Monsieur Rien

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Monsieur Rien (Господине Ништо en macédonien - Sénher Ren en nissard) Alias de Yégor Martinof [1].


[En cours de rédaction]


Contexte protivophile

Dès la fin du XIXème siècle après JC [2], les idéaux anarchistes émergent dans les discours politiques contestataires à travers le continent européen, du royaume britannique à l'empire russe, en passant par la république française ou la Roumélie ottomane. Loin d'être un bloc homogène, ils ont des racines multiples. Les histoires régionales ou nationales ont marqué de leurs empreintes les différents mouvements anarchistes émergents, tout autant que les très nombreux textes théoriques qui s'écrivent alors. L'idéologisation de l'anarchie fait qu'il est difficile d'en écrire une histoire réelle. Le processus de normalisation dans l'écriture de l'histoire tend évidemment à retenir des hominines plutôt que d'autres, à ne se souvenir que d'une linéarité plutôt que d'un foisonnement brouillon. La réalité n'est pas toujours facilement acceptable et sa complexité est impossible à assumer totalement. En France, l'anarchie d'alors se nourrit autant des textes et des pratiques de Louis-Auguste Blanqui qu'elle les critique sévèrement. Les anarchistes soutiennent avec lui que "Qui fait la soupe doit la manger" [3] et n'hésitent pas à proclamer "Qui a du fer a du pain" [4]. Tout comme en Russie où les groupes révolutionnaires anarchistes ne se réclament pas de Serge Netchaïev — le jeune amant d'Albertine Hottin — mais en sont l'une des continuités [5]. Le projet social de Pierre-Joseph Proudhon est valorisé alors que son sexisme est relégué au second plan, les envolées insurrectionnelles de Mikhaïl Bakounine font oublier ses aspirations à la conspiration de petits groupes clandestins pour renverser le pouvoir. Malgré une certaine cohérence théorique sur de grands points philosophiques, les situations sociales et politiques différentes ne provoquent évidemment pas les mêmes effets dans les pratiques et les théories anarchistes. La France et la Russie, par exemple, sont difficilement comparables bien qu'il y ait du commun. Dans l'une, les hominines [6] qui prônent l'anarchisme le font dans une démocratie policée, dans l'autre illes [7] le font dans une autocratie policière. La première entretient l'illusion que l'ensemble des hominines sont des rouages du pouvoir, la seconde ne s'en donne pas la peine.

Pour rien produire [8]

De l'anarchisme social à l'individualisme anarchiste, de l'anarcho-syndicalisme à l'illégalisme, en passant par les milieux libres ou les communautés anarchistes, les hominines qui composent ce vaste nuancier qu'est l'anarchie sont multiples. Illes ne se retrouvent pas sur tous les sujets et parfois même s'affrontent autour de certains. Affrontements théoriques qui en arrivent quelques fois à des violences entre elleux. Mais, au-delà de ces différences, l'anarchisme se caractérise pour une volonté de mettre fin aux hiérarchies sociales, économiques et politiques. Cette détermination à lutter contre toutes les formes de pouvoir fait de l'anarchisme un mouvement singulier parmi l'ensemble des autres courants et théories qui se disent révolutionnaires. Sa critique de l'existant se veut radicale et sa vision du futur est sans concession. Tous les domaines des sociétés d'hominines sont passés au hachoir de la critique théorique et contestés par des tentatives pratiques. Aucun n'y échappent. Comme le fait la protivophilie avec beaucoup de plaisir, l'idée de dieu, de patrie, d’État, de patron, d'autorité, de domination ou de famille sont traînées dans la boue. Parfois, l'amour aussi. Les projets collectifs et les promesses de lendemains meilleurs sont regardés au minima avec méfiance, au plus avec défiance. Par simplification, par erreur ou par choix, le nihilisme est parfois utilisé en synonyme de anarchisme. L'un et l'autre peuvent être définis comme des critiques radicales du présent, mais l'un ne s'encombre pas du futur alors que l'autre cherche à influer dessus. Ladislav Klíma rappelle que les manières de se vivre anarchiste sont très diverses. Et pas forcément antagonistes.

Enfant, je haïssais tout le monde, la moindre caresse me faisait vomir, contre tous les spécimens du sexe masculin en particulier je nourrissais une idiosyncrasie très poussée. Fondée sur un mépris inné. Analysant mes souvenirs, il m'apparaît que dès les premières années de cette petite vie ma perception de moi-même et de l'humanité a été celle de deux puissances en guerre; et dès mon plus jeune âge j'ai instinctivement sous-estimé mon adversaire — je le tenais pour rien. [...] Je volais simplement pour voler, je me faisais un sport de casser les carreaux la nuit [...], de poser des pierres sur les voies de chemin de fer, de mettre le feu aux meules de blé. Je profanais systématiquement la croix aux environs de la ville, je faisais de l'esclandre à l'église, je lançais, faute de bombes, des tracts anarchistes, etc. [9]

L'utilisation ou non de la violence dans les pratiques politiques anarchistes est un des sujets qui divisent. Que ce soit pour des raisons défensives, en réponse à la violence directe de milices patronales ou de la police par exemple, ou de manière offensive en détruisant des bâtiments officiels, en dévalisant de riches hominines ou en s'attaquant directement à elleux. Être pacifiste — contre la guerre — ne doit pas être confondu avec le fait d'être pacifique — contre l'utilisation de la violence. Tout en se réclamant de l'anarchisme, il est possible d'être pacifiste et pacifique, ou simplement l'une des deux options. Même si les cas historiques sont plus rares, il existe des pacifiques qui ne sont pas pacifistes. Les première et seconde guerres dites mondiales, pour ne citer que ces deux exemples, sont des moments d'histoire où des anarchistes ont soutenu — au moins en théorie — l'entrée en guerre de tels ou tels pays alors que d'autres préfèrent déserter ou soutenir la désertion. Moins rares sont les cas où des hominines se disent pacifistes mais ne sont pas pacifiques. Que l'on pense aux adeptes de Bakounine qui partent à la fin du XIXème siècle se battre en Bosnie contre l'empire austro-hongrois ou en Roumélie/Macédoine contre la présence ottomane [10]. Ou aux nombreux assassinats politiques et actes de destruction perpétrés par des hominines se réclamant de l'anarchisme à la charnière des XIXème et XXème siècles en Europe, en Asie et aux Amériques.

