Black War

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Black War (црна војна en macédonien - guèrra negra en nissard) Version anglophone la plus proche de la "Guerre noire" francophone, et réciproquement.


[En cours de rédaction]


Sens a·variés

"Go nuts" in english [1]

Dans toutes les pratiques linguistiques du monde, les mots ont une histoire. Celle-ci n'est pas exclusivement du domaine de l'étymologie. Ni de l'orthographe. Les définitions changent avec le temps, elles se modifient progressivement. Parfois même jusqu'à vouloir dire l'inverse, à l'exemple de rien qui signifiait chose avant de devenir un synonyme de néant. Le sens des mots est à l'image de l'époque à laquelle ils sont employés. Ils se disent et s'entendent dans un contexte social, politique ou culturel particulier. Chaque mot est le reflet d'une idée de son temps, tout autant qu'il le modèle. Deux sens opposés, ou nuancés, peuvent même coexister. Des expressions avec rien rendent cette situation linguistique singulière : "Rien que je veux" s'oppose à "Je veux que rien". Les processus linguistiques ne sont pas des règles immuables, empruntant des chemins de traverse, des périples biscornus, dont les résultats peuvent être étonnants. Par exemple, l'ancien noiantir ou néantir, avec le sens de réduire à néant, a évoluer vers le moderne anéantir en gardant le même sens. Pourtant le préfixe privatif a- indique que le mot exprime ainsi le contraire ou l'absence de ce qu’il exprimait. Idem avec annihiler, basé sur la racine nihil, "rien", et le préfixe privatif an-. Sans ce préfixe, nihiler en dit déjà beaucoup. Des normes et des pratiques se font et se défont selon les contextes. Difficile de faire un retour en arrière ou une nouvelle proposition sans prendre le risque d'un contresens. Par exemple, s'il est vrai que le suffixe privatif a le même effet sur aplatir, l'introduction du simple platir pour exprimer exactement la même chose peut prêter à confusion aux époques où les platistes existent. Cette problématique existe déjà avec le mot nihiliste qui laisse à penser que des hominines [2] sont adeptes de rien, comme s'illes étaient pour rien alors qu'il s'agit d'être contre tout. Même pour Victor Hugo, dans son roman Les misérables consacré aux moins-que-rien, cette ambiguïté est source de malentendu :

Le nihilisme est sans portée. Il n’y a pas de néant. Zéro n’existe pas. Tout est quelque chose. Rien n’est rien. [3]

Guerre

Si ce n'est la langue dans lesquels ils sont employés, il n'y a pas de différence entre les mots guerre et war. Leur sens et leurs étymologies sont identiques. Bien que dite latine, la langue française c'est construite aussi au fil des siècles sur un fond germanique, alors que l'anglais est considérée comme une langue germanique ayant moult latinismes. Les glissements entre ces deux langues en construction se sont fait à partir de la seconde moitié du XIème siècle après JC [4] par l'intermédiaire de l'anglo-normand. Arrivant de Normandie, Guillaume et ses armées conquièrent alors l'île britannique et importent leurs pratiques linguistiques d'oïl qui se mêlent au "vieil anglais" [5] en usage. L'anglo-normand devient la langue de la royauté, de son aristocratie et de sa bourgeoisie commerçante avant de laisser placer à l'anglais actuel. Ce dernier comporte des milliers de mots venant de Normandie. Parmi ceux-ci le terme war, dérivé de werre. A dictionary of the Norman or Old French language recense la forme wiere [6] et les lexiques de pratiques linguistiques anciennes du nord de la France mentionnent des formes apparentées. L'étymon est germanique et se retrouve dans la plupart des langues germaniques actuelles. La mutation de werre dans plusieurs langues latines a donné guerre en français et guerra en castillan, en portugais ou en nissard par exemple. La transformation du w initial en un g est un phénomène constaté dans d'autres termes : le waitier normand est le wait anglais et le guetter français. Idem avec warde, ward et garde. La racine latine bellum pour nommer la guerre est encore présente dans la langue française moderne dans belliciste, belligérant·e ou belliqueux et belliqueuse pour en citer quelques-uns. Ou encore rebelle et ses dérivés. Utilisée en français, l'expression casus belli — au sens de "occasion de guerre" — conserve cette racine latine.

La signification première de war ou de guerre est une opposition ou un conflit entre deux parties, même s'il est possible d'être en guerre avec soi-même. Généralement, une guerre oppose à minima deux individualités, une individualité à un groupe, ou deux groupes. Seul le contexte explicite permet de déterminer le sens exact à donner à ce mot. Mais cela ne se limite pas à un tête-à-tête, en effet les parties prenantes à une guerre peuvent être plus de deux camps. L'utilisation de guerre doit se faire avec prudence et nécessite d'être qualifié car toutes les guerres ne sont pas de même nature.

Parce que t’es rien. Rien ! T’es le contingent, un simple outil, à peu près autant qu’un manche de pelle. Si tu vis, c’est que les obus n’ont pas voulu de toi ! [7]

Rien de comparable entre une guerre entreprise par un État avec son armée et celle que livre un petit groupe d'hominines. La comparaison entre une guerre d'agression et une stratégie de défense n'est pas raisonnable. Les moyens mis en œuvre, les motivations et les conséquences ne sont pas identiques. Selon les contextes, une guerre peut être totale, asymétrique, civile, sociale, etc. Elle peut être éclair ou longue. Militaire ou économique. Elle peut être qualifiée de civilisation, d'extermination ou de libération, selon le sens que veut lui donner les parties belligérantes. L'emploi du terme guerre pour nommer une opposition ou un conflit n'est pas un simple descriptif d'une réalité mais relève d'un choix politique d'au moins l'une des parties en présence. L'imaginaire qui entoure la guerre lui donne une dimension exceptionnelle, loin de la simple guéguerre. La multiplicité d'usage que "guerre" peut revêtir fait que son emploi est aussi obscur que son antonyme, la paix.

Noir·e

Les mots black et noir ont une étymologie différente. Pour l'un, elle est à chercher dans des germanismes, pour l'autre dans des latinismes. Le "vieil anglais" qui se parle avant l'invasion normande utilise blæc dans le sens de "totalement sombre" [8] et de "brûlé". Cela se retrouve dans plusieurs autres pratiques linguistiques germaniques anciennes des actuelles territoires de la Norvège aux Pays-Bas, en passant par l'Allemagne. Blakkr, blah et blakken sont très proches. Pour les linguistes qui tentent de reconstituer une langue commune, ancienne et fictive, à l'ensemble des hominines du continent européen et voisinage, l'étymon hypothétique *bhleg est à rapprocher de ceux qui constituent le latin flagrare ou le grec ancien phlegein et qui ont le sens de "brûler". Usité dans déflagration par exemple. La couleur noire est plutôt rendue par le vieil anglais sweart, proche du schwartz de l'allemand moderne, qui est progressivement supplanté par black dans l'anglais moderne. Les pratiques linguistiques anglaises conservent jusqu'au XVème siècle l'ambiguïté de sens entre les mots blake, blak et blac qui signifient tout autant "pâle" que "sombre". En rapport avec le scintillement ou la lumière pour le premier, et à l'obscurité pour le second.

La langue française standardisée actuelle ne conserve (presque) aucun mot forgé sur cet étymon. À noter l'hypothèse de la blaque du XVIIIème siècle ou la blague moderne, l'étui destiné à contenir du tabac ou la plaisanterie. Selon certains dictionnaires, son origine est une variation de l'anglais black par des marins français du XVIIIème siècle qui ont "l'habitude de rapporter des étuis à tabac en cuir des colonies britanniques, où le tabac était cultivé, et ils auraient utilisé le terme black pour décrire la couleur sombre de ces étuis" [9]. Le dictionnaire de l'EHPAD linguistique qu'est l'Académie française avance que la blague est à rapprocher du néerlandais balg, "gaine ou enveloppe" [10]. Le sens de "plaisanterie" ou de "farce" apparaît dans les dictionnaires du début du XIXème siècle. Toujours très en décalage avec son temps, la septième édition du guide de l'EHPAD avalise la signification de "mensonge", de "vanterie", en 1878. Hypothétiquement en rapport avec l'aspect gonflé, boursoufflé, d'une blague à tabac. Le sens de "farce visant à se moquer" n'apparaît que dans la version suivante en 1935 [11].

Le Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW) indique que la même racine que black se retrouve dans les pratiques linguistiques locales de quelques régions du nord-ouest de la France dans la première moitié du XXème siècle. Non pour désigner la couleur mais pour le fait de brûler. Une blaque est "une flamme, une étincelle", une blaquée ou une blaquède sont une "flambée" et blaquer signifie "scintiller". Des variantes anglo-normandes sont attestées depuis le XIIème siècle et suivant. Blac, blache, blachhe, blacke ou blake, mais aussi blec, blecce, blecche ou blech se traduisent par l'anglais black. Et black se traduit en français par noir·e. Ce que confirme le ménestrel Jean-Philippe "Johnny Hallyday" Smet, seigneur de Lapalissade, lorsqu'il déclame "Noir c'est noir" en traduction de la célèbre platitude amoureuse "Black is black" du groupe de troubadours espagnols Los Bravos [12] :

Noir c'est noir
Il me reste l'espoir
Oui gris c'est gris
Je n'veux plus d'ennuis, oh, oh
Ça vaut le coup
De sauver notre amour
Rien que pour nous
De sauver notre amour
Rien que pour nous [13]

L'étymologie de noir·e est le latin niger. Une racine qui se retrouve dans de multiples langues latines sous la forme negr- et qui est aussi utilisée dans des langues telles que l'anglais. Dans l'espace linguistique francophone ancien, les formes noir et neir [14] coexistent mais la plupart des mots d'alors se constituent à partir de nègre. L'adjectif pour qualifier de noir est negrin et le negrier est une espèce de vigne sauvage [15]. Le vocabulaire incluant noir va se diversifier. Outre la couleur, ces variantes indiquent aussi des notions de tristesse, de mort, de lugubre ou d'hostilité. La noirceure est la marque de coups portés et n'est pas encore la noirceur et noirdir est le fait de noircir, dans le sens de l'expression "noircir le tableau" et non pas une histoire de changement de couleur. Déjà présent en latin et encore en usage dans la langue française, seul dénigrer et ses dérivés se rattachent à la racine niger avec ce même sens.

