Corridor de Latchin

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Corridor de Latchin. Portion meurtrière de la route qui mène le Haut-Karabagh à l'Arménie.


[En cours de rédaction]


Accidentologie

Accidentologie & protivophilie[1]

L'accidentologie est une discipline contemporaine s'occupant de collecter des données et d'établir des statistiques, voire de faire des propositions, concernant les accidents sur les routes. Elle ne comprend pas tous les types de déplacement sur ces dite routes. Malgré le nombre d'hominines parcourant les sentiers, les chemins de randonnée ou d'estive, ou encore les parcours forestiers, ceux-ci ne sont pas pris en compte. Non pas parce qu'il n'y a rien à en dire ou que les accidents y sont inexistants[2], mais parce que l'accidentologie se concentre sur les accidents survenant lors de l'utilisation des technologies mécaniques pour les déplacements, appelées aussi véhicules. Par ce filtre, elle recense l'ensemble des accidents de parcours entre deux endroits advenus lors de l'usage de véhicules dans les sociétés d'hominines, dans tous les moments de la vie sociale qui s'y déroule. Entre un domicile et un lieu de travail, entre un lieu de consommation et un espace de loisir, entre un espace social et un lieu d'enfermement. Néanmoins, elle ne comptabilise pas tous les accidents lors de transports par train, par avion ou par traction animale. Cela est du ressort d'autres disciplines statistiques. L'accidentologie se focalise sur les moyens de locomotion appelés voiture, camion, moto et vélo dont les hominines sont de grands utilisateurs. Seuls les chiffres concernant les hominines sont pris en compte car, généralement, les autres espèces animales victimes de chocs ou d'écrasements avec de tels véhicules sont considérés "responsables" des accidents. Il existe ainsi moult statistiques et analyses sur les blessures, les morts et les dégâts engendrés par ce qui est communément appelé des "accidents de la route". Par pays, par type de véhicules, par la gravité ou le type de blessures, par âge, etc.

L'accidentologie est une grille de lecture moderne pour une description focale des sociétés d'hominines. Sur cette approche, les débats qui secouent la protivophilie ne sont pas tranchés. Le seront-ils ? Mais l'unanimité se fait autour du rejet de l'utilité de mettre en place des outils d'analyse sur une accidentologie spécialisée sur le camping-car et les hominines en provenance des Pays-Bas. Il lui a été préféré une catégorie impliquant des véhicules des forces de répression instituées par les différents pays et ayant causé des blessures ou des morts parmi ces milices étatiques ou des dégâts matériels. L'utilisation de véhicules modernes et techniques représente une part importante des systèmes de coercition instaurés par les sociétés d'hominines actuelles. Ils servent pour réprimer, pour mener dans des lieux d'enfermement, pour tuer, pour pourchasser et toutes les autres fonctions qui découlent de leur pouvoir coercitif. Pour rappeler leur rôle central dans les sociétés d'hominines et pour maintenir un lien avec les pratiques des hominines qui les subissent, cette discipline protivophile encore balbutiante se nomme pompeusement Accidentologie Centrée Autour des Bâtards. Connue plutôt sous le nom d'accidentologie ACAB.

Les disciplines apparentées à une accidentologie protivophile sont nombreuses. Certaines se portent vers les routes qui séparent deux endroits jusqu'à en faire des cul-de-sac, deux impasses séparées dans des zones de guerres ou de conflits larvés. Par exemple la bande de Caprivi[3] en Namibie ou le corridor de Wakhan[4] en Afghanistan. Le Caucase est une région riche pour cette "protivo-accidentologie", la vallée de Pankissi[5] en Géorgie ou le corridor de Latchin, par exemple, entrent très bien dans cette catégorie. Mais il ne s'agit pas ici de dénombrer les accidents entre des véhicules ou d'autres obstacles, mais de pointer le sort de populations d'hominines se trouvant au cœur de l'une de ces routes ou ses alentours lorsque celles-ci sont au centre d'enjeux militaires entre deux sociétés d'hominines. Celles qui parfois ne tiennent qu'à un pont entre deux rives d'un fleuve ou d'un rivière. D'un ruisseau ? Celles qui longent un cours d'eau, une vallée encaissée ou une ligne de crête.

