Apatridie : Différence entre versions
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''Apatridie'' fait partie des plusieurs centaines de mots de la langue [[Français|française]] qui se composent avec le préfixe privatif ''a-''. Par exemple ''[[agélaste]]'', ''[[apathée]]'' ou ''annihiler''. Ou encore ''anarchie''. L'apatridie est ainsi l'état de privation de ''patridie'', de son absence. Comme l'anarchie est l'absence de pouvoir. L'étymon se rattache au grec antique ''πατρίς'' (patris) qui signifie ''patrie'' et est issu de ''πατήρ'' (pater) dans le sens de ''père''. Ce dernier est à comprendre dans le sens de géniteur biologique et induit une idée de lignée entre pères et futurs pères. La patrie désigne les liens qui unissent les géniteurs à leur descendance. Les hominines sont ''κακόπατρις'' ou ''εὔπατρις'', d'une kakopatrie ou d'une eupatrie. D'un mauvais ou d'un bon père. De la [[Caca|merde]] ou de la noblesse. La société grecque est profondément misogyne et n'accorde pas d'importance sociale au rôle incontournable de la génitrice dans le processus reproductif chez les hominines <ref>hominines</ref>, une espèce pourtant bisexuée. La matrie n'a pas de sens lorsque les hominines femelles ne sont pas reconnues comme les égales des mâles. Ce qui relie au père est public et politique alors que ce qui renvoie à la mère est du domaine privé et domestique. Cette filiation patrilinéaire minimise le fait que les hominines mâles sont le maillon faible des généalogies : Il n'y a que l'identité de la génitrice qui est une donnée absolument irréfutable. | ''Apatridie'' fait partie des plusieurs centaines de mots de la langue [[Français|française]] qui se composent avec le préfixe privatif ''a-''. Par exemple ''[[agélaste]]'', ''[[apathée]]'' ou ''annihiler''. Ou encore ''anarchie''. L'apatridie est ainsi l'état de privation de ''patridie'', de son absence. Comme l'anarchie est l'absence de pouvoir. L'étymon se rattache au grec antique ''πατρίς'' (patris) qui signifie ''patrie'' et est issu de ''πατήρ'' (pater) dans le sens de ''père''. Ce dernier est à comprendre dans le sens de géniteur biologique et induit une idée de lignée entre pères et futurs pères. La patrie désigne les liens qui unissent les géniteurs à leur descendance. Les hominines sont ''κακόπατρις'' ou ''εὔπατρις'', d'une kakopatrie ou d'une eupatrie. D'un mauvais ou d'un bon père. De la [[Caca|merde]] ou de la noblesse. La société grecque est profondément misogyne et n'accorde pas d'importance sociale au rôle incontournable de la génitrice dans le processus reproductif chez les hominines <ref>hominines</ref>, une espèce pourtant bisexuée. La matrie n'a pas de sens lorsque les hominines femelles ne sont pas reconnues comme les égales des mâles. Ce qui relie au père est public et politique alors que ce qui renvoie à la mère est du domaine privé et domestique. Cette filiation patrilinéaire minimise le fait que les hominines mâles sont le maillon faible des généalogies : Il n'y a que l'identité de la génitrice qui est une donnée absolument irréfutable. | ||
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Sous l'empire romain, le patriciat est l'opposé de la plèbe. Les patriciens et les patriciennes sont, selon le dictionnaire de l'Académie française, membres par leur naissance de "''la classe sociale la plus élevée, à laquelle étaient réservées toutes les magistratures.''" <ref>patriciens</ref> D'après l'historien Fustel de Coulanges, dans son ouvrage ''La cité antique'' de 1864, "''le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, ''terra patria'', ''gé patris''. