Qarmates
Qarmates. Mouvement mahométan[1] insufflé par Hamdan Qarmat Ibn al-Ach'ath (حمدان قرمط بن الاشعث) vers la fin du IXème siècle.
Sommaireex nihilo ?
Loin de l'imaginaire populaire qui en fait un endroit empli de rien, la péninsule arabique est un vaste territoire qui abrite depuis des millénaires des hominines qui y ont bâti cités et empires. Elle est un carrefour des caravanes de commerce qui y transitent pour relier la Chine et l'Afrique à la Méditerranée ; une voie incontournable pour les marchandises alimentant, dans les deux sens, les marchés et les besoins des différents pouvoirs politiques comme le puissant royaume nabatéen (dans l'actuelle Jordanie) ou l'empire romain qui lui succède en le conquérant. Du sel, des esclaves, des métaux précieux, des soieries, des épices et divers objets manufacturés ; mais aussi échanges de techniques et de savoirs, de croyances et de superstitions. Dans les régions côtières et montagneuses humides du sud-ouest de la péninsule se sont développées de nombreuses cités, dont certaines sont au centre d'empire régionaux puissants. Si les rastafariens ont en mémoire le seul[3] royaume de la reine de Saba[4], les historiens décrivent une succession d'entités politiques, diverses et concurrentes, dès le quatrième millénaire avant le présent. A contrario de ces régions que les antiques grecs nomment alors l'Arabie Heureuse, la partie intérieure de la péninsule est un vaste territoire de montagnes et de sable avec, au sud, le désert des déserts, le Rub al-Khali (Quart Vide). Les oasis qui s'y développent à ses marges sont autant des lieux de vie que des relais sur ces routes qui traversent des étendues de sable et de chaleur harassante.Au VIIème siècle, la population est diverse dans ses croyances religieuses. Aux côtés des quelques oasis peuplées de mosaïques[1][5] et de plusieurs communautés nomades de marchands ou de propagandistes appartenant à la myriade d'opinions christiennes rivales[1], la plupart des autres hominines vouent un culte aux pierres et croient à des créatures mythologiques peuplant le désert. Ces pierres, appelées bétyles selon une étymologie sémitique beth-el signifiant "maison de dieu", sont souvent sanctifiées. Elles sont choisies pour leur spécificités géologique, leur origine météorique ou leur proximité avec des points d'eau. Il n'y a pas de culte unifié mais des pratiques et des croyances locales qui subissent des influences diverses. Comme pour les christiens, les mosaïques ou les sabéens, leurs passés se peuplent de héros mythiques ou de reines légendaires, de royaumes anciens ou de personnages imaginaires. Ces croyances bétyliques sont alors partagées du golfe d'Aden jusqu'à la Méditerranée. La société péninsulaire n'est pas qu'une organisation bédouine et nomade de l'espace, elle se compose aussi de quelques concentrations urbaines qui maillent les routes marchandes. S'ils ne sont pas des centres politiques, ces relais permettent l'émergence de riches familles de marchands qui s'accaparent un peu de pouvoir politique local de part leur importance économique. La Mecque, par exemple, est alors dirigée par des familles de marchands appartenant à la tribu de Quraych qui s'impose - politiquement et militairement - aux autres ou avec qui elle fait des alliances. Les quraychites sont ainsi divisés entre différents clans familiaux. Les alliances entre les tribus nomades, pourvoyeuses de marchandises, et les citadines sont des équilibres fragiles. Certaines tribus nomades préfèrent le pillage des caravanes marchandes. La Mecque est aussi un lieu de pèlerinage local lors duquel les trois divinités féminines Al-Lât, Al-Uzzâ et Manât sont invoquées lors de circumambulations bétyliques - c'est-à-dire en tournant autour d'une pierre - à proximité d'une source d'eau quasi-permanente. D'autres bétyles sont vénérés dans la péninsule ainsi que d'autres divinités et donnent lieu aussi à des pèlerinages pour les tribus locales. La Mecque est alors un lieu de culte parmi d'autres[6] où des adeptes des monothéismes mosaïco-christiens vivent ou sont de passage. Ces hominines du presque-rien ont des pratiques linguistiques diversifiées. Dans le sud de la péninsule se parlent des langues sudarabiques qui se différencient des parlers arabiques du nord qui, eux-mêmes, ne forment pas une unité mais une sorte de continuum linguistique qui s'étend jusqu'à la côte méditerranéenne. La mise par écrit ne comporte pas encore les voyelles car elles ne sont pas totalement indispensables pour une bonne compréhension du texte. Les poètes et les adeptes du tag raffolent de cette absence qui décuple les sens. Les influences politiques et culturelles les plus fortes sont exercées du nord par deux royaumes christiens rivaux (Lakhmides et Ghassanides) : le premier allié aux perses et le second aux byzantins. Toute la région partage alors - d'une manière ou d'une autre - l'héritage des civilisations araméennes, grecques, romaines ou nabatéennes qui se greffent et s'entrecroisent avec des substrats culturels plus locaux dans une sorte de macédoine. L'alphabet utilisé pour noter la langue parlée est dérivé de celui des nabatéens qui s'étaient eux-mêmes inspirés de l'écriture araméenne. Pour tous les adeptes des monothéismes, ex nihilo renvoie à l'idée d'un dieu créateur de rien. Des recherches récentes - en terme de protivophilie - tendent à montrer que les copistes ont tronqué le latinisme ex nihilo nihil fit, "rien ne vient de rien", en laissant croire que cela change rien. Et insinuer ainsi que "Rien est divin" est similaire à "Rien n'est divin".
