Côte de Malaguette : Différence entre versions
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Les frontières définitives de la république du Liberia sont fixées en 1885 avec la colonie britannique de Sierra Leone, à l'ouest, et en 1911 avec les colonies françaises à l'est. La délimitation des frontières libériennes va de pair avec la colonisation progressive de l'arrière-pays de la côte de Malaguette et la mise au pas de ses populations. Les révoltes sont matées. Une élite politique, intellectuelle et économique, essentiellement issue des descendants des colons nord-américains, domine la grande majorité des hominines libériens issus de celleux qui furent libérés des bateaux d'esclaves après l'abolition de la traite par les britanniques ou des autochtones de la côte de Malaguette. L'une monopolise les rouages de l’État et les circuits économiques, les autres fournissent une main-d'œuvre où la nuance entre salariat et esclavage est ténue. Elle s'enrichit par des plantations et l'exportation de coton, de cacao ou de tabac. Puis, au début du XX<sup>ème</sup> siècle, de caoutchouc<ref>G. Bouet, "Progrès de la culture de l'Hévéa au Liberia", ''Revue de botanique appliquée et d'agriculture coloniale'', n°130, juin 1932 - [https://www.persee.fr/doc/jatba_0370-3681_1932_num_12_130_5144 En ligne]</ref>. L'économie est fragile et le pays est endetté. | Les frontières définitives de la république du Liberia sont fixées en 1885 avec la colonie britannique de Sierra Leone, à l'ouest, et en 1911 avec les colonies françaises à l'est. La délimitation des frontières libériennes va de pair avec la colonisation progressive de l'arrière-pays de la côte de Malaguette et la mise au pas de ses populations. Les révoltes sont matées. Une élite politique, intellectuelle et économique, essentiellement issue des descendants des colons nord-américains, domine la grande majorité des hominines libériens issus de celleux qui furent libérés des bateaux d'esclaves après l'abolition de la traite par les britanniques ou des autochtones de la côte de Malaguette. L'une monopolise les rouages de l’État et les circuits économiques, les autres fournissent une main-d'œuvre où la nuance entre salariat et esclavage est ténue. Elle s'enrichit par des plantations et l'exportation de coton, de cacao ou de tabac. Puis, au début du XX<sup>ème</sup> siècle, de caoutchouc<ref>G. Bouet, "Progrès de la culture de l'Hévéa au Liberia", ''Revue de botanique appliquée et d'agriculture coloniale'', n°130, juin 1932 - [https://www.persee.fr/doc/jatba_0370-3681_1932_num_12_130_5144 En ligne]</ref>. L'économie est fragile et le pays est endetté. | ||
− | <blockquote>''Pour le reste, [le Liberia] est un pays comme les autres : ses frontières sont une chimère, son histoire nationale une mythologie, son pouvoir politique un rapport de domination et son organisation sociale une contrainte. Comme toute identité collective, [le Liberia] est une illusion. Bien sûr, [le Liberia] a connu des épisodes de son histoire qu’[il] ne partage pas avec les autres pays, mais cela ne change rien.''<ref>Dans "Vie et œuvre de F. Merdjanov", 2017 - [http://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f- | + | <blockquote>''Pour le reste, [le Liberia] est un pays comme les autres : ses frontières sont une chimère, son histoire nationale une mythologie, son pouvoir politique un rapport de domination et son organisation sociale une contrainte. Comme toute identité collective, [le Liberia] est une illusion. Bien sûr, [le Liberia] a connu des épisodes de son histoire qu’[il] ne partage pas avec les autres pays, mais cela ne change rien.''<ref>Dans "Vie et œuvre de F. Merdjanov", 2017 - [http://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref></blockquote> |
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Version du 6 mars 2020 à 17:41
Côte de Malaguette. Scène de tragédies racistes anti-racistes et d'utopies anti-racistes racistes.
SommaireTriangulationLa côte de Malaguette est à environ 4500 km au sud-ouest de Nice et plus de 5000 de la Macédoine, soit des distances protivophiles de 3430 et 3810 acab[1] GéographiqueDu XVème au XVIIIème siècle après JCⒸ[2], l'appellation "côte de Malaguette" est utilisée par les explorateurs et commerçants européens pour désigner la région de l'ouest africain située au nord-ouest du golfe de Guinée. Elle correspond plus ou moins à la zone côtière atlantique qui s'étend du cap des Palmes, à l'extrême sud de l'actuel Liberia, jusqu'à la péninsule de Freetown, au nord de l'actuel Sierra Léone. Proche de l'équateur, entre le 4ème et 10ème degré de latitude nord. Dans la géographie approximative de l'époque, elle est cartographiée au sud de la Nigritie, "pais des negres"[3], à l'ouest de la Guinée et bordée par la mer d'Éthiopie. Parfois aussi appelée côte des graines ou du poivre, elle est voisine, d'ouest en est, de la côte de l'ivoire, de la côte de l'or et de la côte des esclaves. Les frontières de la côte de Malaguette ne sont pas véritablement fixées et dépendent du bon-vouloir des cartographies commerçantes. Comme ils le font pour d'autres denrées, les commerçants ne s'installent pas définitivement sur la côte mais viennent s'y ravitailler. Que ce soit par les géographes et commerçants arabes, ou ceux venus d'Europe, les zones continentales sont peu connues et restent quasiment inexplorées. L'arrière-pays de la côte est couvert de montagnes et de forêts denses peu accessibles. Le climat de la côte de Malaguette est de type tropical, c'est-à-dire qu'à une saison sèche autour de l'équinoxe d'hiver qui se caractérise par des températures