Scène de "porno interracial" entre femelle bleue et translucide sans genre [16]

L'utilisation du nom ou de l'adjectif noir·e pour catégoriser des populations d'hominines a progressivement supplanté celui de nègre. Avant les postulats racistes qui se mettent en place au cours des siècles, il n'y avait aucune connotation péjorative dans cet emploi. Le sens se veut alors essentiellement descriptif et n'induit pas une origine géographique ou un groupe particulier d'hominines. Au XVIIème siècle, "Avoir la peau noire" signifie avoir les cheveux très bruns, noiraut et noiraude sont utilisés pour indiquer la couleur dominante du pelage d'une espèce animale. La noiraude est une célèbre vache hypocondriaque [17]. Les langues française et anglaise ont longtemps utilisé nègre et nigger pour désigner plus spécifiquement les hominines d'Afrique, dans un premier temps, puis plus généralement les populations d'hominines ayant la peau noire selon celleux qui pensent que la leur est blanche. Il n'y a aucune réalité à cela. Nigger et ses dérivés sont empruntés à la langue française. Avec blewman [18], l'anglais hésite et propose le bleu pour caractériser des hominines dans un même ensemble de couleur de peau alors que le français fait le choix du noir pour les mêmes hominines et garde le bleu pour la couleur du sang des aristocrates. Pour ne pas faire d'erreur de traduction, les hominines de couleur bleue sont noir·es et inversement. Ce sont les hominines dit "de couleur". La blague la plus célèbre sur ce sujet est écrite par le stand-upper de la négritude Léopold Sédar Senghor [19]. Dans Poème à mon frère blanc, il se moque de cette assignation à la seule couleur noire par celleux qui se disent appartenir à la blanche mais passent par plusieurs autres selon les circonstances, et ce tout au long de leur vie. "Rions noir" et inversement. La géographie de l'Afrique est une chose imprécise pour les hominines d'Europe. Les gueules noires ne sont pas dans les mines du nord de l'Europe mais quelque part au sud de la Méditerranée. Le racisme scientifique et ses théories fumeuses qui s'élaborent à partir du XVIIème siècle confirment ce que le racisme religieux affirme depuis des siècles. En effet, selon les textes moïsiens et christiens, les hominines de "race noire" sont la descendance de Cham, maudite par son propre père Noé [20]. Pour rappel, Noé est un personnage de fiction principalement connu pour avoir construit une arche afin d'y regrouper un couple mâle/femelle de chaque espèce pour les sauver de l'anéantissement par un déluge divin et, selon les théories les plus crédibles, être le principal responsable de la disparition des licornes après en avoir pris par erreur deux de même sexe [21].

Le racisme moderne va changer le sens des mots et imposer des hiérarchies fantasmées entre les hominines. De fait, noir·e et nègre deviennent des qualificatifs dévalorisants qui ne nécessitent pas forcément de les faire précéder de sale pour dénigrer. Ils ne sont plus simplement utilisés pour nommer des hominines à la peau sombre mais plutôt pour affirmer une prétendue suprématie des hominines à la peau claire, dite "blanche". Ces leucodermes — du grec leuco- "blanc" et derme "peau" — justifient ainsi la mise en esclavage, la maltraitance, la ségrégation, voire l'extermination, des populations qualifiées de nègres — les mélanodermes, du grec mélano "noir". Leurs territoires peuvent donc être annexés et leurs femelles convoitées par la force. Des caractères psychologiques, des déterminismes culturels ou des archétypes civilisationnels sont prêtés aux populations et aux individus à la peau sombre. Ils ne sont en aucun cas des manières de s'auto-définir. Par effet miroir, illes sont ce que les populations et les individus à la peau claire ne sont pas. L'imaginaire sexuel, par exemple, fait partie des domaines où le suprématisme blanc exerce sa rhétorique. Les "hommes noirs" sont considérés comme fougueux et dotés d'un sexe énorme alors que les "femmes noires" sont vues comme débridées et nymphomanes. Cela sert tout autant de repoussoir que de fantasmagorie. Le "Nègre" imaginaire est un concurrent sérieux pour les mâles blancs et un danger pour les femelles blanches, exposées à cette animalité sexuelle, alors que la "Négresse" imaginée est une concurrente pour les femelles blanches et un fantasme inavouable pour les mâles de leur couleur. Dans le contexte des cultures misogynes d'Europe, cet imaginaire raciste permet de justifier le contrôle sur les mœurs, les comportements et la sexualité des femelles par les mâles et de justifier les débordements de ces mêmes mâles. En parallèle, ces archétypes racistes fondent l'argumentaire d'une inégalité entre les sexes. Qui peut réellement protéger les femelles blanches de leur propres faiblesses morales et de la violence noire, si ce n'est les mâles leucodermes et leurs nationalismes [22]. Dans la réalité du monde, hors des catégories, il n'existe personne qui est de couleur noire, pas plus que blanche. Tout est en nuance. Du bleu nuit au cuivré en passant par des multiples sombres, dans un cas, et dans l'autre du mat au rosi, en passant par le blême. Il n'y as pas de véritables frontières entre des couleurs précises mais un vaste nuancier de teintes. Ceci est la conséquence logique d'une origine commune. La peau sombre des hominines les plus préhistoriques de l'Angleterre actuelle est dorénavant un fait acquis [23]. Rien à voir avec le prénom ou le patronyme Blake qui vient du moyen-anglais blake dans le sens de "pâle".

Rien ni personne ne pourra étouffer une révolte
Tu as semé la graine de la haine, donc tu la récoltes
Les rebelles et les rebuts ont tous opté pour le boycott
Faisons en sorte que les aisés nous lèchent les bottes [24]

À une époque plus contemporaine, les usages de black, noir·e et nègre se sont transformés. Des hominines à qui ces qualificatifs injurieux sont destinés se les réapproprient et les retravaillent pour leur donner une dimension positive. Pour en faire une marque de fierté et une méthode émancipatrice. Ce mouvement de contestation, tout autant que d'affirmation, apparaît et se développe dans le début du XXème siècle parmi les hominines mélanodermes des États-Unis d'Amérique et des Caraïbes [25], et entre les deux guerres dite mondiales, dans les populations colonisées d'Afrique.

Sur le continent nord-américain et ses îles caribéennes, l'esclavage [26] a laissé place à la ségrégation entre "Blancs" et "Noirs". Avec le slogan "Back to Africa", Marcus Garvey et son Universel Negro Improvement Association (Association Universelle pour le Progrès Nègre - UNIA) sont favorables à une migration-retour vers l'Afrique alors que W.E.B. Du Bois et la National Association for the Advancement of Colored People (Association nationale pour la promotion des gens de couleur - NAACP) militent pour rester dans de meilleures conditions. La vie sociale est organisée par un pouvoir politique leucoderme pour que les deux catégories aient des lieux séparés. Les restaurants, les hôtels ou les transports en commun, pour quelques exemples, ne sont pas des endroits à partager. Cette ségrégation raciale se double d'une hiérarchisation sociale : La pauvreté et la misère sont majoritairement une histoire et une réalité noires. Ce système semble si bien rodé qu'Adolf Hitler [27] envoie ses spécialistes pour l'étudier et ensuite instaurer la meilleure réponse à ses propres préoccupations racistes. Pour voyager aux États-Unis d'Amérique, il est alors préférable de se procurer The Negro Motorist Green Book [28], un guide publié entre 1936 et 1964 pour "donner au voyageur noir une information le mettant à l'abri des difficultés et tracas, rendant son voyage plus agréable". Il s'inspire de guides similaires destinés aux moïsiens nord-américains victimes elleux-aussi de discriminations. Évidemment, les lois ségrégationnistes ne sont pas respectées par l'ensemble des hominines à la peau claire. Une minorité y résiste. La seconde moitié du XXème siècle est celle du "Black Power" [29]. L'affirmation politique que "Black is Beautiful", que la couleur noire est belle. Elle aussi. L'usage de Negro n'est plus vraiment d'actualité et le "Nigger !" ne sort que de bouches racistes. Les revendications sont politiques, sociales et culturelles. Derrière cette demande d'égalité, il y a aussi le postulat d'une reconnaissance de la pleine participation à la construction d'un pays dans lequel illes vivent. L'histoire, la culture ou l'économie étasuniennes sont indissociables des populations noires descendantes des esclaves des siècles passés. George Washington qui donne son nom à la capitale aurait-il été le premier président étasunien sans ses esclaves ? Hollywood serait-elle synonyme international de cinéma sans sa première superproduction Naissance d'une nation [30] en 1915, une version raciste de l'histoire récente ? Qui connaîtrait Elvis Presley sans les "musiques noires" tel que le blues ? Comment une économie florissante aurait-elle pu se développer sans sa mélano-main-d'œuvre et ses leuco-moins-que-rien ?

Dans l'espace francophone colonial et métropolitain, la négritude est revendiquée par des hominines vivant le racisme au quotidien dans les années 1930. Dans un contexte anticolonial, elle se définie comme mouvement littéraire et politique. Elle propose de passer du négrier aux "Neg' Riez !" [31]. Un de ses chantres, Léopold Sédar Senghor explique que "la négritude est un fait, une culture. C'est l'ensemble des valeurs économiques, politiques, intellectuelles, morales, artistiques et sociales des peuples d'Afrique et des minorités noires d'Amérique, d'Asie, d'Europe et d'Océanie." La négritude ne cherche pas l'indépendance mais la reconnaissance. La langue française est tout autant vecteur que synonyme de la colonisation. L'approche de la négritude est critiquée, jugée très intellectuelle. Selon l'écrivain nigérian Wole Soyinka en 1962, "Le tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore." [32] Pour lui, il y a d'autres priorités que la reconnaissance de la négritude. "Pourquoi fallait-il gaspiller notre énergie dans de vaines rhétoriques alors que notre continent se débattait dans des problèmes politiques et économiques insurmontables ? La situation nécessitait que l’on agisse avant tout." Il relativise plusieurs années après en précisant que le contexte colonial français et ses procédés diffèrent des pays sous domination anglaise. Les luttes anticoloniales peuvent ne pas être identiques. "Ma réflexion sur la question de la négritude a beaucoup évolué à partir du moment où j’ai compris que la libération des Africains francophones passait nécessairement par l’affirmation de l’identité noire. Les Senghor, les Césaire, les Damas étaient les produits typiques de la colonisation française, qui, en voulant faire de l’élite noire des Français à part entière, ont déclenché ce mouvement de rébellion intellectuelle et poétique. On a assisté à un phénomène similaire dans les colonies portugaises où l’assimilation des autochtones était la politique officielle. Les Anglais, pour leur part, s’étaient toujours gardés de s’immiscer dans la vie culturelle de leurs sujets africains tout simplement parce qu’ils les croyaient incapables de s’adapter à la culture britannique, nécessairement supérieure." [33] Le racisme est polymorphe. Depuis 1971, une Maison de la Négritude et des Droits de l'Homme [34] est ouverte dans la petite ville française de Champagney dans le département de Haute-Saône. Elle se fixe pour but de perpétuer une mémoire de l'esclave, des luttes pour son abolition et de ses conséquences sur la réalité présente. Le choix de Champagney est symbolique. Ce village de Franche-Comté est l'un des rares villages où dans leur Cahier de Doléances [35] de mars 1789 figure clairement une demande d'abolition de l'esclavage [36]. Hors de ce contexte de la négritude, le nom ou l'adjectif nègre s'utilise pour des insultes racistes ou dans de rares mots. La Tête-de-Nègre, dorénavant renommée Tête-Choco, est une pâtisserie à base de blancs d'œufs battus ou de guimauve reposant sur une gaufrette ou un biscuit, le tout enrobé de chocolat. Un ou une nègre est une "personne anonyme qui rédige pour une personnalité, qui compose les ouvrages d'un auteur connu" [37]. Dans ce sens, le terme est épicène alors que le féminin classique de nègre — pour désigner les hominines — est généralement négresse. Exceptionnellement, il arrive que celle-ci soit verte [38].

