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Dans les sociétés d'hominines, la mise à mort par la séparation du corps et de la tête est une pratique sociale attestée depuis plusieurs millénaires. Destinée à punir des crimes ou délits jugés suffisamment graves pour mériter la mort, cette décapitation — du latin ''caput'' "tête" — est réalisée de multiples façons. La méthode la plus courante est l'utilisation d'une hache pour trancher la tête au niveau du cou, soit avec élan pour que la lame atteigne avec rapidité et lourdeur la nuque de l'hominine, soit en plaçant la lame directement en contact avec la peau et en frappant avec une masse sur le dessus de la hache. Suivant l'habilité du bourreau, la mort peut être quasi immédiate ou nécessiter de s'y reprendre à plusieurs fois. Parfois la tête est coupée après la mort, soit afin de terminer un long processus de tortures, soit pour être exhibée publiquement en guise de trophée et impressionner les hominines. Les premières tentatives de mécaniser les décapitations sont attestées dès le XIII<sup><small>ème</small></sup> siècle. Hormis quelques histoires de la mythologie christienne<ref>christien</ref> relatant la vie de personnages de fiction qui survivent à leur décapitation<ref>Quelques saints</ref>, les hominines meurent à chaque fois que la tête est séparée du restant du corps. Comme l'ensemble des autres espèces animales vivantes. Et les zombies aussi<ref>Max Brooks, ''Guide de survie en territoire zombie'', 2009</ref>. En France, avec la pendaison et le bûcher, la décapitation à la hache est souvent réservée aux hominines des classes sociales inférieures, les élites bénéficiant du privilège d'être décapitées à l'épée, méthode jugée plus noble et plus nette. Quoi qu'il en soit, la peine capitale touche beaucoup plus les hominines du bas de l'échelle sociale que celleux qui trônent dans les alentours du sommet. Les nécessités de la survie quotidienne mènent plus facilement à la mort que les querelles de palais. Le renversement de la royauté française et la proclamation d'un régime républicain en 1789 ne bouleversent pas la réalité des choses. Le privilège de la décapitation à l'épée est aboli et la peine de mort par décapitation est étendue à l'ensemble des hominines en 1791<ref>Fusillés pour les militaires</ref>. Les tortures avant la mise à mort sont dorénavant interdites. L'année suivante, la machine à décapiter du docteur Antoine Louis est officiellement admise en tant que seule manière légale de mise à mort, jugée moins cruelle. D'abord appelée "Louison" ou "Louisette", cette machine prend finalement le nom du député qui fait adopter son utilisation par le parlement, Joseph-Ignace Guillotin. La hache et l'épée sont abandonnées au profit de la guillotine. La première exécution a lieu en avril 1792 à Paris<ref>Nicolas Jacques Pelletier</ref>. Dans la période la plus sanglante de cette révolution républicaine, entre 1793 et 1794, la guillotine coupe des milliers de têtes. Roi, reine, nobles ou révolutionnaires en disgrâce sont ainsi raccourcis mais, comme auparavant la hache, dans les faits la guillotine concerne essentiellement les hominines des classes populaires. Un état de fait qui perdure jusqu'en septembre 1977, date de la dernière exécution en France<ref> Hamida Djandoubi</ref>. De nos jours, parmi la cinquantaine de pays autorisant la peine de mort, seuls le Qatar, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis refusent la mise à mort par injection chimique ou par électrocution et préfèrent la décapitation au sabre.
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Dans les sociétés d'hominines, la mise à mort par la séparation du corps et de la tête est une pratique sociale attestée depuis plusieurs millénaires. Destinée à punir des crimes ou délits jugés suffisamment graves pour mériter la mort, cette décapitation — du latin ''caput'' "tête" — est réalisée de multiples façons. La méthode la plus courante est l'utilisation d'une hache pour trancher la tête au niveau du cou, soit avec élan pour que la lame atteigne avec rapidité et lourdeur la nuque de l'hominine, soit en plaçant la lame directement en contact avec la peau et en frappant avec une masse sur le dessus de la hache. Suivant l'habilité du bourreau, la mort peut être quasi immédiate ou nécessiter de s'y reprendre à plusieurs fois. Parfois la tête est coupée après la mort, soit afin de terminer un long processus de tortures, soit pour être exhibée publiquement en guise de trophée et impressionner les hominines. Les premières tentatives de mécaniser les décapitations sont attestées dès le XIII<sup><small>ème</small></sup> siècle. Hormis quelques histoires de la mythologie christienne<ref>christien</ref> relatant la vie de personnages de fiction qui survivent à leur décapitation<ref>Quelques saints</ref>, les hominines meurent à chaque fois que la tête est séparée du restant du corps. Comme l'ensemble des autres espèces animales vivantes. Et les zombies aussi<ref>Max Brooks, ''Guide de survie en territoire zombie'', 2009</ref>. En France, avec la pendaison et le bûcher, la décapitation à la hache est souvent réservée aux hominines des classes sociales inférieures, les élites bénéficiant du privilège d'être décapitées à l'épée, méthode jugée plus noble et plus nette. Quoi qu'il en soit, la peine capitale touche beaucoup plus les hominines du bas de l'échelle sociale que celleux qui trônent dans les alentours du sommet. Les nécessités de la survie quotidienne mènent plus facilement à la mort que les querelles de palais. Le renversement de la royauté française et la proclamation d'un régime républicain en 1789 ne bouleversent pas la réalité des choses. Le privilège de la décapitation à l'épée est aboli et la peine de mort par décapitation est étendue à l'ensemble des hominines en 1791<ref>Fusillés pour les militaires</ref>. Les tortures avant la mise à mort sont dorénavant interdites. L'année suivante, la machine à décapiter du docteur Antoine Louis est officiellement admise en tant que seule manière légale de mise à mort, jugée moins cruelle. D'abord appelée "Louison" ou "Louisette", cette machine prend finalement le nom du député qui fait adopter son utilisation par le parlement, Joseph-Ignace Guillotin. La hache et l'épée sont abandonnées au profit de la guillotine. La première exécution a lieu en avril 1792 à Paris<ref>Accusé d'avoir porter le 14 octobre 1791 plusieurs coups de couteau à un hominine pour lui dérober ses assignats (ancêtres des billets de banque), Nicolas Jacques Pelletier est condamné à mort. Il est publiquement guillotiné le 25 avril 1792 à Paris. </ref>. Dans la période la plus sanglante de cette révolution républicaine, entre 1793 et 1794, la guillotine coupe des milliers de têtes. Roi, reine, nobles ou révolutionnaires en disgrâce sont ainsi raccourcis mais, comme auparavant la hache, dans les faits la guillotine concerne essentiellement les hominines des classes populaires. Un état de fait qui perdure jusqu'en septembre 1977, date de la dernière exécution en France<ref>Hamida Djandoubi est condamné le 25 avril 1977 à la peine de mort pour "''assassinat après tortures et barbarie, viol et violences avec préméditation''. Il est guillotiné le 10 septembre 1977. Il est le dernier condamné à la guillotine en Europe de l'ouest et le dernier condamné à mort en France. La peine de mort est abolie en 1981 dans ce pays.</ref>. De nos jours, parmi la cinquantaine de pays autorisant la peine de mort, seuls le Qatar, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis refusent la mise à mort par injection chimique ou par électrocution et préfèrent la décapitation au sabre.
  
