Les Bateliers : Différence entre versions
m (→Contexte) |
|||
Ligne 10 : | Ligne 10 : | ||
=== Organisation révolutionnaire macédonienne (ORM) === | === Organisation révolutionnaire macédonienne (ORM) === | ||
− | + | [[Fichier:Statute-Bulgarian-Macedonian-Adrianopolitan-Revolutionary-Committees.jpg|200px|thumb|left|1<sup>er</sup> statut officiel des comités de l'ORM (1896-1902)]] | |
L’Organisation révolutionnaire macédonienne (ORM) est créée à Salonique en novembre 1893 par des partisans de l’indépendance de la Roumélie qui lancent des attaques contre des intérêts ottomans. Soutenus par la Bulgarie, en quelques années ils installent une véritable guérilla dans des parties de la Roumélie et parviennent à administrer de petites zones "libérées" grâce aux tcheta, les milices armées. Le journal ''Insurrection'' est lancé en 1894. Le premier atelier de bombes est installé en Bulgarie en 1896, suivi l'année d'après de deux nouveaux ateliers, qui parviennent à tous les trois à fabriquer plus de 1000 bombes. L'ORM se finance par le biais des cotisations de ses nombreux adhérents et sympathisants mais aussi - et surtout, car les populations sont pauvres - par des braquages ou des extorsions de fonds auprès de dignitaires ou de représentants ottomans. Politiquement, l’ORM n’est pas un bloc homogène. En son sein cohabitent celleux qui veulent le rattachement à la Bulgarie, l’indépendance ou s’intégrer dans un projet de fédéralisme balkanique : nationalistes bulgares ou macédoniens, socialistes ou anarchistes. | L’Organisation révolutionnaire macédonienne (ORM) est créée à Salonique en novembre 1893 par des partisans de l’indépendance de la Roumélie qui lancent des attaques contre des intérêts ottomans. Soutenus par la Bulgarie, en quelques années ils installent une véritable guérilla dans des parties de la Roumélie et parviennent à administrer de petites zones "libérées" grâce aux tcheta, les milices armées. Le journal ''Insurrection'' est lancé en 1894. Le premier atelier de bombes est installé en Bulgarie en 1896, suivi l'année d'après de deux nouveaux ateliers, qui parviennent à tous les trois à fabriquer plus de 1000 bombes. L'ORM se finance par le biais des cotisations de ses nombreux adhérents et sympathisants mais aussi - et surtout, car les populations sont pauvres - par des braquages ou des extorsions de fonds auprès de dignitaires ou de représentants ottomans. Politiquement, l’ORM n’est pas un bloc homogène. En son sein cohabitent celleux qui veulent le rattachement à la Bulgarie, l’indépendance ou s’intégrer dans un projet de fédéralisme balkanique : nationalistes bulgares ou macédoniens, socialistes ou anarchistes. | ||
Version du 13 octobre 2018 à 22:36
Bateliers (Гемиџии, transcrit Gemidžii, en macédonien) Groupe anarchiste actif en Macédoine, alors Roumélie ottomane, entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle après JC[1]. [En cours de rédaction]
SommaireContexteOrganisation révolutionnaire macédonienne (ORM)L’Organisation révolutionnaire macédonienne (ORM) est créée à Salonique en novembre 1893 par des partisans de l’indépendance de la Roumélie qui lancent des attaques contre des intérêts ottomans. Soutenus par la Bulgarie, en quelques années ils installent une véritable guérilla dans des parties de la Roumélie et parviennent à administrer de petites zones "libérées" grâce aux tcheta, les milices armées. Le journal Insurrection est lancé en 1894. Le premier atelier de bombes est installé en Bulgarie en 1896, suivi l'année d'après de deux nouveaux ateliers, qui parviennent à tous les trois à fabriquer plus de 1000 bombes. L'ORM