Qarmates

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Qarmates. Mouvement hétérodoxe musulman insufflé par Hamdan Qarmat Ibn al-Ach'ath (حمدان قرمط بن الاشعث) vers la fin du IXème siècle.


ex-nihilo ?

Loin de l'imaginaire populaire qui en fait un endroit empli de rien, la péninsule arabique est un vaste territoire qui abrite depuis des millénaires des hominines qui y ont bâti cités et empires. Elle est un carrefour des caravanes de commerce qui y transitent pour relier la Chine et l'Afrique à la Méditerranée, une voie incontournable pour les marchandises qui alimentent, dans les deux sens, les marchés et les besoins des différents pouvoirs politiques, le puissant royaume nabatéen (dans l'actuelle Jordanie) puis l'empire romain qui le conquiert. Du sel aux esclaves, des métaux précieux aux soieries, des épices aux objets manufacturés. Échange aussi des techniques et des savoirs, des croyances et des superstitions.

Dans les régions côtières et montagneuses humides du sud-est de la péninsule se sont développées de nombreuses cités, dont certaines furent au centre d'empire régionaux puissants. Si les rastafariens ont en mémoire le seul[1] royaume de la reine de Sabah, les historiens décrivent une succession d'entités politiques, divers et concurrentes, dès le quatrième millénaire avant le présent. A contrario de ces régions que les antiques grecs nomment alors l'Arabie Heureuse, la partie intérieure de la péninsule est un vaste territoire de montagnes et de sable avec, au sud, le désert des déserts, le Rub al-Khali (Quart Vide). Les oasis qui s'y développent sur ses marges sont autant des lieux de vie que des point de relais sur cette route à travers les étendues de sable et de chaleur harassante.

Au VIIème siècle, la population est diverses dans ses croyances religieuses. Aux côtés des quelques oasis juives et de plusieurs communautés nomades, des marchands ou des propagandistes appartenant à la myriade des églises chrétiennes rivales, la plupart vouent un culte à des pierres et croient en des créatures mythologiques peuplant le désert. Ces pierres sont souvent considérées être des demeures pour des divinités. Les pierres ainsi sanctifiées sont appelées "bétyles" selon une étymologie sémitique beth-el qui signifie "maison de dieu". Elles sont choisies pour leurs spécificités géologiques, leurs origines météoriques ou leurs proximités avec des points d'eau, Il n'y a pas de culte unifié mais des pratiques et des croyances locales qui subissent des influences diverses. Comme pour les chrétiens, les juifs ou les sabéens, leur passé se peuple aussi de héros mythiques ou de reines légendaires, de royaumes anciens ou de personnages imaginaires. Ces croyances bétyliques sont alors partagées du golfe d'Aden jusqu'à la Méditerranée.

La société péninsulaire n'est pas qu'une organisation bédouine et nomade de l'espace mais elle se compose aussi de centres urbains qui maillent les routes marchandes. S'ils ne sont pas des centres politiques, ces relais permettent l'émergence de riches familles de marchands qui s'accaparent un peu de pouvoir politique local de part leur importance économique. La Mecque, par exemple, est alors dirigée par des familles de marchands appartenant à la tribu de Quraych qui s'impose - politiquement et militairement - aux autres ou avec qui elle fait des alliances. Les quraychites sont divisés entre différents clans familiaux. Les alliances entre les tribus nomades, pourvoyeuses de marchandises, et les citadines sont des équilibres fragiles. Certaines tribus nomades préfèrent le pillage des caravanes marchandes. La Mecque est aussi un lieu de pèlerinage local lors duquel les trois divinités féminines Al-Lât, Al-Uzzâ et Manât sont invoquées lors de circumambulations bétyliques - c'est-à-dire en tournant autour d'une pierre. D'autres bétyles sont vénérées dans la péninsule et donnent lieu aussi à des pèlerinages pour les tribus locales.

Ces habitant du presque-rien ont des pratiques linguistiques assez diversifiées géographiquement. Dans le sud de la péninsule se parlent des langues sudarabiques qui se différencient des parlers arabiques du nord qui, eux-mêmes, ne forment pas une unité mais une sorte de continuum linguistique qui s'étend jusqu'à la côte méditerranéenne. La mise par écrit ne comporte pas encore les voyelles car elles ne sont pas totalement indispensables pour une bonne compréhension du texte. Les poètes et les adeptes du tag raffolent de cette absence qui décuplent les sens. Les influences politiques et culturelles les plus fortes sont exercées du nord par le royaume chrétien nestorien des Lakhmides, allié aux perses, et celui des chrétiens monophysites des Ghassanides, allié à l'empire byzantin. Toute la région partage alors - d'une manière ou d'une autre - l'héritage des civilisations araméennes, grecques, romaines ou nabatéennes qui se greffent et s'entrecroisent avec des substrats culturels plus locaux. L'alphabet utilisé pour noter la langue parlée est dérivé de celui des nabatéens qui s'étaient eux-mêmes inspirés de l'écriture araméenne.

Notes

  1. Est-ce l'effet de l'utilisation du cannabis qui altère la mémoire courte ?