moyennes et une faible pluviosité succède une saison humide et chaude. La zone maritime est soumise à de fortes précipitations. BotaniqueLa malaguette, de son nom savant "Aframomum melegueta", est aussi appelée maniguette, graine du paradis ou poivre de Guinée. Elle appartient à la famille des zingibéracées dans laquelle est regroupée plus d'un millier de plante dont certaines sont elles aussi utilisées comme épice, tel le gingembre, le curcuma ou la cardamone. Comme les botanistes et frères siamois du non-sens[4], Gilles Deleuze et Félix Guattari, le rappellent dans leur ouvrage bicéphale Mille plateaux la malaguette est une plante rhizomateuse dont la structure est basée sur une racine nourricière rampante (le rhizome) à partir de laquelle se développent plusieurs tiges. Mentionnée par Pline l'Ancien dans son Histoire naturelle[6], la graine de la malaguette est connue en Europe depuis l'Antiquité où elle est introduite dans l'empire romain par les commerçants arabes sous le nom de "poivre africain". Elle est partie intégrante de la gastronomie de l'Afrique du Nord et est une des composantes de certains ras el-hanout, un mélange d'épices. Quelque peu délaissée, la graine de malaguette est de nouveau importée par les commerçants européens à partir du XIVème siècle lorsque ceux-ci parviennent à rejoindre par bateaux les côtes africaines. Vendue moins chère que le poivre, elle le concurrence sur les marchés d'Europe[7] et réintègre les cuisines. Le Viandier[8] de Guillaume de Tirel et Le ménagier de Paris[9], datés du début et de la fin du XIVème siècle, mentionnent ce "faux poivre" importé par des navires de commerce français puis portugais. Son goût épicé en fait un excellent adjuvant pour les vins, les vinaigres et les eaux-de-vie. La malaguette est progressivement incorporée dans la pharmacopée pour ses prétendues vertus médicinales[10], et ce jusqu'au XIXème siècle. De nos jours, la graine de malaguette est toujours utilisée en Afrique de l'ouest pour ses aspects médicinaux, voire aphrodisiaques, par les hominines mais aussi par les grands singes chez qui la consommation régulière semble diminuer les problèmes cardiaques[11]. L'étymologie du terme malaguette n'est pas clairement établie par les linguistes et les historiens. Si certains évoquent une possible référence à l'ancien royaume mahométien[12] du Mali (ou Meli)[13], grand exportateur de poivre, d'autres émettent l'hypothèse d'un emprunt à la langue portugaise de malagueta qui désigne le piment. Les navigateurs et commerçants portugais qui explorent et longent les côtes africaines puis "découvrent" les voies maritimes vers l'Asie au XVème siècle empruntent peut-être à la langue tamoule le terme de மிளகு (milaku) qui signifie poivre dans cette langue du sud du sous-continent indien. Dans sa Nouvelle géographie universelle. La terre et les hommes de 1887, loin du style décalé du duo co·s·mique Deleuze et Guattari, le géo-poète Élisée Reclus décrit ainsi la malaguette :
Fervente adepte de la macédoine, la protivophilie postule une nécessaire intersectionnalité pour parvenir à saisir les ressentis des végétaux dans leur sur-exploitation pour écrire, enfin, une histoire radicalement anti-spéciste de ce sous lumpenprolétariat du vivant. Le seul témoignage direct dont nous disposons à ce jour est celui recueilli au fil des documentaires auprès de la seule espèce végétale avec laquelle les hominines parviennent aujourd'hui à communiquer verbalement, Groot. Riche de seulement trois mots, sa langue est tout en subtilité pour qui sait la comprendre. Pour les autres, elle ne veut rien dire. Une évidente et synthétique réponse à l'énoncé rhizo-matheux deleuzo-guattarien.
HomininiqueComme dans les autres régions du globe terrestre, les hominines sont présents depuis des millénaires sur la côte de Malaguette et son arrière-pays. Les subdivisions qu'illes s'acharnent à maintenir entre elleux sont insignifiantes pour toutes les autres espèces vivantes qui les entourent. L'hippopotame nain ne les différencie pas plus par leurs langues que le phacochère est capable de nuancer leurs cultures ou que le pangolin leurs intentions envers lui. L'un se réfugie dans des espaces ripariens[16] apeuré aux moindres cris des hominines, l'autre se vexe de masques déformants le moquant grossièrement alors que le pangolin s'éteint de ses prétendues vertus aphrodisiaques fantasmées par les hominines. Défenseur de la cause des pangolins, injustement accusés de disséminer un virus par vengeance[17], l'éthologue porcinophile Renaud Sechan, respecté pour ses travaux publiés en 2020 malgré une santé mentale fragile, "Les animals"[18], rapporte les propos d'un nihiliste pangolin dans un de ses anciens écrits proto-phacochèriens[19] : Les pratiques linguistiques des hominines de la côte de Malaguette se rattachent, selon les linguistes, au vaste groupe des langues nigéro-congolaises qui s'étend dans tout le sud et l'est de l'île-continent africaine[21]. Elles se situent à l'extrémité nord-ouest de cette vaste zone. La taxonomie linguistique discerne plus d'une trentaine de langues différentes et de nombreuses variantes locales. Beaucoup d'entre elles sont apparentées et certaines semblent "isolées". Elles correspondent à des espaces géographiques le long de la côte atlantique et dans l'arrière-pays où vivent de petites communautés d'hominines. Ainsi, dans leurs langues respectives, les différents groupes d'hominines de Malaguette se nomment kru, kplelle, bassa, dan, mande, kissi, sherbro, temme, gola, etc. Les mythologies, l'organisation sociale, les modes de subsistance, l'environnement