Négro, négro plus rien ne m'étonne, plus rien ne me désole [39]

La réappropriation de termes racistes insultants est un phénomène qui touche les cultures populaires urbaines parmi les hominines qui les subissent directement. C'est-à-dire les hominines vivant en Europe ou dans les Amériques et les Caraïbes, dont l'ascendance se trouve en Afrique, et ce pour cause d'esclavage, de colonisation ou de migration. Cela est particulièrement visible dans les mondes anglophone et francophone à travers le hip-hop : Nigger et Négro se retrouvent dans de nombreux textes de rap. Mais pas seulement. Les cultures musicales s'emparent de ce vocabulaire pour le retourner, spécialement dans ce qui est appelé les "musiques noires" comme le rappelle le musicologue Élie "Booba" Yaffa dans son ouvrage Je me souviens : "Avant Michael Jackson et l'arrivée de la drogue. J'me souviens quand les négros n'étaient pas à la mode" [40]. Si les racistes utilisent plus discrètement le mot nègre dans leurs insultes, le racisme moderne se contente de noir·e pour vomir sa bile mélano-allergique. Pas la peine d'en dire plus, tant le mot est chargé de sous-entendus par celleux qui l'utilise en insulte. Une époque pas si lointaine où Michel Leeb faisait rire son public avec des sketches, mêlant "accent africain" fictif avec cris et gestuels de singe [41]. Pour les autres, il y a plusieurs façons de nommer sans injurier ou de s'auto-désigner sans honte. Renoi ou Kebla, le verlan [42] de noir·e et de black, sont d'un usage courant dans les décennies 1980 et 1990. L'utilisation du verlan est une méthode qui permet d'amoindrir la connotation péjorative et de faciliter ainsi la réappropriation. Le triptyque "Black Blanc Beur" [43] pour parler de la France est très en vogue en réponse au "Bleu Blanc Rouge" chauvin. Diversité vivifiante vs Consanguinité débilitante. Si dans un premier temps l'usage de Renoi, Black ou Kebla fait partie des pratiques linguistiques des milieux populaires, il s'étend aux autres couches sociales de la société française. Dorénavant même le psychopathe francophile Bernard Pivot ou les hominines qui écoutent France Culture sont capables de les comprendre. Actuellement, les usages sont encore en évolution. Renoi, Black ou Kebla sont vus comme des euphémisations qui nient une réalité sociale, culturelle et politique : les mécanismes discriminatoires à l'encontre de populations considérées noires par celles qui ne le sont pas. Nommer pour rendre visible. Assumer l'existence d'une assignation d'hominines, mâles et femelles, à la couleur noire par celleux qui sont dans la blanche. Et donc des réalités sociales, politiques et économiques différentes que cela a pour conséquences. Le racisme n'est pas qu'une opinion individuelle et ses retombées, une somme de préjugés collectifs, mais aussi un ensemble de processus discriminatoires et de mécanismes intégrés qui divisent la population entre leucodermes et mélanodermes. Qui défavorisent les Noir·es et avantagent les Blanc·hes. Pas de compétition entre les racismes, seulement des histoires différentes. Remplacer Noir·e par Arabe, Asiatique ou toute autre catégorisation racialisante fonctionne très bien.

Les problématiques sont similaires dans le monde anglophone. Les coloured people, les "gens de couleur", ont admis dans un premier temps le vocabulaire servant à les désigner, puis ont réussi à imposer une auto-dénomination. Plutôt que de s'accrocher à une couleur de peau avec Black People et Black American, il est préféré une référence à une africanité originel. Les Afro-American deviennent ensuite African American. Aujourd'hui Black semble être redevenue une couleur visible. Tristement célèbre avec ce nouveau slogan "Black Lives Matter" — "Les vies des noir·es comptent" — lancé après la mort de George Floyd, un afro-américain tué par trois policiers en 2020. Soixante ans après la fin de la ségrégation, les États-Unis sont un bon exemple de ce qu'est le racisme dit systémique : il est possible d'être "african american" et de se faire élire à la présidence d'un pays où il y a trois fois plus de risque pour des blacks de mourir lors d'une arrestation par la police. Un pays à deux doigts du chaos et de l'effondrement lorsque la population blanche découvre en 2016 que leur chanteuse préférée Beyoncé est devenue noire [44]. Inutile de proclamer que finalement tout le monde est de couleur bleue afin de faire cesser la ségrégation et le racisme si c'est pour conserver des places différenciées pour le bleu clair ou le bleu foncé. Le racisme est bien plus complexe qu'une simple histoire de couleur de peau.

Vers rien

Dans leur représentation du monde, les populations d'hominines leucodermes d'Eurasie, d'Amériques et du Moyen-Orient ont créé une cartographie où les empreintes d'une division raciale de l'existant sont encore présentes. À travers le globe, des populations sont étiquetées noires. L'Afrique subsaharienne est dite "Noire" et la région hérite d'un pays du nom de Soudan, abrégé de l'arabe "Pays des Noirs", et de Zanzibar, du persan zang, "Noir". L'expression persane زنگبار Zangi-bar signifie la "Côte des Noirs". En Asie du Sud-Est, aux Philippines, en Malaisie et dans les îles indiennes des Andaman et Nicobar, plusieurs société d'hominines sont qualifiées de negritos. Ce terme espagnol signifie "petits noirs" et désigne l'ensemble des populations d'hominines "à la peau noire" et "de petite taille" de cette région. Cette classification ne correspond à aucune réalité commune et les sociétés ainsi classées n'ont rien à voir entre elles, mais elle résume le manque d'imagination et le subtile racisme des colonisateurs espagnols arrivant dans les actuelles Philippines. Ce qualificatif englobe de très petites sociétés d'hominines — parfois encore chasseurs-cueilleurs. Il est un synonyme de "pygmées" qui lui désigne les hominines de petites tailles vivant actuellement en Afrique [45] [46]. En Océanie, la Mélanésie tient son nom de la couleur de peau assignée aux hominines. Elle est au sens strict "îles peuplées de mélanodermes", de la racine grecque nesos "île". Elle comprend l’île de Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’archipel de Bismarck, des Lousiades, des Nouvelles-Hébrides, de Salomon, les îles Fidji et la Nouvelle-Calédonie. Elle se différencie de l'Austronésie, de la Polynésie et de la Micronésie, des dénominations purement géographiques forgées dans le milieu du XVIIIème siècle par un lettré français [47]. De austra le "sud", de poly "nombreuse" et de micro- "petite" [48]. Outre la Mélanésie, la Polynésie et de la Micronésie, l'Austronésie comprend aussi l'Australasie. Cette dernière regroupe l'Australie, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande et toutes les petites îles associées. Dans les deux premières, l'anthropologie coloniale a établi que les populations autochtones devaient être dénommées aborigènes — "qui sont originaires", équivalent du français indigène —, tout en les classant néanmoins dans les populations mélanodermes d'Asie australe. Le militaire et explorateur français Jules Dumont d'Urville propose vers 1835 que l'Australie et la Tasmanie soient regroupées en une Mélanésie dans les nomenclatures géographiques. Il reprend à son compte le qualificatif de mélanien utilisé depuis une décennie par le botaniste français Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent pour désigner les hominines des îles de Tasmanie et de Papouasie-Nouvelle-Guinée, habitées selon lui par la race mélanienne. Ce dernier divise les hominines en quinze races [49]. L'australasienne est celle des hominines d'Australie et se différencie de la mélanienne. Selon sa nomenclature raciste, l'espèce mélanienne comprend les hominines de Mélanésie et de Tasmanie, les aborigènes de Taïwan [50] et les hominines de la Terre de Feu, dans l'extrême sud des Amériques [51].

La Tasmanie est une île de 60000 km2 — soit plus de quinze fois le département des Alpes-Maritimes, un peu moins de 3 fois la Macédoine — située à environ 200 kilomètres au sud de l'Australie. Plus de 16500 kilomètres de la rue Catherine Ségurane à Nice, environ 15400 du centre-ville de Skopje. Elle est parsemée d'un peu plus de 300 îles et îlots. Lors de la dernière période de glaciation — entre 100000 et 10000 avant le présent — alors que le niveau des eaux est plus bas, elle est rattachée à l'Australie. Les premières populations d'hominines s'y installent il y a environ 40000 ans. Elles sont la partie la plus méridionale des populations qui arrivent sur le continent australien quelques dizaines de milliers d'années plus tôt. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'Australie et la Tasmanie ne forme alors qu'un seul bloc. Sans lien terrestre avec le reste de l'Asie, l'arrivée de ces hominines se fait par voie maritime. Illes y découvrent une faune unique : les marsupiaux. La fonte des glaces au nord du globe et la montée du niveau des mers qui en découle sépare l'Australie de la Tasmanie vers 10000 ans avant le présent. Les cultures des hominines de Papouasie-Nouvelle-Guinée, d'Australie et de Tasmanie se différencient à cette période. La géographie et le climat de Tasmanie sont différents de l'Australie. Sa position très méridionale fait qu'elle est très exposée au vents violents du Sud du globe et très régulièrement arrosée par des pluies, ainsi que de neige lors de la saison froide de juin et juillet. L'ouest reçoit beaucoup plus de précipitations que l'est. Largement montagneuse dans sa partie occidentale, la Tasmanie est couverte de forêts, traversée de fleuves et parsemée de lacs. Le point culminant est le mont Ossa à 1614 mètres. Généralement, elle est divisée en trois écorégions. Sur l'ensemble de son territoire, au fil des millénaires, des sociétés d'hominines nomades se structurent autour de la chasse et de la cueillette. Du point de vue anthropologique, selon les quelques informations disponibles, des structures familiales sont regroupées en différents clans. Le nombre de clans n'est pas connu avec précision. Il est estimé à environ une soixantaine. L'existence de tribus — c'est-à-dire la fédération de plusieurs clans — n'est pas avérée. D'après les très rares relevés linguistiques, entre cinq et une quinzaine de langues différentes sont pratiquées sur l'ensemble de la Tasmanie. L'intercompréhension n'est pas systématique. Par exemple, selon un lexique datant de 1856, black peut se traduire phonétiquement par [maback] ou [mahanna] dans les langues de l'est et [loaparte] dans celles du sud, et war par [Kennamoimenya] à l'est et [moi mengan mabeli] au sud [52].

