Nanette Escartefigues : Différence entre versions
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Dans le cas du brigandage dans le Var, les quelques femmes impliquées et condamnées<ref>Karine Lambert, "La bande de Pourrières en procès. Genre, micro-histoire et brigandage en Provence", in collectif, ''Les brigands. Criminalité et protestation politique (1750-1850)'', Presses Universitaires de Rennes, 2016</ref> - contrairement à Nanette Escartefigues - auraient pu servir de base pour des personnages romanesques. Sans verser dans l'héroïsme "couillu", elles permettent de mettre en avant la participation de femmes à tous les niveaux de l'organisation : informatrice, receleuse, logistique et participation directe aux attaques. Un scénario pourrait ainsi décrire des formes d'organisation secrètes entre femmes-brigandes, en parallèle du réseau des hommes, dans lesquelles elles se protègent des violences sexistes, se vengent parfois, s'autonomisent financièrement en pratiquant elles-mêmes des actions de brigandages, viennent en aide à celles qui cherchent à avorter ou à fuir vers la ville, cachent les fuyardes condamnées par la justice... De la science-fiction selon Michel Gardère ? Et pourquoi pas une histoire fictive d'une grande grève des blanchisseuses dont Nanette et sa mère en seraient les protagonistes principales ? | Dans le cas du brigandage dans le Var, les quelques femmes impliquées et condamnées<ref>Karine Lambert, "La bande de Pourrières en procès. Genre, micro-histoire et brigandage en Provence", in collectif, ''Les brigands. Criminalité et protestation politique (1750-1850)'', Presses Universitaires de Rennes, 2016</ref> - contrairement à Nanette Escartefigues - auraient pu servir de base pour des personnages romanesques. Sans verser dans l'héroïsme "couillu", elles permettent de mettre en avant la participation de femmes à tous les niveaux de l'organisation : informatrice, receleuse, logistique et participation directe aux attaques. Un scénario pourrait ainsi décrire des formes d'organisation secrètes entre femmes-brigandes, en parallèle du réseau des hommes, dans lesquelles elles se protègent des violences sexistes, se vengent parfois, s'autonomisent financièrement en pratiquant elles-mêmes des actions de brigandages, viennent en aide à celles qui cherchent à avorter ou à fuir vers la ville, cachent les fuyardes condamnées par la justice... De la science-fiction selon Michel Gardère ? Et pourquoi pas une histoire fictive d'une grande grève des blanchisseuses dont Nanette et sa mère en seraient les protagonistes principales ? | ||
− | La protivophilie n'a peur de rien. Il lui est possible d'imaginer une fiction mêlant Nanette Escartefigues, [[F. Merdjanov]] et deux faits historiques majeurs : l'annexion de la rivière Var par le département des Alpes maritimes créé en 1860 et le crash du vol Ajaccio-Nice le 11 septembre (1968). Est-il si impensable, d'un point de vue romanesque, d'imaginer une consœurie secrète de blanchisseuses qui, grâce au trésor caché de Nanette Escartefigues et ses comparses, se lance dans l'aide à des familles de riverains du Var en lutte contre le projet de nouvelle frontière administrative ? Parvenant à rallier des milliers de personnes dans des manifestations publiques et suscitant des actions directes anonymes pendant des semaines, cette lutte se heurte au refus catégorique des autorités politiques. Les motivations sont diverses. Il y a celles et ceux qui décident de rester, d'autres qui préfèrent par commodité s'installer ailleurs, d'autres encore qui n'acceptent pas par principe une nouvelle frontière, et les plus extrémistes qui refusent de partir mais acceptent que la rivière soit déplacée dans les Alpes maritimes : cette option est dite de la "Zone à déplacer". Du côté des autorités, les options sont catégoriques : ce sont les populations réfractaires qu'il faut déplacer et pour cela créer une zone démilitarisée qui marquera l'ancienne frontière entre la France et le royaume de Sardaigne à qui appartenait le Comté de [[Nice]]. Rejetant le slogan "Le Var dans le Var", jugé trop réactionnaire, un petit groupe de personnes venues du Var et de l'ex-Comté de Nice tentent de s'organiser ensemble sur d'autres bases. Intersectionnel par nature, ce groupe se lance dans une sensibilisation - restée infructueuse - de la population non-hominine de la région à ce nouveau contexte politique. Puis, devant son incapacité à impulser un soulèvement général, il opte pour une stratégie radicale visant à détourner la rivière, aux cris de "Vous n'aurez rien". Il remonte toujours plus le cours du Var pour s'implanter au plus près de la source, pour mieux la contrôler. Ce grand départ vers la future Zone à détourner est encore emprunt de mystère. Si quelques corps furent retrouvés le long du chemin, partiellement dévorés par d'ex-hypothétiques alliés non-hominines, nulle trace du reste de ce groupe varo-niçois. Rien. Parfois qualifiés de nihilistes, une certaine mémoire protivophile locale en conserve le souvenir et continue encore de les appeler affectueusement " | + | La protivophilie n'a peur de rien. Il lui est possible d'imaginer une fiction mêlant Nanette Escartefigues, [[F. Merdjanov]] et deux faits historiques majeurs : l'annexion de la rivière Var par le département des Alpes maritimes créé en 1860 et le crash du vol Ajaccio-Nice le 11 septembre (1968). Est-il si impensable, d'un point de vue romanesque, d'imaginer une consœurie secrète de blanchisseuses qui, grâce au trésor caché de Nanette Escartefigues et ses comparses, se lance dans l'aide à des familles de riverains du Var en lutte contre le projet de nouvelle frontière administrative ? Parvenant à rallier des milliers de personnes dans des manifestations publiques et suscitant des actions directes anonymes pendant des semaines, cette lutte se heurte au refus