Graffitis & CieAu début du VIIème siècle, la région du Hedjaz - où est située La Mecque - est dans un contexte régional de conflits politiques permanents entre les empires romain (byzantin[8]) et perse, dans lesquels ils ont chacun des alliés locaux. Après les nombreuses guerres qui se sont menés, les deux empires sont très affaiblis et leurs alliés perdent en influence dans le premier quart du VIIème siècle. Dans le camp byzantin, le royaume d'Aksoum, au sud, recule et se retire de la péninsule pour laisser la place aux perses, et les ghassanides, au nord, qui ont résisté sont finalement persécutés par leur allié pour leur dissidence religieuse. Les lakhmides et tous les petits royaumes le long des côtes de la péninsule sont vassalisés par l'empire perse qui s'étend un peu plus. Après la chute du royaume de Kindah - dans le centre - détruit par les lakhmides au milieu du VIème siècle, ce nouvel affaiblissement des royaumes et empires environnants fait diminuer encore un peu plus la pression militaire et politique sur le Hedjaz et le centre de la péninsule, laissant ainsi plus de latitudes aux dynamiques locales.Le terme de hedjaz signifie "barrière" et désigne une zone côtière située dans la partie nord des Monts Sarawat qui cheminent tout le long des côtes de la mer Rouge jusqu'à l'océan Indien. La chaîne montagneuse est un rempart naturel qui, sur son versant maritime, est fait de falaises abruptes qui rendent difficiles les incursions venues de la mer. La région du Hedjaz est une zone située entre la façade maritime et les vallées des Monts Sarawat, arrosée par de petits cours d'eau (oued). Une de ces vallées abrite La Mecque. De l'autre côté des montagnes, plus à l'est, l'environnement est désertique et difficile d'accès. Cette relative tranquillité profite aux familles marchandes qui n'interrompent pas les voies commerciales et continuent d'alimenter les empires - même affaiblis - et les royaumes environnants. Sa situation géographique fait de la péninsule un passage obligé pour les marchandises. Les quraychites prétendent détenir leurs droits sur la cité de La Mecque d'un lointain ancêtre, dans une généalogie discutable d'une multitude de clans familiaux qui se répartissent - ou se disputent - le pouvoir politique et économique. Parmi les croyances religieuses, le monothéisme est présent dans la péninsule sous différentes formes qui mélangent les traditions issues des multiples mosaïsmes alors existant et qui, pour certaines, croient en l'existence d'un nouveau messie nommé Jésus. Ces "sectes" monothéistes mosaïco-christiennes s'affrontent théologiquement sur la nature de dieu et de son hypothétique messie[9]. L'adoption par l'empire romain d'une forme de christisme parmi d'autres comme religion d’État en 380 et les politiques répressives menées contre les autres courants mosaïco-christiens ont poussé beaucoup de leurs adeptes à fréquenter les marges des empires. Leurs idées suivent les voies de commerce. Des graffitis retrouvés sur des vestiges archéologiques attestent d'une croyance monothéiste - pré-mahométane ? - à travers une sorte de profession de foi qui déclare qu'il n'y a qu'un seul dieu, sans mentionner un quelconque prophète[10]. Un peu à l'image de l'univers de Conan le Barbare ou des contes pour enfants, les religions monothéistes abrahamiques sont peuplées de magiciens et de superstitions, de miracles et de prophètes dans des sagas construites pendant des siècles, dont la complexité surpasse Le Seigneur des Anneaux et la profondeur de pensée rivalise avec la pauvreté des dialogues de Star Wars. Les prétendants au titre de prophète sont légion. Les plus entreprenants affirment être en contact direct avec une divinité dont ils se proclament les représentants sur terre. Comme cela était prévu par les légendes. Les carrières sont diverses, et si certains accèdent à une certaine reconnaissance, d'autres devront se contenter du statut de poète ou d'idiot. Voir être lapidés.
Même si cela est pour les dénigrer, beaucoup de sources historiques religieuses ou profanes mentionnent tous les malheureux qui ne furent pas reconnus. Ou finalement rejetés par leurs adeptes. Faire carrière dans le prophétisme n'est pas chose sans risque. Par principe, il ne peut y avoir trop en même temps. Les places sont chères et la concurrence est sévère. De manière plus synthétique que la série documentaire Corpus Christi consacrée à ChristⒸ, un collectif de documentaristes britanniques spécialistes des origines des christismes nommé Monty Python, retrace de manière émouvante et tragique dans La vie de Brian le destin de celui qui fut désigné prophète alors qu'il ne demandait rien[12].
MahométansVu la quasi-absence de sources d'époque[14], il est difficile d'affirmer l'historicité d'un Mahomet qui naît en 570 à La Mecque et meurt en 632 à Médine[15]. Sa biographie se construit à travers des sources religieuses qui prétendent regrouper l'ensemble des propos et attitudes qui lui sont prêtés. Aucune fouille archéologique[16] ne confirme pour l'instant ce qu'il est possible d'en savoir par les textes coraniques et l'ensemble de la tradition mahométane. Les sources disponibles se contredisent parfois. Il en est de même pour le Coran. Les premières versions sont le résultat des choix de ses successeurs [17]. Les approches critiques (non-religieuses) des origines des mahométans s'affrontent sur le sujet[19]. Il n'est aujourd'hui pas possible d'en savoir plus, mais peu nous importe de savoir si, oui ou non, il a véritablement existé un certain Mahomet qui réussit à se faire reconnaître prophète par des adeptes de tel ou tel courant monothéiste. Il ne peut être prophète car dieu est une illusion. Au même titre, le Coran n'est qu'un livre, écrit progressivement par un ou plusieurs hominines, dont le contenu ne vaut pas plus qu'un autre écrit sur des sujets proches[20]. Son contenu n'est en rien original et regorge de références aux autres fois monothéistes. Il n'est pas une rupture mais une continuité possible, il est une tentative de syncrétisme de polythéisme bétylique, de monothéisme abrahamique et de quelques nouveautés nécessaires à marquer sa différence[21]. Comme les Torah mosaïques ou les Bibles christiennes, le livre saint des mahométans est un recueil de mythologies et croyances.
