Filareto Kavernido

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Filareto Kavernido. Surnom que se donne Heinrich Goldberg, un anarchiste-communiste non-"végétalien carnivore"[1].


a-Normalité

Heinrich Goldberg naît le 24 juillet 1880 après JC [2] à Berlin dans une famille moïsienne [3] aisée, d'une copulation entre deux hominines, Ludwig Goldberg et Elisa Karfunkel. Comme son père il entreprend des études de médecine. Il étudie à Berlin et à Fribourg, et se spécialise en psychiatrie et en gynécologie, puis s'installe comme médecin dans un hôpital berlinois. Il se marie et co-crée une enfant avec cette compagne maritale.

L'art de la fugue de Bach selon Laibach[4]
Alors qu'il mène la vie bourgeoise d'un médecin berlinois, Goldberg découvre les écrits de Friedrich Nietzsche qui sont pour lui plus qu'une révélation. Vers 1910 il rompt avec le judaïsme et se déclare agnostique, puis quitte son travail, sa femme et sa fille. Il apprend l'ido, une forme d'espéranto réformé [5], dont il veut faire sa langue de communication et approfondit ses réflexions philosophiques. L'individu et ses interactions avec les autres sont au centre de ses préoccupations. De sa lecture de Nietzsche il dégage une éthique anarchiste-communiste aristocratique.

Sur un plan historique plus large, ils assument une filiation allant de l'hellénisme dans sa version dionysiaque en passant par l'hérésie hussite, Savonarole, Goethe dans sa version faustienne et... la musique de Bach, Haydn et Beethoven. [6]

Après la fin de la Première guerre mondiale, entouré de quelques hominines de tout genre, Goldberg met en place une "communauté de vie" près de Berlin, une sorte de commune libre du nom de "La Kaverno di Zaratustra" (La Grotte de Zarathoustra en langue ido). Il découvre la fugue existentielle.

C’était ici que j’attendais, que j’attendais, n’attendant rien,
Par-delà le bien et le mal, jouissant tantôt de la lumière,
Tantôt de l’ombre, abstrait de moi, tout jeu, pur jeu,
Tout lac, tout midi, temps sans but.
Quand, soudain, amie, un fut deux...
Et Zarathoustra passa près de moi...[7]

La Kaverno di Zarathustra

Avec barbe et cheveux longs, Heinrich Goldberg abandonne nom et prénom pour dorénavant se faire appeler Filareto Kavernido, de Filareto "l'ami de la vertu" et Kavernido en référence à la grotte de Zarathoustra.

Expulsés de la région de Spreenhagen, près de Berlin, ils s'installèrent à Rotes Luch (Marais rouge), près de Dahmsdorf-Müncheberg, à l'est de la capitale. Ils ne purent tirer immédiatement de leurs travaux tout ce qui leur était nécessaire, aussi quelques-uns d'entre eux furent-ils obligés de travailler au dehors chez des patrons. Chaque camarade put choisir entre un emploi à la colonie et un emploi à l'extérieur. [...] Les adhérents comprennent des hommes, des femmes et des enfants. Ils ne séjournent pas toujours à la colonie, certains vont à Berlin, d'autres changent d'emplacement, car il existe une colonie semblable à Dusseldorf-Eller. Constamment a lieu un véritable mouvement d'échanges. Des camarades s'en vont, d'autres viennent, soit comme nouveaux colons, soit comme remplaçants. On travailla ferme. Les herbages durent être asséchés, les arbres et les broussailles abattus et enlevés. Pour construire maisons et cabanes, on dut apporter souvent de très loin les matériaux nécessaires ; dernièrement on gâcha de l'argile, on tressa des branchages et on construisit ainsi des demeures plus solides et partant plus durables pour les hommes et pour le bétail. Cet été on récolta des pommes de terre, différentes espèces de choux, des épinards, betteraves, carottes, navets, des raves, des choux-raves, des oignons, etc... On ne sema pas de blé mais la récolte de foin fut remarquable. La colonie possède des lapins, quelques chèvres et beaucoup de poulets. Quelques fois l'on capture des lapins sauvages et des lièvres. Dans les forêts avoisinantes, les colons récoltent beaucoup de baies et de champignons. [8]