catégorique des autorités politiques. Les motivations sont diverses. Il y a celles et ceux qui décident de rester, d'autres qui préfèrent par commodité s'installer ailleurs, d'autres encore qui n'acceptent pas par principe une nouvelle frontière, et les plus extrémistes qui refusent de partir mais acceptent que la rivière soit déplacée dans les Alpes maritimes : cette option est dite de la "Zone à déplacer". Du côté des autorités, les options sont catégoriques : ce sont les populations réfractaires qu'il faut déplacer et pour cela créer une zone démilitarisée qui marquera l'ancienne frontière entre la France et le royaume de Sardaigne à qui appartenait le Comté de [[Nice]]. Rejetant le slogan "Le Var dans le Var", jugé trop réactionnaire, un petit groupe de personnes venues du Var et de l'ex-Comté de Nice tentent de s'organiser ensemble sur d'autres bases. Intersectionnel par nature, ce groupe se lance dans une sensibilisation - restée infructueuse - de la population non-hominine de la région à ce nouveau contexte politique. Puis, devant son incapacité à impulser un soulèvement général, il opte pour une stratégie radicale visant à détourner la rivière, aux cris de "Vous n'aurez rien". Il remonte toujours plus le cours du Var pour s'implanter au plus près de la source, pour mieux la contrôler. Ce grand départ vers la future Zone à détourner est encore emprunt de mystère. Si quelques corps furent retrouvés le long du chemin, partiellement dévorés par d'ex-hypothétiques alliés non-hominines, nulle trace du reste de ce groupe varo-niçois. Rien. Parfois qualifiés de nihilistes, une certaine mémoire protivophile locale en conserve le souvenir et continue encore de les appeler affectueusement "vardariens" ou "variens". |
− | Rien n'atteste d'une survivance des variens après l'annexion fluviale définitive du Var par le département des Alpes maritimes. Bien sûr, le lien privilégié entretenu entre ce groupe et les plus radicales des blanchisseuses a fait dire à certains qu'il était possible d'envisager une persistance très discrète d'une "cellule". Discrétion si bien gardée qu'il n'existe aucune mention de ce groupe dans les cent années qui suivent les luttes de 1860. Officiellement, les blanchisseuses se sont depuis organisées en syndicat et la "tendance radicale" s'est noyée dans la masse. Nulle nouvelle du trésor de Nanette et consœurs. | + | Rien n'atteste d'une survivance des "variens" après l'annexion fluviale définitive du Var par le département des Alpes maritimes. Bien sûr, le lien privilégié entretenu entre ce groupe et les plus radicales des blanchisseuses a fait dire à certains qu'il était possible d'envisager une persistance très discrète d'une "cellule". Discrétion si bien gardée qu'il n'existe aucune mention de ce groupe dans les cent années qui suivent les luttes de 1860. Officiellement, les blanchisseuses se sont depuis organisées en syndicat et la "tendance radicale" s'est noyée dans la masse. Nulle nouvelle du trésor de Nanette et consœurs. |
− | L'émergence dans les années 1960 de nombreux mouvements révolutionnaires à travers le monde a suscité quelques peurs parmi les pouvoirs politiques constitués et du fil à retordre pour les préposés à la répression. Les actions de certains groupes révolutionnaires sont spectaculaires. Certaines sont revendiquées, d'autres non. Dans cette ambiance générale, il est facile pour la presse locale de sous-entendre que la disparition en plein vol de l'avion d'Air France reliant Ajaccio à Nice est un acte typiquement varien. La plus sensationnaliste de cette presse, toujours habile du jeu de mot douteux, a même glissé que le mini-tsunami lors de l'effondrement de l'aéroport de [[Nice]] en 1969 était à mettre sur le compte d'un terrorisme " | + | L'émergence dans les années 1960 de nombreux mouvements révolutionnaires à travers le monde a suscité quelques peurs parmi les pouvoirs politiques constitués et du fil à retordre pour les préposés à la répression. Les actions de certains groupes révolutionnaires sont spectaculaires. Certaines sont revendiquées, d'autres non. Dans cette ambiance générale, il est facile pour la presse locale de sous-entendre que la disparition en plein vol de l'avion d'Air France reliant Ajaccio à Nice est un acte typiquement varien. La plus sensationnaliste de cette presse, toujours habile du jeu de mot douteux, a même glissé que le mini-tsunami lors de l'effondrement de l'aéroport de [[Nice]] en 1969 était à mettre sur le compte d'un terrorisme de "vauriens" ! |
− | [[F. Merdjanov]] naît à Nice l'année suivante, en [[1970]]. | + | [[F. Merdjanov]] naît à Nice l'année suivante, en [[1970]], dans une famille d'origine macédonienne. Même si ses biographes n'hésitent pas à qualifier ses proches de vauriens, il est hâtif d'en déduire un quelconque lien entre un "ramassis [...] de bons-à-rien en qui la normalité ne voit rien de bon"<ref>"Vie et œuvre de F. Merdjanov"</ref> et les variens. Attentive à tous les détails, la protivophilie pointe la proximité phonique entre le terme de "vardariens" parfois utilisé pour désigner les "variens" et celui de "vardariens" pour nommés les hominines habitant la [[Macédoine du Vardar]]. Par ce discret indice, l'hypothèse d'une influence macédonienne dans la région se renforce, bien au-delà de [[Catherine Segurane]] ou de la [[salade niçoise]]. Quels sont les liens réels entre F. Merdjanov et les blanchisseuses ? Est-ce le trésor des brigandes qui permit son installation en apiculture sur les rives de la mer Noire ? Ou la publication des ''Analectes de rien'' ? |
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Version du 30 avril 2018 à 23:30
[En cours de rédaction] Anne "Nanette" Catherine Escartefigues. Héroïne malgré elle de romans pseudo-historiques, née dans le sud de la France - à une centaine de km de Nice - à la fin du XVIIIème siècle.