ou l'histoire sont ce qui singularisent aussi ces groupes d'hominines. Protégée par sa forêt tropicale, la côte de Malaguette est restée à l'écart de l'influence directe des empires africains et des royaumes qui se développent au nord et au sud du Vème au XIVème siècle, et de la mythologie de mahométiens[12] qui poursuit sa lente expansion depuis le "coup de chaud" de l'homme promu prophète un jour de cagnard saharien au VIIème. Néanmoins, les communautés d'hominines vivant près des régions côtières refluent toujours plus devant l'avancée inéluctable d'autres hominines venus de l'intérieur de la grande île-continent. Les relations entre ces différentes communautés hominino-linguales sont faîtes de rivalités, d'échanges, de conflits, d'ignorance mutuelle, de mélanges, etc. Le niveau d'hostilité entre ces différentes communautés est variable et peut parfois mener de la paix à la guerre, mais à des niveaux bien moins meurtriers que les conflits que se mènent les royaumes du pourtour méditerranéen à l'époque où ceux-ci "découvrent" la côte qui deviendra celle de Malaguette. Des hominines, marins, marchands et normands de Dieppe affirment avoir posé le pied et commercé avec celleux de la côte dès la fin du XIVème siècle[22] mais, ce sont des navires portugais à qui la "découverte" est attribuée au siècle suivant par l'historiographie. Dès la fin du XVème siècle des hominines du Portugal établissent des comptoirs marchands, puis, attirés par le gain, les espagnols, les hollandais, les britanniques et les français prennent pied, d'une manière ou d'une autre, sur la côte de Malaguette. Leurs navires marchands exportent les matières premières et alimentent le commerce dans les métropoles. Aucun ne s'aventurent dans l'intérieur des terres et les quelques liens commerciaux se font avec les hominines de la côte. La géographie établie par ces mercanto-navigateurs découpe toute la côte du golfe, que les portugais nomment de Guinée[23], selon les denrées qui s'y trouvent. De l'ouest à l'est, la côte de la malaguette, puis celles de l'ivoire, de l'or et des esclaves. Les connaissances de la région, des hominines qui y vivent, s'enrichissent de plusieurs récits de voyage publiés durant les trois siècles qui suivent[24]. Malgré des relations souvent tendues avec les hominines de la côte de Malaguette, les commerçants parviennent à nouer des accords avec certains pour se fournir en marchandises. Par malentendu, par arnaque ou par appât du gain, des terrains leur sont cédés où sont installées de petites communautés. Elles sont des sortes de quais de chargement gérés par les expatriés d'une entreprise de commerce spécialisée et non des colonies de peuplement. L'intérêt commercial est premier, l'intention colonisatrice de contrôler l'espace naît progressivement. Les cartographies qui se dessinent se couvrent de noms que les colonisateurs, selon leurs langues, décident de donner à une rivière, un village, une montagne, en hommage à une obscure personne ou lieux inconnus pour les hominines originaires de la côte de Malaguette et son arrière-pays. Le commerce de la malaguette est lucratif. Elle est exportée avec les autres marchandises vers les marchés européens par les routes maritimes ouvertes par les navigateurs. Les portugais introduisent aussi sur la côte le tabac, l'oranger, le bananier et le cocotier. Esclavage & abolitionSelon Bion de Boristhène, ancien esclave grec du IIIème siècle avant JC devenu cynique :
Loin des conditions de vie des analectes romains, simples esclaves ménagers, des hominines femelles déportées pour assouvir des envies sexuelles ou des eunuques qui doivent leur prestige à l'amputation de leur sexe, le sort des nombreux hominines réduits à l'esclavage que les marchands exportent de l'Afrique de l'ouest vers le continent américain est sans commune mesure, par son ampleur et ses conditions[26]. Depuis des millénaires des hominines mettent en esclavage d'autres hominines. Les empires et les royaumes d'Afrique, d'Asie et du pourtour méditerranéen ont fait commerce de cette marchandise qui, selon les époques, était chassée dans telle ou telle partie du monde. Des confins de l'Europe orientale, du Caucase ou de l'Afrique, des hominines sont exportés vers le Moyen-Orient, la Chine ou l'Inde pour servir de main-d'œuvre : militaires, esclaves ménagers, prostitution institutionnelle, prolétaires à tout-faire, etc. Les empires et commerçants mahométiens, de part leur situation géographique centrale, contrôlent entre le VIIème et le XXème siècle cette "traite orientale" où les hominines sont mis en esclavage pour leur propre utilisation ou pour être exportés vers l'orient[27] par des détours sahariens ou des ports zanzibariens. Les fournisseurs sont essentiellement des entités politiques, des petits pouvoirs locaux ou des chasseurs d'esclaves qui revendent des prisonniers de guerre, des pauvres endettés ou condamnés, ainsi que d'innombrables personnes "razziées" par les commerçants esclavagistes. Les travaux consacrés à ce sujet estiment à environ quatorze millions d'hominines mâles et femelles ayant été déportés durant cette période, soit une moyenne de plus de 10000 par an. Le taux de mortalité est important et les estimations ne prennent pas en compte le nombre de personnes tuées lors de tentatives de capture[28]. Mais ces chiffres, contestés, sont à prendre avec prudence. A partir de la fin du XVème siècle, les principaux royaumes et empires de l'ouest européen se lancent dans la déportation massive d'hominines vers le "nouveau" continent américain que tous convoitent. Ces hominines, mâles et femelles, adultes