Ce[lle]ux qui produisent tout n'ont rien.
Ce[lle]ux qui ne produisent rien ont tout.
POURQUOI ?
Vive l'anarchie ! [11]

Le message est simple. Accessible et destiné à l'ensemble des hominines. Sans exception. Contrairement aux croyances religieuses, la description anarchiste du réel se fait à partir des outils disponibles de son époque. En plus des réflexions théoriques, les textes diffusés par des individualités, des groupes ou des journaux sont ceux des sciences sociales naissantes et des sciences dures que sont la biologie, la chimie et les sciences de la Terre. En Russie, L'évolution des espèces de Charles Darwin ou la sociologie d'Auguste Comte font partie des premiers ouvrages traduits et diffusés clandestinement. Avec le risque de finir en prison pour cela. Tout en produisant des réflexions critiques sur ces sciences, la pensée anarchiste parvient à se saisir des opportunités qui se présentent. Le rejet de la modernité ou la méfiance vis-à-vis du modernisme n'empêchent pas les anarchistes de savoir y trouver de nouvelles ressources. Arme d'exploitation, la dynamite est rapidement adoptée par les anarchistes les plus "à la pointe" qui en font une arme de destruction. En France, la "Bande à Bonnot" [12] est la première à réaliser des braquages de banques avec des voitures automobiles et à posséder des armes à feu à répétition que les forces de police n'ont pas encore.

Récit yégorien

Les sources concernant Yégor Martinof se réduisent à la seule biographie connue qui lui est consacrée par Louis Boussenard [13] dans le numéro 5 de La vie d'aventures d'octobre 1907 [14]. Longue de seulement 32 pages, elle est sobrement intitulée Monsieur... Rien ! Selon les normes de transcription actuelle, il est préconisé d'utiliser plutôt Iegor Martinov pour noter le russe Егор Мартынов en caractères latins. Hormis celle de parution, la courte biographie ne contient aucune date précise. Néanmoins il est possible de la déduire par quelques indications. En effet, l'âge de quatre des personnages est indiqué et, s'agissant de personnes clairement identifiées et dont l'état civil est connu. Elles sont les quatre jeunes filles du tsar Nicolas II et de la tsarine Alix de Hesse-Darmstadt. Si Olga a sept ans, Tata cinq ans, Marie trois et Zazie deux, il est possible d'en conclure que les faits relatés se situent en 1902. En Russie. À cette date, Yégor Martinof est "âgé d'environ 25 ans" [14]. Il est donc né autour de 1877. Probablement en Russie même si cela n'est pas aussi clairement dit. À cette âge, il est décrit comme "grand, vigoureux, énergique, résolu... [...] Gros mangeur et grand buveur" [14] Il est étudiant à Saint-Pétersbourg auprès du professeur Marcus Lobanof. Ce dernier est assisté par sa fille Nadia dans les recherches qu'il mène. Âgé d'une cinquantaine d'années, il est d'origine allemande ou suédoise et est né dans le village d'Ermelan près de Riga (Lettonie) [15]. Polyglotte, il est un savant reconnu par ses pairs dans les domaines de l'anatomie, la physiologie, la physique, la chimie et la biologie. "Cependant il se tient en dehors de la science officielle. Il consacre sa haute intelligence à l'étude infatigable de choses étranges, mystérieuses et troublantes qui seront peut-être la science de demain" [14]. Le rejeton d'une copulation fictive entre le docteur Victor Frankenstein et le professeur Didier Raoult. En ce qui concerne les années qui précèdent 1902, rien n'est connu sur la vie de Yégor Martinof. "A-t-il des relations amicales et sociales autres que celles que l’on entretient habituellement avec un animal domestique ou une plante verte ?" [16] pour paraphraser les biographes de F. Merdjanov. Quels sont ses liens avec les milieux anarchistes pétersbourgeois ? Est-il lié à un groupe constitué ou participe-t-il à un journal ? Autant de questions qui restent sans réponse. Des recherches complémentaires doivent encore être menées pour y répondre. Le Saint-Pétersbourg de ce tout début de XXème siècle est agité par quelques groupes anarchistes qui diffusent les écrits de Piotr Kropotkine et se réunissent dans de petits cercles clandestins pour discuter, échanger et s'organiser pour élargir la propagande. Il est possible que Louis Boussenard fasse une erreur dans la datation des faits. En effet, si l'année 1902 se déduit des âges des jeunes princesses, selon ce qu'il décrit dans la biographie de Yégor Martinof, il est probable que les faits soient postérieurs. Dans ce cas, le contexte politique russe est tout autre et l'activité de groupes anarchistes a évolué vers d'autres options. L'utilisation de la violence politique par des groupes armés clandestins s'est accrue et est venue s'ajouter aux autres formes d'activisme anarchiste. Dans les premières années du XXème siècle, la Russie est secouée par des vagues de protestations. Des pétitions, des manifestations, des grèves, des écrits et des organisations politiques réclament des réformes politiques et sociales pour atténuer les méfaits de l'autocratie et améliorer le sort des hominines les plus pauvres. Le monde ouvrier urbain est en effervescence et le monde paysan villageois est traversé par le rejet de la servitude et l'obtention d'une réforme agraire. Les plus modérées des demandes veulent une libéralisation politique et économique de la Russie, les plus radicales souhaitent le renversement du tsarisme pour instaurer autre chose. Régime violent et peu habitué à la contestation, la réponse est une fin de non-recevoir. Les oppositions sont contraintes de se cacher pour ne pas tomber sous les coups de la répression. Les morts sont nombreuses et les arrestations fréquentes. Que l'on utilise l'alphabet cyrillique ou pas, il existe toujours au moins 1312 raisons de détester la police [17]. La répression sanglante d'une manifestation ouvrière le 22 janvier 1905 à Saint-Pétersbourg déclenche un vaste mouvement de révoltes et de grèves dans les villes de l'empire jusqu'en octobre, évènement généralement appelé "Révolution de 1905" [18].