Le projet de la Kaverno di Zarathustra s'inscrit dans un vaste mouvement de rejet du monde existant qui, depuis le milieu du XIXème siècle, pousse des hominines à tenter de s'installer en marge, à côté, en communautés de vie. Rurales la plupart du temps. Des centaines d'expériences se vivent en Europe et sur le continent américain. Les modes d'organisation s'inspirent des modèles utopistes, d'approches anarchistes ou de conceptions communistes. Dans les communautés se réclamant de l'anarchisme ou du communisme, l'individu est souvent placé au centre des préoccupations. Certaines optent pour le végétarisme et le rejet de l'alcool et du tabac, d'autres non, certaines pratiquent des formes "d'amour libre", d'autres s'organisent autour de couples et de leurs enfants, certaines sont non-violentes, ou légalistes, là où d'autres assument la "violence politique" de la propagande par le fait et par l'écrit. Ce phénomène est généralement désigné par l'expression "Milieux libres". Toutes les communautés sont éphémères, de quelques jours à plusieurs années[9]. Les motivations de celleux qui y participent sont sans doute aussi diverses que ces expériences volontaires et collectives d'hominines et les raisons de leurs fins. Aucune n'aspire à révolutionner le monde mais plutôt à s'en extraire au maximum, une "Communauté par le retrait" pour reprendre le titre d'un texte de Gustav Landauer.

La communauté par le retrait, cela veut dire : posons notre totalité comme unité et vivons comme totalité. Loin de la superficialité vulgaire de la communauté autoritaire ; à partir de la communauté profonde avec le monde, que nous sommes en nous-mêmes, nous voulons bâtir la communauté humaine, dont nous sommes responsables et dont le monde entier est responsable. Cet appel s'adresse à tous ceux qui peuvent le comprendre.[10]

Filareto écrit dans la revue en langue ido La socio à partir de 1918 et il décrit et publie sa vision théorique et philosophie dans Mitteilungsblätter aus Zarathustras Höhle entre 1920 et 1921. Les textes de ces Bulletins de la grotte de Zarathoustra sont divisés en trois parties thématiques [11] et mélangent communisme agraire, anarchisme et sur-hominine nietzschéen.

Dans la grotte de Zarathoustra, pleine de recoins et de passages, se rassemblent tous les errants perdus et tous ceux qui sont victimes de harcèlement, les hors-la-loi et les fugitifs, pour devenir des sur-hommes

Le Petit Niçois du 26 janvier 1927
La Kaverno di Zarathustra survit difficilement et Filareto est régulièrement inquiété par les autorités allemandes qui le suspectent de réaliser des avortements clandestins. Ce qui est alors formellement interdit. Il fait quelques passages en prison pour des infractions aux bonnes mœurs et son "comportement marginal" lui vaut régulièrement d'être accusé de "dérangement mental". Finalement, fin 1925, Filareto doit fuir l'Allemagne pour ses pratiques d'avortement et se réfugie en France. Il y rencontre E. Armand[12], rédacteur du journal anarchiste L'en-dehors, avec qui il maintiendra des liens pendant des années. Écrite un an plus tôt, alors qu'il est encore en Allemagne, Filareto fait paraître en 1926 à Berlin une nouvelle en langue ido sous le titre La Raupo, la chenille[13]. Cette même année, la petite communauté de la Kaverno quitte l'Allemagne et "logiquement [...] suit la route solaire de Nietzsche et s'installe dans l'arrière-pays niçois" [6], à Tourrettes-sur-Loup, au nord-est de Nice. Elle prône la nudité et l'amour libre. Selon le journal L'En-Dehors [14], en avril 1927, ils sont 30 à vivre dans la communauté communiste-anarchiste : 8 hommes [15], 4 femmes et 18 enfants [16].

Une économie collective basée autour de l'horticulture, de l'élevage des poulets, de cultures vivrières et de petits artisanats aptes à satisfaire une vie assez ascétique" [17]

Les accusations d'attentats à la pudeur[18], les difficultés d'une vie en autonomie, les tracasseries administratives pour le séjour des étrangers et les dissensions internes poussent le restant de la communauté à quitter Tourrettes-sur-Loup. Vers la fin de 1927/début 1928, un groupe d'allemands et de suédois de la Kaverno rejoint la Corse et s'installe près d’Ajaccio, au lieu-dit "Les Baraques", villa Miramar, sur les contreforts de la Punta Pozzo di Borgo, au deux pas de l'ancienne colonie pénitentiaire pour enfants au lieu-dit "Castelluccio"[19]

