Nanette Escartefigues : Différence entre versions
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− | Suzanne Escartefigues est interrogée le 23 thermidor XI (11 août 1803)<ref>''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 539</ref> mais, rapidement disculpée par la balance, elle est libérée le 23 fructidor XI (10 septembre 1803). Thérèse Préveraud, la mère, est interrogée le 28 fructidor XI (15 septembre 1803<ref name="#therese">''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 598 - [http://analectes2rien.legtux.org/wikimerdja/images/8/8d/InterrogTherese.pdf En ligne]</ref>. Elle déclare ne rien savoir à propos d'objets volés et dit ne pas connaître qui sont le ou les amants de sa fille Nanette. Cette dernière est interrogée le 30 fructidor XI (17 septembre 1803 )<ref name="#nan">''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 604 - [http://analectes2rien.legtux.org/wikimerdja/images/e/ec/NanetteKeuf.pdf En ligne]</ref>. Le juge la questionne pour savoir si elle a connaissance de la présence d'objets volés chez elle et si elle connaît Tisté Penas, son supposé amant. Elle nie pour les objets, admet connaître Tisté Penas qui cultive depuis trois ans des lopins de terre de la famille Escartefigues-Gacon mais sans pour autant le présenter comme son "amoureux". Comme il se doit en de telles circonstances, Nanette ne sait rien, ne dit rien. Ne jamais dire quoi que ce soit à la justice ou la police est - [[ACAB|ici et toujours]] - le maître mot | + | Suzanne Escartefigues est interrogée le 23 thermidor XI (11 août 1803)<ref>''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 539</ref> mais, rapidement disculpée par la balance, elle est libérée le 23 fructidor XI (10 septembre 1803). Thérèse Préveraud, la mère, est interrogée le 28 fructidor XI (15 septembre 1803<ref name="#therese">''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 598 - [http://analectes2rien.legtux.org/wikimerdja/images/8/8d/InterrogTherese.pdf En ligne]</ref>. Elle déclare ne rien savoir à propos d'objets volés et dit ne pas connaître qui sont le ou les amants de sa fille Nanette. Cette dernière est interrogée le 30 fructidor XI (17 septembre 1803 )<ref name="#nan">''Copie de la procédure...,'' Tome II, p 604 - [http://analectes2rien.legtux.org/wikimerdja/images/e/ec/NanetteKeuf.pdf En ligne]</ref>. Le juge la questionne pour savoir si elle a connaissance de la présence d'objets volés chez elle et si elle connaît Tisté Penas, son supposé amant. Elle nie pour les objets, admet connaître Tisté Penas qui cultive depuis trois ans des lopins de terre de la famille Escartefigues-Gacon mais sans pour autant le présenter comme son "amoureux". Reprenant les mots - ci-dessus - de "Turriers", le juge insiste sur son hypothétique pratique de la prostitution, ce qu'elle rejette catégoriquement. Des trois mises en cause, seule Nanette n'est pas confrontée au délateur "Turriers". Comme il se doit en de telles circonstances, Nanette ne sait rien, ne dit rien. Ne jamais dire quoi que ce soit à la justice ou la police est - [[ACAB|ici et toujours]] - le maître mot comme le note très bien le criminologue Marcel Pagnol dans une scène de ''Marius'' où les quatre protagonistes joue aux cartes : |
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+ | Panisse - ''C'est ce coup-ci que la partie se gagne ou se perd''<br> | ||
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+ | César - ''Mais si tu avais fais attention au jeu, tu le saurais s'il coupe à cœur...''<br> | ||
+ | Panisse - ''Ne te gênes plus, montres lui ton jeu tant que tu y es.''<br> | ||
+ | César - ''J'ai rien dit, j'ai pas donné de renseignements. J'ai rien dit''<br> | ||
+ | Monsieur Brun - ''En tous cas nous jouons à la muette, il est défendu de parler...''<br> | ||
+ | Panisse - ''Et si c'était une partie de championnat, tu serais déjà disqualifié. ''<br> | ||
+ | César - ''Écoute Panisse. Moi, j'en ai fait plus de dix de parties de championnat. J'ai jamais vu une figure comme la tienne, dans les championnats.''<br> | ||
+ | Escartefigue - ''Évidemment. Et je me demande toujours si Panisse coupe à cœur...''<br> | ||