SommaireFille du rienAnne Catherine Escartefigues naît le 18 janvier 1774 à Saint-Martin-de-Pallières dans le Var[1], un village d'environ 400 habitants[2]. Surnommée "Nanette", elle est la dernière-née du couple Joseph "Martegau" Escartefigues et Thérèse Justine Préveraud qui ont déjà procréé cinq autres enfants depuis leur mariage en 1762 - quatre mâles et une femelle, selon l'état civil, nés entre 1763 et 1772[3]. Des deux précédents mariages de son père, Nanette possède quatre demi-sœurs qui sont déjà toutes mariées. Martegau exerce le métier de charbonnier et Thérèse celui de blanchisseuse.Après la mort de Joseph en octobre 1774, Thérèse Préveraud se remarie avec François "Franciau" Gacon, charbonnier de métier. La famille recomposée habite une maison à Saint-Martin-de-Pallières appartenant à Joseph Icard (Ycard) qui y vit aussi et y tient une auberge. En 1788, Suzanne, la sœur de Nanette, se marie avec Claude Gacon et quitte le village pour s'installer à Cuers. Mais après la mort de Claude, elle part s'installer en septembre 1800 à Aix. Elle trouve un travail de domestique chez un charcutier de la ville et n'a que très peu d'occasion de retourner voir sa famille dans le Var. Lorsque le dernier de la fratrie à se marier en 1794 quitte la maison familiale, Nanette reste avec sa mère et son parâtre. Elle exerce aussi l'activité de blanchisseuse pour survivre. Elle est, selon certains[4], illettrée. Sans savoir si cela relève de la "rumeur" publique et du dénigrement ou d'une réalité, elle "jouit dans le pays de la réputation d'une fille débauchée" selon deux de ses voisines[5], dont l'une d'elles sous-entend que Nanette est une prostituée. Mi-novembre 1802, profitant de l'absence du parâtre, deux inconnus s'introduisent dans la maison, menacent Thérèse et violent par deux fois Nanette[6]. Si ce viol avait eu pour conséquence une fécondation non désirée, il ne lui restait que la solution de l'avortement mécanique ou celui de l'infanticide au terme de la grossesse, s'exposer aux risques de complications mortelles ou aux foudres de la justice[7]. De ce que nous savons de la vie de Nanette à cette époque, le mots qui s'en rapproche le plus est rien. Enrobage historiqueLes régions de la Provence intérieure vivent au rythme des secousses des lendemains révolutionnaires[8] : les plus pauvres cherchent ce qu'ils sont censés avoir gagné, et les plus aisés tentent de conserver ce qu'ils sont censés avoir perdu. Les oppositions entre monarchistes et républicains sont une succession d'affrontements armés, de révoltes populaires villageoises, de pillages, d'assassinats ciblés et de demandes répétées à plus de "répartition des richesses". Le redécoupage administratif de la Provence après la Révolution française de 1789 et l'annexion de nouveaux territoires[9] instaure à la place quatre départements[10] : les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, les Basses-Alpes[11] et le Var. Var dévariéLa loi du 23 août 1793 sur les réquisitions est votée afin de faire face aux besoins de nouveaux soldats pour se battre contre les anglais et les espagnols, soutiens de la monarchie déchue. Tous les hominines mâles sont ainsi invités à venir gaiement donner leurs vies pour la "patrie en danger". Beaucoup refusent. Ceux qui le peuvent parviennent à fuir à l'étranger, d'autres se cachent dans les grandes villes et d'autres encore préfèrent se réfugier dans les arrière-pays de la côte méditerranéenne varoise. La loi du 4 nivôse IV punit de la peine de mort quiconque incite à la désertion, à rejoindre l'ennemi ou des bandes de brigands et rebelles. Celle du 24 brumaire VI punit d'une amende et de un an ou deux ans de prison toute personne accusée d'avoir caché un "réquisitionnaire" ou aidé à son évasion. Les incitations à rejoindre les rangs de l'armée française sont multiples, faisant appel aux récents sentiments patriotiques, à la crainte d'une répression féroce ou à un argumentaire qui ferait perdre la tête à Olympe de Gouges[12] :
Les guerre napoléoniennes accentuent la pression contre les jeunes hominines mâles, toujours plus nombreux à mourir pour les rêves de grandeur du nouvel empereur, toujours plus nombreux à refuser de rejoindre les armées. Contraints à une certaine forme de clandestinité, de jeunes varois déserteurs (ou réquisitionnaires) de l'arrière-pays s'organisent en bandes pour résister aux militaires qui les traquent. Régulièrement rejoints par des citadins, déserteurs eux-aussi ou "malfrats", à la recherche d'une vie plus "paisible". Se forment ainsi des bandes de brigands qui multiplient les attaques contre des convois postaux, des marchands et des marchandises en transit, les vols dans des maisons isolées et s'affrontent régulièrement avec des militaires qu'ils n'hésitent pas à abattre.
