Dodeldirer : Différence entre versions

De wikimerdja
Sauter à la navigation Sauter à la recherche
m
Ligne 14 : Ligne 14 :
  
 
[[Fichier:Dodeliner.jpg|200px|vignette|droite|Dodeliner de la tête]]
 
[[Fichier:Dodeliner.jpg|200px|vignette|droite|Dodeliner de la tête]]
Au côté de ce qui sera par la suite appelé "ancien français" <ref>La terminologie "ancien français" n'est pas une langue unique mais regroupe les langues romanes de la famille des langues d'oïl parlées entre les VIII<sup><small>ème</small></sup> et XIV<sup><small>ème</small></sup> siècle dans la moitié nord du territoire français actuel, dans le sud de la Belgique actuelle et dans le Jura suisse romand. Elles sont issues de la fragmentation de l'ère linguistique latine dans ces régions, influencées par les langues germaniques et celtiques.</ref>, de nombreuses autres pratiques linguistiques existent alors dans les régions du royaume de France. L'invasion de l'Angleterre par Guillaume de Normandie dans la seconde moitié du XI<sup><small>ème</small></sup> siècle bouleverse les pratiques linguistiques sur l'île. Les hominines qui y vivent parlent des langues celtiques ou germaniques, et la nouvelle aristocratie qui s'installe pratique un "français" de Normandie. L'anglo-normand prend forme. Au fil des siècles, il se mêle au "vieil anglais"<ref>La terminologie "vieil anglais" n'est pas une langue unique mais un continumm. Elle regroupe les pratiques linguistiques germaniques, entre le V<sup><small>ème</small></sup> et le XII<sup><small>ème</small></sup> siècle, des populations d'hominines arrivant du nord-européen et qui s'installent durablement en Angleterre. Les Angles et les Saxons. Le vieil anglais s'alimentent des langues celtiques, scandinaves puis latines.</ref> pour constituer le "moyen anglais" entre le XII<sup><small>ème</small></sup> et la fin du XV<sup><small>ème</small></sup> siècle. Le vocabulaire d'origine anglo-normande ou française représente un énorme pourcentage de la langue anglaise qui se standardise <ref>Henriette Walter, ''Honni soit qui mal y pense'', Robert Laffont, 2011</ref>. Le mélange entre l'anglo-normand et le vieil-anglais alimente la langue de racines multiples. Des mots se forgent à partir de ''dod'', ''dad'', ''dand'' et ''dond''. Le verbe ''dandle'' signifie "se dandiner", "trépigner sur place". Le moyen-anglais ''daderen'', signifiant "secouer", devient ''dadder'' puis ''dodder'' au début du XVII<sup><small>ème</small></sup> siècle, en conservant le même sens. ''A dictionarie of the French and English tongues'' <ref>Randle Cotgrave, ''A dictionarie of the French and English tongues'', 1611 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50509g/f315.item En ligne]</ref>, édité en 1611, traduit ''dodeliner'' par ''to dandle''. Il liste les mots suivants : ''dodeliné(e)'', ''dodelinement'', ''dodeliner'', ''dodelineur'', ''dodelineux'', ''dodelineuse'', ''dodine'' <ref>La ''dodine'' est une sauce à base de lait, de blanc de chapon, d’amandes, d’ail et d’œufs. Afin d'éviter qu'une pellicule se forme à la surface, elle nécessite d'être remuer en permanence, d'où son nom. D'après ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IX<sup><small>e</small></sup> au XV<sup><small>e</small></sup> siècle'', tome deuxième (Casteillon - Dyvin) - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire2/page/n753/mode/2up En ligne]</ref>, ''dodiner'', ''dodineux'', ''dodo'' et ''dodu''. Et aussi ''dandiner'' et un ''dandin'', qui désigne une personne hésitante.  