Rencontre entre deux mondes [53]

Dans un mélange de visées politiques et d'intérêts économiques, les puissances européennes se concurrencent dans le Pacifique et l'Océanie entre les XVIIème et XIXème siècles. Chacune recherche des territoires d'où elles peuvent tirer profit. L'Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la France font la course aux opportunités. Elles s'affrontent militairement, négocient entre elles ou se partagent lorsqu'elle ne peuvent faire autrement. Les routes commerciales maritimes charrient moult produits de l'Asie vers l'Europe. Avec leurs bateaux, les hominines arrivant d'Europe explorent progressivement les côtes australiennes et les cartographient. Les Pays-Bas revendiquent les terres côtières de la partie occidentale de l'actuelle Australie, nommées Nouvelle-Hollande depuis le milieu du XVIIème siècle. Cela ne se fait pas sans risque. L'épisode le plus médiatisé de ces voyages est l'aventure du Batavia. Le navire néerlandais fait naufrage dans le petit archipel corallien des îles Abrolhos de Houtman, à l'ouest de l'Australie, en juin 1629. Environ 300 personnes survivent et s'installent sur différentes îles en attendant l'arrivée des secours que le capitaine est parti chercher. Presque une cinquantaine de marins et d'officiers abandonnent ainsi à leur sort les autres hominines. À la tête d'un conseil, Jeronimus Cornelisz [54] prend alors les commandes de la petite communauté survivante. Avec l'aide de quelques hominines, il fait régner un ordre meurtrier sur l'archipel. Environ 125 hominines, mâles, femelles et enfants, se font tuer. Réfugié sur une des îles de l'archipel, un petit groupe d'hominines résistent au conseil. Jeronimus Cornelisz est finalement capturé et est pendu au début octobre 1629 après le retour de l'équipe de sauvetage.

En novembre 1642, un bateau néerlandais arrive au large de la future Tasmanie. À son bord, Abel Tasman [55], chargé par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales d'explorer la région à la recherche de nouvelles opportunités commerciales. Il est considéré comme le premier hominine blanc à poser les yeux sur ces rivages [56] qu'il cartographie et nomme Terre Van Diemen [57]. De façon très originale, le lieu où l'ancre est jetée sera par la suite nommée Péninsule Tasman et celui de la première rencontre avec des hominines sera la Blackman Bay. Cent trente ans plus tard, une expédition française menée par Marc Joseph Marion du Fresne débarque pour la première fois à terre, à la recherche d'eau potable. Ce dernier a reçu quelques recommandations de Rousseau sur la manière de se comporter en cas de rencontre avec des autochtones. Il est décidé à envoyer des marins nus à la rencontre des hominines qui se présenteront dans la plus simple nudité. L'accueil est chaleureux et la curiosité réciproque, jusqu'à ce que la rencontre dégénère par incompréhension. "Dès qu'ils eurent lancé leurs javelots, on leur répondit par une fusillade qui en blessa plusieurs, et en tua un. Ils s'enfuirent aussitôt dans les bois, faisant des hurlements affreux ; dans leur fuite ils portaient ceux qui, étant blessés, ne pouvaient les suivre. Quinze hommes armés de fusils les poursuivirent, et trouvèrent à l'entrée du bois un de ces sauvages mourant du coup de fusil qu'il avait reçu." [58] Cette "nouvelle" terre est ensuite très partiellement explorée par les britanniques en 1773 et en 1777 lors de l'expédition de James Cook. Une dizaine d'hominines sur la plage s'approchent du bateau et James Cook décide d'aller à leur rencontre. Cette fois, tout se passe bien. Ce moment est immortalisé par une gravure réalisée par un membre de l'équipage. Elle est, de fait, la première représentation connue d'hominines de Tasmanie. En mai 1792, l'expédition scientifique menée par Antoine Bruny d'Entrecasteaux jette l'encre dans une baie du sud-ouest de la Terre Van Diemen. Une pause de quelques semaines dans sa recherche d'une précédente expédition disparue à l'est de l'Australie et qui n'a pas donné de nouvelles depuis des années. Aucun contact entre des hominines autochtones et ces navigateurs, même si ces derniers constatent que la région est habitée. De retour en janvier 1793, pour quelques semaines, des échanges ont lieu entre autochtones et allochtones. L'un des botanistes de cette expédition publie en 1799, une Relation du voyage à la recherche de La Pérouse, en deux tomes [59]. Dans le second tome, il fournit un lexique de plus de 80 mots de la "langue des sauvages du cap de Diemen" [60]. Parmi ceux-ci, des termes liés à l'anatomie des hominines, à des activités sociales, des créatures de la faune et de la flore, et des considérations géographiques. Il est à noté la traduction de péter, "tanina", dont la présence dans ce lexique indique que cela revêt une importance particulière dans le rapport entre ces deux mondes qui se rencontrent. Rien sur le rot ou le bâillement par exemple. Le lexique propose aussi une traduction de moi et de pour moi, respectivement transcrits phonétiquement par mana et paouaï. Inutile d'y cherche une forme de pensée individualiste, il s'agit plus sûrement d'un choix pratique pour échanger. Vous est traduit, mais pas nous.

Un bateau britannique fait enfin le tour de la Terre Van Diemen en 1798, confirmant ainsi qu'il s'agit d'une île. Les expéditions française et britanniques, menées respectivement par Nicolas Baudin entre 1800 et 1803 [61], et par Matthew Flinders entre 1801 et 1803, sont une nouvelle étape dans le présence européenne dans la région. Les deux expéditions se croisent courant 1802 dans le sud de l'Australie et confirment qu'elle est un continent-île.

Afin de prendre de vitesse les possibles aspirations françaises sur la Terre Van Diemen [62], la première colonie britannique s'installe en 1803 dans le sud du territoire, sur la rive est de l'estuaire du fleuve Derwent. Un projet de bagne est lancé. Une seconde voit le jour l'année suivante sur la rive ouest du même estuaire. Puis une troisième. Les bagnards et leurs gardiens sont une cinquantaine d'hominines en 1803, environ 200 dans la deuxième en 1804 et plus de 140 pour la dernière. Depuis 1770 que les britanniques s'attribuent les zones côtières de l'Australie orientale, nommées Nouvelle-Galles du Sud, leur implantation colonisatrice se fait avec l'envoi en 1788 d'environ 730 hominines — mâles, femelles et enfants — pour être les pensionnaires du nouveau bagne et environ 300 pour les encadrer. Pour alléger ses prisons, la politique britannique consiste à déporter les hominines vers des colonies pénitentiaires à travers le globe. Selon les chiffres officiels, entre le premier transport pénitentiaire de 1788 et le dernier en 1868, plus de 162000 hominines, mâles et femelles, sont envoyés, via 806 bateaux, du royaume britannique et ses colonies vers ces bagnes des colonies de Nouvelle-Galles du Sud et du territoire diéménois [63].

Contre mon ami j’étais en colère,
Je dis ma colère, et elle prit fin.
L’étant aussi contre mon ennemi,
Je n’en dis rien, ma colère poussa. [64]

La colonie de 1803 n'est pas le premier contact entre les hominines de la Terre Van Diemen et les explorateurs, marchands et pêcheurs venant d'Europe ou des comptoirs européens d'Asie. La pêche au phoques et aux cétacés amène son lot de bateaux européens, et déclenche probablement la première épidémie chez les hominines autochtones. Des milliers d'entre elleux meurent de maladies encore inconnues dans cette région et contre lesquelles illes ne sont pas immunisés. Si la population autochtone est estimée entre 300000 et un million d'hominines pour l'île d'Australie, elle est à peine entre 3000 et 15000 pour la Terre Van Diemen. Les maladies importées, telle la variole, deviennent la cause la plus importante de décès des populations colonisées. Les antagonismes entre autochtones et autorités britanniques vont crescendo. Que ce soit en Nouvelle-Galles du Sud ou sur la Terre Van Diemen, les premières colonies pénitentiaires se transforment rapidement en une exploration et une implantation durable avec des petites villes sur des terres que les britanniques pensent pouvoir revendiquer. Lorsque un espace est vide de traces d'agriculture, il est considéré terra nullius, une "terre sans maître". "C’est au nom de ce fallacieux principe de terra nullius que la grande île coincée entre la Tasmanie au Sud et la Papouasie au Nord, l’Australie, fut colonisée par des apiculteurs – mais pas que – venus pour l’essentiel de l’ouest de la Macédoine et feignant penser n’y trouver personne." [65] Plus les colons s'aventurent sur des terres jusqu'alors inexplorées par elleux, plus le niveau de violence augmente. Outres les ressources naturelles qui sont exploitées et les territoires occupés, les colonisateurs kidnappent des hominines, mâles, femelles et enfants, pour servir de domestiques, de "femmes de compagnie" et de main-d'œuvre. Le premier acte de représailles de la part d'autochtones est le fait de Pemulwuy et quatre autres hominines qui abattent en 1790 un colon britannique de Nouvelle-Galles du Sud connu pour avoir tué des aborigènes [66]. Pendant une dizaine d'années, ils vont mener des attaques sporadiques contre des fermes et se venger sur quelques colons. En Terre Van Diemen, les premières oppositions à l'arrivée des britanniques et à leur politique coloniale ne se font pas attendre. Les aborigènes vandiéménisés — mâles et femelles — n'acceptent pas d'être traités comme de simples petits animaux sauvages. Illes refusent les violences des colons, des bagnards en fuite et la mission civilisatrice britannique. Pendant trente ans, illes vont être progressivement décimés.

