Fanny Kaplan : Différence entre versions

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Ces quelques mots de Boris Savinkov en 1909 faisant référence aux luttes en [[Roumélie|Roumélie ottomane]] ouvrent pour la [[protivophilie]] de nouvelles perspectives historiques. Du point de la gastronomie bolcheviste, les ingrédients sont réunis pour faire une belle macédoine. Rappelons que, selon sa biographie classique, [[F. Merdjanov]] naît à [[Nice]] dans une "''famille d’origine macédonienne dont l’histoire croise celle du nihilisme politique des années 1900''"<ref>F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref>. Une petite communauté russe est présente dans la ville vers la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle et Alexandre Herzen (1812 - 1870), l'un des théoriciens du populisme révolutionnaire en Russie, est enterré au cimetière du Château. Boris Savinkov y séjourne alors qu'il est en fuite. Il y écrit en 1909 son roman ''Le cheval blême'' sous le pseudonyme de Ropchtchine. D'après les quelques travaux publiés à ce sujet, il semble que l'influence de la communauté russe soit importante sur la petite communauté macédonienne de Nice<ref name="#vie">"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017 - [https://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref>. Autant que la [[Salade chopska|gastronomie macédonienne]] sur la [[Salade niçoise|niçoise]]. Autant que "''l'influence de Serge Netchaïev et du "nihilisme" en Russie sur l'anarchisme dans les Balkans'', pour reprendre le sous-titre d'un texte inédit attribué à F. Merdjanov. ''L'énigme Floresco''<ref>F. Merdjanov (Attribué à), ''L'énigme Floresco'', inédit, non daté</ref> tente, loin des clichés, de démêler le rôle réel de Serge Netchaïev, le célèbre compagnon d'[[Albertine Hottin]]. Intitulé ainsi selon le pseudonyme que le compagnon de celle-ci utilisait lorsqu'il circulait dans les Balkans<ref>Nicolas Stonoff, ''Un centenaire bulgare parle'', Notre Route, 1963 - [https://libcom.org/files/Un_centenaire_bulgare_parle_-_Nicolas_Stonoff.pdf En ligne]</ref>, son initiale n'est pas sans rappeler celle qui précède Merdjanov. Et si ce F. était une référence à Floresco ? Une évocation discrète à celui qui refuse que les hominines de la ''Volonté du peuple'' prennent le risque de venir le libérer après dix années de cachots alors qu'illes ont prévu de tuer le tsar. Et réussi. Serge Netchaïev meurt l'année suivante des mauvais traitements, en protivotsarien heureux<ref>Jeanne-Marie Gaffiot, ''Netchaïeff'', L'Âge d'Homme, 1989</ref>, le sourire aux lèvres à penser que le tsar est vraiment mort. Mais peut-être que ce F. est en fait une référence à Fanny Kaplan.
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Ces quelques mots de Boris Savinkov en 1909 faisant référence aux luttes en [[Roumélie|Roumélie ottomane]] ouvrent pour la [[protivophilie]] de nouvelles perspectives historiques. Du point de la gastronomie bolcheviste, les ingrédients sont réunis pour faire une belle macédoine. Rappelons que, selon sa biographie classique, [[F. Merdjanov]] naît à [[Nice]] dans une "''famille d’origine macédonienne dont l’histoire croise celle du nihilisme politique des années 1900''"<ref>F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref>. Une petite communauté russe est présente dans la ville vers la fin du XIX<sup><small>ème</small></sup> siècle et Alexandre Herzen (1812 - 1870), l'un des théoriciens du populisme révolutionnaire en Russie, est enterré au cimetière du Château. Boris Savinkov y séjourne alors qu'il est en fuite. Il y écrit en 1909 son roman ''Le cheval blême'' sous le pseudonyme de Ropchtchine. D'après les quelques travaux publiés à ce sujet, il semble que l'influence de la communauté russe soit importante sur la petite communauté macédonienne de Nice<ref name="#vie">"Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017 - [https://analectes2rien.legtux.org/index.php/vie-t-oeuvre-de-f-merdjanov En ligne]</ref>. Autant que la [[Salade chopska|gastronomie macédonienne]] sur la [[Salade niçoise|niçoise]]. Autant que "''l'influence de Serge Netchaïev et du "nihilisme" en Russie sur l'anarchisme dans les Balkans'', pour reprendre le sous-titre d'un texte inédit attribué à F. Merdjanov. ''L'énigme Floresco''<ref>F. Merdjanov (Attribué à), ''L'énigme Floresco'', inédit, non daté</ref> tente, loin des clichés, de démêler le rôle réel de Serge Netchaïev, le célèbre compagnon d'[[Albertine Hottin]]. Intitulé ainsi selon le pseudonyme que le compagnon de celle-ci utilisait lorsqu'il circulait dans les Balkans<ref>Nicolas Stonoff, ''Un centenaire bulgare parle'', Notre Route, 1963 - [https://libcom.org/files/Un_centenaire_bulgare_parle_-_Nicolas_Stonoff.pdf En ligne]</ref>, son initiale n'est pas sans rappeler celle qui précède Merdjanov. Et si ce F. était une référence à Floresco ? Une évocation discrète à celui qui refuse que les hominines de la ''Volonté du peuple'' prennent le risque de venir le libérer après dix années de cachots alors qu'illes ont prévu de tuer le tsar. Et finalement réussi. Serge Netchaïev meurt l'année suivante des mauvais traitements, en protivotsarien heureux<ref>Jeanne-Marie Gaffiot, ''Netchaïeff'', L'Âge d'Homme, 1989</ref>, le sourire aux lèvres à penser que le tsar est vraiment mort. Mais peut-être que ce F. est en fait une référence à Fanny Kaplan. Une sorte de réhabilitation posthume d'un geste joyeux dans la vie de misère promise aux hominines. Dans les deux cas, ce choix de l'initiale F. montre une volonté de s'inscrire dans la lignée des protivotsariens.
  
 
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== Notes ==
 
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Version du 25 mai 2021 à 20:44

Fanny Kaplan (Фани Каплан en macédonien - Fanì Kaplan en nissard) Hominine de la lignée des protivotsariens.


[En cours de rédaction]


Confins lodomériens

Lorsque la République des Deux Nations — la Pologne et le duché de Lituanie[1] — se disloque sous les coups de boutoir de la Russie, de l'Autriche et de la Prusse à la fin du XVIIIème siècle après JC[2], ses fragments sont intégrés dans ces empires régionaux. La Russie étend son territoire vers l'ouest et incorpore de fait les différentes populations qui s'y trouvent. Celles-ci sont essentiellement des slavophones — polonais et petit-russes (ukrainiens) — et des germanophones — allemands et yiddish[3] — généralement adeptes des religions christiennes[4], à l'exception des yiddishophones moïsiens[4]. Alors que jusqu'ici les hominines moïsiens étaient peu nombreux dans l'empire russe, cantonnés dans quelques villes, illes deviennent de fait une part importante de la population de ce nouveau "far west" grand-russe et représentent environ 5 millions de personnes, soit la plus grande concentration de moïsiens en Europe. S'y ajoutent aussi les populations yiddish de Galicie et de Moldavie, dont les parties orientales sont intégrées à la Russie. Afin de limiter l'implantation de moïsiens sur tout le territoire russe, les autorités tsaristes créent en 1791 la "Zone de résidence" dans laquelle illes sont contraints de vivre. Interdiction est faite pour elleux de s'installer dans les grands centres urbains de la zone de résidence, tel Kiev, Yalta ou Sebastopol, et seules Odessa et Chisinau (Kichinev) leur sont permises. Seules de rares exceptions sont autorisées. Dans l'ensemble de la zone, les violences sporadiques à l'encontre des moïsiens se soldent par la destruction de villages, l'expulsion d'hominines ou leur mise à mort lors de lynchages collectifs. Le niveau de violence physique et les dégâts matériels sont tels que le terme russe pogrom "piller" devient le synonyme internationalement utilisé pour nommer les violences à l'encontre des moïsiens, mâles ou femelles. Quelques décennies avant goulag[5], de multiples langues empruntent à la langue russe son imaginaire répressif. Les raisons exactes de ces déchaînements violents sont floues, elles puisent dans l'imaginaire christien qui reproche aux moïsiens de ne pas être christiens et leur attribue tous les malheurs du monde. Pour autant, cette haine contre les moïsiens n'est pas l'apanage de la Russie, car l’antisémitisme[6] est un fumier prospère dans l'ensemble des mondes christiens et mahométiens[4]. Les lois de mai 1882 stipulent que les moïsiens doivent quitter les zones rurales et les villes de moins de 10000 habitants. Des quotas restrictifs sont mis en place pour l'accès aux études secondaires et universitaires, et à certaines professions. Il leur est interdit de voter ou de se présenter à des élections communales. Dans ce contexte, les pogroms anti-moïsiens s'intensifient entre 1881 et 1884 au sud de la Zone lors desquels des villages sont détruits et des milliers de personnes assassinées. La ségrégation, les violences et la misère pousseront plus d'un million et demi de moïsiens de la Zone à chercher refuge aux États-Unis d'Amérique et, dans une moindre mesure, en Argentine pendant les décennies suivantes. La "Zone de résidence" n'est supprimée qu'en 1917.