D'après les dires de Nadia Lobanof [19], l'étudiant Yégor Martinof est volontaire pour participer à une expérience du professeur Lobanof, d'en être le cobaye. De nombreux tests ont été menés auparavant sur d'autres animaux que les hominines. Avec succès. Dans les locaux du laboratoire situé sur la Perspective Gorokovaïa, il s'agit dans un premier temps d'injecter un sérum gras à base de glycérine, une "sorte de synthèse des éléments essentiels composant les liquides contenus dans les organismes les plus perfectionnés" [14]. En plus des injections hypodermiques régulières et savamment dosées, l'expérience nécessite aussi une ingestion par la bouche. Ensuite, Yégor Martinof est placé sous une grande cloche en verre dans laquelle l'atmosphère est chargé de gouttelettes de sérum gras. Il les respire et s'en imprègne doucement. L'idée repose sur une démonstration simple. "Si l'on mouille simplement avec de l'eau du papier non collé, ce papier absorbe l'eau par capillarité. Aussitôt cet eau chasse l'air, et le papier apparait translucide... Si le papier est collé, l'eau ne peut pas s'incorporer à lui, mais alors on l'imbibe d'huile. Et cette huile s'insinue dans sa substance, chasse l'air d'une façon beaucoup plus complète, plus durable aussi, et lui donne la translucidité." [14] Avec ce procédé du sérum gras, Yégor Martinof doit dans un premier temps devenir transparent. Ce nouvel état engendre un phénomène optique qui rend l'indice de réfraction égal à celui de l'air, "de telle façon qu'il n'y eut plus ni réflexion ni réfraction quand les rayons lumineux passaient de l'air dans le corps et du corps dans l'air ambiant" [14]. Ce qui, en terme moins scientifique, induit l'invisibilité. Le long et progressif processus est clairement détaillé dans la biographie écrite par Louis Boussenard. Les descriptions de toutes les étapes sont de la bouche même de Nadia Lobanof, très investie dans les travaux scientifiques paternels. Cinq ans après la publication en 1897 par Herbert George Wells de la biographie de Griffin — un hominine mâle albinos — et une année après sa traduction en français [20], Yégor Martinof est le second hominine à devenir invisible et dont l'existence est attestée par une biographie. Selon les études menées à ce sujet, la troisième personne à devenir invisible est Segundo de Chomon, un hominine mâle, dont nous disposons des premières images cinématographiques datant de 1909 [21]. S'inspirant de l'exemple de Griffin, pour se rendre invisible il emploie la formule chimique suivante : 15 gouttes d'invisibilyte, 2 grammes de vaporine et 10 centilitres de fluidhyte. La méthode développée par le professeur Markus Lobanof comporte quelques effets secondaires. Boire et manger ne sont plus recommandés car l'eau et la nourriture provoquent une réaction du corps traité avec le sérum gras. Outre des douleurs après l'ingurgitation, Yégor Martinof redevient partiellement et temporairement visible le temps de la digestion. Maintenant, il est préférable qu'il prenne exclusivement de la "nourriture azoto-hydro-carbonnée à l'état d'éléments chimiques pur et directement assimilables sous forme de granule... pour boisson quelques gouttes de sérum dilué dans une faible solution des sels indispensables à l'organisme." [14] Une fois tous les dix jours. Au bout de plusieurs semaines d'imprégnation de sérum gras par Yégor Martinof, il est complètement invisible. À l'exception d'un plombage dentaire qu'il faut extraire pour que l'invisibilité soit totale.

Comme Griffin avant lui, Yégor Martinov doit être intégralement nu pour ne pas être vu. Évidemment. La disparition des notes du professeur Lobanof empêche de comprendre pour quelle raison la méthode par sérum gras n'est pas utilisée sur des tissus. Est-ce un manque de temps ou une impossibilité physique ? Afin de pallier à cet inconvénient majeur pour qui vit à Saint-Pétersbourg, où les hivers sont rudes, Markus Lobanof fait preuve d'ingéniosité. Il propose de surexposer l'invisible hominine à des émanations de radium afin que cela active une prolifération abondante de pilosité invisible [22]. "En moins d'une semaine, et grâce au radium, Yégor devint velu comme un véritable petit caniche. [Il devient] un homme-chien." [14] Tout risque de grippe intestinale ou de rhume est écarté. Alors que Griffin et plus tard Segundo de Chomon sont contraints de demeurer habillés et de masquer leur visage, Yégor Martinof gagne grandement en autonomie et en discrétion. L'inconvénient principal de ce pelage qui recouvre l'intégralité de son corps est l'odeur de chien mouillé qu'il dégage. Afin d'éviter d'être confronté aux canidés dont il peut croiser la route, il enduit sa fourrure de graisse de loup [23]. Pour ne pas s'exposer à la curiosité d'un chien de chasse à l'odorat sensible ou éviter les périodes de chaleur des mâles qui s'accrochent à tout ce qui bouge, il préfère créer de la peur chez les canidés. Au lendemain de sa transformation, Yégor Martinof met fin à l'expérience et quitte le laboratoire du professeur. Difficile d'avoir les détails précis sur les événements qui suivent ce départ.

Rien ou la Propagande par le fait

Peu de temps après, il se rend dans le palais du tsar Nicolas II. Invisible, il ne rencontre aucun obstacle à cela. La famille royale est réunie. Les quatre filles et les parents royaux. Nicolas, souriant à l'idée de semer la peur, comme à son habitude, raconte à ses enfants l'histoire d'un mystérieux Monsieur Rien. Inventant un personnage qui se veut effrayant, il le décrit comme "à la fois étrange et terrible... farceur et méchant... comique et cruel... grotesque et féroce" et qui "entre partout sans qu'on l'entende... sans qu'on l'aperçoive... sans même qu'on soupçonne sa présence." [14] Alors qu'il profite de cet instant pour tenter de poignarder le tsar, Yégor Martivof est touché par le tir de revolver de Nicolas deuxième du nom. Bien que blessé, il parvient à prendre la fuite. Le général Borissof, chef de la police de Moscou, est sans voix :

Rien !... Je ne trouve rien... je me heurte au néant ! [14]

