François Augiéras
François Augiéras. Pansexuel[1] naturophile.
PétrocorienAprès leur mariage en septembre 1915 après JCⒸ[2] à Paris, le couple Pierre Augiéras et Suzanne Kaczynski s'installe aux États-Unis d'Amérique en 1922. Lui est pianiste et compositeur et vient d'obtenir un poste à l'École de musique Eastman de Rochester, dans l’État de New York, et elle est peintre sur porcelaine. De la rencontre entre ces deux hominines, François naît en juillet 1925 à Rochester, trois mois après la mort prématurée de son père pour cause d'appendicite purulente. La mère et son nourrisson quittent le pays et viennent habiter à Paris. En 1933, illes partent pour le Périgord, d'où sont originaires les grands-parents paternels de François, et se posent dans la ville de Périgueux. Quitter l'univers parisien pour l'espace pétrocorien[3] est pour lui un soulagement. Après un début de scolarité à Paris dans un établissement catholique privé, où les punitions et les brimades sont des méthodes éducatives, le jeune François Augiéras se désintéresse peu à peu de l'école et préfère puiser lui-même dans les œuvres littéraires disponibles à la bibliothèque municipale de Périgueux. Il découvre la philosophie d'Arthur Rimbaud et la poésie de Friedrich Nietzsche. Il quitte l'école à l'âge de 13 ans pour suivre des cours de dessin. Après la noirceur de Paris qu'il a détesté, le jeune néo-pétrocorien découvre les alentours de Périgueux et la verte campagne périgourdine. Cela l'enchante. Petit à petit il explore les chemins et les forêts, à pied et à vélo, et son esprit papillonne dans les rayons de la bibliothèque. "Ce grand garçon candide et sale", selon les bibliothécaires[4], est un habitué de ce lieu fréquenté aussi par quelques réfugiés cherchant la chaleur du poêle. Depuis l'occupation du nord de la France par les armées hitléristes, le sud du pays est dirigé par un gouvernement qui siège à Vichy. Les deux grandes questions existentielles qui se posent à ce dernier sont que faire pour l'avenir de la jeunesse et des moïsiens. Pour celleux-ci, Vichy opte rapidement pour les livrer à la mort, les donnant aux hitléristes, ravis, alors que pour la jeunesse il est mis en place plusieurs programmes pour la "revivifier". Les activités physiques de plein-air et la pratique sportive sont encouragées. Attiré par ces possibilités de découvertes, François Augiéras rejoint en 1941 la Jeunesse de France et d'Outre-mer (JFOM), une organisation de jeunesse financée par l’État, puis, en parallèle, la Société Périgourdine d'Éducation Sportive, une association royaliste de scoutisme. La première est antichrétienne et hitlérophile alors que la seconde est chrétienne et nationaliste. Plutôt motivé par les opportunités d'excursions, le jeune François n'est pas très réceptif aux discours politiques[5] et pas très enclin aux aspects para-militaires des organisations de jeunesse[6]. Ses réticences et sa désinvolture lui valent des critiques de la JFOM. Sensé garder la nuit des voies ferrées, il découvre la nuit et les étoiles en oubliant son rôle de sentinelle. Envoyé pour une quelconque tâche, il s'égare et revient avec des bouquets de fleurs. Il quitte ces mouvements de jeunesse en 1942, juste quelques mois avant que la JFOM soit intégrée à la Milice naissante[7].