Réchauffement climatique en Lodomérie ?

Après avoir été intégrée au royaume de Pologne, puis disputée entre celui-ci et le royaume de Lituanie, la principauté de Lodomérie[7] est finalement absorbée lors de l'union des deux royaumes à la fin du XVIème siècle. Jusqu'en 1797 le territoire de l'ancienne principauté est une province de cette République des Deux Nations, avant de passer sous domination russe. Située dans le nord-ouest de l'actuelle Ukraine, la région est une vaste zone plate et boisée, parsemées de marécages. Elle est alors peuplée d'un peu plus de 2 millions d'hominines dont environ 70% sont des slavophones petit-russes et christiens, 15% de yiddishophones moïsiens, 6% de slavophones polonais et 5% de germanophones, christiens elleux-aussi. Les centres urbains les plus importants sont Kovel, Loutsk, Rivne ou encore Volodymyr — dont la province tire son nom — pour n'en citer que quelques-uns. Avec plus de 40000 hominines mâles et femelles, Kovel est la plus grande d'entre elles. Dès son intégration dans la Russie, la ville est raccordée à l'immense réseau ferré qui se monte progressivement entre les régions de l'empire. Elle devient le nœud ferroviaire du nord-ouest ukrainien d'où partent six lignes, la connectant ainsi directement à Lublin et Varsovie en Pologne, vers le nord, et au réseau ferré vers le sud jusqu'à la mer Noire.

On n’a pas assez de salive,
ni d’argent,
ni de bonheur, ni de vie, ni de force.
Presque mort,
Tout ce qui n’attend rien,
presque mort,
comme suie et poussière, comme bruine.[8]

Feïga Haïmovna Roïtblat naît dans un village de la région de Kovel dans une famille de moïsiens pratiquants composée de son père Haïm Roïtblat, professeur dans une école, de sa mère dont on ne connaît pas le nom, de quatre frères et trois sœurs. Sa date de naissance n'est pas certaine. La plupart de sources mentionnent 1890, mais selon le journal anarchiste Burevestnik[9] elle est née en 1887. Ce que confirment deux autres sources[10]. À part ces quelques détails biographiques, rien n'est connu de sa jeunesse.

Conglomérat antitsarien

L'empire tsariste doit faire face à de très fortes contestations sociales et politiques. L'absolutisme du tsar, le servage et la misère paysanne ou les conditions de travail dans le monde ouvrier urbain sont autant de point d'accroche pour, au minimum, revendiquer plus de droits ou pour réclamer un changement de régime politique. La seconde moitié du XIXème siècle est une période d'effervescence révolutionnaire[11] qui culmine le 13 mars 1881 avec l'assassinat du tsar Alexandre II par le groupe Volonté du Peuple[12]. Malgré la féroce répression et de timides tentatives de réformes, les oppositions au pouvoir tsariste se structurent autour de différents choix tactiques et approches théoriques qui se diffusent plus largement parmi la population. D'un côté les marxistes[13], de l'autre les socialistes révolutionnaires et les anarchistes. Si les premiers ne suscitent aucun intérêt protivophile, les deux autres tendances du mouvement révolutionnaire en Russie offrent des réflexions plus complexes sur les critiques et les méthodes de lutte contre le pouvoir en place ainsi que sur leurs visions même du pouvoir. Pour autant, les esseristes — adeptes du socialisme révolutionnaire — et les anarchistes divergent sur de nombreux points. Héritiers de la Volonté du Peuple et du mouvement narodniki (populiste), les socialistes révolutionnaires s'organisent à partir de 1901 en parti politique structuré — le Parti socialiste révolutionnaire (SR)[14] — afin, selon elleux, de contribuer au soulèvement du plus grand nombre — les paysans —, et se dotent d'une cellule clandestine chargée de commettre des attentats contre des figures du régime tsariste[15]. Conformément à leur refus de centralisation, les anarchistes créent plutôt de nombreux groupes autonomes les uns des autres qui agissent indépendamment sur le territoire de l'empire russe, non pas pour prendre le pouvoir mais pour le renverser[16]. Comme les esseristes, les anarchistes sont très présents dans les villes et les usines de l'ouest de la Russie, et participent à l'agitation sociale grandissante. Les réformes proposées par les autorités tsaristes ne répondent pas aux revendications sociales et les manifestations ouvrières et les grèves sont bien souvent réprimées par l'armée. Même s'illes divergent sur leurs théories politiques, esseristes et anarchistes se retrouvent sur leur volonté de voir aboutir au plus vite le renversement du régime tsariste et l'instauration immédiate d'un pouvoir révolutionnaire — contrairement aux autres tendances révolutionnaires qui veulent tempérer ces aspirations — mais aussi dans leurs pratiques. Pour faire face à la répression il est nécessaire de s'organiser dans la clandestinité pour imprimer journaux et tracts, et les actions armées contre les représentants du pouvoir central ou du patronat, qu'il faut financer par l'argent de braquages. Rapidement, de par ses choix tactiques, le Parti socialiste révolutionnaire est confronté à des dissensions internes qui poussent une partie de ses militants, mâles et femelles, à se rapprocher des anarchistes. Sporadiquement des groupes anarchistes et esseristes organisent ensemble des braquages, des tentatives de libération de prisonniers, des assassinats politiques ou des actions armées. Entre 1900 et 1905, les grèves et les contestations sociales ne cessent de prendre de l'ampleur dans les régions de l'empire. Les revendications portent sur l'amélioration des conditions de travail, l'augmentation des salaires et la libre-organisation en "syndicats". Que ce soit lors des révoltes ouvrières dans les centres urbains ou des soulèvements paysans dans les campagnes russes, la réponse violente des autorités cause des milliers de morts et blessés. La répression contre ces hominines en colère est le fait de l'armée régulière, de détachements cosaques ou de milices nationalistes. Entre 1903 et 1906 les pogroms reprennent de plus belle dans la Zone de résidence, faisant des milliers de morts et forçant des moïsiens à fuir à l'étranger pour échapper à la mort.

Complicités du rien

L'année 1905 marque un tournant dans les luttes sociales et les contestations politiques vis-à-vis du pouvoir central. La répression sanglante d'une manifestation ouvrière à Saint-Pétersbourg le 22 janvier est le facteur déclenchant de multiples grèves, révoltes et manifestations à travers l'empire jusqu'en octobre, évènement généralement appelé "Révolution de 1905". Les groupes esseristes et anarchistes redoublent d'activité en cette année de révolte généralisée[17]. La lutte contre le tsarisme s'intensifie.