Le lendemain, l'anarcho-nihiliste invisible s'introduit dans les locaux de la police. Il poignarde à mort le général Borissof et blesse grièvement son secrétaire particulier, Fédor. Avant de s'enfuir, Yégor Martinof vide le coffre-fort et brûle les dossiers sur les nihilistes qu'il contient. Sur un mur, il tague "E nihilo vita", "Du néant la vie". La police est sur les nerfs. Le professeur Lobanof est arrêté et envoyé dans un cachot de la forteresse Pierre-et-Paul à Saint-Pétersbourg. Sans que l'on sache exactement si, oui ou non, il est en plein délire pour cause d'effets secondaires imprévus, l'invisible étudiant tente de négocier avec son ex-mentor un retour à la normale et obtenir l'autorisation de fréquenter sa fille Nadia contre une aide à l'évasion ! Markus Lobanof refuse et annonce à Yégor Martinof qu'en l'absence d'un repas de granule et d'une cuillère à café de sérum gras dilué tous les dix jours, il court vers la mort. Se sachant perdu, il oscille entre des moments de pleine lucidité et de crétinerie absolue. "Je vais faire sauter l'arsenal... puis je massacrerai les grands-ducs... les ministres... les maréchaux... je sèmerai partout l'épouvante et la mort" [14] se mélange avec ses menaces de tuer Nadia Lobanof, qu'il dit aimer, pour se venger du professeur qui lui refuse sa fille ! Un de ces grands moments du discours amoureux qui pourraient être si hilarants s'ils n'étaient pas mortels. En terme moderne de catégorisation, Yégor Martinof est un hominine mâle hétérosexuel cis-genre dont les comportements liés aux hominines femelles semblent en adéquation avec le rôle de dominant qui est valorisé socialement et attendu de lui. Peut-être est-il bisexuel ? Ou pansexuel comme la mère de F. Merdjanov ? Impossible dans savoir plus, mais cela ne change rien. Il est doublement trans : trans-espèce et transparent. Croire que parce qu'invisible, il ne peut bénéficier des privilèges sociaux de la blancheur de sa peau, c'est minimiser la dimension systémique [24] qui fonde les privilèges racistes. Il est validiste de ne pas comprendre les difficultés quotidiennes rencontrées par une personne invisible à trouver sa place dans une société adaptée aux visibles. Pour éviter les accidents routiers, par exemple, ne faut-il pas installer des herses automatisées mobiles au sol aux passages piétons à la place des simples feux de signalisation qui n'arrêtent rien pour qui veut passer ? De manière générale, pour éviter les accidents, il faut toujours conduire avec prudence comme aime à le rappeler l'accidentologue Nicolas "Seth Gecko" Salvadori : "Plutôt qu’de rouler en Subaru, j’préfère rouler en 2 ch’vaux avec un cadavre de flic sous la roue" [25]. Il est aussi probablement très anthropocentriste et spéciste de ne voir en Yégor Martinof que ses aspects d'hominines alors que sa transition mi-hominine mi-caniche est finie.

La traque policière se fait de plus en plus pressante et est largement relatée dans Monsieur... Rien ! Comme promis, l'arsenal est pulvérisé par une explosion. En s'emparant discrètement de l'arme d'un militaire, Yégor Martinof parvient à tirer en pleine rue sur les ministres de la guerre et de l'intérieur, les tuant tous les deux sur le coup. "Ce que vous appelez crimes est une mission sacrée... l'affranchissement des peuples... et c'est pour cela que j'ai accepté de devenir invisible" aurait-il dit au professeur Lobanof selon son biographe Louis Boussenard [14]. Pour éviter d'être capturé et de finir dans un cachot, Yégor Martinof se tire une balle dans la tête. Mort, il redevient visible. D'après le témoignage de ses poursuivants, ces derniers mots sont : "Plutôt la mort que d'être pris ! Je vous hais ! De toute mon âme... Oui, je vous hais". De manière involontaire, Nadia Lobanof lui rend un hommage émouvant en disant de lui que "sous des dehors graves et studieux, se cachait un de ces êtres formidables qui incarnent le génie de la destruction !" [14] Ce que fera sans le savoir, près d'un siècle plus tard, Giuseppe Culicchia dans Le pays des merveilles :

L’été que j’avais tant attendu est arrivé. Maintenant il est presque fini. En septembre, je retourne à l’école. Grand-père m’a dit que si je veux, je peux arrêter la comptabilité. Il me paiera le conservatoire avec sa retraite. Mais j’en ai plus rien à foutre de rien.
J’en ai plus rien à foutre de rien.
J’en ai plus rien à foutre de rien.
J’en ai plus rien à foutre de rien.
De rien.
De rien.
De rien.
J’ai demandé à Franz un de ses T-shirts comme souvenir. Celui avec gribouillé au stylo-bille JE VOUS HAIS TOUS. Je le porte tout le temps. Le rendez-vous avec Margherita, j’y suis pas allé.
J’écoute de la musique.
Le jour.
La nuit.
Tous les jours.
Toutes les nuits.
Ils ont aussi abattu mon chêne. Il était sur le chemin de la nationale. Je regarde le T-shirt que je porte.
JE VOUS HAIS TOUS, c’est écrit.
JE VOUS HAIS TOUS.
JE VOUS HAIS TOUS.
JE VOUS HAIS TOUS. [26]

Cycle merdjanovien

Malgré ses vraisemblances, Monsieur... Rien ! est à considérer avec toute la rigueur de la protivophilie. Les éléments biographiques et les détails du récit doivent être scrutés avec soin. Cette biographie de Yégor Martinof est publiée en octobre 1907. Malgré les repères chronologiques des âges princiers qui laissent à penser que les faits décrits se situent en 1902, il est très probable que ce ne soit pas le cas.