François Augiéras, âgé de 17 ans, enchaîne les petits boulots et la débrouille pour faire face aux pénuries. Après un stage près de Périgueux, il rejoint la troupe du Théâtre du Berger qui organise des spectacles de marionnettes. Il aide à la construction des décors et tient le rôle de Ève lors des représentations théâtrales qui se montent pour une tournée jusqu'à Limoges, en passant par Tulle, Brive ou Guéret. La situation politique et militaire s'aggravant toujours plus, la troupe décide de se dissoudre au cours de l'hiver 1942-1943. Il adhère alors aux Compagnons de France avec lesquels il encadre de jeunes "délinquants" au château de Marsac. Mais son manque d'autorité et sa connivence avec les jeunes hominines, qu'il laisse faire ce qu'ils veulent, lui valent d'être viré. Il part quelques temps travailler dans la ferme-potager d'un curé, aumônier des Bretons du Périgord. Désœuvré, François s'installe chez sa tante au sud de Périgueux. À la demande des autorités hitléristes, le gouvernement de Vichy met en place le Service du travail obligatoire (STO)[9] en 1943 avec pour objectif de fournir plusieurs centaines de milliers d'hominines pour servir de main-d'œuvre en Allemagne. Les réfractaires sont nombreux. En 1944, François Augiéras, éligible au STO, se rend à Toulon et s’enrôle dans la marine. Il patiente au cinquième dépôt des équipages de la flotte, puis s'embarque direction l'Algérie. Destination, le cap Matifou à une vingtaine de kilomètres d'Alger où un centre d'entraînement pour futurs marins et fusiliers, engagés ou conscrits, s'organise sous le commandement des Forces françaises libres (FFL), les militaires renégats au régime vichyste et leurs troupes coloniales. DjazaïrienÀ partir de novembre 1944, il obtient plusieurs permissions de "longue durée" car l'armée doute de son équilibre psychique et le met en observation psychiatrique entre chaque permission. Il est même emprisonné brièvement pour avoir ramener des poux dans la caserne. Finalement, son contrat est résilié et il est démobilisé. Son choix de visiter l'Algérie — el Djazaïr — est fait. De plus en plus empreint d'un rapport mystique à la "Nature", il rêve de partir dans le grand sud algérien. Il décide en 1947 de se diriger vers l'oasis saharienne d'el-Goléa, à environ 270 kilomètres au sud-ouest de Ghardaïa, pour y rejoindre son oncle paternel Marcel Augiéras. Engagé en 1902 à l'âge de 20 ans, ce dernier fait toute sa carrière dans l'armée coloniale au Sahara. Explorateur et cartographe, il publie ses travaux et relevés pendant une vingtaine d'années, pour lesquels il reçoit plusieurs prix et récompenses, et est membre de l'Académie des sciences coloniales. Lorsque son jeune neveu arrive en 1945, l'oncle militaire est à la retraite avec le grade de colonel et plusieurs décorations. Entouré de domestiques, il habite dans un vaste bâtiment de l'oasis d'el-Goléa dans lequel il a installé un petit musée ethnographique d'objets ramenés lors de ses périples sahariens. Considéré comme un scientifique par certains, un excentrique un peu illuminé pour d'autres, les rumeurs sur ses pratiques sexuelles vont bon train dans la population. Les jeunes hominines mâles "du cru" semblent avoir sa préférence.
La rencontre entre François et Marcel, le neveu et l'oncle, est faite de discussions et de théories sur l'univers et son immensité, sur les ondes cosmiques que le vieux militaire pense pouvoir démontrer, d'échanges entre un jeune chercheur de l'absolu et un vieux briscard des espaces sahariens. Des proximités se tissent. Des contacts. L'oncle se délecte de la chair de son jeune neveu. Hors de ces escapades nocturnes dans le lit marcelin, François aide les domestiques, nourrit les animaux et s'occupe des vitrines du musée. Lors de ce séjour, François découvre son attirance pour les mâles et s'émoustille de certaines de ses rencontres. Il rentre en France et retourne à Périgueux chez sa mère. Troublé par son voyage saharien, il décide de repartir pendant l'été 1948. Cette fois-ci les relations entre les deux hominines s'enveniment. Repoussant les plaisirs charnels instaurés par son oncle, François se fait chasser d'el-Goléa. Retour à Périgueux. Regroupant ses écrits de voyages, François Augiéras publie en 1949, à compte d'auteur, Le vieillard et l'enfant avec l'aide financière de sa tante. "Pliage à la main, assemblage et couture à la ficelle de charcutier avec une grosse aiguille à tricoter. Enfin, collage des couvertures à la colle chaude de menuisier"[11]. Il est signé du pseudonyme Abdallah Chaamba, en référence au jeune berger Abdallah, appartenant à la confédération des Chaamba[12], qu'il rencontre autour d'el-Goléa. Malgré les réticences du typographe qui refuse dans