Autant dire que pour les autres prophètes des monothéismes abrahamiques il n'y a quasiment rien. Abraham, Moïse et ChristⒸ n'ont probablement aucune réalité historique. La seule certitude possible est que ce personnage - fictif ou réel - de Mahomet et les mythes qui l'entourent permettent à certaines familles quraychites de se construire une légitimité au fil des conquêtes militaires qui suivent la mort de ce supposé prophète. Profitant de la faiblesse des empires romain et perse, les tribus coalisées attaquent et avancent rapidement. Si à la mort de Mahomet le premier successeur semble faire consensus, il est assassiné par des opposants. Comme les deux seconds. Les difficultés d'une passation de pouvoir consensuelle sont un problème persistant au sein des familles quraychites[23]. Ali, époux de Fatima la fille de Mahomet, et cousin de ce dernier, est le quatrième prétendant à la succession. Ali est assassiné par ses partisans qui lui reprochent d'avoir accepté sa défaite face à son rival, Muʿawiya - membre de la famille du troisième calife - le fondateur en 661 de la dynastie omeyyades qui régnera de Damas sur le nouvel empire jusqu'en 750. Les quatre premiers califes font la quasi-unanimité parmi les croyants mais la mort de Ali est un tournant dans la nouvelle religion mahométane. Les critiques se font plus précises et se structurent progressivement en différentes factions qui chacune revendique une légitimité et une forme de succession du pouvoir spécifique. Les partisans d'Ali qui le punissent par la mort de sa prétendue trahison se nomment kharidjites[24]. Ils avancent que la direction de la communauté des croyants revient au meilleur d'entre eux, qu'elle que soit son origine tribale ou sociale. Même un ancien esclave est apte à diriger. Les alides, quant à eux, désignent ceux qui veulent que les descendants mâles directs d'Ali succèdent à leur ancêtre. Les autres reconnaissent la légitimité des omeyyades et donc le pouvoir en place. L'argumentation pour contester les successions s'appuie sur une interprétation du texte coranique et sur une lente construction idéologique et théologique à travers les écrits des érudits mahométans[25]. Les alides n'ont de cesse de contester le pouvoir des omeyyades et établissent leur propre généalogie du pouvoir, à travers une lignée d'imams qui descendent tous de Ali. Pour autant, ils se divisent aussi sur lequel choisir parmi les différents prétendants. A la mort de leur quatrième imam en 713, deux de ses fils se disputent sa place. Les uns choisirent Zayd ibn Ali, les autres Muhammad al-Bâqir. Les premiers, minoritaires, sont alors connus sous le terme de zaydites. Ils mènent des révoltes contre le pouvoir omeyyade et subissent en retour une terrible répression. Les zaydites se réjouissent lorsque Abû al-`Abbâs, descendant d'un oncle de Mahomet, renverse les omeyyades en 750. Il fonde la dynastie des abbassides qui, rapidement, se retournent contre les alides, qu'ils soient zaydites ou non. Les survivants du pouvoir omeyyade s'installent en Andalousie et plusieurs dynasties zaydites forment des pouvoirs locaux sur les marges de l'empire, sur les bords de la mer Caspienne, en Arabie Heureuse ou au Maghreb et plus tard dans une partie de la péninsule ibérique. En parallèle de ces contestations politiques, les écoles juridiques affirment leur différences philosophico-théologiques. Elles se nourrissent tout autant de leur histoire propre, d'une tradition maintenant plus que centenaire, que de nombreux apports des philosophies antiques ou d'autres religions monothéistes. Toutes les écoles juridiques se composent petit à petit un corpus politico-religieux d'auto-légitimation[26]. L'empire abbasside se renforce. Les alides, toutes tendances confondues, ne parviennent pas à s'imposer politiquement et leur acceptation par le pouvoir est toujours fragile. La mort en 765 de Ja`far as-Sâdiq, le sixième imam alide, provoque de nouveau de profondes dissensions. Face à l'absence de directives claires laissées par le défunt, les uns soutiennent son fils cadet alors que les autres lui préfèrent Muhammad ben Ismâ`il, le fils de son aîné Ismâ`il - mort avant lui. Surnommés ismaéliens, ils se distancient des autres alides et fondent plusieurs communautés dans des régions excentrées de l'empire. Une dynastie ismaélienne se détache. Face à la répression ou pour cacher l'impossibilité d'assurer une succession, les ismaéliens développent le concept d'imam caché. Cela signifie que même s'il n'est visible de personne, l'imam est vivant et s'exprime par l'intermédiaire de son représentant, le daï. Confrontés aux mêmes problématiques que les ismaéliens, les alides développent aussi leur concept d'imam caché qui se différencie de celui des ismaéliens car ils acceptent la croyance en l'occultation du douzième imam et misent tout sur son retour, ce qui leur vaudra le qualificatif de duodécimains. A ce jour, nous sommes toujours sans nouvelles de lui[27]. Pour fuir la répression abbasside, le douzième imam ismaélien se réfugie au Maghreb où des communautés ismaéliennes sont implantées et très influentes auprès de certaines tribus berbères[28]. Il se proclame calife en 909 lorsque les forces militaires ismaéliennes renversent les petits imamats locaux, puis conquièrent l’Égypte en 969. Il fonde ainsi l'empire fatimide, avec Le Caire pour capitale, dont les principaux rivaux sont l'autre califat, celui des abbassides de Bagdad, et l'empire byzantin. Les fatimides règnent jusqu'en 1171, s'étendant de l’Égypte à Jérusalem. Les guerres menées par les Croisés venus d'Europe et la pression de prétendants locaux effritent le califat qui se disloque petit à petit. Les Croisés créent des États autour de Jérusalem, des dynasties émergent au Maghreb pour s'affirmer royaumes indépendants, et l’Égypte puis une partie du Levant sont récupérées par la dynastie des ayyoubides - initiée par Ṣalāḥ ad-Dīn (Saladin) - qui gouverne jusqu'à son renversement en 1250 par la caste militaire des Mamelouks. Très affaiblis et sous tutelle des turcs seldjoukides, les abbassides ne résistent pas à l'arrivée des troupes mongoles. Bagdad tombe en 1258 et les survivants abbassides se réfugient auprès des mamelouks égypto-levantins. Bétyles mahométansDepuis l'apparition des mahométans, La Mecque est devenue ville-sainte dans laquelle trône la Kaaba. Interdite aux non-mahométans. Intégrant pleinement les croyances anté-mahométanes les bétyles sont toujours vénérés et tous les mahométans - hommes et femmes - se tournent vers eux pour effectuer leurs prières. Dans sa configuration actuelle, la