Hormis Yégor Martinof et la famille tsarienne, les protagonistes se cachent derrière des pseudonymes. Les assassinats d'un chef de la police et de deux ministres semblent faire allusion à d'autres hominines dont les archives font mention. Les ministres de l'intérieur Dmitri Sipiaguine et Viatcheslav Plehve sont assassinés respectivement en avril 1902 [27] et en juillet 1904 [28]. Le ministre de la guerre Viktor Sakharov est tué en novembre 1905 [29]. D'autres échappent de peu à la mort. Par exemple le ministre de l'intérieur Piotr Durnovo qui, en 1905, pense que "les émeutiers doivent être exterminés immédiatement par la force des armes, leurs habitations doivent être brûlées en cas de résistance. L'autonomie arbitraire doit être éradiquée une fois pour toutes — maintenant. Les arrestations ne serviraient à rien aujourd'hui et il est de toute façon impossible de juger des centaines et des milliers de personnes."[30] Ou encore Dmitri Trepov, chef de la police moscovite et gouverneur général de la région de Saint-Pétersbourg en 1905, qui survit à plusieurs tentatives d'assassinat [31]. La famille du tsar est aussi la cible d'attaques meurtrières. Déjà en 1881 le grand-père de Nicolas II, le tsar Alexandre II [32], est tué lors d'un attentat et en 1905, c'est le frère de ce dernier qui est abattu par l'esseriste Ivan Kaliaïev [33]. Cet acharnement n'est pas le fait du hasard. Tous sont visés pour leur responsabilité directe dans la répression qui cause la mort de milliers d'hominines lors des manifestations qui réclament des réformes politiques, ainsi que pour leur acharnement à poursuivre et anéantir les différents groupes politiques qui contestent l'autocratie tsariste. D'après Louis Boussenard, le général Borissof est le successeur de Dmitri Trepov, mort en septembre 1906 d'une angine de poitrine — trois mois après une dernière tentative ratée de le tuer [34] — mais selon la presse de cette époque, c'est le général Vladimir Dediouline, préfet de police pétersbourgeois, qui le remplace [35]. Lorsque dans Monsieur... Rien ! il fait allusion à la tentative d'assassinat du "prédécesseur" de Borissof par Vera Zassoulitch [36], il semble que Louis Boussenard confonde Dmitri Trepov avec son père, le général Fiodor Trepov, que Vera Zassoulitch a tenté de tuer en janvier 1878. Sa formulation prête à confusion. Il existe bien un général Borissof ou Borissov, que l'on retrouve dans les évènements liés à la guerre de 1905 entre la Russie et le Japon et non à un poste de gouverneur ou de chef de la police. Il est attaché militaire auprès de Mikhail Alekseïev, général d’état-major de la 3ème armée en Mandchourie lors de cette guerre. Dans une lettre datée de 1915, la tsarine demande à son empereur de mari des précisions sur Borissof car leur fille Anastasia "Zazie", la plus jeune [37], "a entendu dire qu'il n'était pas un homme bien pendant la guerre du Japon !" [38] [39]

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La plupart de ces actions meurtrières contre des officiels du régime tsariste sont l'œuvre de membres de groupes socialistes-révolutionnaires [40]. Les socialistes-révolutionnaires (SR) sont un courant révolutionnaire non-marxiste qui fonde ses espoirs, non pas sur la classe ouvrière, mais sur la paysannerie. Illes sont organisés en parti depuis 1901 et sont adeptes de la violence politique. La branche dite "maximaliste" est tactiquement proche des anarchistes avec qui de nombreuses actions clandestines et braquages sont réalisés. Adeptes du parti centralisé, les socialistes-révolutionnaires forment l'Organisation de Combat [41], chargée des vols à main armée — les expropriations — et des actions violentes contre des représentants du pouvoir ou des militaires. Parmi les anarchistes, les choix d'organisation sont différents. Une myriade de groupes anarchistes clandestins apparaissent dans les régions industrielles du sud-ouest de la Russie et du nord-ouest, ainsi que dans les territoires de l'ancien royaume de Pologne et de Lituanie. En Russie, nombre d'anarchistes sont d'ex-esseristes [42]. Dans les premières années du XXème siècle, à Saint-Pétersbourg apparaît le groupe anarchiste Beznatchalie, nom qui signifie "refus de toute autorité" et peut être un synonyme de "anarchiste". Au printemps et à l'été 1905, Nicolas Romanov dit Bidbei et deux de ses compagnons publient à Paris un journal intitulé Feuille du groupe Beznatchalie. Le discours est clair : Il appelle au "soulèvement armé du peuple tout entier : paysans, ouvriers et déshérités..." et préconise pour cela de s'unir à "la lie de la société : chômeurs, vagabonds, clochards, tous les éléments rejetés, les renégats de la société car ils sont tous nos frères et nos camarades" pour une "revanche gigantesque, totale, féroce et sanglante du peuple" [43]. À Saint-Pétersbourg même, le groupe Beznatchalie diffuse beaucoup de textes anarchistes et fait de la propagande en direction des hominines dans les usines "les appelant à détruire leurs machines, à faire sauter les centrales d’énergie, à lancer des bombes sur les tortionnaires bourgeois, à piller les banques et les magasins, à faire sauter les commissariats et à ouvrir les prisons", selon l'historien anarcophile Paul Avrich. L'un des hominines de ce groupe anarchiste pétersbourgeois, "Tolstoï" Rostovtsev [44], publie un petit manuel pratique pour fabriquer les bombes dite macédoniennes — selon une méthode éprouvée en Macédoine — dans lequel il explique "la façon de s’y prendre pour mettre le feu aux meules des gros propriétaires" et exhorte les hominines à "s’armer de haches et à faire périr la famille du tsar, les hobereaux et les prêtres !" Alors qu'il n'a encore à son actif qu'un braquage de banque et l'assassinat d'un policier, le groupe anarchiste de Saint-Pétersbourg est démantelé courant 1906 et le procès de ses membres débute le 13 novembre de la même année. Illes refusent évidemment de reconnaître la légitimité de la justice tsariste et se moquent de leurs juges. Parmi elleux, Nikola "Bidbei" Romanov est condamné à 15 années de prison. Idem pour Alexander Kolosov [45] qui se suicide trois ans plus tard. Boris Speranski prend 10 ans. Ce dernier, condamné à 10 années supplémentaires pour une tentative d'évasion, est maltraité par ses geôliers après les avoir insulté en 1908. L'un d'eux lui tire une balle de pistolet dans la jambe. Il disparaît dans les méandres du système carcéral russe. "Tolstoï" Rostovtsev et Vladimir Ouchakov [46] sont envoyés à la forteresse Pierre-et-Paul. L'un simule la folie et parvient à être transféré dans un hôpital d'où il s'échappe. Réfugié en Suisse, il participe à un braquage à Montreux qui tourne mal. Emprisonné à Lausanne, il s'asperge d'essence et s'immole. L'autre, Vladimir Ouchakov, réussi aussi à s'évader. Capturé après un braquage en Crimée, il parvient à s'échapper mais, rattrapé, il préfère se tirer une balle dans la tête plutôt que d'être arrêté. Le sort de Maroussia — l'épouse de Rostovtsev — et de quelques autres membres demeure inconnu pour la protivophilie.

Malgré toutes les indications qui pourraient le laisser penser, il n'est pas possible d'affirmer avec certitude que Yégor Martinof ait fait parti du groupe anarchiste de Saint-Pétersbourg. Il n’apparaît dans aucune des archives officielles. Seule la biographie de Louis Boussenard conserve son souvenir. Yégor Martinof n'est pas le seul cas — loin de là — d'invisibilité d'hominines qui ont lutté, voire perdu la vie, pour défendre une cause qui leur semblait juste et dont l'historiographie officielle ne garde pas de traces. Par des raisons différentes, ce phénomène d'invisibilité se retrouve aussi dans l'historiographie écrite par les mouvements révolutionnaires. Yégor Martinof en est la preuve.

