Black War : Différence entre versions
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La Tasmanie est une île de 60000 km<sup><small>2</small></sup> — soit plus de quinze fois le département des Alpes-Maritimes, un peu moins de 3 fois la [[Macédoine]] — située à environ 200 kilomètres au sud de l'Australie. Plus de 16500 kilomètres de la rue [[Catherine Ségurane]] à [[Nice]], environ 15400 du centre-ville de Skopje. Elle est parsemée d'un peu plus de 300 îles et îlots. Lors de la dernière période de glaciation — entre 100000 et 10000 avant le présent — alors que le niveau des eaux est plus bas, elle est rattachée à l'Australie. Les premières populations d'hominines s'y installent il y a environ 40000 ans. Elles sont la partie la plus méridionale des populations qui arrivent sur le continent australien quelques dizaines de milliers d'années plus tôt. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'Australie et la Tasmanie ne forme alors qu'un seul bloc. Sans lien terrestre avec le reste de l'Asie, l'arrivée de ces hominines se fait par voie maritime. Illes y découvrent une faune unique : les marsupiaux. La fonte des glaces au nord du globe et la montée du niveau des mers qui en découle sépare l'Australie de la Tasmanie vers 10000 ans avant le présent. Les cultures des hominines de Papouasie-Nouvelle-Guinée, d'Australie et de Tasmanie se différencient à cette période. La géographie et le climat de Tasmanie sont différents de l'Australie. Sa position très méridionale fait qu'elle est très exposée au vents violents du Sud du globe et très régulièrement arrosée par des pluies, ainsi que de neige lors de la saison froide de juin et juillet. L'ouest reçoit beaucoup plus de précipitations que l'est. Largement montagneuse dans sa partie occidentale, la Tasmanie est couverte de forêts, traversée de fleuves et parsemée de lacs. Le point culminant est le mont Ossa à 1614 mètres. Généralement, elle est divisée en trois écorégions : "Forêts pluviales tempérées" à l'ouest, "Forêts des massifs centraux" et "Forêts tempérées" à l'est. Sur l'ensemble de son territoire, au fil des millénaires, des sociétés d'hominines nomades se structurent autour de la chasse et de la cueillette. | La Tasmanie est une île de 60000 km<sup><small>2</small></sup> — soit plus de quinze fois le département des Alpes-Maritimes, un peu moins de 3 fois la [[Macédoine]] — située à environ 200 kilomètres au sud de l'Australie. Plus de 16500 kilomètres de la rue [[Catherine Ségurane]] à [[Nice]], environ 15400 du centre-ville de Skopje. Elle est parsemée d'un peu plus de 300 îles et îlots. Lors de la dernière période de glaciation — entre 100000 et 10000 avant le présent — alors que le niveau des eaux est plus bas, elle est rattachée à l'Australie. Les premières populations d'hominines s'y installent il y a environ 40000 ans. Elles sont la partie la plus méridionale des populations qui arrivent sur le continent australien quelques dizaines de milliers d'années plus tôt. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'Australie et la Tasmanie ne forme alors qu'un seul bloc. Sans lien terrestre avec le reste de l'Asie, l'arrivée de ces hominines se fait par voie maritime. Illes y découvrent une faune unique : les marsupiaux. La fonte des glaces au nord du globe et la montée du niveau des mers qui en découle sépare l'Australie de la Tasmanie vers 10000 ans avant le présent. Les cultures des hominines de Papouasie-Nouvelle-Guinée, d'Australie et de Tasmanie se différencient à cette période. La géographie et le climat de Tasmanie sont différents de l'Australie. Sa position très méridionale fait qu'elle est très exposée au vents violents du Sud du globe et très régulièrement arrosée par des pluies, ainsi que de neige lors de la saison froide de juin et juillet. L'ouest reçoit beaucoup plus de précipitations que l'est. Largement montagneuse dans sa partie occidentale, la Tasmanie est couverte de forêts, traversée de fleuves et parsemée de lacs. Le point culminant est le mont Ossa à 1614 mètres. Généralement, elle est divisée en trois écorégions : "Forêts pluviales tempérées" à l'ouest, "Forêts des massifs centraux" et "Forêts tempérées" à l'est. Sur l'ensemble de son territoire, au fil des millénaires, des sociétés d'hominines nomades se structurent autour de la chasse et de la cueillette. | ||
+ | [[Fichier:tascook.jpeg|300px|vignette|droite|Rencontre entre deux mondes <ref>Ou concours de pets ?</ref>]] | ||
Dans un mélange de visées politiques et d'intérêts économiques, les puissances européennes se concurrencent dans le Pacifique et l'Océanie entre les XVII<sup><small>ème</small></sup> et XIX<sup><small>ème</small></sup> siècles. Chacune recherche des territoires d'où elles peuvent tirer profit. L'Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la France font la course aux opportunités. Elles s'affrontent militairement, négocient entre elles ou se partagent lorsqu'elle ne peuvent faire autrement. Les routes commerciales maritimes charrient moult produits de l'Asie vers l'Europe. Avec leurs bateaux, les hominines arrivant d'Europe explorent progressivement les côtes australiennes et les cartographient. Les Pays-Bas revendiquent les terres côtières de la partie occidentale de l'actuelle Australie, nommées Nouvelle-Hollande depuis le milieu du XVII<sup><small>ème</small></sup> siècle. Cela ne se fait pas sans risque. L'épisode le plus médiatisé de ces voyages est l'aventure du ''Batavia''. Le navire néerlandais fait naufrage dans le petit archipel corallien des îles Abrolhos de Houtman, à l'ouest de l'Australie, en juin 1629. Environ 300 personnes survivent et s'installent sur différentes îles en attendant l'arrivée des secours que le capitaine est parti chercher. Presque une cinquantaine de marins et d'officiers abandonnent ainsi à leur sort les autres hominines. À la tête d'un conseil, Jeronimus Cornelisz <ref>Jeronimus Cornelisz</ref> prend alors les commandes de la petite communauté survivante. Avec l'aide de quelques hominines, il fait régner un ordre meurtrier sur l'archipel. Environ 125 hominines, mâles, femelles et enfants, se font tuer. Réfugié sur une des îles de l'archipel, un petit groupe d'hominines résistent au conseil. Jeronimus Cornelisz est finalement capturé et est pendu au début octobre 1629 après le retour de l'équipe de sauvetage. | Dans un mélange de visées politiques et d'intérêts économiques, les puissances européennes se concurrencent dans le Pacifique et l'Océanie entre les XVII<sup><small>ème</small></sup> et XIX<sup><small>ème</small></sup> siècles. Chacune recherche des territoires d'où elles peuvent tirer profit. L'Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la France font la course aux opportunités. Elles s'affrontent militairement, négocient entre elles ou se partagent lorsqu'elle ne peuvent faire autrement. Les routes commerciales maritimes charrient moult produits de l'Asie vers l'Europe. Avec leurs bateaux, les hominines arrivant d'Europe explorent progressivement les côtes australiennes et les cartographient. Les Pays-Bas revendiquent les terres côtières de la partie occidentale de l'actuelle Australie, nommées Nouvelle-Hollande depuis le milieu du XVII<sup><small>ème</small></sup> siècle. Cela ne se fait pas sans risque. L'épisode le plus médiatisé de ces voyages est l'aventure du ''Batavia''. Le navire néerlandais fait naufrage dans le petit archipel corallien des îles Abrolhos de Houtman, à l'ouest de l'Australie, en juin 1629. Environ 300 personnes survivent et s'installent sur différentes îles en attendant l'arrivée des secours que le capitaine est parti chercher. Presque une cinquantaine de marins et d'officiers abandonnent ainsi à leur sort les autres hominines. À la tête d'un conseil, Jeronimus Cornelisz <ref>Jeronimus Cornelisz</ref> prend alors les commandes de la petite communauté survivante. Avec l'aide de quelques hominines, il fait régner un ordre meurtrier sur l'archipel. Environ 125 hominines, mâles, femelles et enfants, se font tuer. Réfugié sur une des îles de l'archipel, un petit groupe d'hominines résistent au conseil. Jeronimus Cornelisz est finalement capturé et est pendu au début octobre 1629 après le retour de l'équipe de sauvetage. | ||
