Zanzibar

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Zanzibar. Archipel d'îles dans l'océan Indien dont la plus ancienne témoin de son histoire - entre 1875 et 1997 - était Jeanne Calment.

[En cours de rédaction]


Triangulation protivophile

Archipel de Zanzibar

Zanzibar est un archipel constitué de deux îles principales, Pemba et Unguja, et de plus d'une vingtaine d'îlots chacune. Il est situé à environ 6300 km de Nice et 5460 km de la Macédoine. Seules Pemba, Unguja et quelques îlots sont peuplés d'hominines. De nos jours, la population est de plus de 400000 sur la première et de plus de 700000 sur la seconde pour une superficie respective de 980 km2 et 1666 km2. Pemba est 50 km au nord-est d'Unguja. La plus grosse agglomération urbaine d'hominines est Zanzibar City[1] avec ses 200000 hominines sur l'île d'Unguja et Chake-Chake sur Pemba. L'archipel étant lui-même à une cinquantaine de km à l'est de la côte la plus proche dont il est séparé par un canal, infime partie de l'océan Indien. Du point de vue géologique, l'archipel est dit "continental". Ainsi il est situé sur la plaque tectonique africaine. Celle-ci se déplace vers le nord-est de 2,15 cm par an. Ce mouvement est fondamental pour la constitution géologique du grand ensemble montagneux, appelé ceinture alpine, qui s'étend des côtes du Maroc à l'Himalaya, en passant par l'Atlas, la côte ibérique, les Pyrénées, les Alpes et les Apennins, les Balkans, les Carpates, les montagnes d'Asie mineure, le Caucase, les plateaux iraniens, l'Hindou Kouch puis l'Himalaya, pour finir tout le long de l'Indonésie. Cette ceinture est la conséquence de la dérive des continents et de la rencontre entamée il y a 65 millions d'années entre les plaques tectoniques eurasiatiques, africaines, arabiques et indiennes qui, pour les trois dernières, remontent à des vitesses différentes[2]. De cette tectonique de la plaque africaine naissent les Balkans qui traversent la Macédoine et les secousses sismiques qui font trembler la région de Nice. L'archipel de Zanzibar est à l'est de cette plaque africaine, mouillé par l'océan Indien, au nord des côtes de l’État tanzanien et à l'extrême sud de l’État kényan. Unguja - parfois appelée "Île de Zanzibar" parce qu'elle abrite Zanzibar City - est à 50 km au nord de Dar-es-Salam[3], principale ville et capitale économique de l’État tanzanien qui exerce sa souveraineté - internationalement reconnue - sur l'ensemble de l'archipel depuis 1964.

Zanguebariens

Étymologiquement basé sur le persan zang, "Noir", l'expression persane زنگبار Zangi-bar signifie la "Côte des Noirs". La langue française a forgé le terme de Zanguebar utilisé dans divers récits et études[4]. Pour les premiers marins arabes et persans qui cartographient la région elle désigne les côtes du nord de l'Afrique orientale et les îles qui les parsèment, entre Madagascar et la pointe de la Corne de l'Afrique, de l'archipel comorien aux rivages soqotriens. Ils nomment "mer de Zandj" les eaux qui longent cette côte. Le commerce d'épices et d'esclaves est florissant dans la région : à partir du IXème siècle après JC[5] les marchands arabes et perses exportent des hominines, razziés dans l'arrière-pays, et de nombreux autres produits tel que le gingembre - dont le nom est une déformation de "zangibar" -, des bouts d'animaux morts (fourrures et ivoire) ou de l'or. Par extension, le terme de Zandj désigne les milliers esclaves utilisés en Mésopotamie dans le but d'assécher les marais et développer la culture de la canne à sucre[6]. Les conditions de travail sont misérables et entraînent de nombreuses morts parmi les esclaves :

Des aires de rien
Des hères de rien
Des airs de rien
Des ères de rien
Déserts de rien[7]

La mer des Zandj est une ouverture vers le commerce maritime avec le sous-continent indien et la Chine, et la côte est une source inépuisable de diverses matières premières. Des marchands arabes et perses, avec leurs familles, s'installent dans quelques villes existantes, ou créent des comptoirs commerciaux : par simple appât du gain, parfois pour fuir les dissensions et la répression dans les luttes internes à la nouvelle religion des mahométiens[8].