Kaaba est une construction cubique recouverte d'un grand tissu. Deux bétyles sont incrustés à deux des coins. L'un est appelé Pierre Bienheureuse et l'autre Pierre Noire[30]. A quelques mètres de la Kaaba est installé un autre bétyle nommé Station d'Abraham, prétendument marqué de traces de pas du prophète biblique Abraham[31]. Sans prétendre qu'Abraham en soit à l'origine, il est probable que ce bétyle puisse effectivement être marqué d'une trace de pas d'homine : les préhistoriens retrouvent parfois de tels traces fossilisées avec le temps. Par exemple, dans la région de l'ancien royaume d'Axoum, des traces datées de 800 000 ans ont été mise à jour dans le désert de Danakil (actuelle Érythrée). L'entomo-fabuliste Bernard Werber, connu pour sa trilogie sur les fourmis - un sujet cher aux mahométans[32] -, tente lui-aussi en 1998 dans Le Père de nos pères une théorie à partir d'une trace de pas préhistorique. Adam, le "premier humain", serait issu des amours entre une truie et un hominine. Thèse certes hasardeuse et non-conforme aux croyances des monothéismes mosaïco-christo-mahométans, mais à peine plus romancée. Néanmoins, elle n'a pas donné naissance à une nouvelle religion.En plus de la circumambulation qu'il est nécessaire de faire autour de la Kaaba, le rituel du pèlerinage intègre un autre rite pseudo-bétylique. A environ 5 km de la Kaaba trois piliers espacés de 150 mètres symbolisant le diable doivent être lapidés par les fidèles. Des travaux récents ont transformé ces trois piliers en de longs murs courbes. Le rituel impose aussi d'aller sur deux petites montagnes proches. Le rituel complet actuel - outre les quelques nouveautés propres aux mahométans - reprend celui pratiqué par les citadins anté-mahométanes de La Mecque et celui des Bédouins, intégrant les bétyles et les lieux de sacralité alentours. Les fidèles y voient une preuve - par l'absence - de l'ancienneté d'un rituel institué par Adam[33] lui-même, les autres une simple récupération d'anciennes croyances selon des procédés déjà utilisés par les mosaïco-christiens. Très éloignées des pratiques dionysiaques de François Augiéras qui - des siècles plus tard - préfère voir en la pierre une source de plaisir, une texture sur laquelle frotter son sexe pour en jouir[34]. Plutôt que de tourner autour, une autre manière de sanctifier des pierres consiste pour les mosaïco-christiens à en rapprocher une multitude de plus petites sur des hominines grâce à des jets, souples et déterminés, effectués par plusieurs autres hominines. Prenant garde de ne toucher que le bénéficiaire de ce rituel dans ce qui relève aussi d'un jeu d'habilité. Appelée "Jetée bétylique" par les mosaïco-christo-mahométologues, la lapidation est une pratique souvent considérée comme punition par celui ou celle qui en est la cible. Qui d'ailleurs souvent en meurt. Cette tradition est présente dès les premiers textes mosaïco-christiens. Puis mahométans. Ils conservent un rituel punitif employé parmi d'autres communautés politico-religieuses en reformant légèrement les justifications de cet amoncellement bétylico-hominine. La lapidation n'a pas attendu les mahométans pour ravir les adeptes. Entre Moïse et Mahomet, Jésus aka ChristⒸ propose une pause dans la pratique de la "Jetée bétylique". Il lui semble plus efficace de privilégier le glaive dans l'argumentation face aux "incroyants", inventeur de fait du concept guerrier que les mahométans nommeront jihad plusieurs siècles après[35]. Extraits de quelques propos tenus par ChristⒸ selon ses biographes officiels :
Avec ChristⒸ les monothéistes tentent de s'extraire de l'âge de pierre. Ses successeurs, christiens et mahométans, y affûtent leurs lames et font une entrée sanglante dans l'âge de fer[38]. PrécisionsLe terme de sunnite renvoie généralement à ceux qui ont opté pour les ommeyades, puis plus largement aux croyants qui suivirent les règles théologiques développées par différentes écoles juridiques depuis les omeyyades et leurs successeurs abbassides. Les mahométologues considèrent qu'il existe quatre grandes écoles parmi les sunnites (hanbalisme, chaféisme, hanafisme et malikisme d'après le nom de leur fondateur). Celui de chiite englobe tous les alides : zaydites, ismaéliens et duodécimains (ou jafarites du nom du sixième imam) pour ne citer que les plus importants[40]. Le kharidjisme est une école spécifique, la plus ancienne de toute. Très minoritaire, elle subsiste encore de nos jours en Tunisie, en Libye et en Oman sous une forme réformée que l'on appelle ibadisme. Aucune de ces écoles ne peut donc prétendre à représenter une orthodoxie, ni prétendre être les "vrais mahométans". A partir du IXème siècle, les érudits et théologiens mahométans commencent à fixer les dogmes et les interprétations de ces écoles, renforçant de fait les différences entre elles. Malgré cela, les frontières entre ces écoles ne sont pas nettes et leurs théologies ou jurisprudences s'entrecroisent. Par exemple, les fondateurs du malikisme et du hafafisme sont élèves de Jafar, le sixième imam alide, et le zaydisme - estampillé chiite - est plus proche des écoles sunnites que le sont les ismaéliens ou les duodécimains. Il existe aussi plusieurs courants mystiques ou confrériques qui ne correspondent pas exactement aux répartitions selon les madhhab et font des jonctions entre certaines sur des sujets théologiques ou des rituels particuliers.Les croyances et mythologies des adaptes de Mahomet se rattachent à celles des adeptes de Moïse ou de ChristⒸ, avec qui elles partagent les mêmes prophètes et la même divinité. Pour résumer quelques millénaires de théologie monothéiste, disons qu'il existe un dieu créateur de tout, omniprésent et omniscient. Il est Tout. Les hominines sont ses créatures préférées. Parfois, cette divinité envoie aux hominines des messagers qui viennent rappeler que "Il n'y a aucune raison qu'il soit facile d'être hominine". Ou, pour le dire en termes monothéistes - "Les voies du seigneurs sont impénétrables". Car, généralement, les messagers emploient des formes d'expression peu claires et alambiquées - appelées paraboles - qui transforment considérablement le sens profond et permettent de justifier le monde existant. Cette divinité monothéiste[41] est joueuse et cruelle par nature, rancunière par principe et jalouse par ennui[42] : elle met les hominines en demeure de suivre aveuglément les règles d'un jeu, avec des menaces permanentes de punitions horribles en cas de non-respect, tout en leur faisant croire qu'il serait possible d'y échapper. Un jeu auquel personne n'a demandé à jouer.