− | + | En novembre 1642, un bateau néerlandais arrive au large de la future Tasmanie. À son bord, Abel Tasman <ref>Abel Tasman</ref>, chargé par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales d'explorer la région à la recherche de nouvelles opportunités commerciales. Il est considéré comme le premier hominine blanc à poser les yeux sur ces rivages <ref>Portugal et Chine</ref> qu'il cartographie et nomme Terre Van Diemen <ref>Van Diemen</ref>. De façon très originale, le lieu où l'ancre est jetée sera par la suite nommée Péninsule Tasman et celui de la première rencontre avec des hominines sera la Blackman Bay. Cent trente ans plus tard, une expédition française menée par Marc Joseph Marion du Fresne débarque pour la première fois à terre, à la recherche d'eau potable. Ce dernier a reçu quelques recommandations de Rousseau sur la manière de se comporter en cas de rencontre avec des autochtones. Il est décidé à envoyer des marins nus à la rencontre des hominines qui se présenteront dans la plus simple nudité. L'accueil est chaleureux et la curiosité réciproque, jusqu'à ce que la rencontre dégénère par incompréhension. "''Dès qu'ils eurent lancé leurs javelots, on leur répondit par une fusillade qui en blessa plusieurs, et en tua un. Ils s'enfuirent aussitôt dans les bois, faisant des hurlements affreux ; dans leur fuite ils portaient ceux qui, étant blessés, ne pouvaient les suivre. Quinze hommes armés de fusils les poursuivirent, et trouvèrent à l'entrée du bois un de ces sauvages mourant du coup de fusil qu'il avait reçu.''" <ref>''Nouveau voyage à la mer du Sud, commencé sous les ordres de M. Marion'', 1783, page 29 et suivantes - [https://books.google.fr/books?id=fgocLyTB1mwC&vq=miroir&hl=fr&pg=PR1#v=onepage&q&f=false En ligne]</ref> Cette "nouvelle" terre est ensuite très partiellement explorée par les britanniques en 1773 et en 1777 lors de l'expédition de James Cook. Une dizaine d'hominines sur la plage s'approchent du bateau et James Cook décide d'aller à leur rencontre. Cette fois, tout se passe bien. Ce moment est immortalisé par une gravure réalisée par un membre de l'équipage. Elle est, de fait, la première représentation connue d'hominines de Tasmanie. En mai 1792, l'expédition scientifique menée par Antoine Bruny d'Entrecasteaux jette l'encre dans une baie du sud-ouest de la Terre Van Diemen. Une pause de quelques semaines dans sa recherche d'une précédente expédition disparue à l'est de l'Australie et qui n'a pas donné de nouvelles depuis des années. Aucun contact entre des hominines autochtones et ces navigateurs, même si ces derniers constatent que la région est habitée. De retour en janvier 1793, pour quelques semaines, des échanges ont lieu entre autochtones et allochtones. L'un des botanistes de cette expédition publie en 1799, une ''Relation du voyage à la recherche de La Pérouse'', en deux tomes <ref>''Relation du voyage à la recherche de La Pérouse'', 1799 - [En ligne]</ref>. Dans le second tome, il fournit un lexique de plus de 80 mots de la "''langue des sauvages du cap de Diemen''" <ref>''Relation du voyage à la recherche de La Pérouse'', 1799 - [En ligne]</ref>. Parmi ceux-ci, des termes liés à l'anatomie des hominines, à des activités sociales, des créatures de la faune et de la flore, et des considérations géographiques. Il est à noté la traduction de ''péter'', "tanina", dont la présence dans ce lexique indique que cela revêt une importance particulière dans le rapport entre ces deux mondes qui se rencontrent. Rien sur le rot ou le bâillement par exemple. Le lexique propose aussi une traduction de ''moi'' et de ''pour moi'', respectivement transcrits phonétiquement par ''mana'' et ''paouaï''. Inutile d'y cherche une forme de pensée individualiste, il s'agit plus sûrement d'un choix pratique pour échanger. ''Vous'' est traduit, mais pas ''nous''. | |
− | En novembre 1642, un bateau néerlandais arrive au large de la future Tasmanie. À son bord, Abel Tasman <ref>Abel Tasman</ref>, chargé par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales d'explorer la région à la recherche de nouvelles opportunités commerciales. Il est considéré comme le premier hominine blanc à poser les yeux sur ces rivages <ref>Portugal et Chine</ref> qu'il cartographie et nomme Terre Van Diemen <ref>Van Diemen</ref>. De façon très originale, le lieu où l'ancre est jetée sera par la suite nommée Péninsule Tasman et celui de la première rencontre avec des hominines sera la Blackman Bay. Cent trente ans plus tard, une expédition française menée par Marc Joseph Marion du Fresne débarque pour la première fois à terre, à la recherche d'eau potable. Ce dernier a reçu quelques recommandations de Rousseau sur la manière de se comporter en cas de rencontre avec des autochtones. Il est décidé à envoyer des marins nus à la rencontre des hominines qui se présenteront dans la plus simple nudité. L'accueil est chaleureux et la curiosité réciproque, jusqu'à ce que la rencontre dégénère par incompréhension. "''Dès qu'ils eurent lancé leurs javelots, on leur répondit par une fusillade qui en blessa plusieurs, et en tua un. Ils s'enfuirent aussitôt dans les bois, faisant des hurlements affreux ; dans leur fuite ils portaient ceux qui, étant blessés, ne pouvaient les suivre. Quinze hommes armés de fusils les poursuivirent, et trouvèrent à l'entrée du bois un de ces sauvages mourant du coup de fusil qu'il avait reçu.''" <ref>''Nouveau voyage à la mer du Sud, commencé sous les ordres de M. Marion'', 1783, page 29 et suivantes - [https://books.google.fr/books?id=fgocLyTB1mwC&vq=miroir&hl=fr&pg=PR1#v=onepage&q&f=false En ligne]</ref> Cette "nouvelle" terre est ensuite très partiellement explorée par les britanniques en 1773 et en 1777 lors de l'expédition de James Cook. Une dizaine d'hominines sur la plage s'approchent du bateau et James Cook décide d'aller à leur rencontre. Cette fois, tout se passe bien. Ce moment est immortalisé par une gravure réalisée par un membre de l'équipage. Elle est, de fait, la première représentation connue d'hominines de Tasmanie. En mai 1792, l'expédition scientifique menée par Antoine Bruny d'Entrecasteaux jette l'encre dans une baie du sud-ouest de la Terre Van Diemen. Une pause de quelques semaines dans sa recherche d'une précédente expédition disparue à l'est de l'Australie et qui n'a pas donné de nouvelles depuis des années. Aucun contact entre des hominines autochtones et ces navigateurs, même si ces derniers constatent que la région est habitée. De retour en janvier 1793, pour quelques semaines, des échanges ont lieu entre autochtones et allochtones. L'un des botanistes de cette expédition publie en 1799, une ''Relation du voyage à la recherche de La Pérouse'', en deux tomes <ref>''Relation du voyage à la recherche de La Pérouse'', 1799 - [En ligne]</ref>. Dans le second tome, il fournit un lexique de plus de 80 mots de la "''langue des sauvages du cap de Diemen''" <ref>''Relation du voyage à la recherche de La Pérouse'', 1799 - [En ligne]</ref>. Parmi ceux-ci, des termes liés à l'anatomie des hominines, à des activités sociales, des créatures de la faune et de la flore, et des considérations géographiques. Il est à noté la traduction de ''péter'', "tanina", dont la présence dans ce lexique indique que cela revêt une importance particulière dans le rapport entre ces deux mondes qui se rencontrent. Rien sur le rot ou le bâillement par exemple. Le lexique propose aussi une traduction de ''moi'' et de ''pour moi'', respectivement transcrits phonétiquement par ''mana'' et ''paouaï''. Inutile d'y | ||
Un bateau britannique fait enfin le tour de la Terre Van Diemen en 1798, confirmant ainsi qu'il s'agit d'une île. Les expéditions française et britanniques, menées respectivement par Nicolas Baudin entre 1800 et 1803 <ref>Louis Claude de Saulces de Freycinet, ''Voyage de découvertes aux Terres Australes, exécuté par ordre de sa Majesté, l’Empereur et Roi, sur les corvettes le Géographe, le Naturaliste et la goélette le Casuarina, pendant les années 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804 : Navigation et géographie'', Imprimerie royale, 1815, 2e éd. - [https://archive.org/stream/voyagededcouve05pr#page/2/mode/2up En ligne]. Anne-Marie Castelain, "A la recherche du continent austral. Autour de l'expédition Baudin (1801-1804)", ''Cahiers de sociologie économique et culturelle'', n°9, 1988 - [https://doi.org/10.3406/casec.1988.1577 En ligne]</ref>, et par Matthew Flinders entre 1801 et 1803, sont une nouvelle étape dans le présence européenne dans la région. Les deux expéditions se croisent courant 1802 dans le sud de l'Australie et confirment qu'elle est un continent-île. | Un bateau britannique fait enfin le tour de la Terre Van Diemen en 1798, confirmant ainsi qu'il s'agit d'une île. Les expéditions française et britanniques, menées respectivement par Nicolas Baudin entre 1800 et 1803 <ref>Louis Claude de Saulces de Freycinet, ''Voyage de découvertes aux Terres Australes, exécuté par ordre de sa Majesté, l’Empereur et Roi, sur les corvettes le Géographe, le Naturaliste et la goélette le Casuarina, pendant les années 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804 : Navigation et géographie'', Imprimerie royale, 1815, 2e éd. - [https://archive.org/stream/voyagededcouve05pr#page/2/mode/2up En ligne]. Anne-Marie Castelain, "A la recherche du continent austral. Autour de l'expédition Baudin (1801-1804)", ''Cahiers de sociologie économique et culturelle'', n°9, 1988 - [https://doi.org/10.3406/casec.1988.1577 En ligne]</ref>, et par Matthew Flinders entre 1801 et 1803, sont une nouvelle étape dans le présence européenne dans la région. Les deux expéditions se croisent courant 1802 dans le sud de l'Australie et confirment qu'elle est un continent-île. | ||