Côte du Zanguebar - 1682
Les rapports entre ces hominines venus des confins arabiques et perses et les autochtones sont compliqués car pour le commerce, il est nécessaire d'effectuer des alliances avec certains pour réduire d'autres en esclavage. Une hiérarchisation sociale se met doucement en place. En haut de la pyramide, les familles de commerçants arabo-perses, puis l'ensemble des hominines pouvant servir à la bonne marche du commerce, et le reste qu'il est toujours bon de pouvoir capturer et vendre. Vers le Moyen-Orient ou l'Asie. Malgré les mélanges biologiques et culturels entre ces hominines les différentiations sociales se sont construites dans une mythologie des origines, mais grâce à ce brassage a émergé l'espace swahili[9]. Venant du terme arabe sahel, "côte", swahili désigne une langue du même nom et un ensemble linguistico-culturel qui se différence petit à petit et opte pour les croyances des mahométiens, et plus globalement l'ensemble politico-mercantile dont la traite des esclaves est le fonds de commerce principal. Les comptoirs swahilis et leur commerce sont convoités par le sultanat d'Oman qui s'implante doucement le long des côtes[10]. Les différents comptoirs ne constituent pas une entité politique et administrative unique, ils sont des sortes de cités-États éparses dont le rayonnement est fluctuant[11]. En parallèle de ces installations commerciales sur leurs territoires, les îles de l'archipel de Zanzibar sont progressivement explorées par des hominines qui s'y installent durablement. Les premières constructions en pierre datent du XIIIème siècle.

Zanzibar se structure en sultanat indépendant, Pemba et Unguja sont des places importantes du commerce mondial entre le XIème et le XIXème siècle. L'autorité politique du sultanat s'exerce aussi sur les quelques portions de côtes qui échappent au contrôle des comptoirs-États de cette longue côte de la mer de Zandj. La puissance économique et l'intérêt stratégique de l'archipel pour le commerce entre l'Afrique, la Méditerranée et l'Asie sont objets de convoitise pour les omanais, les portugais et les britanniques dès la fin du XVème siècle. Les premiers, de plus en plus présents le long de la côte des Zandj, sont pris de cours par les seconds qui, d'une part, occupent l'archipel et destituent le sultan de Zanzibar, et d'autre part, prennent le contrôle de quelques grands comptoirs côtiers, tel Mombasa. Les britanniques s'octroient quelques places commerciales dans le sud du Zanguebar côtier pour sécuriser leur "Route des Indes". Renforcé par sa conquête du sultanat de Mascate, le sultanat d'Oman - dorénavant de Mascate et Oman - parvient à la fin du XVIIème siècle à chasser les portugais et à prendre le contrôle de l'archipel[12]. L'ancien sultanat zanguebarien - l'archipel et quelques territoires côtiers - devient partie intégrante de celui de Mascate et Oman. La religion officielle du sultanat de Mascate et Oman est une forme minoritaire de croyance des mahométiens, appelée "kharidjisme ibadite"[13] et étiquetée "modérée et ouverte", qui est très peu interventionniste - au regard des autres - dans la vie quotidienne de ces mêmes autres.

Tout au long du XVIIIème jusqu'au début du XIXème siècle, l'empire de Mascate et Oman ne cesse de consolider ses positions dans la région. Son territoire s'étend alors du Balouchistan (dans l'actuel Pakistan) à Madagascar, et de nombreux comptoirs ou cités commerçantes, sont prises aux portugais. Les seuls concurrents sérieux à Mascate et Oman dans le contrôle des voies maritimes commerciales restent les britanniques. La puissance économique et politique de l'archipel de Zanzibar est telle[14] que le sultan mascato-omanais renomme son empire Sultanat d'Oman et Zanzibar et fait transférer la capitale à Zanzibar City. L'abolition de l'esclavage par les principaux pays d'Europe et les États-Unis d'Amérique entrave la bonne marche de ce commerce et contraint l'empire à utiliser la main-d'œuvre en surplus - les esclaves devenus difficilement vendables - dans de nouvelles activités lucratives. La culture du giroflier s'intensifie[15], à destination du marché mondial, et emploie jusqu'à 20000 hominines esclavagisés[16]. La production massive d'épices divers sur Zanzibar entraîne rapidement une chute des prix. L'abolition de la traite esclavagiste et les entraves faites à ce commerce par les pays abolitionnistes entament la puissance économique du sultanat d'Oman et Zanzibar. Encouragées par les britanniques qui veulent affaiblir Oman, des dissensions apparaissent entre le sultan d'Oman et des prétendants au sultanat de Zanzibar. Dans les querelles de successions, les britanniques soutiennent, avec la promesse d'interdire la traite négrière, l'indépendance du Sultanat de Zanzibar en 1861. Après une visite en Europe en 1875, année de naissance de Jeanne Calment, le nouveau sultan de Zanzibar s'entoure de conseillers britanniques pour réformer l'économie et asseoir son pouvoir politique et militaire. La menace des prétentions allemandes dans la région finit par convaincre le pouvoir zanzibarien de se mettre sous la protection des britanniques. Les empires européens ne cessent de signer entre eux des accords et des traités où ils s'attribuent et se partagent des zones du globe terrestre qu'ils convoitent. Celui de Berlin en 1886 donne à l'Allemagne les côtes de la future Tanzanie et l'archipel de Zanzibar, à la France les Comores et Madagascar, au Portugal la pointe nord du futur Mozambique et aux britanniques les côtes du futur Kenya. Il n'est en rien dans la rencontre furtive entre la jeune Jeanne Calment, alors âgée de 13 ans, et le peintre Vincent Van Gogh venu acheter des toiles vierges au père de l'adolescente, lors de son passage à Arles durant l'année 1888. Le traité Heligoland-Zanzibar que signent allemands et britanniques en 1890 stipule que l'archipel passe sous domination britannique en échange d'une île située dans la mer au nord de l'Allemagne, Heligoland. A cette date le sultanat devient "officiellement" un protectorat incorporé à l'empire colonial britannique.