Les religions et les croyances non-monothéistes regorgent aussi de divinités les plus improbables dont les mythes fondateurs sont tout aussi abracadabrants : un acte zoophile entre un "Ancêtre" et un autre animal, une tortue par exemple ou un raton-laveur, un être imaginaire géant dont les excréments font naître la vie, des esprits arboricoles qui décident d'expérimenter la bipédie ou une catastrophe causée par des ancêtres distraits qui contraint maintenant les hominines à chasser le mammouth et gratter la terre, etc. Dissidences et qarmatesDepuis la mort de Mahomet, la bataille pour sa succession politique divise profondément la communauté de ses adeptes. Dans certains cas, cela s'apparente à un état de "guerre civile" que se mène les prétendants et leurs troupes. Alors qu'au nord de la Méditerranée les christiens se structurent en Église entrecroisée au pouvoir politique - souvent dynastique - mais qui agit "indirectement" sur lui, les mahométans préfèrent s'organiser en dynasties - un peu sur le modèle tribal - qui détiennent directement le pouvoir. Par l'expansion des mahométans, les fidèles sont de plus en plus divers dans leurs origines ou leurs conditions sociales. Tous et toutes ne sont pas originaires de la péninsule arabique - donc sans lien de "famille" avec le prophète - et parlent parfois d'autres langues que celles qui s'y pratiquent. Si les kharidjites sont les premiers à contester le "lien de sang" dans la succession du pouvoir, les alides ne sont pas en reste. ExagériensParmi les multiples "courants" qui existent au sein des kharidjites et des alides vont apparaître des formes extrémistes, dite ghulât qui signifie "exagéré"[40]. Ces "exagériens" sont régulièrement accusés d'avoir des interprétations trop symboliques qui réduisent finalement les restrictions religieuses à rien.
Dans ce verset obscur et contradictoire, les mahométans non-exagériens - trop sensibles à la poésie - voient ce qu'ils nomment un "septain oxymorique" - une contradiction en sept pieds - qui est pour eux la marque du style poétique inimitable et de la beauté des textes mahométans, alors que les exagériens y décèlent une invitation à mettre fin à tout. Mais pour cela ils attendent quelques signes leur indiquant le moment exact. Entre autre la venue d'un mahdi qui guidera le monde et annoncera la fin des temps ! Il est attendu fiévreusement par nombres d'alides. Parfois cela se transforme en révoltes armées ou en soulèvements populaires. QarmatesOutre la propagande et l'implantation dans le Maghreb, les daï ismaéliens créent des communautés à travers l'empire abbasside. Hère de rienDans la ville de Koufa - actuel Irak - s'installe un petit groupe sous la direction de Hamdan "Qarmat" Ibn al-Ach'ath qui, selon la tradition mahométane, était un "pauvre hère", laboureur et exploité, en révolte contre le pouvoir abbasside et gagné à la cause par un daï en 874. Tout en résistant au pouvoir abbasside, Hamdam Qarmat envoie quelques daï vers le sud de la péninsule arabique et le long de ses côtes orientales pour y implanter de nouvelles communautés. Leur dawa (propagation) s'adresse aux alides non-ismaéliens en deuil de leur onzième imam et de la disparition du suivant qui est, selon eux, "occulté". Alides qui prendront le nom de duodécimains.La création de l'empire fatimide à partir des bases ismaéliennes au Maghreb ne suffit pas à convaincre Hamdam Qarmat que le nouveau calife est le mahdi qu'il prétend être[44]. Il rejette catégoriquement cette revendication. A la mort de Hamdam Qarmat, ses deux successeurs continuent à se battre militairement dans des attaques lancées contre le territoire abbasside. Alors qu'elles menacent Bagdad, les troupes qarmates sont défaites en 907. Plus au sud, le long de la côte orientale de la péninsule, les communautés qarmates résistent aussi, puis progressent face aux abbassides. La prise de plusieurs oasis et ports permet la création d'un État qarmate viable dès le début du Xème siècle[45]. En 913 lorsque l'instigateur de cet État meurt, son frère lui succède pendant 10 années en attendant la majorité du fils aîné. Lorsqu'en 923 Abû Tâhir prend les rênes du pouvoir qarmate, il a tout juste 17 ans[46]. Dans les premières années du règne guerrier d'Abû Tâhir, le territoire qarmate s'étend de l'actuel Qatar jusqu'au Koweit, englobant les oasis de Al-Hassa et Qatif (actuelle Arabie saoudite) et les îles Awal (actuel Bahreïn) jusqu'aux limites du désert de la péninsule. Bassorah est attaquée et pillée en 924, sa mosquée détruite par les assaillants qarmates. Les caravanes de retour ou en partance pour la Mecque sont régulièrement attaquées et les pèlerins sont généralement tués. Ère de rienDepuis l'apparition des ismaéliens, le corpus théo-philosophique s'est étoffé au fil des décennies de travaux, de traductions et d'interprétations de nombreux textes issus des pensées philosophique et mythologique de la Grèce antique. Plusieurs courants christiens et les religions pré-mahométanes non-monothéistes influent aussi sur la mise en place d'une pensée ismaélienne originale. On retrouve ainsi la réincarnation chères aux anciens grecs, ou la nature divine de l'hominine proclamé porte-parole de la divinité unique, idée défendue par certains christiens. La littérature ismaélienne est riche et touche des domaines aussi diversifiés que la philosophie, les mathématiques, la géographie ou l'astronomie pour n'en citer que quelques-uns. Par