 
==  Double sens ==
 
==  Double sens ==

Version du 5 décembre 2021 à 13:18

Hache (секира en macédonien - destrau en nissard) Objet et symbole, parfois à double tranchant.


[En cours de rédaction]


Bas-Âges séguriens

Étymologiquement, le terme français de hache[1] dérive d'une racine commune que l'on retrouve dans plusieurs autres pratiques linguistiques apparentées de l'ouest et du nord du sous-continent européen. Ainsi, axe en anglais, axt en allemand, hacha en castillan, atxa en catalan ou ascia en italien, pour ne citer que quelques exemples, semblent provenir d'un même étymon selon les linguistes. En français, il est présent dans le terme peu usité de axinomancie[2] qui désigne une forme de "divination par les vibrations ou oscillations d’une hache plantée dans un poteau" pendant l'antiquité gréco-macédonienne. Dans quelques régions du sud et dans l'est européen, le sens de "hache" est rendu par l'étymon latin securis que l'on retrouve autant dans le roumain secure que dans le polonais siekiera, le slovène sekira ou le macédonien секира — prononcez "sekira" . En français, cette racine est uniquement présente dans le terme sécuriforme utilisé pour désigner les objets en forme de hache[3]. Si certaines pratiques linguistiques ont conservé d'autres racines pour désigner une hache, tel l'occitan destral ou le nissard destrau qui se basent sur l'étymon latin dextralis, avec le même sens, l'étymon securis se retrouve parfois dans la toponymie ou les patronymes des hominines[4]. Pour ne citer qu'un exemple, le patronyme de la célèbre rebelle Catherine Ségurane vient du nissard segà avec le sens de "hacher".

Peinture rupestre d'un ségurien[5]

Pour la protivophilie, la hache revêt un caractère particulièrement important car l'unique illustration des Analectes de rien de F. Merdjanov représente une petite hache. Non pas une photographie mais un modèle simple et stylisé d'une hache dessinée. Les raisons d'un tel choix et les symboliques auxquelles cela renvoie restent pour l'instant inexpliquées, "peut-être une référence à cet outil que des révolutionnaires russes du XIXème siècle agitaient symboliquement ou littéralement pour terroriser les tyrans et exalter les exploités qui — contrairement aux premiers — se tuent à la tâche."[6]. Afin d'étudier cette problématique, la protivophilie propose de suivre les chemins séguriens qui seuls permettent d'explorer, à travers le temps et l'espace, ce qui lie intrinsèquement F. Merdjanov à la hache.

La plus ancienne hache retrouvée à ce jour est datée de presque 2 millions d'années et située dans les Gorges d'Olduvaï en Afrique de l'est. Il est pour l'instant impossible d'affirmer avec certitude laquelle des trois espèces d'hominines[7] qui coexistent alors dans l'espace géographique est-africain est à l'origine de cet outil. Que ce soient les australopithèques, les paranthropes ou les homos habilis, toutes ces espèces d'hominines semblent en mesure de fabriquer un outil rudimentaire avec des éclats de pierre ou des pierres taillées. Les fouilles menées depuis le début du XXème siècle après JC[8] par les paléo-anthropologues et autres archéologues de la préhistoire sur des sites d'homos habilis ont permis de mettre à jour une industrie lithique importante et une technicité grandissante. La hache est constituée d'un éclat de pierre tranchant, taillé pour cela, et coincé entre deux morceaux de bois maintenus entre eux avec une corde. L'évolution technique est considérable. Grâce à sa conception, il vient dans le prolongement de la biomécanique du bras des hominines et augmente ainsi la force et la vitesse à laquelle le tranchant de la hache entre en contact avec ce qui est visé. Comme le simple bâton avant lui, l'utilisation d'un manche permet aussi, d'une part, de maintenir une distance entre soi et la chose visée, et d'autre part, d'atteindre des choses plus éloignées. Le poids de la pierre, la qualité de son tranchant et la longueur du manche sont les principales caractéristiques sur lesquelles jouer afin de créer des haches pour des utilisations bien précises. Les datations des plus anciennes haches retrouvées sur la rive européenne de la Méditerranée sont estimées à environ 800 000 ans avant le présent. Chez les hominines, les évolutions des techniques et technologies de l'extraction de métal et de la maîtrise de fours à haute température accompagnent les évolutions des techniques de fabrication de haches : la pierre taillée ou polie est progressivement remplacée par du cuivre, puis par un alliage entre l'étain et le cuivre — le bronze — puis par du fer. Hormis de très rares exceptions où ils sont en métal, les hominines fabriquent les manches à partir de différents types de bois. Au cours de l'Âge du Bronze — entre 5000 et 3000 avant le présent — les haches sont un outil très diversifié dans ses formes et ses usages. Elles se distinguent entre elles par le type d'emmanchement de la lame et la forme de celle-ci[9]. Les haches sont utilisées pour couper, fendre ou entailler des végétaux durs, des cadavres d'autres espèces animales ou d'hominines. Elles sont un outil de production autant qu'une arme. Leur fabrication nécessite une industrie dédiée, la métallurgie, avec tout ce que cela implique comme activités annexes. L'exploitation de gisements de minerais, l'appropriation et le transport de cette matière première, l'entretien et l'utilisation de fours, sont quelques unes de ces activités qui instaurent des spécialisations dans la plupart des sociétés d'hominines. Pour qui aime les histoires loufoques, les multiples mythologies inventées par les hominines regorgent d'histoires et de superstitions autour de la fabrique et du travail du métal, du forgeron qui repousse le mal par son activité très bruyante au fer à cheval censé "porter bonheur". De par sa structure, la hache est un outil à usage domestique pouvant être utilisé en arme mais certaines sociétés d'hominines ont développé une distinction claire entre ces deux types d'usages. Les haches domestiques sont à disposition des hominines qui le désirent, sans restriction, mais celles destinées à l'attaque ou la défense sont un domaine réservé à une minorité. Parfois simple apparat du pouvoir, les haches d'arme sont surtout un outil de contrôle social pour les hominines qui détiennent ce monopole. Leurs formes sont spécifiques et répondent aux nécessités de devoir repousser une attaque ou en être à l'origine[10]. Elles se forgent au fil des évolutions des formes de conflits entre les hominines et répondent à l'apparition de nouvelles armes. La hache à double lame en métal et pic au bout du manche n'est pas vraiment conçue pour une utilisation domestique.