Zanzibariens

Politiquement, le protectorat de Zanzibar s'appuie sur un successeur du sultan désigné par les autorités britanniques. Mais d'autres aspirent aussi à devenir sultan et mettent en avant leur légitimité. En 1896, un prétendant au titre vacant depuis le décès du sultan rejette l'autorité britannique et tente un coup de force pour s'installer au pouvoir et s'émanciper des britanniques. Le sultan "de ses rêves" mobilise des hominines en armes, civils, esclaves et militaires, pour faire face à la puissance militaire britannique. Seulement quelques mois après le mariage de Jeanne Calment, tout juste majeure[17], le 27 août 1896 s'enclenche le conflit britanico-zanzibarien. A 9H02 les bateaux de guerre britanniques déversent leurs bombes sur le palais à Zanzinbar City et tuent un grand nombre de zanzibariens armés. Trente-huit minutes plus tard, après des centaines de bombes jetées, les tirs s'arrêtent lorsque le prétendant sultan se réfugie auprès des autorités allemandes. Ainsi prend fin le conflit britanico-zanzibarien. Plus de 500 morts côté zanzibarien et un seul blessé chez les britanniques. Le palais est détruit. Le 29, la reddition est signée et le prétendant laisse la place au préféré des britanniques. Selon les études de polémologie l'affrontement britanico-zanzibarien est le conflit le plus court de l'histoire répertoriée des hominines : deux jours de guerre dont trente-huit minutes de combat.

– Si le colon est plus marle que moi au créneau, je veux bien lui refiler mon flingue. Y discutera le coup avec Fritz !
– S’ils sont pas contents de notre boulot, ils n’ont qu’à nous limoger ! a dit un autre.
– On te limogera avec douze balles dans la viande, eh, fœtus de pauvre ! Les villégiatures et les pensions, c’est des combines pour les incapables !
– Pourquoi que je serais pas un incapable ?
– Parce que t’es rien. Rien ! T’es le contingent, un simple outil, à peu près autant qu’un manche de pelle. Si tu vis, c’est que les obus n’ont pas voulu de toi ![18]

Mémorial de l'esclavage
En 1905, paraît en France le livre Mémoires d'une princesse arabe[19] d'Emily Ruete. Publié en allemand en 1886, ce livre est l'autobiographie de la princesse d'Oman et Zanzibar. Née Sayyida Salme en 1844, fille du sultan et d'une concubine esclave d'origine caucasienne, et sœur de ses deux successeurs de fils qui partagent l'empire et le divisent en deux, elle fuit Zanzibar City en 1866 pour échapper à l’opprobre que suscitent sa relation amoureuse avec un allemand et l'enfant en gestation. Elle se marie en 1867 avec Rudolph Ruete et prend le nom christien de Emily. Le couple et leur enfant s'installent en Allemagne. Rudolph meurt accidentellement trois ans plus tard, laissant Emily veuve avec trois enfants, sans droit de succession en Allemagne et privée de son héritage par son frère le sultan de Zanzibar. Celui-ci refuse même de la recevoir lors de son passage à Londres en 1875. Elle tente un retour à Zanzibar en 1885 mais elle est contrainte par le sultan à repartir en Allemagne. La publication en 1886 de ses mémoires est un succès de librairie, traduit en plusieurs langues dans les années suivantes. Elle y relate la vie de la cour du sultan, ses dessous, et les mœurs de Zanzibar, vus par les yeux d'une jeunesse dorée, d'une personne à cheval entre les univers européens et zanzibariens. La traduction en France en 1905 est l'occasion pour Jeanne Calment de découvrir l'existence de Zanzibar. Elle a du temps pour lire car, mariée depuis bientôt dix ans avec son cousin Fernand Calment, un riche marchand d'Arles, elle mène une vie de femme aisée profitant de son temps libre pour se livrer à ses loisirs. Après quelques années au Proche-orient, Emily s'installe de nouveau en Allemagne en 1914 et - contrairement à Jeanne Calment - meurt en 1924.