Donc toi viens pas m'dire que j'fais la gueule pour rien
J'oublie pas qu'c'est, "Un jour t'as tout, demain t'as plus rien" [67]

Dans l'historiographie moderne qui s'écrit, ces trois décennies de résistance sont appelées Black War. Selon cette tournure linguistique, la Guerre Noire est celle menée par les hominines mélanodermes. Elle sous-entend qu'elle est à leur initiative, ou tout du moins qu'il n'est pas très british gentleman de refuser la main tendue par les autorités coloniales et la monarchie du Royaume-Uni. Est-ce cela l'ironie décalée et l'absurde qui définissent le fameux "humour anglais" ? "Ne pas faire à une barquette de Lu ce que l'on ne voudrait pas qu'une barquette de Lu nous fasse !!!" [68] est la tactique coloniale choisie par les britanniques. Ainsi la Black War n'est pas une guerre britannique mais noire. Cette appellation n'est pourtant pas le choix, ni une revendication, des hominines de la Terre Van Diemen, elle est leur réponse à une invasion violente. Malgré leur nombre et leurs armes à feu, les colonisateurs de tous poils ne parviennent pas à totalement réduire les petits groupes armés seulement de lances. Il est prévu de mettre en place une stricte ségrégation afin de régler la "question aborigène" sur la Terre Van Diemen : les autochtones doivent s'installer dans les zones inhabitées du nord-est. La loi martiale est promulguée en novembre 1828. L'historien de cette blague, James Boyce, résume ainsi l'humour colonial à la sauce britannique : "Tout Aborigène pouvait désormais être légalement tué pour avoir simplement franchi une frontière non marquée que le gouvernement n'avait même pas pris la peine de définir." [69] Entre l'entrée en vigueur de la loi martiale et mars 1830, plus de 120 attaques contre des colons ont fait environ 50 morts et plus de 60 blessés. En février, il y a 30 accrochages lors desquels sept colons trouvent la mort. En mars 1830, les autorités coloniales mettent en place un Comité des Aborigènes, composé de sept personnes et présidé par un représentant religieux, afin de trouver une solution au conflit. Les propositions sont diverses : installation de huttes-leurres contenant de la farine et du sucre empoisonnés, traque avec des chiens de chasse avant élimination ou capture par des guerriers de Nouvelle-Zélande afin de les réduire en esclavage. Des primes sont promises pour qui capture un ou une de ces hominines et les colons sont encouragés à être armé. De janvier à septembre 1830, sous la direction de George Robinson [70] et de 19 membres de clans, une commission est chargée de prendre contact avec les clans du sud-ouest, de l'ouest et du nord-ouest, en vue de trouver une voie de pacification. Puis avec celle du nord-est. La promesse qui est faite est de déplacer les populations dans un endroit sûr, avec eau et nourriture, le temps de trouver une solution pérenne.

Une grande opération est lancée entre octobre et novembre 1830 contre quatre clans du sud-est. Son nom de code est "Black Line", "ligne noire". Environ 2200 hominines [71] se lancent dans une série de battues à grande échelle, un front échelonné sur plus de 300 kilomètres. Le but est de contraindre les quelques 300 hominines de ces clans à se diriger vers la côte, où les autorités britannique comptent faire une réserve temporaire pour aborigènes. La cinquantaine de contre-attaques ne suffisent pas à stopper l'avancée militaire. Difficile de définir exactement la fin de la Black War et d'en établir un bilan précis. Plus d'un milliers de morts côté diéménois et un peu moins de 200 côté colonisateur. Les morts lors de cette guerre s'ajoutent aux décès par maladies, par violence directe ou lors de tentatives de captures. Le nombre d'hominines survivant à cette guerre est estimé à environ 200. Devant l'échec de la pacification britannique, la décision est prise de regrouper les autochtones et de les déplacer. George Robinson explore l'archipel Furneaux, au nord-est de la Terre Van Diemen. Le climat et la faune ne sont pas identiques à la grande île diéménoise et les conditions de vie ne sont pas idéales. Quelques communautés coloniales de pêcheurs de phoques et de baleine vivent depuis plusieurs dizaines d'années sur quelques-unes des îles de l'archipel. Robinson et une cinquantaine d'hominines arrivent sur l'île Swan, au sud de l'archipel, en janvier 1831. En mars, le petit groupe est déplacé sur l'île Vansittart, un peu plus au nord. En novembre, la réserve est installé sur l'île Flinders alors que la résistance armée continue. Mais les attaques anti-coloniales diminuent, passant de 250 en 1830 à 70 en 1831. Fin 1831, les dernières poches de résistance acceptent de se rendre et la loi martiale est levée en janvier 1832. Les quelques dizaines d'hominines mâles et femelles qui ont survécu sont transférés vers l'île Flinders. À partir de cette date, le nombre d'attaque chute drastiquement et les seules violences répertoriées se situent dans le nord où, entre 1832 et 1834, dix colons et quarante autochtones se font tuer. La résistance persiste sporadiquement dans le nord-ouest jusqu'en 1842. Début 1835, environ 300 personnes se sont rendues à Robinson, et seules quelques femelles vivent encore dans des communautés de pêcheurs et quelques petits groupes parviennent à se maintenir dans l'ouest de la Terre Van Diemen. Les maladies font des ravages parmi les populations transférées sur l'île Flinders. Entre 1833 et 1847, le centre d'internement Wybalenna construit sur cette île accueille environ 180 hominines, mâles, femelles et enfants. Surnommé Maison pour Noir·es par celleux qui refusent le parcage, il est considéré comme le premier camp de concentration, un concept politique qui aura le succès qu'on lui connaît au cours du XXème siècle.

Alors j'ai commencé à comprendre le rhum. J'ai supposé que cela me rendrait heureux, mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Ça m'a fait me sentir rien, et c'était d'ailleurs une merveille, car rien, c'était justement ce que je cherchais. Bientôt, j'en ai pris un autre, puis un autre, parce que j'avais soif de tout le rien du monde. Mais alors j'ai appris que ce rhum était plus difficile que j'avais cru, car tout à coup la tête me tournait, et je me sentais mal fichu, si bien que j'ai dû m'en aller, les jambes vacillant comme si j'étais un bateau, pendant que les sales Blancs riaient, et quand je suis sorti, j'ai rendu, et tout mon beau rien a fichu le camp. [72]

Des bâtiments de vie, une école et une église sont érigés. Les populations autochtone doivent dorénavant suivre les règles culturelles britanniques et abandonner ce qu'il leur reste de leur propre culture. L'apprentissage de la langue anglaise et des croyances christiennes sont obligatoires, tout comme l'habillement britannique. La nudité est interdite et illes sont renommés avec des patronymes christiens. L'agriculture est préconisée alors que la chasse et la cueillette étaient jusqu'alors le mode de subsistance des populations diéménoises. Les conditions de vie sont difficiles et engendrent une forte mortalité pour cause de maladies respiratoires. À sa fermeture en octobre 1847, le centre d'internement n'accueille plus que 47 hominines — 15 mâles, 22 femelles et 10 enfants. Selon les données coloniales britanniques, illes sont les derniers vestiges (en captivité) des différentes populations diéménoises. Illes sont déplacés de l'île de l'archipel Furneaux à Oyster Cove, au sud-est de la Terre Van Diemen, dans un lieu jugé suffisamment hostile et inhospitalier pour avoir été abandonné par les colons quelques années plus tôt. À sa mort en 1876, Truganini est considérée comme la dernière diéménoise non-métisée. Bien que probablement métisse, Fanny Cochrane Smith, née sur l'île Flinders, est reconnue en 1889 par les autorités coloniales comme étant la dernière. Elle est mariée avec un ancien bagnard britannique avec lequel elle a 11 enfants. Sans conteste, elle est la dernière locutrice de la langue de cette île à sa mort en 1905. Avec Horace Watson, elle enregistre en 1899 et en 1903 des chansons traditionnelles : les seuls enregistrements sonores connus d'une langue de la Terre Van Diemen [73]. Ses pratiques linguistiques ne sont pas simplement une survivance mais un mélange de plusieurs langues avec une prédominance de celles du nord-est. Une langue qui émerge dans le contexte de la déportation de celleux qui ont survécu à la colonisation et à la Black War. Les hominines qui arrivent sur l'île Flinders ne parlent pas nécessairement la même langue. De cette situation extraordinaire naît une sorte de "tasmanien commun" qui permet intercompréhension. Des linguistes avancent qu'un pidgin est aussi probablement pratiqué au cours du XIXème siècle dans les communautés de pêcheurs dont certaines des épouses sont des hominines femelles diéménoises. Contrairement à une langue créole, un pidgin est un langage de communication simplifié, peu structuré et ne se transmettant pas en tant que tel.

Définitivement déserté, le site de Wybalenna se détériore doucement et la centaine de tombes encore présentes sont peu à peu détruites par les animaux ou pillées. Quelques corps sont même revendus à des musées ou des instituts d'ethnographie en Europe et en Australie. Il est le plus grand cimetière de population diéménoise. En 1970, la descendance des femelles diéménoises et des mâles britanniques de l'archipel Furneaux s'organise et demande que le site de Wybalenna devienne un mémorial, que l'église et le cimetière soient restaurés. Sans suite. Dans le début des années 1990, le site de Wybalenna est repris en main par une association qui réclame que le gouvernement australien cède ses droits de propriété et les tombes du cimetière sont nominativement répertoriées [74]. En 1996, le gouvernement signe un accord avec l'association et officialise le transfert de propriété trois ans plus tard. Par manque de financement, les aménagements sont ralentis depuis 2023. La plaque installée pour célébrer Mannalargenna est vandalisée.

Colonie britannique distincte de la Nouvelle-Galles du Sud depuis 1826, la Terre Van Diemen change de nom en 1856 pour s'appeler dorénavant Tasmanie, du nom d'Abel Tasman, le navigateur hollandais qui pose les yeux en 1642 sur les côtes de l'île. Sa capitale est Hobart, du nom d'un politicien britannique du XIXème siècle. En 1901, la Tasmanie se joint aux autres colonies britanniques de l'île australienne voisine pour former le Commonwealth d'Australie, un État autonome rattaché à l'empire britannique. Trente ans plus tard, le Royaume-Uni octroie l'indépendance à plusieurs de ses colonies, dont l'Australie qui ne ratifie ce nouveau statut qu'en 1942. Les noms originels de la Tasmanie donnés par les autochtones se sont perdus. Robinson signale qu'elle se nommait phonétiquement [loe.trou.witter] ou aussi [trow.wer.nar]. La version moderne, dans la langue reconstituée [75], est Lutruwita. Parmi les hominines habitant de nos jours la Tasmanie australienne, deux communautés revendiquent une filiation avec les autochtones pré-colonisation. Les palawa [76] affirment descendre directement des unions mixtes entre des pêcheurs britanniques mâles et des autochtones diéménoises femelles dans les îles du Détroit de Bass qui sépare la Tasmanie de l'Australie. Cette descendance ne reconnaît pas la légitimité à l'aborigènalité d'une autre groupe, les lia pootah [77]. Celleux-ci disent descendre d'unions non-officielles entre des femelles diéménoises et des bagnards, des soldats, des fermiers ou des colons. Par cette filiation, illes se revendiquent de clans du sud et de l'ouest. Selon les lia pootah, l'ensemble des populations n'a pas été transféré vers l'île de Flinders à l'issue de la Black War et de très petites communautés ont perduré pendant encore quelques décennies en Terre Van Diemen/Tasmanie. La plupart du territoire est encore inexploré par les colons jusque dans la décennie 1870.