Nous sommes des communistes et non point des individualistes. Parmi nous l'importance fondamentale est attribuée au milieu, tandis que l'individu ne compte que comme moyen de construction et de développement. Dans le cadre de cette construction sociale, nous laissons à l'individu l'initiative personnelle, parce que nous croyons que c'est plus avantageux pour le développement de la communauté que le système autoritaire ; et c'est pour cela que nous nous dénommons "anarchistes". De cette conception résulte que nous comprenons par bien-être, une vie de dur travail, laquelle ne nous surmène pas, mais nous fortifie physiquement et moralement. Nous n'avons point adopté de régime spécial de nourriture. Nous n'avons pas le temps de nous occuper de questions qui n'intéressent que le goût personnel du palais d'hommes qui ne pensent à rien d'autre qu'aux besoins de leur estomac et à leur commodité, qu'ils cherchent vainement à cacher sous des théories "scientifiques". Nous mangeons ce qui coûte le moins cher et nous donne la plus grande force pour pouvoir créer. Malgré tout notre communisme nous ne sommes pas des altruistes. Nous ne nous occupons point des souffrances des autres. Nous vivons une vie qui nous plaît et nous laissons à chacun la liberté de vivre avec nous si cette vie peut lui plaire ; mais nous ne promettons à personne que ce qui nous semble être le paradis à nous, l'est aussi pour lui, vu la différence des opinions sur ce point. Notre vie sexuelle est réglée selon le principe de la liberté absolue de l'individu. C'est précisément la dernière expérience d'un camarade venu qui me fait préciser notre point de vue. Ce camarade me disait qu'il croyait trouver ici un milieu émancipé où l'on vive selon la maxime "toutes à tous et tous à toutes", et il s'est montré fort ennuyé de ne pas trouver dès son arrivée une femme "libre" pour lui. Il prétendait que le besoin sexuel est un besoin aussi naturel et important que le besoin de manger, et qu'une société communiste doit pourvoir à ses besoins. Une société anarchiste n'est pas une maison de prostitution où l'on peut économiser les frais, sans courir les risques d'infection. Il me faut encore ajouter encore que nous ne sommes point des révolutionnaires ni des "lutteurs de classe", que nous n'aspirons point à construire une société de culture prolétaire. Nous sommes d'avis que l'anarchiste n'a absolument rien à faire avec la politique, nous assimilons un anarchiste révolutionnaire à un "végétalien carnivore". L'anarchiste, selon notre avis, n'a pas le droit de molester autrui. Selon nous, il ne lui reste rien à faire que quitter la société qui ne lui plaît plus, se bâtir une vie qui lui donne la satisfaction cherchée, pourvu qu'il soit assez fort pour cette tâche ; s'il ne l'est pas, il doit se résigner ― ou se pendre ― ou encore devenir bolcheviste. [1].

Les relations interindividuelles entre les hominines de la Kaverno ne sont pas faciles[20]. La place centrale que Filareto se donne est un sujet de discorde mais celui-ci rétorque des arguments assez classiques qui nient la complexité des rapports de pouvoir et ne voient plus les individus mais sa seule individualité [21].

Le plus capable pour organiser [le] groupe et la vie commune et que sans [son ] aide, on arriverait pas à arranger cette vie. [...] s'il y a une intelligence plus évoluée reconnue librement et volontairement par les autres, elle n'exerce pas l'autorité de l'oppression, mais l'autorité de la compétence, sans laquelle aucun progrès culturel n'est possible [22]

Levée d'écrou du 26 avril 1929 [23]
Filareto est de nouveau inquiété par la justice qui lui reproche son nudisme et un avortement clandestin sur Amalia Michaelis. Il est accusé de "viol d'avortement et outrage public à la pudeur" et mis en préventive à la prison d'Ajaccio le 2 octobre 1928 [24]. Il est jugé le 26 avril 1929, condamné à 6 mois pour le seul "outrage à la pudeur" [25] et libéré le jour même [23]. Filareto affirmera par la suite avoir passé au total six années de sa vie en prison ou asile dans cinq pays différents. Sa feuille de levée d'écrou mentionne qu'il est arrivé et est sorti habillé de la prison, en "veste kaki, pantalon noir, chemise blanche, sandales" [24]. Les procès-verbaux sont signés Filareto Kavernido et non Heinrich Goldberg.