+ | Panisse - ''Et je te répète que lorsque l'on joue on ne doit pas parler. Même pour dire bonjour à un ami.''<br> | ||
+ | Escartefigue - ''Je dit bonjour à personne. Je réfléchis...''<br> | ||
+ | Panisse - ''Et ben, réfléchis en silence''<br> | ||
Au long de ces procédures qui eurent lieu de la fin de l'an XI au début de l'an XII, 293 personnes - 56 femmes et 237 hommes - sont entendues, soit en tant que témoins, soit en tant que mises en cause. Parmi ces dernières, la plupart sont issues des couches sociales les plus pauvres et en grande partie illettrées<ref name="#instru" />. Sur 56 femmes, 54 - dont Nanette - déclarent ne pas savoir signer, 2 savent. Sur 237 hommes, 132 ne savent pas et 105 savent. Sur ce dernier chiffre, il est a remarqué que 41 font partie des classes "bourgeoises"<ref>Maurice Agulhon, "Les notables du Var sous le Consulat", ''Revue d'histoire moderne et contemporaine'', tome 17, n° 3, 1970 - [http://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1970_num_17_3_2105 En ligne]</ref> et qu'elles sont entendues en tant que témoins. | Au long de ces procédures qui eurent lieu de la fin de l'an XI au début de l'an XII, 293 personnes - 56 femmes et 237 hommes - sont entendues, soit en tant que témoins, soit en tant que mises en cause. Parmi ces dernières, la plupart sont issues des couches sociales les plus pauvres et en grande partie illettrées<ref name="#instru" />. Sur 56 femmes, 54 - dont Nanette - déclarent ne pas savoir signer, 2 savent. Sur 237 hommes, 132 ne savent pas et 105 savent. Sur ce dernier chiffre, il est a remarqué que 41 font partie des classes "bourgeoises"<ref>Maurice Agulhon, "Les notables du Var sous le Consulat", ''Revue d'histoire moderne et contemporaine'', tome 17, n° 3, 1970 - [http://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1970_num_17_3_2105 En ligne]</ref> et qu'elles sont entendues en tant que témoins. |
Version du 14 avril 2018 à 23:25
[En cours de rédaction] Anne "Nanette" Catherine Escartefigues. Héroïne malgré elle de romans pseudo-historiques, née dans le sud de la France - à une centaine de km de Nice - à la fin du XVIIIème siècle.
SommaireFille du rienAnne Catherine Escartefigues naît le 18 janvier 1774 à Saint-Martin-de-Pallières dans le Var[1], un village d'environ 400 habitants[2]. Surnommée "Nanette", elle est la dernière-née du couple Joseph "Martegau" Escartefigues et Thérèse Justine Préveraud qui ont déjà procréé cinq autres enfants depuis leur mariage en 1762 - quatre mâles et une femelle, selon l'état civil, nés entre 1763 et 1772[3]. Des deux précédents mariages de son père, Nanette possède quatre demi-sœurs qui sont déjà toutes mariées. Martegau exerce le métier de charbonnier et Thérèse celui de blanchisseuse.Après la mort de Joseph en octobre 1774, Thérèse Préveraud se remarie avec François "Franciau" Gacon, charbonnier de métier. La famille recomposée habite une maison à Saint-Martin-de-Pallières appartenant à Joseph Icard (Ycard) qui y vit aussi et y tient une auberge. En 1788, Suzanne, la sœur de Nanette, se marie avec Claude Gacon et quitte le village pour s'installer à Cuers. Mais après la mort de Claude, elle part s'installer en septembre 1800 à Aix. Elle trouve un travail de domestique chez un charcutier de la ville et n'a que très peu d'occasion de retourner voir sa famille dans le Var. Lorsque le dernier de la fratrie à se marier en 1794 quitte la maison familiale, Nanette reste avec sa mère et son parâtre. Elle exerce aussi l'activité de blanchisseuse pour survivre. Elle est, selon certains[4], illettrée. Sans savoir si cela relève de la "rumeur" publique et du dénigrement ou d'une réalité, elle "jouit dans le pays de la réputation d'une fille débauchée" selon deux de ses voisines[5], dont l'une d'elles sous-entend que Nanette est une prostituée. Mi-novembre 1802, profitant de l'absence du parâtre, deux inconnus s'introduisent dans la maison, menacent Thérèse et violent par deux fois Nanette[6]. Si ce viol avait eu pour conséquence une fécondation non désirée, il ne lui restait que la solution de l'avortement mécanique ou celui de l'infanticide au terme de la grossesse, s'exposer aux risques de complications