cet enrichissement, les ismaéliens affirment se conformer au mieux à leur religion et être au plus prêt du sens caché des textes sacrés mahométans. La proximité entre astronomie et astrologie chez les ismaéliens n'est pas dû à une mauvaise compréhension de la langue grecque, ni à une erreur, mais elle est la conséquence de l’interconnexion entre science et religion. L'astronomie est une activité répandue parmi les savants mahométans qui écrivent de multiples traités pour rendre compte de leurs observations du ciel. Ainsi, la conjonction des planètes Saturne et Jupiter dans le ciel terrien en 928 est pour les qarmates le signe d'un nouveau cycle, attendu. Ce 27 octobre 928 clôt les cycles qui se sont succédés depuis la mort de Mahomet pour ouvrir l'ère de la religion selon les qarmates. Sur un mode proche de l'horoscope, une étude datée de 1886 sur les "carmathes" nous éclaire :
Les adeptes de l'astrologie à la page-détente d'un quotidien régional ou du dossier de magazine consacré aux prévisions de l'année suivante comprennent sans doute que cela annonce de bonnes choses à venir pour les qarmates, les autres doivent se contenter de l'obscurité d'une telle formule. Au nom de leurs croyances en la parole de Mahomet, les troupes qarmates menées par Abû Tâhir traversent la péninsule pour se diriger vers le Hejjaz en 930. Avec la ferme intention d'en découdre, inspirées de ces quelques mots coraniques attribués à Abraham :
Ils attaquent La Mecque et massacrent tous les mahométans en train de faire le pèlerinage. La source de Zamzam est comblée avec des cadavres. Le sanctuaire de la kaaba est profané par les fidèles qarmates qui arrachent la pierre noire de son socle. Déjà endommagée en 683 par une catapulte omeyyade, puis rafistolée, la pierre est de nouveau brisée en plusieurs morceaux. Le tissu recouvrant la kaaba est mis en pièces. Pour les qarmates, le sanctuaire de La Mecque est une tradition païenne qui ne fait rien d'autre que vénérer une pierre, une forme d’idolâtrie fort éloignée du message de Mahomet. Mettre à mort des pèlerins dans un endroit prétendument sacré est pour eux une démonstration éclatante - et sanglante - de l'absurdité d'une telle prétention. Après le pillage désacralisateur de la ville, les qarmates repartent avec la pierre noire qu'ils stockent ensuite dans un coin. La même année, les qarmates s'implantent jusqu'aux côtes omanaises, au sud de la péninsule arabique et, au nord, remontent jusqu'à Koufa qu'ils occupent plusieurs semaines avant d'en être chassés. En 931, à l'apogée territoriale et militaire de l'État qarmate, Abû Tahîr présente à ses fidèles un jeune esclave originaire d'Ispahan (actuel Iran) comme étant le mahdi tant attendu. Celui qui doit, selon les qarmates, restaurer la vraie religion, celle de l'époque d'Adam, paradisiaque et sans lois. Les prescriptions mahométanes sont abolies : la prière, le jeun, le pèlerinage. Le sens caché du coran se révèle ainsi être sa propre caducité. La liberté est pour maintenant, et le reste n'a aucune importance[49]. L'ensemble des obligations liées à la loi mahométanes (charia) sont définitivement rejetées.
Une partie des qarmates refusent ce mahdi et quittent le territoire. Malheureusement pour les autres qarmates, et particulièrement pour le mahdi, ce dernier s'avère n'être rien d'autre qu'un simple hominine n'ayant aucun lien privilégié avec la divinité. Il y a erreur sur la personne. Pour cette faute impardonnable, il est assassiné par Abû Tahîr. La liberté fut de courte durée. A la mort d'Abû Tahîr en 944, sa succession se divise entre différents prétendants, mais finalement un système de conseil est mis en place. Après plusieurs négociations, la pierre noire est envoyée à Koufa en 950 afin d'y être examinée puis elle est restituée à La Mecque, contre une rançon selon certains. La prise de Damas en 968 étend le territoire qarmate mais accentuent les affrontements militaires contre les fatimides et les abbassides. En 977, l'État qarmate affaibli n'est plus en mesure de conserver Damas. Il se retire et se retranche dans son territoire de la péninsule pour redevenir une petite puissance régionale, prospère mais fragile, cernée par des puissances hostiles. Aidées par les abbassides et les turcs seljoukides, les îles Awal sont prise en 1058 par une tribu hostile aux qarmates, puis l'oasis de Qatif. Après plusieurs années de siège, l'oasis-capitale al-Hassa tombe en 1077. L'État qarmate n'existe plus. Une nouvelle dynastie est mise en place. Elle régnera sur la région jusqu'en 1253. L'erreur de casting pour le mahdi et les pressions militaires font taire les aspirations qarmates qui se dissolvent dans celles des alides duodécimains. Lors de son voyage à Qatif en 1331, Ibn Battuta ne mentionne aucune présence qarmate. Il décrit des pratiques religieuses d'alides qui pour lui sont tous des ghulât, des exagèriens[50]. Aire de rienNassiri Khosrau, qui visite la région au début du XIème siècle, décrit ainsi la société qarmate :