Avant notre venue,
rien ne manquait au monde
Après notre départ,
rien ne lui manquera[20]

La Première guerre mondiale rebat les cartes de la colonisation. Perdante de cette guerre, l'Allemagne doit céder l'ensemble de son empire colonial qui est redistribué[21]. L'Afrique Orientale Allemande est divisée entre le Urundi-Rwanda qui devient possession belge et le Tanganyika britannique. Celui-ci comprend les territoires entre les grands lacs d'Urundi-Rwanda et la côte de Zandj. L'archipel de Zanzibar reste protectorat britannique. Comme souvent dans son empire, les autorités britanniques ne mettent pas en place une colonie de peuplement mais administrent la politique et l'économie locales en co-optant des dynasties locales plutôt que d'autres. La première moitié du XXème siècle est remuante dans l'archipel de Zanzibar. La Seconde guerre mondiale perturbe l'approvisionnement de l'archipel et attriste Jeanne Calment qui, après sa fille en 1933, perd son mari en 1942. Les britanniques sont confrontés aux contestations populaires des conditions de vie dans le protectorat, aux "émeutes raciales" et aux luttes entre le partis politiques locaux émergeant. Ceux-ci se calquent sur les hiérarchies sociales déjà existantes, l'un dit représenter les chirazis, l'autre les arabes et un autre les afros. Les discours mélangent préservation des acquis pour l'élite de Zanzibar, revendications sociales et projets d'indépendance. Le panel politique va des conservateurs aux marxistes-léninistes. Des émeutes violentes ravagent parfois les rues de Zanzibar, certaines visent des personnes identifiées indiennes ou arabes, les premières accusées de détenir l'économie et les secondes le pouvoir politique. Les luttes entre les partis politiques zanzibariens sont parfois ponctuées d'assassinats ciblés et les élections contestées. Comme ils l'on fait en 1961 au Taganyika pour tenter de calmer la situation et se désengager, les britanniques donnent l'indépendance à l'archipel de Zanzibar en décembre 1963. Zanzibar devient une monarchie constitutionnelle, sous la direction d'un sultan, rattachée au Commonwealth et à la couronne britannique. Dans quelques mois Jeanne Calment fête son 89ème anniversaire, elle vient de perdre son petit-fils et reste dorénavant sans héritiers.

Prolétariens

Naître esclave de tout.
N'être esclave de rien.[22]

Mourir pour Zanzibar, 1973
Les tensions sociales sont très fortes et deux mois après l'indépendance le sultan est renversé. A la manœuvre quelques 800 hominines armés, issus pour une grande part du mouvement de jeunesse de Afro-Shirazi Party (ASP), et menés par l'ougandais John Okello. Ils attaquent Zanzibar City et s'emparent du pouvoir après des combats en janvier 1964 et des pillages dans les rues. Des magasins appartenant à des arabes ou des indiens sont pillés puis détruits, des milliers meurent lors de lynchages ou fuient la région et beaucoup de femmes se font violées. Sur cette belle entrée en matière, la République Populaire de Zanzibar est proclamée. L'ASP et un parti arabe et marxiste, dissidence des nationalistes arabes, prennent ainsi les rênes du pouvoir. John Okello s'attribue le titre de "Field Marshall" et, avec sa Freedom Military Force, terrorise les récalcitrants et les anciens du régime. Officiellement cette nouvelle république populaire est à l'image de ses consœurs d'Europe de l'Est, le communisme prolétarien est son credo. Les massacres aussi. Les violences contre les biens et les personnes sont moindres sur l'île de Pemba où le régime foncier favorise les petites propriétés individuelles et atténue les différences sociales entre les arabes et le reste de la population. Pemba prend son indépendance et refuse son adhésion à la République populaire. Sur Unguja, les grandes propriétés se sont développées et créées un apport d'hominines venus du continent pour travailler pour un patron arabe[23]. Le calme est restauré en début février. Apeurés par son discours christien radical et ses méthodes violentes, ses anciens alliés décident de se débarrasser d'Okello en mars. Il est expulsé vers l'Ouganda et ses dernières troupes sont réduites le mois suivant. Pemba intègre finalement la République populaire de Zanzibar qui fusionne le 26 avril 1964 avec son voisin, le Tanganyika, pour former la Tanzanie. Ce nouveau pays opte pour une constitution fédérale dans laquelle l'archipel de Zanzibar conserve une certaine autonomie, et adopte une politique pan-africaniste et socialiste[24] appelée ujamaa "familialisme". Les résultats ne seront pas à la hauteur des attentes et des besoins populaires :

J'ai fermé les yeux, j'ai essayé d'voir Zanzibar
J'ai bien essayé d'être quelqu'un sans histoires
De me persuader qu'c'était qu'des phases transitoires
J'ai essayé trop tard, j'ai essayé sans y croire[25]

Bientôt âgée de 90 ans et inquiète de cette nouvelle situation, Jeanne Calment décide une année plus tard de vendre en viager[26] l'appartement qu'elle habite et dont elle est propriétaire à Arles.