et enfants, sont destinés à travailler dans la mise en valeur des nouvelles colonies et fournir la main-d'œuvre nécessaire aux cultures agricoles ensuite exportées vers l'Europe. Ce qui, en d'autres termes, signifie qu'illes sont condamnés aux travaux forcés. Le golfe de Guinée est un nœud important du trafic des esclaves de cette "traite occidentale". La plupart sont fait prisonniers lors des guerres des empires et royaumes d'Afrique de l'ouest, d'autres sont capturées lors d'attaques menées par des commerçants esclavagistes ou des pillards contre des villages. Le commerce se structure et s'amplifie, de nombreuses colonies commerciales s'implantent sur les côtes du golfe de Guinée, de petites villes avec leur marché aux esclaves sont fondées. Pendant les deux premiers siècles, les hominines portugais et hollandais sont les plus actifs dans l'exportation d'hominines vers leurs colonies sud-américaines du Brésil et des Caraïbes. Le royaume d'Espagne, grand bénéficiaire de cette traite trans-atlantique, leur délègue ce commerce. Mais à la fin du XVIIème siècle, les hominines français et britanniques se décident à réclamer une part du butin et se lancent avec entrain dans la "traite occidentale". Destination, le nord du continent américain[29]. Pour une période s'étalant du début du XVIème à la fin du XIXème siècle, les travaux des historiens estiment à environ douze millions le nombre d'hominines, mâles et femelles, déportés d'Afrique et à un peu moins de dix millions celleux qui sont parvenus en vie sur le continent américain. Soit une moyenne d'environ 30000 personnes par an. Le XVIIIème est un siècle florissant pour le commerce des esclaves, avec des moyennes annuelles de plus de 70000 personnes. L’appât du gain et les prétextes philosophiques font bon ménage, l'un enrichit, l'autre justifie. Investisseur dans le commerce colonial[30] et homme de lettres, Voltaire affirme alors qu'il se sent "supérieur à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce." [31] Le transport se fait via des bateaux dans lesquels les esclaves sont stockés dans les cales. Les conditions de vie, l'hygiène et la malnutrition, les violences et les maladies sont fatales pour nombre d'entre elleux. Le voyage trans-atlantique dure de un à trois mois. Des cas de révoltes et de mutineries sont régulièrement mentionnés. Des hominines parviennent parfois à s'échapper. D'autres subissent la répression, la torture puis leur exécution[32]. La plupart des hominines esclaves arrivant d'Afrique sont vendus au Brésil, dans les colonies espagnoles des Amériques et dans les îles des Caraïbes, et à partir de la fin du XVIIème siècle destinés au nord du continent américain. Illes sont très largement utilisés dans les plantations de sucre, de café, de coton et de cacao, d'autres sont esclaves domestiques, travaillent dans le bâtiment ou exploitent les mines. Les esclaves sont vendus par lot lors de ventes publiques sur des marchés consacrés spécialement à cet usage. Les conditions de vie et de travail sont déplorables, bien pire dans les plantations. Les "maîtres", pour des raisons économiques, ne peuvent détruire leurs marchandises d'hominines et sont donc contraints de leur fournir le minimum vital mais le taux de mortalité chez les esclaves est - évidemment - bien plus élevé que celui de leurs propriétaires. Au fil des siècles, les descendants d'esclaves et les nouveaux arrivants contribuent très largement aux richesses des colonies et à l'exportation de matière première vers l'Europe. Le sucre devient alors la nouvelle drogue qui se répand en Europe. Pendant des générations, les enfants nés dans une famille d'esclaves sont eux-mêmes esclaves, tout comme celleux produit de relations - consenties ou non - entre un colon et l'une de ses esclaves. Illes sont très peu à être déportés vers les métropoles coloniales où leur présence reste exceptionnelle. Les résistances des esclaves sont multiples, les tentatives d'évasion collectives ou individuelles incessantes, parfois réussies, des communautés isolées d'évadés se créent, etc. Le vol et le détournement sont aussi des formes de révolte quotidienne adoptées par les esclaves. Les représailles sont violentes : punitions collectives, privations, lynchages, meurtres, viols et tortures. Les révoltes aussi. Certains par leur ampleur ou leur soudaineté, d'autres par leur degré de violence contre les maîtres et leurs familles, ou encore par leur durée, des moments et des individus construisent les imaginaires collectifs de ces esclaves, mâles et femelles, et marquent l'histoire de plusieurs siècles d'esclavage dans les colonies européennes du continent américain. Illes rejoignent à leurs manières la célèbre devise du monde ouvrier "L'ouvrier se tue à la tache. Le patron se tue à la hache." Originaires de régions et de cultures diverses, et parlant des langues différentes, les esclaves s'inventent peu à peu des outils collectifs, tel des langues, des religions syncrétiques ou des territoires. Des communautés apprennent la langue des maîtres, d'autres en "créolisent"[33] de nouvelles, certaines adoptent les croyances de christiens[12], d'autres les détournent ou fuient tout simplement. Néanmoins il n'y a pas d'unité linguistico-culturelle mais des réalités différentes modelées par l'histoire des colonies et leurs volontés d'indépendance. Il en est de même de manière individuelle lorsque des esclaves parviennent à l'éducation religieuse ou civique là où la plupart restent illettrés, que quelques-uns meurent pour se libérer alors que la majorité survit, etc. Les parcours et les situations sont multiples.
