelles, sont contraints de fuir l'avancée des combattants angolais. Beaucoup trouvent refuge au Zaïre, dans les régions frontalières, où illes s'installent dans ce qui deviendra des camps de réfugiés. Manquant de moyens en hominines et en armes, les combattants du FLEC multiplient les escarmouches et réalisent plusieurs enlèvements d'ingénieurs étrangers. Des techniciens portugais travaillant pour Gulf Oil dans l'enclave sont temporairement enlevés et des combattants du FLEC kidnappent au Congo trois techniciens français le 15 janvier 1977. Selon l'un d'eux, après une marche de cinq jours avec un groupe d'une centaine de combattants, ils sont retenus dans un village cabindais, puis relâchés deux semaines plus tard[49]. L'armée angolaise et ses alliés cubains assurent la protection des installations de Gulf Oil. Après une interruption temporaire de ses activités sous la pression politique des États-Unis d'Amérique, l'entreprise a repris l'exploitation des gisements après un accord avec les autorités de la République populaire angolaise : 49% pour Gulf Oil et 51% pour l'entreprise angolaise Sonangol. Avec l'enclave de Cabinda intégrée à l'Angola, ce pays est alors le quatrième producteur africain de pétrole. Alors qu'au sud de l'Angola, la République populaire et démocratique exploite les zones diamantifères pour financer les activités militaires de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), au nord, la République populaire du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) profite des revenus du pétrole. Depuis la proclamation de ces deux républiques concurrentes, l'UNITA et le MPLA se mènent la guerre pour le contrôle total de l'Angola et la reconnaissance internationale. Dans un contexte international polarisé autour du "communisme" vs "capitalisme", d'une concurrence économique entre États alliés, d'une permanence des luttes anti-coloniales, d'expansionnisme régional d’États africains et du régime ouvertement raciste en Afrique du Sud, les soutiens vont être un véritable sac de nœuds. Les ingrédients de la macédoine nauséabonde qu'est la géopolitique. Le MPLA est soutenu par la Russie soviétique, Cuba et le Congo, l'UNITA par les États-Unis d'Amérique, la France, la Chine, le Zaïre et l'Afrique du Sud. Dans un premier temps, les États-Unis d'Amérique, la Chine et le Zaïre font le choix du Front national de libération de l'Angola (FNLA) mais il est quasi absent lors de la guerre civile angolaise. En ce qui concerne l'enclave de Cabinda, les ex-soutiens régionaux congolais et zaïrois des différentes factions du FLEC ne réclament plus l'indépendance ou le rattachement mais un droit à l'autodétermination avec une possibilité de référendum pour une intégration à l'un des deux pays ! Ou un statut d'autonomie interne à l'Angola. Environ 2000 militaires cubains sont stationnés dans l'enclave. Bien implantées au Congo, les entreprises pétrolières françaises convoitent toujours les côtes cabindaises et angolaises où leurs concurrentes étasuniennes sont déjà implantées. Les réseaux clandestins, les financements occultes, les ventes d'armes et les opérations clandestines sont les outils de la guerre économique que se livrent ces entreprises pétrolières. À tout cela, se mêle le vaste univers de l'anti-communisme officieux qui draine des aventuriers d'extrême-droite, des fondamentalistes christiens de la "Secte Moon", des philanthropes fortunés et des mercenaires professionnels. À la charnière des années 1970 et 1980, le Commandement militaire de libération du Cabinda (CMLC) est confronté à des divisions internes qui reprochent à Francisco Xavier Lubota[50], chef militaire du CMLC, de se comporter en despote et d'accepter l'aide de la Ligue anticommuniste mondiale — un conglomérat hétéroclite et non-gouvernemental de lutte contre le fameux "péril rouge" dans le monde entier — et d'être lié à la secte Moon. Dissident du CMLC, il crée son propre mouvement en 1979 — connu sous le nom de FLEC-Lubota — mais il met ses activités en suspend après un accident. En 1983 le FLEC-Position Militaire (FLEC-PM) se détache du CMLC parmi les militants du camp de réfugiés de Kimbianga au Zaïre. La même année, des militants quittent FLEC-FAC pour former le Front pour la libération nationale de l’enclave du Cabinda (FLNEC). Désireuse d'affaiblir le MPLA et intéressée par les richesses pétrolières cabindaises, l'UNITA met en place grâce à l'aide logistique sud-africaine une unité de combat cabindaise, l'UNIFLEC, qui mène plusieurs actions contre les intérêts de Gulf Oil — devenue Chevron — dans l'enclave, dont le bombardement d’un oléoduc près de Tshiowa en juillet 1984 ou la destruction d'un hélicoptère et le sabotage de plusieurs oléoducs l'année suivante. Peu après, apparaissent des mouvements directement proches de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), tel l’Union nationale pour la libération du Cabinda (UNALEC) en 1985, ou le Mouvement de résistance totale pour l’indépendance du Cabinda (MRTIC) de Afonso Massanga[51] en 1986. Issu d’une scission du FLEC, le Comité communiste du Cabinda (CCC) voit le jour en 1988. Il est dirigé par Kaya Mohamed Yay et Geraldo Pedro. La fragmentation de la mouvance indépendantiste cabindaise est extrême et son activité militaire est très faible au cours de la décennie 1980. Après les condamnations à mort en mai 1981 de 6 militants du FLEC et à 24 années de prison pour quatre autres, pour leur implication dans des sabotages, les autorités angolaises du MPLA accordent une amnistie en 1983. Des prisonniers sont libérés et environ 8000 personnes quittent des camps de réfugiés zaïrois pour retourner dans l'enclave. L'année suivante, des pourparlers sont entamés entre l'Angola et certains mouvements cabindais, mais cela ne fait pas l'unanimité parmi eux. Le choix de l’Union nationale de libération du Cabinda (UNLC) — créée en 1985 et dirigée par Luis Carneiro Gimby — de négocier un statut d'autonomie est largement critiqué par les autres composantes de la lutte qui y voient une traîtrise. Ce contexte de négociations est un moment de déchirement entre les différentes organisations cabindaises et d'explosion de nouveaux sigles se réclamant d'un FLEC ou l'autre. La décision de l'Angola et du Zaïre de tenir leurs frontières strictement fermées permet d'empêcher tout échappatoire pour les combattants cabindais et les met dans l'impossibilité d'avoir des bases arrières dans les pays limitrophes à l'enclave. Notes
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