se finance par le biais des cotisations de ses nombreux adhérents et sympathisants mais aussi - et surtout, car les populations sont pauvres - par des braquages ou des extorsions de fonds auprès de dignitaires ou de représentants ottomans. Politiquement, l’ORM n’est pas un bloc homogène. En son sein cohabitent celleux qui veulent le rattachement à la Bulgarie, l’indépendance ou s’intégrer dans un projet de fédéralisme balkanique : nationalistes bulgares ou macédoniens, socialistes ou anarchistes. Anarchistes bulgaro-macédoniensL'influence des révolutionnaires russes sur ceux de Bulgarie s'expliquent par les échanges entre les deux pays et par la présence de quelques révolutionnaires étrangers en Bulgarie et en Roumélie. Le poète bulgare Hristo Botev[2] est un proche de Serge Netchaïev, l'amant russe d'Albertine Hottin, qu'il aide à obtenir des faux-papiers et, plus généralement, les allers-retours sont fréquents pour les étudiants et les activistes de tous poils. L'histoire et les méthodes des révolutionnaires russes est alors au centre des attentions. Imprégnés des écrits de Bakounine, plusieurs bulgares parcourent le territoire pour animer des discussions ou y créer de petits groupes locaux. Entre 1880 et 1890, plusieurs petits groupes anarchistes voient le jour, sans contact entre eux. Ils prônent l'auto-éducation par des lectures communes et des discussions, et quelques uns s'organisent dans des lycées en coopératives de consommation qu'ils nomment des "communes". La première imprimerie est montée en 1896 à Roussé. A l'automne 1895, Piotr Mandjoukov, Michaël Guerdjikov et Stefan Mikhov fondent avec une dizaine de personnes - trois sont macédoniens et le reste bulgares - le Comité Central Révolutionnaire Macédonien et sont expulsés de leur lycée de Plovdiv pour propagande anarchiste. Ils s'installent tout trois à Kazanlik pour continuer leurs études. De nouveau, un groupe anarchiste d'une vingtaine de membres voit le jour et, de nouveau, Mandjoukov, Guerdjikov et Mikhov sont virés du lycée en 1897. Finalement, Guerdjikov, puis Mandjoukov, partent pour Genève en Suisse. Ils y rencontrent un petit groupe d'anarchistes bulgaro-macédoniens composé de Svetoslav Merdjanov, Kina Guenova, Olga Balinova, Todora Zlateva et Jordan Kaltchev. Illes décident ensemble de lancer le "Groupe de Genève" qui bientôt se transforme en Comité Révolutionnaire Clandestin Macédonien (CRCM - Македонскиот таен револуционерен комитет - МТРК), présenté comme succursale de celui de Plovdiv. Dans son appel, rédigé en 1897 et largement diffusés en Bulgarie et en Roumélie, le Comité n’est pas favorable à une politique des nationalités et refuse de s’associer aux projets nationalistes. Il préconise une fédération entre la Macédoine et la Thrace (la Roumélie), embryon d’une plus large fédération balkanique dans laquelle toutes les populations pourraient vivre ensemble, sans distinction de nationalités. Il publie en 1898 les journaux отмъщение (Otmashtenie, "Vengeance" en français) et гласЪ (Glas, "Voix" en français). Nous ne savons ni le nombre d'exemplaires ni s'il y eut plusieurs numéros. Le nom des groupes genevois sont fluctuants et il est difficile d'en saisir la réalité, par exemple si le Comité des Révolutionnaires-Terroristes Macédoniens désigne, ou non, le Comité Révolutionnaire Clandestin Macédonien (CRCM). Le but affiché du groupe d'anarchistes de Genève est se battre en Roumélie pour qu'elle devienne Macédoine et Thrace libérées. Des tracts et des journaux sont envoyés à Plovdiv. Mandjoukov traduit en bulgare Les crimes de Dieu[3] de Sébastien Faure et le Discours d'Émile