Si le XVIIIème siècle est celui d'un commerce des esclaves prospère, il est aussi celui des premières mobilisations pour son abolition. Les révoltes collectives se multiplient et des voix parmi les colons et dans les métropoles réclament des changements. Dans la lignée des christiens abolitionnistes[35] ou du théâtre d'Olympe de Gouges[36], la première association anti-esclavagiste naît en 1787 au royaume britannique et l'année suivante, la Société des amis des noirs, en France. Ce que les États colonisateurs ont d'intellectuels, de politiciens et de philosophes prennent position sur l'existence du commerce d'hominines et leur mise en esclavage. Ses défenseurs et bénéficiaires avancent une argumentation économique sur les bien-faits d'une main-d'œuvre gratuite, matinée d'un racisme très voltairien, alors que les abolitionnistes demandent l'interdiction du commerce des esclaves puis, dans un second temps, la fin de l'esclavage. Pour les plus optimistes, le but ultime est l'égalité des droits. Pour autant, les abolitionnistes ne sont exempts du racisme de leur époque. Parmi les pays esclavagistes, le Danemark est le premier à abolir le commerce en 1792. Les débats politiques sont houleux et la mise en place légale fastidieuse. Les oppositions sont tel que les revirements sont envisageables et le mécontentement des propriétaires d'esclaves de plus en plus violent ou, comme aux États-Unis d'Amérique, la menace de guerre civile devient réalité. Finalement une abolition en deux temps est envisagée, celle du commerce puis de l'esclavage quelques années plus tard. En 1807 et 1838 au Royaume Uni, 1808 et 1862 aux États-Unis d'Amérique, 1815 et 1848 en France[37], 1816 et vers 1850 en Colombie espagnole, 1850 et 1888 au Brésil. Rapporté dans le documentaire Une minute avant..., le dialogue ci-dessous daté de 1862 résume ce qu'il en est de la situation des esclaves, mâles et femelles, dans l'ensemble des colonies du continent américain au lendemain de l'abolition de la "traite atlantique" puis de l'esclavage :
A ces nouvelles conditions socio-économiques peu reluisantes se surajoutent le racisme et ses violences quotidiennes à l'encontre des hominines qualifiés de "noirs". Illes sont plusieurs millions à vivre sur l'ensemble du continent américain. Que ce soit dans les colonies, les ex-colonies ou les territoires métropolitains, illes sont ségrégués par les autres hominines qui refusent de partager les mêmes quartiers ou les mêmes villages et villes. Le XIXème siècle est riche en théories fumeuses sur la question de "comprendre" qui sont et d'où viennent les hominines d'Afrique et s'illes sont, comme illes le prétendent, les alter-ego des hominines d'Europe. Certains d'entre elleux en sont sûr, d'autres en doutent. Les attaques contre la traite et l'esclavage sont diverses dans leurs argumentaires. Si tous parmi les propriétaires et les bénéficiaires de ce trafic d'hominines défendent les bien-faits économiques de l'exploitation des plantations par des esclaves, une partie rétorque que la traite n'est pas rentable, ou trop risquée économiquement, et qu'il est nécessaire de faire fructifier au mieux les esclaves déjà déportés plutôt qu'en importer de nouveaux. Les plus libéraux mettent en avant l'inadéquation d'un système esclavagiste beaucoup plus coûteux qu'il ne rapporte réellement à l'économie[39]. Les abolitionnistes, à proprement dit, défendent la disparition de l'ensemble du système esclavagiste pour des raisons pas exclusivement d'ordre économique, mais aussi de morale religieuse ou philosophique et de convictions politiques libérales. Mais illes divergent entre eux quant au sort à réserver aux futurs affranchis. Faut-il envisager qu'illes restent et continuent à vivre sur place ? Avec ou séparément des autres hominines ? Avec les mêmes droits ? Ou faut-il entreprendre de les déporter vers l'Afrique ? Volontairement ?[40] Face aux violences organisées par des milices esclavagistes, à la persistance de l'esclavage, à la misère des ex-esclaves, devant les lenteurs des modifications légales, quelques abolitionnistes, esclaves ou non, adoptent une stratégie de violence politique et appellent à l'insurrection contre les esclavagistes, leurs familles et leurs alliés. Un peu moins de deux cent ans avant l'appel de Dookoom à brûler les fermes sud-africaines[41], leur mot d'ordre est : "All Colonizers Are Burning" ! Dans le nord du continent américain les plus connus sont sans conteste Nat Turner[42] et John Brown[43] qui resteront des références pour les générations futures de révoltés[44] et des sources d'inspirations artistiques. Plus hard-core que Kurt Cobain et moins glam-rock qu'Ernesto Guevara[45]. Plus funky que Tina Turner et moins sexy que James Brown pour les historiens de l'art de la très confidentielle revue protivophile Mélomanes. & Women. [Références manquantes]
UtopiesAvant l'interdiction définitive de la traite et de l'esclavage, la France et le Royaume-Uni sont traversés de débats publiques et d'interventions auprès des autorités politiques de ces pays[47]. Dans la guerre qui oppose entre 1775 et 1783 le royaume britannique et ses colonies nord-américaines qui réclament leur indépendance, les hominines de l'armée coloniale et de quelques colonies promettent la liberté aux esclaves qui les rejoignent dans ce conflit. S'ils y survivent, évidemment. Malgré les réticences de leurs propriétaires, un petit milliers d'esclaves prennent les armes du côté des indépendantistes. Plusieurs milliers d'hominines - mâles, femelles et enfants - fuient les plantations pour servir dans l'armée britannique. Illes participent au fonctionnement logistique nécessaire aux troupes militaires et très peu sont autorisés à prendre les armes. Parmi les militaires et les anciens esclaves beaucoup meurent de maladie. Après leur défaite, les britanniques refusent de rendre les esclaves à leurs propriétaires. La puissance coloniale et l'Union des ex-colonies établissent alors un Book of Negroes[48] qui recense nommément 3000 personnes ayant fuit l'esclavage et survécu à la guerre. Très peu d'esclaves sont affranchis pour faits d'armes par les Unionistes nord-américains et l'esclavage est maintenu là où il est pratiqué, côté britannique les anciens esclaves sont installés dans la province de Nouvelle-Écosse, une colonie britannique au nord du continent et estampillés "Gens de couleur libres", avec des promesses d'attribution de terres. Quelques deux cent sont envoyés à Londres où vivent déjà quelques milliers d'anciens esclaves. Depuis 1772, sur le seul territoire des îles britanniques, les hominines en fuite peuvent se considérer libres de fait. La plupart vivent dans une grande pauvreté. Certains d'entre eux parviennent à s'éduquer par l'intermédiaire de groupes christiens très actifs contre l'esclavage. L'association abolitionniste Sons of Africa est fondée en cette fin de XIXème siècle par d'anciens esclaves et, à Londres, le premier texte anti-esclavagiste écrit par l'un d'eux paraît en 1787. Traduit en France l'année suivante[49].