L'important, c'est que paraisse une revue clandestine. La police la cherche et ne réussit pas à la trouver. Voilà ce qui frappe le public. Ce qui est écrit dedans n'a pas d'importance. Pour moi, la revue idéale serait celle où il n'y aurait "rien". Malheureusement ce n'est pas possible.[18]

Au cours de cette année, Feïga Roïtblat se rapproche des anarchistes de Kiev et d'Odessa. Elle rencontre[19] Victor Garskiy[20] et rejoint le Groupe des anarchistes-communistes du Sud[21] dans lequel il est déjà actif. Elle opte alors pour le surnom de Dora. Comme le font le Groupe des Ouvriers Anarchistes-Communistes d'Ekaterinoslav[22] et les anarchistes besmotivni[23] du nord-ouest de la Russie, les anarchistes-communistes du sud s'organisent clandestinement pour trouver de l'argent nécessaire au financement de leurs activités de propagande et de leurs actions armées. En parallèle de la publication de journaux, ces différents groupes sont favorables au "terrorisme économique" et prônent l'assassinat d'industriels, de contre-maîtres, de politiciens, de délateurs ou d'espions infiltrés dans leurs rangs. Esseristes et anarchistes ne se contentent pas de lancer leurs offensives par les mots et les armes, illes tentent aussi de répondre à la répression qui envoient leurs proches en prison ou les tuent lors de tentatives d'arrestations. La lutte est acharnée et sanglante. L'apparition du premier conseil local — soviet en russe — lors des révoltes de 1905 fait tâche d'huile à travers l'empire. Des soviets s'organisent dans des usines et des quartiers, mais aussi dans des villages paysans ou parmi les hominines servant dans l'armée, afin de mener les luttes de manière autonome. Tout en soutenant les soviets, les différents groupes anarchistes clandestins prônent la continuation des actions armées pour intensifier la fragilisation de l’État, alors que les esseristes préfèrent plutôt miser sur les soviets qu'illes imaginent être l'embryon d'un futur État révolutionnaire. Les dissensions internes au Parti socialiste révolutionnaire sur ces questions tactiques aboutissent à la naissance de l’Union des socialistes révolutionnaires maximalistes[24]. Proches des anarchistes sur leur volonté de continuer à attaquer les structures et les personnalités liées à l'empire, ces maximalistes n'en restent pas moins des socialistes révolutionnaires pour qui l’État ne doit pas être détruit mais utilisé à des fins révolutionnaires. Moins narodniki — populistes — que le Parti socialiste révolutionnaire, les maximalistes se voient en petit groupe clandestin agissant. Quelques braquages, quelques tentatives de libération et plusieurs attentats contre des bâtiments ou des hominines sont menés par des groupes mixtes d'anarchistes, parfois ex-esseristes, et de maximalistes. En réponse aux pogroms, quelques pogromistes et responsables militaires sont assassinés[25].

Tu ne connais rien de moi
Je n'en sais pas plus de toi
Et tous ces mystères entre nous
Waou waou[26]

Impossible de savoir quelles sont les activités de Feïga Roïtblat en cette année 1905. Il est parfois fait mention d'une hypothétique participation au braquage d'un magasin d'habillement à Kichinev (Chisinau - Moldavie) le 7 décembre 1905 avec un groupe d'anarchistes, dont Victor Garskiy.

Horizons sibériens

Avec des passeports au nom de Feïga Kaplan, née à Kiev, et de Tom Zelman, de nationalité roumaine, Feïga Roïtblat et Victor Garskiy louent le 18 décembre 1906 une chambre au troisième étage d'un hôtel de Kiev dans la rue Volintskaïa dans le quartier moïsien de Podol. Certaines sources précisent que le passeport de Feïga Roïtblat est celui d'une amie de Kiev, d'autres[10] disent qu'il est possible qu'elle est changée de nom à la suite de son mariage avec Max Kaplan[27]. Il y a effectivement une "tradition" révolutionnaire d'utiliser parfois le mariage pour fuir l'environnement familial ou déjouer un temps la surveillance policière. Avec Samuel Beylin[28], Polina Krasnoshchekova[29] et quelques autres anarchistes, le petit groupe se prépare à tuer Vladimir Soukhomlinov le gouverneur général de Kiev, de Podolie et de Lodomérie, pour se venger d'arrestations récentes contre des anarchistes de Kiev. Malheureusement, le 22 décembre, alors qu'illes sont en train de réaliser l'engin explosif, celui-ci explose dans la chambre. À l'exception de Feïga Roïtblat, incapable de fuir à cause de ses blessures, les autres parviennent à s'enfuir avec des blessures plus légères. Un pistolet lui est laissé, peut-être pour lui donner la possibilité de se tuer plutôt que d'être arrêtée. Incapable de bouger et gravement touchée aux yeux, elle est finalement arrêtée.

On regrette toujours pour rien, étant donné qu'on ne peut regretter qu'après.[30]

Laissée pour morte par ses complices en fuite, celle qui est dorénavant connue sous le nom de Fania Kaplan[31] – avec l'équivalence du prénom christien[32] — est jugée et condamnée à la prison à vie pour la mort d'une femme de ménage de l'hôtel. Elle refuse évidemment de dénoncer ses compagnons. En raison de sa minorité, sa sentence est commuée en prison à vie dans un camp d'internement sibérien. Presque aveugle et encore sous le coup de ses blessures aux jambes, elle est envoyée dans un premier temps à la prison d'Odessa, en attendant avec d'autres anarchistes son transfert vers des horizons sibériens. En décembre 1907, elle est au camp d'internement de Nerchinsk[33] en Sibérie dans la prison de Maltsev réservée aux hominines femelles. Elle y reste quatre années et y côtoie d'autres anarchistes, des démocrates et des socialistes révolutionnaires. Les premières années d'enfermement sont difficiles car elle souffre encore de ses blessures, de graves maux de tête et sa vue ne revient pas. Elle tente même de mettre fin à ses jours mais est prise en charge par les autres prisonnières. Les prisonnières s'organisent collectivement pour la nourriture, pour échanger des livres ou faire des discussions. Alors qu'il vient de se faire arrêter lors d'un braquage, et condamné à 12 années de prison, Victor Garskiy apprend en mai 1908 que Feïga Roïtblat a survécu. Il envoie une lettre au ministère de la justice à Moscou dans laquelle il tente de la disculper en s'attribuant la responsabilité de l'explosion de décembre 1906. Elle reste sans suite[17].

ничто "rien" en braille cyrillique

En 1909, Feïga Roïtblat / Fania Kaplan semble aller mieux mais reste quasi aveugle. Elle apprend le braille et regagne petit à petit de l'autonomie selon son amie Vera Bobrova-Tarasova[34]. Elle est transférée en 1912 à Akatui, une autre prison de Nerchinsk où sont regroupées une soixantaine de prisonnières dont une majorité sont des esseristes. Elle y rencontre la socialiste révolutionnaire Maria Spiridonovna. Selon ce que rapporte l'historien Semion Lyandres, Fania Kaplan se considère alors, selon ses propres mots, "socialiste sans affiliation particulière à un parti"[10]. Est-ce à dire anarchiste ? La confusion est possible car dans le mouvement révolutionnaire, socialiste et anarchiste sont parfois utilisés comme des synonymes. L’ambiguïté demeure.

Ses pupilles réagissant de nouveau à la lumière, en août 1912, un docteur de la prison obtient du gouverneur militaire de la région l'autorisation de transférer Fania Kaplan vers l'hôpital de Tchita, dans le sud-est de la Sibérie, près du lac Baïkal, pour qu'elle soit opérée. En 1913, elle est envoyée à l'hôpital d'Irkoustk pour recevoir un traitement complémentaire post-opératoire. Celui-ci terminé, elle retourne à la prison d'Akatui. Sa peine est commuée en 20 ans de prison à l'occasion d'une amnistie générale décrétée par le tsar[17]. Après le renversement du tsar par un conglomérat antitsarien de marxistes, de socialistes révolutionnaires et d'anarchistes en février 1917, toutes les "prisonniers politiques", mâles et femelles, sont libérés.

Avec les autres prisonnières, elle est envoyée à Tchita dans l'attente d'un retour organisé vers la Russie occidentale. Fania Kaplan arrive à Moscou en avril 1917. Ses parents ont immigré vers les États-Unis d'Amérique lorsqu'elle était en Sibérie. Elle s'installe dans un appartement avec Anna Pigit[35] et y vit environ un mois avant de partir en Crimée suivre un traitement pour sa vue dans un hôpital dédié aux anciens "prisonniers politiques". Dmitri Oulianov, le jeune frère de Lénine, est à l'initiative de ce projet dans lequel il est lui-même médecin[36]. Fania Kaplan est opérée avec succès en juillet. Lors de son séjour criméen, elle participe à des cours pour ouvriers. Après deux mois tchernomoriens, elle part pour Kharkov afin d'être à nouveau opérée. C'est à cette occasion qu'elle revoie Victor Garskiy mais les retrouvailles ne sont pas heureuses car depuis leur dernière rencontre en 1906, l'anarchiste est devenu bolcheviste, la pire espèce des marxistes. Celleux-là même qui font un coup d’État en octobre 1917 pour être les uniques meneurs de la révolution de février. Les soviets sont vidés de leur substance et accaparés par les nouveaux maîtres, place au soviétisme. Les bolchevistes sont soutenus par le Parti socialiste révolutionnaire qui explose entre — pour reprendre leur terminologie — les esseristes de gauche et de droite, les premiers, majoritaires, soutenant les bolchevistes dans le coup de force d'octobre, les autres le refusant. Les anarchistes sont aussi divisés sur ce qu'il faut penser et attendre de cette reprise en main des soviets. Des choix douloureux se font parmi les anarchistes.