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− | La colonie de 1803 n'est pas le premier contact entre les hominines de la Terre Van Diemen et les explorateurs, marchands et pêcheurs venant d'Europe ou des comptoirs européens d'Asie. La pêche au phoques et aux cétacés amène son lot de bateaux européens, et déclenche probablement la première épidémie chez les hominines autochtones. Des milliers d'entre elleux meurent de maladies encore inconnues dans cette région et contre lesquelles illes ne sont pas immunisés. Si la population autochtone est estimée entre 300000 et un million d'hominines pour l'île d'Australie, elle est à peine entre 3000 et 15000 pour la Terre Van Diemen. Les maladies importées, telle la variole, deviennent la cause la plus importante de décès des populations colonisées. Les antagonismes entre autochtones et autorités britanniques vont crescendo. Que ce soit en Nouvelle-Galles du Sud ou sur la Terre Van Diemen, les premières colonies pénitentiaires se transforment rapidement en une exploration et une implantation durable avec des petites villes sur des terres que les britanniques pensent pouvoir revendiquer. Lorsque un espace est vide de traces d'agriculture, il est considéré ''[[terra nullius]]'', une "terre sans maître". "''C’est au nom de ce fallacieux principe de ''terra nullius'' que la grande île coincée entre la Tasmanie au Sud et la Papouasie au Nord, l’Australie, fut colonisée par des apiculteurs – mais pas que – venus pour l’essentiel de l’ouest de la Macédoine et feignant penser n’y trouver personne.''" <ref name=":FM">"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'' [http://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref> Plus les colons s'aventurent sur des terres jusqu'alors inexplorées par elleux, plus le niveau de violence augmente. Outres les ressources naturelles qui sont exploitées et les territoires occupés, les colonisateurs kidnappent des hominines, mâles, femelles et enfants, pour servir de domestiques, de "''femmes de compagnie''" et de main-d'œuvre. Le premier acte de représailles de la part d'autochtones est le fait de Pemulwuy et quatre autres hominines qui abattent en 1790 un colon britannique de Nouvelle-Galles du Sud connu pour avoir tué des aborigènes <ref>Pemulwuy et quatre autres hominines</ref>. Pendant une dizaine d'années, ils vont mener des attaques sporadiques contre des fermes et se venger sur quelques colons. En Terre Van Diemen, les premières oppositions à l'arrivée des britanniques et à leur politique coloniale ne se font pas attendre. Les aborigènes vandemiénisés — mâles et femelles — n'acceptent pas d'être traités comme de simples petits animaux sauvages. Illes refusent les violences des colons, des bagnards en fuite et la mission civilisatrice britannique. Pendant trente ans, illes vont être progressivement décimés. | + | La colonie de 1803 n'est pas le premier contact entre les hominines de la Terre Van Diemen et les explorateurs, marchands et pêcheurs venant d'Europe ou des comptoirs européens d'Asie. La pêche au phoques et aux cétacés amène son lot de bateaux européens, et déclenche probablement la première épidémie chez les hominines autochtones. Des milliers d'entre elleux meurent de maladies encore inconnues dans cette région et contre lesquelles illes ne sont pas immunisés. Si la population autochtone est estimée entre 300000 et un million d'hominines pour l'île d'Australie, elle est à peine entre 3000 et 15000 pour la Terre Van Diemen. Les maladies importées, telle la variole, deviennent la cause la plus importante de décès des populations colonisées. Les antagonismes entre autochtones et autorités britanniques vont crescendo. Que ce soit en Nouvelle-Galles du Sud ou sur la Terre Van Diemen, les premières colonies pénitentiaires se transforment rapidement en une exploration et une implantation durable avec des petites villes sur des terres que les britanniques pensent pouvoir revendiquer. Lorsque un espace est vide de traces d'agriculture, il est considéré ''[[terra nullius]]'', une "terre sans maître". "''C’est au nom de ce fallacieux principe de ''terra nullius'' que la grande île coincée entre la Tasmanie au Sud et la Papouasie au Nord, l’Australie, fut colonisée par des apiculteurs – mais pas que – venus pour l’essentiel de l’ouest de la Macédoine et feignant penser n’y trouver personne.''" <ref name=":FM">"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'' [http://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref> Plus les colons s'aventurent sur des terres jusqu'alors inexplorées par elleux, plus le niveau de violence augmente. Outres les ressources naturelles qui sont exploitées et les territoires occupés, les colonisateurs kidnappent des hominines, mâles, femelles et enfants, pour servir de domestiques, de "''femmes de compagnie''" et de main-d'œuvre. Le premier acte de représailles de la part d'autochtones est le fait de Pemulwuy et quatre autres hominines qui abattent en 1790 un colon britannique de Nouvelle-Galles du Sud connu pour avoir tué des aborigènes <ref>Pemulwuy et quatre autres hominines</ref>. Pendant une dizaine d'années, ils vont mener des attaques sporadiques contre des fermes et se venger sur quelques colons. En Terre Van Diemen, les premières oppositions à l'arrivée des britanniques et à leur politique coloniale ne se font pas attendre. Les aborigènes vandemiénisés — mâles et femelles — n'acceptent pas d'être traités comme de simples petits animaux sauvages. Illes refusent les violences des colons, des bagnards en fuite et la mission civilisatrice britannique. Pendant trente ans, illes vont être progressivement décimés. |
− | + | [[Fichier:Pridetaz.jpg|300px|vignette|droite|Drapeau post-colonial des fiertés tasmaniennes]] | |
− | + | Dans l'historiographie moderne qui s'écrit, ces trois décennies de résistance sont appelées ''Black War''. Selon cette tournure linguistique, la Guerre Noire est celle menée par les hominines mélanodermes. Elle sous-entend qu'elle est à leur initiative, ou tout du moins qu'il n'est pas très ''british gentleman'' de refuser la main tendue par les autorités coloniales et la monarchie du Royaume-Uni. Est-ce cela l'ironie décalée et l'absurde qui définissent le fameux "''humour anglais''" ? "''Ne pas faire à une barquette de Lu ce que l'on ne voudrait pas qu'une barquette de Lu nous fasse !!!''" <ref>D'après la ''Désencyclopédie'' - [https://desencyclopedie.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:D%C3%A9sencyclop%C3%A9die En ligne]</ref> est la tactique coloniale choisie par les britanniques. Ainsi la ''Black War'' n'est pas une guerre britannique mais noire. Cette appellation n'est pourtant pas le choix, ni une revendication, des hominines de la Terre Van Demien, elle est leur réponse à une invasion violente. Malgré leur nombre et leurs armes à feu, les colonisateurs de tous poils ne parviennent pas à totalement réduire les petits groupes armés seulement de lances. La loi martiale est promulguée en 1828. Il est prévu de mettre en place une stricte ségrégation afin de régler la "question aborigène" sur la Terre Van Diemen : les autochtones doivent s'installer dans les zones inhabitées du nord-est. L'historien James Boyce résume tout l'humour colonial à la sauce britannique : "''Tout Aborigène pouvait désormais être légalement tué pour avoir simplement franchi une frontière non marquée que le gouvernement n'avait même pas pris la peine de définir.''" <ref>James Boyce, ''Van Diemen's Land'', Melbourne, Black Inc, 2010</ref> Une grande opération est lancée entre octobre et novembre 1830 contre quatre tribus du sud-est. Son nom de code est "Black Line". Environ 2200 hominines <ref>550 soldats, 738 bagnards et 912 civils</ref> se lancent dans une série de battues à grande échelle, un front échelonné sur plus de 300 kilomètres. Le but est de contraindre les quelques 300 hominines de ces tribus à se diriger vers la péninsule Tasman, où les autorités britannique comptent faire une réserve temporaire pour aborigènes. La cinquantaine de contre-attaques ne suffisent pas à stopper l'avancée militaire. | |
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− | + | Difficile d'établir un bilan de la Black War. Plus d'un milliers de morts côté vendeménien et un peu moins de 200 côté colonisateur. Le nombre de morts lors de cette guerre s'ajoute aux décès par maladies, par violence directe ou lors de tentatives de captures. | |
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Version du 19 juillet 2024 à 18:21
Black War (црна војна en macédonien - guèrra negra en nissard) Version anglophone la plus proche de la "Guerre noire" francophone, et réciproquement.
