Côte de Malaguette : Différence entre versions

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Loin des conditions de vie des [[Analecte|analectes]] romains, simples esclaves ménagers, des hominines femelles déportées pour assouvir des envies sexuelles ou des eunuques qui doivent leur prestige à l'amputation de leur sexe, le sort des nombreux hominines réduits à l'esclavage que les marchands exportent de l'Afrique de l'ouest vers le continent américain est sans commune mesure, par son ampleur et ses conditions<ref>Olivier Grenouilleau, ''Les Traites négrières. Essai d'histoire globale'', Gallimard, 2004</ref>. Depuis des millénaires des hominines mettent en esclavage d'autres hominines. Les empires et les royaumes d'Afrique, d'Asie et du pourtour méditerranéen ont fait commerce de cette marchandise qui, selon les époques, était chassée dans telle ou telle partie du monde. Des confins de l'Europe orientale, du Caucase ou de l'Afrique, des hominines sont exportés vers le Moyen-Orient, la Chine ou l'Inde pour servir de main-d'œuvre : militaires, esclaves ménagers, prostitution institutionnelle, prolétaires à tout-faire, etc. Les empires et commerçants mahométiens, de part leur situation géographique centrale, contrôlent entre le VII<sup>ème</sup> et le XX<sup>ème</sup> siècle cette "traite orientale" où les hominines sont mis en esclavage pour leur propre utilisation ou pour être exportés vers l'orient<ref>Jacques Heers, ''Les négriers en terres d'islam. VII<sup>e</sup> - XVI<sup>e</sup> siècle'', Perrin, 2003. Murray Gordon, ''L'esclavage dans le monde arabe. VII<sup>e</sup> - XX<sup>e</sup> siècle'', Tallandier, 2009.</ref> par des détours sahariens ou des ports [[Zanzibar|zanzibariens]]. Les fournisseurs sont essentiellement des entités politiques, des petits pouvoirs locaux ou des chasseurs d'esclaves qui revendent des prisonniers de guerre, des pauvres endettés ou condamnés, ainsi que d'innombrables personnes "razziées" par les commerçants esclavagistes. Les travaux consacrés à ce sujet estiment à environ quatorze millions d'hominines mâles et femelles ayant été déportés durant cette période, soit une moyenne de plus de 10000 par an. Le taux de mortalité est important et les estimations ne prennent pas en compte le nombre de personnes tuées lors de tentatives de capture<ref>Les estimations de certains historiens avancent le chiffre de plusieurs millions d'hominines morts avant leur départ vers les colonies des Amériques</ref>.
 
Loin des conditions de vie des [[Analecte|analectes]] romains, simples esclaves ménagers, des hominines femelles déportées pour assouvir des envies sexuelles ou des eunuques qui doivent leur prestige à l'amputation de leur sexe, le sort des nombreux hominines réduits à l'esclavage que les marchands exportent de l'Afrique de l'ouest vers le continent américain est sans commune mesure, par son ampleur et ses conditions<ref>Olivier Grenouilleau, ''Les Traites négrières. Essai d'histoire globale'', Gallimard, 2004</ref>. Depuis des millénaires des hominines mettent en esclavage d'autres hominines. Les empires et les royaumes d'Afrique, d'Asie et du pourtour méditerranéen ont fait commerce de cette marchandise qui, selon les époques, était chassée dans telle ou telle partie du monde. Des confins de l'Europe orientale, du Caucase ou de l'Afrique, des hominines sont exportés vers le Moyen-Orient, la Chine ou l'Inde pour servir de main-d'œuvre : militaires, esclaves ménagers, prostitution institutionnelle, prolétaires à tout-faire, etc. Les empires et commerçants mahométiens, de part leur situation géographique centrale, contrôlent entre le VII<sup>ème</sup> et le XX<sup>ème</sup> siècle cette "traite orientale" où les hominines sont mis en esclavage pour leur propre utilisation ou pour être exportés vers l'orient<ref>Jacques Heers, ''Les négriers en terres d'islam. VII<sup>e</sup> - XVI<sup>e</sup> siècle'', Perrin, 2003. Murray Gordon, ''L'esclavage dans le monde arabe. VII<sup>e</sup> - XX<sup>e</sup> siècle'', Tallandier, 2009.</ref> par des détours sahariens ou des ports [[Zanzibar|zanzibariens]]. Les fournisseurs sont essentiellement des entités politiques, des petits pouvoirs locaux ou des chasseurs d'esclaves qui revendent des prisonniers de guerre, des pauvres endettés ou condamnés, ainsi que d'innombrables personnes "razziées" par les commerçants esclavagistes. Les travaux consacrés à ce sujet estiment à environ quatorze millions d'hominines mâles et femelles ayant été déportés durant cette période, soit une moyenne de plus de 10000 par an. Le taux de mortalité est important et les estimations ne prennent pas en compte le nombre de personnes tuées lors de tentatives de capture<ref>Les estimations de certains historiens avancent le chiffre de plusieurs millions d'hominines morts avant leur départ vers les colonies des Amériques</ref>.
  