mortelles ou aux foudres de la justice[7]. De ce que nous savons de la vie de Nanette à cette époque, le mots qui s'en rapproche le plus est rien. Enrobage historiqueLes régions de la Provence intérieure vivent au rythme des secousses des lendemains révolutionnaires[8] : les plus pauvres cherchent ce qu'ils sont censés avoir gagné, et les plus aisés tentent de conserver ce qu'ils sont censés avoir perdu. Les oppositions entre monarchistes et républicains sont une succession d'affrontements armés, de révoltes populaires villageoises, de pillages, d'assassinats ciblés et de demandes répétées à plus de "répartition des richesses". Le redécoupage administratif de la Provence après la Révolution française de 1789 et l'annexion de nouveaux territoires[9] instaure à la place quatre départements[10] : les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, les Basses-Alpes[11] et le Var. Var dévariéLa loi du 23 août 1793 sur les réquisitions est votée afin de faire face aux besoins de nouveaux soldats pour se battre contre les anglais et les espagnols, soutiens de la monarchie déchue. Tous les hominines mâles sont ainsi invités à venir gaiement donner leurs vies pour la "patrie en danger". Beaucoup refusent. Ceux qui le peuvent parviennent à fuir à l'étranger, d'autres se cachent dans les grandes villes et d'autres encore préfèrent se réfugier dans les arrière-pays de la côte méditerranéenne varoise. La loi du 4 nivôse IV punit de la peine de mort quiconque incite à la désertion, à rejoindre l'ennemi ou des bandes de brigands et rebelles. Celle du 24 brumaire VI punit d'une amende et de un an ou deux ans de prison toute personne accusée d'avoir caché un "réquisitionnaire" ou aidé à son évasion. Les incitations à rejoindre les rangs de l'armée française sont multiples, faisant appel aux récents sentiments patriotiques, à la crainte d'une répression féroce ou à un argumentaire qui ferait perdre la tête à Olympe de Gouges[12] :
Les guerre napoléoniennes accentuent la pression contre les jeunes hominines mâles, toujours plus nombreux à mourir pour les rêves de grandeur du nouvel empereur, toujours plus nombreux à refuser de rejoindre les armées. Contraints à une certaine forme de clandestinité, de jeunes varois déserteurs (ou réquisitionnaires) de l'arrière-pays s'organisent en bandes pour résister aux militaires qui les traquent. Régulièrement rejoints par des citadins, déserteurs eux-aussi ou "malfrats", à la recherche d'une vie plus "paisible". Se forment ainsi des bandes de brigands qui multiplient les attaques contre des convois postaux, des marchands et des marchandises en transit, les vols dans des maisons isolées et s'affrontent régulièrement avec des militaires qu'ils n'hésitent pas à abattre.
De part sa configuration géographique, l'arrière-pays fournit un endroit idéal pour qu'y apparaisse des phénomènes de brigandage :
Les tentatives de venir à bout de ce phénomène par une présence militaire accrue, via des patrouilles et des battues, ne suffisent pas à éradiquer les différentes bandes qui se constituent et n'hésitent pas à s'unir au gré des opportunités et des "bons-coups". Excédées, les autorités française désignent les arbres bordant les chemins nouvel "ennemi intérieur" dont il faut se débarrasser. Le 19 pluviôse VIII (8 février 1800), le commissaire du département des Basses-Alpes ordonne aux administrateurs des cantons situés dans l'arrondissement de Digne de faire couper jusqu'à soixante toises (une centaine de mètres) les bois longeant certaines routes, et le 15 thermidor VIII (3 août 1800) une amnistie est proclamée dans les départements de l'Ardèche, de la Drôme, de Vaucluse et des Basses-Alpes pour ceux des réquisitionnaires qui rejoignent les rangs et des menaces sont lancées contre les brigands accusés d'être des "sectateurs du système anti-social"[16]. Pour les autorités, ce brigandage est le fait de cinq bandes surnommées selon le nom de certains villages locaux, tout en reconnaissant qu'elles se font et se défont au gré des opportunités, qu'elles unissent temporairement des hominines et qu'elles se restructurent en permanence en réaction aux nombreux morts parmi elles !