De part sa configuration géographique, l'arrière-pays fournit un endroit idéal pour qu'y apparaisse des phénomènes de brigandage :
Les tentatives de venir à bout de ce phénomène par une présence militaire accrue, via des patrouilles et des battues, ne suffisent pas à éradiquer les différentes bandes qui se constituent et n'hésitent pas à s'unir au gré des opportunités et des "bons-coups". Excédées, les autorités française désignent les arbres bordant les chemins nouvel "ennemi intérieur" dont il faut se débarrasser. Le 19 pluviôse VIII (8 février 1800), le commissaire du département des Basses-Alpes ordonne aux administrateurs des cantons situés dans l'arrondissement de Digne de faire couper jusqu'à soixante toises (une centaine de mètres) les bois longeant certaines routes, et le 15 thermidor VIII (3 août 1800) une amnistie est proclamée dans les départements de l'Ardèche, de la Drôme, de Vaucluse et des Basses-Alpes pour ceux des réquisitionnaires qui rejoignent les rangs et des menaces sont lancées contre les brigands accusés d'être des "sectateurs du système anti-social"[16]. Pour les autorités, ce brigandage est le fait de cinq bandes surnommées selon le nom de certains villages locaux, tout en reconnaissant qu'elles se font et se défont au gré des opportunités, qu'elles unissent temporairement des hominines et qu'elles se restructurent en permanence en réaction aux nombreux morts parmi elles !
Contrairement à quelques petites bandes royalistes actives dans la région, la plupart des brigands ne semblent pas avoir de revendications politiques. Hormis le refus d'être militaire, évidemment. D'après Joseph-Marie Maurel, parmi les jeunes brigands, il se disait qu'après des attaques de magasins ou de passants, des bandits marseillais, dans un geste de défiance vis-à-vis de la police, placardaient des affiches sur les murs avec le slogan suivant :
Outre qu'il permet à des réquisitionnaires d'échapper à la capture, le brigandage induit tout un réseau de connivences entre celles et ceux qui y participent et en tirent profit selon leur implication : informateur ou receleur, hébergeur ou soutien logistique. L'économie du brigandage met du "beurre dans les épinards" - mais ne permet pas un enrichissement - de celles et ceux qui ne se contentent pas de leurs "métiers" qui, bien souvent, est insuffisant pour survivre. À de très rares exceptions, le brigandage est une activité de "pauvres". Si le discours des autorités politiques les dénigre et les qualifie de contre-révolutionnaires, d'anarchistes, de chauffeurs ou de tout autre "nom d'oiseau", des papiers retrouvés après l'explosion d'Aups sur le cadavre de Daurel sont signés simplement "Pauvres fuyards"[19]. Faits et méfaitsLes méthodes de brigandage consistent principalement à dévaliser les porteurs de marchandises et de richesses sur les routes et chemins de la région, à piller des maisons isolées et, parfois, à attaquer des villages. Toutes formes de résistance entraînent la mort, les autres sont épargnés. Si celles et ceux qui sont assaillis ne révèlent pas où se cachent leurs biens, les brigands n'hésitent pas à leur extorquer par la force, les menaçant et les molestant. Certains font mention de torture par la technique dite de la "chauffe" qui consiste à brûler les pieds pour "faire parler". Plusieurs viols sont aussi commis par certains brigands, contre des voyageuses ou des femmes présentes sur les lieux attaqués, par ceux qui, imprégnés d'imaginaires culturels nauséabonds et frelatés, pensent ainsi folâtrer à la recherche d'un trésor à ravir. Tristes déserteurs qui ne se comportent pas mieux que des militaires en campagne. Quelques unes furent tuées pour avoir simplement rappelé aux voleurs trop entreprenants que, d'évidence, il n'y avait aucune cachette :
Sachant qu'en tant que déserteurs ou bandits pris les armes à la main ils risquent l'exécution immédiate s'ils rencontrent des militaires, les brigands ne laissent que très rarement en vie ceux qui les traquent. Les chroniques judiciaires et les autorités militaires mentionnent plusieurs cas où les militaires ont fait preuve de si peu de zèle que des brigands parviennent à échapper à un traquenard ou s'évader. Dans l'attente d'une solde qui n'est pas versée, ils ne désirent pas mourir que pour la "patrie en danger". La conscription n'est qu'une forme obligatoire du mercenariat. La liste ci-dessous ne recense que quelques uns des actes de brigandages ayant eu lieu dans le Var[21]. Les département alentours sont touchés plus sporadiquement par les mêmes "bandes".
Rien à déclarerAprès l'affrontement du 3 frimaire X (24 novembre 1802) à l'auberge de Joseph Icard, les autorités se lancent - à partir de leurs maigres informations - dans une vague d'arrestations pour "complicité d'aide aux brigands". Outre l'aubergiste, les autres locataires de la maison sont suspectés dès le 18 nivôse XI (8 janvier 1803) "d'entretenir des intelligences avec les brigands" et ordre est donné par le préfet de les arrêter. Le 14 ventôse XI (5 mars 1803), un mandat d'arrêt est lancé contre Nanette, sa mère et son parâtre. D'après la note de l'autorité judiciaire, Nanette est "la maîtresse déclarée de l'un" des brigands. Absent au moment de la venue des militaires le 28 ventôse XI (19 mars 1803), François Gacon échappe à l'arrestation mais Thérèse, Suzanne - venue rendre visite à sa famille - et Nanette sont arrêtées, transférées à la maison d’arrêt de Vinon puis à Brignoles[29], et enfin à Draguignan[30]. Arrêté peu de temps après, François Gacon meurt en prison le mois suivant[31]. L'arrestation de Jean-Pierre "Turriers" Pons[24], le 18 germinal (8 avril 1803), est un tournant pour les autorités judiciaires. D'abord fuyant, il admet quelques faits. Impliqué entre autre dans la fusillade du 3 frimaire, il est condamné à mort avec quelques autres de ses compagnons. Croyant pouvoir ainsi sauver sa peau, "Turriers" déclare avoir de nouvelles révélations à faire. Bref, qu'il était prêt à "balancer". Le 14 thermidor (2 août) il se lance dans un long témoignage[33] qui entraîne de très nombreuses arrestations. Avec force détails, il énumère tous les actes de brigandages auxquels il a participé et ceux dont il a entendu parler, et nomme toutes les personnes qui, selon lui, y ont participé.Feu François Gacon, la parâtre de Nanette Escartefigues, est dénoncé comme étant un receleur et informateur des brigands. Nanette est suspectée par les autorités judiciaires d'être la maîtresse de Tisté Penas[34] et de profiter des butins. À la question du juge qui lui demande s'il est vrai qu'elle est "la maîtresse de plusieurs bandes", Jean Pierre Pons se lâche :