Avec ou sans ache ?

Dans les nombreux lexiques et dictionnaires qui recensent les pratiques linguistiques entre le IXème et le début du XVIème siècle sur l'actuel territoire de la France, il est à noter que plusieurs termes coexistent pour se rapporter à la hache. Point de chevauchement entre des pratiques linguistiques celtiques, germaniques et latines, cet espace gallo-roman forme un vaste continuum dans lequel il n'existe pas de frontières strictes. Aisse, ascia, asseau, aissette ou aissote côtoient aichote, haceau, hacette ou hache et en sont des synonymes ou bien désignent des haches spécifiques. Ainsi, une aisse est plutôt une sorte d'herminette — c'est-à-dire une courte hache dont le tranchant est perpendiculaire au manche — alors que hacette nomme de courtes haches au tranchant parallèle, une ascia est autant une doloire[11] de charpentier qu'un instrument de décapitation chez les hominines. Tout au long du processus de standardisation linguistique qui abouti au "français moderne", les hominines appartenant aux classes sociales supérieures ont questionné l'orthographe à retenir. Faut-il l'écrire avec ou sans ache ? Finalement, l'orthographe s'est normalisé avec la lettre H, aspirée et quasi-muette, qui accentue la composante germanique de la langue et instaure une prononciation spéciale lors d'un emploi au pluriel. Il est strictement interdit de faire la liaison en [z] entre un s pluriel et haches, contrairement à les histoires de les hirondelles. Même si quelques exceptions existent, la règle générale en français consiste à faire la liaison en [z] lorsque le terme est d'origine latine ou grecque, et de ne pas la faire lorsque elle est germanique. Tant de punitions et de brimades d'enfants, d'humiliations d'adultes, pour cette simple absence de liaison inculquée de force pendant des générations. Pour les hominines des classes sociales inférieures, la question autour de la ache se pose autrement. Qu'il faille l'écrire avec ou sans, la hache est vitale. Que ce soit en Macédoine ou à Nice, elle est un outil indispensable à la survie quotidienne, présent dans chaque famille jusqu'au milieu du XXème siècle. La hache est très populaire. L'agriculture, l'élevage, l'artisanat ou la construction regorgent d'activités différentes qui nécessitent des types de haches particulières. La dimension et le poids d'une hache de bûcheronnage n'ont rien à voir avec un hachoir à viande, une hachette à fendre des bûches est très différente d'un cochoir[12] de tonnelier. Alors que l'utilisation de la hache perdure parmi les hominines les moins riches, elle disparaît du champ militaire réservé aux élites, progressivement remplacée par l'épée, plus maniable et équilibrée, pour devenir un simple ustensile d'apparat du pouvoir et, dans le même temps, le symbole du bourreau[13]. L'introduction puis la généralisation des armes à feu annoncent sa fin prochaine.

Serre-tête sécuriforme[14]

Dans les sociétés d'hominines, la mise à mort par la séparation du corps et de la tête est une pratique sociale attestée depuis plusieurs millénaires. Destinée à punir des crimes ou délits jugés suffisamment graves pour mériter la mort, cette décapitation — du latin caput "tête" — est réalisée de multiples façons. La méthode la plus courante est l'utilisation d'une hache pour trancher la tête au niveau du cou, soit avec élan pour que la lame atteigne avec rapidité et lourdeur la nuque de l'hominine, soit en plaçant la lame directement en contact avec la peau et en frappant avec une masse sur le dessus de la hache. Suivant l'habilité du bourreau, la mort peut être quasi immédiate ou nécessiter de s'y reprendre à plusieurs fois. Parfois la tête est coupée après la mort, soit afin de terminer un long processus de tortures, soit pour être exhibée publiquement en guise de trophée et impressionner les hominines. Les premières tentatives de mécaniser les décapitations sont attestées dès le XIIIème siècle. Hormis quelques histoires de la mythologie christienne[15] relatant la vie de personnages de fiction qui survivent à leur décapitation[16], les hominines meurent à chaque fois que la tête est séparée du restant du corps. Comme l'ensemble des autres espèces animales vivantes. Et les zombies aussi[17]. En France, avec la pendaison et le bûcher, la décapitation à la hache est souvent réservée aux hominines des classes sociales inférieures, les élites bénéficiant du privilège d'être décapitées à l'épée, méthode jugée plus noble et plus nette. Quoi qu'il en soit, la peine capitale touche beaucoup plus les hominines du bas de l'échelle sociale que celleux qui trônent dans les alentours du sommet. Les nécessités de la survie quotidienne mènent plus facilement à la mort que les querelles de palais. Le renversement de la royauté française et la proclamation d'un régime républicain en 1789 ne bouleversent pas la réalité des choses. Le privilège de la décapitation à l'épée est aboli et la peine de mort par décapitation est étendue à l'ensemble des hominines en 1791[18]. Les tortures avant la mise à mort sont dorénavant interdites. L'année suivante, la machine à décapiter du docteur Antoine Louis est officiellement admise en tant que seule manière légale de mise à mort, jugée moins cruelle. D'abord appelée "Louison" ou "Louisette", cette machine prend finalement le nom du député qui fait adopter son utilisation par le parlement, Joseph-Ignace Guillotin. La hache et l'épée sont abandonnées au profit de la guillotine. La première exécution a lieu en avril 1792 à Paris[19]. Dans la période la plus sanglante de cette révolution républicaine, entre 1793 et 1794, la guillotine coupe des milliers de têtes. Roi, reine, nobles ou révolutionnaires en disgrâce sont ainsi raccourcis mais, comme auparavant la hache, dans les faits la guillotine concerne essentiellement les hominines des classes populaires. Un état de fait qui perdure jusqu'en septembre 1977, date de la dernière exécution en France[20]. De nos jours, parmi la cinquantaine de pays autorisant la peine de mort, seuls le Qatar, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis refusent la mise à mort par injection chimique ou par électrocution et préfèrent la décapitation au sabre.