Henri[4]Mandjoukov et Merdjanov passent les frontières et arrivent à Plovdiv en octobre 1898. Avec deux autres anarchistes - Kaltchev et Dimitri Kochtanov - ils y rencontrent Gotze Deltchev. Ils se mettent d'accord pour des activités communes. Merdjanov et Kochtanov partent pour Salonique, Mandjoukov et Kaltchev pour Skopje, pour y former de nouveaux groupes. Mandjoukov fait paraître pour l'occasion une sorte d'abécédaire de l'anarchisme et Merdjanov regroupe quelques anarchistes dont la plupart seront membres des Bateliers. Après quatre mois Merdjanov se fait expulsé hors de l'empire ottoman, quant à Mandjoukov, dénoncé, il est arrêté à la frontière bulgaro-ottomane, jugé puis condamné à la peine de perpétuité. Acquitté et libéré en appel, il quitte Skopje et rejoint Sofia par des chemins détournés. Il y retrouve Merdjano, Deltchev et Piotr Sokolov. Tous les quatre décident d'intégrer une petite unité de guérilla menée par Deltchev. Le groupe entre en Roumélie en juillet 1899 pour y mener des actions de guérilla contre les forces ottomanes. Au bout de quatre mois, Mandjoukov et Merdjanov retournent en Bulgarie, très critiques sur le choix tactique de la guérilla. Sokolov rentre en janvier 1900. Les BateliersSvetoslav Merdjanov et Piotr Mandjoukov veulent s'en tenir à ce que le Groupe de Genève préconise : faire des actions terroristes ciblées contre les représentants et les soutiens du pouvoir ottoman. Leur but est tout autant d'affaiblir les ottomans, par la terreur, la destruction et la pression des investisseurs étrangers, que d'alerter le monde sur la situation en Roumélie et la lutte pour l'indépendance.
Pour ce faire, ils ont pour compagnons ceux du petit groupe d'anarchistes monté par Merdjanov à Salonique. Généralement, ce groupe est désigné par le terme de Bateliers (Гемиџии, transcrit Gemidžii, en macédonien) sans que l'on en sache exactement la raison[6]. Le premier nom retenu, Gürültücü, était sans doute moins obscur. Pioché dans la langue turque osmanli[7], ce mot signifie "fauteur de trouble" ou "bruyant".
Banque ottomane d'IstanbulFin 1899, Merdjanov et Mandjoukov se rendent sous de fausses identités à Istanbul, chacun empruntant un itinéraire différent. Leur but est d'y mener une action violente, mais ils ne disposent que de peu de moyens. Les premiers fonds sont obtenus auprès de l'exarque Joseph I[9] à qui Merdjanov extorque un peu d'argent. En couverture, Merdjanov se prétend étudiant en droit, dont la santé fragile nécessite d'être à Istanbul, et Mandjoukov dit vouloir s'inscrire au lycée français de la ville. Ce dernier justifie de revenus en se faisant embaucher comme typographe dans l'unique imprimerie bulgare stanbouliote, tenue par Stoyanov Kaltchev et son fils Nantcho, tout deux sympathisants de la "cause macédonienne". Comme tous les ans, afin d'assister à une cérémonie devant le supposé manteau de Mahomet[10], le sultan ottoman se déplace dans Istanbul à bord d'une calèche entre son palais et le lieu de la cérémonie. C'est cette occasion, le 14 janvier 1900, que Merdjanov et Mandjoukov choisissent pour intenter à la vie du sultan. Mais la foule et la rapidité à laquelle passe le cortège sultanesque ne permettent pas aux deux anarchistes de lancer leur bombe ou d'ouvrir le feu sans prendre le risque de faire des blessés innocents. Finalement, ils renoncent à cette action. Ayant eu vent de la présence de ce groupe d'anarchiste, l'ORM, qui désavoue les attentats comme mode d'action, envoie à Istanbul un de ses membres pour exécuter Merdjanov et Mandjoukov. Parvenus à déjouer cette tentative, sans tuer leur exécuteur, les anarchistes chargent Jordan Popjordanov l'un des leurs à Salonique de faire savoir directement à la direction de l'ORM que :