Suzanne Escartefigues est interrogée le 23 thermidor XI (11 août 1803)[35] mais, rapidement disculpée par la balance, elle est libérée le 23 fructidor XI (10 septembre 1803). Thérèse Préveraud, la mère, est interrogée le 28 fructidor XI (15 septembre 1803[36]. Elle déclare ne rien savoir à propos d'objets volés et dit ne pas connaître qui sont le ou les amants de sa fille Nanette. Cette dernière est interrogée le 30 fructidor XI (17 septembre 1803 )[32]. Le juge la questionne pour savoir si elle a connaissance de la présence d'objets volés chez elle et si elle connaît Tisté Penas, son supposé amant. Elle nie pour les objets, admet connaître Tisté Penas qui cultive depuis trois ans des lopins de terre de la famille Escartefigues-Gacon mais sans pour autant le présenter comme son "amoureux". Reprenant les mots - ci-dessus - de "Turriers", le juge insiste sur son hypothétique pratique de la prostitution, ce qu'elle rejette catégoriquement. Des trois mises en cause, seule Nanette n'est pas confrontée au délateur "Turriers". Comme il se doit en de telles circonstances, Nanette ne sait rien, ne dit rien. Ne jamais dire quoi que ce soit à la justice ou la police est - ici et toujours - le maître mot, ainsi que le note allégoriquement le criminologue Marcel Pagnol dans une scène de Marius[37] où les quatre protagonistes jouent aux cartes :
Au long de ces procédures qui eurent lieu de la fin de l'an XI au début de l'an XII, 293 personnes - 56 femmes et 237 hommes - sont entendues, soit en tant que témoins, soit en tant que mises en cause. Parmi ces dernières, la plupart sont issues des couches sociales les plus pauvres et en grande partie illettrées[4]. Sur 56 femmes, 54 - dont Nanette - déclarent ne pas savoir signer, 2 savent. Sur 237 hommes, 132 ne savent pas et 105 savent. Sur ce dernier chiffre, il est a remarqué que 41 font partie des classes "bourgeoises"[39] et qu'elles sont entendues en tant que témoins. Disculpées, 26 personnes sont libérées. Thérèse Préveraud et Nanette le sont le 13 ventôse XII (4 mars 1804)[40]. Beaucoup des personnes incriminées par la justice dans ces affaires de brigandage sont décédées avant les procès, tuées dans des accrochages avec des militaires ou lors d'actions de brigandage. À l'issue du procès le Tribunal spécial du Var annonce ses sentences et ainsi, entre 1803 et 1805, les exécutions des quelques survivants se succèdent à Draguignan. Sans attendre l'apparition de la protivophile plus de deux siècles après, Jean Pierre "Turriers" Pons aurait dû savoir que se comporter ainsi face à la justice ne paye que très, très, rarement. Il meurt en prison dans le courant de l'année 1805. Bien au-delà de cet épiphénomène de brigandage dans l'ancienne Provence, il serait possible de faire une longue nécrologie de celles et ceux qui crurent - naïvement - échapper à la mort en donnant des informations ou des personnes à la police ou la justice. La plupart meurent dans les geôles ou bénéficient d'un régime de faveur lors de leur exécution : fusillées ou guillotinées en dernier, abattues plutôt que torturées, abandonnées ou affamées. Taquine, la justice ôte même ainsi à ses anciens comparses le plaisir de les traiter comme il se doit en de telles circonstances. Et après ?De retour à Saint-Martin-de-Pallières, Nanette s'y marie le 7 septembre 1807 avec Pierre Paul Arnoux[41], trois mois après la mort de sa mère Thérèse. Le nouveau couple s'installe à Vinon, d'où est originaire Pierre, et deux enfants naissent de cette union : Marie Claire le 20 mars 1808[42] et Jean Joseph le 26 mars 1810[43]. Pierre décède le 25 mars 1836 à l'hôpital maritime de Toulon[44]. À une date indéterminée, Nanette Escartefigues déménage à Aix où sa sœur Suzanne habite. Cette dernière meurt dans cette ville le 4 novembre 1840[45]. Nanette décède chez elle le 4 novembre 1847[46]. Son beau-frère et un voisin viennent faire enregistrer la mort. L'acte de décès précise qu'elle exerçait le métier de journalière. Sa dernière adresse est le 27 rue du boulevard Saint-Jean[47], actuelle Rue Pavillon.Pour l'instant, la vie de Nanette Escartefigues reste un grand mystère. Les quelques informations disponibles ne permettent pas d'en savoir plus[48]. Des recherches supplémentaires ne permettraient sans doute pas de déterminer qu'elles furent ses implications réelles dans les actes de brigandages, ni de connaître quelles furent ses mœurs. Les accusations portées contre Nanette peuvent être vraies et peut-être, a-t-elle effectivement des mœurs dissolues du point de vue de la "morale publique", libertine ou prostituée[7], et profité du brigandage par recel ou par cadeau, mais nous ne sommes pas en mesure d'affirmer telle ou telle option. Tout au plus est-il possible de trouver quelques informations de type domestique après son installation à Aix. Personne n'a pu pour l'instant fournir de textes écrits par Nanette elle-même, ce que les protivo-historiens aiment à nommer ses Mémoires de rien. Malgré les évidentes proximités entre la nécrophilie et la protivophilie, il ne semble pas utile pour cette dernière d'en exhumer plus sur Nanette Escartefigues. Et les vomissements provoqués par la lecture des sources policières et du témoignage d'une "balance" ne permettent jamais d'écrire une vie sans en livrer sa version policière. Il n'y a aucune raison de croire les paroles d'une personne qui ne pense qu'à sauver sa vie grâce à ses révélations, pas plus que celles affirmées lors d'un interrogatoire par un témoin ou un accusé. Face à la police et la justice la règle n'est pas de dire la vérité mais de raconter ce que l'on veut afin d'y échapper. Sans ne jamais impliquer d'autre que soi.