Double sens

Depuis des millénaires que les hominines utilisent des haches, celles-ci n'ont cessé d'être améliorées, diversifiées et spécialisées. Ustensiles indispensables dans les sociétés d'hominines sédentaires et agricoles, elles y sont omniprésentes. De par le monde, il en existe des centaines de formes, de tailles et d'usages différents. Pour autant la hache n'est pas un symbole de la vie des hominines du commun mais plutôt celui des castes guerrières et des pouvoirs politiques. Sur le sous-continent européen, la hache est présente sur les blasons de la noblesse ou dans les représentations guerrières, même après son obsolescence face à l'épée et aux armes à feu. Paradoxalement, elle symbolise la force politique autant que l'esprit de révolte. Généralement les haches à double lame sont l'apanage des militaires à la solde des pouvoirs politiques qui s'en servent pour protéger leurs biens ou pour contraindre les hominines à leur payer des impôts. Les haches domestiques ont très rarement un double sens, et lorsque c'est le cas il s'agit d'un marteau ou d'un poinçon plutôt qu'une seconde lame. Si les haches domestiques ne sont pas conçues pour guerroyer, elles restent néanmoins une arme pour les hominines qui refusent les décisions des pouvoirs politiques en place. Les militaires et autres mercenaires y sont souvent confrontés dans leurs tentatives de mater une révolte paysanne ou de contraindre des hominines à payer l'impôt exigé. Pour celleux qui ne supportent pas de lire de l'économie ou de l'histoire, nous pouvons résumer et dire que l'impôt est une très ancienne arnaque par la contrainte qui, pour le ramener à un contexte actuel, est similaire à ces situations où des hominines vous demandent de l'argent sur un parking afin de garder votre véhicule et éviter ainsi qu'il ne soit endommagé en votre absence par des personnes malintentionnées. Refuser c'est l'assurance de dégradations bien plus onéreuses que l'argent demandé. Le chantage est imparable. L'escroquerie est millénaire. L'exemple fonctionne aussi avec une maison, une famille, un commerce ou n'importe quel bien. Pour la plupart des hominines, la hache d'arme représente l'autorité politique et l'escroquerie fiscale qui l'alimente.

Écrit anonymement à une date inconnue, Histoire nihiliste de la hache[21] est pour la protivophilie l'ouvrage le plus complet sur ce sujet, une réelle tentative de regard ségurien sur l'histoire des hominines. Malheureusement aujourd'hui inaccessible, seules quelques bribes sont mentionnées de-ci de-là dans de très rares ouvrages spécialisés. Même s'ils restent encore très partiels, de récents travaux protivophiles ont permis un début de recensement. Ils servent de repères à la rédaction des quelques exemples ci-dessous, une liste non-exhaustive extraite de l'anonyme ouvrage ségurien.

Amazones

Jeanne Hachette

En l'absence des registres des naissances de la ville de Beauvais — dans le département actuel de l'Oise, au nord de Paris — du XVème siècle, il est impossible de savoir exactement à quelle date est née Jeanne Laisné. Plusieurs sources indirectes citent l'année 1453 ou 1454. Le seul document contemporain est une lettre de 1473 du roi Louis XI[22] qui précise qu'elle est la fille de Mathieu Laisné, un hominine demeurant à Beauvais.

Au cours des XIV et XVème siècles, les territoires de l'ouest du sous-continent européen sont disputés par plusieurs dynasties royales concurrentes. Des branches cousines se réclament des royaumes d'Angleterre, de France et de Bourgogne qui chacun lorgne sur les territoires de l'autre. Elles s'opposent dans des guerres incessantes. Depuis des siècles, les dynasties s'affrontent pour étendre leurs territoires. Pour cela, elles utilisent les mariages, les échanges, les achats ou les conquêtes pour en acquérir de nouveaux. Sans considérations pour les hominines qui y vivent, des régions s'échangent et des frontières se créent au fil des arrangements entre ces concurrences dynastiques. Dans la première moitié du XVème siècle la situation se stabilise. Une paix est signée entre les royaumes de France et de Bourgogne, et celui d'Angleterre est repoussé sur les îles britanniques. Dans la seconde moitié du XVème siècle, la cousinade géopolitique est réconciliée : selon un référentiel moderne, le royaume de Bourgogne s'étend approximativement sur les régions françaises du Nivernais, de Bourgogne, de Lorraine et des Flandres ainsi que sur le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas. Outre ses régions plus méridionales, le royaume de France s'étend au nord sur la Normandie, la Picardie, la région francilienne et la Champagne. Le royaume bourguignon est alors une puissance régionale militaire et culturelle importante. Allié au royaume de Bretagne, la Bourgogne de Charles le Téméraire entre en guerre à la mi-juin 1472 contre le royaume de France de son cousin Louis XI. Le bourguignon accuse le francien d'avoir tué son propre frère au prétexte qu'il était allié avec lui et d'occuper ses terres illégitimement. L'offensive est lancée à partir des Flandres. Des milliers de soldats traversent la Somme et entrent en Picardie sur le territoire du royaume de France. Progressivement les troupes avancent. Elles rasent les villes et les villages, massacrent les hominines et pillent les réserves de nourriture. Les hominines qui parviennent à s'enfuir se réfugient dans les villes alentours. La peur se répand parmi la population. Les forces bourguignonnes arrivent à proximité de Beauvais à la fin du mois de juin.