A partir de la fin du XV<sup>ème</sup> siècle, les principaux royaumes et empires de l'ouest européen se lancent dans la déportation massive d'hominines vers le "nouveau" continent américain que tous convoitent. Ces hominines, mâles et femelles, adultes et enfants, sont destinés à travailler dans la mise en valeur des nouvelles colonies et fournir la main-d'œuvre nécessaire aux cultures agricoles ensuite exportées vers l'Europe. Ce qui, en d'autres termes, signifie qu'illes sont condamnés aux travaux forcés. Le golfe de Guinée est un nœud important du trafic des esclaves de cette "traite occidentale". La plupart sont fait prisonniers lors des guerres des empires et royaumes d'Afrique de l'ouest, d'autres sont capturées lors d'attaques menées par des commerçants esclavagistes ou des pillards contre des villages. Le commerce se structure et s'amplifie, de nombreuses colonies commerciales s'implantent sur les côtes du golfe de Guinée, de petites villes avec leur marché aux esclaves sont fondées. Pendant les deux premiers siècles, les hominines portugais et hollandais sont les plus actifs dans l'exportation d'hominines vers leurs colonies sud-américaines du Brésil et des Caraïbes. Le royaume d'Espagne, grand bénéficiaire de cette traite trans-atlantique, leur délègue ce commerce. Mais à la fin du XVII<sup>ème</sup> siècle, les hominines français et britanniques se décident à réclamer une part du butin et se lancent avec entrain dans la "traite occidentale". Destination, le nord du continent américain<ref>Jean-Pierre Deveau, "La traite négrière atlantique", ''Dix-huitième Siècle'', n°33, 2001 - [https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_2001_num_33_1_2398 En ligne]</ref>. Pour une période s'étalant du début du XVI<sup>ème</sup> à la fin du XIX<sup>ème</sup> siècle, les travaux des historiens estiment à environ douze millions le nombre d'hominines, mâles et femelles, déportés d'Afrique et à un peu moins de dix millions celleux qui sont parvenus en vie sur le continent américain. Soit une moyenne d'environ 30000 hominines par an. Le XVIII<sup>ème</sup> est un siècle florissant pour le commerce des esclaves, avec des moyennes annuelles de plus de 70000 hominines. L’appât du gain et les prétextes philosophiques font bon ménage, l'un enrichit, l'autre justifie. Investisseur dans le commerce colonial<ref>Jean-François Lopez, "Les investissements de Voltaire dans le commerce colonial et la traite négrière: clarifications et malentendus", ''Cahiers Voltaire'', n° 7, 2008. Voir "C’est qui Voltaire ? Négrier ?" sur le site de la ''Société Voltaire'' - [https://societe-voltaire.org/cqv/negrier.php En ligne]</ref> et homme de lettres, Voltaire affirme alors qu'il se sent "''supérieur à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce.''" <ref>Voltaire, ''Traité de Métaphysique'', 1734 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_de_m%C3%A9taphysique En ligne] </ref> Le transport se fait via des bateaux dans lesquels les esclaves sont stockés dans les cales. Les conditions de vie, l'hygiène et la malnutrition, les violences sont fatales pour nombre d'entre elleux. Le voyage trans-atlantique dure plus de trois semaines. Des cas de révoltes et de mutineries sont régulièrement mentionnés. Des hominines parviennent parfois à s'échapper. D'autres subissent la répression, la torture puis leur exécution<ref>Marcus Rediker, ''A bord du négrier. Une histoire atlantique de la traite'', Seuil, 2013</ref>.