Sens a·variésDans toutes les pratiques linguistiques du monde, les mots ont une histoire. Celle-ci n'est pas exclusivement du domaine de l'étymologie. Ni de l'orthographe. Les définitions changent avec le temps, elles se modifient progressivement. Parfois même jusqu'à vouloir dire l'inverse, à l'exemple de rien qui signifiait chose avant de devenir un synonyme de néant. Le sens des mots est à l'image de l'époque à laquelle ils sont employés. Ils se disent et s'entendent dans un contexte social, politique ou culturel particulier. Chaque mot est le reflet d'une idée de son temps, tout autant qu'il le modèle. Deux sens opposés, ou nuancés, peuvent même coexister. Des expressions avec rien rendent cette situation linguistique singulière : "Rien que je veux" s'oppose à "Je veux que rien". Les processus linguistiques ne sont pas des règles immuables, empruntant des chemins de traverse, des périples biscornus, dont les résultats peuvent être étonnants. Par exemple, l'ancien noiantir ou néantir, avec le sens de réduire à néant, a évoluer vers le moderne anéantir en gardant le même sens. Pourtant le préfixe privatif a- indique que le mot exprime ainsi le contraire ou l'absence de ce qu’il exprimait. Idem avec annihiler, basé sur la racine nihil, "rien", et le préfixe privatif an-. Sans ce préfixe, nihiler en dit déjà beaucoup. Des normes et des pratiques se font et se défont selon les contextes. Difficile de faire un retour en arrière ou une nouvelle proposition sans prendre le risque d'un contresens. Par exemple, s'il est vrai que le suffixe privatif a le même effet sur aplatir, l'introduction du simple platir pour exprimer exactement la même chose peut prêter à confusion aux époques où les platistes existent. Cette problématique existe déjà avec le mot nihiliste qui laisse à penser que des hominines [2] sont adeptes de rien, comme s'illes étaient pour rien alors qu'il s'agit d'être contre tout. Même pour Victor Hugo, dans son roman Les misérables consacré aux moins-que-rien, cette ambiguïté est source de malentendu :
GuerreSi ce n'est la langue dans lesquels ils sont employés, il n'y a pas de différence entre les mots guerre et war. Leur sens et leurs étymologies sont identiques. Bien que dite latine, la langue française c'est construite aussi au fil des siècles sur un fond germanique, alors que l'anglais est considérée comme une langue germanique ayant moult latinismes. Les glissements entre ces deux langues en construction se sont fait à partir de la seconde moitié du XIème siècle après JCⒸ [4] par l'intermédiaire de l'anglo-normand. Arrivant de Normandie, Guillaume et ses armées conquièrent alors l'île britannique et importent leurs pratiques linguistiques d'oïl qui se mêlent au "vieil anglais" [5] en usage. L'anglo-normand devient la langue de la royauté, de son aristocratie et de sa bourgeoisie commerçante avant de laisser placer à l'anglais actuel. Ce dernier comporte des milliers de mots venant de Normandie. Parmi ceux-ci le terme war, dérivé de werre. A dictionary of the Norman or Old French language recense la forme wiere [6] et les lexiques de pratiques linguistiques anciennes du nord de la France mentionnent des formes apparentées. L'étymon est germanique et se retrouve dans la plupart des langues germaniques actuelles. La mutation de werre dans plusieurs langues latines a donné guerre en français et guerra en castillan, en portugais ou en nissard par exemple. La transformation du w initial en un g est un phénomène constaté dans d'autres termes : le waitier normand est le wait anglais et le guetter français. Idem avec warde, ward et garde. La racine latine bellum pour nommer la guerre est encore présente dans la langue française moderne dans belliciste, belligérant·e ou belliqueux et belliqueuse pour en citer quelques-uns. Ou encore rebelle et ses dérivés. Utilisée en français, l'expression casus belli — au sens de "occasion de guerre" — conserve cette racine latine. La signification première de war ou de guerre est une opposition ou un conflit entre deux parties, même s'il est possible d'être en guerre avec soi-même. Généralement, une guerre oppose à minima deux individualités, une individualité à un groupe, ou deux groupes. Seul le contexte explicite permet de déterminer le sens exact à donner à ce mot. Mais cela ne se limite pas à un tête-à-tête, en effet les parties prenantes à une guerre peuvent être plus de deux camps. L'utilisation de guerre doit se faire avec prudence et nécessite d'être qualifié car toutes les guerres ne sont pas de même nature.
Rien de comparable entre une guerre entreprise par un État avec son armée et celle que livre un petit groupe d'hominines. La comparaison entre une guerre d'agression et une stratégie de défense n'est pas raisonnable. Les moyens mis en œuvre, les motivations et les conséquences ne sont pas identiques. Selon les contextes, une guerre peut être totale, asymétrique, civile, sociale, etc. Elle peut être éclair ou longue. Militaire ou économique. Elle peut être qualifiée de civilisation, d'extermination ou de libération, selon le sens que veut lui donner les parties belligérantes. L'emploi du terme guerre pour nommer une opposition ou un conflit n'est pas un simple descriptif d'une réalité mais relève d'un choix politique d'au moins l'une des parties en présence. L'imaginaire qui entoure la guerre lui donne une dimension exceptionnelle, loin de la simple guéguerre. La multiplicité d'usage que "guerre" peut revêtir fait que son emploi est aussi obscur que son antonyme, la paix. Noir·eLes mots black et noir ont une étymologie différente. Pour l'un, elle est à chercher dans des germanismes, pour l'autre dans des latinismes. Le "vieil anglais" qui se parle avant l'invasion normande utilise blæc dans le sens de "totalement sombre" [8] et de "brûlé". Cela se retrouve dans plusieurs autres pratiques linguistiques germaniques anciennes des actuelles territoires de la Norvège aux Pays-Bas, en passant par l'Allemagne. Blakkr, blah et blakken sont très proches. Pour les linguistes qui tentent de reconstituer une langue commune, ancienne et fictive, à l'ensemble des hominines du continent européen et voisinage, l'étymon hypothétique *bhleg est à rapprocher de ceux qui constituent le latin flagrare ou le grec ancien phlegein et qui ont le sens de "brûler". Usité dans déflagration par exemple. La couleur noire est plutôt rendue par le vieil anglais sweart, proche du schwartz de l'allemand moderne, qui est progressivement supplanté par black dans l'anglais moderne. Les pratiques linguistiques anglaises conservent jusqu'au XVème siècle l'ambiguïté de sens entre les mots blake, blak et blac qui signifient tout autant "pâle" que "sombre". En rapport avec le scintillement ou la lumière pour le premier, et à l'obscurité pour le second. La langue française standardisée actuelle ne conserve (presque) aucun mot forgé sur cet étymon. À noter l'hypothèse de la blaque du XVIIIème siècle ou la blague moderne, l'étui destiné à contenir du tabac ou la plaisanterie. Selon certains dictionnaires, son origine est une variation de l'anglais black par des marins français du XVIIIème siècle qui ont "l'habitude de rapporter des étuis à tabac en cuir des colonies britanniques, où le tabac était cultivé, et ils auraient utilisé le terme black pour décrire la couleur sombre de ces étuis" [9]. Le dictionnaire de l'EHPAD linguistique qu'est l'Académie française avance que la blague est à rapprocher du néerlandais balg, "gaine ou enveloppe" [10]. Le sens de "plaisanterie" ou de "farce" apparaît dans les dictionnaires du début du XIXème siècle. Toujours très en