Enclave de Cabinda : Différence entre versions
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− | Éclatés entre les trois Congo — belge, français et portugais — et le nord de la colonie d'Angola, des militants bakongo réclament dans un premier temps l'unification de l'ancien royaume de Kongo et de ses vassaux dans un unique territoire<ref>Mouvements bakongo</ref> et la restauration de l'autorité de la dynastie royale. Malgré la création de diverses associations soutenant ce projet politique, l'idée d'un "nationalisme" et d'un "royalisme" bakongo ne résiste pas à l'éclatement, de fait, du territoire entre les puissances coloniales. Chaque colonie va mener la lutte contre "son" colonisateur. La première association culturelle cabindaise est créée en 1948 à Kinshasa (renommée Léopoldville entre 1880 et 1960) sous le nom de ''Communauté Cabindaise'' (COMCABI) et au Congo français sous celui de ''Associação dos Originários do Enclave de Cabinda'' (Association des Originaires de l'Enclave de Cabinda - AOECA). Après le rattachement de l'enclave à la colonie d'Angola en 1951, des membres de la COMCABI fondent la ''Jeunesse Côtière Cabindaise'' (JCC) qui se fixe pour objectif le regroupement des hominines originaires du Cabinda vivant à Kinshasa. Le discours politique dénonce clairement la présence portugaise. En 1959, la JCC devient l’''Association des ressortissants de l’enclave de Cabinda'' (AREC) qui, dans un manifeste, réclame la révocation des traités de 1884 et 1885, ainsi que l'indépendance immédiate de l'enclave. En août 1960, l'AREC est renommée ''Mouvement pour la Libération de l'Enclave de Cabinda'' (MLEC) et distribue en décembre ses premiers tracts dénonçant les abus des colons. Presque tous les dirigeants du MLEC sont des descendants de notables du royaume de Ngoyo de la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle qui géraient l'économie et finançaient les fastes de la cour royale<ref>Phyllis M. Martin, "Family Strategies in Nineteenth-Century Cabinda", ''The Journal of African History'', vol. 28, n°1, 1987 - [En ligne]</ref>. Aucun n'appartient à la noblesse. Représentant le MLEC, Luís Ranque Franque fait le tour des institutions internationales pour plaider la cause cabindaise. | + | Éclatés entre les trois Congo — belge, français et portugais — et le nord de la colonie d'Angola, des militants bakongo réclament dans un premier temps l'unification de l'ancien royaume de Kongo et de ses vassaux dans un unique territoire<ref>Mouvements bakongo</ref> et la restauration de l'autorité de la dynastie royale. Malgré la création de diverses associations soutenant ce projet politique, l'idée d'un "nationalisme" et d'un "royalisme" bakongo ne résiste pas à l'éclatement, de fait, du territoire entre les puissances coloniales. Chaque colonie va mener la lutte contre "son" colonisateur. La première association culturelle cabindaise est créée en 1948 à Kinshasa (renommée Léopoldville entre 1880 et 1960) sous le nom de ''Communauté Cabindaise'' (COMCABI) et au Congo français sous celui de ''Associação dos Originários do Enclave de Cabinda'' (Association des Originaires de l'Enclave de Cabinda - AOECA). Après le rattachement de l'enclave à la colonie d'Angola en 1951, des membres de la COMCABI fondent la ''Jeunesse Côtière Cabindaise'' (JCC) qui se fixe pour objectif le regroupement des hominines originaires du Cabinda vivant à Kinshasa. Le discours politique dénonce clairement la présence portugaise. En 1959, la JCC devient l’''Association des ressortissants de l’enclave de Cabinda'' (AREC) qui, dans un manifeste, réclame la révocation des traités de 1884 et 1885, ainsi que l'indépendance immédiate de l'enclave. En août 1960, l'AREC est renommée ''Mouvement pour la Libération de l'Enclave de Cabinda'' (MLEC) et distribue en décembre ses premiers tracts dénonçant les abus des colons. Presque tous les dirigeants du MLEC sont des descendants de notables du royaume de Ngoyo de la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle qui géraient l'économie et finançaient les fastes de la cour royale<ref>Phyllis M. Martin, "Family Strategies in Nineteenth-Century Cabinda", ''The Journal of African History'', vol. 28, n°1, 1987 - [En ligne]</ref>. Aucun n'appartient à la noblesse. Représentant le MLEC, Luís Ranque Franque fait le tour des institutions internationales pour plaider la cause cabindaise. Il parle devant les Nations-Unies et l'Organisation de l'Unité Africaine qui, toutes deux, placent l'enclave de Cabinda — en parallèle de l'Angola — parmi la liste des territoires à décoloniser<ref>En 1963, l'OUA considère le Cabinda comme le 39<sup><small>ème</small></sup> État à décoloniser et l'Angola comme le 35<sup><small>ème</small></sup></ref>. |
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Version du 20 juin 2021 à 16:22
Enclave de Cabinda. Aberration coloniale et post-coloniale ouest-africaine.