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A partir de la fin du XV<sup>ème</sup> siècle, les principaux royaumes et empires de l'ouest européen se lancent dans la déportation massive d'hominines vers le "nouveau" continent américain que tous convoitent. Ces hominines, mâles et femelles, adultes et enfants, sont destinés à travailler dans la mise en valeur des nouvelles colonies et fournir la main-d'œuvre nécessaire aux cultures agricoles ensuite exportées vers l'Europe. Ce qui, en d'autres termes, signifie qu'illes sont condamnés aux travaux forcés. Le golfe de Guinée est un nœud important du trafic des esclaves de cette "traite occidentale". La plupart sont fait prisonniers lors des guerres des empires et royaumes d'Afrique de l'ouest, d'autres sont capturées lors d'attaques menées par des commerçants esclavagistes ou des pillards contre des villages. Le commerce se structure et s'amplifie, de nombreuses colonies commerciales s'implantent sur les côtes du golfe de Guinée, de petites villes avec leur marché aux esclaves sont fondées. Pendant les deux premiers siècles, les hominines portugais et hollandais sont les plus actifs dans l'exportation d'hominines vers leurs colonies sud-américaines du Brésil et des Caraïbes. Le royaume d'Espagne, grand bénéficiaire de cette traite trans-atlantique, leur délègue ce commerce. Mais à la fin du XVII<sup>ème</sup> siècle, les hominines français et britanniques se décident à réclamer une part du butin et se lancent avec entrain dans la "traite occidentale". Destination, le nord du continent américain<ref>Jean-Pierre Deveau, "La traite négrière atlantique", ''Dix-huitième Siècle'', n°33, 2001 - [https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_2001_num_33_1_2398 En ligne]</ref>. Pour une période s'étalant du début du XVI<sup>ème</sup> à la fin du XIX<sup>ème</sup> siècle, les travaux des historiens estiment à environ douze millions le nombre d'hominines, mâles et femelles, déportés d'Afrique et à un peu moins de dix millions celleux qui sont parvenus en vie sur le continent américain. Soit une moyenne d'environ 30000 hominines par an. Le XVIII<sup>ème</sup> est un siècle florissant pour le commerce des esclaves, avec des moyennes annuelles de plus de 70000 hominines. L’appât du gain et les prétextes philosophiques font bon ménage, l'un enrichit, l'autre justifie. Investisseur dans le commerce colonial<ref>Jean-François Lopez, "Les investissements de Voltaire dans le commerce colonial et la traite négrière: clarifications et malentendus", ''Cahiers Voltaire'', n° 7, 2008. Voir "C’est qui Voltaire ? Négrier ?" sur le site de la ''Société Voltaire'' - [https://societe-voltaire.org/cqv/negrier.php En ligne]</ref> et homme de lettres, Voltaire affirme alors qu'il se sent "''supérieur à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce.''" <ref>Voltaire, ''Traité de Métaphysique'', 1734 - [https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_de_m%C3%A9taphysique En ligne] </ref> Le transport se fait via des bateaux dans lesquels les esclaves sont stockés dans les cales. Les conditions de vie, l'hygiène et la malnutrition, les violences sont fatales pour nombre d'entre elleux. Le voyage trans-atlantique dure de un à trois mois. Des cas de révoltes et de mutineries sont régulièrement mentionnés. Des hominines parviennent parfois à s'échapper. D'autres subissent la répression, la torture puis leur exécution<ref>Marcus Rediker, ''A bord du négrier. Une histoire atlantique de la traite'', Seuil, 2013</ref>.
  