Sans connaître la nature exacte de leurs projets, ni leurs identités réelles, les autorités ottomanes lancent une récompense de 10 000 lires pour la capture de S. Merdjanov et P. Mandjoukov. Piotr Sokolov les rejoint à la fin du mois de janvier 1900. Il arrive sous sa vraie identité et fait valoir sa profession de peintre. Décidés à organiser un nouvel attentat, le trio anarchiste jette son dévolu sur la banque ottomane d'Istanbul[11] qu'ils veulent détruire à l'explosif, celle-là même que des arméniens avaient occupé en 1895[12]. Pour eux, la cible est doublement intéressante car, outre les bureaux de la banque, le bâtiment abrite la régie des tabacs dont les principaux capitaux sont français. Début mars 1900, une maison de trois étages est louée en face de la banque au nom de l'imprimeur, des stocks de papier et des caisses vides y sont entreposés. Dans cette maison, un puisard de 80 cm de large et 3,5 mètres de profondeur est la base de départ de leur projet de percement d'un tunnel de 14,5 mètres sous la rue pour rejoindre un coin du bâtiment bancaire et y déposer des charges explosives. Deux personnes - Zvetko Naoumov et Hadjiata - sont affectées à la surveillance de la maison pendant que deux équipes se relaient pour percer. Konstantin Kirkov et Mandjoukov forment une équipe, Sokolov et Merdjanov une autre. Le 10 mars Mandjoukov entame, seul, les trois premiers jours de travaux, armé d'un marteau, de burins, de bougies, d'allumettes et d'une boussole :
Pendant une semaine, 10 heures par jour, les deux membres d'une équipe se chargent alternativement, par tranche d'une heure, du creusement et de l'évacuation des gravats pour l'un et de l'activation manuelle d'un grand soufflet de forgeron servant d'aération pour l'autre - afin d'éviter l'asphyxie qu'a connu Mandjoukov. Ils restent, sans sortir, une semaine entière à travailler, puis ils sont relayés par l'autre équipe. Une fois par semaine, le mercredi, le responsable du détachement militaire protégeant la banque fait une tournée d'inspection des lieux et maisons à proximité du bâtiment. Il inspecte quelques caisses de la maison louée et n'y trouve à chaque fois que des livres de langue russe ou des manuels législatifs. La nouvelle équipe profite de la relève militaire et de l'inspection hebdomadaire pour venir remplacer leurs compagnons. Kirkov quitte Istanbul fin mai et Pavel Chatev le remplace début juin. Arrive aussi Popjordanov en ce début d'été 1900, venu aider mais aussi voir le procédé afin de peut-être faire la même chose à Salonique[14]. Épuisants, les travaux continuent, mais ne peuvent se faire qu'en journée car les coups de marteau risquent d'être entendus la nuit. Finalement, le percement est terminé le 7 août, presque 5 mois après le début des travaux. Les 100 kg d'explosif doivent arriver de Batum - dans l'actuelle Géorgie - par l'entremise d'un arménien, Kosakov, mais la marchandise se fait saisir par le hasard d'un contrôle douanier. Kosakov est arrêté mais ne livre aucune information. En tant qu'étranger à l'empire ottoman, il est finalement expulsé. Et plus d'explosifs. Dénoncés à la police ottomane par - selon Mandjoukov - l'exarque Joseph I qui n'a pas digéré d'avoir été extorqué, Merdjanov, Chatev, Sokolov et Mandjoukov sont arrêtés l'un après l'autre vers la mi-septembre 1900. Ils sont interrogés et emprisonnés pendant deux mois. La police n'identifie même pas Merdjanov et Mandjoukov pour qui elle a pourtant promis une récompense en cas de capture et