Roumélie
Roumélie (De Rūm-ėli, "pays des rûm (romains)") Terme géo-administratif de l’empire ottoman pour désigner ses provinces balkaniques.
SommaireGéographie approximativeLa Roumélie est située dans la partie centre-ouest de la péninsule balkanique, à l'ouest de la mer Noire dont elle est séparée par la Bulgarie, à l'est de la mer Adriatique avec l'Albanie entre, et au nord de la mer Égée avec la Grèce entre les deux. Malgré son nom, la péninsule balkanique n'en est pas une car il n'y a pas d'isthme mais une délimitation au nord par les cours des rivières Save et Kupa et d'une partie de celui du Danube. Et au sud par les mers environnantes. Elle est péninsule à la seule condition que l'on accepte que la Norvège ou l'Afrique soient des îles. S'étendant sur 10 pays, les Balkans sont un ensemble montagneux reliant les Carpates roumaines aux Alpes orientales. Ils sont généralement subdivisés entre, de l'est à l'ouest, les Grands balkans, les Rodhopes, les Alpes dinariques, et du nord au sud, le Pinde, le Parnasse et le Péloponnèse. L'arc qui va des Alpes dinariques au Péloponnèse se prolonge, sous les eaux, pour rejoindre l'Anatolie. Les Balkans s'intègrent dans le grand ensemble montagneux, appelé ceinture alpine, qui s'étend des côtes du Maroc à l'Himalaya, en passant par l'Atlas, la côte ibérique, les Pyrénées, les Alpes et les Apennins, les Balkans, les Carpates, les montagnes d'Asie mineure, le Caucase, les plateaux iraniens, l'Hindou Kouch puis l'Himalaya, pour finir tout le long de l'Indonésie. Cette ceinture est la conséquence de la dérive des continents et de la rencontre entamée il y a 65 millions d'années entre les plaques tectoniques eurasiatiques, africaines, arabiques et indiennes qui, pour les trois dernières, remontent à des vitesses différentes[1]. La Roumélie est donc à l'ouest de cette ceinture alpine et au sud de la plaque tectonique.Les principaux fleuves qui la traversent sont le Vardar/Axios, le Strymon et la Mesta. Tous se jettent dans la mer Égée.
ConquêteEntre le XIème et le XIIème siècle, des tribus de turks oghouzes[2] quittent l’est de la mer Caspienne pour se diriger vers l’ouest, direction l’Anatolie et l’Europe orientale[3]. Sous le contrôle de l’empire seldjoukide, elles s’installent en Anatolie où elles constituent le sultanat de Rum, fait de petits pouvoirs locaux, des beylik (beylicats), et fixent leur capitale à Iznik (actuel Nicée). La disparition de ce sultanat en 1307, sous les coups de butoir des mongols, entraîne une autonomie des beylicats. L’un d’eux, le beylicat dirigé par Osman, s’étend au détriment des autres beylicats qu’il conquiert. L’expansion progressive de ce beylicat entre le XIVème et le XVIIIème constitue l’empire ottoman. Ce terme est un dérivé de osman, noté othman puis ottoman.