Photomontage daté de 1472

À cette époque, Beauvais est une ville importante dans cette partie nord du royaume francien. Tenue par quelques dizaines de familles d'hominines, l'industrie de la draperie qui s'y développe est le moteur économique de la ville. Outre les activités liées à l'importation de matières premières puis à l'exportation des produits sortis des ateliers, cette industrie nécessite toute une somme de métiers annexes. Les tensions sociales sont parfois fortes entre les ouvriers drapiers et leurs employeurs[23]. Carrefour commercial, Beauvais est aussi un lieu où les autorités religieuses christiennes s'implantent pour diffuser leurs foutaises. L'absence d'un quelconque titre ou de statut social dans la seule mention qui est faîte de Mathieu Laisné par le roi Louis XI[22] laisse à penser qu'il est homme du peuple. Peut-être employé dans l'industrie locale, au service d'un commerçant, du clergé ou bien d'un noble. Les choix ne sont pas infinis. Rien n'est dit sur la mère de Jeanne Laisné. Tout au plus pouvons nous affirmer qu'un père a reconnu son enfant. Son invisibilité dans le texte de 1473 s'explique non par sa mort mais par l'absence de sens pour son rédacteur de mentionner l'hominine femelle génitrice pour définir une parentalité, d'autant plus si elle ne peut se parer d'un titre glorieux. La famille Laisné semblent être des moins-que-rien. L'assaut contre la ville est lancé le 27 juin 1472 au matin. Deux attaques simultanées tentent de s'introduire par deux des portes des fortifications. La première ne parvient à entrer que dans les faubourgs et la seconde est repoussée. Les bourguignons ne parviennent pas à franchir la muraille et perdent de nombreux soldats dans cette tentative. Très peu de soldats franciens sont présent à Beauvais. L'ensemble de la population de la ville participe à la résistance, bien décidée à ne pas subir les massacres et les pillages que les bourguignons ont semé sur leur route. Mâles, femelles et enfants, les hominines de Beauvais s'activent avec détermination pour sauver leur peau. Parmi elleux, Jeanne Laisné. Selon les textes, sans arme et au risque d'être blessée, elle s'empare de la bannière d'un soldat bourguignon et va l'arborer fièrement dans l'église. Son geste de bravoure galvanise la foule des hominines. Le roi francien Louis XI envoie en renfort plusieurs centaines d'archers et de lanciers qui arrivent sur place deux jours plus tard pour protéger la ville. En réponse à cette nouvelle situation, le roi bourguignon Charles le Téméraire décide à faire le siège de la ville. Son artillerie est placée dans les faubourgs beauvaisiens et des campements sont installés à proximité de la ville. Une nouvelle offensive est lancée le 9 juillet mais, une fois encore, repoussée par la population et les soldats franciens. Quelques tentatives d'infiltrations clandestines des camps des assiégeants par des "commandos" de soldats et d'hominines de Beauvais réussissent à tuer quelques soldats bourguignons et dérober des canons mais cela n'est pas suffisant pour mener une contre-offensive. Après plusieurs milliers de morts dans ses rangs et devant l'impossibilité de venir à bout de Beauvais, le 22 juillet les troupes bourguignonnes lèvent leur siège. Sur le chemin de retour vers les Flandres, les soldats brûlent des villages et dévastent les campagnes des villes qu'ils ne parviennent pas à prendre d'assaut. La Normandie est ravagée.

Louis XI se rend à Beauvais en janvier 1473. Il s'y livre à quelques bondieuseries autour de la sainte patronne de la ville et rend hommage à la population d'hominines pour sa résistance acharnée. Et spécialement aux hominines femelles pour leur participation active. Dans une lettre du 22 février, il salue "nostre chiere et bien amee Jeanne Laisne, fille de Mathieu Laisne"[22] pour avoir arracher l'étendard d'un soldat bourguignon qui tentait de grimper le long de la muraille de la ville. Pour la remercier, il l'autorise à se marier avec Colin Pilon, les exempte d'impôts jusqu'à la fin de leurs jours et les dispense de quelques travaux obligatoires. En juin, il accorde à toutes les "femmes et filles" le privilège, réservé aux nobles femelles, de pouvoir s'habiller librement le jour de leur mariage "et toutes autres foiz que bon leur semblera"[24]. Elles obtiennent le "privilège" d'être devant les hominines mâles lors de la procession annuelle en l'honneur de la sainte christienne beauvaisienne. La plus ancienne mention de Jeanne Laisné semble datée de 1497, dans la troisième édition de Compendium super Francorum gestis[25] de l'historien Robert Gaguin qui relate l'épisode de l'étendard mais ne la nomme pas explicitement[26]. Il ajoute qu'elle fait chuter le bourguignon au pied de la muraille. Dans les Mémoires[27] de Philippe de Commynes — un ancien proche de Charles le Téméraire, rallié au roi francien — écrites vers 1490 et publiées en 1524, la même anecdote est attribuée à une Jeanne Fourquet. Rien ne peut être dit de plus sur Jeanne Laisné si l'on se réfère exclusivement aux sources qui lui sont contemporaines. Faute de registres, le lieu et la date de sa mort sont inconnus.

Avec ou sans hache ?

Tout ce qui se dit sur Jeanne Laisné à partir du milieu du XVIème siècle n'est plus une source directe. Les informations qui se transmettent dans le siècle qui suit sa mort le sont par les quelques écrit qui la mentionnent et la persistance d'une mémoire populaire de Beauvais. Les chemins de traverse pris par ces bribes biographiques sont inconnus, tout comme les modifications qu'elles subirent au cours des siècles. L'ouvrage historique de Robert Gaguin est réédité presque dix fois tout au long du XVIème siècle. Au début du siècle suivant, Antoine Loisel publie Mémoires de [...] Beauvais[28] et Pierre Mathieu une histoire de Louis XI[29] dans lesquels ils relatent l'épisode de la prise de la bannière bourguignonne qu'ils attribuent à Jeanne Laisné dite Fourquet pour le premier, à Jeanne Fourquet pour le second. "Elle est citée pour faire connaître, que la vertu ne distingue ny le cens, ny le sexe, et que l'on trouve des femmes, qui peuvent apprendre aux hommes, à vivre et à mourir"[29]. Dans Le chois de plusieurs histoires et autres choses mémorables tant anciennes que modernes[30], paru en 1608, Adrien de Boufflers précise que Jeanne Fourquet est "briseresse de laine".