En France, le renversement de la royauté en 1789 et la mise en place d'un régime parlementaire a pour conséquence le vote par les républicains en 1794 de l'abolition de l'esclavage, rétabli en 1802 par le mégalomane Napoléon. Finalement le Royaume-Uni, les ex-colonies nord-américaines et la France abolissent la traite en 1807, 1808 et 1815. Dès leur décision prise, les britanniques font pression sur les autres pays pour qu'ils en fassent de même, des bateaux d'esclavagistes sont arraisonnés et les esclaves libérés. Des christiens protestants et des associations militent activement pour une disparition définitive de l'esclavage. Certains œuvrent pour qu'elle soit immédiate, d'autres progressive. L'idée de "renvoyer" les esclaves fugitifs ou libérés et, surtout, de ne pas les accepter sur les territoires des métropoles coloniales, est à double sens, elle convient aux tenants du racisme et aux homininistes. Et cela pour des raisons très éloignées. Avec, dans un autre contexte, la même ambiguïté que le projet de réunir tous les moïsiens[12] - mâles et femelles - en un seul point - le sionisme - qui convient tout autant aux antisémites qui se félicitent de ne plus avoir de moïsiens autour d'elleux, qu'à celleux qui pensent que face à la violence seul un refuge autonome est efficace. Sierra LeoneDès 1787, avec l'appui des associations abolitionnistes, christiennes ou non, et des autorités qui ne savent que faire de ce surplus de pauvres, plus de 400 personnes sont envoyés vers les colonies britanniques du nord-ouest la côte de Malaguette, à l'embouchure de la rivière Sierra Leone : 280 mâles et 40 femelles ex-esclaves, 70 femelles et quelques dizaines de mâles britanniques (ingénieurs, médecins, artisans). Le projet est de fonder la Province of Freedom dans laquelle des familles de planteurs s'auto-gouvernent par des élections représentatives et instaurent un système où l'argent est remplacé par des journées travaillées. La production doit permettre l'autosuffisance et les surplus sont destinés à une exportation vers le Royaume-Uni. Derrière les intérêts économiques et les considérations homininistes, l'idée de cette aventure est aussi de convertir les hominines "autochtones" de la côte à la mythologie des christiens afin de "leur apporter la paix". Un centaine de personnes meurt lors de la traversée et presque autant du paludisme et de la dysenterie dans les mois qui suivent l'installation. Du nom de l'abolitionniste britannique et supporter de cette initiative Granville Sharp[51], Granville Town voit le jour. Les rapports avec les hominines de la côte sont très tendus. Granville Town est détruite en 1789, puis reconstruite non loin en 1791. A cette date, il ne reste que 65 personnes - 39 mâles et 26 femelles dont 19 ex-esclaves. L'ambiance n'est pas à la fête et La Bible, leur livre de chevet favori, ne leur est d'aucun secours :
A partir de 1792, les autorités britanniques font venir plus de 1200 d'ex-esclaves de leur colonie nord-américaine de Nouvelle-Écosse et des Caraïbes sur la côte de Malaguette dans le but d'installer la Colonie de Sierra Leone, une plantation coloniale financée par la Compagnie du même nom. Illes nomment leur village Settler Town et par la suite Freetown, construit au sud de Granville Town. Deux ans plus tard, des militaires français attaquent la colonie et pendant leurs trois semaines d'occupation détruisent toutes les constructions[53]. Freetown est reconstruite et les survivants se relancent dans leur projet colonisateur, toujours harcelés par les hominines de la côte, hostiles à leur présence. En 1798, Freetown compte environ 300 maisons construites dans un style architectural nord-américain. Les conditions climatiques sont difficiles et les premières plantations ne sont pas un grand succès. L'attribution de terres se fait attendre et les promesses non-tenues fâchent les colons. Les tensions avec la Compagnie et les autorités coloniales sont récurrentes et celles-ci font intervenir en 1800 plus de 500 esclaves "marrons" des Caraïbes[54], installés depuis peu dans la colonie, pour rétablir l'ordre. Trois colons sont exécutés et plus d'une trentaine bannis. Maroon Town est fondée à l'ouest de Settler Town. Les attaques des hominines autochtones du royaume de Koya contre ces nouveaux colons sont meurtrières et destructrices. Finalement la Compagnie de Sierra Leone est mise en faillite en 1808 et les autorités britanniques reprennent la main sur les affaires de la colonie. Néanmoins, le nombre de colons britanniques présents sur place n'est que d'environ 200 personnes. Le climat et les conditions de vie sont responsables d'un taux de mortalité important parmi ces hominines peu habitués à de telles conditions. Après que les britanniques aient aboli la traite en 1807, ils interceptent régulièrement dans les Caraïbes et le long des côtes africaines des bateaux chargés d'hominines destinés à l'esclavage. Illes sont libérés puis envoyés systématiquement dans la colonie de Sierra Leone. Leur idée est de les aider à s'implanter autour de Freetown en leur attribuant des terres. Les ex-esclaves sont originaires de diverses régions de l'Afrique, ne partagent pas nécessairement les mêmes croyances religieuses, les mêmes langues ou les mêmes histoires. En une