Les activités de Fania Kaplan au lendemain du coup d’État bolcheviste d'octobre 1917 sont inconnues. Elle arrive à Moscou fin février - début mars 1918 et s'installe avec Anna Pigit dans son appartement.

Geste protivotsarien

Les relations entre les bolchevistes et les socialistes révolutionnaires de gauche se dégradent rapidement en février/mars 1918. Après l'échec de janvier de faire élire l'esseriste Maria Spiridonova[37] à la présidence de l'Assemblée constituante, les bolchevistes, ne supportant pas la contradiction, la dissolvent. Sous les ordres de Vladimir "Lénine" Oulianov, le bolcheviste en chef, les bolchevistes s'accaparent tous les pouvoirs. Les esseristes de gauche quittent le gouvernement en mars et accusent leurs alliés de s'écarter de la révolution. Les anarchistes alliés s'éclipsent aussi. Les bolchevistes sont dorénavant seuls à tenir les rênes du nouveau pouvoir post-tsarien. Le lendemain de leur assassinat de l'ambassadeur d'Allemagne, plus de 2000 esseristes de gauche se lancent le 7 juillet 1918 dans une tentative d'insurrection à Moscou. Mais les bolchevistes parviennent à mater le soulèvement. Quelques tentatives dans d'autres villes russes se soldent aussi par leur écrasement. Le Parti socialiste révolutionnaire de gauche est interdit, ses membres et sa presse contraints à la fuite et au silence. Les arrestations s'enchaînent. Plusieurs centaines. Lénine sonne le glas de la révolution. Pour autant, l'affaire n'est pas totalement réglée. Aussi bien les forces armées fidèles à l'ancien pouvoir tsariste, les armées paysannes menées par des anarchistes en Ukraine[38] ou les insurrections paysannes, que les visées sibériennes de Ungern-Sternberg[39], sont toujours des menaces sérieuses qui fragilisent le pouvoir des bolchevistes. Les anarchistes qui ont refusé de s'allier et de faire confiance aux bolchevistes doivent faire face à une forte répression contre elleux. Mais des groupes résistent et d'autres s'organisent clandestinement pour maintenir le processus révolutionnaire hors de contrôle des bolchevistes.

Et bien, oui, je le répète à la face du monde : toute "organisation" ne profite et ne profitera jamais qu’aux organisateurs ! Voilà ce que je veux "conter" encore avant de mourir. Tous ceux qui veulent faire de l’[hominine] la bête d’un troupeau sont des assassins. Quels qu’ils soient.[40]

"Mon nom est Fania Kaplan"[41]

Souriant comme un boucher qui vient d'égorger le petit veau qu'il trouvait si mignon, Lénine parade. L'ancien tsar et sa famille exécutés depuis juillet 1918, le nouveau tsar se balade. Le 30 août il est l'invité exceptionnel d'un meeting à l'usine d'armement Michelson dans la banlieue moscovite pour y vanter les bienfaits de ses décisions et du coup d’État. Penser le contraire est évidemment contre-révolutionnaire. Et une telle pensée peut mener à la mort ou à l'exil. Elle est comme ça la Nouvelle Star ! À la fin du meeting, dans la soirée, Fania Kaplan s'approche de lui. Elle sort un pistolet et tire à trois reprises, le blessant à l'épaule et au poumon. Elle parvient à prendre la fuite mais est arrêtée quelques rues plus loin par des ouvriers venus écouter le discours du nouveau tsar. Gravement atteint, le tsar bolcheviste est évacué en urgence. "Va-t-il crever ?" se dit "Он умрет ?" en russe. Si tant est que l'on peut leur faire confiance, selon les hominines chargés de l'interroger, elle aurait déclaré :

Mon nom est Fania Kaplan. Aujourd'hui j'ai tiré sur Lénine. Je l'ai fait de moi-même. Je ne dirai pas de qui j'ai obtenu mon revolver. Je ne donnerai aucun détail. J'étais résolue à tuer Lénine depuis longtemps. Je le considère comme un traître à la révolution. Je fus exilée à Akatui pour ma participation à une tentative d'assassinat contre un officier tsariste. J'ai passé 11 ans aux travaux forcés. Après la révolution, j'ai été libérée. J'étais favorable à l'Assemblée constituante et le suis toujours

Son geste et ses quelques mots se suffisent à eux-mêmes. L'universalisme d'ACAB, "All Czars Are Bullshit !" Deux personnes sont arrêtées, suspectées d'avoir aidé Fania Kaplan, mais sont relâchées rapidement après interrogatoire par des miliciens bolchevistes. N'obtenant rien de plus de Fania Kaplan qui refuse de collaborer après son geste protivotsarien[42] — contre le tsarisme — et sans doute persuadés qu'elle a réellement agit seule, des bolchevistes l'exécutent d'une balle dans la nuque le 3 septembre 1918. Son cadavre est brûlé et ses restes dispersés. Un procès ne sert à rien. Place à Fanny Kaplan, nom sous lequel elle est maintenant internationalement reconnue comme celle qui a tenté de tuer le tsar rouge, Lénine. Même Le Petit Niçois du 2 septembre 1918 en fait sa Une[43]. Tous les propos qui lui sont prêtés sont à prendre avec prudence car ils sont relayés par ses bourreaux et les quelques témoignages d'hominines prétendant avoir assisté à son arrestation ou à sa mort sont contradictoires[10]. Dans L'archipel du Goulag, Alexandre Soljenitsyne recueille l'histoire de Berta Gandal qui raconte que ses deux frères étaient les complices de Fanny Kaplan et qu'ils l'attendaient dans une voiture pour s'échapper après l'assassinat de Lénine. Selon elle, ils sont rapidement tous les deux abattus par les miliciens bolchevistes. Arrivant de Riga peu après, elle-même est arrêtée à Moscou et condamnée à la prison à vie pour une supposée complicité. Elle est la seule à évoquer cela[44].

Cas prolétarien

Avec le poumon perforé et la balle proche de la colonne vertébrale, Lénine refuse de quitter la résidence où il est réfugié de crainte d'un nouvel attentat. Mais il est inopérable sur place. Pour la plus grande tristesse des protivotsariens, il se remet petit à petit et survit à ses blessures dont il gardera néanmoins des séquelles toute sa vie. Prétextant l'assassinat à Saint-Pétersbourg par le poète Leonid Kannegisser[45] du bolcheviste Moïsseï Ouritski, le même jour que la tentative de Fanny Kaplan de le tuer, Lénine et ses partisans décrètent un période de terreur. Rouge celle-ci. Alors même que la direction du Parti socialiste révolutionnaire nie toute implication, Leonid Kannegisser et Fanny Kaplan sont dénoncés comme étant des socialistes révolutionnaires. La chasse est lancée contre les esseristes mâles et femelles qui, par leur opposition aux bolchevistes, sont dorénavant tous estampillés de droite. Une partie d'entre elleux s'organisent clandestinement et rejoignent les rangs bigarrés des anti-bolchevistes. Jusqu'en 1922, les bolchevistes se lancent dans des offensives sur de multiples fronts, confrontés à la guerre civile qui se déroule en Russie dans laquelle les armées anarchistes paysannes d'Ukraine et les armées pro-tsaristes sont les plus grosses forces à abattre[46]. Malgré leur résistance, les anarchistes et les esseristes, de gauche ou de droite, mâles et femelles, sont pourchassés, arrêtés, emprisonnés et parfois exécutés. Celleux qui le peuvent fuient à l'étranger. Les révoltes et les guérillas sont matées sur l'ensemble du territoire. L'histoire retiendra que Lénine a survécu et que les bolchevistes se sont totalement imposés dans les moindres rouages de l’État proclamé révolutionnaire. Fin de la révolution, place à la future Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).

Un air de déjà vu !?