Complexe latchino-corridorien

Décrit par la protivophilie ce complexe tient son nom du corridor de Latchin qui désigne une vallée caucasienne, officiellement azerbaïdjanaise, s'étendant sur une trentaine de kilomètres à partir de la ville de Latchin. Au nord, cette route rejoint la ville de Stepanakert dans la région arménophone du Haut-Karabagh qui réclame son indépendance de l'Azerbaïdjan. Vers le sud, Latchin est le point de jonction vers, d'une part, l'Arménie et, d'autre part, vers la province azerbaïdjanaise du Nakhitchevan. Le corridor est le chemin le plus court pour ces déplacements.

Transcaucasienne

Le Caucase politique vers 1920

Alors en guerre contre l'empire ottoman[6], le renversement du pouvoir tsariste en Russie en 1917 après JC[7] entraîne le retrait des troupes russes du Caucase. Les mouvements nationalistes régionaux au nord et au sud de la chaîne montagneuse s'engouffrent dans ce nouvel espace politique pour proclamer l'indépendance. Au nord, la République montagnarde du Nord-Caucase voit le jour sur un territoire correspondant aux actuelles régions russes de Tchétchénie, d'Ingouchie, d'Ossétie du Nord et du Daghestan. Au sud, la république démocratique fédérative de Transcaucasie regroupant l'actuelle Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan[8]. L'instauration de cette Transcaucasie ne survit pas aux intérêts politiques divergents de ces différentes composantes. L'Arménie ne peut accepter le soutien de l'empire ottoman souhaité par l'Azerbaïdjan alors qu'une partie de son territoire est occupé par les ottomans depuis les massacres et les déportations massives contre les populations d'hominines christiennes[9] de ces régions. Elle lui préfère l'empire russe. Mais la Géorgie, elle, veut plutôt s'allier à l'Allemagne. La Transcaucasie explose de ses contradictions et trois républiques distinctes mais aux frontières floues sont proclamées en mai 1918. La fin de la Première guerre mondiale sonne le glas de l'empire ottoman, allié de l'empire allemand. Les frontières définitives de ces trois républiques sont finalement établies par les traités de paix signés par d'autres qu'elles. La Turquie, né de l'effondrement de l'empire ottoman, et la Russie révolutionnaire née du renversement du pouvoir du tsar, délimitent leurs frontières dans le Caucase. Les traités internationaux se succèdent entre 1918 et 1920 pour redéfinir les frontières après la chute des ottomans. Certaines sont acceptées, d'autres non. L'invasion militaire du Caucase lancée par le nouveau pouvoir révolutionnaire[10] de Moscou tranche ces questions à partir de 1920. La république montagnarde du Nord-Caucase et les trois républiques transcaucasiennes sont alors dissoutes.