SommaireTriangulation protivophileÀ environ 5500 kilomètres de Nice et 5200 de la Macédoine — soit des distances protivophiles de 4180 et 3950 acab[1] — l'enclave de Cabinda est un petit territoire de quelques 7200 km² — soit presque deux fois plus que le département des Alpes-Maritimes et quatre fois moins que la Macédoine — situé sur la côte atlantique ouest-africaine. Ce territoire est ainsi nommé en référence à la ville côtière de Cabinda, dans le sud. Il est parfois aussi dénommé enclave du Cabinda. Administrativement rattaché à l'Angola dont il est officiellement une des 18 régions, il en est séparé par une portion de territoire du Congo-Kinshasa d'une soixantaine de kilomètres dans sa partie la plus large et d'une vingtaine sur la côte atlantique. Du point de vue angolais, le Cabinda est une exclave[2]. Géographiquement, le Cabinda est enclavé entre le Congo-Brazzaville au nord et le Congo-Kinshasa au sud. Sa frontière nord-est avec ce dernier est délimitée par le cours du fleuve Chiloango. Prenant sa source au Congo-Kinshasa et s'écoulant sur près de 160 kilomètres à travers la forêt tropicale qui couvre la chaîne montagneuse du Mayombe, le Chiloango se jette dans l'océan atlantique, au nord de la ville de Cacongo. Il est le plus grand cours d'eau de l'enclave de Cabinda et, avec ses deux affluents venus du Congo-Kinshasa le Lubuzi et le Lukula, il est le plus important d'entre eux. Les trois autres affluents du Chiloango sont les rivières cabindaises de Lombe, Lufo et Luali dans le nord-est de l'enclave. Dans le sud du territoire, les deux petits fleuves côtiers Lucola et Lulando se jettent dans la baie autour de la ville de Cabinda. Dans le nord-ouest le fleuve Lubinda se déverse dans la vaste lagune de Massabi, près de la frontière avec le Congo-Brazzaville, avant de rejoindre les eaux de l'Atlantique. La plus grande partie de la géographie de l'est et du nord cabindais est constituée d'une portion de la chaîne de montagne de basse altitude [3], le Mayombe, qui s'étale du sud au nord, de l'embouchure du fleuve Zaïre[4] au Congo-Kinshasa jusqu'au fleuve Kouilou-Niari au Congo-Brazzaville. Zone forestière aux nombreuses essences d'arbres, le Mayombe est aussi le lieu où prennent source la plupart des fleuves et rivières de l'enclave de Cabinda. La partie ouest de l'enclave, jusqu'à l'océan, est faîte de petites falaises qui sont les parties les plus érodées et les plus basses du Mayombe, et de zones de marécages dans les régions les plus proches de la côte atlantique. Le climat dans l'enclave de Cabinda est qualifié de tropical de savane, ce qui signifie que la température se situe entre 20 et 30° tout au long de l'année avec une alternance entre une saison sèche de mai à octobre et une humide de novembre à avril. Le taux d'humidité de l'air est autour de 85%. Les plus grandes villes actuelles sont, par ordre décroissant, Cabinda, Buco-Zau, Cacongo (ex-Lândana) et Belize avec, respectivement, 700000 hominines[5], 40000, 20000 et 18000. La population totale de l'enclave de Cabinda est estimée à environ 800000 hominines — un peu moins que celle de l'agglomération de Nice et ses alentours, mais près de 20% de plus que la population de Skopje en Macédoine. Sans arrière-pensée spéciste[6] aucune, il n'est pas possible de fournir ici une estimation des populations des différentes autres espèces vivantes de l'enclave. Dyrosauriens & CoLes plus anciens restes d'une espèce animale au Cabinda sont retrouvés en 1913 après JCⒸ[7] près de Cacongo par le naturaliste Joseph Bequaert. Examinés et décrits l'année suivante par le paléontologue Louis Dollon, les fragments de squelettes sont authentifiés comme étant ceux d'un Congosaurus bequaerti, une sorte de dyrosaurien[8]. Cette espèce, vivant il y a 60 millions d'années et aujourd'hui éteinte, est de la famille des crocodyliformes, alors nombreuse, et dont les seuls représentants sont de nos jours les crocodiles. Dans le classement du vivant, les dyrosauriens appartiennent aux bilatériens vertébrés dont les lointains ancêtres sont — comme les poulets ou les tarsiidae, et contrairement aux