+
Au côté de ce qui sera par la suite appelé "ancien français" <ref>La terminologie "ancien français" n'est pas une langue unique mais regroupe les langues romanes de la famille des langues d'oïl parlées entre les VIII<sup><small>ème</small></sup> et XIV<sup><small>ème</small></sup> siècles dans la moitié nord du territoire français actuel, dans le sud de la Belgique actuelle et dans le Jura suisse romand. Elles sont issues de la fragmentation de l'ère linguistique latine dans ces régions, influencées par les langues germaniques et celtiques.</ref>, de nombreuses autres pratiques linguistiques existent alors dans les régions du royaume de France. L'invasion de l'Angleterre par Guillaume de Normandie dans la seconde moitié du XI<sup><small>ème</small></sup> siècle bouleverse les pratiques linguistiques sur l'île. Les hominines qui y vivent parlent des langues celtiques ou germaniques, et la nouvelle aristocratie qui s'installe pratique un "français" de Normandie. L'anglo-normand prend forme. Au fil des siècles, il se mêle au "vieil anglais"<ref>La terminologie "vieil anglais" n'est pas une langue unique mais un continuum. Elle regroupe les pratiques linguistiques germaniques, entre le V<sup><small>ème</small></sup> et le XII<sup><small>ème</small></sup> siècle, des populations d'hominines arrivant du nord-européen et qui s'installent durablement en Angleterre. Les Angles et les Saxons. Le vieil anglais s'alimente des langues celtiques, scandinaves puis latines.</ref> pour constituer le "moyen anglais" entre le XII<sup><small>ème</small></sup> et la fin du XV<sup><small>ème</small></sup> siècle. Le vocabulaire d'origine anglo-normande ou française représente un énorme pourcentage de la langue anglaise qui se standardise <ref>Henriette Walter, ''Honni soit qui mal y pense'', Robert Laffont, 2011</ref>. Le mélange entre l'anglo-normand et le vieil-anglais alimente la langue de racines multiples. Des mots se forgent à partir de ''dod'', ''dad'', ''dand'' et ''dond''. Le verbe ''dandle'' signifie "se dandiner", "trépigner sur place". Le moyen-anglais ''daderen'', signifiant "secouer", devient ''dadder'' puis ''dodder'' au début du XVII<sup><small>ème</small></sup> siècle, en conservant le même sens. ''A dictionarie of the French and English tongues'' <ref>Randle Cotgrave, ''A dictionarie of the French and English tongues'', 1611 - [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50509g/f315.item En ligne]</ref>, édité en 1611, traduit ''dodeliner'' par ''to dandle''. Il liste les mots suivants : ''dodeliné(e)'', ''dodelinement'', ''dodeliner'', ''dodelineur'', ''dodelineux'', ''dodelineuse'', ''dodine'' <ref>La ''dodine'' est une sauce à base de lait, de blanc de chapon, d’amandes, d’ail et d’œufs. Afin d'éviter qu'une pellicule se forme à la surface, elle nécessite d'être remuée en permanence, d'où son nom. D'après le ''Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IX<sup><small>e</small></sup> au XV<sup><small>e</small></sup> siècle'', tome deuxième (Casteillon - Dyvin) - [https://archive.org/details/GodefroyDictionnaire2/page/n753/mode/2up En ligne]</ref>, ''dodiner'', ''dodineux'', ''dodo'' et ''dodu''. Et aussi ''dandiner'' et un ''dandin'', qui désigne une personne hésitante.  