un premier temps de s'occuper de ce texte qu'il juge odieux, le tirage est d'un peu plus de 200 exemplaires. Autobiographique en partie, ce roman raconte l'histoire d'Abdallah, un jeune algérien, qui se prostitue avec un vieux militaire chez qui il est domestique. Les maisons d'édition contactées ne donnent pas suite. Les librairies locales refusent de le prendre et il se diffuse de manière confidentielle. Confiante dans les talents littéraires de son neveu, sa tante lui fournit l'argent nécessaire à un voyage sur Paris où François Augiéras distribue des exemplaires auprès d'éditeurs et dans les boîtes aux lettres de certains auteurs connus. André Gide et quelques autres sont très sensibles à son écriture et aux thèmes développés mais s'interrogent sur ce mystérieux Abdallah Chaamba que personne ne connaît. En 1951, après quelques échanges de lettres[13], le pétrocorien François Augiéras rencontre le pulmonairien André Gide, quelques semaines avant sa mort[14]. Les éditions de Minuit publie Le vieillard et l'enfant en 1954. Toujours sous le pseudonyme Abdallah Chaamba. Dans un contexte français où l'homosexualité est pénalisée, où les personnes concernées doivent se cacher[16], parfois fuir des violences, le livre est subversif. L'homosexualité est y assumée alors qu'elle est moralement blâmée. Comment découvrir et vivre son homosexualité lorsque tout se vit dans le secret ? S'expose-t-on à plus de violence sexuelle ? Il rappelle aussi que dans un contexte colonial, l'asservissement sexuel des jeunes hominines est une pratique réelle de la part de colons. "M'identifiant aux enfants malheureux d'Algérie, je commence d'écrire, attaquant à travers le thème du Vieillard et l'enfant un certain colonialisme abominable."[17] Le livre étonne par son style et choque par son propos "en un temps où de braves français, qui avaient manifesté moins de zèle à l'encontre des nazis, se vantaient de "casser du pédé" les soirs d'ennui"[4]. L'ouvrage n'est pas frappé par la censure de l’État français. Des rumeurs prétendent qu'Abdallah Chaamba est peut-être le pseudonyme d'André Gide pour cette œuvre posthume. Tenu au courant de la sortie du livre, l'oncle Marcel, à juste titre, se sent visé. Il est en colère. Il envoie en avril 1955 une lettre au responsable des éditions de Minuit[18] pour lui faire part de son étonnement. Il rejette les accusations et menace de porter l'affaire en justice. Il nie les violences sexuelles et se dit victime d'une basse vengeance de la part de son neveu qu'il décrit comme dépravé et menteur. Comme il est de coutume dans ce genre de situation, il emploie tous les registres pour discréditer son neveu. Sa moralité et ses piètres qualités littéraires ne sont rien face à la déférence qui est due à un vieux militaire "après une vie de travail et d'honneur". Plus le piédestal est haut, plus la chute est lourde. Il demande que le livre soit retiré du catalogue et de la vente, et que le projet de publier Le Voyage des morts soit abandonné. Finalement, il n'y a pas de suites judiciaires et, à sa mort en 1958, les archives de Marcel Augiéras sont purgées afin de "ne point ternir la mémoire de cette grande figure scientifique."[19]. Sous ce pseudonyme d'Abdallah Chaamba, Zirara est publié en septembre 1957 dans le troisième numéro de la revue Structure[20], puis dans un tiré à part, et Le Voyage des morts est édité en 1959 par les éditions La Nef de Paris. Il y relate la décennie 1950 lors de laquelle il parcourt le Maghreb. Dans Zirara il est méhariste[21], pendant quelques mois, chargé de défendre le fort du même nom dans le désert saharien, se remplissant de l'immensité des espaces, fasciné par le désert et le ciel ; dans Le Voyage des morts il est un berger, un prostitué, un vagabond, se nourrissant de rencontres et de solitude[22]. Il repense à sa relation sado-masochiste avec son oncle, il concrétise ses attirances homosexuelles — librement consenties —, attise ses penchants hétérosexuels dans des bordels, et expérimente une sexualité zoophile[23]. Autobiographique, ce voyage est onirique. Les "confessions brûlantes d'un jeune nomade nietzschéiste"[24].
François Augiéras se sent en symbiose avec la nature et le cosmos. Il se donne charnellement à l'une et se laisse totalement pénétrer par l'autre. Naturalisme et mysticisme sont le rapport qu'il entretient avec ce qui l'entoure, hominines ou non, et ce qui l'englobe. Inventeur de ses propres rituels, il se fait chamane de ses propres croyances. Adepte d'une divinité sans religion, il se pense immortel. Ayant déjà vécu auparavant dans une "autre vie" ! L'insolation et les mirages des déserts sahariens ne sont pour rien dans cet état psychologique. François Augiéras s'invente.