Fanny Cochrane Smith et Horace Watson (à gauche) en 1899

Pendant plusieurs décennies, l'historiographie britannique, puis australienne, sont dans le déni du sort fait aux populations de Tasmanie. L'histoire britannique ne supporte pas l'idée qu'un génocide complet soit la conclusion de "l'œuvre civilisatrice de la colonisation", et l'Australie moderne n'assume pas d'être née sur les dépouilles encore chaudes des populations diéménoises. De nos jours encore, la controverse fait rage entre spécialistes de l'histoire de l'Australie. Les adeptes de Plus belle la vie estiment qu'il n'y a pas eu de volonté d'exterminer les populations autochtones et minimisent la violence coloniale au prétexte que les sources historiographiques manquent, pour elleux la disparition totale s'explique par des facteurs autres que la seule colonisation. La dimension raciste du rapport entre britanniques et populations diéménoises est en grande partie nié. Le titre de l'ouvrage de l'historien Keith Windschuttle paru en 2002 est éloquent : La fabrication de l'histoire aborigène [78]. Il défend la thèse que ce sont les maladies, et spécialement les vénériennes, qui sont la cause principale de l'extinction des "aborigènes" de Tasmanie. Pour lui, la mécanique est simple. Se basant sur des récits d'époque où il est fait mention des violences physiques des hominines mâles à l'encontre des femelles, il explique que ces femelles diéménoises préfèrent se marier ou se prostituer avec des colons britanniques, des bagnards ou des pêcheurs — des mâles — afin de fuir ces violences. Parfois elles sont tout simplement données par les mâles de leur clan ou esclavagisées par ceux d'un autre. Ainsi, les maladies vénériennes se sont largement diffusées parmi les populations diéménoises, causant mort et stérilité généralisée. Cette démonstration dédouane la colonisation et sa violence raciste et introduit l'idée d'une grande responsabilité des autochtones dans leur propre disparition. Victimes tragiques des conséquences de leurs mœurs barbares. Un raisonnement qui se situe quelque part entre le raciste "Simple sélection naturelle !" et le très conservateur "Illes l'ont bien cherché !" avec — argument suprême de toute pensée bancale — une petite touche de "Y'a pas de fumée sans feu !" Une dose de LSD plus tard et il est possible d'affirmer que les populations diéménoises sont finalement les descendantes des Suivants de Palawa [79], originaires de la planète Palawa, détruite par l'ordre des Jedi [80] dans l'univers de Star War. Autant dire qu'elles n'ont pas plus de légitimité que les quelques générations de britanniques installées en Lutruwita/Tasmanie. En réponse à cette argumentation est publié Blanchiment : Au sujet de la fabrication de l'histoire aborigène par Keith Windschuttle [81] qui, avec des sources documentées, met en avant la violence raciste des militaires, des colons et autres bagnards, et la volonté affirmée d'en finir avec la "question aborigène" dans les colonies australiennes et tasmaniennes en assimilant culturellement celleux qui auront survécu aux violences. Les polémiques et les débats autour de la question coloniale en Australie actuelle sont nommées "Guerres de l’histoire", sans doute pour ne pas confondre avec la "Guerre des Étoiles" lors de laquelle Palawa a été détruite. Le niveau de violence à l'encontre des populations mélanodermes, les dynamiques et motivations racistes, l'ampleur des faits tragiques et le décompte mortuaire, les politiques d'assimilation culturelle et les placements forcés d'enfants autochtones en orphelinat, et d'autres encore, sont des questions au cœur des controverses. Des problématiques qui touchent tout autant les aborigènes d'Australie que celleux de Tasmanie [82]. Le docu-fiction australien Nightinale [83], réalisé en 2021, résume efficacement la réalité et la complexité d'une situation coloniale. En 1825, en pleine Black War, une jeune hominine femelle irlandaise de 21 ans, bagnarde en Terre Van Diemen et totalement dépendante de l'autorité militaire locale, est violée par des militaires anglais puis vois son mari de bagnard et leur nourrisson tués sous ses yeux. Elle décide de les traquer à travers la forêt et les montagnes afin de se venger en les tuant. Pour se faire elle paye un jeune hominine autochtone mâle — nouvellement "civilisé à la sauce britannique" et fort déçu des "bienfaits de la colonisation" — afin qu'il la guide à travers l'île. Le duo y croise des esclavagistes, des misogynes de toutes les couleurs, des racistes et des clans en déroute.

Comme dans tous les pays coloniaux ou néo-coloniaux, l'histoire est difficile à réactualiser. La France a le même problème. La version officielle et le roman national ne cherchent pas à assumer la complexité d'une histoire passée mais cherche plutôt à légitimer une situation présente. Le Royaume-Uni britannique et l'Australie sont dans ces schémas. Mais comment un royaume dont le monde entier se passionne pour les moindres faits et gestes de la famille royale ou de ses équipes de foot et de rugby pourrait-il être tenu responsable de la disparition totale de cultures et des hominines qui les portent ? Et si Lady Di avant du sang sur les mains !? Et si l'Australie n'était pas que le pays des kangourous et du didgeridoo ? La côte des disques d'AC/DC ou de Kylie Minogue va-t-elle chuter chez les disquaires ? Doit-on vraiment attaquer les artistes Serge Gainsbourg, Étienne Daho et Dani pour réappropriation culturelle avec Comme un boomerang ? [84] Très consciente des risques et de la problématique, la fleuriste et artiste Danièle "Dani" Graule a réfléchi aux meilleures méthodes post-modernes pour s'amender et s'excuser. Plutôt que simplement verser les royalties à une association, de Nice par exemple, qui défend l'usage d'une langue morte en Tasmanie ou le droit inaliénable pour les aborigènes d'Australie à pouvoir utiliser un boomerang même dans les bâtiments publics, elle en préconise une originale :

Je me suis acheté une machine
Une machine qui ne fabrique rien
Chaque fois que j’y mets 20 centimes
elle me répond : «merci bien» [85]

Mais pas de doute, au-delà des polémiques autour de la colonisation, l'empreinte britannique est très visible en Tasmanie, ex-Terre Van Diemen. La langue, l'architecture, le mode vie, les croyances et la mythologie christiennes, ont totalement remplacé celles des populations pré-coloniales. L'humour a aussi une bonne place dans la culture moderne en Tasmanie australienne. Il n'y a pas que la guerre qui peut être noire, l'humour aussi. Pour preuve, ses armoiries se composent entre autres de deux thylacines [86], lions ou tigres de Tasmanie, un espèce définitivement décimée par des chasseurs britanniques lors de la colonisation. En captivité depuis trois ans, le dernier de son espèce décède officiellement le 7 septembre 1936. Depuis 1996, à cette date, est organisée tous les ans une "Journée nationale des espèces menacées" en mémoire de la mort du dernier thylacine. Différents projets ont été envisagés pour cloner cette espèce afin de lui redonner vie. Sans succès. L'autre mascotte, mondialement connue, est le diable de Tasmanie, grâce à son incarnation depuis 1954 dans le personnage d'animation Claude Taz [87], plus communément appelé Taz. Une vraie star internationale. Fortement chassée depuis la colonisation, cette espèce est aujourd'hui victime d'une forme de cancer mortel transmissible par morsure. Décelée lors de l'année de la première "Journée nationale des espèces menacées", cette maladie a rapidement décimé la moitié de la population de diables de Tasmanie. Près de 80% de la population en 2020. À ce rythme, et sans remède efficace, Taz devrait être le dernier d'ici quelques années.

Fosse commune

Cette situation sanglante de la colonisation va pousser des hominines à entrer dans cette guerre. Quelques noms émergent de la multitude d'anonymes. Comme souvent lors de conflits ou d'expansion coloniale, les hominines femelles ne souffrent pas des mêmes conséquences de telles situations. Lorsqu'elles ne sont pas tuées, elles risquent d'être violées et de devoir assumer la progéniture qui peut arriver. Parfois elles sont capturées pour finir prostituées ou esclaves sexuelles de leurs maîtres mâles. Certaines participent activement aux formes de résistance, d'autres filoutent pour tenter de s'en sortir, d'autres encore aident à la colonisation, par choix ou par contrainte. Certaines changent d'avis. Des dilemmes que rencontrent aussi les hominines mâles en de telles circonstances. La Terre Van Diemen ne fait pas exception.