La Kaverno sort très affaiblie de cet emprisonnement. La décision est prise de partir en Haïti pour y retenter une nouvelle expérience. Trois hominines adultes - dont Filareto - et quatre enfants [26] embarquent le 1er juillet 1929 à Bordeaux pour un voyage de trois semaines en direction des Caraïbes. Mais à leur arrivée en Haïti, ils sont immédiatement expulsés. Avec ce qu'il leur reste d'argent, ils achètent une voiture et passent la frontière pour se rendre à Saint-Domingue où le gouvernement a mis en place une politique en faveur de la colonisation des terres "vierges". Une aide à la construction d'une première cabane et au défrichement, ainsi que quelques bêtes et des semences[27]. Ils se fixent en colonie agricole dans le nord, à Jamao près de Moca. Le terrain est sur les collines de Arroyo Frio qui surplombent. Jamao est alors peuplé de quelques sept cents colons, venus d'Europe. L'ouragan qui dévaste une partie de Saint-Domingue en 1930 ne fait que peu de dégâts sur les installations de la Kaverno [28]. Filareto devient progressivement médecin itinérant, tentant de soigner au mieux, sans médicaments ni instruments, les plus pauvres des hominines. Il s'inspire des pratiques médicinales locales, à base d'herbes et d'onguents, et de sa formation de médecin pour lutter contre le paludisme et les maladies vénériennes, tout autant généraliste que gynécologue. Des travaux pour construire un petit dispensaire sont lancés. Le gouvernement propose à Filareto d'être embauché comme médecin mais il décline l'offre car l'idée d'être salarié le rebute et qu'il ne veut pas y perdre de sa liberté d'action. La bibliothèque de la Kaverno est riche d'environ 500 livres [27]. Grace à une machine à écrire, Filareto parvient à sortir des tracts et des brochures sur sa vision de la Kaverno. Il entretient des liens épistolaires réguliers, avec L'en-dehors de E. Armand, par exemple, à qui il fait parvenir de petits compte-rendus sur la vie de la Kaverno [29].

Partout les indigènes parlent du grand blanc qui va à cheval et qui ressemble fort à Jésus, des courriers arrivent de l'étranger et parfois un visiteur européen en mal de communisme exotique ou d'anarchisme clé en main. [6]

Lors d'une conférence publique à Moca consacrée à expliquer les buts et les fonctionnements de la Kaverno, Filareto attire l'attention des autorités par ses discours contre l’État. En avril 1933, le rapport remis au président dominicain sur les activités "subversives" de la colonie préconise sa dissolution. Le 16 mai 1933, Filareto Kavernido est emmené par deux inconnus qui prétendent devoir le conduire à Moca. Il est retrouvé mort de deux balles de revolver le lendemain [30].

Filareto Kavernido avait des idées originales, certes, et son communisme ne nous aurait pas agréé ; assurément. Mais on ne saurait nier son esprit de suite et sa persévérance. [...] Rien ne l'avait découragé, ni les abandons, ni les dissenssions, ni les chicanes avec les autorités. C'est là dessus qu'il faut juger un homme et non sur un trait de caractère plus ou moins plaisant. [31]

En suite

Pour la protivophilie, les raisons de la naissance en 1970 à Nice de F. Merdjanov restent pour l'instant mystérieuses. L'hypothèse de la présence d'une petite communauté bulgaro-macédonienne dans cette ville a été maintes fois avancée [32] pour justifier "l'origine macédonienne [d'une famille] dont l’histoire croise celle du nihilisme politique des années 1900"[33]. Les recherches entreprises jusqu'à maintenant autour de Svetoslav Merdjanov n'ont pas permis de mettre en évidence un quelconque lien avec F. Merdjanov. Pas plus qu'avec la sœur ou la mère de Svetoslav Merdjanov, d'ailleurs. Filareto Kavernido mentionne la présence de deux bulgares parmi les membres de la communauté installée au-dessus de Nice puis en Corse, sans rien préciser de plus. Nous ignorons tout d'eux. Le terme de bulgare est-il à prendre au sens strict de la nationalité ou doit-il être étendu à toute l'aire bulgarophone ? Dans ce cas, nous pourrions être en présence de bulgaro-macédoniens, dont l'un d'eux serait l'hypothétique ascendant de F. Merdjanov expliquant ainsi sa naissance en 1970 à Nice. Lequel des deux ? Rien pour autant n'infirme qu'il ne s'agit pas d'un descendant de Svetoslav Merdjanov, de sa sœur ou de sa mère. Était-il déjà installé à Nice - et quand ? - lorsque les membres de la Kaverno quittent l'Allemagne pour Tourrettes-sur-Loup, ou bien est-il arrivé en même temps qu'elleux ? Cette hypothèse d'un lien entre la Kaverno et F. Merdjanov est renforcée par la récurrence de la mention de Filareto Kavernido dans des écrits attribués à F. Merdjanov. Le premier[34], consacré à l'éphémère République des conseils en Bavière, contient de nombreux éléments biographiques sur Filareto Kavernido. Le deuxième[35] est une histoire croisée de la Corse et de la Macédoine qui mentionne à plusieurs reprises l'existence de la communauté de la Kaverno et ses activités sur l'île corse. Le troisième texte[36], intitulé Conversation à la mode de Han Ryner et sous-titré "Une rencontre cavernicole entre François Augieras et Filareto Kavernido" est un dialogue imaginaire entre ces deux hominines des cavernes, que seuls le temps et l'espace séparent. À sa manière - évanescente - F. Merdjanov les évoquent aussi tout deux dans son texte écrit en macédonien Le tout, le rien :