quarantaine d'années, la population de la colonie passe de deux milliers en 1807 à une quarantaine de mille en 1850. Au total, plus de 80000 personnes sont ainsi débarquées sur la côte de Malaguette. Une dizaine de nouveaux villages sont construits sur la péninsule dans les alentours de Freetown. La colonie britannique de la côte de Malaguette est incorporée à l'Afrique Occidentale britannique - qui regroupe les actuels Sierra Leone, Ghana, Nigeria et Gambie - et Freetown est faite capitale. Malgré les conditions de vie et les difficultés à absorber toutes les personnes libérées, Freetown est prospère. Du mélange de populations d'origines différentes naît au fil des décennies une culture singulière qui se différencie des britanniques par une langue créole de la Sierra Leone - le krio - et des croyances religieuses qui mélangent mythologies christiennes et africaines. Une petite partie opte pour celles des mahométiens. La prison est inaugurée en 1816 et les forteresses de la côte sont renforcées. La première université voit le jour en 1827 et une élite intellectuelle, économique et politique se met progressivement en place. Elle participe à la gestion coloniale et bénéficie du commerce ou appartient aux autorités christiennes locales. Ces dernières sont très actives et soutenues par des christiens britanniques qui rêvent toujours de convertir les hominines de l'arrière-pays de la côte de Malaguette. Elles organisent un système éducatif indépendant et contribuent largement à la formation des "recapturés" à un nouveau métier : généralement domestiques pour les femelles et main-d'œuvres qualifiées pour les mâles. Après son abolition de l'esclavage en 1848, la France aussi met en place des villages pour accueillir les esclaves libérés : comme Libreville en 1849[55] - capitale de l'actuel Gabon - ou plus tard les "Villages de liberté"[56] dans lesquels sont installés des centaines d'entre elleux. Dans les faits, pour la France et le Royaume-Uni, pour la bourgeoise commerçante krio, ces réinstallations d'anciens esclaves sont une vraie source de main-d'œuvre à bas prix pour travailler dans les vastes projets agricoles ou les travaux publics, pour entretenir les intérieurs, pour faire le même travail qui leur était destiné s'illes avaient été mis en esclavage !
La seconde moitié du XIXème siècle est l'époque où les français et les britanniques s'aventurent de plus en plus profondément dans les arrière-pays de leurs colonies. L'Afrique intérieure est pour eux une zone quasiment inconnue. Les missionnaires christiens, les géographes, les militaires, les projets homininitaires ou économiques sont autant de façons de s’immiscer. Au gré des accords flous passés avec des autorités locales, des accrochages armés, des désaccords stratégiques entre colons ou des malversations les britanniques de la côte de Malaguette s'enfoncent toujours plus au nord. Un accord est signé entre les deux pays en 1882 pour fixer la frontière de leurs zones d'activité respectives dans la région. La création d'une unité militaire dédiée au maintien de l'ordre, les violences et le népotisme armé qu'elle engendre, ainsi que la mise en place d'un nouveau système de taxe suscitent des mécontentements et des révoltes parmi les plus pauvres des krios de la région de Freetown et les hominines de l'arrière-pays. La révolte armée de Bai Burah qui lance des opérations de guérilla de janvier à novembre 1898 ou le soulèvement populaire d'avril de la même année qui s'attaque à des missions christiennes et aux intérêts de l'élite krio. Les guerres menées par les hominines des régions intérieures ne parviennent pas à stopper l'avancée des militaires. Le prétexte est souvent la lutte contre le trafic des esclaves. En 1896, les britanniques font de la Sierra Leone un protectorat dont tous les hominines - mâles ou femelles - sont depuis 1853 "de citoyenneté britannique". Ils avalisent ainsi la perte d'autonomie politique de l'ancienne colonie de Sierra Leone et enterrent définitivement la Province of Freedom. Les britanniques tentent de supprimer définitivement l'esclavage dans leur protectorat de Sierra Leone et des systèmes de rachats sont même testés. Mais l'esclavage domestique perdure jusqu'en 1928, date de son abolition formelle[57]. LiberiaEn Amérique du Nord, dans les anciennes colonies britanniques indépendantes depuis 1786, l'esclavagisme est progressivement remis en cause tout au long du XVIIIème siècle. Les révoltes individuelles ou collectives, les évasions ou les vengeances sont quelques-uns des modes de résistance de ces esclaves. Il est déjà partiellement, progressivement ou totalement aboli dans les colonies du Vermont, de Pennsylvanie, de Virginie, de Caroline du Nord, du Maryland, du Massachusetts et du New Hampshire entre 1777 et 1783. Ces Territoires du Nord-Ouest - embryon des futurs États-Unis d'Amérique - abolissent officiellement l'esclavage en 1787 et la traite en 1808. Des milliers d'esclaves, mâles, femelles et enfants, sont libérés jusque dans les premières décennies du XIXème siècle. Beaucoup sont des métis. Dans certains États du sud, illes représentent une part importante de la population, parfois majoritaire. Pour ne pas entraver l'adhésion des États esclavagistes du sud à l'Union du nord, un compromis