poulpes[9] — apparentés aux hominines. Comme plus de 700000 autres espèces animales vertébrées peuplant la planète. La présence des hominines dans le centre-ouest africain atlantique est fort ancienne. Dans la région côtière au sud du Congo-Brazzaville, au nord de l'enclave, elle est attestée dès le Vème siècle avant JCⒸ par des vestiges d'une industrie métallurgique. L'histoire des hominines de la région n'est pas documentée jusqu'au début du XVème siècle. Nommées "Expansion bantoue"[11] par les historiens de l'Afrique, des vagues d'hominines se répandent pour des raisons encore non déterminées[12] pendant environ un millénaire vers l'est et le sud du continent. Progressivement, les langues et les cultures bantoues se diversifient. Des groupes d'hominines venant de l'intérieur de l'Afrique centrale s'installent progressivement dans les régions côtières. Quelques royaumes voient le jour. Probablement dans le courant du XIVème siècle, le royaume de Kongo se structure autour du fleuve Zaïre et devient la puissance politique et économique régionale. Sans qu'il soit possible d'en déterminer la véracité, les traditions orales rapportent que plusieurs clans originaires de Cacongo et des membres d'une confrérie de forgerons[13] venus du royaume de Kongo fondent au XVème siècle le royaume de Loango le long de la côte atlantique entre le village de Mayumba, au sud de l'actuel Gabon, et la rive nord de l'embouchure du Zaïre[14]. Dans un premier temps vassal du royaume de Kongo, il prend peu à peu son autonomie. Le territoire de l'actuelle enclave de Cabinda est alors totalement inclus dans le royaume de Loango. Dirigé par une dynastie héréditaire, celui-ci doit faire face à des contestations internes qui aboutissent à sa fragmentation progressive. Dans sa partie méridionale sécessionniste émergent le royaume de Cacongo puis celui de Ngoyo dans le début du XVIème siècle[15]. Le royaume de Cacongo inclut la partie nord de l'actuelle enclave de Cabinda, et plus largement l'arrière-pays du Mayombe. Le royaume de Ngoyo comprend la partie du sud de l'enclave, ville de Cabinda comprise, et s'étend jusqu'à la rive nord du Zaïre aujourd'hui au Congo-Kinshasa. Les hominines qui vivent dans ces royaumes parlent des formes parentes du kikongo, une langue bantoue autrefois unique, et leurs sociétés se différencient les unes des autres selon des critères linguistiques et culturels qui les singularisent. S'illes sont tous d'origine bakongo, illes sont progressivement devenus bawoyo, bayombe, basundi ou bavili — pour ne citer que celleux de l'enclave de Cabinda. Au sein de chacun de ces groupes linguistico-culturels, organisés en clans, vont émerger certains clans qui formeront les dynasties et l'aristocratie des différents royaumes. Et les autres, le reste de la population. Ainsi, le royaume de Loango est dirigé par des clans bavili, celui de Cacongo par des clans bayombe et celui de Ngoyo par des bawoyo. Pour autant ces royaumes ne sont pas des constructions politiques et administratives reposant exclusivement sur des critères culturels ou linguistiques, ils sont des entités "multi-ethniques" dont le but n'est pas la domination culturelle mais la gestion politique et le contrôle des ressources. Kongos & CompagniesAprès plusieurs siècles d'affrontements entre les christiens[16] et les mahométiens pour le contrôle de la péninsule ibérique, dans le sud-ouest européen, les forces armées de dynasties royales christiennes parviennent progressivement à renverser le pouvoir mahométien ibérien en place depuis des siècles[17]. Les populations mahométiennes et moïsiennes sont contraintes de "choisir" entre la conversion aux mythologies christiennes ou l'expulsion vers la rive sud de la mer Méditerranée[18]. Les royaumes christiens se divisent la péninsule dans le courant du XVème siècle. Soucieux de consolider ses positions stratégiques et d'exploiter de nouvelles routes commerciales, le royaume du Portugal se lance dans l'exploration des côtes atlantiques africaines. Après avoir, dans un premier temps, navigué au large des côtes atlantiques du Maghreb, les navigateurs portugais parviennent