décalage avec son temps, la septième édition du guide de l'EHPAD avalise la signification de "mensonge", de "vanterie", en 1878. Hypothétiquement en rapport avec l'aspect gonflé, boursoufflé, d'une blague à tabac. Le sens de "farce visant à se moquer" n'apparaît que dans la version suivante en 1935 [11]. Le Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW) indique que la même racine que black se retrouve dans les pratiques linguistiques locales de quelques régions du nord-ouest de la France dans la première moitié du XXème siècle. Non pour désigner la couleur mais pour le fait de brûler. Une blaque est "une flamme, une étincelle", une blaquée ou une blaquède sont une "flambée" et blaquer signifie "scintiller". Des variantes anglo-normandes sont attestées depuis le XIIème siècle et suivant. Blac, blache, blachhe, blacke ou blake, mais aussi blec, blecce, blecche ou blech se traduisent par l'anglais black. Et black se traduit en français par noir·e. Ce que confirme le ménestrel Jean-Philippe "Johnny Hallyday" Smet, seigneur de Lapalissade, lorsqu'il déclame "Noir c'est noir" en traduction de la célèbre platitude amoureuse "Black is black" du groupe de troubadours espagnols Los Bravos [12] :
L'étymologie de noir·e est le latin niger. Une racine qui se retrouve dans de multiples langues latines sous la forme negr- et qui est aussi utilisée dans des langues telles que l'anglais. Dans l'espace linguistique francophone ancien, les formes noir et neir [14] coexistent mais la plupart des mots d'alors se constituent à partir de nègre. L'adjectif pour qualifier de noir est negrin et le negrier est une espèce de vigne sauvage [15]. Le vocabulaire incluant noir va se diversifier. Outre la couleur, ces variantes indiquent aussi des notions de tristesse, de mort, de lugubre ou d'hostilité. La noirceure est la marque de coups portés et n'est pas encore la noirceur et noirdir est le fait de noircir, dans le sens de l'expression "noircir le tableau" et non pas une histoire de changement de couleur. Déjà présent en latin et encore en usage dans la langue française, seul dénigrer et ses dérivés se rattachent à la racine niger avec ce même sens. L'utilisation du nom ou de l'adjectif noir·e pour catégoriser des populations d'hominines a progressivement supplanté celui de nègre. Avant les postulats racistes qui se mettent en place au cours des siècles, il n'y avait aucune connotation péjorative dans cet emploi. Le sens se veut alors essentiellement descriptif et n'induit pas une origine géographique ou un groupe particulier d'hominines. Au XVIIème siècle, "Avoir la peau noire" signifie avoir les cheveux très bruns, noiraut et noiraude sont utilisés pour indiquer la couleur dominante du pelage d'une espèce animale. La noiraude est une célèbre vache hypocondriaque [17]. Les langues française et anglaise ont longtemps utilisé nègre et nigger pour désigner plus spécifiquement les hominines d'Afrique, dans un premier temps, puis plus généralement les populations d'hominines ayant la peau noire selon celleux qui pensent que la leur est blanche. Il n'y a aucune réalité à cela. Nigger et ses dérivés sont empruntés à la langue française. Avec blewman [18], l'anglais hésite et propose le bleu pour caractériser des hominines dans un même ensemble de couleur de peau alors que le français fait le choix du noir pour les mêmes hominines et garde le bleu pour la couleur du sang des aristocrates. Pour ne pas faire d'erreur de traduction, les hominines de couleur bleue sont noir·es et inversement. Ce sont les hominines dit "de couleur". La blague la plus célèbre sur ce sujet est écrite par le stand-upper de la négritude Léopold Sédar Senghor [19]. Dans Poème à mon frère blanc, il se moque de cette assignation à la seule couleur noire par celleux qui se disent appartenir à la blanche mais passent par plusieurs autres selon les circonstances, et ce tout au long de leur vie. "Rions noir" et inversement. La géographie de l'Afrique est une chose imprécise pour les hominines d'Europe. Les gueules noires ne sont pas dans les mines du nord de l'Europe mais quelque part au sud de la Méditerranée. Le racisme scientifique et ses théories fumeuses qui s'élaborent à partir du XVIIème siècle confirment ce que le racisme religieux affirme depuis des siècles. En effet, selon les textes moïsiens et christiens, les hominines de "race noire" sont la descendance de Cham, maudite par son propre père Noé [20]. Pour rappel, Noé est un personnage de fiction principalement connu pour avoir construit une arche afin d'y regrouper un couple mâle/femelle de chaque espèce pour les sauver de l'anéantissement par un déluge divin et, selon les théories les plus crédibles, être le principal responsable de la disparition des licornes après en avoir pris par erreur deux de même sexe [21]. Le racisme moderne va changer le sens des mots et imposer des hiérarchies fantasmées entre les hominines. De fait, noir·e et nègre deviennent des qualificatifs dévalorisants qui ne nécessitent pas forcément de les faire précéder de sale pour dénigrer. Ils ne sont plus simplement utilisés pour nommer des hominines à la peau sombre mais plutôt pour affirmer une prétendue suprématie des hominines à la peau claire, dite "blanche". Ces leucodermes — du grec leuco- "blanc" et derme "peau" — justifient ainsi la mise en esclavage, la maltraitance, la ségrégation, voire l'extermination, des populations qualifiées de nègres — les mélanodermes, du grec mélano "noir". Leurs territoires peuvent donc être annexés et leurs femelles convoitées par la force. Des caractères psychologiques, des déterminismes culturels ou des archétypes civilisationnels sont prêtés aux populations et aux individus à la peau sombre. Ils ne sont en aucun cas des manières de s'auto-définir. Par effet miroir, illes sont ce que les populations et les individus à la peau claire ne sont pas. L'imaginaire sexuel, par exemple, fait partie des domaines où le suprématisme blanc exerce sa rhétorique. Les "hommes noirs" sont considérés comme fougueux et dotés d'un sexe énorme alors que les "femmes noires" sont vues comme débridées et nymphomanes. Cela sert tout autant de repoussoir que de fantasmagorie. Le "Nègre" imaginaire est un concurrent sérieux pour les mâles blancs et un danger pour les femelles blanches, exposées à cette animalité sexuelle, alors que la "Négresse" imaginée est une concurrente pour les femelles blanches et un fantasme inavouable pour les mâles de leur couleur. Dans le contexte des cultures misogynes d'Europe, cet imaginaire raciste permet de justifier le contrôle sur les mœurs, les comportements et la sexualité des femelles par les mâles et de justifier les débordements de ces mêmes mâles. En parallèle, ces archétypes racistes fondent l'argumentaire d'une inégalité entre les sexes. Qui peut réellement protéger les femelles blanches de leur propres faiblesses morales et de la violence noire, si ce n'est les mâles leucodermes et leurs nationalismes [22]. Dans la réalité du monde, hors des catégories, il n'existe personne qui est de couleur noire, pas plus que blanche. Tout est en nuance. Du bleu nuit au cuivré en passant par des multiples sombres, dans un cas, et dans l'autre du mat au rosi, en passant par le blême. Il n'y as pas de véritables frontières entre des couleurs précises mais un vaste nuancier de teintes. Ceci est la conséquence logique d'une origine commune. La peau sombre des hominines les plus préhistoriques de l'Angleterre actuelle est dorénavant un fait acquis [23]. Rien à voir avec le prénom ou le patronyme Blake qui vient du moyen-anglais blake dans le sens de "pâle".