En juin 1922 s'ouvre à Moscou le procès contre plusieurs dizaines d'esseristes[47], mâles et femelles, membres de la direction du Parti socialiste révolutionnaire, accusés de menées "contre-révolutionnaires" et responsables de plusieurs insurrections dans le pays. La figure de Fanny Kaplan réapparaît au cours de ce procès. L'intention des bolchevistes est de mettre en relation sa tentative d'assassinat de Lénine et ses liens avec les esseristes. Pour cela, des bolchevistes ex-esseristes viennent témoigner pour expliquer que les actions de Leonid Kannegisser et Fanny Kaplan ont été commanditées par la direction du Parti socialiste révolutionnaire. Rufina Stavitskaia[48] se présente comme une ami de longue date de Fanny Kaplan. Selon elle, toutes deux ont participé au gouvernement anti-bolcheviste[49] mis en place par les socialistes révolutionnaires et pour lequel Fanny Kaplan est employée municipale à Simferopol en Crimée avec un très bon salaire. Le renversement par les bolchevistes de ce gouvernement entraîne la perte de sa situation sociale privilégiée et fait naître en elle son projet protivotsarien ! Tous les liens que Fanny Kaplan a conservé avec d'anciennes prisonnières esseristes sont pour les bolchevistes autant de preuves de sa proximité politique avec elles. Qu'elle n'est d'autres proches que les prisonnières avec lesquelles elle a passé plusieurs années est-il si surprenant ? Pour un dossier à charge, cela est un faisceau de preuves... Chacune de ses connaissances deviennent des évidences de son appartenance au Parti socialiste révolutionnaire. Qu'elle ait passé des années à côtoyer Maria Spiridonova[37] n'arrange rien. Les bolchevistes inaugurent par ce procès la longue liste de ceux qu'illes mèneront contre les "contre-révolutionnaires", avec pour méthode principale de produire des témoignages sur commande et faire ainsi dire n'importe quoi aux vivants et aux morts afin de justifier des verdicts décidés à l'avance. Si elle n'a pas été inventée par les bolchevistes, la déclaration de Fanny Kaplan qui se dit "favorable à l'Assemblée constituante et [l'être] toujours" fait taire les objections. L'écriture du scénario bolcheviste se conclut en 1924 avec l'arrestation, après l'avoir piégé, de Boris Savinkov[50], écrivain, membre du Parti socialiste révolutionnaire et fondateur de l'Organisation de Combat, sa branche militaire clandestine. Après de longues heures sous la torture il veut bien admettre qu'il a fourni l'arme à Fanny Kaplan pour qu'elle tue le tsar rouge, comme le lui demande avec insistance ses bourreaux. Il est retrouvé mystérieusement suicidé l'année suivante dans sa cellule. La fiction bolcheviste se clôt ainsi. Comme le note l'historien Semion Lyandres, des esseristes réfugiés à l'étranger confirment que Fanny Kaplan n'appartient à aucune organisation, et les textes et mémoires d'anciens esseristes écrits dans les décennies suivantes et qui mentionnent Fanny Kaplan semblent indiquer qu'illes ne connaissent pas directement Fanny Kaplan et que leurs témoignages sont de seconde-main[10]. Pour autant, ils participent aussi au mythe bolcheviste d'une Fanny Kaplan socialiste révolutionnaire qui, au fil des décennies, devient même la seule version historique. Pourtant, rien ne le dit. Si ce n'est la propagande bolcheviste.

Sages, n'allez pas me maudire, que suis-je pour vous ?
Rien qu'un petit nuage plein de feu. [51]

Les imaginaires ont la vie dure. Malgré sa mort annoncée par les bolchevistes, des rumeurs circulent que Fanny Kaplan est toujours vivante. Quelques hominines témoignent l'avoir croisé dans différents camps de travail sibériens ou lors de transports de prisonniers. Dans L'archipel du Goulag, Alexandre Soljenitsyne relate même qu'elle a été vue à la prison moscovite de Boutyrka où elle est chargée de la bibliothèque[44]. Un ancien militaire soviétique témoigne dans les années 1980 que lors d'un voyage réalisé en 1956 en Carélie (Scandinavie soviétique) des hominines de la région lui montre une maison du village de Poduzhemye — sur les rives de la rivière Kem, non loin de la mer Blanche — dans laquelle, selon elleux, Fanny Kaplan a vécu une vingtaine d'années avant de mourir en 1953[10].

Le russe Konstantin Balmont[52] consacre son poème Lettre K à Moritz Konradi[53], Boris Koverda[54], Leonid Kannegisser et Fanny Kaplan, qui, malgré leurs différences politiques, ont en commun d'avoir tenté d'assassiner un dignitaire bolcheviste. Tel Vélimir Khlebnikov et sa poésie linguistique, ou Kroutchenykh pour qui "l’abondance de "K" dans la langue russe [...] fait dire [...] qu’elle porte en elle la scatologie"[55] — aka caca — Konstantin Balmont voit dans la lettre K une représentation lettriste anti-bolcheviste. Bolchevik ? La protivophilie note d'ailleurs que ACAB, en alphabet cyrillique, se transcrit AKAБ.

Люба мне буква «Ка», / Liouba est pour moi la lettre "K"
Вокруг неё сияет бисер. / Les perles brillent autour d'elle.
Пусть вечно светит свет венца / Que la lumière de la couronne brille toujours
Бойцам Каплан и Каннегисер. / Aux combattants Kaplan et Kannegisser

И да запомнят все, в ком есть / Et que chacun se souvienne
Любовь к родимой, честь во взгляде, / L'amour pour ta chérie, l'honneur dans tes yeux,
Отмстили попранную честь / A vengé l'honneur foulé aux pieds
Борцы Коверда и Конради. / Les lutteurs Koverda et Konradi[56]

Macédoine de rien

Pour la protivophilie qui, inlassablement, mène ses recherches autour de F. Merdjanov, la macédoine est une composante essentielle de l'univers merdjanovien. Incontournable. Après ses conclusions sur la salade niçoise et la salade chopska, la protivophilie s'ouvre à la salade russe pour enrichir encore plus ses réflexions autour de la naissance de la macédoine de légumes chez les hominines. Mais pas seulement. Elle s'interroge aussi sur la recette bolcheviste de la salade russe qui permet de faire de Fanny Kaplan autre-chose que ce qu'elle est. La gastronomie et la justice sont de puissants procédés chimiques de transformation. Aucun mot direct ne peut lui être attribué avec certitude car tous émanent de celleux qui l'arrêtent, la torturent ou la tuent. La falsification est une vieille méthode policière — qui fonctionne d'ailleurs encore très bien de nos jours, un peu partout. La valeur de l'amitié d'une personne qui lors d'un procès vous charge est à relativiser, alors que penser des témoignages de socialistes révolutionnaires qui sauvent leur peau en incriminant Fanny Kaplan pour enfoncer d'autres esseristes ? Sont-illes de simples balances dans cette cuisine ou des apprentis-cuistos de la gastronomie bolcheviste ? La recette ? Lorsque l'on manque d'un ingrédient pour une bonne macédoine, il suffit de l'inventer. C'est aussi ça la magie de la révolution.

La Macédoine est partout, même ici, chez nous.[57]

Recette internationale

Ces quelques mots de Boris Savinkov en 1909 faisant référence aux luttes en Roumélie ottomane ouvrent pour la protivophilie de nouvelles perspectives historiques. Du point de la gastronomie bolcheviste, les ingrédients sont réunis pour faire une belle macédoine. Rappelons que, selon sa biographie classique, F. Merdjanov naît à Nice dans une "famille d’origine macédonienne dont l’histoire croise celle du nihilisme politique des années 1900"[58]. Une petite communauté russe est présente dans la ville vers la fin du XIXème siècle et Alexandre Herzen (1812 - 1870), l'un des théoriciens du populisme révolutionnaire en Russie, est enterré au cimetière du Château. Boris Savinkov y séjourne alors qu'il est en fuite. Il y écrit en 1909 son roman Le cheval blême sous le pseudonyme de Ropchtchine. D'après les quelques travaux publiés à ce sujet, il semble que l'influence de la communauté russe soit importante sur la petite communauté macédonienne de Nice[59]. Autant que la gastronomie macédonienne sur la niçoise. Autant que "l'influence de Serge Netchaïev et du "nihilisme" en Russie sur l'anarchisme dans les Balkans, pour reprendre le sous-titre d'un texte inédit attribué à F. Merdjanov. L'énigme Floresco[60] tente, loin des clichés, de démêler le rôle réel de Serge Netchaïev, le célèbre compagnon d'Albertine Hottin. Intitulé ainsi selon le pseudonyme que le compagnon de celle-ci utilisait lorsqu'il circulait dans les Balkans[61], son initiale n'est pas sans rappeler celle qui précède Merdjanov. Et si ce F. était une référence à Floresco ? Une évocation discrète à celui qui refuse que les hominines de la Volonté du peuple prennent le risque de venir le libérer après dix années de cachots alors qu'illes ont prévu de tuer le tsar. Et finalement réussi. Serge Netchaïev meurt l'année suivante des mauvais traitements, en protivotsarien heureux[62], le sourire aux lèvres à penser que le tsar est vraiment mort. Mais peut-être que ce F. est en fait une référence à Fanny Kaplan. Une sorte de réhabilitation posthume d'un geste joyeux dans la vie de misère promise aux hominines. Dans les deux cas, ce choix de l'initiale F. montre une volonté de s'inscrire dans la lignée des protivotsariens.