VézèrienEn 1960, François Augiéras épouse sa cousine Viviane de La Ville de Rigné, fille d'un neveu de Marcel Augiéras. Elle a 18 ans et lui 35. Cette relation ne dure pas et se soldera par un divorce après quelques années. De par son caractère difficile, le couple, l'hétérosexualité et l'amour ne sont des remèdes à rien, alors, après un premier voyage en 1956, la Grèce et des séjours au mont Athos sont un complément alimentaire à son déséquilibre artistique. Il s'initie aux techniques picturales des icônes religieuses des christiens et aux retraites spirituelles dans la République monastique du Mont-Athos, ce petit territoire autonome[25] de la Grèce qui est strictement interdit aux femelles — hominines et autres espèces domestiquées à l'exception des poules et des chattes —, aux enfants mineurs, aux hominines mâles sans pilosité et aux eunuques. La tentation sexuelle serait trop grande selon ces règles monastiques comme en témoigne Maryse Choisy qui, déguisée en hominine mâle, passe un mois clandestinement dans un monastère en 1929 et est confrontée aux avances d'un des moines[26]. Ne rentrant pas dans ce catalogue ségrégationniste, François Augiéras est autorisé à séjourner parmi les moines. À l'image de ses expériences extatiques et fusionnelles avec les immensités du désert et son ciel infini, il explore la solitude, le silence, le retrait. Il s'imagine devenir, seul, sa propre Communauté par le retrait[27].
Hormis ses voyages en Grèce, François Augérias vit à Périgueux mais il n'a de cesse de parcourir la campagne pétrocorienne, entre Périgueux et le village de Domme, à une soixante de kilomètres au sud-est. Dans ce pays sarladais, il s'enchante pour la Vézère, cette petite rivière qui s'écoule sur 200 kilomètres avant de se jeter dans la Dordogne. La région est son lieu de retraite et d'ouverture à d'autres sensations. Sa démarche est sensible. Il déambule le long du cours d'eau, s'y baigne, sent et regarde ce qui l'entoure, goûte et se délecte des odeurs et des lumières. Il s'émerveille des falaises et se frotte aux pierres. Les plaisirs et les sensations sont multiples. "Lors de ce déblaiement, je dégage ce qui est immuable, intemporel, mon moi sauvage, ma primitivité et mon instinctivité ; en fait ma primauté. Je ne confonds plus mon but et ma fin. Féral je deviens, affranchi et libre, absolu, autonome. Nomade du Moi, mon territoire est sans frontières, j’existe au-delà de ce que je suis comme un "homme sans qualités"." Cette citation, extraite d'un texte[29] attribué à F. Merdjanov, résume l'état d'esprit naturophile pansexuel de François Augiéras.
Solitaire, ses proches se comptent sur les doigts d'une main d'imprimeur[31]. Il sait se faire détester. Que ce soit dans son quotidien à Périgueux ou lors de ses périples vézèriens, François Augiéras n'a de cesse de griffonner sur des cahiers d'écoliers. Le solitaire a des choses à dire aux autres. Mais les lettres ne suffisent pas, alors il peint. Encore et encore. Les éditions Julliard publient L'apprenti sorcier en 1964, l'histoire des amours entre le narrateur, un jeune hominine adolescent, qui vit, en parallèle et dans le secret, une relation masochiste avec le prêtre qui l'héberge et un garçon du village de quelques années plus jeune que lui. Seul écrit non autobiographique, il est sans nom d'auteur. Le premier ouvrage à paraître sous le nom de François Augiéras est Une adolescence au temps du Maréchal et de multiples aventures en 1967 aux éditions Christian Bourgeois. Autobiographique, il relate sa vie, ses errances et ses rencontres, de sa jeunesse sous le gouvernement français de Vichy jusqu'à 1957 où il rejoint une compagnie méhariste. De cette jeunesse, méprisant le fait politique, il en retient les opportunités offertes aux jeunes dans les premiers temps des politiques gouvernementales à destination de la jeunesse, les activités en plein air et les randonnées, le "grand camping national". De toute cette vie, il lui reste une défiance prononcée pour les hominines. Et une mauvaise santé. François Augiéras se complaît dans le pays vézèrien. La luxuriance du Périgord sarladais se mêle à un paysage fait de cavernes profondes et de grottes. Où furent, par exemple, inhumées des mâchoires d'hominines néandertaliens ou les fameuses peintures murales de Lascaux. Misérable et en piètre santé, il alterne les séjours dans les hospices et les maisons de repos avec des escapades vézèriennes. Les grottes autour du village de Domme, au sud de Sarlat, sont les ultimes refuges. Il s'y livre à ses propres rituels, à des incantations que rien n'entend et note sur ses cahiers les douces sensations de cette solitude. Sa propre expérience est au centre de son écriture. L'ortie est son hachisch. Les autorités locales ne voient pas d'un bon œil la présence de cet hurluberlu qui rode torse nu dans les parages. La gendarmerie est alertée. Brièvement arrêté pour défaut de papiers d'identité, il est envoyé en observation psychiatrique par les militaires qui jugent ses propos incohérents. C'est à cette période de sa vie que se situe, sous les bons auspices du Zarathoustra de Nietzsche, la "rencontre cavernicole entre François Augiéras et Filareto Kavernido" selon Conversation à la mode de Han Ryner[32], un texte attribué à F. Merdjanov. Ses projets d'écriture progressent doucement. L'un concerne ses voyages en Grèce, l'autre sa vie cavernicole à Domme.