À une époque plus contemporaine, les usages de black, noir·e et nègre se sont transformés. Des hominines à qui ces qualificatifs injurieux sont destinés se les réapproprient et les retravaillent pour leur donner une dimension positive. Pour en faire une marque de fierté et une méthode émancipatrice. Ce mouvement de contestation, tout autant que d'affirmation, apparaît et se développe dans le début du XXème siècle parmi les hominines mélanodermes des États-Unis d'Amérique et des Caraïbes [25], et entre les deux guerres dite mondiales, dans les populations colonisées d'Afrique. Sur le continent nord-américain et ses îles caribéennes, l'esclavage [26] a laissé place à la ségrégation entre "Blancs" et "Noirs". Avec le slogan "Back to Africa", Marcus Garvey et son Universel Negro Improvement Association (Association Universelle pour le Progrès Nègre - UNIA) sont favorables à une migration-retour vers l'Afrique alors que W.E.B. Du Bois et la National Association for the Advancement of Colored People (Association nationale pour la promotion des gens de couleur - NAACP) militent pour rester dans de meilleures conditions. La vie sociale est organisée par un pouvoir politique leucoderme pour que les deux catégories aient des lieux séparés. Les restaurants, les hôtels ou les transports en commun, pour quelques exemples, ne sont pas des endroits à partager. Cette ségrégation raciale se double d'une hiérarchisation sociale : La pauvreté et la misère sont majoritairement une histoire et une réalité noires. Ce système semble si bien rodé qu'Adolf Hitler [27] envoie ses spécialistes pour l'étudier et ensuite instaurer la meilleure réponse à ses propres préoccupations racistes. Pour voyager aux États-Unis d'Amérique, il est alors préférable de se procurer The Negro Motorist Green Book [28], un guide publié entre 1936 et 1964 pour "donner au voyageur noir une information le mettant à l'abri des difficultés et tracas, rendant son voyage plus agréable". Il s'inspire de guides similaires destinés aux moïsiens nord-américains victimes elleux-aussi de discriminations. Évidemment, les lois ségrégationnistes ne sont pas respectées par l'ensemble des hominines à la peau claire. Une minorité y résiste. La seconde moitié du XXème siècle est celle du "Black Power" [29]. L'affirmation politique que "Black is Beautiful", que la couleur noire est belle. Elle aussi. L'usage de Negro n'est plus vraiment d'actualité et le "Nigger !" ne sort que de bouches racistes. Les revendications sont politiques, sociales et culturelles. Derrière cette demande d'égalité, il y a aussi le postulat d'une reconnaissance de la pleine participation à la construction d'un pays dans lequel illes vivent. L'histoire, la culture ou l'économie étasuniennes sont indissociables des populations noires descendantes des esclaves des siècles passés. George Washington qui donne son nom à la capitale aurait-il été le premier président étasunien sans ses esclaves ? Hollywood serait-elle synonyme international de cinéma sans sa première superproduction Naissance d'une nation [30] en 1915, une version raciste de l'histoire récente ? Qui connaîtrait Elvis Presley sans les "musiques noires" tel que le blues ? Comment une économie florissante aurait-elle pu se développer sans sa mélano-main-d'œuvre et ses leuco-moins-que-rien ? Dans l'espace francophone colonial et métropolitain, la négritude est revendiquée par des hominines vivant le racisme au quotidien dans les années 1930. Dans un contexte anticolonial, elle se définie comme mouvement littéraire et politique. Elle propose de passer du négrier aux "Neg' Riez !" [31]. Un de ses chantres, Léopold Sédar Senghor explique que "la négritude est un fait, une culture. C'est l'ensemble des valeurs économiques, politiques, intellectuelles, morales, artistiques et sociales des peuples d'Afrique et des minorités noires d'Amérique, d'Asie, d'Europe et d'Océanie." La négritude ne cherche pas l'indépendance mais la reconnaissance. La langue française est tout autant vecteur que synonyme de la colonisation. L'approche de la négritude est critiquée, jugée très intellectuelle. Selon l'écrivain nigérian Wole Soyinka en 1962, "Le tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore." [32] Pour lui, il y a d'autres priorités que la reconnaissance de la négritude. "Pourquoi fallait-il gaspiller notre énergie dans de vaines rhétoriques alors que notre continent se débattait dans des problèmes politiques et économiques insurmontables ? La situation nécessitait que l’on agisse avant tout." Il relativise plusieurs années après en précisant que le contexte colonial français et ses procédés diffèrent des pays sous domination anglaise. Les luttes anticoloniales peuvent ne pas être identiques. "Ma réflexion sur la question de la négritude a beaucoup évolué à partir du moment où j’ai compris que la libération des Africains francophones passait nécessairement par l’affirmation de l’identité noire. Les Senghor, les Césaire, les Damas étaient les produits typiques de la colonisation française, qui, en voulant faire de l’élite noire des Français à part entière, ont déclenché ce mouvement de rébellion intellectuelle et poétique. On a assisté à un phénomène similaire dans les colonies portugaises où l’assimilation des autochtones était la politique officielle. Les Anglais, pour leur part, s’étaient toujours gardés de s’immiscer dans la vie culturelle de leurs sujets africains tout simplement parce qu’ils les croyaient incapables de s’adapter à la culture britannique, nécessairement supérieure." [33] Le racisme est polymorphe. Depuis 1971, une Maison de la Négritude et des Droits de l'Homme [34] est ouverte dans la petite ville française de Champagney dans le département de Haute-Saône. Elle se fixe pour but de perpétuer une mémoire de l'esclave, des luttes pour son abolition et de ses conséquences sur la réalité présente. Le choix de Champagney est symbolique. Ce village de Franche-Comté est l'un des rares villages où dans leur Cahier de Doléances [35] de mars 1789 figure clairement une demande d'abolition de l'esclavage [36]. Hors de ce contexte de la négritude, le nom ou l'adjectif nègre s'utilise pour des insultes racistes ou dans de rares mots. La Tête-de-Nègre, dorénavant renommée Tête-Choco, est une pâtisserie à base de blancs d'œufs battus ou de guimauve reposant sur une gaufrette ou un biscuit, le tout enrobé de chocolat. Un ou une nègre est une "personne anonyme qui rédige pour une personnalité, qui compose les ouvrages d'un auteur connu" [37]. Dans ce sens, le terme est épicène alors que le féminin classique de nègre — pour désigner les hominines — est généralement négresse. Exceptionnellement, il arrive que celle-ci soit verte [38].
La réappropriation de termes racistes insultants est un phénomène qui touche les cultures populaires urbaines parmi les hominines qui les subissent directement. C'est-à-dire les hominines vivant en Europe ou dans les Amériques et les Caraïbes, dont l'ascendance se trouve en Afrique, et ce pour cause d'esclavage, de colonisation ou de migration. Cela est particulièrement visible dans les mondes anglophone et francophone à travers le hip-hop : Nigger et Négro se retrouvent dans de nombreux textes de rap. Mais pas seulement. Les cultures musicales s'emparent de ce vocabulaire pour le retourner, spécialement dans ce qui est appelé les "musiques noires" comme le rappelle le musicologue Élie "Booba" Yaffa dans son ouvrage Je me souviens : "Avant Michael Jackson et l'arrivée de la drogue. J'me souviens quand les négros n'étaient pas à la mode" [40]. Si les racistes utilisent plus discrètement le mot nègre dans leurs insultes, le racisme moderne se contente de noir·e pour vomir sa bile mélano-allergique. Pas la peine d'en dire plus, tant le mot est chargé de sous-entendus par celleux qui l'utilise en insulte. Une époque pas si lointaine où Michel Leeb faisait rire son public avec des sketches, mêlant "accent africain" fictif avec cris et gestuels de singe [41]. Pour les autres, il y a plusieurs façons de nommer sans injurier ou de s'auto-désigner sans honte. Renoi ou Kebla, le verlan [42] de noir·e et de black, sont d'un usage courant dans les décennies 1980 et 1990. L'utilisation du verlan est une méthode qui permet d'amoindrir la connotation péjorative et de faciliter ainsi la réappropriation. Le triptyque "Black Blanc Beur" [43] pour parler de la France est très en vogue en réponse au "Bleu Blanc Rouge" chauvin. Diversité vivifiante vs Consanguinité débilitante. Si dans un premier temps l'usage de Renoi, Black ou Kebla fait partie des pratiques linguistiques des milieux populaires, il s'étend aux autres couches sociales de la société française. Dorénavant même le psychopathe francophile Bernard Pivot ou les hominines qui écoutent France Culture sont capables de les comprendre. Actuellement, les usages sont encore en évolution. Renoi, Black ou Kebla sont vus comme des euphémisations qui nient une réalité sociale, culturelle et politique : les mécanismes discriminatoires à l'encontre de populations considérées noires par celles qui ne le sont pas. Nommer pour rendre visible. Assumer l'existence d'une assignation d'hominines, mâles et femelles, à la couleur noire par celleux qui sont dans la blanche. Et donc des réalités sociales, politiques et économiques différentes que cela a pour conséquences. Le racisme n'est pas qu'une opinion individuelle et ses retombées, une somme de préjugés collectifs, mais aussi un ensemble de processus discriminatoires et de mécanismes intégrés qui divisent la population entre leucodermes et mélanodermes. Qui défavorisent les Noir·es et avantagent les Blanc·hes. Pas de compétition entre les racismes, seulement des histoires différentes. Remplacer Noir·e par Arabe, Asiatique ou toute autre catégorisation racialisante fonctionne très bien.