Contrairement à quelques petites bandes royalistes actives dans la région, la plupart des brigands ne semblent pas avoir de revendications politiques. Hormis le refus d'être militaire, évidemment. D'après Joseph-Marie Maurel, parmi les jeunes brigands, il se disait qu'après des attaques de magasins ou de passants, des bandits marseillais, dans un geste de défiance vis-à-vis de la police, placardaient des affiches sur les murs avec le slogan suivant :
Outre qu'il permet à des réquisitionnaires d'échapper à la capture, le brigandage induit tout un réseau de connivences entre celles et ceux qui y participent et en tirent profit selon leur implication : informateur ou receleur, hébergeur ou soutien logistique. L'économie du brigandage met du "beurre dans les épinards" - mais ne permet pas un enrichissement - de celles et ceux qui ne se contentent pas de leurs "métiers" qui, bien souvent, est insuffisant pour survivre. À de très rares exceptions, le brigandage est une activité de "pauvres". Si le discours des autorités politiques les dénigre et les qualifie de contre-révolutionnaires, d'anarchistes, de chauffeurs ou de tout autre "nom d'oiseau", des papiers retrouvés après l'explosion d'Aups sur le cadavre de Daurel sont signés simplement "Pauvres fuyards"[19]. Faits et méfaitsLes méthodes de brigandage consistent principalement à dévaliser les porteurs de marchandises et de richesses sur les routes et chemins de la région, à piller des maisons isolées et, parfois, à attaquer des villages. Toutes formes de résistance entraînent la mort, les autres sont épargnés. Si celles et ceux qui sont assaillis ne révèlent pas où se cachent leurs biens, les brigands n'hésitent pas à leur extorquer par la force, les menaçant et les molestant. Certains font mention de torture par la technique dite de la "chauffe" qui consiste à brûler les pieds pour "faire parler". Plusieurs viols sont aussi commis par certains brigands, contre des voyageuses ou des femmes présentes sur les lieux attaqués, par ceux qui, imprégnés d'imaginaires culturels nauséabonds et frelatés, pensent ainsi folâtrer à la recherche d'un trésor à ravir. Tristes déserteurs qui ne se comportent pas mieux que des militaires en campagne. Quelques unes furent tuées pour avoir simplement rappelé aux voleurs trop entreprenants que, d'évidence, il n'y avait aucune cachette :
Sachant qu'en tant que déserteurs ou bandits pris les armes à la main ils risquent l'exécution immédiate s'ils rencontrent des militaires, les brigands ne laissent que très rarement en vie ceux qui les traquent. Les chroniques judiciaires et les autorités militaires mentionnent plusieurs cas où les militaires ont fait preuve de si peu de zèle que des brigands parviennent à échapper à un traquenard ou s'évader. Dans l'attente d'une solde qui n'est pas versée, ils ne désirent pas mourir que pour la "patrie en danger". La conscription n'est qu'une forme obligatoire du mercenariat. La liste ci-dessous ne recense que quelques uns des actes de brigandages ayant eu lieu dans le Var[21]. Les département alentours sont touchés plus sporadiquement par les mêmes "bandes".