Et bien, oui, je le répète à la face du monde : toute "organisation" ne profite et ne profitera jamais qu’aux organisateurs ! Voilà ce que je veux "conter" encore avant de mourir. Tous ceux qui veulent faire de l’Homme la bête d’un troupeau sont des assassins. Quels qu’ils soient. […] Pourquoi ? Mais parce que je suis convaincu que les révoltes des bergers ne sont que des révoltes commanditées, quoiqu’il leur arrive, parfois, à ces bergers, de se casser le cou, eux aussi, au beau milieu de la commandite, ou de l’illusion. Et c’est pourquoi je crie, sur mon grabat : Vive l’Homme qui n’adhère à rien ! [47]

Les hominines qui asservissent les autres minimisent les faits, transforment la réalité et n'hésitent pas à ridiculiser celleux qui les contestent. La méthode est courante. Les biographies et les autobiographies ne sont pas fiables. Combien d'hominines à qui des actes imaginaires ont été attribués, des paroles faussement prêtées ou des surnoms farfelus accolés ? Il semble que cela soit le cas pour Yégor Martinof. Rien n'indique qu'il se surnomme lui-même Monsieur Rien. Au contraire. Dans sa biographie l'auteur dit que, le jour de la tentative de son assassinat, le tsar Nicolas II raconte à ses proches une histoire qui se veut effrayante, d'un mystérieux Monsieur Rien qui a "des mains de justice... et des bras de levier" avec "un corps qui n'est qu'un cor de chasse... à moins que ce ne soit un corps de délit". Sa bouche est "une bouche de chaleur... avec une langue... universelle. [...] Quant à sa tête... et bien ! c'est une tête de Turc, parbleu !" [14] Une espèce de croquemitaine. Nous sommes très loin d'une description réaliste de Yégor Martinof. Nicolas le second a littéralement fumé la moquette ! Le rapprochement entre cet imaginaire monsieur Rien et Yégor Martinof n'est en fait qu'un hasard. Le témoignage de l'halluciné tsar vient alimenter une version policière qui, dans la biographie de Yégor Martinof, fait de lui Monsieur Rien. Dans la version originale en français, il est même parfois appelé Gospodine Nitchevo par ses poursuivants, comme s'il s'agissait d'un prénom et d'un nom, alors que c'est simplement la translittération en alphabet latin de Monsieur Rien en langue russe [48]. La première réédition de Monsieur... Rien ! en langue française date de 1991 [49] et la traduction en langue russe est rééditée en Russie en 1997.

Dystopie de Rien

Mr Nobody en trois mots

Être soi, l'autre est déjà pris.[50]

Il est très compliqué, même pour la protivophilie, de faire des comparatifs. Griffin [20] et Segundo de Chomon [21] sont les parentèles symboliques les plus proches de Yégor Martinoff. Le premier, sous le titre d'Invisible Ier, veut mettre fin à la royauté (britannique). Pour entamer le processus qui mène à la chute royale, il projette dans un premier temps d'assassiner un savant mais il en est empêché par une foule d'hominines qui le lynchent. Ses notes sur les travaux qui lui permettent de devenir invisible demeurent introuvables. D'après son biographe H.G. Wells elles sont entre les mains d'un de ses complices, Thomas Marvel. Le second invisible, Segundo de Chomon, est un détrousseur de riches. Les quelques images de lui le montrent invisible en train de dévaliser une riche demeure dans laquelle il s'empare des bijoux et de la faïencerie. Puis dans un deuxième temps, il fait les poches d'un couple d'hominines en admiration devant la vitrine d'un bijoutier. Malgré la traque policière, il parvient à effrayer ses poursuivants qui renoncent. Nul ne sait ce qu'il devient par la suite. Est-il arrêté ? Finit-il mort comme Invisible Ier avant lui ? Le lien entre les deux invisibles semble être du domaine politique. Griffin abhorre la monarchie au point de vouloir attenter à la vie d'une personne pour l'ébranler, alors que l'autre n'hésite pas à prendre l'argent directement là où il est. S'il n'est pas clairement dit que ces deux invisibles soient anarchistes, les similitudes avec Yégor Martinoff sont frappantes. Louis Boussenard ne dit d'ailleurs pas si Monsieur Rien est anarchiste ou non. Les références politiques historiques directes renvoient aux socialistes-révolutionnaires à travers l'exemple de Véra Zassoulitch, autant qu'aux nihilistes lorsque Yégor Martinoff détruit les dossiers policiers les concernant ou avec son grafitti "E nihilo vita", "Du néant la vie".

Dans le courant du XIXème et le début du XXème siècle, les liens entre les révolutionnaires de Russie et de France sont à l'image de la relation entre la parisienne Albertine Hottin et son amant russe Serge Netchaïev : profonds et fragiles à la fois. Profonds par les proximités idéologiques et la détermination partagée à en finir avec un présent vomitoire, fragiles par leur exposition permanente à la répression policière et par leur éloignement géographique irrémédiable. Plus de 2300 kilomètres entre le hameau de Rien et Saint-Pétersbourg. Qu'illes soient socialistes-révolutionnaires, nihilistes ou anarchistes, les hominines ne peuvent échapper à ces réalités.