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée <ref>prytanée</ref> et ses héros, avec son enceinte sacrée et son territoire marqué par la religion.''" <ref>Fustel de Coulanges, ''La cité antique'', 1864 - [https://fr.wikisource.org/wiki/La_Cit%C3%A9_antique,_1864/Texte_entier En ligne]</ref> La langue française utilise la racine ''pater'' pour constituer plusieurs mots. Par exemple, ''patrial'' ou ''patriel'' <ref>''Patrial'' ou ''patriel''</ref> est un adjectif pour qualifier ce qui est ''paternel'', un ''patrocine'' <ref>''patrocine''</ref> est celui qui "prend sous son aile", "qui aide", tout comme un ''patron'' est celui qui protège. Ce dernier sens se retrouve dans l'expression "Saint Patron" qui désigne un protecteur local. Étrangement, le féminin ''patronne'' émerge progressivement et n'est pas le pendant masculin de ''matrone'' <ref>matrone</ref>. L'adjectif ''patriot'' signifie "du pays des pères" et le nom ''patriote'' désigne l'hominine qui partage un même pays, l'équivalent du moderne ''compatriote''. Les déformations de la racine ''pater'' donnent lieu à de nouveaux mots. Le ''patrin'' <ref>patrin</ref>, celui qui fait office de père de substitution, devient ''parrain''. Le lien entre les deux formes se retrouve dans le sens commun de ''patronage'' et ''parrainage'', et il n'est pas d'usage de dire ''patricide'' mais plutôt ''parricide''. Le ''patrois'' <ref>patrois</ref> qui nomme le village ou une petite localité mute en ''patois'' <ref>patois</ref> et désigne les pratiques langagières locales. La racine a donné de très nombreux termes encore en usage dans la langue française du XXI<sup><small>ème</small></sup> siècle, dont ''patrimoine'', ''patronyme'', ''paternaliste'', ''paternité'', ''patriarcat'', ''patronat'' et aussi ''parricide''. Pour n'en citer que quelques uns. À noter que ''patronicide'', avec le sens de "tuer un patron", n'a pas émergé dans les pratiques linguistiques alors même que c'est un acte récurrent au cours de l'histoire des hominines. | Sous l'empire romain, le patriciat est l'opposé de la plèbe. Les patriciens et les patriciennes sont, selon le dictionnaire de l'Académie française, membres par leur naissance de "''la classe sociale la plus élevée, à laquelle étaient réservées toutes les magistratures.''" <ref>patriciens</ref> D'après l'historien Fustel de Coulanges, dans son ouvrage ''La cité antique'' de 1864, "''le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, ''terra patria'', ''gé patris''. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée <ref>prytanée</ref> et ses héros, avec son enceinte sacrée et son territoire marqué par la religion.''" <ref>Fustel de Coulanges, ''La cité antique'', 1864 - [https://fr.wikisource.org/wiki/La_Cit%C3%A9_antique,_1864/Texte_entier En ligne]</ref> La langue française utilise la racine ''pater'' pour constituer plusieurs mots. Par exemple, ''patrial'' ou ''patriel'' <ref>''Patrial'' ou ''patriel''</ref> est un adjectif pour qualifier ce qui est ''paternel'', un ''patrocine'' <ref>''patrocine''</ref> est celui qui "prend sous son aile", "qui aide", tout comme un ''patron'' est celui qui protège. Ce dernier sens se retrouve dans l'expression "Saint Patron" qui désigne un protecteur local. Étrangement, le féminin ''patronne'' émerge progressivement et n'est pas le pendant masculin de ''matrone'' <ref>matrone</ref>. L'adjectif ''patriot'' signifie "du pays des pères" et le nom ''patriote'' désigne l'hominine qui partage un même pays, l'équivalent du moderne ''compatriote''. Les déformations de la racine ''pater'' donnent lieu à de nouveaux mots. Le ''patrin'' <ref>patrin</ref>, celui qui fait office de père de substitution, devient ''parrain''. Le lien entre les deux formes se retrouve dans le sens commun de ''patronage'' et ''parrainage'', et il n'est pas d'usage de dire ''patricide'' mais plutôt ''parricide''. Le ''patrois'' <ref>patrois</ref> qui nomme le village ou une petite localité mute en ''patois'' <ref>patois</ref> et désigne les pratiques langagières locales. La racine a donné de très nombreux termes encore en usage dans la langue française du XXI<sup><small>ème</small></sup> siècle, dont ''patrimoine'', ''patronyme'', ''paternaliste'', ''paternité'', ''patriarcat'', ''patronat'' et aussi ''parricide''. Pour n'en citer que quelques uns. À noter que ''patronicide'', avec le sens de "tuer un patron", n'a pas émergé dans les pratiques linguistiques alors même que c'est un acte récurrent au cours de l'histoire des hominines. | ||