Dans le nord, naît la république soviétique des montagnes et dans le sud, les républiques soviétiques d'Arménie, d'Azerbaïdjan et de Géorgie, toutes intégrées dans l'organisation administrative soviétique. Dans ces trois dernières, le nouveau pouvoir proclame la fin des hostilités autour des différends frontaliers. Le Nakhitchevan et le Zanghezour sont attribués à l'Arménie, le Haut-Karabagh à l'Azerbaïdjan. L'Arménie soviétique perd la Cilicie au profit de la Turquie en échange de l'Adjarie jointe à la Géorgie. Celle-ci obtient l'Abkhazie et les vallées ossètes. Dans les années 1920, les frontières intérieures de la République Socialiste Soviétique de Russie sont figées sur le papier. Elles délimitent des républiques soviétiques, subdivisées en régions, dont certaine bénéficient d'un statut particulier. Ainsi le Nakhitchevan et le Haut-Karabagh sont intégrés à l'Azerbaïdjan avec des statuts d'autonomie relative, tout comme la Géorgie avec l'Abkhazie, l'Adjarie et l'Ossétie du Sud. La république du Nord-Caucase est, quant à elle, dissoute pour faire place à une dizaine de régions avec des statuts identiques. Les revendications des uns et des autres reposent sur des données culturelles et linguistiques. Le Nakhitchevan majoritairement turcophone et mahométien refuse son intégration dans une Arménie majoritairement arménophone et christienne, le Haut-Karabagh majoritairement arménophone et christien ne veut pas dépendre de l'Azerbaïdjan turcophone et mahométienne, tout comme l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud qui affirment leurs différences linguistico-culturelles face à la majorité des géorgiens. Idem dans le nord du Caucase. Même si elles n'obtiennent pas le statut de république mais celui de régions autonomes, la multitude des découpages du Caucase du nord se font selon un regard ethnographique. Presque une dizaine d'entités[11] administratives remplacent dorénavant l'ex-république montagnarde. Au fil des choix politiques, des renversements d'alliance et des purges, les frontières administratives sont légèrement modifiées jusque dans les années 1950. Les politiques de punitions collectives menées à l'encontre de plusieurs communautés d'hominines du Caucase a parfois considérablement bouleversées les équilibres politiques locaux et la démographie linguistique et culturelle. En parallèle de cette reconnaissance politique qui fonde les républiques et les régions soviétiques, la politique des nationalités attribue des droits non-territoriaux[12] à des communautés culturelles ou politiques. Ceci est présenté comme la réponse à la questions des "minorités" existant à des échelons locaux. Toutes les républiques soviétiques et leurs sous-divisions régionales abritent des "minorités nationales" très diverses. Des communautés russes, arméniennes, kurdes, allemandes, azéries, tchétchènes, ossètes et quelques autres encore, existent éparses à travers le Caucase. La région autonome du Daghestan, dans le nord caucasien, reconnaît à elle seule plus d'une dizaine de communautés linguistiques et autant de minorités.

Le corridor de Latchin devient dès lors la route principale qui rejoint les villes du Haut-Karabagh azerbaïdjanais à la république soviétique d'Arménie, et qui fait le lien entre la région autonome du Nakitchevan et la république d'Azerbaïdjan dont elle dépend. Pour ce faire il faut traverser l'Arménie qui les sépare car le Nakhitchevan est distant d'une cinquantaine de kilomètres de la frontière azerbaïdjanaise. Selon la version arménienne de la carte Michelin — prononcez michelian — cette route est celle qui relie la "minorité" arménophone d'Azerbaïdjan à la république.

Axe rouge

Kurdistan rouge (1923 - 1929)

La région d'Azerbaïdjan entre le Haut-Karabagh et la frontière arménienne s'étend sur plus d'une centaine de kilomètres du nord au sud et une largeur d'une cinquantaine. Latchin est la ville principale et l'axe central de cette région. La vaste zone entre le Nakhitchevan et Latchin est peuplée de plusieurs communautés d'hominines kurdophones dont les plus importantes se situent dans la région de Latchin où elles représentent la grande majorité. S'y ajoutent quelques communautés éparses d'assyro-chaldéens[13] et de yézidis[14]. Elles y côtoient des populations de langue arménienne ou azérie. Administrativement rattachée à la république d'Azerbaïdjan, la région bénéficie d'un statut particulier à partir de 1923 permettant un enseignement en kurde, favorisant une presse et une littérature dans cette langue. Le recensement de 1926 indique que sur une population d'environ 50000 personnes, celles estampillées "kurdes" représentent plus de 37000 personnes dans ce "Kurdistan rouge". Ce statut est suspendu en 1929 et remplacé par un nouveau qui finalement reste sans lendemain et est abandonné l'année suivante[15]. L'entité administrative kurde est disloquée en quatre districts distincts, sans référence à la présence kurde. La politique linguistique menée par les autorités azerbaïdjanaises dans les régions kurdophones de Latchin et arménophones du Haut-Karabagh incite à l'installation de populations azéries afin d'inverser le rapport démographique. Une partie des populations de l'ex-Kurdisan rouge sont contraintes de s'installer dans le Nakhitchevan et en Arménie où elles viennent gonfler des communautés déjà existantes. L'équilibre démographique se modifie et les kurdophones ne sont plus majoritaires. La politique soviétique favorise l'Azerbaïdjan car elle tente de mettre en place un une mythologie nationaliste azérie. Jusqu'alors les populations turcophones de l'est caucasien se différencient très peu dans leurs pratiques linguistiques et culturelles des autres turcophones de l'Asie centrale à l'Anatolie turque. Afin de mieux ancrer ces populations, la politique soviétique consiste à faire des choix — linguistiques, ethnographiques, alphabets, culturels, etc. — qui accentuent les spécificités. Comme cela a été fait en Asie centrale auprès des populations turcophones, l'idée est de briser les volontés politiques de s'aligner sur la Turquie. Les turcophones et les kurdophones — à l'exception des yézidis — sont adeptes des mythes mahométiens, les arménophones et les assyrophones préfèrent les christiens. Des zoroastriens[16] sont aussi présents.