Mercurien

Depuis l'instauration de l'ujamaa en 1964 les choses ont peu changé en profondeur et, à l'image des autres projets socialistes, peut dont être considéré comme un échec. Pour celleux qui se tiennent peu informé de l'actualité, nous rappelons que la révolution n'a pas eu lieu. Ni à Zanzibar, ni ailleurs. Par son statut d'autonomie au sein de la Tanzanie, Zanzibar bénéficie de nombreux avantages et dérogations par rapport au reste du territoire tanzanien. Dans ce cas, Zanzibar est à comprendre dans le sens de celleux qui détiennent le pouvoir. Pour les autres, les plus nombreux, l'autonomie est synonyme de continuation d'un quotidien fait d'exploitation et de survie. La vie politique est monopolisée depuis l'indépendance par les partis "historiques" et la situation sociale reste explosive. Le parc d'attraction ne calme rien, le mémorial aux mort et aux survivants de l'esclavage et la bien-nommée Prison Island transformée en réserve naturelle pour tortues et touristes ne suffisent pas.

Pour le reste, [Zanzibar] est un pays comme les autres : ses frontières sont une chimère, son histoire nationale une mythologie, son pouvoir politique un rapport de domination et son organisation sociale une contrainte. Comme toute identité collective, [Zanzibar] est une illusion. Bien sûr, [Zanzibar] a connu des épisodes de son histoire qu’[il] ne partage pas avec les autres pays, mais cela ne change rien.[27]

Parc d'attraction abandonné de Pemba

Non content de vivre de la misère qu'elles entretiennent les autorités aiment à user de la matraque et de l'emprisonnement. Les lendemains zanzibariens sont parfois fait de départs vers le continent ou vers d'autres pays. La famille Bulsara[28] quitte Zanzibar en 1964, direction le Royaume-Uni. Dans leurs bagages, leurs deux enfants Kashmira et Farrokh. Illes appartiennent à une communauté religieuse, les zoroastriens[29], ayant fuit la Perse pour s'installer dans les Indes britanniques. La famille Bulsara migre à Zanzibar en tant que fonctionnaire britannique. Créatif artistiquement et vocalement bien monté, Farrokh se met en tête de devenir une nouvelle princesse de Zanzibar. En 1970 se fonde le groupe de rock Queen dont le chanteur n'est autre que Farrokh caché derrière une moustache et le pseudonyme de Freddie Mercury. Le succès commercial est au rendez-vous. Freddie Mercury n'est plus zanzibarien, c'est Zanzibar qui est mercurien. Star de la pop aux millions de fans, il sature les ondes en 1975 avec des morceaux tel "Bohemian Rapsody"[30] ou "Mama" - dédié à Jeanne devenue centenaire cette même année ? Freddie et Jeanne ont en commun une passion pour l'opéra, le piano et le tennis qu'elle pratique au sol et lui sur table. Elle pianote dans l'intimité quand il s'exhibe avec son instrument en concert. L'opéra est pour tout deux un moment apaisant et chargé d'émotions. Seulement quelques mois après le concert de Queen de juillet 1985, Jeanne Calment décide de quitter sa maison pour s'installer dans une maison de retraite, toujours à Arles. La rudesse de l'hiver n'y est pas pour rien. En 1986, l'année où Jeanne Calment devient doyenne de France à l'âge de 111 ans, Queen sort l'album A Kind of Magic[31] qui illustre musicalement le docu-fiction Highlander[32] consacré à d'autres cas de longévités exceptionnelles. Elle est doyenne de l'humanité deux ans plus tard et Freddie Mercury sort ce qui sera son dernier album en solo. Celleux qui savent qui est Vincent Van Gogh sont surpris d'apprendre en 1989 que Jeanne est la dernière personne vivante à l'avoir rencontré, en 1888, et le décrit comme étant laid, le visage très marqué par sa consommation d'alcool et fréquentant notoirement les prostituées[33]. En 1995 elle est considérée comme étant la personne la plus âgée ayant jamais vécu et dont on possède l'acte de naissance certifié. Tout le monde ne peut en dire autant et cela créé souvent des ruptures entre les hominines. Au prétexte qu'il meure en 1991, Farrokh Bulsara n'assiste pas à la sortie du court album pop-rock enregistré par Jeanne Calment en 1996 intitulé 121. Maîtresse du temps en référence à son âge. Dansante et intimiste sur le titre "Farandoles"[34]. La même année elle participe au court-métrage autobiographique Pas de calmants pour Jeanne[35] de l'humoriste Pierre Carles. Entamée en 1990 à 114 ans avec sa participation à un film d'aventure jeunesse qui croise le peintre Vincent Van Gogh et des faussaires[36], puis l'émouvant Jeanne Calment, doyenne du monde[37] en 1994, sa carrière artistique est de courte durée. Elle décède précipitamment le 4 août 1997 à l'âge de 122 ans et 6 mois. Cinquante-cinq ans après son mari, à peine six après Farrokh. Elle était la plus ancienne témoin, encore vivante, de l'histoire de Zanzibar. Les festivités prévues en 2006 à Zanzibar pour fêter le 60ème anniversaire de la naissance de Farrokh sont annulées car des associations de mahométiens voient d'un mauvais œil un tel hommage rendu à un bisexuel cocaïnomane. De fait l'année suivant les festivités pour les dix ans de la mort de Jeanne n'ont pas lieu, sans lien avec ses pratiques sexuelles, dont nous ne savons d'ailleurs rien, ou sa tabagie qui se réduit à une cigarette par jour.