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Jusqu'au XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> <ref>JC<sup>Ⓒ</sup></ref>, une patrie est simplement le lieu de naissance de ses ancêtres et le ''pays'' dérive simplement du latin ''pagus'' qui désigne la plus petite unité de vie d'un groupe d'hominines. Une racine que l'on retrouve dans ''paganisme'' et peut-être aussi dans ''compagne'' <ref>peut-être dans ''compagne''</ref>. Idem dans ''pégouse'' <ref>pégouse</ref> qui signifie "paysan" et "paysanne". Dans un univers linguistique parallèle, le patois aurait pu être le ''paysois'' ou le ''pagois''. Selon l'article "Patrie" dans l’''Encyclopédie anarchiste'' de Sébastien Faure, "''le mot ne dépassait pas un cercle restreint de lettrés. Il ne fit son chemin que peu à peu et, dans la seconde moitié du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle seulement, il devint d’un usage courant, concurremment à pays. Il ne représentait cependant rien de précis. On n’entendait par là ni la France "unifiée" — ce qui est un vain mot — ni l’acceptation tacite par tous les Français de vivre sous le même prince — ce qui n’a jamais été.''" <ref>"Patrie" dans ''Encyclopédie anarchiste'' - [https://fr.wikisource.org/wiki/Encyclop%C3%A9die_anarchiste/Patrie En ligne]</ref> Pour appuyer sa démonstration, il cite le poète Charles Fontaine qui rejette ce néologisme et affirme : "''Qui a païs, n’a que faire de patrie''". Entre le courant du XVI<sup><small>ème</small></sup> et la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècles, le terme ''patrie'' se charge d'une dimension symbolique forte et devient "''la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères.''" Les exemples choisies pour la première édition du dictionnaire de l'Académie française, en 1694, sont éloquents : "''La France eʃt noʃtre Patrie. l’amour de la patrie. pour le bien de la patrie. pour le ʃervice de ʃa patrie. ʃervir ʃa patrie. deffendre ʃa patrie. mourir pour ʃa patrie. le devoir envers la patrie, eʃt un des premiers devoirs.''" <ref>dictionnaire de l'Académie française - [En ligne]</ref> L'emploi de la majuscule et le sacrifice de soi sont préconisés dans certains cas. Tous les ingrédients nauséabonds d'une histoire d'[[Amour]] sont réunis. Construction linguistique originale et ironique, le concept de Mère Patrie émerge et la Révolution française de 1789 exalte cette Patrie dont elle fait le ciment de la République, en remplacement de la personne du Roi qui incarne jusqu'alors la nation et l’État. L'émergence des nationalismes dans l'Europe du XIX<sup><small>ème</small></sup> et la création d'identités nationales vont définitivement transformer le sens de ''patrie'' et se l'accaparer. Au début du siècle suivant, Victor du Bled peut affirmer que "''il existe une différence entre patrie et nation, mais l’une semble bien la substance de l’autre, elles s’enveloppent réciproquement. Au fond, il est peut-être un peu vain d’établir des distinctions subtiles entre ces maîtres mots qui, dans l’esprit de la grande majorité, représentent la même idée.''" <ref>Victor du Bled, "L’Idée de patrie à travers les siècles", ''Revue des Deux Mondes'', 6e période, tome 28, 1915 - [https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Id%C3%A9e_de_patrie_%C3%A0_travers_les_si%C3%A8cles/02 En ligne]</ref> Dans une formule qui déclenche l'hilarité chez les personnes les plus sensibles, il ajoute "''l’État, c’est la prose ; la patrie, c’est la poésie de la nation''" ! Quoiqu'en pense ce blédard de Victor, l'ensemble des hominines de son époque ne partagent pas son enthousiasme. En parallèle de la montée en puissance de l'idée de patrie, avec une majuscule, les critiques se font de plus en plus mordantes. En 1898, sous le pseudonyme d'Alexandra Myrial, Alexandra David-Néel publie ''Pour la vie'', un recueil de textes anarchistes individualistes : | Jusqu'au XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle après JC<sup>Ⓒ</sup> <ref>JC<sup>Ⓒ</sup></ref>, une patrie est simplement le lieu de naissance de ses ancêtres et le ''pays'' dérive simplement du latin ''pagus'' qui désigne la plus petite unité de vie d'un groupe d'hominines. Une racine que l'on retrouve dans ''paganisme'' et peut-être aussi dans ''compagne'' <ref>peut-être dans ''compagne''</ref>. Idem dans ''pégouse'' <ref>pégouse</ref> qui signifie "paysan" et "paysanne". Dans un univers linguistique parallèle, le patois aurait pu être le ''paysois'' ou le ''pagois''. Selon l'article "Patrie" dans l’''Encyclopédie anarchiste'' de Sébastien Faure, "''le mot ne dépassait pas un cercle restreint de lettrés. Il ne fit son chemin que peu à peu et, dans la seconde moitié du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle seulement, il devint d’un usage courant, concurremment à pays. Il ne représentait cependant rien de précis. On n’entendait par là ni la France "unifiée" — ce qui est un vain mot — ni l’acceptation tacite par tous les Français de vivre sous le même prince — ce qui n’a jamais été.''" <ref>"Patrie" dans ''Encyclopédie anarchiste'' - [https://fr.wikisource.org/wiki/Encyclop%C3%A9die_anarchiste/Patrie En ligne]</ref> Pour appuyer sa démonstration, il cite le poète Charles Fontaine qui rejette ce néologisme et affirme : "''Qui a païs, n’a que faire de patrie''". Entre le courant du XVI<sup><small>ème</small></sup> et la fin du XVIII<sup><small>ème</small></sup> siècles, le terme ''patrie'' se charge d'une dimension symbolique forte et devient "''la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères.''" Les exemples choisies pour la première édition du dictionnaire de l'Académie française, en 1694, sont éloquents : "''La France eʃt noʃtre Patrie. l’amour de la patrie. pour le bien de la patrie. pour le ʃervice de ʃa patrie. ʃervir ʃa patrie. deffendre ʃa patrie. mourir pour ʃa patrie. le devoir envers la patrie, eʃt un des premiers devoirs.''" <ref>dictionnaire de l'Académie française - [En ligne]</ref> L'emploi de la majuscule et le sacrifice de soi sont préconisés dans certains cas. Tous les ingrédients nauséabonds d'une histoire d'[[Amour]] sont réunis. Construction linguistique originale et ironique, le concept de Mère Patrie émerge et la Révolution française de 1789 exalte cette Patrie dont elle fait le ciment de la République, en remplacement de la personne du Roi qui incarne jusqu'alors la nation et l’État. L'émergence des nationalismes dans l'Europe du XIX<sup><small>ème</small></sup> et la création d'identités nationales vont définitivement transformer le sens de ''patrie'' et se l'accaparer. Au début du siècle suivant, Victor du Bled peut affirmer que "''il existe une différence entre patrie et nation, mais l’une semble bien la substance de l’autre, elles s’enveloppent réciproquement. Au fond, il est peut-être un peu vain d’établir des distinctions subtiles entre ces maîtres mots qui, dans l’esprit de la grande majorité, représentent la même idée.''" <ref>Victor du Bled, "L’Idée de patrie à travers les siècles", ''Revue des Deux Mondes'', 6e période, tome 28, 1915 - [https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Id%C3%A9e_de_patrie_%C3%A0_travers_les_si%C3%A8cles/02 En ligne]</ref> Dans une formule qui déclenche l'hilarité chez les personnes les plus sensibles, il ajoute "''l’État, c’est la prose ; la patrie, c’est la poésie de la nation''" ! Quoiqu'en pense ce blédard de Victor, l'ensemble des hominines de son époque ne partagent pas son enthousiasme. En parallèle de la montée en puissance de l'idée de patrie, avec une majuscule, les critiques se font de plus en plus mordantes. En 1898, sous le pseudonyme d'Alexandra Myrial, Alexandra David-Néel publie ''Pour la vie'', un recueil de textes anarchistes individualistes : | ||
Version du 4 octobre 2024 à 17:03
Apatridie (бездржавјанство en macédonien - apatridia en nissard) Syndrome social intergénérationnel.