Les problématiques sont similaires dans le monde anglophone. Les coloured people, les "gens de couleur", ont admis dans un premier temps le vocabulaire servant à les désigner, puis ont réussi à imposer une auto-dénomination. Plutôt que de s'accrocher à une couleur de peau avec Black People et Black American, il est préféré une référence à une africanité originel. Les Afro-American deviennent ensuite African American. Aujourd'hui Black semble être redevenue une couleur visible. Tristement célèbre avec ce nouveau slogan "Black Lives Matter" — "Les vies des noir·es comptent" — lancé après la mort de George Floyd, un afro-américain tué par trois policiers en 2020. Soixante ans après la fin de la ségrégation, les États-Unis sont un bon exemple de ce qu'est le racisme dit systémique : il est possible d'être "african american" et de se faire élire à la présidence d'un pays où il y a trois fois plus de risque pour des blacks de mourir lors d'une arrestation par la police. Un pays à deux doigts du chaos et de l'effondrement lorsque la population blanche découvre en 2016 que leur chanteuse préférée Beyoncé est devenue noire [45]. Inutile de proclamer que finalement tout le monde est de couleur bleue afin de faire cesser la ségrégation et le racisme si c'est pour conserver des places différenciées pour le bleu clair ou le bleu foncé. Le racisme est bien plus complexe qu'une simple histoire de couleur de peau. Vers rienDans leur représentation du monde, les populations d'hominines leucodermes d'Eurasie, d'Amériques et du Moyen-Orient ont créé une cartographie où les empreintes d'une division raciale de l'existant sont encore présentes. À travers le globe, des populations sont étiquetées noires. L'Afrique subsaharienne est dite "Noire" et la région hérite d'un pays du nom de Soudan, abrégé de l'arabe "Pays des Noirs", et de Zanzibar, du persan zang, "Noir". L'expression persane زنگبار Zangi-bar signifie la "Côte des Noirs". En Asie du Sud-Est, aux Philippines, en Malaisie et dans les îles indiennes des Andaman et Nicobar, plusieurs société d'hominines sont qualifiées de negritos. Ce terme espagnol signifie "petits noirs" et désigne l'ensemble des populations d'hominines "à la peau noire" et "de petite taille" de cette région. Cette classification ne correspond à aucune réalité commune et les sociétés ainsi classées n'ont rien à voir entre elles, mais elle résume le manque d'imagination et le subtile racisme des colonisateurs espagnols arrivant dans les actuelles Philippines. Ce qualificatif englobe de très petites sociétés d'hominines — parfois encore chasseurs-cueilleurs. Il est un synonyme de "pygmées" qui lui désigne les hominines de petites tailles vivant actuellement en Afrique [46] [47]. En Océanie, la Mélanésie tient son nom de la couleur de peau assignée aux hominines. Elle est au sens strict "îles peuplées de mélanodermes", de la racine grecque nesos "île". Elle comprend l’île de Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’archipel de Bismarck, des Lousiades, des Nouvelles-Hébrides, de Salomon, les îles Fidji et la Nouvelle-Calédonie. Elle se différencie de l'Austronésie, de la Polynésie et de la Micronésie, des dénominations purement géographiques forgées dans le milieu du XVIIIème siècle par un lettré français [48]. De austra le "sud", de poly "nombreuse" et de micro- "petite" [49]. Outre la Mélanésie, la Polynésie et de la Micronésie, l'Austronésie comprend aussi l'Australasie. Cette dernière regroupe l'Australie, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande et toutes les petites îles associées. Dans les deux premières, l'anthropologie coloniale a établi que les populations autochtones devaient être dénommées aborigènes — "qui sont originaires", équivalent du français indigène —, tout en les classant néanmoins dans les populations mélanodermes d'Asie australe. Le militaire et explorateur français Jules Dumont d'Urville propose vers 1835 que l'Australie et la Tasmanie soient regroupées en une Mélanésie dans les nomenclatures géographiques. Il reprend à son compte le qualificatif de mélanien utilisé depuis une décennie par le botaniste français Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent pour désigner les hominines des îles de Tasmanie et de Papouasie-Nouvelle-Guinée, habitées selon lui par la race mélanienne. Ce dernier divise les hominines en quinze races [50]. L'australasienne est celle des hominines d'Australie et se différencie de la mélanienne. Selon sa nomenclature raciste, l'espèce mélanienne comprend les hominines de Mélanésie et de Tasmanie, les aborigènes de Taïwan [51] et les hominines de la Terre de Feu, dans l'extrême sud des Amériques [52]. La Tasmanie est une île de 60000 km2 — soit plus de quinze fois le département des Alpes-Maritimes, un peu moins de 3 fois la Macédoine — située à environ 200 kilomètres au sud de l'Australie. Plus de 16500 kilomètres de la rue Catherine Ségurane à Nice, environ 15400 du centre-ville de Skopje. Elle est parsemée d'un peu plus de 300 îles et îlots. Lors de la dernière période de glaciation — entre 100000 et 10000 avant le présent — alors que le niveau des eaux est plus bas, elle est rattachée à l'Australie. Les premières populations d'hominines s'y installent il y a environ 40000 ans. Elles sont la partie la plus méridionale des populations qui arrivent sur le continent australien quelques dizaines de milliers d'années plus tôt. La Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'Australie et la Tasmanie ne forme alors qu'un seul bloc. Sans lien terrestre avec le reste de l'Asie, l'arrivée de ces hominines se fait par voie maritime. Illes y découvrent une faune unique : les marsupiaux. La fonte des glaces au nord du globe et la montée du niveau des mers qui en découle sépare l'Australie de la Tasmanie vers 10000 ans avant le présent. Les cultures des hominines de Papouasie-Nouvelle-Guinée, d'Australie et de Tasmanie se différencient à cette période. La géographie et le climat de Tasmanie sont différents de l'Australie. Sa position très méridionale fait qu'elle est très exposée au vents violents du Sud du globe et très régulièrement arrosée par des pluies, ainsi que de neige lors de la saison froide de juin et juillet. L'ouest reçoit beaucoup plus de précipitations que l'est. Largement montagneuse dans sa partie occidentale, la Tasmanie est couverte de forêts, traversée de fleuves et parsemée de lacs. Le point culminant est le mont Ossa à 1614 mètres. Généralement, elle est divisée en trois écorégions : "Forêts pluviales tempérées" à l'ouest, "Forêts des massifs centraux" et "Forêts tempérées" à l'est. Sur l'ensemble de son territoire, au fil des millénaires, des sociétés d'hominines nomades se structurent autour de la chasse et de la cueillette. Dans un mélange de visées politiques et d'intérêts économiques, les puissances européennes se concurrencent dans le Pacifique et l'Océanie entre les XVIIème et XIXème siècles. Chacune recherche des territoires d'où elles peuvent tirer profit. L'Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la France font la course aux opportunités. Elles s'affrontent militairement, négocient entre elles ou se partagent lorsqu'elle ne peuvent faire autrement. Les routes commerciales maritimes charrient moult produits de l'Asie vers l'Europe. Avec leurs bateaux, les hominines arrivant d'Europe explorent progressivement les côtes australiennes et les cartographient. Les Pays-Bas revendiquent les terres côtières de la partie occidentale de l'actuelle Australie, nommées Nouvelle-Hollande depuis le milieu du XVIIème siècle. Cela ne se fait pas sans risque. L'épisode le plus médiatisé de ces voyages est l'aventure du Batavia. Le navire néerlandais fait naufrage dans le petit archipel corallien des îles Abrolhos de Houtman, à l'ouest de l'Australie, en juin 1629. Environ 300 personnes survivent et s'installent sur différentes îles en attendant l'arrivée des secours que le capitaine est parti chercher. Presque une cinquantaine de marins et d'officiers abandonnent ainsi à leur sort les autres hominines. À la tête d'un conseil, Jeronimus Cornelisz [54] prend alors les commandes de la petite communauté survivante. Avec l'aide de quelques hominines, il fait régner un ordre meurtrier sur l'archipel. Environ 125 hominines, mâles, femelles et enfants, se font tuer. Réfugié sur une des îles de l'archipel, un petit groupe d'hominines résistent au conseil. Jeronimus Cornelisz est finalement capturé et est pendu au début octobre 1629 après le retour de l'équipe de sauvetage. En novembre 1642, un bateau néerlandais arrive au large de la future Tasmanie. À son bord, Abel Tasman [55], chargé par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales d'explorer la région à la recherche de nouvelles opportunités commerciales. Il est considéré comme le premier hominine blanc à poser les yeux sur ces rivages [56] qu'il cartographie et nomme Terre Van Diemen [57]. De façon très originale, le lieu où l'ancre est jetée sera par la suite nommée Péninsule Tasman et celui de la première rencontre avec des hominines sera la Blackman Bay. Cent trente ans plus tard, une expédition française menée par Marc Joseph Marion du Fresne débarque pour la première fois à terre, à la recherche d'eau potable. Ce dernier a reçu quelques recommandations de Rousseau sur