Populations et religionsAssez rapidement, l’empire ottoman est multiconfessionnel. Il gère des populations musulmanes, chrétiennes et juives. Les premières relèvent de la loi commune alors que les deux autres ont le statut de dhimmi accordé au non-musulman. Inspiré de la religion musulmane, ce statut accorde une liberté de culte contre la reconnaissance de la légitimité du pouvoir politique, le paiement d’un impôt particulier et quelques restrictions. Au fil des siècles, des conquêtes et des réformes administratives de cet empire grandissant, les ottomans instituent le statut de millet (communauté) qui donne une reconnaissance légale à une multitude de communautés "ethnico-religieuses". Lorsque les ottomans arrivent dans les Balkans au XIVème siècle, la population est quasi exclusivement chrétienne, d’obédiences diverses, ayant des pratiques linguistiques ou culturelles multiples[4]. Point d’entrée et ouverture sur la plaque tectonique eurasiatique, cette région est déjà une macédoine – au sens de mélange – de populations issues de diverses vagues migratoires. Quelques communautés juives sont présentes dans les centres urbains. La religion officielle de l’empire ottoman est l’islam mais le but n’est pas la conversion, avec les statuts de dhimmi et de millet la soumission au pouvoir politique est suffisante. Ces conversions ont touché toutes les "communautés linguistiques" ou religieuses existantes, des albanophones, bulgarophones, grécophones, roumanophones, serbophones[5], des roms ou des juifs se sont convertis individuellement ou collectivement à l’islam[6]. Il est impossible de déterminer les raisons des conversions qui eurent lieu pendant ces quelques siècles ottomans[7]. Se convertir c’est pour les plus pauvres échapper à l’impôt des dhimmi, pour les riches s’ouvrir des perspectives nouvelles, pour les jeunes hommes fuir la conscription militaire, pour les hommes et les femmes se prémunir de l’esclavage, pour les hérétiques se protéger d’une Église totalitaire… Et, évidemment, les motivations profondes des individus émerveillés par la découverte d’une croyance qui semble moins obscurantiste ! Roumélie ottomaneDepuis le XVIème siècle, le terme de Roumélie désigne l’ensemble des territoires balkaniques de l’empire ottoman, en opposition à la partie asiatique appelée Anatolie. Administrativement, on parle du pachalik de Roumélie qui comprend une trentaine de subdivisions géographiques, les sandjaks. Une réorganisation fait passer le nombre de sandjaks à une vingtaine au début du XVIIIème. Un certain nombre d’entre eux accèdent à une autonomie au sein de l’empire. Les Balkans sont un point de rencontre de l’influence de plusieurs empires concurrents. En 1816, un des sandjaks obtient plus d’indépendance sous le nom de Principauté de Serbie. En 1836, le Roumélie est divisée en trois territoires administratifs centrés autour de Salonique, Edirne et Monastir, eux-mêmes subdivisés en plusieurs sandjaks. Ces subdivisions varient selon les réformes en cours[8]. Les Balkans ottomans sont secoués par de nombreuses manifestations et confrontations armées pour l’obtention de plus d’autonomie[9]. Ces révoltes sont un mélange de revendications sociales populaires, de recherche de plus de pouvoir des bourgeoisies locales et de contestations nationalistes. La Principauté du Monténégro obtient vers 1850 son indépendance et celles de Roumanie en 1859.Le Traité de San Stefano (actuel quartier Yeşilköy d’Istanbul), signé le 3 mars 1878, réorganise les provinces ottomanes à la suite des guerres russo-ottomanes dans les Balkans. Les principautés de Serbie, du Monténégro et de Roumanie accèdent à l’indépendance. Celle de Bulgarie s’étend de la mer Noire à la Macédoine, du Danube à la mer Égée. Elle comprend l’ensemble des bulgarophones. La Bosnie-Herzégovine reste province ottomane. Ce traité modifie aussi quelques frontières dans le Caucase. Jugé trop favorable à la Russie, ce traité est contesté par le Royaume-Uni et l’Autriche-Hongrie lors du congrès de Berlin qui débouche sur un nouveau traité le 13 juillet 1878 entre le Royaume-Uni, l'Autriche-Hongrie, la France[10], l'Allemagne, l'Italie, l'empire russe et l'empire ottoman. Les principautés de Serbie et du Monténégro deviennent indépendantes mais perdent quelques territoires attribués par le traité de San Stefano. Celle de Roumanie s’agrandit au Sud vers le Danube. La Bosnie-Herzégovine est occupée par l’Autriche-Hongrie. La Bulgarie[11] reconnue par ce traité s’étend du Danube aux contreforts des Balkans, elle est autonome mais reste vassale de l’empire ottoman. Elle ne comprend plus ni la partie sud qui devient la Roumélie orientale, ni la Roumélie qui regroupe la Macédoine, la Thrace et les régions albanophones[12]. En 1885, la Roumélie orientale proclame son rattachement à la principauté de Bulgarie. La Roumélie ottomane regroupe alors les régions entre la mer Noire à l’est, la mer Égée au sud et l’Adriatique à l’ouest. Au nord de la Roumélie se trouvent le royaumes de Roumanie (1881 – 1947) et de Serbie (1882 – 1918) et les principautés de Bulgarie (1886 – 1908) et du Monténégro (1852 – 1910). L’autonomie de ces principautés et royaumes balkaniques est relative car l’empire ottoman a négocié divers arrangements militaires, économiques ou politiques. Au sud-est, un État grec indépendant a vu le jour en 1832 après une guerre de libération épaulée par la France.