 
== Utopies ==
 
== Utopies ==

Version du 22 février 2020 à 15:05

Côte de Malaguette. Scène de tragédies racistes anti-racistes et d'utopies anti-racistes racistes.


[En cours de rédaction]


Triangulation

Côte de Malaguette (1653)

La côte de Malaguette est à environ 4500 km au sud-ouest de Nice et plus de 5000 de la Macédoine, soit des distances protivophiles de 3430 et 3810 acab[1]

Géographique

Du XVème au XVIIIème siècle après JC[2], l'appellation "côte de Malaguette" est utilisée par les explorateurs et commerçants européens pour désigner la région de l'ouest africain située au nord-ouest du golfe de Guinée. Elle correspond plus ou moins à la zone côtière atlantique qui s'étend du cap des Palmes, à l'extrême sud de l'actuel Liberia, jusqu'à la péninsule de Freetown, au nord de l'actuel Sierra Léone. Proche de l'équateur, entre le 4ème et 10ème degré de latitude nord. Dans la géographie approximative de l'époque, elle est cartographiée au sud de la Nigritie, "pais des negres"[3], à l'ouest de la Guinée et bordée par la mer d'Éthiopie. Parfois aussi appelée côte des graines ou du poivre, elle est voisine, d'ouest en est, de la côte de l'ivoire, de la côte de l'or et de la côte des esclaves.

Les frontières de la côte de Malaguette ne sont pas véritablement fixées et dépendent du bon-vouloir des cartographies commerçantes. Comme ils le font pour d'autres denrées, les commerçants ne s'installent pas définitivement sur la côte mais viennent s'y ravitailler. Que ce soit par les géographes et commerçants arabes, ou ceux venus d'Europe, les zones continentales sont peu connues et restent quasiment inexplorées. L'arrière-pays de la côte est couvert de montagnes et de forêts denses peu accessibles. Le climat de la côte de Malaguette est de type tropical, c'est-à-dire qu'à une saison sèche autour de l'équinoxe d'hiver qui se caractérise par des températures moyennes et une faible pluviosité succède une saison humide et chaude. La zone maritime est soumise à de fortes précipitations.

Botanique

La malaguette, de son nom savant "Aframomum melegueta", est aussi appelée maniguette, graine du paradis ou poivre de Guinée. Elle appartient à la famille des zingibéracées dans laquelle est regroupée plus d'un millier de plante dont certaines sont elles aussi utilisées comme épice, tel le gingembre, le curcuma ou la cardamone. Comme les botanistes et frères siamois du non-sens[4], Gilles Deleuze et Félix Guattari, le rappellent dans leur ouvrage bicéphale Mille plateaux la malaguette est une plante rhizomateuse dont la structure est basée sur une racine nourricière rampante (le rhizome) à partir de laquelle se développent plusieurs tiges.

Résumons les caractères principaux d'un rhizome: à la différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque, et chacun de ses traits ne renvoie pas nécessairement à des traits de même nature, il met en jeu des régimes de signes très différents et même des états de non-signes. Le rhizome ne se laisse ramener ni à l'Un ni au Multiple. Il n'est pas l'Un qui devient deux, ni même qui deviendrait directement trois, quatre ou cinq, etc. Il n'est pas un multiple qui dérive de l'Un, ni auquel l'Un s'ajouterait (n + 1). Il n'est pas fait d'unités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes, Il n'a pas de commencement ni de fin, mais toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde, Il constitue des multiplicités linéaires à n dimensions, sans sujet ni objet, étalables sur un plan de consistance, et dont l'Un est toujours soustrait (n - 1).[5]

Malaguette
Mentionnée par Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle[6], la graine de la malaguette est connue en Europe depuis l'Antiquité où elle est introduite dans l'empire romain par les commerçants arabes sous le nom de "poivre africain". Elle est partie intégrante de la gastronomie de l'Afrique du Nord et est une des composantes de certains ras el-hanout, un mélange d'épices. Quelque peu délaissée, la graine de malaguette est de nouveau importée par les commerçants européens à partir du XIVème siècle lorsque ceux-ci parviennent à rejoindre par bateaux les côtes africaines. Vendue moins chère que le poivre, elle le concurrence sur les marchés d'Europe[7] et réintègre les cuisines. Le ménagier de Paris[8], daté de la fin du XIVème siècle, mentionne ce "faux poivre" importé par des navires de commerce français puis portugais. Son goût épicé en fait un excellent adjuvant pour les vins, les vinaigres et les eaux-de-vie. La malaguette est progressivement incorporée dans la pharmacopée pour ses prétendues vertus médicinales[9], et ce jusqu'au XIXème siècle. De nos jours, la graine de malaguette est toujours utilisée en Afrique de l'ouest pour ses aspects médicinaux, voire aphrodisiaques, par les hominines mais aussi par les grands singes chez qui la consommation régulière semble diminuer les problèmes cardiaques[10].