Notes

  1. Ou Iegor Martinov d'après la transcription actuelle du russe Егор Мартынов - En ligne
  2. JC est le diminutif populaire d'un célèbre mythomane, Jésus aka Christ, et non celui de Joseph Conrad, grand pratiquant de la mythomanie littéraire. Il écrit en 1907, le roman L'agent secret qui s'inspire librement de la mort de l'anarchiste français Martial Bourdin, tué par sa propre bombe lors de sa tentative d'attentat à Londres en février 1894. Le roman est adapté pour le cinéma en 1936 par Alfred Hitchcock. Film entier en ligne
  3. Louis-Auguste Blanqui, Qui fait la soupe doit la manger, 1834 - En ligne
  4. Louis-Auguste Blanqui, Un toast à la prochaine Révolution, 1851 - En ligne
  5. Michaël Confino, "Révolte juvénile et contre-culture : Les nihilistes russes des "années 60", Cahiers du monde russe et soviétique, 1990 - En ligne. Michaël Confino, "Idéologie et sémantique : Le vocabulaire politique des anarchistes russes", Cahiers du monde russe et soviétique, 1989 - En ligne
  6. Lointain cousinage des chimpanzés ou des bonobos, les hominines sont une des espèces du vivant qui produit des auto-justifications pour commettre les pires horreurs sur elle-même ou sur les autres espèces, tout en qualifiant de bestialité ou d'animalité les comportements violents.
  7. En autres formes de violences sociales, la division en deux genres — masculin et féminin — est une des absurdités répandues dans les organisations sociales des hominines. Le premier possédant des avantages qui lui sont réservés. Cette binarité fallacieuse invisibilise toutes les nuances existantes chez les hominines. Les règles grammaticales reproduisent cette division binaire. À défaut de la faire disparaître, l'utilisation de ille permet de rendre visible celles qui ne le sont pas avec le général grammatical marqué par le seul masculin.
  8. L'usine de rien réalisé en 2017 par Pedro Pinho. Bande-annonce - En ligne
  9. Ladislav Klíma, "Autobiographie", texte rédigé en février 1924. Publié dans Je suis la volonté absolue, Éditions de la Différence, 2012
  10. George Balkanski, Libération nationale et révolution sociale. A l'exemple de la révolution macédonienne, 1982
  11. L'anarchie, n° 137, 21 novembre 1907 - En ligne
  12. La "Bande à Bonnot" est le surnom donné par la presse en France à un groupe d'anarchistes dont l'un est Jules Bonnot. Plus d'une quarantaine de personnes sont impliquées dans plusieurs affaires de cambriolages, d'escroquerie, de fausse monnaie et d'assassinats dans les années 1910. Certaines sont condamnées par la justice, d'autres sont tuées par la police.
  13. Louis Boussenard (1847 - 1910). Après des études de médecine, entamées à l'issue de la guerre franco-prussienne de 1870 dans laquelle il se bat et est blessé, il devient écrivain et journaliste. Il signe plus d'une quarantaine de romans, dont beaucoup paraissent en feuilleton. Il se rattache au mouvement littéraire du merveilleux scientifique. Ses thèmes de prédilection sont des aventures à travers le monde et parfois de la science-fiction. La plupart de ses écrits sont traduits en langue russe dès les années 1910. Il écrit aussi un récit sur la situation en Macédoine/Roumélie ottomane, publié en 1912 sous le titre La terreur en Macédoine - En ligne Pour une biographie, voir Louis Boussenard, l'inexploré, le n°91-92 de Le Rocambole, 2020. L'ensemble de son œuvre est rééditée en russe dans les années 1990. Monsieur... Rien ! en 1997.
  14. 14,00 14,01 14,02 14,03 14,04 14,05 14,06 14,07 14,08 14,09 14,10 14,11 14,12 14,13 et 14,14 Monsieur... Rien ! dans le numéro 5 de La vie d'aventures, octobre 1907 - [En ligne]. La première réédition date de 1991 aux éditions Recto-Verso, coll. "Ides et Autres", n° 27. Voir aussi Denis Jallat, "La construction des formes de «colonialisme» dans les imaginaires des jeunes Français ; l'usage de la littérature d'aventure au début du XXe siècle", Présence Africaine, vol. 183, n°1, 2011, pp. 183-198 - En ligne
  15. Des populations d'hominines de langue et de culture germaniques sont historiquement présentes dans les pays baltes. Ces trois pays furent alternativement sous domination prussienne, suédoise ou russe.
  16. "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017 - En ligne
  17. Gwenola Ricordeau (dir.), 1312 raisons d'abolir la police, Montréal, Lux Éditeur, coll. "Instinct de liberté", 2022
  18. Vive la révolution, à bas la démocratie ! Anarchistes de Russie dans l'insurrection de 1905, Mutines Séditions, 2016. Paul Avrich, "Les terroristes", Les anarchistes russes, 1979 - En ligne
  19. Nadia Lobanof a une vingtaine d'années, elle est "charmante, distinguée, d'une beauté rare, savante également, au point de pouvoir partager les travaux de son père" selon un témoignage élogieux. Pour le général Borissof, un hominine mâle qui n'apprécie pas que les hominines femelles soit ses égales, elle est une "savantasse ! un de ces monstres d'érudition... de froide énergie et de nervosisme que rien n'arrête... ni n'émeut, dès que les idées révolutionnaires ont incendié leurs cervelles !"
  20. 20,0 et 20,1 H.G. Wells, L'homme invisible, 1897 - En ligne
  21. 21,0 et 21,1 Segundo de Chomon, Le voleur invisible, 5 min 32 sec, muet, 1909 - En ligne
  22. Hautement radioactif, le radium est identifié par le couple de chimistes Pierre et Marie Curie en 1898. Ses vertus curatives aboutissent à la radiothérapie. Jusqu'aux années 1940, le radium est vendu comme un produit miracle dans des crèmes, des suppositoires, des boissons, des dentifrices, des savons mais aussi comme composant de tissus et de laine. Pour un florilège, voir "Top 15 des pubs des produits radioactifs, quand le radium était miraculeux" - En ligne
  23. Selon de nombreuses traditions culturelles en Europe, la graisse de loup est depuis des siècles considérée comme ayant des propriétés médicinales. Leur efficacité est proche de celle de "la graisse d'un goéland tué le vendredi" qui, en Bretagne au XVIème siècle, guérit la fièvre lorsque l'on se frotte avec. Voir Paul Sébillot, Le folk-lore de la France, tome 3 "La faune et la flore", 1906 - En ligne Des produits actuels prétendent que la graisse de loup est un "agent immunitaire puissant" - En ligne