En l'absence de toute reconnaissance territoriale, les populations d'hominines kurdophones sont exposées aux politiques de chaque république où elles sont présentes. Pour différents prétextes, celles de Géorgie, d'Arménie et d'Azerbaïdjan sont en partie déportées vers l'Asie centrale ou relocalisées auprès de communautés existantes dans le Caucase. De manière générale les trois républiques du sud caucasien se livrent à des politiques au détriment de leurs minorités. Avec plus ou moins de violence selon les cas. La colonisation de certaines régions est encouragée : la Géorgie parce qu'elle se démène avec ses régions périphériques d'Abkhazie, de Mingrélie, de Svanétie, d'Ossétie du Sud et d'Adjarie qui réclament plus de prérogatives locales, l'Arménie encore marquée par les millions de morts et de blessés du fait des ottomans deux décennies plus tôt se méfie des prétentions démographiques de l'Azerbaïdjan sur le Haut-Karabagh et l'ex-Kurdistan rouge arménophones. La route qui passe par Latchin n'est plus l'axe rouge qui traverse un Kurdistan local. Vison Futé[17] annonce que désormais l'ensemble de ce territoire est "classé rouge" dans les relations futures entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. La route s'annonce dangereuse. Sous l'accusation de collaboration avec l'Allemagne hitlériste durant la Seconde guerre mondiale et l'occupation partielle du Caucase du sud par celle-ci, les dernières déportations massives d'hominines se situent entre la fin des années 1940 et les années 1950. Sous la forme de punitions collectives, de petites communautés, telles les kurdes caucasiens ou les meschkets géorgiens, ou plus importantes comme les tchétchènes ou les tatars par exemple sont dispersées sur le territoire de l'Union soviétique. Principalement en Asie centrale. Certaines seront réhabilitées après plusieurs décennies et des politiques de réimplantation dans les villages abandonnés ou dans des projets de fermes collectives sont mises en place. Le retour n'est pas facile car le vide laissé par les déportations a été parfois comblé par l'installation de populations locales ou venues d'autres régions soviétiques.

Axe condamné

Une fois de plus, Vison Futé avait vu juste. Des décennies 1960 à 1980, les tensions sont nombreuses entre les républiques soviétiques d'Arménie et d'Azerbaïdjan autour de la situation dans le Haut-Karabagh et les zones arménophones de Latchin et alentour. Les demandes n'aboutissent à rien et le statut quo se fait entre les deux rivales. Des émeutes et des manifestations secouent parfois leurs capitales respectives, dont certaines se soldent par des violences directes contre des biens et des hominines, parfois jusqu'à la mort. Les deux républiques sont partiellement déstabilisées par cette situation mais chacune l'instrumentalise à des fins de politique intérieure.

Combattante du Haut-Karabagh[18]