Notes

  1. La République des Deux Nations est l'union signée en juillet 1569 entre le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie. Elle est partagée deux siècles plus tard entre les différentes puissances alentours.
  2. Le farfelu JC qui promet un autre monde à ses adeptes, après la mort, n'a rien à faire dans cet article. Ni plus, ni moins d'ailleurs que Jil Caplan qui écrit en 1997 la chanson Un autre monde pour la version française du documentaire La petite sirène des studios Disney et ne doit surtout pas être confondue avec son homonyme Kaplan - En ligne
  3. Le yiddish n'est pas vraiment une langue unifiée mais un ensemble de pratiques linguistiques très proches des moïsiens des zones germanophones. Les influences slaves sont plus prégnantes à l'Est de cette zone linguistique. Dans d'autres régions d'Europe, les moïsiens ont développé le judéo-provençal (shuadit) ou le judéo-espagnol (ladino) par exemple.
  4. 4,0 4,1 et 4,2 Moïsien désigne celleux qui suivent les lois de Moïse — les juifs —, mahométien désigne celleux qui croient que Mahomet est un prophète — les musulmans — comme le terme de christien désigne les chrétiens adeptes de Jésus aka Christ
  5. goulag est l'acronyme russe de Главное управление лагерей (Glavnoïé oupravlénié laguéreï) qui signifie "administration principale des camps".
  6. L'anti-judaïsme christien est un conglomérat d'arguments théologico-politiques qui justifient les mauvais traitements, la ségrégation ou les meurtres de moïsiens au prétexte qu'ils auraient tué une personne qui n'a sans doute jamais existé, Jésus aka Christ. L'antisémitisme est la version moderne de cet anti-judaïsme, débarrassé de références religieuses.
  7. Lodomérie est la forme latinisée de Volhynie, une ancienne principauté slave dont la capitale était Halytch qui donne son nom latinisé de Galicie pour la région. Lodomérie et Galicie ont une histoire commune pendant plusieurs siècles dans un royaume puissant.
  8. Artur Lundkvist, Vie d’herbe. Cité à l'entrée "sursis" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  9. Burevestnik n°10 et 11 de mars et avril 1908 - [En ligne]
  10. 10,0 10,1 10,2 10,3 10,4 et 10,5 Voir Semion Lyandres, "The 1918 Attempt on the Life of Lenin: A New Look at the Evidence", Slavic Review, vol 48, n°3, 1989 - En ligne
  11. Michaël Confino, "Révolte juvénile et contre-culture : Les nihilistes russes des "années 60", Cahiers du monde russe et soviétique, 1990 - En ligne
  12. S'inspirant des écrits de Alexander Herzen et Nikolaï Tchernychevski, la mouvance populiste émerge dans la seconde moitié du XIXème siècle. Le programme est simple : renverser la dictature et donner le pouvoir au peuple. Les narodniki (populistes) misent leurs espoirs sur les communautés villageoises et paysannes censées être la base de l'organisation de la société socialiste à venir. Terre et Liberté, le premier groupe clandestin, apparaît en 1876. Il éclate en deux tendances en 1879 sur la question de la violence politique. Franco Venturi, Les Intellectuels, le Peuple et la Révolution : histoire du populisme russe au XIXe siècle, Gallimard, 1972, 2 tomes. Vera Figner, Mémoires d’une révolutionnaire, Mercure de France, 2017. Steptniak, La Russie souterraine, 1887 (Rééd. Tumult, 2019). Alain Pessin Le populisme, ACL, 1997. Jocelyne Fenner, Les terroristes russes, Éditions Ouest-France, 1989. Après six tentatives échouées, Volonté du Peuple parvient à tuer le tsar Alexandre II. Vera Figner, "L’exécution du Tsar Alexandre II" dans Mémoires de femmes mémoire du peuple, La Découverte, 1979 - En ligne
  13. Les marxistes sont les hominines s'inspirant des écrits et analyses de l'écrivain anti-poète Karl Marx, et, pour la plupart d'entre elleux, de son approche autoritaire de la politique et de la révolution. Le marxisme est un foisonnement de pratiques et de théories parfois fort éloignées, voire contradictoires
  14. Collectif, Les Socialistes-Révolutionnaires de gauche dans la révolution russe. Une lutte méconnue, Spartacus, 1983. Jacques Baynac, Les Socialistes révolutionnaires, Laffont, 1992
  15. Active de 1902 à 1911, l’Organisation de Combat est responsable de la mise en œuvre des actions clandestines et des assassinats politiques. Composée seulement de moins d'une centaine d'hominines, elle est autonome et s'autofinance grâce à des braquages. Boris Savinkov, Souvenirs d'un terroriste, Champ libre, 1982.
  16. Paul Avrich, "Les terroristes", Les anarchistes russes, 1979 - En ligne. Michaël Confino, "Idéologie et sémantique : Le vocabulaire politique des anarchistes russes", Cahiers du monde russe et soviétique, 1989 - En ligne
  17. 17,0 17,1 et 17,2 Vive la révolution, à bas la démocratie ! Anarchistes de Russie dans l'insurrection de 1905. Récits, parcours et documents d'intransigeants, Mutines Séditions, octobre 2016
  18. Propos d'un socialiste-révolutionnaire. Cité dans Franco Venturi, Les intellectuels, le peuple et la révolution, Gallimard, 1972
  19. Pour les fanatiques du sujet, l'aspect amoureux de cette rencontre est à noter
  20. Victor Garskiy est né en 1888 dans la petite ville de Hînçesti (actuellle Moldavie). En 1903 il travaille à Chisinau dans une usine, puis en 1905 s'installe à Odessa où il rencontre Feïga Roïtblat. Il participe à plusieurs braquages dans le sud de la Russie. En avril 1907, il est le seul survivant d'une petite équipe de braqueurs anarchistes. Arrêté en mai, il est condamné à 12 années de prison pour sa participation à différents braquages et emprisonné à la prison d'Odessa jusqu'à l'amnistie de 1917. Faisant le choix de soutenir les bolchevistes, il intègre même la milice d'État (Tchéka). Il meurt en 1956.
  21. Comme son nom l'indique, le Groupe des anarchistes-communistes du Sud est actif dans le sud de la Russie, approximativement dans le carré constitué d'Odessa, Kiev, Ekaterinoslav et Kichinev (Chisinau). Il est à l'origine de quelques actions armées et de braquages. Hormis de rares exceptions, les hominines mâles et femelles qui y participent ne sont pas clairement identifiés. Dans la même région le Groupe de combat international, fondé à Genève, est actif de 1907 à 1908, date à laquelle 36 de ses membres, mâles et femelles, sont inculpés de plusieurs attentats et attaques à main armée. De quelques années de prison à la peine de mort sont les sentences contre elleux. À noter aussi le Groupe des anarcho-syndicalistes de Russie méridionale qui voit le jour en 1906 à Odessa sous l'impulsion de Daniil Novomirski. Une section se monte même à Tiraspol. Le syndicalisme prôné par ce groupe est un mélange de conflits sociaux, de violences contre les patrons et de braquages pour financer la propagande, et est critique de la ligne choisie par les groupes armés anarchistes qualifiée de "suicidaire". Fort de plusieurs milliers de membres, il ne survit pas à la répression tsariste.
  22. Le Groupe des Ouvriers Anarchistes-Communistes d'Ekaterinoslav est actif de 1904 à 1908. Il publie quatre numéros de son journal Aux armes ! Tout au long de 1906, il mène des attaques et des assassinats ciblés : deux haut-gradés de l'armée et de la police, trois contre-maîtres et une dizaine de gardes sont tués. Le groupe est démantelé à la fin de l'année et beaucoup de ses activistes mis en prison puis exécutés. Sur quatre vingt quinze hominines lors du procès, onze sont des femmes, tous sauf deux sont d’origine ouvrière ou paysanne, de nationalités diverses, ouvriers ou petits artisans. Un seul a plus de vingt-cinq ans. "Groupe de travailleurs & groupe de combat. Ekaterinoslav (1904 - 1904)", Vive la révolution, à bas la démocratie !..., octobre 2016. Y horrible sera su rabia. El anarquismo en Yekaterinoslav 1904-1908, 2007 (En castillan) - En ligne. Voir aussi l'article sur Simon Radowitzky