CimetièreDe 1799 à 1804, beaucoup de personnes impliquées dans le brigandage sont abattues (A) lors d'affrontements avec les militaires ou tuées (T) pendant des attaques, exécutées (E) ou condamnées au bagne (B) après décisions judiciaires. Les autres sont mortes sans plus de précision. Presque 200 personnes, très majoritairement issues de la proche région, meurent ainsi pendant cette période. Toutes ne figurent pas dans la liste ci-dessous. L'ampleur du phénomène et la dureté de la répression est considérable pour une si petite zone, avec des répercussions directes sur nombre de familles et individus. La source principale de cette nécrologie est la Copie de la procédure contre les prévenus de brigandage comme auteurs ou comme complices publiée en 1804 à Draguignan, dont "il ne reste que quelques exemplaires, la majorité ayant été détruite par les familles compromises dans les poursuites"[52], selon L'affaire des brigands d'Aups[53]Selon un historien de la Veuve - surnom de la guillotine - de Draguignan, "le condamné était généralement ligoté et basculé sur le ventre au moyen d'une planche coulissante. Avant que le couperet tombe". Plus d'un siècle d'utilisation de la guillotine a permis aux autorités judiciaires d'offrir aux badauds le spectacle d'environ 150 exécutions[54].
Enrobage romanesqueLe banditisme de grand-chemin est un sujet romanesque récurrent et, de part leur histoire, les quatre départements de l'ex-Provence ont alimenté quelques œuvres fictionnelles dont il est toile de fond[65]. Après son personnage héroï-comique du braconnier Maurin[66] échappant sans cesse au même gendarme, Jean Aicard puise dans l'histoire de Gaspard Bouis, né en 1757 à Besse-sur-Issole dans le Var, pour écrire Gaspard de Besse. Un bandit à la française en 1919[67]. Exécuté à Aix pour "crime de vol sur grand chemin avec armes " à l'âge de 24 ans[68], Gaspard Bouis est sans conteste le bandit du Var ayant le plus titillé la plume. Jouissant d'une réputation sympathique le présentant habile à détrousser les riches sans violence, épargnant les pauvres et défiant ouvertement la justice[69], il fournit matière à des poèmes, des complaintes et à plus d'une dizaine de romans depuis la première moitié du XIXème siècle. Après une adaptation cinématographique en 1935[70] et télévisuelle en 2006[71] du roman de Jean Aicard, Gaspard de Besse devient en 2000 le héros d'une bande dessinée éponyme en dix-sept tomes[72]. Jean Giono fut lui aussi inspiré par le brigandage. En 1970 L'iris de Suse, le dernier roman publié de son vivant, retrace l'histoire d'un brigand devenu berger. Un recueil de nouvelles écrites entre 1955 et 1965 intitulé Récits de la demi-brigade est édité deux ans après sa mort. L'une des nouvelles, La Belle Hôtesse, s'inspire de Marie "La Belle Marchande" Jourdan inculpée et exécutée à Digne le 22 septembre 1803 pour sa participation aux actes de brigandage dans le Var. L'auteur ne la met pas directement en scène mais elle est omniprésente. Il fait en effet le choix de situer l'action de sa nouvelle quelques temps après la mort de Marie Jourdan et de l'évoquer à travers les yeux d'une patrouille de militaires, en mission dans la région, qui ont entendu parler des tristes conséquences des dénonciations de Jean-Pierre "Turrier" Pons. Entre 1962 et 1967, Jean Giono écrit Dragoon dont l'intrigue tourne autour d'un hypothétique trésor caché des brigands devant servir à financer le lancement d'une entreprise. Resté inachevé, le roman est publié tel-quel en 1982. Les biographes de Jean Giono indiquent qu'il fut toute sa vie à la recherche du quatrième tome de la Copie de la procédure instruite contre les prévenus de brigandage comme auteurs ou comme complices, sans parvenir à se le procurer. La communauté protivophile est en émoi à l'idée qu'un manuscrit inédit de Jean Giono puisse encore être retrouvé. Est-il sur Nanette Escartefigues ? Après sa mort, Nanette Escartefigues devient elle aussi l'héroïne de deux romans : Nanette Escartefigue. Histoire de brigands[73] écrit en 1906 et L'insoumise de l'Estérel[74] en 2013. Dans les deux cas, les auteurs n'ont pour seule source que l'interrogatoire de Nanette et celui de la balance Jean-Pierre "Turrier" Pons. Ils ne retiennent que quelques dires de ce dernier pour forger un personnage romanesque de Nanette fort éloigné de ce que l'on peut en savoir réellement[75]. Autant dire rien. Peu perméable à la fiction, la protivophilie ne peut néanmoins ignorer l'existence de cet outil de distraction littéraire - bien antérieur aux mots-mêlés[76] - que sont les romans