en 1434 à dépasser les côtes de l'actuel Maroc. La géographie africaine est alors une totale inconnue pour ces hominines[19]. Ils suivent la côte, toujours plus vers le sud. Plusieurs expéditions se succèdent. En 1460, ils "découvrent" la côte de Malaguette et arrivent en 1483 à l'embouchure du Zaïre. Le renversement de l'empire christien de Constantinople par les ottomans mahométiens en 1453 complique l'accès aux marchandises venues d'Asie pour les différents royaumes en Europe. La nécessité est de trouver des routes de contournement pour s'approvisionner en matières premières et d'entrer en contact avec le mystérieux royaume christien est-africain du Prêtre Jean[20] afin de prendre les mahométiens en tenaille. L'Afrique est contournée en 1488 et une expédition arrive sur le sous-continent indien en 1498. Entre-temps, des navigateurs venus d'Europe arrivent jusqu'au continent américain[21]. Le royaume jano-prêtrien reste introuvable et celui du Portugal devient un empire. Tout le long de cette route commerciale, le royaume du Portugal installe des comptoirs et passent des accords commerciaux avec les différentes autorités locales. Ces expéditions sont financées par des commerçants européens qui se remboursent, et s'enrichissent, grâce aux marchandises précieuses importées, telle l'ivoire, l'or et le sucre. Ainsi que par l'importation de produits alimentaires, de matières premières et des esclaves. Ces hominines, mâles et femelles, mis en esclavage, sont destinés au continent américain sur lequel les royaumes du Portugal et de Castille installent des plantations de café et de sucre et, lorsqu'ils ne les pillent pas directement, extraient des métaux précieux. Lors de son arrivée à l'embouchure du Zaïre en 1483, le navigateur Diogo Cão remonte le fleuve à la recherche du royaume du Prêtre Jean. Il entre en contact avec le royaume de Kongo. Le roi portugais, Joao II, propose à son royal collègue de se convertir à la mythologie des christiens et d'obtenir en retour des accords commerciaux et un accès aux technologies de guerre. Nzinga Nkuwu accepte et devient Joao Ier du Kongo en 1491. La famille royale et une partie de l'aristocratie se convertissent aussi. Des échanges diplomatiques entre les deux royaumes sont mis en place[22] et une école tenue par des missionnaires christiens est ouverte. En 1506, le roi bakongo Alfonso Ier envoie son fils étudier la mythologie christienne dans la capitale portugaise Lisbonne. Il devient en 1518 le premier évêque d'origine africaine reconnu par les autorités religieuses de Rome sous le nom de Henrique[23]. Le Portugal bénéficie de l'ivoire, du cuivre et des esclaves disponibles via le royaume du Kongo, et ce dernier est épaulé militairement dans sa lutte contre des royaumes du sud et s'enrichit de ce commerce. Mais les besoins toujours plus importants en esclaves du royaume du Portugal mécontentent le roi bakongo qui, s'il acceptait jusqu'à maintenant de livrer des prisonniers, voit d'un mauvais œil que les portugais se lancent dans la chasse au esclaves. D'autant plus que des membres de la famille royale ont été réduit en esclavage après leur capture. Ses protestations officielles[24], chargées de références religieuses, ne changent rien et lui valent une réponse condescendante de son homologue portugais qui lui dit pouvoir se débrouiller seul pour se pourvoir en esclaves. Faisant le choix des avantages, Alfonso Ier se résout à la traite esclavagiste mais tente de la réglementer. Seul son royaume peut dire qui peut être déclaré esclave afin de limiter les excès du Portugal. Ce dernier se rapproche des royaumes côtiers de Cacongo et Ngoyo qui s'émancipent petit à petit du royaume de Loango et avec lesquels il est plus facile de faire du commerce d'esclaves. Le royaume de Kongo est attaqué en 1568 par des populations bayaka et sa capitale est détruite. Remis sur pied trois ans plus tard grâce à l'aide du royaume du Portugal, le Kongo en sort affaibli. Son autorité régionale est ébranlée. En 1575, à la mort du roi portugais lors d'une bataille perdue au Maghreb, son royaume entame aussi sa phase de déclin.