Capitaine Caverne en 1978 [37]

Féral je deviens, affranchi et libre, absolu, autonome. Nomade du Moi, mon territoire est sans frontières, j’existe au-delà de ce que je suis comme un "hominine sans qualités". Je ne sais [...] qui je suis, comment [...], qui que tu sois, me définir [...] me nommer ? N’être rien ou vouloir être, mon choix est fait : Je suis.[38]

Loin de ces approches intellectualisantes , il convient de rappeler les aspects plus triviaux qui poussent parfois des hominines à sortir de leurs étroitesses, à s'extraire de quotidiens insupportables. Nul besoin d'avoir lu Karl Marx et ses épigones pour saisir la réalité de l'exploitation, nulle nécessité d'ingurgiter Max Stirner pour sentir que le monde s'oppose à soi ou d'investir dans un dictionnaire pour décrypter Tiqqun et enfin comprendre qu'il n'y a rien à (en) attendre. Si certaines comprennent l'absurdité des rôles genrées en regardant Candy, d'autres perçoivent le ridicule de la concurrence inter-hominines devant Les fous du volant, là où d'autres - comme F. Merdjanov ? - découvrent Filareto Kavernido et le Zarathoustra de Friedrich Nietzsche en s'abreuvant d'un autre personnage cavernicole, bien plus populaire qu'eux, le Capitaine Caverne. Celui-là même dont le cri [37] a fait vibrer des tympans dans les cours de récréation des écoles niçoises vers la fin des années 1970 et fait s'égosiller de minuscules hominines en quête d'affirmation de soi et d'une illusoire puissance qui renverse tout.

Mon être est un temple sacrilège où sonnent à toute volée les cloches du pêché et du crime, avec des accents voluptueux et pervers de révolte et de désespoir.[39]