  24. Est systémique un comportement social qui dépasse la simple personne qui le reproduit et s'enracine dans les constructions sociales d'une société. Quand des policiers blancs abattent un jeune hominine noir parce qu'ils le classent parmi les "dangereux" en raison de sa couleur de peau, illes font preuve de racisme systémique. Lorsque les policiers sont noirs, illes font preuve du même racisme.
  25. Seth Gueko, "Boyz In The Hood" sur l'album Les fils de Jack Mess - En ligne
  26. Giuseppe Culicchia, Le pays des merveilles. Cité à l'entrée "âge ingrat" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  27. Membre du Parti socialiste-révolutionnaire, Stepan Balmashov (1881 - 1902) est arrêté et condamné à mort. Il est pendu en mai 1902. Cette action est la première de l'Organisation de Combat, la structure armée clandestine du parti SR.
  28. Il échappe à une première tentative en 1903 et à deux l'année suivante. En juillet 1904, l'esseriste Igor Sazonov (1879 - 1910) parvient à le tuer. Il est condamné à la déportation en Sibérie. Il se suicide en décembre 1910. Le mythomane romanesque Joseph Conrad s'inspire d'Igor Sazonov pour forger son personnage de Victor Haldin dans Sous les yeux de l'Occident, publié en 1911. Adapté pour le cinéma en 1936 par le français Marc Allégret sous les titres Razumov ou Sous les yeux de l'Occident
  29. Membre du Parti socialiste-révolutionnaire, Anastasia Bitsenko est arrêtée et condamnée à mort. Sa peine est commuée en déportation en Sibérie dans la colonie pénitentiaire de Nerchinsk. Elle y côtoie l'esseriste Maria Spiridonovna et l'anarchiste Fanny Kaplan. Libérée en 1917, elle se rallie à la position majoritaire du parti SR qui soutient les bolchevistes. Anastasia Bitsenko rejoint le Parti communiste russe (bolchevique), futur Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS). Elle est tuée en juin 1938 lors des purges de Staline
  30. Extrait de L'année 1905 de Lev "Trotsky" Bronstein, futur grand pourfendeur bolcheviste des tendances révolutionnaires non-bolchevistes après 1917. Trostky est assassiné en 1940 au Mexique sur ordre de son ancien camarade Joseph "Staline" Djougachvili.
  31. Tatiana Leontieff (1883 - 1922) est arrêtée en mars 1905 après une tentative d'assassiner Dmitri Trepov à Saint-Pétersbourg. Elle parvient à fuir et se réfugie en Suisse. Membre du courant maximaliste des socialistes-révolutionnaires, elle est décidée à tuer Piotr Durnovo qu'elle pense être de passage en Suisse sous le pseudonyme de Muller. Elle se trompe de cible et abat un rentier parisien du nom de Muller. Arrêtée, "elle plaide devant le jury de paysans bernois qu'elle se bat contre la tyrannie, et pour qu'enfin la terre soit aux paysans." Elle est condamnée à quatre années de prison. Transférée ensuite dans un hôpital psychiatrique, elle y meurt en 1922. "Le procès de Tatiana Leontieff à Thoune" dans le journal suisse L'impartial du 27 mars 1907 - En ligne. "Le fantôme de Tatiana" dans Le Monde du 16 septembre 1983. Jacques Baynac, Le Roman de Tatiana, biographie de Tatiana Leontiev, Denoël, 1985
  32. Narodnaïa Volia
  33. Ivan Kaliaïev
  34. Le Petit Journal, 24 juin 1906 - En ligne
  35. Le Petit Journal, 20 septembre 1906 - En ligne
  36. Condamnée à de la prison en 1869 pour avoir échangé des lettres avec Serge Netchaïev, Vera Zassoulitch est libérée en 1871. Elle rejoint le groupe clandestin Les émeutiers du Sud qui commet plusieurs attentats dans le sud-ouest de la Russie. En janvier 1878, en représailles des violences qu'il a fait subir à un prisonnier, le préfet de police Fédor Trepov est visé par un attentat. Véra Zassoulitch lui tire dessus mais ne fait que le blesser. Étonnement, elle est acquittée. Elle fuit vers la Suisse et rejoint le groupe populiste Terre et liberté avant de se tourner progressivement vers le marxisme. Elle est l'une des fondatrices en 1883, en Suisse, du premier groupe marxiste russe Libération du Travail. Elle inspire le personnage de Véra dans Véra ou Les nihilistes d'Oscar Wilde en 1880. L'auteur fait de Véra une romantique stupide et amoureuse d'un nihiliste qui s'avère être le jeune futur tsar, successeur de son père ! Un texte qui donne envie de relire Le théâtre mis en pièce(s), Les frères de la lumière, 2016 - En ligne
  37. Née en 1901, Anastasia Romanov est à la pointe de la technologie moderne. Elle est la seule de sa famille à communiquer via les réseaux sociaux selon les travaux récents (2023) de Mel Brooks, La folle histoire du monde II - [En ligne]
  38. Lettre du 5 septembre 1915 - En ligne
  39. Dans La Décomposition de l’armée et du pouvoir, écrit en 1922 par le général tsariste Anton Dénikine, ce dernier précise que certains "attribuent une importance exagérée à la collaboration [...] du général Borissov" pour expliquer les choix stratégiques de Mikhail Alekseïev lors de la guerre civile entre armée tsariste et révolutionnaires de 1917 à 1921. Depuis 1905, la réputation de Borissof semble fragile. - En ligne
  40. Collectif, Les Socialistes-Révolutionnaires de gauche dans la révolution russe. Une lutte méconnue, Spartacus, 1983. Jacques Baynac, Les Socialistes révolutionnaires, Laffont, 1992
  41. Boris Savinkov, Mémoires d'un terroriste, 1917 (Rééd. Champ Libre, 1982)
  42. Les maximalistes sont défaits par la répression et une partie des SR se rapprochent des bolchevistes à partir de 1917.
  43. Cité par Paul Avrich dans Les anarchistes russes.
  44. Fils d’un haut dignitaire de Saratov. Fait ses études à l’université de Kharkov et devient adepte de la non-violence tolstoïenne. Avant de changer d'avis.
  45. Fils d’un prêtre de la province de Tambov. Après l'abandon de ses études de théologie, il adhère à un groupe socialiste-révolutionnaire, puis en 1905, il se joint au groupe anarchiste de Saint-Pétersbourg.
  46. Fils du gouverneur de la province de Saint-Pétersbourg. Il entre à l'université de la ville en 1901 et participe ensuite au mouvement de contestation estudiantin. Il fuit à l'étranger et rentre en Russie en 1905.
  47. Panaït Istrati, L’homme qui n’adhère à rien. Cité à l'entrée "beznatchalie" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  48. Ce détail ne concerne pas la version traduite et publiée en russe - En ligne
  49. Monsieur... Rien !, Éditions Recto-Verso, coll. "Ides et Autres", n°27, 1991
  50. Oscar Wilde, L'âme humaine, 1891 - En ligne