Née vers 1800, Tarenorerer est enlevée adolescente par un clan adverse puis réduite en esclavage par des pêcheurs dans le nord de la Terre Van Diemen. Pendant sa captivité, elle apprend l'anglais et le maniement des armes à feu. Elle parvient à fuir et en 1828, avec l'aide d'autres hominines, elle organise un groupe de résistance armée comprenant mâles et femelles. Elle explique aux autres comment profiter des quelques dizaines de secondes nécessaire pour recharger une arme afin d'attaquer les colons dans ce moment de vulnérabilité et préconise de tuer leur bétail pour mieux les affamer. George Robinson échappe de peu à une embuscade en septembre 1830. Il dit d'elle qu'elle est une véritable "amazone" et précise dans son journal que "presque tous les méfaits perpétrés contre les différentes colonies" sont imputables à ce groupe. Capturée par des pêcheurs de phoques, elle est envoyée sur une petite île de la pointe nord-ouest de la Terre Van Diemen où elle est donnée à un de ces pêcheurs. Connue sous le nom de Mary Ann, elle vit ensuite dans une communauté de pêcheurs et leurs "compagnes" autochtones sur l'île Forsyth — au sud de l'archipel des Furneaux, dans le nord-est diéménois. Reconnue en décembre 1830, elle est transférée sur l'île Vansittart, dans le même archipel, où elle meurt de la grippe en juin 1831. Wauba Debar, kidnappée alors qu'elle est adolescente, est contrainte de se marier avec un pêcheur. Elle meurt en 1832 en tentant de le sauver lors d'un naufrage. Des colons érigent une stèle en 1855 pour honorer son acte de bravoure. Au fil de la colonisation britannique, parmi les petites communautés de pêcheurs de phoques et de baleines qui vivent sur les îles du sud de l'archipel des Furneaux, de plus en plus de cellules familiales mixtes se font. Non pas sur la simple mise en esclavage de femelles autochtones par des mâles importés, mais sur des unions reconnues et des mariages entre elles et ces pêcheurs. Des enfants légitimes naissent de cette nouvelle situation. Dans le contexte raciste, ces unions ne sont pas vues d'un bon œil. La ségrégation est la règle, une séparation entre deux mondes. L'histoire de Dolly est tout autre. Fille d'un pêcheur britannique, George Briggs, et d'une autochtone, Woretemoeteyenner, elle-même fille d'un chef de clan. Elle est adoptée par Jacob Mountgarrett, un colon de Port Dalrymple. Il la fait baptiser sous le nom de Dalrymple. Elle est maintenant Dolly Dalrymple et est éduquée pour être domestique. Vers 1825, elle habite avec le bagnard Thomas Johnson, avec qui elle se marie six ans plus tard. Sept enfants naissent de cette union. Récompensée par le gouvernement colonial pour avoir résisté à l'attaque d'un clan début 1831, elle se voit attribuer 8,1 hectares de terres à l'ouest de l'Australie, dans la colonie britannique d'Australie-Occidentale. Elle s'y installe avec mari et enfants. Enrichie, en 1845, toute la famille est de retour sur la Terre Van Diemen. Environ 200 hectares sont achetés pour s'installer et faire construire leur maison. Mais c'était sans compter sur l'intervention de Batman ! Père-fondateur de la ville de Melbourne, John Batman participe à plusieurs exactions contre les populations noires diéménoises. En septembre 1829, son groupe attaque un village où habitent entre 60 et 70 hominines d'une famille d'un clan de Ben Lomond. Une quinzaine de morts et quatre captures. Dont Luggenemenener et son enfant. Après une année de captivité, Batman lui propose une libération contre la reddition de son clan. Elle feint d'accepter son rôle de diplomate et fuit rejoindre ses proches, qui ne comptent pas se rendre. La pression de l'opération Black Line les fait changer d'avis. En octobre 1830, ce qu'il reste du clan se rend et rejoint les terres de Batman, puis décide de fuir. La pression militaire est trop forte, la reddition est complète à la mi-novembre de la même année. De tout ce clan familial, seulement Luggenemenener et cinq autres hominines survivent à cette pacification armée. En temps de guerre, la vie est encore plus compliquée. Les choix plus difficiles. Les histoires sont complexes. La plus connue des hominine femelle de la Terre Van Diemen est sans conteste Truganini [88]. Elle donne même le titre à une chanson du groupe de rock Midnight Oil en 1993 [89]. L'histoire d'une jeune hominine qui grandit en temps de guerre. Elle naît vers 1812 sur l'île Bruny, région des premiers contacts entre des autochtones et des navires européens. Avant ses dix huit ans, sa mère est tuée par des baleiniers, son mari meurt en tentant de la sauver d'une tentative de kidnapping, et ses deux sœurs sont enlevées et revendues comme esclaves. Elle se marie en 1829 avec Wurati un hominine de 20 ans son aîné, un chef tribal. Le couple fait la connaissance de George Robinson qui les persuade du bien fondé de ses projets de protection des autochtones en les isolant. Les deux pensent bien faire. Truganini est la diplomate de Robinson auprès des différents clans. Elle et Wurati accompagnent parfois leur mentor dans ses déplacements. Ille acceptent de s'installer dans la réserve prévue pour elleux. Les deux sont profondément déçus de la réalité. Truganini et quinze autres hominines partent en 1839 pour la région australienne de Melbourne afin d'y construire un camp pour accueillir des aborigènes d'Australie. Écœurée, elle décide de tout abandonner en 1841. Avec quatre autres, deux mâles et deux femelles, elle se lance dans la résistance armée. Le petit groupe attaque des fermes et les incendie, des baleiniers sont tués. Leur équipée dure pendant huit semaines. Leur capture débouche sur un procès. Les deux mâles sont condamnés à mort et exécutés en 1842, et les trois femelles, dont Truganini, sont déportées vers les îles Flinders où Robinson parque ses autochtones qu'il aime tant. Wurati décède en 1842. Truganini meurt de vieillesse en 1876. Elle est considérée comme la dernière autochtone "réelle", c'est-à-dire sans aucune ascendance d'un quelconque colon. Avant de mourir, elle demande à ce qu'elle ne soit pas coupée en morceaux après sa mort, comme le fut son troisième compagnon [90]. "Que ta volonté soit respectée" clament les hominines qui croient en Jésus et son dieu de père. Un peu moins de trente ans après sa mort, son squelette est exhumé et exposé dans une vitrine du Tasmanian Museum jusqu'en 1947. Ses restes sont finalement incinérés en 1976 — centenaire de sa mort — et les cendres dispersées dans la mer près de son lieu de naissance. Nous sommes loin des premiers portraits de femelles diéménoises tracés par les navigateurs au tout début du XIXème siècle. Les plus anciens prénoms féminins anté-diéménois connus de l'histoire écrite par les hominines d'Europe, des Amériques et autres leucodermes sont Ourê-Ourê et Arra-Maïda, deux femelles rencontrées par des membres de l'expédition de Baudin [91] et avec lesquelles ils échangent des gestes, des attitudes, des mots et des petits cadeaux inutiles. Quelques pages leur sont consacrées et un portrait d'Arra-Maïda est même dessiné. Les trajets de vie sont très divers. Certains sont particulièrement sordides, mêlant racisme et humanisme. En 1837, John Franklin est nommé gouverneur de la colonie britannique diéménoise. Explorateur et navigateur, neveu de Matthew Flinders, il s'installe avec son épouse Jane Griffin, exploratrice et première femelle nommée à la Royal Geographical Society britannique. Plein de curiosité pour la flore et la faune diéménoise, Jane Franklin obtient l'année suivante la garde d'un jeune hominine mâle autochtone, tout juste âgé de 9 ans. Destiné à être domestique, il est donné à Eleonor Franklin, une adolescente, fille du premier mariage de John Franklin. Jugé trop "oisif et désobéissant", il est envoyé sur un bateau pour y devenir matelot. Mais la curiosité n'est pas éteinte. En 1841, une hominine femelle de 6 ans, prénommée Mary, est envoyée de la réserve de l'île Flinders à l'exploratrice humaniste. Bien décidée dans son œuvre civilisatrice, elle la renomme Mathinna et la confie de nouveau à sa belle-fille. Elle est pleine d'espoir car, selon elle, le précédent spécimen diéménois était "beaucoup plus noir de teint que Mathinna, qui nous semble avoir un teint de plus en plus cuivré à mesure qu'elle progresse dans la civilisation." [92] Malheureusement, le gouverneur est rappelé à Londres en 1843 et toute la famille doit partir. Précurseur dans l'abandon des animaux domestiques pendant les périodes de vacances, le couple doit se séparer de Mary/Mathinna. Elle est envoyé à l'orphelinat de Hobart avant de retourner dans la réserve l'année suivante. Les règles de la réserve imposent la séparation entre les adultes et les enfants. Illes sont pris en charge par l’aumônier et son épouse. La vie rêvée pour une jeune hominine autochtone de neuf ans : "J'ai été soigné par M. et Mme Clark. Lorsque j'ai été fouetté, on m'a placé sur une table et on m'a attaché les mains et les pieds. J'ai été fouetté tous les jours... Je pense que j'ai été fouetté alors que je ne devais pas l'être... Une fois, j'ai été fouetté et le sang a coulé sur ma tête." [92] Transbahutée entre les réserves et l'orphelinat, elle meurt en septembre 1852, noyée dans une flaque d'eau alors qu'elle est ivre. Mary/Mathinna a alors environ 17 ans. Sa tombe est pillée dans les premières années du XXème siècle et son crâne, avec ceux d'une dizaine d'autres hominines, est étudié par des anatomistes racistes. Il est ensuite donné au Tasmanian Museum. Les restes des tombes pillées sont reconstitués puis incinérés en 1985.

La guerre est informe ; sa raison d’être est la mort, rien que la mort. [93]

Drapeau post-colonial des fiertés tasmaniennes

Les hominines mâles aussi ont marqué la lutte contre les britanniques, le refus de la colonisation ou l'acharnement à survivre à un monde stupide et violent. La plupart sont morts dans l'anonymat des livres d'histoires. Sur les milliers de morts lors de la Black War, seuls quelques noms et leurs histoires ont traversé les époques jusqu'à nos jours. Là encore les parcours sont divers. Certains ont combattu la colonisation la sagaie à la main, d'autres ont tenté de profiter, ou simplement de vivre, là où d'autres encore ont préféré changer d'avis. Chef de clan du sud-ouest, Towterer est fait de ces contradictions. Épargnée dans un premier temps par la colonisation, Georges Robinson et sa mission pacificatrice, dont Truganini, entrent en contact avec son clan en mars 1830. La rencontre est amicale. Trois ans plus tard, l'ambiance est différente. Chargé par le gouverneur colonial de régler définitivement la "question aborigène", Robinson emploie la manière forte. Si Towterer et quelques proches parviennent à fuir l'attaque, douze hominines — dont l'une des filles de Towterer — partent pour la réserve de l'île Flinders. En juin 1833, Towterer, son épouse Wonganeep et les rares survivants rejoignent les autres hominines qui vivent déjà sur l'île-prison. Towterer et Wonganeep sont les parents de Mary/Mathinna, le petit animal de compagnie pour jeune bourgeoise britannique. Towterer décède en 1837, et elle en 1839. Père de Woretemoeteryenner et grand-père de Dolly, Mannalargenna est le chef d'un clan de Ben Lomond. Cette dernière est directement victime de l'expansion coloniale britannique. Ses terres sont convoitées. Mannalargenna et ses proches lancent une attaque en 1829 contre la propriété de John Batman afin de libérer quatre hominines de son clan. Après des tentatives malheureuses de résister aux colons, illes se rallient aux promesses mensongères de Robinson et acceptent la déportation vers une réserve. Mannalargenna y meurt en 1835. Quatre de ses filles et sa propre sœur sont mariées avec des pêcheurs de phoques, avec qui elles ont une progéniture. Comme quelques autres, Mannalargenna participe à la mission pacificatrice de Robinson, sans en mesurer véritablement les conséquences. Dans le centre de la colonie diéménoise, Montpelliatta d'un clan de Big River et Tongerlongeter d'un clan d'Oyster Bay s'unissent pour faire reculer les britanniques. Depuis leur arrivée dans la région en 1804, les colonisateurs se heurtent violemment à la population locale qui subit aussi les violences des bagnards en fuite et des bushrangers [94] en goguette. L'opération militaire Black Line est contre elle. Ensemble, les deux chefs de clans et leurs proches mènent de petites opérations de guérilla — la petite guerre [95]. Des fermes sont attaquées et des colons sont tués. En 1831, cette résistance locale accepte de se rendre. Des deux clans, il ne reste plus que 16 mâles, 9 femelles et un enfant. Tout le monde est transféré vers la réserve de George Robinson. Montpelliatta y meurt en 1836. Tongerlongeter parvient à se faire une place dans le système pénal colonial réservé aux autochtones et se fait appeler le Roi William. Un roi qui ne règne sur aucun territoire et dont le peuple est presque décimé. Il décède de maladie en juin 1837, le même jour que William IV, le roi britannique. Il y a aussi ceux qui refusent de se rendre et en meurt, à l'exemple de Tunnerminnerwait. Comparse de Truganini dans le petit groupe armé qui, à partir de septembre 1841, sème la terreur parmi les colons du sud de l'Australie, il est condamné à mort avec Maulboyheenner, l'autre mâle du groupe. La justice coloniale ne leur reconnaît pas de statut égalitaire avec les "autres" britanniques. Ils ne sont pas autorisés à prendre la parole à leur procès. Seul leur avocat le peut. Les deux sont pendus en 1842. Avant cela, Tunnerminnerwait était un proche de George Robinson. Ils se rencontrent en 1830 et Tunnerminnerwait apprend rapidement la langue anglaise. Né en 1812, dans un clan du nord-ouest, il sert de guide à Robinson entre 1830 et 1835. Ce dernier le renomme Jack Napoleon, mais il est aussi connu sous le pseudonyme de Peevay. Robinson semble avoir de l'estime pour lui lorsqu'il affirme qu'il "accomplissait un travail égal à celui de n'importe quel homme blanc." Son épouse, Planobeena dite "Fanny" qui participe avec lui aux actions anti-coloniales de 1841, est la sœur de Kahnneherlargenner dit "Eumarrah". Très actif dans la lutte contre la colonisation britannique dans la décennies 1820, celui-ci est arrêté en 1828. Libéré l'année suivante, il rejoint l'équipe de la Mission Amicale de George Robinson et contribue à la traque des dernières poches de résistance pour les amener à se rendre. Beaucoup savent que le déséquilibre entre les forces en présence est au bénéfice des britanniques. Leur puissance de feu et leur nombre sont deux arguments de poids. Continuer à résister est du suicide. Les parcours de vie sont parfois aussi une histoire de rencontre. Né vers 1800, Kikatapula assiste enfant à l'arrivée des premiers pêcheurs près du territoire d'un clan d'Oyster Bay. Malgré les violences auxquelles il assiste, Kikatapula se rapproche d'une famille de colons, Thomas et Sarah Birch, alors qu'il est encore adolescent. Le couple l'héberge dans leur riche demeure. Il apprend l'anglais, l'écriture et est baptisé selon les rites des christiens. Il devient Tom et prend le nom de Birch. Il est surnommé Black Tom. Il travaille dans une ferme. À la mort de son protecteur en 1821, Black Tom redevient simple autochtone cerné dans l'univers des colons. Il fait la rencontre fin 1822 de Musquito. Originaire de Nouvelle-Galles du Sud, Musquito est un autochtone australien. Né vers 1780, il est capturé une première fois en 1805, accusé de mener des actions violentes contre des colons, puis déporté sur une île du Pacifique [96]. La suite de sa peine est en Terre Van Diemen où il fait, pendant un temps, la chasse aux bushrangers [94] et autres bagnards en cavale.