De RoumélieL’Organisation révolutionnaire macédonienne (ORM) est créée à Salonique en 1893 par des partisans de l’indépendance de la Roumélie qui lancent des attaques contre des intérêts ottomans. Soutenus par la Bulgarie, en quelques années ils installent une véritable guérilla dans des parties de la Roumélie et parviennent à administrer de petites zones "libérées" grâce aux tcheta, les milices armées. À partir de 1900, des bombes sont fabriquées dans des ateliers en Bulgarie avant d’être acheminées vers la Roumélie. En 1902, l’ORM devient l’Organisation révolutionnaire intérieure macédo-andrinopolitaine (ORIMA). En août 1903, dans le vilayet de Monastir (actuel Bitola), et en Thrace éclate une insurrection menée par l’ORIMA. Selon l’Organisation, plus de 25000 combattants affrontement les militaires ottomans dans des actions armées menées sur tout le territoire. Dans le vilayet de Monastir, là où les combats sont les plus féroces, la République de Krouchevo est proclamée le 3 août et, en Thrace, la Commune de Strandja l’est le 18. La première ne dure que dix jours et la seconde résiste jusqu’au 8 septembre. La réponse ottomane est sanglante : environ 12000 maisons détruites, 200 villages rasés, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont à la rue et plus de 30 000 immigrent vers un autre pays. L’insurrection est écrasée en novembre 1903. Politiquement, l’ORIMA n’est pas homogène. En son sein cohabitent celles et ceux qui veulent le rattachement à la Bulgarie, l’indépendance ou s’intégrer dans un projet de fédéralisme balkanique : nationalistes bulgares ou macédoniens, socialistes et anarchistes. La République de Kroutchevo est d’inspiration socialisante alors qu’à Strandja la présence anarchiste est plus forte. L’aile gauche, qui n’était pas favorables au lancement de l’insurrection d’août 1903, jugée prématurée, est alors prédominante parmi les militants de l’ORIMA. Les divergences politiques et stratégiques sont de plus en plus importantes et, en 1907, la rupture est consommée après des assassinats internes. L’ORIMA cesse ses activités l’année suivante. Avec la montée des Jeunes-Turcs, certains se lancent dans l’activisme légal. Face à la tournure nationaliste turc prise par ce mouvement, l’ORIMA est reconstituée et reprend les armes en 1909.Même si l’ORIMA est la plus grosse organisation, elle n’est pas la seule à mener la lutte. Le Comité suprême macédonien[13] lance des opérations dès 1895 en espérant déclencher une guerre entre ce pays et l’empire ottoman. Malgré un rapprochement avec l’ORIMA, des heurts opposent ses combattants à l’armée entre 1905 et 1907 et les actions terroristes se multiplient. En 1895, en Bulgarie, un groupe de femmes fondent la Société de l’Assomption, afin de favoriser la scolarisation parmi les plus pauvres des bulgarophones de Roumélie, et particulièrement les femmes. Elles créent de nombreuses écoles. À l’automne 1900 elles rejoignent les rangs de l’ORIMA. L’année suivante, les femmes de l’Organisation mettent en place une section féminine. Leur discours lie la libération de la Macédoine à celle de l’égalité des droits entre hommes et femmes dans la lutte, et après. En parallèle de leurs activités de scolarisation, les militantes de l’ORIMA sont très impliquées dans la mise en place d’hôpitaux clandestins pour soigner les blessés lors d’affrontements. Quatre d’entre elles[14] sont à l’origine du drapeau utilisé lors de l’insurrection d’août 1903 dans laquelle la section féminine est pleinement partie prenante. À Salonique, la Fraternité secrète révolutionnaire bulgare intègre l’ORIMA en 1902. Elle est à l’origine de l’aile droite de l’organisation. Très présents au sein de l’ORIMA, les anarchistes interviennent aussi dans le conflit avec leur propre discours et méthodes. De petits groupes émergent et quelques journaux sont publiés. Les méthodes et les stratégies sont multiples. En 1895, de jeunes bulgares constituent le Comité Révolutionnaire Secret Macédonien (Македонскиот таен револуционерен комитет – МТРК). Une partie d’entre eux, installés en Suisse pour poursuivre leurs études, lancent le Groupe de Genève et publient en 1897-1898 les journaux Otmashtenie (Vengeance) et Glas (Voix). Le Comité n’est pas favorable à une politique des nationalités et refuse de s’associer aux projets nationalistes. Il préconise une fédération entre la Macédoine et la Thrace (la Roumélie), embryon d’une plus large fédération balkanique dans laquelle toutes les populations pourraient vivre ensemble, sans distinction de nationalités. Dans ses Mémoires, Pavel Chatev relate un discussion entre deux anarchistes – Svetoslav Merdjanov et Petar Mandjoukov – lors de laquelle il est mention de l’ORIMA :