est trouvé : Le nombre d’États anti-esclavagistes doit être identique à celui des esclavagistes. Les associations abolitionnistes sont très actives dans les États du sud qui rejoignent petit à petit l'Union, elles y mènent des campagnes auprès des autorités politiques et des propriétaires[58]. Sans succès. Comme leurs homologues britanniques, les motivations des abolitionnistes sont complexes. Voire contradictoires. La philanthropie, la volonté civilisatrice, l'évangélisation christienne, l'efficience économique sont tout autant portés par des sentiments charitables qu'ils peuvent l'être par des considérations racistes. La plupart des associations d'ex-esclaves réclament leur intégration dans la société, l'obtention de l'égalité et s'opposent à la tendance ségrégationniste. L'éphémère Freedom's Journal [59] (1827 - 1829) est le premier journal créé par d'anciens esclaves qui exige une libération et une égalité immédiates. L'un d'eux, David Walker, publie en 1829 un Appel mondial aux citoyens de couleur dans lequel il appelle les esclavagistes à l'abolition immédiate et les hominines mis en esclavage à refuser et à s'opposer à leur condition. Par la violence si nécessaire. Des réseaux clandestins d'aide aux esclaves en fuite se mettent en place entre les États esclavagistes du sud et ceux abolitionnistes au nord. Quelques tentatives de révoltes collectives se soldent par des échecs. De manière générale la violence contre les esclaves rebelles s'amplifient et les propriétaires se font eux-mêmes justice.
A l'opposé de ces revendications, la Société pour la colonisation par les hommes libres de couleur milite depuis 1816 pour le transfert des anciens esclaves vers l'Afrique. Elle œuvre pour que des colonies de peuplement soient créées sur la côte de Malaguette. Son but est à terme d'établir de multiples points d'implantation où les esclaves affranchis puissent vivre de l'agriculture et civiliser les autochtones de la côte et de l'arrière-pays en leur apportant la culture des christiens nord-américains. Après un traité avec le royaume local et quelques babioles offertes, le société colonisatrice parvient à obtenir un terrain sur le cap Mesurado et ses alentours. En 1821, 88 anciens esclaves et trois nord-américains arrivent en bateau dans le port de Freetown et établissent en campement provisoire. Vingt deux de affranchis et les trois libres meurent de maladie tropicale dans les semaines suivantes, avant de parvenir à destination. Avec un deuxième groupe de futurs colons arrivés en 1822, illes fondent le village de Monrovia sur le cap Mesurado, première pierre de leur projet Liberia. Plus de 5000 personnes s'installent au Liberia en une vingtaine d'années. Plus au sud, des colonies sont créées par d'autres sociétés de colonisation nord-américaines. Jusqu'en 1835, le long de la côte de Malaguette, émergent aussi les colonies du Kentucky, de Pennsylvanie, du Mississippi, de Louisiane et du Maryland. Chacune permet aux abolitionnistes colonisateurs de faire face au nombre croissant d'esclaves affranchis dans les États nord-américains du même nom. Dans chacune d'entre elles, plusieurs milliers de familles d'esclaves affranchis sont transférés d'Amérique du nord et installés dans ces nouvelles colonies de peuplement. En vingt ans, le Maryland nord-américain transfère plus de mille personnes affranchies vers la colonie éponyme. La mortalité est importante parmi les nouveaux arrivants qui succombent aux conditions climatiques et aux maladies. Les difficultés dans l'obtention de fonds pour financer les transports et nécessaires à l'installation freinent le flux des arrivants. En 1842, à l'exception du Maryland, les colonies fusionnent dans le Commonwealth of Liberia qui débouche en 1847 sur la proclamation d'indépendance de la République du Liberia. Par 122 voix "pour" et zéro "contre", la colonie du Maryland proclame son indépendance en 1854 sous le nom de République du Maryland. Mais les lourdes attaques des hominines de la région contraignent le Maryland a demander de l'aide au Liberia voisin pour y mettre un terme. La contrepartie est l'intégration de la République du Maryland dans celle du Liberia en 1857. Les frontières définitives de la république du Liberia sont fixées en 1885 avec la colonie britannique de Sierra Leone, à l'ouest, et en 1911 avec les colonies françaises à l'est. La délimitation des frontières libériennes va de pair avec la colonisation progressive de l'arrière-pays de la côte de Malaguette et la mise au pas de ses populations. Les révoltes sont matées. Une élite politique, intellectuelle et économique, essentiellement issue des descendants des colons nord-américains, domine la grande majorité des hominines libériens issus de celleux qui furent libérés des bateaux d'esclaves après l'abolition de la traite par les britanniques ou des autochtones de la côte de Malaguette. L'une monopolise les rouages de l’État et les circuits économiques, les autres fournissent une main-d'œuvre où la nuance entre salariat et esclavage est ténue. Elle s'enrichit par des plantations et l'exportation de coton, de cacao ou de tabac. Puis, au début du XXème siècle, de caoutchouc[61]. L'économie est fragile et le pays est endetté.
Notes
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