  23. Besmotivni signifie en russe "sans motif". Ce qualificatif est utilisé par "des anarchistes radicaux, des individualistes forcenés et des révoltés en lutte contre l'empire russe. "Sans motif" pour de multiples raisons, ils semèrent mort et désolation parmi les puissants, sourire et vengeance parmi les plus pauvres. Héritiers en partage de ce vaste mouvement de contestation radicale qui traversa toute la Russie moins d'un demi-siècle auparavant et fissura les fondations d'une société en questionnant tous ses aspects, par la dynamite ou la littérature, par le refus ou par l'action, par le doute et par la négation." D'après "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017 - En ligne. Vive la révolution, à bas la démocratie ! Anarchistes de Russie dans l'insurrection de 1905, Mutines Séditions, 2016. Anarquistas de Bialystok. 1903 - 1908, 2009 (En castillan) - En ligne. De la Russie à l'Argentine. Parcours d'un anarchiste au début du XXème siècle, 2017 - En ligne. Voir aussi un personnage qui pour la protivophilie reste mystérieux, B. Smotivni
  24. L’Union des socialistes révolutionnaires maximalistes naît en 1905/1906 d'une scission du Parti socialiste révolutionnaire. Les maximalistes, mâles et femelles, multiplient les actions armées contre des intérêts tsaristes et les braquages pour se financer. Illes sont démantelés par la répression à partir de 1907, assassinés ou envoyés au bagne. Paul Avrich, Klara Klebanova, "The Last Maximalist: An Interview with Klara Klebanova", The Russian Review, vol. 32, n° 4, 1973 - En ligne
  25. Des groupes armés de moïsiens du Bund participent aussi à ces vengeances anti-pogromistes. L’Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie, plus connue sous le nom de Bund, est un mouvement socialiste moïsien qui lutte pour une émancipation politique et culturelle des moïsiens yiddishophones. Il s'oppose aux projets sionistes d'immigration hors d'Europe et réclame une autonomie pour tous les "peuples" dans le cadre d'une société socialiste. Alain Brossat, Sylvia Klingberg, Le Yiddishland révolutionnaire, Balland, 1983 (Rééd. Syllepse, 2009). Henri Minczeles, Histoire générale du Bund, Un mouvement révolutionnaire juif, Denoël, 1999. Nathan Weinstock, Le Pain de misère, Histoire du mouvement ouvrier juif en Europe, L'empire russe jusqu'en 1914 - tome I, La Découverte, 2002.
  26. Jil Caplan, "Comme sur une balançoire" sur l'album À Peine 21, 1987 - En ligne
  27. D'après le bolcheviste Viktor Baranchenko, dans son livre Gaven consacré au milicien bolcheviste Yuri Gaven, Max Kaplan est un anarchiste ayant fait le choix de soutenir les bolchevistes après 1917. Il est actif dans leurs réseaux clandestins de résistance à l'occupation allemande dans la ville de Simferopol en Crimée.
  28. Samuel Nakhimovich Beylin est né en 1882 près de Kiev dans une famille de moïsiens socialistes. Il rejoint le Parti socialiste révolutionnaire vers 1903. En fuite à l'étranger après avoir abattu un indicateur de police, il se rapproche des anarchistes. De retour fin 1904 en Russie, avec sa compagne Polina Krasnoshchekova, il s'organise avec des groupes anarchistes clandestins d'Ekaterinoslav et de Bialytosk. Il participe à plusieurs braquages. Après la découverte en avril 1907 d'une imprimerie clandestine à Ekaterinoslav et les arrestations qui s'en suivent, avec un petit groupe d'anarchistes il tente sans succès d'attaquer la prison de femmes où est incarcérée Ida Zilberstat, chez qui l'imprimerie était cachée et condamnée à 6 années de prison pour cela. Il est arrêté à l'automne 1907 et condamné à 8 années de travaux forcés. Torturé jusqu'à sombrer dans la folie, il meurt de douleur le 4 avril 1915 après avoir eu tous les os brisés par ses bourreaux tsaristes. Ida Zilberstat est libérée en 1916 et se réfugie aux États-Unis d'Amérique. Elle retourne en Russie l'année suivante où elle s'occupe de l’Association des anciens prisonniers politiques et déportés jusqu'en 1930.
  29. Polina Moiseyievna Krasnoshchekova est née en 1888 à Slutsk (actuelle Biélorussie). Esseriste entre 1902 et 1904, elle se rapproche des anarchistes et participe aux activités clandestines à Kiev, Ekaterinoslav et Odessa. En 1909, elle est condamnée à la déportation à vie en Sibérie pour ses activités dans l'imprimerie clandestine. Jusqu'en 1930, elle s'occupe de l’Association des anciens prisonniers politiques et déportés. Ensuite, sa trace se perd.
  30. Réjean Ducharme, L’avalée des avalés. Cité à l'entrée "lapalissade" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  31. Les journaux anarchistes l'appellent toujours Feïga Roïtblat
  32. Fania est la correspondance avec Fanny, le diminutif de Stéphanie. L'étymologie de stéphanie renvoie au grec "couronnée" alors que Feïga est dérivé du yiddish feygel "oiseau". Michel Roblin, "Quelques remarques sur les noms de famille des Juifs en Europe Orientale", Revue Internationale d'Onomastique, n°4, décembre 1950 - En ligne
  33. De 1826 à 1917, le katorga de Nerchinsk est un vaste ensemble pénitentiaire composé de plusieurs prisons, chacune dédiée à l'exploitation de mines d'or, d'argent ou de plomb. Nerchinsk est situé dans la région sibérienne de Transbaïkalie, près du fleuve Amour.
  34. Vera "Anja" Michaelovna Bobrova-Tarasova (1887 - 1930)
  35. En tant que membre de l'Union des socialistes révolutionnaires maximalistes, Anna Sevelevna Pigit (aka Nina Georgievna) participe le 25 août 1906, avec deux autres esseristes, à la tentative d'assassinat de Piotr Stolypin, ministre de l'Intérieur et nouvellement Premier ministre du tsar, jugé responsable de la mort et de l'arrestation de nombreux révolutionnaires. Grâce à des uniformes militaires, le petit groupe s'introduit dans sa résidence de Saint-Pétersbourg et dépose une bombe. Stolypin échappe à l'attentat mais 28 personnes, dont deux de ses enfants, sont tuées. Anna Pigit, née en 1884, est condamnée à la prison à vie et envoyée à Maltsev en Sibérie. Elle est libérée en 1917. De retour à Moscou, elle vit dans l'appartement de son frère avec les esseristes Anastasia Aleksivna Bitsenko (1875 - 1938) et Vera Bobrova-Tarasova rencontrées en Sibérie. Anna Pigit est exécutée en 1938 pour "activités contre-révolutionnaires".
  36. La fiction cinématographique My Grand Mother Fanny Kaplan, réalisée en 2016 par l'ukrainienne Olena Demyanenko, brode une histoire romantique entre Dmitri Oulianov et Fania Kaplan
  37. 37,0 et 37,1 Née en 1884, la socialiste révolutionnaire Maria Spiridonova est condamnée à mort pour l'assassinat en janvier 1906 d'un responsable de la répression d'une révolte paysanne vers Tambov. Sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité, elle est envoyée en Sibérie. Libérée en 1917, elle rejoint le Parti socialiste révolutionnaire de gauche et est élue à l'Assemblée constituante. Malgré qu'elle désapprouve l'insurrection des esseristes de juillet 1918, elle est arrêtée par les bolchevistes. Internée en hôpital psychiatrique à plusieurs reprises entre 1919 et 1923, puis incarcérée entre 1930 et 1940. Elle est exécutée en septembre 1941 avec plusieurs esseristes et autres opposants.