L'apparition de ce patronyme de Fourquet reste obscure. Dans les quelques travaux historiques du début du XIXème siècle consacrés à Jeanne Laisné, plusieurs raisons sont évoquées. Pour ceux qui retiennent qu'elle est fille de Mathieu Laisné, l'hypothèse est que Fourquet soit le patronyme de sa génitrice. D'autres affirment qu'elle est en fait la fille d'un important militaire royal, Jean Fourquet, à la mort duquel en 1465 elle est recueillie par Dame Laisné qui l'élève comme sa propre fille. Ou encore que ce patronyme lui vient de son mariage avec Jean Fourquet, un cousin maternel, après la mort de Colin Pilon en 1477. Contradictoires, aucune de ces affirmations ne sont vérifiables. Il est aussi probable que Fourquet ne soit pas un patronyme mais un surnom. L'historienne Colette Beaune précise que "le fourquet est un instrument en métal utilisé par les briseresses de laines, nombreuses à Beauvais, capitale de la tapisserie au XVIIe siècle"[31]. Le métier de briseresse consiste à peigner la laine avec un outil à manche en forme de peigne en métal à trois dents — un fourquet — afin d'en extraire les excédents et la lisser. Cette opération est nommée cardage. L'étymologie du terme fourquet est à rapprocher de fourchette.

Biographie fictive de Jeanne Hachette

Si surnom il y a, cela peut signifier qu'elle est briseresse et donc que le fourquet est pour elle un outil commun ou qu'elle en a fait son emblème lors du siège de Beauvais. En effet, nulle mention de hachette avant Histoire de Navarre[32] de André Favin en 1612. Sans citer ses sources et bien qu'il la dit armée d'une épée, Jeanne Laisné devient Jeanne Hachette. Il la qualifie "d'amazone de Beauvais" et déforme les faits en affirmant que sa descendance est elle-aussi exemptée de tout impôt. Au cours de la seconde moitié du XVIIème, les ouvrages qui paraissent parlent indistinctement de Jeanne Laisné dit Fourquet[33] ou de Jeanne Hachette[34]. Idem au siècle suivant avec, en 1764, la tragédie en cinq actes Le Siège de Beauvais ou Jeanne Laisné[35] ou celle, en 1791, de Sade simplement intitulée Jeanne Hachette[36] dans laquelle il rappelle que son vrai nom est Jeanne Laisné. Et quelques autres encore relatent l'épisode de l'assaut[37]. La légende qui se tisse progressivement autour de Jeanne Laisné transforme son acte de bravoure et de résistance en un miracle accompli par la sainte patronne de Beauvais et fait de Jeanne Laisné une fervente christienne portée par la volonté divine ! Parfois, elle est aussi érigée en symbole du patriotisme ! Au-delà de sa vie réelle et de ce que nous pouvons en savoir — rien —, Jeanne Laisné se retrouve malgré elle dans les querelles politiques, les intérêts religieux et les convoitises personnelles d'un autre temps. Le vrai miracle est celui de la faire parler, de lui prêter des propos, dans la littérature qui lui est consacrée dans les siècles qui suivent sa mort. La jeune hominine qui lutte pour sa survie devient une fanatique religieuse qui se croit sous l'emprise de la sainte locale et de sa divinité, une fervente défenseuse de la royauté de Louis XI ou une patriote française. Elle est ainsi traînée dans la boue. Pour les autorités religieuses beauvaisiennes elle est l'incarnation de la puissance de la sainte locale et une validation indirecte de leurs mythologies, pour les royalistes elle est le symbole de l'attachement populaire à la dynastie régnante, et pour les défenseurs de la France elle représente la lutte contre l'étranger hostile ! Les mécanismes qui mènent à la disparition de Jeanne Laisné pour laisser place uniquement à Jeanne Hachette ne sont pas connus. Comment le fourquet est-il devenu hachette ? Dorénavant, les représentations du siège de Beauvais montre Jeanne Hachette — évidemment armée d'une hachette — boutant les soldats bourguignons des murailles de la ville même si quelques textes racontent qu'elle avait une pique ou une épée[38]. Le personnage de fiction prend vie. Jeanne Hachette s'impose. Remplaçant la royauté française en 1789, le nouveau régime républicain transfert de l'église à la mairie de Beauvais les restes abîmés de l'étendard prétendument daté de 1472 pour l'exposer dans le hall de l'édifice municipal en 1790, et instaure la même année une procession en l'honneur de Jeanne Hachette lors de laquelle l'étendard bourguignon est exhibé à travers les rues de la ville. Le privilège accordé aux hominines femelles de parader à l'avant est conservé et, symboliquement, une orpheline du nom d'Anne-Angélique Boudeville[39] est désignée porteuse pour cette première procession républicaine. Des trois processions commémoratives instaurées depuis le règne de Louis XI – le 27 juin, date du siège, le 22 juillet, date du retrait bourguignon et le 14 octobre, date de la "Sainte Angadrême" —, le nouveau pouvoir républicain ne conserve que le 27 juin pour en faire une procession laïque organisée par les autorités municipales.