"Oh rime à rien" aurait clamé le poète Khristo Botev[15] L’activisme anarchiste-communiste est présent à travers l’activité de différents groupes : Le Comité des Révolutionnaires-Terroristes Macédoniens, les Fauteurs de Trouble (Gürültücü en turc) ou les Bateliers. Ces derniers sont connus pour avoir perpétré des attaques à la bombe entre le 28 avril et le 1er mai 1903 dans la ville de Salonique pour protester contre la répression ottomane en Roumélie. Ceux qui ne furent pas tués pendant la série d'attaques, furent arrêtés et déportés en Libye. Peu réussirent à s'échapper[16]. Guerres balkaniquesLes aspirations à l’indépendance de ces nouveaux États balkaniques vis à vis de l’empire ottoman se transforment progressivement en nationalismes antagonistes. Tous ont des revendications sur le territoire de la Roumélie. La Serbie vise le Kosovo, la Bosnie et une partie de la Macédoine, la Bulgarie veut la totalité de la Macédoine et de la Thrace, et la Grèce zyeute en direction de l’Épire et du sud de la Macédoine. La montée du nationalisme albanais est une inquiétude supplémentaire pour ces États[17]. La Serbie et la Bulgarie se font la guerre entre 1885. Ces nationalismes balkaniques reprennent les poncifs des mythologies nationales qui définissent les individus en fonction d’une langue et d’un territoire. Le tableau suivant reflète bien le chevauchement des revendications nationalistes sur la Roumélie.
Au début du XXème siècle, l’empire ottoman est confronté à de fortes contestations politiques internes visant à une réorganisation et à des réformes importantes. À travers tout le territoire – et pas seulement en Roumélie – les Ottomans se heurtent aux aspirations nationalistes de plusieurs "peuples"[18]. Jusqu’ici, l’empire octroyait le statut de millet à des communautés linguistiques, religieuses ou culturelles. Ce statut est une reconnaissance de droits spécifiques collectifs, mais sans revendication territoriale. L’apparition des nationalismes modernes perturbent ce mode d’organisation et fractionne petit à petit le territoire impérial. L’autriche-Hongrie et l’Italie profitent de ces moments d’instabilité pour envahir la Bosnie-Herzégovine en 1908 pour l’une, la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan (actuelle Libye) et des îles du Dodécanèse en 1911 pour l’autre. Devant les piétinements dans les réformes et le despotisme du sultan, un groupe de nationalistes ottomans le renverse en 1909. Menant tout d’abord une politique ottomaniste – c’est-à-dire qui prône un empire réformé incluant toutes ses composantes religieuses et culturelles – qui s’avère finalement inefficace, les Jeunes-Ottomans se transforment en Jeunes-Turcs. Ils optent dès lors pour un nationalisme turc[19]. Conscients que seuls ils ne peuvent affronter l’empire ottoman, la Bulgarie, la Serbie, le Monténégro et la Grèce s’unissent dans la Ligue balkanique en 1912. Elle est soutenue par la Russie. La France et l’Autriche-Hongrie tentent de s’opposer à cette Ligue pour des raisons différentes. L’empire autro-hongrois ne voit pas d’un bon œil les prétentions serbes sur la Bosnie-Herzégovine et la France est engagée aux côté des ottomans car il est un rempart contre la Russie et qu’elle préfère le voir solide. En septembre, la guerre entre la Ligue et l’empire ottoman est engagée. Terrestres et navals, les combats sont meurtriers et les exactions contre la population nombreuses. La Roumélie devient le point central de cet imbroglio géopolitique. Les combattant de l’ORIM se mettent sous commandement bulgare. Cette Première guerre balkanique prend fin en mai 1913 avec le traité de Londres qui entérine de facto les frontières en suivant les lignes de front. La Roumélie est démantelée entre le projet d’un futur État albanais, le Monténégro, la Serbie, la Grèce et la Bulgarie. Cette dernière est mécontente du découpage et réclame le rattachement