Pour faire taire les rumeurs qui naissent en 2018 sur l'identité réelle de Jeanne Calment et son âge, qui font d'elle une usurpatrice, finalement fille de celle qu'elle prétend être, des études sont menées et un biopic hollywoodien sur le chanteur de Queen est réalisé sous le titre de Bohemian Rapsody. Mais pour l'instant rien ne filtre quand à celui sur Jeanne Calment. Rien sur le coût des effets spéciaux de maquillage, ni sur qui sera l'actrice principale. Ni Jeanne Calment ni Freddie Mercury n'ont encore eu droit à une statue, à un nom de rue ou de place à Zanzibar. La première nomme dorénavant une maison de retraite d'Arles, sa ville de naissance, alors que le second, rien, dans la sienne. Ni à Arles. Tout celleux qui ont en commun une passion pour l'opéra, le piano et le tennis, à l'image de Jeanne et Freddie, ne perdent pas confiance et pensent que dans un futur proche tout deux seront reconnus pour ce qu'illes ont apporté à l'histoire des hominines et à la production artistique. Illes savent qu'il n'est pas impossible de démontrer que le repère chronologique de la majorité des hominines se note avec les mêmes initiales que Jeanne Calment et que celles de Freddie Mercury ressemblent à celle de F. Merdjanov.

Deux vérités que les [hominines] généralement ne croiront jamais : l’une est de ne rien savoir, l’autre de n’être rien. Ajoute la troisième, qui dépend essentiellement de la deuxième : de n’avoir rien à espérer après la mort.[38]

Alzheimerien

Les autopsies de Freddie Mercury et de Jeanne Calment n'ont rien révéler de plus que ce que l'on savait de leur état de santé respectif. Atteint du SIDA Freddie meurt des suites d'une pneumonie et Jeanne s'est éteinte des suites de la vie. L'un est incinéré selon le rite zoroastrien et l'autre est inhumée selon le christien. L'un est réduit en cendres, l'autre en excrément par une ribambelle de minuscules tubes digestifs. Malgré son âge avancé, rien n'indique que Jeanne souffrait de la maladie d'Alzheimer qui touche la mémoire et le cognitif. Les entretiens qu'elle a accordé jusqu'à sa mort sont tous très sensés, ce qui fait la cohérence de cet article sur Zanzibar basé sur le récit autobiographique de Jeanne Calment. Néanmoins il n'est pas exclu que, comme pour n'importe qui, elle ait oublié certains moments de sa vie, qu'elle les confonde ou les réécrive sans le savoir. Ce qui expliquerait de petites anecdotes, collectées par la communauté protivophile, faisant état de faits étranges. Par exemple l'existence d'une micro-société établie dans un petit hameau isolé, dont l'emplacement exact n'est pas encore précisément défini, qui voue un culte non pas à JC mais à FM. Elle existe sans référence au mythique Jésus aka Christ ou à la mitée Jeanne Calment qui sont synonymes d'un passé honni. Encore emprunte de romantisme son FM ne se réfère évidemment pas à F. Merdjanov mais à Freddie Mercury. Les hominines qui y vivent se livrent à des rites initiatiques ou cultuels imprégnés de celui-ci, et qui peuvent sembler étranges pour qui n'est pas prévenu. L'un d'eux consiste en une sorte de roulette russe lors de laquelle il est intimé à la personne qui se vise de choisir sur quel morceau de musique elle aimerait danser avant de mourir. Après avoir réalisée cette dernière danse, la personne participante appuie sur la gâchette. Lorsque aucune balle ne part cela ne signifie rien. Le but de ce jeu dangereux est de ne pas céder en utilisant le joker qui évite au coup de partir. Ainsi, s'exclamer "Bohemian Rapsody de Queen !" montre que tout cela n'est vraiment pas très sérieux et indique que l'on s'extrait volontairement du jeu. Ce qui provoque systématiquement l'hilarité collective. En plus de leurs activités locales, les hominines de ce hameau s'acharne à défendre une approche internationaliste. Illes soutiennent sans faille les ultras de Zanzibar qui se réclament plus mercuriens que zanzibariens et qui demandent que l'archipel soit renommé du nom du chanteur de Queen. Avec joie illes ont fait leur cette auto-analyse du psycho-historien Emil Cioran :