L'étymologie du terme malaguette n'est pas clairement établie par les linguistes et les historiens. Si certains évoquent une possible référence à l'ancien royaume mahométien[11] du Mali (ou Meli)[12], grand exportateur de poivre, d'autres émettent l'hypothèse d'un emprunt à la langue portugaise de malagueta qui désigne le piment. Les navigateurs et commerçants portugais qui explorent et longent les côtes africaines puis "découvrent" les voies maritimes vers l'Asie au XVème siècle empruntent peut-être à la langue tamoule le terme de மிளகு (milaku) qui signifie poivre dans cette langue du sud du sous-continent indien.

Dans sa Nouvelle géographie universelle. La terre et les hommes de 1887, loin du style décalé du duo co·s·mique Deleuze et Guattari, le géo-poète Élisée Reclus décrit ainsi la malaguette :

Quant au fruit qui avait donné à toute la partie de la côte comprise entre le cap Mesurado et le cap des Palmes ses noms de "Côte des Graines", "du Poivre" ou "de la Malaguette", il est remarquable que le commerce extérieur, après l'avoir si fort apprécié, l'ait délaissé complètement. C'est une espèce de cardamome (amomum granum Paradisi), aux fleurs entourées de bractées éclatantes, dont le fruit, se formant au bas de la tige, se développe en gousse écarlate, emplie de grains noirs dans une pulpe juteuse. Après une marche fatigante, rien ne désaltère mieux que ce "poivre de Guinée", grâce à l'acidité de la chair contrastant avec la brûlante saveur de la graine. Au seizième siècle, l'industrie européenne l'utilisait surtout pour donner du feu aux liqueurs spiritueuses ; les indigènes s'en servent comme de remède contre les migraines et les fièvres et en parfument les morts. Ce nom de malaguette ou maniguette donné à la "graine du Paradis" est un de ceux qui ont prêté aux plus longues controverses [...] C'est de l'embouchure du rio Cestos que l'on exportait principalement cette précieuse graine.[13]

Fervente de la macédoine, la protivophilie postule une nécessaire intersectionnalité pour parvenir à saisir les ressentis des végétaux dans leur sur-exploitation pour écrire, enfin, une histoire radicalement anti-spéciste de ce sous lumpenprolétariat du vivant. Le seul témoignage direct dont nous disposons à ce jour est celui recueilli au fil des documentaires auprès de la seule espèce végétale avec laquelle les hominines parviennent aujourd'hui à communiquer verbalement, Groot. Riche de seulement trois mots, sa langue est tout en subtilité pour qui sait la comprendre. Pour les autres, elle ne veut rien dire. Une évidente et synthétique réponse à l'énoncé rhizomateux deleuzo-guattarien.

Je s'appelle Groot[14]

Homininique

Comme dans les autres régions du globe terrestre, les hominines sont présents depuis des millénaires sur la côte de Malaguette et son arrière-pays. Les subdivisions qu'illes s'acharnent à maintenir entre elleux sont insignifiantes pour toutes les autres espèces vivantes qui les entourent. L'hippopotame nain ne les différencie pas plus par leurs langues que le phacochère est capable de nuancer leurs cultures ou que le pangolin leurs intentions envers lui. L'un se réfugie dans des espaces ripariens[15] apeuré aux moindres cris des hominines, l'autre se vexe de masques déformants le moquant grossièrement alors que le pangolin s'éteint de ses prétendues vertus aphrodisiaques fantasmées par les hominines. Défenseur de la cause des pangolins, injustement accusés de disséminer un virus par vengeance[16], l'éthologue porcinophile Renaud Sechan, respecté pour ses travaux publiés en 2020 malgré une santé mentale fragile, "Les animals"[17], rapporte les propos d'un nihiliste pangolin dans un de ses anciens écrits proto-phacochèriens :

Et j'regarde mes contemporains
C'est dire si j'contemple rien[18]