Notes

  1. 1,0 et 1,1 L'En-Dehors, n° 115, 15 août 1927 - En ligne
  2. Même si cet article traite en grande partie d'expériences de communautés rurales, menées par des jeunes issus de familles bourgeoises, JC continue de désigner Jésus aka Christ, et non Julien Coupat. Car dans ce cas nous serions en -125, repère chronologique qui marque la création de la communauté de Tarnac en 2005, ou en -119 de la publication de la bible politico-ésotérique Tiqqun.
  3. Moïsien désigne les adeptes de Moïse, les juifs, Mahométien celleux de Mahomet, les musulmans, et Christien pour les adeptes de Jésus aka Christ
  4. Laibach, laibachkunstderfuge, 2008 - En ligne. La photo d'illustration est celle de Bach et non celle de Heinrich Goldberg
  5. L'espéranto est une langue construite, créée à la fin du XIXème siècle par Ludwik Zamenhof, un polonais de Russie. Elle est basée sur les principales langues d'Europe et conçue avec des règles grammaticales simplifiées et des possibilités d'évolution. Elle se veut être une langue internationale permettant aux hominines du monde entier de communiquer plus facilement entre eux. En 1908, quelques espérantistes proposent une réforme afin, selon eux, de simplifier la langue. Appelée ido, cette langue réformée n'est pas adoptée par la majorité des espérantistes et les idistes sont aujourd'hui moribonds. Pour une critique de l'espéranto, voir Gustav Landauer, N’apprenez pas l’espéranto !, 1907 - En ligne
  6. 6,0 6,1 et 6,2 F. Merdjanov, Rêve-olte dans la révolution, non daté - En ligne
  7. Friedrich Nietzsche, "Sils Maria" appendice au Gai savoir
  8. L'en-dehors, n°4, décembre 1922 - En ligne
  9. Très largement en recul en France entre la Seconde guerre mondiale et les années 1960, ce phénomène d'installation de communautés rurales d'hominines reprend dans les années 1970 avec les hippies et les "baba-cool", celleux que les locaux appellent les "néo" - même quarante ans plus tard. En 2018, il existe encore de nombreuses communautés de vie dans les Cévennes ou l'Ariège, par exemple. Certaines optent pour le retrait, d'autres pour un projet plus offensif. Voir Problemos de Eric Jodor, sorti en 2017 : "Un documentaire de qualité sur une ZAD ardéchoise méconnue. L’auteur pointe avec malice et subtilité un certain nombre de problèmes fondamentaux auxquels une ZAD est forcément confrontée un jour, par exemple le rapport animaux/humains (en particulier l’intolérance snob des chiens par rapports aux vegans), la violence (qui devient une nécessité entre certains zadistes) ou la question de "l’inégale répartition", que ce soit des règles (entre femmes et hommes) ou des neurones (entre militants de base et chefs machiavéliques). Une contribution importante aux débats en cours". Extrait de la chronique parue dans la revue Spasme !, n°14 - En ligne
  10. Gustav Landauer, La communauté par le retrait, 1900 - En ligne
  11. Kulturphilosophische betrachtungen (Réflexions philosophico-culturelles), Kultur und Zivilisation (Culture et civilisation) et Kulturkampf (Combat culturel). Une quatrième partie a semble-t-il disparu
  12. Lucien-Ernest Juin, dit E. Armand (1872 – 1962) est un anarchiste né en 1872 à Paris. Il publie en 1911 son Petit manuel anarchiste individualiste - En ligne. Fonde en 1922 le journal L’En-Dehors. Progressivement, au fil des numéros, il encourage les expérimentations dans le domaine des relations dite "amoureuses" ou sexuelles. Voir Gaetano Manfredonia, Francis Ronsin, E. Armand et "la camaraderie amoureuse". Le sexualisme révolutionnaire et la lutte contre la jalousie, 2000 - En ligne. À lire aussi L’illégaliste anarchiste est-il notre camarade ? publié en 1923 - En ligne. Il publie Entretien sur la liberté de l’amour - En ligne, Amour libre et liberté sexuelle (1925) - En ligne, Le Combat contre la jalousie et le sexualisme révolutionnaire (1926), Ce que nous entendons par liberté de l'amour (1928), La Camaraderie amoureuse ou "chiennerie sexuelle" (1930) et La Révolution sexuelle et la camaraderie amoureuse (1934). Il écrit une partie de la rubrique "amour" de L’encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure - En ligne
  13. Filareto Kavernido, La raupo, 1926. Texte en ido, en allemand et en castillan en ligne
  14. L'En-Dehors, n°110-11 du 1er juin 1927 - En ligne
  15. 4 allemands dont Filareto Kavernido, Carl Uhrig et Alois Schenk, 2 bulgares, 1 tchèque et 1 français
  16. Elisabeth Burkhardt a 1 enfant (1919), Gerhard Schöndelen et Agnès "la grande" 4 (entre 1918 et 1925), Filareto Kavernido et Amalia Michaelis 5 (entre 1921 et 1926), Gerhard Schöndelen et Elisabeth Burkhardt 2 (1925 et 1927), Alois Schenk et Anna Beyer 1 (1927), Hannchen Gloger 4