la manière de se comporter en cas de rencontre avec des autochtones. Il est décidé à envoyer des marins nus à la rencontre des hominines qui se présenteront dans la plus simple nudité. L'accueil est chaleureux et la curiosité réciproque, jusqu'à ce que la rencontre dégénère par incompréhension. "Dès qu'ils eurent lancé leurs javelots, on leur répondit par une fusillade qui en blessa plusieurs, et en tua un. Ils s'enfuirent aussitôt dans les bois, faisant des hurlements affreux ; dans leur fuite ils portaient ceux qui, étant blessés, ne pouvaient les suivre. Quinze hommes armés de fusils les poursuivirent, et trouvèrent à l'entrée du bois un de ces sauvages mourant du coup de fusil qu'il avait reçu." [58] Cette "nouvelle" terre est ensuite très partiellement explorée par les britanniques en 1773 et en 1777 lors de l'expédition de James Cook. Une dizaine d'hominines sur la plage s'approchent du bateau et James Cook décide d'aller à leur rencontre. Cette fois, tout se passe bien. Ce moment est immortalisé par une gravure réalisée par un membre de l'équipage. Elle est, de fait, la première représentation connue d'hominines de Tasmanie. En mai 1792, l'expédition scientifique menée par Antoine Bruny d'Entrecasteaux jette l'encre dans une baie du sud-ouest de la Terre Van Diemen. Une pause de quelques semaines dans sa recherche d'une précédente expédition disparue à l'est de l'Australie et qui n'a pas donné de nouvelles depuis des années. Aucun contact entre des hominines autochtones et ces navigateurs, même si ces derniers constatent que la région est habitée. De retour en janvier 1793, pour quelques semaines, des échanges ont lieu entre autochtones et allochtones. L'un des botanistes de cette expédition publie en 1799, une Relation du voyage à la recherche de La Pérouse, en deux tomes [59]. Dans le second tome, il fournit un lexique de plus de 80 mots de la "langue des sauvages du cap de Diemen" [60]. Parmi ceux-ci, des termes liés à l'anatomie des hominines, à des activités sociales, des créatures de la faune et de la flore, et des considérations géographiques. Il est à noté la traduction de péter, "tanina", dont la présence dans ce lexique indique que cela revêt une importance particulière dans le rapport entre ces deux mondes qui se rencontrent. Rien sur le rot ou le bâillement par exemple. Le lexique propose aussi une traduction de moi et de pour moi, respectivement transcrits phonétiquement par mana et paouaï. Inutile d'y cherche une forme de pensée individualiste, il s'agit plus sûrement d'un choix pratique pour échanger. Vous est traduit, mais pas nous. Un bateau britannique fait enfin le tour de la Terre Van Diemen en 1798, confirmant ainsi qu'il s'agit d'une île. Les expéditions française et britanniques, menées respectivement par Nicolas Baudin entre 1800 et 1803 [61], et par Matthew Flinders entre 1801 et 1803, sont une nouvelle étape dans le présence européenne dans la région. Les deux expéditions se croisent courant 1802 dans le sud de l'Australie et confirment qu'elle est un continent-île. Afin de prendre de vitesse les possibles aspirations françaises sur la Terre Van Diemen [62], la première colonie britannique s'installe en 1803 dans le sud du territoire, sur la rive est de l'estuaire du fleuve Derwent. Un projet de bagne est lancé. Une seconde voit le jour l'année suivante sur la rive ouest du même estuaire. Puis une troisième. Les bagnards et leurs gardiens sont une cinquantaine d'hominines en 1803, environ 200 dans la deuxième en 1804 et plus de 140 pour la dernière. Depuis 1770 que les britanniques s'attribuent les zones côtières de l'Australie orientale, nommées Nouvelle-Galles du Sud, leur implantation colonisatrice se fait avec l'envoi en 1788 d'environ 730 hominines — mâles, femelles et enfants — pour être les pensionnaires du nouveau bagne et environ 300 pour les encadrer. Pour alléger ses prisons, la politique britannique consiste à déporter les hominines vers des colonies pénitentiaires à travers le globe. Selon les chiffres officiels, entre le premier transport pénitentiaire de 1788 et le dernier en 1868, plus de 162000 hominines, mâles et femelles, sont envoyés, via 806 bateaux, du royaume britannique et ses colonies vers ces bagnes des colonies de Nouvelle-Galles du Sud et du territoire démiénois [63].
La colonie de 1803 n'est pas le premier contact entre les hominines de la Terre Van Diemen et les explorateurs, marchands et pêcheurs venant d'Europe ou des comptoirs européens d'Asie. La pêche au phoques et aux cétacés amène son lot de bateaux européens, et déclenche probablement la première épidémie chez les hominines autochtones. Des milliers d'entre elleux meurent de maladies encore inconnues dans cette région et contre lesquelles illes ne sont pas immunisés. Si la population autochtone est estimée entre 300000 et un million d'hominines pour l'île d'Australie, elle est à peine entre 3000 et 15000 pour la Terre Van Diemen. Les maladies importées, telle la variole, deviennent la cause la plus importante de décès des populations colonisées. Les antagonismes entre autochtones et autorités britanniques vont crescendo. Que ce soit en Nouvelle-Galles du Sud ou sur la Terre Van Diemen, les premières colonies pénitentiaires se transforment rapidement en une exploration et une implantation durable avec des petites villes sur des terres que les britanniques pensent pouvoir revendiquer. Lorsque un espace est vide de traces d'agriculture, il est considéré terra nullius, une "terre sans maître". "C’est au nom de ce fallacieux principe de terra nullius que la grande île coincée entre la Tasmanie au Sud et la Papouasie au Nord, l’Australie, fut colonisée par des apiculteurs – mais pas que – venus pour l’essentiel de l’ouest de la Macédoine et feignant penser n’y trouver personne." [65] Plus les colons s'aventurent sur des terres jusqu'alors inexplorées par elleux, plus le niveau de violence augmente. Outres les ressources naturelles qui sont exploitées et les territoires occupés, les colonisateurs kidnappent des hominines, mâles, femelles et enfants, pour servir de domestiques, de "femmes de compagnie" et de main-d'œuvre. Le premier acte de représailles de la part d'autochtones est le fait de Pemulwuy et quatre autres hominines qui abattent en 1790 un colon britannique de Nouvelle-Galles du Sud connu pour avoir tué des aborigènes [66]. Pendant une dizaine d'années, ils vont mener des attaques sporadiques contre des fermes et se venger sur quelques colons. En Terre Van Diemen, les premières oppositions à l'arrivée des britanniques et à leur politique coloniale ne se font pas attendre. Les aborigènes vandemiénisés — mâles et femelles — n'acceptent pas d'être traités comme de simples petits animaux sauvages. Illes refusent les violences des colons, des bagnards en fuite et la mission civilisatrice britannique. Pendant trente ans, illes vont être progressivement décimés. Dans l'historiographie moderne qui s'écrit, ces trois décennies de résistance sont appelées Black War. Selon cette tournure linguistique, la Guerre Noire est celle menée par les hominines mélanodermes. Elle sous-entend qu'elle est à leur initiative, ou tout du moins qu'il n'est pas très british gentleman de refuser la main tendue par les autorités coloniales et la monarchie du Royaume-Uni. Est-ce cela l'ironie décalée et l'absurde qui définissent le fameux "humour anglais" ? "Ne pas faire à une barquette de Lu ce que l'on ne voudrait pas qu'une barquette de Lu nous fasse !!!" [67] est la tactique coloniale choisie par les britanniques. Ainsi la Black War n'est pas une guerre britannique mais noire. Cette appellation n'est pourtant pas le choix, ni une revendication, des hominines de la Terre Van Demien, elle est leur réponse à une invasion violente. Malgré leur nombre et leurs armes à feu, les colonisateurs de tous poils ne parviennent pas à totalement réduire les petits groupes armés seulement de lances. La loi martiale est promulguée en 1828. Il est prévu de mettre en place une stricte ségrégation afin de régler la "question aborigène" sur la Terre Van Diemen : les autochtones doivent s'installer dans les zones inhabitées du nord-est. L'historien James Boyce résume tout l'humour colonial à la sauce britannique : "Tout Aborigène pouvait désormais être légalement tué pour avoir simplement franchi une frontière non marquée que le gouvernement n'avait même pas pris la peine de définir." [68] Une grande opération est lancée entre octobre et novembre 1830 contre quatre tribus du sud-est. Son nom de code est "Black Line". Environ 2200 hominines [69] se lancent dans une série de battues à grande échelle, un front échelonné sur plus de 300 kilomètres. Le but est de contraindre les quelques 300 hominines de ces tribus à se diriger vers la péninsule Tasman, où les autorités britannique comptent faire une réserve temporaire pour aborigènes. La cinquantaine de contre-attaques ne suffisent pas à stopper l'avancée militaire. Difficile d'établir un bilan de la Black War. Plus d'un milliers de morts côté vendeménien et un peu moins de 200 côté colonisateur. Le nombre de morts lors de cette guerre s'ajoute aux décès par maladies, par violence directe ou lors de tentatives de captures.
zanj Code noir namibie De rienPour rienNotes
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