Humour & rituels phacochèriens
Les pratiques linguistiques des hominines de la côte de Malaguette se rattachent, selon les linguistes, au vaste groupe des langues nigéro-congolaises qui s'étend dans tout le sud et l'est de l'île-continent africaine[19]. Elles se situent à l'extrémité nord-ouest de cette vaste zone. La taxonomie linguistique discerne plus d'une trentaine de langues différentes et de nombreuses variantes locales. Beaucoup d'entre elles sont apparentées et certaines semblent "isolées". Elles correspondent à des espaces géographiques le long de la côte atlantique et dans l'arrière-pays où vivent de petites communautés d'hominines. Ainsi, dans leurs langues respectives, les différents groupes d'hominines de Malaguette se nomment kru, kplelle, bassa, dan, mande, kissi, sherbro, temme, gola, etc. Les mythologies, l'organisation sociale, les modes de subsistance, l'environnement ou l'histoire sont ce qui singularisent aussi ces groupes d'hominines. Protégée par sa forêt tropicale, la côte de Malaguette est restée à l'écart de l'influence directe des empires africains et des royaumes qui se développent au nord et au sud du Vème au XIVème siècle, et de la mythologie de mahométiens[11] qui poursuit sa lente expansion depuis le "coup de chaud" de l'homme promu prophète un jour de cagnard saharien au VIIème. Néanmoins, les communautés d'hominines vivant près des régions côtières refluent toujours plus devant l'avancée inéluctable d'autres hominines venus de l'intérieur de la grande île-continent. Les relations entre ces différentes communautés hominino-linguales sont faîtes de rivalités, d'échanges, de conflits, d'ignorance mutuelle, de mélanges, etc. Le niveau d'hostilité entre ces différentes communautés est variable et peut parfois mener de la paix à la guerre, mais à des niveaux bien moins meurtriers que les conflits que se mènent les royaumes du pourtour méditerranéen à l'époque où ceux-ci "découvrent" la côte qui deviendra celle de Malaguette. Des hominines, marins, marchands et normands de Dieppe affirment avoir posé le pied et commercé avec celleux de la côte dès la fin du XIVème siècle[20] mais, ce sont des navires portugais à qui la "découverte" est attribuée au siècle suivant par l'historiographie.

Dès la fin du XVème siècle des hominines du Portugal établissent des comptoirs marchands, puis, attirés par le gain, les espagnols, les hollandais, les britanniques et les français prennent pied, d'une manière ou d'une autre, sur la côte de Malaguette. Leurs navires marchands exportent les matières premières et alimentent le commerce dans les métropoles. Aucun ne s'aventurent dans l'intérieur des terres et les quelques liens commerciaux se font avec les hominines de la côte. La géographie établie par ces mercanto-navigateurs découpe toute la côte du golfe, que les portugais nomment de Guinée[21], selon les denrées qui s'y trouvent. De l'ouest à l'est, la côte de la malaguette, puis celles de l'ivoire, de l'or et des esclaves. Les connaissances de la région, des hominines qui y vivent, s'enrichissent de plusieurs récits de voyage publiés durant les trois siècles qui suivent[22]. Malgré des relations souvent tendues avec les hominines de la côte de Malaguette, les commerçants parviennent à nouer des accords avec certains pour se fournir en marchandises. Par malentendu, par arnaque ou par appât du gain, des terrains leur sont cédés où sont installées de petites communautés. Elles sont des sortes de quais de chargement gérés par les expatriés d'une entreprise de commerce spécialisée et non des colonies de peuplement. L'intérêt commercial est premier, l'intention colonisatrice de contrôler l'espace naît progressivement. Les cartographies qui se dessinent se couvrent de noms que les colonisateurs, selon leurs langues, décident de donner à une rivière, un village, une montagne, en hommage à une obscure personne ou lieux inconnus pour les hominines originaires de la côte de Malaguette et son arrière-pays. Le commerce de la malaguette est lucratif. Elle est exportée avec les autres marchandises vers les marchés européens par les routes maritimes ouvertes par les navigateurs.

Esclavage & abolition

Selon les dires de Bion de Boristhène, un ancien esclave grec du IIIème siècle avant JC devenu philosophe cynique :

Toutes les affaires des [hominines] ressemblent à leurs débuts et leur vie n’est pas plus respectable ni plus sérieuse que leur conception : nés de rien, ils retournent au néant.[23]