  38. L'armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne, dite Makhnovchtchina, est une armée paysanne menée par l'anarchiste Nestor Makhno (1888 - 1934) qui s'oppose aux tsaristes, aux nationalistes ukrainiens et aux bolchevistes entre 1918 et 1921 en Ukraine. Forte de plusieurs dizaines de milliers de combattants, la Makhnovchtchina tient tête et tente de mettre en place une organisation libertaire de la société dans les régions qu'elle contrôle. La défaite est militaire. Nestor Makhno, Mémoires et écrits : 1917 - 1932, Ivrea, 2010. Alexandre Skirda, Nestor Makhno : le cosaque libertaire, 1888-1934, Éd. de Paris, 1999. Piotr Archinov, La Makhnovchtchina, 1924 (Réed. Spartacus, 2010). Voir aussi Mila Cotlenko, Maria Nikiforova. La révolution sans attendre. L'épopée d'une anarchiste à travers l'Ukraine (1902 - 1919), Mutines Séditions, 2014
  39. Né dans l'aristocratie allemande de la Baltique, Roman von Ungern-Sternberg s'engage dans l'armée du tsar dans laquelle il est officier. Avec une solide réputation de guerrier un tantinet insubordonné, il est envoyé en 1917 en Sibérie. Indépendamment de l'armée tsariste, il prend la tête de la résistance aux bolchevistes dans la région car, selon lui, "les travailleurs sales qui n'ont jamais eu leurs propres domestiques [ne peuvent] avoir leur mot à dire dans les décisions du vaste Empire russe" ! Il fonde en 1920 la République d'Extrême-Orient dont la capitale est Tchita. Mystique et stratège, le baron Ungern-Sternberg s'entoure de plusieurs milliers de cavaliers venus de différentes populations sibériennes, la "Division Sauvage", et prône une forme de bouddhisme armé. Il tente de s'étendre en direction de la Chine et prend le contrôle de la capitale mongole. Trahi, il est livré aux bolchevistes qui, après un court procès en septembre 1921, l'exécutent. La personnalité et les faits d'armes de Ungern-Sternberg font naître de nombreux mythes autour de lui. Voir le roman de Ferdynand Ossendowski, Bêtes, Hommes et Dieux, 1923
  40. Panaït Istrati, L’homme qui n’adhère à rien. Cité à l'entrée "beznatchalie" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  41. Image extraite de la fiction cinématographique Son nom était Fanny, réalisée en 2020 par l'ukrainienne Olena Demyanenko
  42. De la racine slave protiv "contre" et de tsar "empereur russe"
  43. Le Petit Niçois du 2 septembre 1918 - En ligne
  44. 44,0 et 44,1 Alexandre Soljenitsyne, L'archipel du Goulag
  45. Né en 1896 dans une famille moïsienne de lettrés, Leonid Joakimovich Kannegisser est proche des milieux socialistes populistes, critiques modérés des marxistes. Poète et élève officier, il assassine le 30 août 1918 Moïsseï Ouritski, le chef de la milice bolcheviste de Saint-Pétersbourg. Il est le responsable de l'exécution d'un petit groupe d'officiers à l'été 1918 dont faisait partie Viktor Pereltsveig l'amant de Leonid Kannegisser. Arrêté, il déclare avoir agit seul et par esprit de vengeance. Il est rapidement exécuté. Appréhendés dans le cadre de l'enquête, ses parents et ses frères sont relâchés. Les bolchevistes accuseront par la suite son cousin Maximilian Filonenko, un esseriste, d'être le commanditaire.
  46. Jean-Jacques Marie, La guerre civile russe. 1917 - 1922. Armées paysannes rouges, blanches et vertes, Autrement, 2005
  47. David Shub, "The Trial of the SRs", The Russian Review, vol. 23, n°4, 1964 - En ligne. K. Kautsky, W. S. Woytinsky, The Twelve who are to die : the trial of the socialists-revolutionists in Moscow, Berlin, Delegation of the Party of Socialists-Revolutionists, 1922 - En ligne
  48. Rufina Efremovna Stavitskaia dite Faïna Stavskaïa est membre du Parti socialiste révolutionnaire et se rapproche des bolchevistes en 1917. Elle participe, avec son mari le bolcheviste V. Baranchenko, aux réseaux clandestins bolchevistes en Crimée. Après le procès de 1922 lors duquel elle charge les esseristes, elle n'est pas condamnée et retourne en Crimée. En 1924, le couple s'installe à Moscou et elle est autorisée à rejoindre le Parti unique au pouvoir. Elle est abattue en 1937 par la police secrète.
  49. Le 18 juin 1918, des socialistes révolutionnaires fondent le Comité des membres de l'Assemblée constituante et forment un gouvernement anti-bolcheviste à Samara, près de la Volga. Le gouvernement instaure la journée de travail de 8 heures, réactive les conseils dans les usines et autorise les syndicats. La propriété privée est réinstaurée et les usines, banques et entreprises sont restituées à leurs anciens propriétaires. Le gouvernement est militairement écrasé par les bolchevistes en novembre.
  50. Né en 1879 à Kharkov, dans l'actuelle Ukraine, Boris Savinkov est étudiant à l'université de Saint-Pétersbourg lorsqu'il commence à militer dans des groupes socialistes et participer à des journaux. Il rejoint le Parti socialiste révolutionnaire et devient l'un des animateurs de sa structure clandestine chargée des actions armées et des braquages. Entre 1902 et 1906, il participe à plusieurs assassinats ou tentatives contre des responsables tsaristes. Il s'enfuit en France et s'installe à Paris. Malgré la réprobation de son parti, il publie les romans Souvenirs d'un terroriste (Champ libre, 1982) et Le Cheval blême en 1909 (Libretto, 2008) et Ce qui ne fut pas en 1914 (Prairial, 2017). Il vit quelques temps à Nice. Il retourne en Russie en 1917 et à partir de 1920 tente d'organiser de petits groupes anti-bolchevistes de paysans dans l'actuelle Biélorussie mais doit fuir de nouveau. Boris Savinkov se réfugie en France. Il revient sur ces quelques années dans Cheval noir - En prison, écrit en 1924 (Anabet, 2008)
  51. Konstantin Balmont, Les Contours des rêves
  52. Né en 1867 dans la noblesse russe, Konstantin Balmont publie son premier recueil de poésie en 1890. Il fuit la Russie en 1917 et se réfugie en France où il publie ses poèmes et, polyglotte, fait de nombreuses traductions d'auteurs contemporains. Vladimir Markov, "Balmont: A Reappraisal", Slavic Review, vol. 28, n°2, 1969 - En ligne
  53. Né en 1896 en Russie de parents suisses, Moritz Konradi s'engage dans l'armée tsariste. Après 1917, il est proche des milieux anti-bolchevistes tsaristes. Il assassine le 10 mai 1923, lors de la Conférence de Lausanne sur la question d'Orient, le diplomate russe Vaclav Vorowsky et deux de ses collaborateurs. Jugé en Suisse pour son acte anti-bolcheviste, il est acquitté. Voir la retranscription du 22 mai de sa déclaration - En ligne
  54. Boris Koverda naît à Vilnius en 1907 dans une famille d'anti-bolchevistes tsaristes. En juin 1927, il assassine à Varsovie le bolcheviste Piotr Voykov, ambassadeur de Russie en Pologne et participant à l'assassinat du tsar et de sa famille. Il est condamné à la prison à vie, commuée en 15 ans de prison. Il est amnistié et libéré en 1937.
  55. Poésie par le fait/faire, Z-ditions de l'Amphigouri, 2021 - En ligne. Voir aussi l'article "caca" sur l'excellente encyclopédie en ligne wikimerdja.
  56. Traduction approximative googlienne de Konstantin Balmont, Lettre K
  57. Boris Savinkov, Souvenirs d'un terroriste
  58. F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  59. "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017 - En ligne
  60. F. Merdjanov (Attribué à), L'énigme Floresco, inédit, non daté
  61. Nicolas Stonoff, Un centenaire bulgare parle, Notre Route, 1963 - En ligne
  62. Jeanne-Marie Gaffiot, Netchaïeff, L'Âge d'Homme, 1989