de tous les bulgarophones. La définition des frontières est un sujet qui mobilise la diplomatie, parfois jusqu’aux armes. Entre juin et juillet 1913, la Bulgarie est en guerre contre une alliance des gréco-serbes, aidée par la Roumanie, et des ottomans. Capitulant rapidement, la Bulgarie est contrainte d’accepter le découpage de la Roumélie qui lui est proposé. La Serbie perd son accès à la mer Adriatique au profit d’une Albanie indépendante mais double son territoire en annexant les régions autour de la vallée du Vardar. Sa frontière avec la Grèce est située à Guevgueliya. La Grèce se retire d’Épire du nord pour la donner à l’Albanie mais agrandit son territoire de 68 % en récupérant les zones de la mer Égée, le Monténégro de 62 %. La Bulgarie perd la Dobroudja et la Thrace orientale mais conserve un accès à la mer Égée et les régions autour du massif montagneux du Pirin. L’empire ottoman obtient la Thrace orientale qui fixe la frontière entre la Bulgarie et l’empire ottoman. La Bosnie-Herzégovine reste austro-hongroise[20].La Macédoine du Pirin est la partie de la Roumélie donnée à la Bulgarie, la Macédoine égéenne celle pour la Grèce, et la Macédoine du Vardar celle pour la Serbie. La Roumélie n’est plus. La Macédoine yougoslave correspond au territoire de la Macédoine du Vardar. Macédoine ?Il n’y a aucune mention d’une quelconque Macédoine. La Roumélie est un vaste territoire dans lequel les pratiques linguistiques sont diverses et variées. Les premières cartes ethnographiques ou linguistiques faîtes par des spécialistes d’Europe occidentale ne mentionnent pas de langue macédonienne mais des bulgarophones aux côtés d’une myriade d’autres pratiques linguistiques. Des remous dans les Balkans naissent des vagues de soutien dans les pays d’Europe occidentale mêlant romantisme et géopolitique. L’indépendance de la Bulgarie suscite un nationalisme de la part des bulgarophones de Roumélie. L’emploi du terme de macédonien se diffuse vers la fin du XIXème siècle et est encouragé par celles et ceux qui les soutiennent. Deux logiques s’affrontent. Celle qui veut unir les bulgarophones pour affaiblir les ottomans et, de fait, renforcer le pouvoir russe. Ou celle qui préfère que ces bulgarophones s’en détachent et forment une entité séparée, plus proche de la Serbie. En référence aux antiques royaumes macédoniens qui ont régné dans la région, la Macédoine et les macédoniens apparaissent alors sur les cartes pour légitimer ces revendications. On parle alors parfois de slavo-macédoniens, par ne pas passer pour un abruti et laisser penser que l’on croit qu’ils descendent véritablement d’Alexandre le Grand ! L’utilisation géographique et historique du terme de macédoine se transforme en une dénomination pour les bulgarophones de la Macédoine du Vardar. L’inexistence d’une langue macédonienne ou d’un peuple n’est pas un argument en faveur du nationalisme bulgare car il démontre tout autant l’ineptie qu’est ce nationalisme. La bulgarité est aussi une construction littéraire, ethnographique, politique et culturelle qui n’existe pas plus que la macédoinité :
Nouvelles recette ?À son retrait de la Roumélie, l’empire ottoman lègue un vaste territoire sur lequel cohabitent plusieurs communautés qui seront prétextes à justifier les politiques de démembrement de la province et les volontés d’annexion des États balkaniques naissants au nom de nationalismes ethnico-linguistiques. Tous mèneront, d’une manière ou d’une autre, des politiques discriminatoires pour leurs "minorités nationales", des échanges de populations ou des assimilations contraintes[22].
Rime à rienDans la courte notice biographique[23] de F. Merdjanov il est dit :
L’emploi du qualificatif de macédonien n’est pas un anachronisme, mais l’histoire de la Roumélie interroge sur la pertinence de cet usage. L’ambiguïté inhérente à l’histoire de ce terme nécessite peut-être que roumélien lui soit préféré.
Cela n’aurait pas plus de sens de savoir si les antécédents géographiques familiaux de F. Merdjanov sont à chercher dans une Macédoine où les habitants sont désignés égéens, piriniens ou vardariens. Cette famille dite macédonienne est plus sûrement une macédoine de gênes qui fait d’elle une belle bande de bâtards[24]. Notes
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