Rien à déclarerAprès l'affrontement du 3 frimaire X (24 novembre 1802) à l'auberge de Joseph Icard, les autorités se lancent - à partir de leurs maigres informations - dans une vague d'arrestations pour "complicité d'aide aux brigands". Outre l'aubergiste, les autres locataires de la maison sont suspectés dès le 18 nivôse XI (8 janvier 1803) "d'entretenir des intelligences avec les brigands" et ordre est donné par le préfet de les arrêter. Le 14 ventôse XI (5 mars 1803), un mandat d'arrêt est lancé contre Nanette, sa mère et son parâtre. D'après la note de l'autorité judiciaire, Nanette est "la maîtresse déclarée de l'un" des brigands. Absent au moment de la venue des militaires le 28 ventôse XI (19 mars 1803), François Gacon échappe à l'arrestation mais Thérèse, Suzanne - venue rendre visite à sa famille - et Nanette sont arrêtées, transférées à la maison d’arrêt de Vinon puis à Brignoles[29], et enfin à Draguignan[30]. Arrêté peu de temps après, François Gacon meurt en prison le mois suivant[31]. L'arrestation de Jean-Pierre "Turriers" Pons[24], le 18 germinal (8 avril 1803), est un tournant pour les autorités judiciaires. D'abord fuyant, il admet quelques faits. Impliqué entre autre dans la fusillade du 3 frimaire, il est condamné à mort avec quelques autres de ses compagnons. Croyant pouvoir ainsi sauver sa peau, "Turriers" déclare avoir de nouvelles révélations à faire. Bref, qu'il était prêt à "balancer". Le 14 thermidor (2 août) il se lance dans un long témoignage[33] qui entraîne de très nombreuses arrestations. Avec force détails, il énumère tous les actes de brigandages auxquels il a participé et ceux dont il a entendu parler, et nomme toutes les personnes qui, selon lui, y ont participé.Feu François Gacon, la parâtre de Nanette Escartefigues, est dénoncé comme étant un receleur et informateur des brigands. Nanette est suspectée par les autorités judiciaires d'être la maîtresse de Tisté Penas[34] et de profiter des butins. À la question du juge qui lui demande s'il est vrai qu'elle est "la maîtresse de plusieurs bandes", Jean Pierre Pons se lâche :
Suzanne Escartefigues est interrogée le 23 thermidor XI (11 août 1803)[35] mais, rapidement disculpée par la balance, elle est libérée le 23 fructidor XI (10 septembre 1803). Thérèse Préveraud, la mère, est interrogée le 28 fructidor XI (15 septembre 1803[36]. Elle déclare ne rien savoir à propos d'objets volés et dit ne pas connaître qui sont le ou les amants de sa fille Nanette. Cette dernière est interrogée le 30 fructidor XI (17 septembre 1803 )[32]. Le juge la questionne pour savoir si elle a connaissance de la présence d'objets volés chez elle et si elle connaît Tisté Penas, son supposé amant. Elle nie pour les objets, admet connaître Tisté Penas qui cultive depuis trois ans des lopins de terre de la famille Escartefigues-Gacon mais sans pour autant le présenter comme son "amoureux". Reprenant les mots - ci-dessus - de "Turriers", le juge insiste sur son hypothétique pratique de la prostitution, ce qu'elle rejette catégoriquement. Des trois mises en cause, seule Nanette n'est pas confrontée au délateur "Turriers". Comme il se doit en de telles circonstances, Nanette ne sait rien, ne dit rien. Ne jamais dire quoi que ce soit à la justice ou la police est - ici et toujours - le maître mot comme le note très bien le criminologue Marcel Pagnol dans une scène de Marius où les quatre protagonistes joue aux cartes : Panisse - C'est ce coup-ci que la partie se gagne ou se perd Au long de ces procédures qui eurent lieu de la fin de l'an XI au début de l'an XII, 293 personnes - 56 femmes et 237 hommes - sont entendues, soit en tant que témoins, soit en tant que mises en cause. Parmi ces dernières, la plupart sont issues des couches sociales les plus pauvres et en grande partie illettrées[4]. Sur 56 femmes, 54 - dont Nanette - déclarent ne pas savoir signer, 2 savent. Sur 237 hommes, 132 ne savent pas et 105 savent. Sur ce dernier chiffre, il est a remarqué que 41 font partie des classes "bourgeoises"[37] et qu'elles sont entendues en tant que témoins. Disculpées, 26 personnes sont libérées. Thérèse Préveraud et Nanette le sont le 13 ventôse XII (4 mars 1804)[38]. Beaucoup des personnes incriminées par la justice dans ces affaires de brigandage sont décédées avant les procès, tuées dans des accrochages avec des militaires ou lors d'actions de brigandage. À l'issue du procès le Tribunal spécial du Var annonce ses sentences et ainsi, entre 1803 et 1805, les exécutions des quelques survivants se succèdent à Draguignan. Sans attendre l'apparition de la