N’avoir rien accompli et mourir en surmené.[39]

Notes

  1. Zanzibar City
  2. La plaque africaine se déplace vers le nord-est de 2,15 cm par an. La plaque arabique se déplace vers le nord-est à une vitesse de 4,65 cm par an. La plaque indienne se déplace vers le nord à une vitesse de 6 cm par an. La plaque eurasiatique se déplace vers le nord-ouest en Europe et vers le sud-est en Asie à une vitesse de 0,95 cm par an.
  3. Dar-es-Salam
  4. Baur et Leroy, A travers le Zanguebar, 1882 - En ligne. Le Roy, D'Aden à Zanzibar, 1894 - En ligne.
  5. Étant donné l'importance prise par le tennis dans cet article, il a paru nécessaire dans un premier temps de prendre Jimmy Connor's en référence JC. Ou bien se recentrer sur l'acteur de porno gay Jean-Daniel Cadinot. Un débat est ouvert autour de Jeanne Calment, mieux à même de symboliser le début de quelque chose et dont on est sûr qu'elle ait vraiment existé - tout comme Jimmy Connor's et Jean-Daniel Cadinot d'ailleurs - pour qu'elle devienne le nouveau repère chronologique et remplace enfin Jésus aka Christ dont l'existence n'est toujours pas prouvée. Elle était la plus ancienne des hominines à avoir entendu dire que dieu n'est qu'une chimère. Si les contestations de l'âge réel de Jeanne Calment n'ont pas démontré leurs dires, pour les vingt ans de sa mort des opposants aux christiens ont prouvé, par des tests ADN, que les hosties comprenaient 0% du corps de Jésus - En ligne. En attendant que cela se passe ainsi, pour faciliter la lecture de cet article, JC continue à désigner le fictif messie des christiens.
  6. Voir le chapitre "R de rien" dans l'article "Qarmates"
  7. Des sources protivophiles - non encore exploitées - mentionnent l'existence de cette comptine pour enfants intitulée R de rien. Deux versions existent, réunies sous le titre Désert de rien. La seconde version est la suivante : "Un hère de rien. Un air de rien. Une ère de rien. Une aire de rien. Désert de rien". Selon F. Merdjanov, Abû Tâhir. Portrait d'un qarmate, date inconnue, inédit.
  8. Mahométien désigne celles et ceux qui croient que Mahomet est un prophète - les musulmans - comme le terme de christien désigne les chrétiens adeptes de Jésus aka Christ ou celui de moïsien pour parler des adeptes de Moïse, les juifs.
  9. Françoise Le Guennec-Coppens, "Les Swahili : une singularité anthropologique en Afrique de l'Est", Journal des Africanistes, 2002 - En ligne
  10. Paul Bonnenfant (dir.), "Le sultanat d’Oman", La péninsule arabique d’aujourd’hui, Vol II Pays par pays, Éditions du CNRS, 1982. Voir le chapitre "Un rien sur Oman" dans l'article "Guerre du Dhofar"
  11. Jean-Claude Penrad, "Zanzibar, les cités swahili. Rivages imaginaires et découverte d'un espace", Journal des anthropologues, 1995 - En ligne. Stéphane Pradines, "L'art de la guerre chez les Swahili : les premiers forts d'Afrique orientale", Journal des Africanistes, 2002 - En ligne
  12. Thomas Vernet, "Les cités-États swahili et la puissance omanaise, 1650-1720", Journal des Africanistes, 2002 - En ligne
  13. Selon les mythes mahométiens, le kharidjisme est né de la discorde quant à la succession du défunt prophète. Le cadavre est encore chaud. Rigoriste et égalitariste, le kharidjisme rejette les liens de sang ou tribaux pour préférer désigner le plus croyant d'entre eux, même s'il est ancien esclave, et n'hésitent pas à le faire savoir par les armes et la contrainte. Introduit vers la fin du VIIème siècle dans la région d'Oman, l'ibadisme est une version réformée du kharidjisme dont il se différencie par son pacifisme et sa gestion "laïque" du fait religieux. Cyrille Aillet, "L’ibâdisme, une minorité au cœur de l’islam", Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 132, 2012 - En ligne. Heinz Halm, Le chiisme, Presses Universitaires de France, 1995. Sur le kharidjisme voir Moncef Gouja, La grande discorde de l’islam. Le point de vue des kharéjites, L’Harmattan, 2006. Hichem Djaït, La grande discorde. Religion et politique dans l’islam des origines, Gallimard, 1989.