La plupart des textes sur les qarmates émanent de leurs opposants politiques ou religieux, et sont généralement à charge. Il est donc difficile de faire la part des choses entre ce qui relève de la calomnie ou de faits réels. Outre l'abandon des rituels de la prière et du pèlerinage, et la désertion des mosquées, l'organisation sociale qarmate est au centre des rares commentaires par des contemporains. Un "certain" égalitarisme - sauf pour les esclaves - et l'absence de différenciation entre hommes et femmes pour ne citer que les plus "marquants". Cela a suffit à alimenter les discours politiques sur le proto-communisme chez les qarmates ou sur les sources de l'athéisme. Air de rienLa plus grande partie du territoire de l'Etat qarmate est aujourd'hui située sur les îles Awal au Bahreïn et dans la province orientale (Ash Sharqiyah) de l'Arabie saoudite. Les habitants sont majoritairement alides duodécimains mais il serait fallacieux de penser qu'ils sont les descendants des qarmates utilisant la taqiya (dissimulation), faisant mine d'être de "bons mahométans", l'air de rien. NizâriensEn 1090, une communauté d'ismaéliens s'installent dans la forteresse d'Alamut (actuel Iran) sous la direction de Hassan al-Sabbah. Contrairement aux qarmates, ils reconnaissent le pouvoir et la légitimité des fatimides mais à la mort, en 1094, du huitième calife fatimide - et 18ème imam ismaélien - ils refusent de suivre Al-Musta'li, le fils cadet du défunt calife. Hassan al-Sabbah prend partie pour le fils aîné, Nizâr ben al-Mustansir, désigné selon ses partisans par son propre père avant de mourir. La révolte de Nizâr est écrasée. Il est emmuré et meurt en 1097. Son fils et successeur rejoint Hassan al-Sabbah à Alamut. Les nizâriens de Hassan al-Sabbah s'étendent et s'installent dans plusieurs autres forteresses en Perse et en Syrie fatimide. En parallèle d'une forte activité littéraire et philosophique, d'exégèses théologiques, les nizâriens deviennent de féroces opposants aux fatimides, puis aux Croisés qui tentent d'envahir la région à partir de l'Europe. Ils pratiquent l'assassinat politique contre les dirigeants, politiques ou religieux, fatimides ou croisés. Le terme assassin et le sens qu'on lui connaît ont pour origine une déformation d'un mot désignant les nizâriens que l'historiographie nomment souvent Assassins[52]. Le réseau qui se tisse entre les différentes forteresses renforce la puissance politique des nizâriens et fait de Alamut le centre d'un vaste mouvement de contestation. Une bibliothèque gigantesque est installée à Alamut dans laquelle se côtoient des ouvrages mahométans mais aussi christiens, des textes de la Grèce antique ou latins, des traités anciens, sur des sujets aussi divers que la philosophie ou la théologie, l'astronomie ou la médecine, les techniques et les sciences. Surnommé le "Vieux de la Montagne", l'érudit Hassan al-Sabbah est autant le chef militaire que spirituel de la communauté des nizâriens[53].
Après la mort de Hassan al-Sabbah en 1124 l'État nizârien se consolide sous ses différents successeurs, malgré les attaques des abbassides, des fatimides et des seldjoukides. En 1162, Hasan II ‘Alâ Dhikrihi al-Salâm succède à son père en tant que 23ème imam nizârien. Le 8 août 1164, il proclame la "Grande Résurrection" lors de laquelle les lois mahométanes sont suspendues afin de laisser place à la "vrai religion"[55]. Pour l'imam nizarien, le sens caché du texte coranique est ainsi dévoilé dans son intégralité[56]. Blessé, il meurt deux ans plus tard. Jusqu'en 1210, pendant les 44 années de son imanat, le 24ème imam nizârien poursuit la grande réforme entamée par son prédécesseur. Ses deux successeurs se font plus discrets et réinstaurent la pratique de la taqiya qui autorise les nizâriens à dissimuler leurs pratiques religieuses lorsqu'ils sont entourés de mahométans non-nizariens. Celui qui devient en 1255 le 27ème imam nizârien est tué lors de combats contre les troupes mongoles qui attaquent la région. En 1258, Alamut est rasée par les mongols. La forteresse syrienne de Masyaf est assiégée en 1260. La dernière forteresse nizârienne tombe en 1273. Les survivants se dissimulent dans la population ou se réfugient en Asie centrale et en Inde pour y former quelques communautés. La lignée des imams nizâriens ne parvient pas à maintenir son influence sur tous les groupes de fidèles qui n'ont parfois plus aucun contact entre eux. Plusieurs lignées concurrentes apparaissent. Les nizâriens de Perse se réorganisent vers le XVème siècle. Au XVIIIème siècle, en Perse, la dynastie d'origine turkmène - les qadjars - renverse le pouvoir en place et s'installe sur le trône de l'empire. Après des affrontements entre alides duodécimains et nizâriens qui se soldent par la mort du 45ème imam en 1817, l'empereur instaure le titre de "Agha Khan" pour le successeur de l'imam. Puis, il lui donne une de ses filles en mariage et le nomme gouverneur de province. Après une tentative de coup de force armé contre le nouvel empereur, Agha Khan Ier doit fuir la Perse et se réfugie en Inde en 1841. La justice britannique contraint les nizâriens des Indes à reconnaître l'autorité de l'Agha Khan qui peut ainsi disposer de l'ensemble des biens et richesses de la communauté. Riche héritier de cette lignée, l'Agha Khan Quatrième du nom est, de nos jours, un prince philanthrope qui dépense l'argent de ses adeptes dans des projets de scolarisation, de construction et de modernisation. Divine ironie que ce personnage tout droit sorti du Banquier anarchiste de Fernando Pessoa se dise nizârien. Encore un libertarien[57] qui s'approprie l'antique ex nihilo nihil fit, "Rien ne vient de rien" pour en faire le très moderne "On a rien sans rien".
DestructionsMalgré la protection divine dont il jouit, le sanctuaire de la kaaba n'a pas échappé aux destructions naturelles et aux profanations par des hominines.