protivophile plus de deux siècles après, Jean Pierre "Turriers" Pons aurait dû savoir que se comporter ainsi face à la justice ne paye que très, très, rarement. Il meurt en prison dans le courant de l'année 1805. Bien au-delà de cet épiphénomène de brigandage dans l'ancienne Provence, il serait possible de faire une longue nécrologie de celles et ceux qui crurent - naïvement - échapper à la mort en donnant des informations ou des personnes à la police ou la justice. La plupart meurent dans les geôles ou bénéficient d'un régime de faveur lors de leur exécution : fusillées ou guillotinées en dernier, abattues plutôt que torturées, abandonnées ou affamées. Taquine, la justice ôte même ainsi à ses anciens comparses le plaisir de les traiter comme il se doit en de telles circonstances. Et après ?De retour à Saint-Martin-de-Pallières, Nanette s'y marie le 7 septembre 1807 avec Pierre Paul Arnoux[39], trois mois après la mort de sa mère Thérèse. Le nouveau couple s'installe à Vinon, d'où est originaire Pierre, et deux enfants naissent de cette union : Marie Claire le 20 mars 1808[40] et Jean Joseph le 26 mars 1810[41]. Pierre décède le 25 mars 1836 à l'hôpital maritime de Toulon[42]. À une date indéterminée, Nanette Escartefigues déménage à Aix où sa sœur Suzanne habite. Cette dernière meurt dans cette ville le 4 novembre 1840[43]. Nanette décède chez elle le 4 novembre 1847[44]. Son beau-frère et un voisin viennent faire enregistrer la mort. L'acte de décès précise qu'elle exerçait le métier de journalière. Sa dernière adresse est le 27 rue du boulevard Saint-Jean[45], actuelle Rue Pavillon.Pour l'instant, la vie de Nanette Escartefigues reste un grand mystère. Les quelques informations disponibles ne permettent pas d'en savoir plus[46]. Des recherches supplémentaires ne permettraient sans doute pas de déterminer qu'elles furent ses implications réelles dans les actes de brigandages, ni de connaître quelles furent ses mœurs. Les accusations portées contre Nanette peuvent être vraies et peut-être, a-t-elle effectivement des mœurs dissolues du point de vue de la "morale publique", libertine ou prostituée[7], et profité du brigandage par recel ou par cadeau, mais nous ne sommes pas en mesure d'affirmer telle ou telle option. Tout au plus est-il possible de trouver quelques informations de type domestique après son installation à Aix. Personne n'a pu pour l'instant fournir de textes écrits par Nanette elle-même, ce que les protivo-historiens aiment à nommer ses Mémoires de rien. Malgré les évidentes proximités entre la nécrophilie et la protivophilie, il ne semble pas utile pour cette dernière d'en exhumer plus sur Nanette Escartefigues. Et les vomissements provoqués par la lecture des sources policières et du témoignage d'une "balance" ne permettent jamais d'écrire une vie sans en livrer sa version policière. Il n'y a aucune raison de croire les paroles d'une personne qui ne pense qu'à sauver sa vie grâce à ses révélations, pas plus que celles affirmées lors d'un interrogatoire par un témoin ou un accusé. Face à la police et la justice la règle n'est pas de dire la vérité mais de raconter ce que l'on veut afin d'y échapper. Sans ne jamais impliquer d'autre que soi.
CimetièreDe 1799 à 1804, beaucoup de personnes impliquées dans le brigandage sont abattues (A) lors d'affrontements avec les militaires ou tuées (T) pendant des attaques, exécutées (E) ou condamnées au bagne (B) après décisions judiciaires. Les autres sont mortes sans plus de précision. Presque 200 personnes, très majoritairement issues de la proche région, meurent ainsi pendant cette période. Toutes ne figurent pas dans la liste ci-dessous. L'ampleur du phénomène et la dureté de la répression est considérable pour une si petite zone, avec des répercussions directes sur nombre de familles et individus. La source principale de cette nécrologie est la Copie de la procédure contre les prévenus de brigandage comme auteurs ou comme complices publiée en 1804 à Draguignan, dont "il ne reste que quelques exemplaires, la majorité ayant été détruite par les familles compromises dans les poursuites"[50], selon L'affaire des brigands d'Aups[51]Selon un historien de la Veuve - surnom de la guillotine - de Draguignan, "le condamné était généralement ligoté et basculé sur le ventre au moyen d'une planche coulissante. Avant que le couperet tombe". Plus d'un siècle d'utilisation de la guillotine a permis aux autorités judiciaires d'offrir aux badauds le spectacle d'environ 150 exécutions[52].
Enrobage romanesqueNotes
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