L'affaiblissement des royaumes du Portugal et de Castille entraîne l'apparition de concurrent sérieux dans le lucratif commerce des esclaves et autres richesses africaines. Les royaumes de France, d'Angleterre et des Pays-Bas arrivent en force. Pour se fournir en esclaves pour ses colonies du Brésil, le royaume du Portugal entretient ses relations avec les royaumes Cacongo et Ngoyo qui raflent des hominines dans l'arrière-pays et les royaumes alentour. Abritée du vent, la baie de Cabinda est un endroit idéal pour jeter l'ancre et pratique pour servir de lieu de chargement des marchandises. Au sud du Kongo — divisé entre plusieurs prétendants à la succession depuis la mort de son roi — les hominines du Portugal prennent pied dans le royaume de Ndongo où la résistance menée par la reine Njinga[26] tient tête pendant plus de vingt ans et perturbe le trafic d'esclaves. Les convoitises européennes s'affrontent. Au milieu du XVIIème siècle, les Pays-Bas tentent à deux reprises de s'emparer du port de Cabinda, puis au début du siècle suivant les royaumes britanniques et français s'affrontent pour la main-mise sur ce lieu stratégique du commerce d'esclaves. La révolte contre les prétentions européennes dans la région prend aussi des biais religieux. En 1704, Appolonia "Fumaria" Mafuta[27] proclame qu'elle a vu la Vierge-Marie — la mère imaginaire du messie des christiens — et appelle tous les hominines, mâles et femelles, à rejoindre la capitale du royaume de Kongo. Avec pour preuve une pierre sur laquelle est gravée le visage du messie ! Inspirée elle aussi par une voix dans sa tête, Kimpa Vita[28] proclame que tous les bakongo doivent se rassembler dans un même royaume, dans un discours mélangeant cultures locales et christiennes. Elle est brûlée vive en 1706 en tant qu'hérétique par décision du roi du Kongo. En 1722 les britanniques se lancent dans la construction d'une petite forteresse dans la baie de Cabinda mais elle est détruite pas les portugais qui se lancent eux-mêmes dans une telle construction en 1783. Une coalition militaire entre les royaumes de France, de Cacongo et de Ngoyo met fin à cette tentative. Un accord est signé quelques années plus tard entre les royaumes du Portugal, de France et de Grande-Bretagne afin de garantir un libre accès au commerce des esclaves et autres marchandises. L'interdiction du commerce des esclaves, progressivement décrétée par différents pays esclavagistes, change l'ordre des priorités. Principaux bénéficiaires locaux de la traite des esclaves, les royaumes de Cacongo et Ngoyo sont considérablement touchés par cette nouvelle situation. Idem au nord pour le royaume de Loango dont l'aristocratie qui, après l'éphémère régime constitutionnel de 1766 à 1773 soutenu par les commerçants esclavagistes du royaume, ne parvient pas à se remettre de sa perte d'influence politique et de la perte de revenu qu'engendre la fin de la traite. À la suite de la mort du roi de Ngoyo en 1830, les dissensions internes autour de sa succession engendre un effritement du royaume. Pour consolider son implantation, le royaume du Portugal signe trois accords avec des autorités locales : Le traité de Tchimfumu le 29 septembre 1883 avec le royaume de Kakongo, le traité de Tchikamba le 26 décembre 1884 avec le royaume de Loango et celui de Simulambuko le 1er février 1885 avec le royaume de Ngoyo. Selon ces traités, en échange de sa protection, "les Princes et chefs du pays et leurs successeurs déclarent volontairement reconnaître la souveraineté du Portugal, en plaçant sous le protectorat de cette nation tous les territoires gouvernés par eux"[29]. Ces territoires sont regroupés sous le nom de Protectorat du Congo portugais avec la bande côtière allant jusqu'à Luanda, au sud du