Le XIXème est le siècle où se construit la mythologie nationaliste française, le roman national s'écrit avec la nécessité de rompre avec l'héritage royaliste tout en se donnant une profondeur historique remontant aux premières dynasties du IXème siècle. Comme le clergé christien avant lui qui, pour se donner un ancrage local et une légitimité historique, s'invente une myriade de saints et de saintes, la mythologie nationaliste cherche à mettre en lumière des personnages historiques locaux qu'elle réinvente partiellement. Bien malgré elle, Jeanne Laisné est invitée dans les débats. Les textes historiques, l'exhumation de traditions locales et les intérêts présents sont le cœur de cette réécriture. Jeanne Hachette est élevée au rang d'héroïne de Beauvais. Moult détails biographiques sur elle "apparaissent". Ainsi, elle aurait vécu avec son mari Colin Pilon dans la rue Puits-Jesseaume — depuis évidemment rebaptisée Rue Jeanne Hachette — avant de déménager dans une maison plus grande, à quelques pas de là[40]. Des anecdotes invérifiables voient le jour. Au milieu du siècle, les esprits s'enflamment. Jeanne Hachette est citée dans plusieurs ouvrages traitant de l'histoire de France et la mairie de Beauvais inaugure en 1851 une statue en l'honneur de la "nouvelle" héroïne. En présence de Louis-Napoléon Bonaparte — Napoléon III, "Empereur des Français" à partir de 1852 — la cérémonie est accompagnée par plusieurs centaines de musiciens qui jouent la Cantate à Jeanne Hachette du compositeur autrichien Sigismond von Neukomm. Hormis des mentions dans des notices historiques qui restent vagues, des ouvrages qui lui sont consacrés[41] ou quelques pièces de théâtre[42], des articles douteux paraissent sous la plume de Jean-Pierre Fourquet d'Hachette qui se prétend descendant de Jeanne Laisné[43]. Il avance la date du 15 novembre 1454 pour la naissance de son aïeule dont il fait la fille d'un militaire renégat à Louis XI, dont la mère décède lors de l'accouchement et élevée par une intendante nommée Matthieu Laisné ! Sa biographie est un mini roman historique. Après la publication en 1833 de Histoire de France, siège de Beauvais, 1472 : Jeanne Fourquet, surnommée Hachette, particularités inédites de ce siège mémorables, recueillies et publiées par Fourquet d'Hachette, hormis son narcissisme, l'intérêt principal pour ce prétendu descendant est d'obtenir une récupération partielle de l'exemption d'impôt de son aïeule. Il obtient "à titre de descendant de Jeanne Hachette"[44] une pension de la part du roi Charles X. Belle arnaque. À la même époque, deux articles dont les auteurs ne parviennent pas à faire la part des choses entre réalité historique et processus de mythification remettent en cause l'historicité de Jeanne Hachette[45].

De loin, c'est quelque chose, et, de près, ce n'est rien.[46]

En 1898, afin de faire taire les détracteurs ou les négateurs de Jeanne Laisné, l'abbé Pierre-César Renet publie Beauvais et le Beauvaisis dans les temps modernes : époque de Louis XI et de Charles le Téméraire (1461-1483)[47] dans lequel il fait le tour des arguments des uns et des autres. S'appuyant sur les sources historiques disponibles, il confirme l'existence de Jeanne Laisné, devenue Jeanne Hachette, mais démontre que l'étendard bourguignon conservé par les autorités n'est pas authentique. Pour l'inauguration de la statue de Jeanne Hachette en 1851, l'original est stocké aux archives et un fac-similé est réalisé à partir de descriptions de l'étendard et d'interprétations des zones endommagées. Malgré qu'il soit — encore de nos jours — présenté comme historiquement authentique, des études historiques et héraldiques ont permis de montrer que le soit-disant étendard bourguignon de juin 1472 n'est en fait que l'étendard de la ville de Binche, dans le sud de l'actuelle Belgique, pris lors de sa mise à sac en juillet 1554.

Depuis le renversement de la royauté française, la mythologie autour de Jeanne Laisné s'est peu à peu débarrassée de son vernis religieux pour en faire une héroïne républicaine, le symbole de la "citoyenne" française. Alors que la France du début du XXème siècle est divisée sur la question de la laïcité, la fanatique christienne Jeanne d'Arc est faîte sainte par le Vatican en 1920, quelques mois avant que la France n'instaure la "Fête nationale de Jeanne d'Arc" le deuxième dimanche du mois de mai. L'entendeuse de voix est ainsi préférée à la figure de Jeanne Hachette, de nouveau évoquée à cette occasion et jugée préférable et politiquement plus correcte. Finalement, au cours du XXème siècle, la Jeanne Laisné réelle, dont on ne sait rien, disparaît totalement derrière la figure folklorisée de Jeanne Hachette. S'étant fait voler la vedette par Jeanne d'Arc, elle n'obtient pas la statut d'héroïne nationale de la mythologie nationaliste française mais perdure seulement dans le folklore régional beauvaisien. Ses apparitions au cinéma[48] ou dans la littérature[49] sont très rares. Outre sa place principale au nom de Jeanne Hachette sur laquelle trône toujours la statue de 1851, la ville de Beauvais possède une rue à ce nom ainsi qu'un lycée. Au comble de la récupération et du détail, la république française a nommé Jeanne Hachette un palier desservant la salle des conférences et l'annexe de la bibliothèque du Palais du Luxembourg, à Paris, où siège le Sénat.

Pour les hominines qui aiment les symboles et désirent rendre hommage à Jeanne Hachette, il est possible d'aller à Beauvais le dernier week-end de juin afin de défiler, en costumes d'époque, pour ce personnage de fiction derrière un faux étendard. Ou bien de prendre des selfies devant la statue qui représente une scène imaginaire. Des cartes postales à l'effigie de l'héroïne sont en vente. Pour les autres qui détestent les symboles et veulent rendre hommage à Jeanne Laisné, les Journées du Patrimoine ouvrent tous les ans les portes du Palais du Luxembourg où il fait toujours bon déféquer sur un palier[50] et les nuits beauvaisiennes, comme tant d'autres, sont propices aux dégradations de monuments publics[51].