Loin des conditions de vie des analectes romains, simples esclaves ménagers, des hominines femelles déportées pour assouvir des envies sexuelles ou des eunuques qui doivent leur prestige à l'amputation de leur sexe, le sort des nombreux hominines réduits à l'esclavage que les marchands exportent de l'Afrique de l'ouest vers le continent américain est sans commune mesure, par son ampleur et ses conditions[24]. Depuis des millénaires des hominines mettent en esclavage d'autres hominines. Les empires et les royaumes d'Afrique, d'Asie et du pourtour méditerranéen ont fait commerce de cette marchandise qui, selon les époques, était chassée dans telle ou telle partie du monde. Des confins de l'Europe orientale, du Caucase ou de l'Afrique, des hominines sont exportés vers le Moyen-Orient, la Chine ou l'Inde pour servir de main-d'œuvre : militaires, esclaves ménagers, prostitution institutionnelle, prolétaires à tout-faire, etc. Les empires et commerçants mahométiens, de part leur situation géographique centrale, contrôlent entre le VIIème et le XXème siècle cette "traite orientale" où les hominines sont mis en esclavage pour leur propre utilisation ou pour être exportés vers l'orient[25] par des détours sahariens ou des ports zanzibariens. Les fournisseurs sont essentiellement des entités politiques, des petits pouvoirs locaux ou des chasseurs d'esclaves qui revendent des prisonniers de guerre, des pauvres endettés ou condamnés, ainsi que d'innombrables personnes "razziées" par les commerçants esclavagistes. Les travaux consacrés à ce sujet estiment à environ quatorze millions d'hominines mâles et femelles ayant été déportés durant cette période, soit une moyenne de plus de 10000 par an. Le taux de mortalité est important et les estimations ne prennent pas en compte le nombre de personnes tuées lors de tentatives de capture[26].

A partir de la fin du XVème siècle, les principaux royaumes et empires de l'ouest européen se lancent dans la déportation massive d'hominines vers le "nouveau" continent américain que tous convoitent. Ces hominines, mâles et femelles, adultes et enfants, sont destinés à travailler dans la mise en valeur des nouvelles colonies et fournir la main-d'œuvre nécessaire aux cultures agricoles ensuite exportées vers l'Europe. Ce qui, en d'autres termes, signifie qu'illes sont condamnés aux travaux forcés. Le golfe de Guinée est un nœud important du trafic des esclaves de cette "traite occidentale". La plupart sont fait prisonniers lors des guerres des empires et royaumes d'Afrique de l'ouest, d'autres sont capturées lors d'attaques menées par des commerçants esclavagistes ou des pillards contre des villages. Le commerce se structure et s'amplifie, de nombreuses colonies commerciales s'implantent sur les côtes du golfe de Guinée, de petites villes avec leur marché aux esclaves sont fondées. Pendant les deux premiers siècles, les hominines portugais et hollandais sont les plus actifs dans l'exportation d'hominines vers leurs colonies sud-américaines du Brésil et des Caraïbes. Le royaume d'Espagne, grand bénéficiaire de cette traite trans-atlantique, leur délègue ce commerce. Mais à la fin du XVIIème siècle, les hominines français et britanniques se décident à réclamer une part du butin et se lancent avec entrain dans la "traite occidentale". Destination, le nord du continent américain[27]. Pour une période s'étalant du début du XVIème à la fin du XIXème siècle, les travaux des historiens estiment à environ douze millions le nombre d'hominines, mâles et femelles, déportés d'Afrique et à un peu moins de dix millions celleux qui sont parvenus en vie sur le continent américain. Soit une moyenne d'environ 30000 hominines par an. Le XVIIIème est un siècle florissant pour le commerce des esclaves, avec des moyennes annuelles de plus de 70000 hominines. L’appât du gain et les prétextes philosophiques font bon ménage, l'un enrichit, l'autre justifie. Investisseur dans le commerce colonial[28] et homme de lettres, Voltaire affirme alors qu'il se sent "supérieur à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce." [29] Le transport se fait via des bateaux dans lesquels les esclaves sont stockés dans les cales. Les conditions de vie, l'hygiène et la malnutrition, les violences sont fatales pour nombre d'entre elleux. Le voyage trans-atlantique dure de un à trois mois. Des cas de révoltes et de mutineries sont régulièrement mentionnés. Des hominines parviennent parfois à s'échapper. D'autres subissent la répression, la torture puis leur exécution[30].