De manière unilatérale, la région autonome du Haut-Karabagh supprime en 1988 ce statut et se proclame république à égalité avec la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Ce que ne reconnaît évidemment pas cette dernière. Cette auto-proclamation entraîne des violences anti-arméniennes mortelles dans quelques villes azerbaïdjanaises mais le pouvoir n'est pas en mesure de reprendre la main sur le Haut-Karabagh. Toute la région autour de Latchin forme le rempart qui le maintient isolé de l'Arménie voisine. Latchin n'est plus un passage mais une zone tampon et la militarisation s'accentue. Dès la fin de l'Union soviétique à la fin de 1991, le Haut-Karabagh annonce son indépendance comme le font l'Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan. Il devient un État à part entière, doté de forces armées et d'une organisation administrative et politique suffisantes pour cela. L'Azerbaïdjan, dont l'indépendance est internationalement reconnue, n'accepte pas ce qu'elle considère comme une sécession illégale d'une partie de son territoire[19]. Elle accentue ses pressions militaires contre le Haut-Karabagh et le conflit direct éclate entre les azerbaïdjanais et les forces armées du Karabagh indépendant soutenu plus ou moins discrètement par l'Arménie. Le corridor de Latchin est fermé. Condamné par les combats. Entre 1988 et 1992, les combats font des milliers de morts et de blessés, des dizaines de milliers de déplacés. Les azéris et les kurdes fuient vers l'Azerbaïdjan ou la Turquie et les arménophones d'Azerbaïdjan vers l'Arménie. Les militaires se livrent à plusieurs massacres parmi les populations jugées indésirables. Pour éviter tout retour des villages sont rasés et un blocus est maintenu autour du Haut-Karabagh. La cartographie ethnographique se simplifie et des zones entières se vident de leurs populations d'hominines qui viennent s'entasser dans des camps de réfugiés en Arménie ou en Azerbaïdjan. L'incapacité des militaires azerbaïdjanais à venir à bout des "rebelles" suscite de graves crises au sein de la classe dirigeante qui se divise sur les suites à donner à cette situation d'échec. La reprise du Haut-Karabagh n'avance pas et la guerre s'enlise.

Réouverture

Après une offensive lancée en mai 1992, les forces armées du Haut-Karabagh et leurs alliés arméniens s'emparent de Latchin. Le corridor est rouvert. Le blocus est brisé et l'Arménie peut faire parvenir une aide alimentaire dans les zones de guerre et les régions assiégées. Mais le blocus de l'Azerbaïdjan sur l'Arménie se poursuit, une portion de la route qui passe à Latchin encore partiellement fermée. Officiellement l'Arménie ne participe pas au conflit et se contente de venir en aide aux populations civiles. Les offensives contre le Haut-Karabagh en 1992 et 1993 ne délogent pas ses défenseurs. Les fronts ouverts piétinent. Les forces militaires du Haut-Karabagh se consolident et étendent même les combats dans toutes les régions qui les séparent de l'Arménie. Latchin et ses alentours redeviennent une zone tampon permettant de sécuriser ces régions jusqu'à la frontière arménienne. Les militaires azerbaïdjanais sont progressivement chassés de toute la zone à l'ouest du Haut-Karabagh qui en prend le contrôle. La tentative de reprendre le corridor de Latchin en début 1994 est un désastre militaire, la résistance parvient à venir à bout des assaillants qui subissent de grosses pertes. Un cessez-le-feu est annoncé en mai 1994. La situation se fige. Alors que le Haut-Karabagh ne représente que 9% de son territoire, dans les faits plus de 15% du territoire de l'Azerbaïdjan échappent à son contrôle. Le Haut-Karabagh indépendant annexe à son territoire les régions qui le sépare de l'Arménie et les intègre dans son redécoupage administratif en huit provinces. Latchin, renommée Bendzor, est intégrée à la région du Kashatagh. Quelques-unes des provinces de l'est du Haut-Karabagh sont partiellement occupées par l'armée azerbaïdjanaise. En référence à un ancien royaume arménien local, le Haut-Karabagh est renommé Artsakh dans la mythologie nationaliste qui se met en place.

Agdam, une ville libérée

Le bilan de cette guerre (1988-1994) est d'environ 30000 mortes, 50000 blessées et plus d'un million de personnes déplacées. Environ 300000 arménophones quittent l'Azerbaïdjan — dont 30000 venues du Haut-Karabagh — pour l'Arménie ou la Russie et plus de 180000 azéris et kurdophones d'Arménie et 600000 des régions convoitées se réfugient en Azerbaïdjan[20]. Les zones de combat se vident de leurs populations d'hominines, plus de deux-tiers d'entre elleux quittent ces régions. Les exactions contre les populations civiles et la destruction de leurs lieux de vie sont des pratiques partagées par tous les protagonistes[21].