Société de la Hache

Notes

  1. Hache selon le Trésor de la langue française - En ligne
  2. axinomancie, de ἀξίνη, axinê ("hache") et du suffixe μαντεία, manteia ("divination") selon Le Littré de 1873 - En ligne
  3. Voir aussi sicaire, du latin sicarius et dérivé de sica "poignard", qui désigne des moïsiens antiques pratiquant l'assassinat politique d'hominines ne respectant pas leurs croyances religieuses. Utilisé aussi dans le sens moderne de "tueur à gages". Voir Trésor de la langue française - En ligne
  4. hominines
  5. Extrait de la revue de pseudo-paléoanthropologie Pilote du 25 octobre 1977. Afin de ne pas alimenter de polémiques comme celle du Babylonokia, nous précisons ici que des travaux récents ont confirmé que cette reproduction est un faux et qu'il faut donc prendre avec beaucoup de méfiance les théories sur l'histoire de la hache et des premiers œufs au plat. Voir Anonyme, Histoire nihiliste de la hache, date inconnue. Sur l'affaire du Babylonokia, voir la page Wikipédia - En ligne
  6. "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, Gemidžii Éditions, 2017 - En ligne
  7. Australopithèque, entre 4 et 2 millions d'années avant le présent. Paranthrope, entre 2,7 et 1 million d'années. Homo habilis, entre 2,3 et 1,5 millions d’années
  8. JC
  9. Jacques Briard, Guy Verron, Typologies des objets de l'âge du Bronze en France, "Fascicule III : Haches", Société Préhistorique française (CNRS), 1976 - En ligne
  10. Voir La doctrine et l'industrie du noble jeu de la hache et la manière de battaillier, un manuel de hache de combat rédigé au début du XVème siècle - En ligne
  11. Doloire sur le Trésor de la langue française - En ligne
  12. Cochoir sur Wiktionnaire - En ligne
  13. bourrelle
  14. Accessoire pour soirées BDSM soft
  15. christien
  16. Quelques saints
  17. Max Brooks, Guide de survie en territoire zombie, 2009
  18. Fusillés pour les militaires
  19. Accusé d'avoir porter le 14 octobre 1791 plusieurs coups de couteau à un hominine pour lui dérober ses assignats (ancêtres des billets de banque), Nicolas Jacques Pelletier est condamné à mort. Il est publiquement guillotiné le 25 avril 1792 à Paris.
  20. Hamida Djandoubi est condamné le 25 avril 1977 à la peine de mort pour "assassinat après tortures et barbarie, viol et violences avec préméditation. Il est guillotiné le 10 septembre 1977. Il est le dernier condamné à la guillotine en Europe de l'ouest et le dernier condamné à mort en France. La peine de mort est abolie en 1981 dans ce pays.
  21. Anonyme, Histoire nihiliste de la hache, non daté
  22. 22,0 22,1 et 22,2 Lettre de Louis XI du 22 février 1473 - En ligne
  23. En juin 1480, les ouvriers drapiers du faubourg beauvaisien de Saint-Quentin se soulèvent pendant un mois. D'après Victor Tremblay, Dictionnaire topographique, statistique, historique, administratif, commercial et industriel des villes, bourgs et commune du département de l'Oise, 1846 - En ligne
  24. Lettres patentes de Louis XI, Privilèges accordés aux femmes et filles de la ville de Beauvais, Amboise, juin 1473 - En ligne
  25. Robert Gaguin, Compendium super Francorum gestis - En ligne
  26. Franck Collard, Robert Gaguin: un historien au travail à la fin du XVe siècle, Droz, 1996
  27. Philippe de Commynes, Mémoires, 1524 - En ligne
  28. Antoine Loisel, Mémoires des pays, villes, comté et comtes, évesché et évesques, pairrie, commune et personnes de renom de Beauvais et Beauvaisis, 1617 - En ligne
  29. 29,0 et 29,1 Pierre Mathieu, Histoire de Louis XI, 1610 - En ligne
  30. Adrien de Boufflers, Le chois de plusieurs histoires et autres choses mémorables tant anciennes que modernes, 1608 - En ligne
  31. Colette Beaune, Le Grand Ferré : Premier héros paysan, 2013
  32. André Favin, Histoire de Navarre, 1612, page 547 - En ligne
  33. Godefroy Hermant, 1690
  34. Louis Moréri, Le grand dictionnaire historique, ou le Mélange curieux de l'histoire sainte et profane, 1683
  35. Araignon, Le Siège de Beauvais ou Jeanne Laisné, tragédie en cinq actes (1764), non jouée mais imprimée en 1766. D'après Les spectacles de Paris, ou calendrier historique & chronologique des théâtres, 1773 - En ligne
  36. Donatien Alphonse François de Sade, Jeanne Hachette, tragédie en cinq actes, lue à la Comédie-Française le 24 novembre 1791. D'après une lettre de Sade datée de 1798 - En ligne
  37. Par exemple Caffiaux, Défense du beau sexe. Mémoires historiques, philosophiques et critiques, pour servir d'apologie aux femmes, 1753 - En ligne.
  38. Philibert Riballier, Charlotte-Catherine Cosson de La Cressonnière, De l'éducation physique et morale des femmes, avec une notice alphabétique de celles qui se sont distinguées dans les différentes carrières des sciences et des beaux-arts, ou par des talens et des actions mémorables, Les frères Estienne, 1779 - En ligne
  39. Anne Angélique Boudeville
  40. Victor Tremblay, Dictionnaire topographique, statistique, historique, administratif, commercial et industriel des villes, bourgs et commune du département de l'Oise, 1846 - En ligne
  41. Valentin Fréville, Jeanne-Hachette ou l'héroïne de Beauvais, 1868 - En ligne. T. de Robville, Histoire de Jeanne d'Arc ou la Pucelle d'Orléans, suivie de Jeanne-Hachette, l'héroïne de Beauvais, 1857 - En ligne. M. Vallat, Jeanne-Hachette, 1896
  42. J.J.M. Duperche, Jeanne Hachette, ou Héroïne de Beauvais, drame en trois actes, 1822. Fanny Dénoix des Vergnes, Jeanne Hachette, ou le siège de Beauvais, poème, 1835 - En ligne. Auguste Anicet-Bourgeois, Adolphe d'Ennery, Jeanne Hachette, ou le siège de Beauvais, drame en cinq actes et six parties, 1838
  43. Jean-Pierre Fourquet d'Hachette, "Jeanne Hachette", Nouvelle biographie universelle, Tome 23, 1858 - En ligne
  44. Pierre César Renet, Beauvais et le beauvaisis dans les Temps modernes, 1898 - En ligne
  45. Paule Paris, "Les on-dit de l’histoire. Jeanne Hachette" dans L'Assemblée nationale du 19 février 1850 - En ligne. Philippe Tamizey de Larroque, "De l'existence de Jeanne Hachette", Revue des questions historiques, tome I, 1866 - En ligne
  46. Ph. Tamizey de Larroque, "De l'existence de Jeanne Hachette", Revue des questions historiques, tome I, 1866 - En ligne
  47. Pierre-César Renet, Beauvais et le Beauvaisis dans les temps modernes : époque de Louis XI et de Charles le Téméraire (1461-1483), 1898 - En ligne
  48. Raymond Bernard, Le Miracle des loups, 1924. Jean Delannoy, Les Amitiés Particulières, 1964
  49. Sylvie Binet, Jeanne Hachette, l'héroïne de Beauvais : récit historique, Tallandier, 1995 - En ligne
  50. Depuis 2021, l'’annexe de la bibliothèque est à nouveau accessible aux visiteurs. D'après le site du Sénat - En ligne
  51. Pour choisir les meilleures conditions, voir le site de Météo France - En ligne. Météo France ne peut être tenu responsable ou jugé complice des actes de dégradations.