Utopies

Sierra Leone

Liberia

Notes

  1. Basé sur l'anglicisme "All Cartographies Are Biased" (Toutes les cartographies sont biaisées), un acab équivaut à 1312 mètres. Un kilomètre équivaut donc à 0,76 acab et un mille terrestre de 1609 mètres à 1,22.
  2. JC
  3. Traduction littérale de l'arabe balad as-sūdaan, expression des géographes arabes qui désigne l'Afrique sub-saharienne
  4. Alan Sokal, Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, 1997. Dan Sperber, "L'effet-gourou", 2009 - En ligne
  5. "Dans un livre, il n'y a rien à comprendre, mais beaucoup à se servir" dans Rhizome, publié en 1976 et repris en 1980 dans Mille plateaux - En ligne. Ce livre est nominé aux prochains Protiv'Awards dans la catégorie "Gastro" qui récompense une recette de macédoine pour son originalité.
  6. Histoire naturelle - En ligne
  7. Fernand Braudel, "Monnaies et civilisations : de l'or du Soudan à l'argent d'Amérique", Annales. Économies, sociétés, civilisations, n°1, 1946 - En ligne
  8. Le ménagier de Paris, vers 1393 - En ligne
  9. Louis Irissou, "La pharmacie à Montpellier avant les statuts de 1572", Revue d'histoire de la pharmacie, n°85, 1934 - En ligne
  10. "Out of Africa: A Tale of Gorillas, Heart Disease... and a Swamp Plant", BioScience, Volume 57, Issue 5, mai 2007 - En ligne
  11. 11,0 et 11,1 Mahométien désigne celles et ceux qui croient que Mahomet est un prophète - les musulmans - comme le terme de christien désigne les chrétiens adeptes de Jésus aka Christ ou celui de moïsien pour parler des adeptes de Moïse, les juifs.
  12. "Malaguette" dans le Trésor de la langue française - En ligne
  13. Élisée Reclus, Nouvelle géographie universelle. La terre et les hommes, tome XII "L'Afrique occidentale", pages 378-379 - En ligne
  14. Voir les deux émouvants documentaires Les gardiens de la galaxie I et II qui restent à ce jour une source importante d'informations sur Groot.
  15. Un espace riparien est une zone humide, le long des cours d'eau, sur laquelle se développe des zones herbeuses ou arborées. Elle suit les méandres du lit et forme un écosystème spécifique pour de nombreuses espèces vivantes.
  16. "Coronavirus : le pangolin a-t-il pu servir d’hôte intermédiaire ?", Le Monde, 7 février 2020 - En ligne
  17. Renaud, "Les animals", 2020 - En ligne
  18. Renaud, "Cent ans"
  19. Depuis le percement du canal de Suez, le continent africain est détaché du continent eurasiatique et deviennent de fait deux gigantesques îles séparées de quelques centaines de mètres !
  20. Nicolas Villault de Bellefond, Relation des costes d'Afrique, appellées guinée, 1669 - En ligne
  21. Guinée
  22. Jean-Claude Halpern, "Les Avatars de la barbarie sur les côtes du Golfe de Guinée, dans la première moitié du 18e siècle", Dix-huitième siècle, 2012, n° 44, p. 147-164 - En ligne
  23. D'après Bion de Boristhène, "Mon père était un fils d’esclave et se mouchait avec sa manche [...]. Ma mère était la seule femme que ce pauvre homme pût prendre, elle était catin et sortait d’une maison close. Mon père ayant fraudé le fisc, fut vendu et toute sa famille avec lui.". Cité à l'entrée "vide greniers" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017.
  24. Olivier Grenouilleau, Les Traites négrières. Essai d'histoire globale, Gallimard, 2004
  25. Jacques Heers, Les négriers en terres d'islam. VIIe - XVIe siècle, Perrin, 2003. Murray Gordon, L'esclavage dans le monde arabe. VIIe - XXe siècle, Tallandier, 2009.
  26. Les estimations de certains historiens avancent le chiffre de plusieurs millions d'hominines morts avant leur départ vers les colonies des Amériques
  27. Jean-Pierre Deveau, "La traite négrière atlantique", Dix-huitième Siècle, n°33, 2001 - En ligne
  28. Jean-François Lopez, "Les investissements de Voltaire dans le commerce colonial et la traite négrière: clarifications et malentendus", Cahiers Voltaire, n° 7, 2008. Voir "C’est qui Voltaire ? Négrier ?" sur le site de la Société Voltaire - En ligne
  29. Voltaire, Traité de Métaphysique, 1734 - En ligne
  30. Marcus Rediker, A bord du négrier. Une histoire atlantique de la traite, Seuil, 2013