Du point de vue de l'accidentologie protivophile, le route de Latchin est la plus meurtrière de tout le Caucase entre 1988 et 1994. Enjeu fondamental de la guerre, elle est la route sanglante qui mène le Haut-Karabagh à l'Arménie. Comme souvent, pour une réouverture sécurisée il a été nécessaire de contraindre les hominines qui vivent dans ses alentours à fuir vers d'autres lieux, de raser quelques villages de-ci de-là et d'installer des champs de mines pour démotiver d'éventuels retours. Les offensives et contre-offensives pour conserver le contrôle du corridor ont donné lieu aux combats les plus sanglants lors desquels l'armée azerbaïdjanaise a perdu beaucoup de ses combattants. Leur supériorité numérique ne suffit pas à briser la résistance et ils se voient infligés leur plus grosse défaite. Toutes les régions entre l'Arménie et le Haut-Karabagh assurent de fait une large continuité territoriale entre les deux pays. Les négociations entamées entre les belligérants depuis les années 2000 sont au point-mort. D'un côté l'Azerbaïdjan qui accepte tout au plus un statut d'autonomie interne mais ne veut pas entendre parler de sécession, de l'autre Artsakh et l'Arménie qui ne cèdent rien sur leur volonté d'indépendance, voire de rattachement de l'un à l'autre. Dans certaines zones disputées, plus de 70000 hominines dans une soixantaine de villages doivent vivre avec l'angoisse de la présence de mines encore enfouies. Artsakh est indépendant de fait et, à l'exception de l'Arménie, est reconnu uniquement par les régions sécessionnistes d'Abkhazie et d'Ossétie dans le Caucase et la Pridniestrie dans l'est européen. Le statu quo n'a été que peu de fois brisé. Des affrontements sporadiques et éphémères entre l'Azerbaïdjan et Artsakh ou l'Arménie jalonnent les deux dernières décennies, faisant quelques morts de part et d'autre. En 2020, la question d'Artsakh/Haut-Karabagh reste un sujet central des politiques intérieures et des diplomaties de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan. Les derniers accrochages datent de mi-juillet 2020[22].

Notes

  1. Réalisée sans cascadeurs, cette photographie a causé des blessures à trois des hominines se trouvant dans ce véhicule.
  2. Prudence et protivophilie
  3. bande de Caprivi
  4. corridor de Wakhan
  5. vallée de Pankissi
  6. ottoman
  7. JC
  8. Et quelques autres territoires
  9. christiennes
  10. Révolutionnaire ?
  11. Tchétchénie, etc.
  12. droits non-territoriaux
  13. Ernest Chantre, "Les Aïssores ou Chaldéens émigrés en Arménie", Bulletin de la Société d'anthropologie de Lyon, tome 10, 1891 - En ligne. Eden Naby, "Les Assyriens d'Union soviétique", Cahiers du monde russe et soviétique, Vol. 16, N°3-4, juillet-décembre 1975 - En ligne
  14. Lucine Japharova, "Les yézidis du Sud Caucase. Une communauté religieuse face à ses incertitudes", Religion et politique dans le Caucase post-soviétique, Maisonneuve & Larose, 2007 - En ligne
  15. Alexandre Bennigsen, "Les Kurdes et la kurdologie en Union soviétique", Cahiers du Monde Russe, 1960, 1-3 - En ligne
  16. zoroastriens
  17. Vison du Caucase
  18. Chants du front
  19. Timoutchine Hadjibeyli, "La question du Haut Karabagh. Un point de vue azerbaïdjanais", Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, n°48-49, 1988 - En ligne
  20. Tabib Huseinov, "Haut-Karabagh : de nouveaux paradigmes pour la paix et le développement", Ordres et désordres au Caucase, Éditions de l’Université libre de Bruxelles, 2010 - En ligne. Josep Zapater, "Réfugiés et personnes déplacées en Azerbaïdjan", Cahiers d'Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien - CEMOTI, n°20, 1995 - En ligne
  21. Françoise Ardillier-Carras, "Sud-Caucase : conflit du Karabagh et nettoyage ethnique", Bulletin de l'Association de Géographes Français, n° 83-4, 2006 - En ligne
  22. "Des combats font au moins 16 morts à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan", Le Monde, 14 juillet 2020 - En ligne