Un voyage au Mont Athos est publié en 1970 par les éditions Flammarion mais Domme ou l'Essai d'occupation le sera à titre posthume car François Augiéras meurt le 13 décembre 1971 à l'hôpital de Périgueux. Il est enterré quelques jours plus tard au cimetière de Domme. Longtemps restée anonyme, à côté d'une zone délaissée du cimetière, la tombe est aujourd'hui ornée d'une pierre tombale à l'initiative de Paul Placet afin d'éviter sa disparition.
SemencesSous le nom d'Abdallah Chaamba
Sans nom d'auteur
Sous le nom de François Augiéras
Posthumes
Sur François Augiéras
ExcrémentsSans l'intervention de l'unique hominine avec lequel il parvenait à relationner[35], les écrits et les peintures de François Augiéras seraient tombés dans l'oubli, détruits par la Vézère ou restés enfouis au fond d'une caverne. Paul Placet se charge de faire connaître l'œuvre de son ami solitaire et méconnu en faisant publier plusieurs de ses écrits et participant à la mise en valeur des dessins et peintures lors d'expositions[36]. Que la petite bibliothèque située dans la Mairie de Domme soit depuis renommée en l'honneur de François Augiéras répond à une certaine logique, la même que de nommer un centre culturel Élie "Booba" Yaffa[37]. Mais qui peut sérieusement prétendre à un Prix Augiéras ? Qui à part Augiéras lui-même ? Et pourtant, sans imaginer un instant faire insulte à l'auteur, ce prix est décerné annuellement lors du Salon du Livre de Champcevinel, un village au nord de Périgueux[38], depuis maintenant une dizaine d'années. La politique et l'art, toujours à la recherche d'inspiration et de légitimité, ont en commun la réappropriation d'hominines, de leurs histoires ou de leurs pensées, à leurs propres fins. Combien d'écoles Louise Michel[39] ou de rues Louis-Auguste Blanqui[40], combien d'artistes contestataires exposées dans les centres du pouvoir ? Combien de spécialistes de la vie des autres ? À quand l'avenue Albertine Hottin ou le stade Catherine Deneuve[41] ? À Périgueux, le maire académicien de la ville propose en 2001 qu'un hommage soit rendu à François Augiéras. Une sculpture représentant des lettres enchevêtrées est réalisée par un artiste afin d'être installée devant la médiathèque municipale. Après l'inauguration de ce support à volatiles, l'œuvre s'est progressivement détériorée grâce aux fientes et aux graffitis. Malheureusement, en 2018, des travaux de restauration de la sculpture ont été entrepris. Déplacée de quelques mètres, elle trône maintenant à l'entrée de la médiathèque. Dorénavant inutile pour les volatiles qui ne peuvent y déféquer et sans intérêt pour les hominines qui ne peuvent y griffonner. Dans des domaines différents, les adeptes des théories complotistes et autres divagations sont aussi en mesure de faire de la récupération. La vie de François Augiéras s'y prête si l'on force le trait de ses écrits et de ses peintures. Faut-il faire un lien entre le choix des services d'espionnage français d'établir dans les alentours de Domme leur plus grosse base secrète d'écoute[42] et les messages que François Augiéras prétend entendre "intérieurement" ? Est-ce un lieu d'écoute privilégié ou est-il tout simplement électrosensible ? Son tableau Balises pour centre d'écoute, qui représente deux antennes en haut d'une montagne, est-il un signe de vie extra-terrestre ou un avertissement contre le 5G ? Rien ne permet d'en dire plus. La protivophilie est prudente. Notes
|