zanj Code noir namibie

De rien

Fosse septique

Pour rien

Fausse sceptique

Notes

  1. "Go nuts"
  2. hominines
  3. Victor Hugo, Les misérables, tome II, livre VII, 1862 - En ligne
  4. JC
  5. La terminologie "vieil anglais" n'est pas une langue unique mais un continuum. Elle regroupe les pratiques linguistiques germaniques, entre le Vème et le XIIème siècle, des populations d'hominines arrivant du nord-européen et qui s'installent durablement en Angleterre. Les Angles et les Saxons. Le vieil anglais s'alimente des langues celtiques, scandinaves puis latines. Sur les liens entre langues française et anglaise, voir Henriette Walter, Honni soit qui mal y pense, Robert Laffont, 2011
  6. Robert Kelham, A dictionary of the Norman or Old French language, 1779 - En ligne
  7. Gabriel Chevallier, La peur. Cité à l'entrée "working class hero" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  8. Etymonline - [En ligne]
  9. wiktionnaire - [En ligne]
  10. Académie française - En ligne
  11. Dictionnaire de l’Académie française, 8e édition, 1935 - En ligne
  12. Los Bravos, Black is black, 1966 - En ligne
  13. Johnny Hallyday, "Noir c'est noir" sur l'album La Génération perdue, 1966 - En ligne
  14. Préciser que c'est un anagramme de rien n'apporte rien.
  15. Lexique de l'ancien français - [En ligne]
  16. Réalisé avec trucages.
  17. La noiraude - En ligne
  18. blewman
  19. Léopold Sédar Senghor, Poème à mon frère blanc - En ligne
  20. maudite par Noé
  21. Voir le court documentaire Les licornes, 2015 - En ligne
  22. Elsa Dorlin, La matrice de la race, 2006
  23. Angleterre peau noire
  24. 2 Bal & Mystic, "La sédition" sur la BO du documentaire Ma 6-T Va Cracker, 1997 - En ligne
  25. Caraïbes
  26. esclavage
  27. Pour celleux qui connaissent déjà Adolf Hitler, Multiversity propose 6 histoires alternatives. Voir Love Death & Robots, saison I, épisode 17 - En ligne
  28. The Negro Motorist Green Book
  29. "Black Power"
  30. Naissance d'une nation
  31. Aimé Césaire
  32. Wole Soyinka
  33. Wole Soyinka
  34. Maison de la Négritude et des Droits de l'Homme
  35. Cahier de Doléances
  36. Extrait de l'article 29 du Cahier de doléances : "Les habitants et communauté de Champagney ne peuvent penser aux maux que souffrent les nègres dans les colonies, sans avoir le cœur pénétré de la plus vive douleur, en se représentant leurs semblables, unis encore à eux par le double lien de la religion, être traités plus durement que ne le sont les bêtes de somme.
  37. "Nègre" dans le Le Trésor de la langue française - En ligne
  38. Négresses Vertes
  39. Booba, "Boîte vocale" sur l'album Ouest Side, 2006 - En ligne
  40. Booba feat. Kennedy, "Je me souviens" sur l'album Ouest Side, 2006 - En ligne
  41. Michel Leeb dans L'africain et L'épicerie africaine
  42. verlan
  43. Beur est le verlan de Reu-beu, lui-même verlan de Arabe. Ce triptyque résume la composition et les mélanges qui fondent la population française moderne.
  44. Le jour où Beyoncé est devenue noire, 2016 - En ligne
  45. Serge Bahuchet, "L'invention des Pygmées", Cahiers d'études africaines, vol. 33, n° 129, 1993 - En ligne
  46. Batwa du Rwanda
  47. Charles de Brosses, Histoire des navigations aux terres australes, 1756 - [En ligne]
  48. Serge Tcherkézoff, Polynésie/Mélanésie. L'invention française des races et des régions de l'Océanie (XVIe – XIXe siècles), Papeete, Au vent des îles, 2009
  49. Christophe Brun, "Découper la Terre, inventorier l'Homme. Le planisphère de Bory de Saint-Vincent, 1827", Monde(s), n°3, 2013 - En ligne
  50. aborigènes de Taïwan
  51. Distribution primitive du genre humain à la surface du globe, par Mr le Colonel Bory de St Vincent, 1827 - En ligne
  52. Joseph Milligan, Vocabulary of the aborigines of Tasmania, 1856 - En ligne
  53. Ou concours de pets ?
  54. Jeronimus Cornelisz
  55. Abel Tasman
  56. Portugal et Chine
  57. Van Diemen
  58. Nouveau voyage à la mer du Sud, commencé sous les ordres de M. Marion, 1783, page 29 et suivantes - En ligne
  59. Relation du voyage à la recherche de La Pérouse, 1799 - [En ligne]
  60. Relation du voyage à la recherche de La Pérouse, 1799 - [En ligne]
  61. Louis Claude de Saulces de Freycinet, Voyage de découvertes aux Terres Australes, exécuté par ordre de sa Majesté, l’Empereur et Roi, sur les corvettes le Géographe, le Naturaliste et la goélette le Casuarina, pendant les années 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804 : Navigation et géographie, Imprimerie royale, 1815, 2e éd. - En ligne. Anne-Marie Castelain, "A la recherche du continent austral. Autour de l'expédition Baudin (1801-1804)", Cahiers de sociologie économique et culturelle, n°9, 1988 - En ligne
  62. Hélène Richard, "L'expédition de d'Entrecasteaux (1791-1794) et les origines de l'implantation anglaise en Tasmanie", Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 69, n°257, 1982 - En ligne
  63. Diéménois·e est la traduction de l'anglais vandemonian, utilisé pour désigner les hominines de la Terre Van Diemen
  64. William Blake, Chants d’Expérience.
  65. "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, Analectes de rien En ligne
  66. Pemulwuy et quatre autres hominines
  67. PNL, "Loin des hommes" sur l'album Le Monde Chico, 2015 - En ligne
  68. D'après la Désencyclopédie - En ligne
  69. James Boyce, Van Diemen's Land, Melbourne, Black Inc, 2010
  70. George Augustus Robinson
  71. 550 soldats, 738 bagnards et 912 civils
  72. Matthew Kneale, Les passagers anglais, Belfond, 2002. Ce roman historique suit la quête du révérend Wilson qui part en Terre Van Diemen en 1857 où il pense y trouver le jardin d’Éden, le lieu du paradis terrestre dans les mythologies christiennes
  73. Bruce Watson, "The Man & the Woman & the Edison Phonograph" avec Ronnie Summers, sur l'album Balance, 2010 - En ligne. Bruce Watson est le petit-fils de Horace Watson et Ronnie Summers est l'arrière-arrière petit-fils de Fanny Cochrane Smith
  74. Voir le documentaire Black Man's Houses réalisé en 1992 par Steve Thomas. Bande-annonce en anglais - En ligne
  75. Le palawa kani est une langue reconstituée s'alimentant des notes de George Robinson, des archives des expéditions françaises du début du XIXème siècle et des travaux d'historiens et de linguistes à partir des enregistrements de Fanny Cochrane Smith. Elle est basée essentiellement sur les langues éteintes de l'est et du nord-est diéménois. Retranscription phonétique, elle est notée avec l'alphabet latin.
  76. palawa
  77. lia pootah
  78. La fabrication de l'histoire aborigène. Non traduit en français
  79. Suivants de Palawa
  80. Jedi
  81. Blanchiment : Au sujet de la fabrication de l'histoire aborigène par Keith Windschuttle. Non traduit en français
  82. et les autres
  83. Nightinale réalisé en 2021 par l'australienne Jennifer Kent - Bande-annonce en ligne
  84. Étienne Daho & Dani, Comme un boomerang, - En ligne
  85. Cité à l'entrée "deus ex machina" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  86. thylacines
  87. Claude Taz
  88. Truganini
  89. Midnight Oil
  90. William Lanne
  91. François Péron, Voyage de découvertes aux terres australes, Première édition, 1807 - [En ligne]
  92. 92,0 et 92,1 Cassandra Pybus, A Very Secret Trade. The dark story of gentlemen collectors in Tasmania, 2024
  93. Stephen Crane, cité par Paule Noyart dans son introduction aux recueil Les Cavaliers noirs et autres poèmes. D'après Adrien Neir, Autoportrait d'un inconnu à partir de rien écrit par d'autres ou le pot-pourrien, inédit
  94. 94,0 et 94,1 bushrangers
  95. guérilla
  96. Norfolk