  14. Jacques Marissal, "Le Commerce zanzibarite dans l'Afrique des Grands Lacs au XIXe siècle", Outre-Mers. Revue d'histoire, 1978 - En ligne
  15. Thomas Vernet, "Avant le giroflier. Esclavage et agriculture sur la côte swahili, 1590-1812", Traites et esclavages en Afrique orientale et dans l'océan Indien, 2013. Edmond François, "Giroflier et Girofle", Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 1936 - En ligne et En ligne
  16. En 1850, entre 14000 et 15000 sont importés pour les cultures. Entre 1830 et 1873, environ 700000 hominines sont revendus sur les marchés aux esclaves de l'archipel. L'abolition a pour conséquence immédiate l'augmentation du prix de l'esclave.
  17. La majorité légale est alors de 21 ans.
  18. Gabriel Chevallier, La peur cité à l'entrée "working class hero" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017 - En ligne
  19. Emily Ruete, Mémoires d'une princesse arabe
  20. Extrait des Roba'iyat de Omar Khayyam, poète, savant et philosophe mahométien né en Perse dans la seconde moitié du XIème siècle.
  21. Charles Alluaud, "La frontière anglo-allemande dans l'Afrique orientale", Annales de géographie, 1916 - En ligne
  22. Dans "Vie et œuvre de F. Merdjanov" il est mentionné une mystérieuse "inscription antique retrouvée lors de fouilles archéologiques très récentes sur un site sumérien." Et pourquoi pas zanzibarien ? - En ligne
  23. D'après Jean-Marc Balencie, Arnaud de La Grange, "Tanzanie", Mondes rebelles, 2001
  24. Dominique Decherf, "Du non-alignement au pan-socialisme. L'évolution de la politique étrangère de la Tanzanie", Politique étrangère, 1975 - En ligne
  25. Asocial Club, "J'ai essayé" sur l'album Tout entrée est définitive, 2014 - En ligne
  26. viager
  27. Dans "Vie et œuvre de F. Merdjanov" - En ligne
  28. Bulsara signifie "originaire de Bulsar", une ville indienne dans l'État du Gujarat aujourd'hui nommée Valsad.
  29. Les zoroastriens fuient la Perse lors de la conquête arabe au VIIème siècle. Celleux qui trouvent refuge dans le nord du sous-continent indien prennent le nom de parsis, terme dérivé de Perse dont le zoroastrisme était religion officielle. Cette mythologie religieuse s'inspire d'une forme de monothéisme attesté depuis une dizaine de siècles avant JC - dont la figure divine se nomme Ahura Mazda - et dont Zoroastre est le réformateur-prophète. Ce monothéisme est aussi naïf que ses successeurs moïsiens, christiens et mahométiens. De nos jours, environ 200000 vivent dans des communautés éparses de l'Inde à l'Irak.
  30. Jérôme Vermelin, "Bohemian Rhapsody" de Queen devient la chanson du XXe siècle la plus écoutée en streaming", LCI, décembre 2018 - En ligne
  31. Le morceau A Kind of Magic est extrait de l'album éponyme - En ligne
  32. Russell Mulcahy, Highlander, 1986 - Bande-annonce en ligne
  33. Interview diffusée le 21 janvier 1989 dans l'émission culturelle L'Assiette anglaise sur Antenne 2 - En ligne
  34. "Farandoles" sur 121. Maîtresse du temps - En ligne
  35. Pierre Carles, Pas de calmants pour Jeanne, court-métrage documentaire réalisé en 1996 lors du barouf médiatique autour du 121ème anniversaire de Jeanne Calment dans la maison de retraite - En ligne
  36. Vincent et moi, réalisé en 1990 par Michael Rubbo, fait partie d'une série de 24 films pour la jeunesse intitulée Contes pour tous.
  37. Philippe Nicolet, Jeanne Calment, doyenne du monde, 1994
  38. Giacomo Leopardi, Zibaldone. Cité à l'entrée "cul-de-sac" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017 - En ligne
  39. Emil Cioran, Aveux et anathèmes, 1987.