populaires. Les deux romans centrés sur Nanette Escartefigues sont ainsi l'occasion d'étudier deux styles littéraires différents que la protivophilie qualifie, par manque de termes plus précis, de "garien" et de "hïstérostorien". GarienEn 1906, à l'âge de 27 ans, Jean Galmot arrive en Guyane avec en poche le titre de propriété d'une mine d'or, le Placer Élysée. Bercé d'idéaux progressistes, il s'installe et fait fortune en instaurant un système économique qui garantie un prix d'achat fixe à ses intermédiaires locaux. Il se lance aussi dans la production de rhum. Se définissant comme un aventurier-entrepreneur, Jean Galmot met en place ce que de nos jours les alter-économistes appellent le "commerce équitable". Élu député de Guyane en 1919, il est poursuivi en justice, puis blanchi en 1923, dans un affaire d'enrichissements illégaux. Lors de son procès, il met en avant son "commerce équitable" et se dit victime des gros propriétaires qui n'apprécient pas ce dit commerce jugé trop favorable aux intermédiaires et aux salariés. Jean Galmot est de ces entrepreneurs qui pensent qu'il faut distribuer quelques jetons aux joueurs, histoire de les amuser un peu[77]. De nouveau prétendant à la députation en 1924, et favori, il n'est pas réélu grâce aux fraudes électorales organisées par son opposant. Pour des raisons que la protivophilie rejette et que rien ne[78] peut justifier, Jean Galmot dénonce son ami Alexandre Stavinsky[79] - ainsi devenu ex-ami - en 1926. Ce dernier écope de 18 mois de prison pour différentes accusations de fraudes et d'arnaques. Le 6 août 1928, Jean Galmot est retrouvé mort à Cayenne. Les circonstances obscures de cette mort et les rumeurs d'empoisonnement qui circulent rapidement déclenchent des émeutes à Cayenne. Quatorze personnes sont jugées en mars 1931 à Nantes pour leur participation à ces émeutes, mais le procès se transforme en charge contre le colonialisme et l'esclavage par les avocats de la défense et les accusés sont acquittés. Une statue lui est dédiée dans la ville de Cayenne. C'est avant de partir en Guyane que Jean Galmot publie à Nice son roman Nanette Escartefigue. Histoire de brigands[73] qu'il sous-titre "Les Barbets du Comté de Nice et les Réquisitionnaires de l'Estérel". Dans ce récit imaginaire, il mêle l'histoire des résistances à l'annexion par la France du Comté de Nice et les déserteurs qui refusent de servir dans l'armée française avec le banditisme du Var et ses "propres" déserteurs. Dans cette fiction, Nanette Escartefigues est amante de Jean-Pierre Pons dont elle partage le lit et les actes de banditisme. Romance, héroïsme et trahison sur fond historique. Sans y prétendre pour autant, ce roman de Jean Galmot est sans conteste un indice de sa clairvoyance quand à l'avenir du roman de gare. Celles et ceux qui défendent son côté progressiste et engagé peuvent peut-être voir dans son récit une allégorie politique pour dénoncer l'annexion de Nice par la France en 1860 et l'ouverture de la gare quatre ans plus tard. Cet engagement et cette praxis politique de proposer au plus grand nombre des lectures faciles pour influer rétrospectivement sur le cours des choses sont, selon ses détracteurs, qualifiés par ses défenseurs de "gariens".
HïstérostorienAutre style particulier de la littérature l'hïstérostorien est un savant mélange de théories sur l'hystérie, d'un brin d'éros et d'un aplomb d'historien. Moins drôle que des dialogues de San Antonio, moins sexuel qu'un SAS et un air de déjà-vu comme une couverture de L'Arlequin, l'hïstérostorien est un rendu littéraire qui en dit beaucoup sur les appétits sexuels et les fantasmes des auteurs. Dans L'insoumise de l'Esterel, publié en 2013, Michel Gardière invente une histoire dans laquelle Nanette est une cheffe de bandes de brigands, essentiellement constituées de jeunes hommes réfractaires à la conscription. Pour les amadouer, elle couche avec tous les nouveaux en leur faisant miroiter la prochaine. À travers un récit pseudo-historique, Michel Gardère nous livre tout une part de lui-même, de ses envies et de ses faces cachées. Mettant fin à des années d'attente fébrile pour ses fans, l'auteur nous livre enfin sa conception de la "femme fatale". Si rien de correspond à ce que nous savons de Nanette Escartefigues, presque tous les poncifs connus sur une soit-disante féminité y sont présents. L'hïstérostorien[81] est de ceux qui hésitent dans ses choix. Écrire un livre érotique ou pas ? Publiquement ? Assumer ou pas son sexisme ordinaire ? Être écrivain n'est pas chose facile. La protivophilie l'incite plutôt à rien.