les motifs de leurs arrestations n'ont pas de liens avec le percement du tunnel. L'ORM profite de cette arrestation pour envoyer à Istanbul l'un des siens afin de faire un rapport sur ce projet de tunnel. Finalement, devant l'absence de charge, le sultan ordonne l'expulsion de trois d'entre eux vers la Bulgarie, seul Chatev - originaire de Kratovo en Roumélie ottomane - est assigné à résidence dans sa ville natale. Dès leur retour en Bulgarie fin novembre 1900, Merdjanov, Sokolov et Mandjoukov tentent de se fournir en explosif pour terminer leur opération et participent à des activités plus classiquement militantes[15]. Alors que Mandjoukov se fait embaucher en tant qu'acteur dans un théâtre ambulant, les deux premiers se joignent en juillet 1901 à une attaque armée contre un train afin de le dévaliser dans la région d'Andrinople. Mais l'opération est un échec et la petite équipe doit se replier. Dans leur fuite, ils kidnappent le fils d'un dignitaire ottoman mais au moment de la remise de la rançon ils sont pris sous le feu des militaires de l'empire. Victime collatérale dans le langage polémologique, le "fils à papa" est tué lors des échanges de tirs. Sokolov est lui aussi tué[16]. Merdjanov[17], gravement blessé, Hristo Iliev et deux arméniens Onik Torocian et Simerdjian sont arrêtés. Mandjoukov et Popjordanov essayent d'organiser une attaque de la prison pour libérer leurs compagnons mais l'opération est abandonnée faute de moyens. Après quatre mois d'interrogatoires et de tortures, les quatre survivants sont condamnés à être pendu en place publique. La sentence est exécutée à Andrinople le 27 novembre 1901. Merdjanov tente une ultime déclaration mais, empêché, il place lui-même la corde autour de son cou et appelle une dernière fois à la révolution avant de mourir. Lors de perquisitions et d'arrestations à Salonique dans les rangs de l'ORM, la police ottomane tombe sur le rapport fait par l'envoyé de l'organisation sur le tunnel de la banque d'Istanbul. Stoyanov Kaltchev et son fils Nantcho sont arrêtés et condamnés à un siècle de prison. Le premier meurt rapidement et le second après sa libération en 1908. SaloniquePour survivre, Jordan Popjordanov et Piotr Mandjoukov se font embaucher dans les mines de fer, proches de la ville bulgare de Bourgas sur la mer Noire, puis enchaînent les petits boulots. En février 1902[18], Popjordanov part pour Genève, en Suisse, où un membre de l'ORM lui remet une grosse somme d'argent. Comme cela fut tenté à Istanbul, une équipe se charge du percement d'un tunnel pour dynamiter la banque ottomane de Salonique. Un local est loué par Vladimir Pingov et Ilia Tratchkov dans la même rue que la banque et transformé en salon de coiffure. Pavel Chatev et Dimitri Kochtanov entament les travaux de percement et le reste de l'équipe se charge de l'évacuation, dans des caisses, de terre qui est jetée à la mer. Mais le manque de moyens financiers contraint à suspendre le projet. L'accès au tunnel est bouché. L'argent remis à Genève à Popjordanov relance les travaux en mai 1902. Un nouveau local est loué au nom de Marko Bochnakov, transformé cette fois-ci en épicerie. Ce tunnel doit rejoindre l'ancien creusé à 3,5 mètres de profondeur. Après divers problèmes, les travaux s'achèvent en février 1903 et les explosifs sont installés à la mi-mars sous la banque. Une tonne d'explosif est achetée, et, via le port de Marseille, arrive à Alexandroupoli - alors en Thrace ottomane - en novembre 1902. Mais la marchandise est finalement récupérée par l'ORM. Un second envoi de 120 kg d'explosif passe par l'Autriche et la Serbie pour parvenir