Zaïre. Lors de la conférence de Berlin de 1885, les principales puissances économiques européennes entérinent, tel de petits arrangements, les frontières entre leurs différentes possession africaines. Parce que la Belgique obtient un accès à l'Atlantique pour sa colonie, le protectorat du Congo portugais est enclavé entre, au nord, le Congo français qui inclut une grande partie de l'ex-royaume de Loango, et au sud le Congo belge, sur les ruines du Kongo. Sur la rive sud du Zaïre, l'ensemble des territoires portugais des anciens royaumes de Kongo et de Ndongo sont réunis pour former la colonie d'Afrique Occidentale portugaise ou Angola. Protectorat du Congo portugaisLa capitale du protectorat est fixée dans la ville de Cabinda, dans le sud du territoire. Au début du XXème siècle, la population est estimée à environ 50000 hominines, mâles et femelles, dont plus de 11000 dans la capitale. Dans le courant des années 1910, le Portugal réorganise son administration coloniale en deux districts, celui de Congo et celui de Cabinda, gérés par un unique gouverneur d'Angola. En 1922, le district de Congo est divisé en deux et s'y ajoute donc celui de Zaïre. Alors que la constitution portugaise de 1933 fait clairement mention de la distinction entre les différents districts, celle de 1951 gomme cette nuance et intègre l'ensemble dans une unique province ultramarine de l'empire du Portugal. De fait, cette province coloniale ne présente pas de continuité territoriale entre les districts du sud du Zaïre et celui de Cabinda. L'enclave de Cabinda est une aberration coloniale. Éclatés entre les trois Congo — belge, français et portugais — et le nord de la colonie d'Angola, des militants bakongo réclament dans un premier temps l'unification de l'ancien royaume de Kongo et de ses vassaux dans un unique territoire[30] et la restauration de l'autorité de la dynastie royale. Malgré la création de diverses associations soutenant ce projet politique, l'idée d'un "nationalisme" et d'un "royalisme" bakongo ne résiste pas à l'éclatement, de fait, du territoire entre les puissances coloniales. Chaque colonie va mener la lutte contre "son" colonisateur. La première association culturelle cabindaise est créée en 1948 à Kinshasa (renommée Léopoldville entre 1880 et 1960) sous le nom de Communauté Cabindaise (COMCABI) et au Congo français sous celui de Associação dos Originários do Enclave de Cabinda (Association des Originaires de l'Enclave de Cabinda - AOECA). Après le rattachement de l'enclave à la colonie d'Angola en 1951, des membres de la COMCABI fondent la Jeunesse Côtière Cabindaise (JCC) qui se fixe pour objectif le regroupement des hominines originaires du Cabinda vivant à Kinshasa. Le discours politique dénonce clairement la présence portugaise. En 1959, la JCC devient l’Association des ressortissants de l’enclave de Cabinda (AREC) qui, dans un manifeste, réclame la révocation des traités de 1884 et 1885, ainsi que l'indépendance immédiate de l'enclave. En août 1960, l'AREC est renommée Mouvement pour la Libération de l'Enclave de Cabinda (MLEC) et distribue en décembre ses premiers tracts dénonçant les abus des colons. Presque tous les dirigeants du MLEC sont des descendants de notables du royaume de Ngoyo de la fin du XIXème siècle qui géraient l'économie et finançaient les fastes de la cour royale[31]. Aucun n'appartient à la noblesse. Représentant le MLEC, Luís Ranque Franque fait le tour des institutions internationales pour plaider la cause cabindaise. Il parle devant les Nations-Unies et l'Organisation de l'Unité Africaine qui, toutes deux, placent l'enclave de Cabinda — en parallèle de l'Angola — parmi la liste des territoires à décoloniser[32]. Notes
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