Rien à dire ?Comme cela est souvent le cas, les liens entre F. Merdjanov est d'autres personnes tiennent à rien. Pour la protivophilie, il est évident qu'il en est de même avec Nanette Escartefigues. Elles sont de celles qui n'ont pas désiré que l'on s'exprime à leur place, qu'on leur fasse dire et faire des choses qu'elles n'ont pas voulu, ou tout simplement qui n'ont pas exprimé le souhait que l'on en sache plus sur elles. De la même manière que pour Nanette Escartefigues, rien de ce qui peut être écrit à propos de F. Merdjanov ne saurait être considéré comme véridique. Pour les hïstérostoriens et les gariens inspirés, la protivophile, en ce qui concerne F. Merdjanov, renvoie à la courte biographie qui lui est consacrée[82]. Enrobage protivophileMême si les préoccupations de la protivophilie sont toutes autres, l'écriture d'une fiction est un exercice littéraire qui peut présenter quelques intérêts. Sans se fier aux dires de la police ou de l'un de ses informateurs, il est toujours possible d'inventer des personnages romanesques à partir de personnes historiques liées à des évènements réels. Pour faire sortir de l'anonymat celles et ceux que l'histoire officielle n'a pas retenu, a dénigré, récupéré ou totalement détourné. Ou prendre prétexte d'une situation historique précise pour en inventer une autre version. Dans le cas du brigandage dans le Var, les quelques femmes impliquées et condamnées[83] - contrairement à Nanette Escartefigues - auraient pu servir de base pour des personnages romanesques. Sans verser dans l'héroïsme "couillu", elles permettent de mettre en avant la participation de femmes à tous les niveaux de l'organisation : informatrice, receleuse, logistique et participation directe aux attaques. Un scénario pourrait ainsi décrire des formes d'organisation secrètes entre femmes-brigandes, en parallèle du réseau des hommes, dans lesquelles elles se protègent des violences sexistes, se vengent parfois, s'autonomisent financièrement en pratiquant elles-mêmes des actions de brigandages, viennent en aide à celles qui cherchent à avorter ou à fuir vers la ville, cachent les fuyardes condamnées par la justice... De la science-fiction selon Michel Gardère ? Et pourquoi pas une histoire fictive d'une grande grève des blanchisseuses dont Nanette et sa mère en seraient les protagonistes principales ? La protivophilie n'a peur de rien. Il lui est possible d'imaginer une fiction mêlant Nanette Escartefigues, F. Merdjanov et deux faits historiques majeurs : l'annexion de la rivière Var par le département des Alpes maritimes créé en 1860 et le crash du vol Ajaccio-Nice le 11 septembre (1968). Est-il si impensable, d'un point de vue romanesque, d'imaginer une consœurie secrète de blanchisseuses qui, grâce au trésor caché de Nanette Escartefigues et ses comparses, se lance dans l'aide à des familles de riverains du Var en lutte contre le projet de nouvelle frontière administrative ? Parvenant à rallier des milliers de personnes dans des manifestations publiques et suscitant des actions directes anonymes pendant des semaines, cette lutte se heurte au refus catégorique des autorités politiques. Les motivations sont diverses. Il y a celles et ceux qui décident de rester, d'autres qui préfèrent par commodité s'installer ailleurs, d'autres encore qui n'acceptent pas par principe une nouvelle frontière, et les plus extrémistes qui refusent de partir mais acceptent que la rivière soit déplacée dans les Alpes maritimes : cette option est dite de la "Zone à déplacer". Du côté des autorités, les options sont catégoriques : ce sont les populations réfractaires qu'il faut déplacer et pour cela créer une zone démilitarisée qui marquera l'ancienne frontière entre la France et le royaume de Sardaigne à qui appartenait le Comté de Nice. Rejetant le slogan "Le Var dans le Var", jugé trop réactionnaire, un petit groupe de personnes venues du Var et de l'ex-Comté de Nice tentent de s'organiser ensemble sur d'autres bases. Intersectionnel par nature, ce groupe se lance dans une sensibilisation - restée infructueuse - de la population non-hominine de la région à ce nouveau contexte politique. Puis, devant son incapacité à impulser un soulèvement général, il opte pour une stratégie radicale visant à détourner la rivière, aux cris de "Vous n'aurez rien". Il remonte toujours plus le cours du Var pour s'implanter au plus près de la source, pour mieux la contrôler. Ce grand départ vers la future Zone à détourner est encore emprunt de mystère. Si quelques corps furent retrouvés le long du chemin, partiellement dévorés par d'ex-hypothétiques alliés non-hominines, nulle trace du reste de ce groupe varo-niçois. Rien. Parfois qualifiés de nihilistes, une certaine mémoire protivophile locale en conserve le souvenir et continue encore de les appeler affectueusement "vardariens" ou "variens". Rien n'atteste d'une survivance des "variens" après l'annexion fluviale définitive du Var par le département des Alpes maritimes. Bien sûr, le lien privilégié entretenu entre ce groupe et les plus radicales des blanchisseuses a fait dire à certains qu'il était possible d'envisager une persistance très discrète d'une "cellule". Discrétion si bien gardée qu'il n'existe aucune mention de ce groupe dans les cent années qui suivent les luttes de 1860. Officiellement, les blanchisseuses se sont depuis organisées en syndicat et la "tendance radicale" s'est noyée dans la masse. Nulle nouvelle du trésor de Nanette et consœurs. L'émergence dans les années 1960 de nombreux mouvements révolutionnaires à travers le monde a suscité quelques peurs parmi les pouvoirs politiques constitués et du fil à retordre pour les préposés à la répression. Les actions de certains groupes révolutionnaires sont spectaculaires. Certaines sont revendiquées, d'autres non. Dans cette ambiance générale, il est facile pour la presse locale de sous-entendre que la disparition en plein vol de l'avion d'Air France reliant Ajaccio à Nice est un acte typiquement varien. La plus sensationnaliste de cette presse, toujours habile du jeu de mot douteux, a même glissé que le mini-tsunami lors de l'effondrement de l'aéroport de Nice en 1969 était à mettre sur le compte d'un terrorisme de "vauriens" ! F. Merdjanov naît à Nice l'année suivante, en 1970, dans une famille d'origine macédonienne. Même si ses biographes n'hésitent pas à qualifier ses proches de vauriens, il est hâtif d'en déduire un quelconque lien entre un "ramassis [...] de bons-à-rien en qui la normalité ne voit rien de bon"[84] et les variens. Attentive à tous les détails, la protivophilie pointe la proximité phonique entre le terme de "vardariens" parfois utilisé pour désigner les "variens" et celui de "vardariens" pour nommés les hominines habitant la Macédoine du Vardar. Par ce discret indice, l'hypothèse d'une influence macédonienne dans la région se renforce, bien au-delà de Catherine Segurane ou de la salade niçoise. Quels sont les liens réels entre F. Merdjanov et les blanchisseuses ? Est-ce le trésor des brigandes qui permit son installation en apiculture sur les rives de la mer Noire ? Ou la publication des Analectes de rien ? Comme le dit Nanette Escartefigues lors de son interrogatoire : Notes
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