ÉtymologieApatridie fait partie des plusieurs centaines de mots de la langue française qui se composent avec le préfixe privatif a-. Par exemple agélaste, apathée ou annihiler. Ou encore anarchie. L'apatridie est ainsi l'état de privation de patridie, de son absence. Comme l'anarchie est l'absence de pouvoir. L'étymon se rattache au grec antique πατρίς (patris) qui signifie patrie et est issu de πατήρ (pater) dans le sens de père. Ce dernier est à comprendre dans le sens de géniteur biologique et induit une idée de lignée entre pères et futurs pères. La patrie désigne les liens qui unissent les géniteurs à leur descendance. Les hominines sont κακόπατρις ou εὔπατρις, d'une kakopatrie ou d'une eupatrie. D'un mauvais ou d'un bon père. De la merde ou de la noblesse. La société grecque est profondément misogyne et n'accorde pas d'importance sociale au rôle incontournable de la génitrice dans le processus reproductif chez les hominines [1], une espèce pourtant bisexuée. La matrie n'a pas de sens lorsque les hominines femelles ne sont pas reconnues comme les égales des mâles. Ce qui relie au père est public et politique alors que ce qui renvoie à la mère est du domaine privé et domestique. Cette filiation patrilinéaire minimise le fait que les hominines mâles sont le maillon faible des généalogies : Il n'y a que l'identité de la génitrice qui est une donnée absolument irréfutable. Sous l'empire romain, le patriciat est l'opposé de la plèbe. Les patriciens et les patriciennes sont, selon le dictionnaire de l'Académie française, membres par leur naissance de "la classe sociale la plus élevée, à laquelle étaient réservées toutes les magistratures." [2] D'après l'historien Fustel de Coulanges, dans son ouvrage La cité antique de 1864, "le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, terra patria, gé patris. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était l'enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée [3] et ses héros, avec son enceinte sacrée et son territoire marqué par la religion." [4] La langue française utilise la racine pater pour constituer plusieurs mots. Par exemple, patrial ou patriel [5] est un adjectif pour qualifier ce qui est paternel, un patrocine [6] est celui qui "prend sous son aile", "qui aide", tout comme un patron est celui qui protège. Ce dernier sens se retrouve dans l'expression "Saint Patron" qui désigne un protecteur local. Étrangement, le féminin patronne émerge progressivement et n'est pas le pendant masculin de matrone [7]. L'adjectif patriot signifie "du pays des pères" et le nom patriote désigne l'hominine qui partage un même pays, l'équivalent du moderne compatriote. Les déformations de la racine pater donnent lieu à de nouveaux mots. Le patrin [8], celui qui fait office de père de substitution, devient parrain. Le lien entre les deux formes se retrouve dans le sens commun de patronage et parrainage, et il n'est pas d'usage de dire patricide mais plutôt parricide. Le patrois [9] qui nomme le village ou une petite localité mute en patois [10] et désigne les pratiques langagières locales. La racine a donné de très nombreux termes encore en usage dans la langue française du XXIème siècle, dont patrimoine, patronyme, paternaliste, paternité, patriarcat, patronat et aussi parricide. Pour n'en citer que quelques uns. À noter que patronicide, avec le sens de "tuer un patron", n'a pas émergé dans les pratiques linguistiques alors même que c'est un acte récurrent au cours de l'histoire des hominines. Jusqu'au XVIème siècle après JCⒸ [11], une patrie est simplement le lieu de naissance de ses ancêtres et le pays dérive simplement du latin pagus qui désigne la plus petite unité de vie d'un groupe d'hominines. Une racine que l'on retrouve dans paganisme et peut-être aussi dans compagne [12]. Idem dans pégouse [13] qui signifie "paysan" et "paysanne". Dans un univers linguistique parallèle, le patois aurait pu être le paysois ou le pagois. Selon l'article "Patrie" dans l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure, "le mot ne dépassait pas un cercle restreint de lettrés. Il ne fit son chemin que peu à peu et, dans la seconde moitié du XVIème siècle seulement, il devint d’un usage courant, concurremment à pays. Il ne représentait cependant rien de précis. On n’entendait par là ni la France "unifiée" — ce qui est un vain mot — ni l’acceptation tacite par tous les Français de vivre sous le même prince — ce qui n’a jamais été." [14] Pour appuyer sa démonstration, il cite le poète Charles Fontaine qui rejette ce néologisme et affirme : "Qui a païs, n’a que faire de patrie". Entre le courant du XVIème et la fin du XVIIIème siècles, le terme patrie se charge d'une dimension symbolique forte et devient "la communauté politique à laquelle on appartient (par la naissance ou par un attachement particulier) et dont l'histoire, la langue, la culture, les traditions, les habitudes de vie nous sont chères." Les exemples choisies pour la première édition du dictionnaire de l'Académie française, en 1694, sont éloquents : "La France eʃt noʃtre Patrie. l’amour de la patrie. pour le bien de la patrie. pour le ʃervice de ʃa patrie. ʃervir ʃa patrie. deffendre ʃa patrie. mourir pour ʃa patrie. le devoir envers la patrie, eʃt un des premiers devoirs." [15] L'emploi de la majuscule et le sacrifice de soi sont préconisés dans certains cas. Tous les ingrédients nauséabonds d'une histoire d'Amour sont réunis. Construction linguistique originale et ironique, le concept de Mère Patrie émerge et la Révolution française de 1789 exalte cette Patrie dont elle fait le ciment de la République, en remplacement de la personne du Roi qui incarne jusqu'alors la nation et l’État. L'émergence des nationalismes dans l'Europe du XIXème et la création d'identités nationales vont définitivement transformer le sens de patrie et se l'accaparer. Au début du siècle suivant, Victor du Bled peut affirmer que "il existe une différence entre patrie et nation, mais l’une semble bien la substance de l’autre, elles s’enveloppent réciproquement. Au fond, il est peut-être un peu vain d’établir des distinctions subtiles entre ces maîtres mots qui, dans l’esprit de la grande majorité, représentent la même idée." [16] Dans une formule qui déclenche l'hilarité chez les personnes les plus sensibles, il ajoute "l’État, c’est la prose ; la patrie, c’est la poésie de la nation" ! Quoiqu'en pense ce blédard de Victor, l'ensemble des hominines de son époque ne partagent pas son enthousiasme. En parallèle de la montée en puissance de l'idée de patrie, avec une majuscule, les critiques se font de plus en plus mordantes. En 1898, sous le pseudonyme d'Alexandra Myrial, Alexandra David-Néel publie Pour la vie, un recueil de textes anarchistes individualistes :
Au sens premier de patrie, il ne peut exister d'hominines apatrides car il faut bien naître quelque part. D'un père. Et d'une mère. Ou tout du moins de la rencontre entre spermatozoïde et ovule. Avec le glissement qui en fait, selon Victorio Del Pegouzo, un équivalent de "nation, État, peuple", l'apatridie s'applique dorénavant "à toute personne qu’aucun État ne considère comme sa ressortissante par application de sa législation". Pour celleux qui savent néanmoins que l'Apatridie est un pays lointain et veulent que les apatrides y retournent, le Guide du Rien écrit en 1922 leur offre un petit tour d'horizon, sans avoir à se déplacer aussi loin :
Diagnostics apatriensLa lettre a en début de mot n'est pas systématiquement un préfixe privatif. Les gentilés et les noms des pays n'échappent pas à cette règle. En effet, l'Arménie, l'Afghanistan et l'Albanie ne sont, par exemple, pas les contrées des hominines en privation de Rménie, de Fghanistan et de Lbanie. Ce diagnostic peut s'étendre à la plupart des pays, régions et autres subdivisions du monde par les hominines. Les Amériques, l'Asie, l'Argentine, l'Azerbaïdjan ou encore l'Arabie saoudite ont des étymologies qui n'ont rien à voir avec le a- privatif de apatride. Idem pour les départements français d'Ariège ou des Alpes-Maritimes : Les hominines de ses régions ne sont pas plus en manque de riège et de lpes maritimes que d'autres. Dans la langue française "normalisée", ce préfixe n'est pas le seul à être utilisé avec patrie. Il existe aussi des verbes composés avec ex-, ra- et de- pour former expatrier, rapatrier et dépatrier. Les trois induisent un déplacement. Le premier exprime le mouvement d'un endroit vers un autre, le deuxième un mouvement de retour et le troisième décrit le mouvement qu'est une déchirure entre deux choses. Ils s'emploient aux formes actives et passives. Il est possible de s'expatrier soi-même ou d'expatrier une personne, de se rapatrier ou de se faire rapatrier, tout comme sont possibles le fait de dépatrier ou de se faire dépatrier. Notes
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