  17. F. Merdjanov, L'équation corse à la lumière de l'inconnue macédonienne. Précis de nihilisme montagnard et de contre-imaginaire historique, date inconnue - En ligne
  18. Le Petit Niçois du 18 décembre 1928. Condamnation à un mois de prison pour outrage public à la pudeur pour quatre hominines mâles de la communauté.
  19. Tiphaine Bacquet, "La colonie horticole de Saint-Antoine et le pénitencier de Castellucio", 2013 sur Crimino Corpus - En ligne
  20. Une des membres de la communauté, arrivée en janvier 1928, semble avoir des difficultés à partir et va même se plaindre à la gendarmerie à la mi-février qu'elle ne peut récupérer ses affaires personnelles, détenues selon elle par Filareto Kavernido. Considérée "aliénée mentale" et précédemment internée en Allemagne, Marthe Koepke récupère finalement ses affaires et est expulsée, via Marseille, vers l'Allemagne en compagnie d'un infirmier. Archives départementales de Corse, côte 3U1/279, déposition de Marthe Koepke à la Gendarmerie - En ligne. Lettre du Commissaire spécial d'Ajaccio au Procureur de la république, daté du 25 février 1928 - En ligne
  21. Les rapports de pouvoir sont très courants dans les assemblées et les groupes sociaux. Voir Considérations sur les assemblées, Ravages Éditions, novembre 2012 - En ligne
  22. Cités dans Diana Cooper-Richet, Jacqueline Pluet-Despatin, L'exercice du bonheur : Ou comment Victor Coissac cultiva l'utopie entre les deux guerres dans sa communauté de l'intégrale, Champ Vallon, 1985
  23. 23,0 et 23,1 Archives départementales de Corse, côte 3U1/276, notification du jugement et levée d'écrou du 26 avril 1929 - En ligne
  24. 24,0 et 24,1 Archives départementales de Corse, côte 3Y2/97, Registre d'écrou prévenus daté du 2 octobre 1928 - En ligne
  25. Archives départementales de Corse, côte 3U1/166, feuilles d'audiences du jugement au Tribunal d'Ajaccio le 26 avril 1929 - 1 et 2
  26. Les trois adultes sont Carl Uhrig, Filareto Kavernido et Amalia Michaelis ainsi que leurs quatre enfants.
  27. 27,0 et 27,1 L'en-dehors, n° 174, mi-janvier 1930 - En ligne
  28. L'en-dehors, n° 194-195, 15 novembre 1930 - En ligne
  29. Extraits de L'en-dehors entre 1922 et 1933 - En ligne
  30. Pour une biographie plus étoffée, en castillan et en allemand, voir le site "Filareto Kavernido" - En ligne
  31. "La mort de Filareto Kavernido" dans L'en-dehors, septembre 1933, n° 262 - En ligne
  32. "Dans des temporalités historiques assez semblables à la communauté russe, les exilés de Macédoine s’installent dans la ville, fuyant des situations politiques féroces. À l’instar de la Genève de la fin du XIXème siècle où les plus radicaux de toutes les tendances révolutionnaires de Russie s’installent pour ourdir faits et gestes, Nice devient le centre politico-illusionniste des exilés macédoniens." Extrait de "Vie et œuvre de F. Merdjanov" dans F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017 - En ligne
  33. "Peu de choses sont connues sur F. Merdjanov. Naissance en 1970 à Nice. Famille d’origine macédonienne dont l’histoire croise celle du nihilisme politique des années 1900. Études de philosophie et de littérature. Travaux portant sur L’égosolisme klimaïen et le matérialisme du rien. Actuellement en apiculture sur les rives de la mer Noire." D'après F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017 - En ligne
  34. F. Merdjanov, Rêve-olte dans la révolution, non daté - En ligne
  35. F. Merdjanov, L'équation corse à la lumière de l'inconnue macédonienne. (Im)précis de nihilisme montagnard et de contre-imaginaire historique, non daté - En ligne
  36. F. Merdjanov, Conversation à la mode de Han Ryner, non daté - En ligne
  37. 37,0 et 37,1 Découvert congelé au fond d'une grotte tibétaine, le Capitaine Caverne est un hominine (?) venu du fond des âges. Il possède des super-pouvoirs, de nombreux outils dans sa massue et il peut tout ingurgiter. Son pelage "sans fond" regorge de multiples accessoires ou animaux, pour certains bien plus grand que lui. Son cri est annonciateur de sa colère, de sa toute-puissance et de sa volonté d'agir...
  38. Traduit du macédonien. F. Merdjanov, "Le tout, le rien", non daté - En ligne
  39. Propos attribués à Renzo Novatore dans F. Merdjanov, Conversation à la mode.... Anarchiste individualiste, Renzo Novatore est l'auteur de plusieurs textes dont, en 1921, Verso il nulla creatore (Vers le rien créateur) - En ligne. Une courte biographie sur le site Les cahiers de l'hydre