Exégèse de rienUn texte intitulé Abû Tahîr. Portrait d'un qarmate[46] est attribué à F. Merdjanov. Il est à ce jour inédit. Les recherches entreprises par la protivophile n'ont pu aboutir à l'obtenir. Néanmoins, ces mêmes études ont permis de confirmer en partie son authenticité. Le choix du sujet et les questionnements qu'il implique sont en liens directs avec certaines thématiques de l'œuvre de F. Merdjanov. Le peu de sources disponibles sur Abû Tahîr ne permettent pas de dresser un portrait de ce personnage. Tout du moins si on exclue le roman. Pour l'instant aucune mention d'un quelconque roman écrit par F. Merdjanov n'a été trouvée. Le plaisir de souiller le sacré, de profaner le divin, de transgresser les lois, de ravager les cultures, de détruire l'ordre des choses, ou bien encore d'attendre rien sont des occupations qui ravissent toutes celles et ceux qui, comme F. Merdjanov, résument l'existant proposé à cette tragi-comédie qu'est Le trop petit prince[61] de Zoïa Trofimova. Les quelques commentaires protivophiles du texte Le Tout, le Rien[62] de F. Merdjanov parlent d'eux-mêmes : Depuis l'apparition des religions existent des profanations par des hominines pour qui le sacré se désacralise. Tout simplement. Combien de lieux de culte partis en fumée depuis des siècles ? En ce début de XXIème siècle, en France[63] et en Macédoine, l'incendie volontaire des lieux de culte est une pratique qui tend à devenir anecdotique face au saccage de crèche, à la destruction de crucifix, de cimetières ou de sapins de Noël. Tristement les églises ne sont généralement que légèrement dégradées et les mosquées et synagogues le sont pour des motifs racistes. Le pic de destruction est généralement atteint lors de conflits armés qui instrumentalisent le fait religieux. Du point de vue de la protivophilie, la plupart des profanations "historiques" sont faites pour des raisons non-protivophiles ! De nos jours, elles sont souvent le fait de satanistes, néo-nazistes, lucifériens et autres sornettes. Mais aussi sans doute par celles et ceux qui n'ont rien trouvé de mieux à faire. Ou peut-être par plaisir. La sacralité n'est pas que cultuelle, elle est aussi culturelle. L'art, par exemple, mérite son statut et doit donc en tirer les conséquences. Toute sacralité est un appel à profaner. Quoique l'on en pense, il est juste d'affirmer que les lois de la physique de la combustion fonctionnent tout aussi bien avec un lieu de culte, les guirlandes de la crèche ou le Louvre. Dans les deux premiers cas, le risque est de s'exposer aux lois vengeresses de la divinité et du Père Noël, et dans le dernier à la lapidation populaire[64]. Si pour les mahométans, il y a profanation de la kaaba, pour les qarmates il n'y a rien. Dans un autre registre que la profanation, les homnines pratiquent le blasphème. Contre les textes sacrés, les prophètes ou les divines illusions. Dans le monde mosaïco-christo-mohamétan, persiste depuis des siècles un triptyque blasphématoire, celui des trois imposteurs, qui affirme qu'il a existé trois imposteurs, un berger, un médecin et un chamelier que sont respectivement Moïse, ChristⒸ et Mahomet. L'imposture est question récurrente dans les monothéismes abrahamiques : pour les mosaïques, Jésus ne mérite pas son titre de ChristⒸ, pour les christiens, Mahomet est un affabulateur, et pour les mahométans, leur prophète est le successeur de tous les autres. Chacun s'accuse d'imposture. Il est parfois prêté à Abû Tahîr la paternité de cette réfutation des "Trois imposteurs", ou tout du moins aux qarmates[65]. La chasse qui est menée par les forces ecclésiales de Rome montre que ce thème est récurrent à partir du XIIIème siècle. Pendant les siècles qui suivent, quelques textes critiques de la religion sont écrits par différents auteurs[66]. L'un d'eux, Geoffroy Vallée, auteur de La béatitude des Chrétiens ou le Fléau de la foy[67], est pendu puis brûlé en 1574[68] pour avoir "tenu dit et maintenu les blasphèmes et propos erronés […] contre l’honneur de Dieu et de notre mère sainte Église" ! Le XVIIIème siècle - qui voit la réédition du texte de Geoffroy Vallée sous le titre de L'art de ne croire en rien - s'ouvre en 1712 (ou 1719) par la publication clandestine de La Vie et l’esprit de M. Benoit Spinoza. Ce texte est la plus ancienne publication connue - peut-être la première[69] - à reprendre le triptyque blasphématoire. Il est republié quelques années plus tard sous le titre de Traité des trois imposteurs. En 1777, une nouvelle version est publiée.[70]. Il circule à la même époque un texte en latin, intitulé De tribus impostoribus, que la traduction en allemand de 1753 présente comme datant de 1598. Les spéculations quant aux auteurs de ces textes sont nombreuses. Loin des cercles littéraires et philosophiques dont sont probablement issus ces auteurs mystérieux qui - comme les qarmates ou les nizâriens - attaquent frontalement la religion mais épargnent ou égratignent à peine la divinité, un curé d'une petite ville des Ardennes, Jean Meslier[71], laisse à sa mort en 1729 le manuscrit d'un ouvrage, écrit au long de ses quarante années au service de l’Église, et une lettre dans laquelle il en demande la publication. Intitulé Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, prêtre-curé d'Etrépigny et de Balaives, sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l'on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les religions du monde, pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux et à tous leurs semblables, connu sous le nom de Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier[72], ce texte est une longue réfutation et un pamphlet contre la religion et l'idée même de dieu. Il est finalement publié - et légèrement remanié - en 1762 par Voltaire sous le titre Testament de J. Meslier[73]. Moïse, ChristⒸ et Mahomet y sont qualifiés d'imposteurs. Et dieu de mensonge. Athée affirmé, post-mortem, Jean Meslier démontre que Tout est rien et conclut ainsi son ouvrage :
En pleine tourmente révolutionnaire en France, le Catéchisme du curé Meslier[75] est publié en 1790. Ce texte est généralement attribué à Sylvain Maréchal, auteur avec Gracchus Babeuf du Manifeste des égaux[76] et rescapé de la répression contre la "Conjuration des Égaux" en 1796. Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages prônant le refus et la négation de dieu[77].
Notes
|