à Plovdiv où Mandjoukov les stocke. Étiquetés "Batum 1889" qui indique sa provenance et son ancienneté, les 120 kg d'explosif doivent être manipulés avec précaution. Mandjoukov se charge de la logistique. Divisés en deux, les explosifs sont acheminés à Salonique, une partie l'est via Sofia, cachée dans des sacs de riz et des bidons d'huile, et l'autre transite par Istanbul avant d'arriver à Salonique. Au total, ce sont 300 kg d'explosif dont disposent le groupe d'anarchistes. Le 27 avril, tous les participants aux actions armées à venir se réunissent pour en fignoler l'organisation et se répartir les taches. La plupart font librement le choix de ne pas survivre aux actions, seuls Chatev, Bochnakov et Milan Arsov décident de tenter de s'échapper s'ils le peuvent. L'arrivée le 28 avril dans le port de Salonique du navire français Le Guadalquivir de la compagnie des Messagerie maritimes est le signal convenu pour le début des opérations. Sous un nom d'emprunt, Chatev se rend à bord du bateau et y dépose une dizaine de kg d'explosif dans la salle des machines. L'explosion - qui n'a fait aucun blessé - provoque un incendie qui contraint à l'évacuation de tous les passagers. Chatev profite de ce départ par chaloupe pour s'éclipser et prendre un train direction Skopje. L'incendie illumine la rade de Salonique pendant des heures. Dans la nuit, Dimitri Metchev, Ilia Tratchkov et Milan Arsov font exploser une bombe sur la voie de chemin de fer Salonique-Istanbul causant seulement quelques dégâts sur des wagons et la locomotive.Dans la soirée du 29, Konstantin Kirkov fait exploser les conduites du gaz d’éclairage, plongeant Salonique dans l'obscurité, et pose une bombe devant le Grand Hôtel de la ville. Popjordanov active le dispositif sous la banque et la fait exploser. Le bâtiment est détruit. Arsov jette une bombe dans le jardin du théâtre de verdure l'Alhambra, et Georges Bogdanov dans un café. Après une tentative d’incendie échouée, Pingov[19] se fait tuer par un policier ottoman. Metchev[20] et Tratchkov[21] essayent sans succès de faire exploser le réservoir de gaz d’éclairage et l’usine attenante. S'engage alors une fusillade entre eux deux et une patrouille, lors de laquelle, à cours de munitions, ils trouvent la mort. Après avoir lancé quelques bombes devant l’hôtel d’Égypte et le théâtre Éden, Popjordanov et Kirkov s'éclipsent. Dans la matinée du 30, Kirkov[22] tente de s'introduire dans la poste centrale en se faisant passer pour un citoyen français ayant besoin d'envoyer un télégramme, mais il est intercepté devant et tué par le militaire en faction sans avoir pu activer sa bombe. Retranché chez lui, Popjordanov[23] affronte pendant plusieurs heures un groupe de militaires sur lesquels il tire et jette des bombes. A cours de munition, il est abattu. Tzvetko Naoumov[24] tente d'assassiner le préfet Hassan Fethi Pacha mais il en est empêché par des militaires. Il fait exploser sa bombe et meurt le 1er mai 1903. Exils et déportationsLa répression fait 35 morts selon les ottomans, entre 200 et 300 selon d’autres chiffres. Sur les environ 2000 personnes arrêtées, 353 sont jugées et 33 d’entre elles sont condamnées. Pavel Chatev, Marko Bochnakov[25], Georges Bogdanov et Milan Arsov[26] le sont à la peine capitale et les autres à des peines de 5 à 101 années de prison. Finalement, les peines de mort sont commuées en perpétuité. Après trois ans d’emprisonnement, les quatre perpet’ sont transférés à Mourzouk dans le désert du Fezzan libyen. En 1908, lors de l’amnistie des Jeunes-Turcs, seuls Chatev et Bogdanov sont encore vivants[8]. ÉpiloguePostéritéNotes
|