  
''Dodel'' est mentionné dans les dictionnaires de moyen-anglais et l'anglais du milieu du XVII<sup><small>ème</small></sup> utilise ''doddle'' pour  "secouer la tête"<ref>"Dodder" sur ''Online Etymology Dictionnary'' - [https://www.etymonline.com/word/dodder En ligne]</ref>. Le scots<ref>Le scots est une langue germanique, parlée dans le royaume de Northumbrie, au nord de l'Angleterre et au sud de l’Écosse. Influencé par le vieux norrois scandinave à partir du IX<sup><small>ème</small></sup> siècle et le gaélique d'Écosse, ce northumbrien se détache du vieil anglais pour devenir une langue différenciée. Actuellement, le scots est parlé par plus d'un million d'hominines et bénéficie d'une reconnaissance légale de "langue régionale" en Écosse. Idem pour le scots d'Irlande du nord, son homologue ulstérien.</ref>, une langue germanique du sud de l’Écosse, proche de l'anglais mais moins influencée par l'anglo-normand, emploie ''doodle'' dans le sens de "bercer"<ref>"Doodle" dans ''Dictionaries of the Scots Language'' - [https://dsl.ac.uk/entry/snd/doodle En ligne]</ref>. Une variante de ''doddle'' se retrouve dans l'expression anglaise "''Cock-a-doodle-doo !''" qui se traduit en français par "''Cocorico !''", le chant du coq. Dans cette langue, le coq fermier coquerique<ref>"Coqueriquer" dans le ''Trésor de la langue française'' - [https://www.cnrtl.fr/definition/coqueriquer En ligne]</ref>, coquericote <ref>"Coquericoter" sur ''Wiktionnaire'' - [https://fr.wiktionary.org/wiki/coquericoter En ligne]</ref> ou coqueline et le coq de bruyère dodeldire, alors qu'en anglais, "''cock-a-doodle-doo''" s'applique aux deux espèces. Elle est attestée dès la seconde moitié du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle. Si cocorico est souvent qualifié d'onomatopée, l'expression anglaise semble être composée de mots distincts. Elle peut se traduire par "coq-fait-un-dodel" ! Le cocorico reproduit très approximativement la sonorité du cri du coq et le "''cock-a-doodle-doo''" décrit une gestuelle particulière. L'observation du coq de bruyère montre en effet qu'il secoue la tête de manière singulière lorsqu'il pousse son cri <ref>Court enregistrement vidéo d'un coq de bruyère - [https://www.youtube.com/watch?v=-I3F_hS_Qq8 En ligne]. </ref>, là où le coq fermier se contente de tendre le cou pour chanter à gorge déployée. Comme pour cocorico, il est toujours possible d'écouter en boucle des enregistrements d'un chant jusqu'à se persuader qu'il produit une sonorité proche de cock-a-doodle-doo ! Pourtant, cette expression ne semble pas être une onomatopée.
+
''Dodel'' est mentionné dans les dictionnaires de moyen-anglais et l'anglais du milieu du XVII<sup><small>ème</small></sup> utilise ''doddle'' pour  "secouer la tête"<ref>"Dodder" sur ''Online Etymology Dictionnary'' - [https://www.etymonline.com/word/dodder En ligne]</ref>. Le scots<ref>Le scots est une langue germanique, parlée dans le royaume de Northumbrie, au nord de l'Angleterre et au sud de l’Écosse. Influencé par le vieux norrois scandinave à partir du IX<sup><small>ème</small></sup> siècle et le gaélique d'Écosse, ce northumbrien se détache du vieil anglais pour devenir une langue différenciée. Actuellement, le scots est parlé par plus d'un million d'hominines et bénéficie d'une reconnaissance légale de "langue régionale" en Écosse. Idem pour le scots d'Irlande du Nord, son homologue ulstérien.</ref>, une langue germanique du sud de l’Écosse, proche de l'anglais mais moins influencée par l'anglo-normand, emploie ''doodle'' dans le sens de "bercer"<ref>"Doodle" dans ''Dictionaries of the Scots Language'' - [https://dsl.ac.uk/entry/snd/doodle En ligne]</ref>. Une variante de ''doddle'' se retrouve dans l'expression anglaise "''Cock-a-doodle-doo !''" qui se traduit en français par "''Cocorico !''", le chant du coq. Dans cette langue, le coq fermier coquerique<ref>"Coqueriquer" dans le ''Trésor de la langue française'' - [https://www.cnrtl.fr/definition/coqueriquer En ligne]</ref>, coquericote <ref>"Coquericoter" sur ''Wiktionnaire'' - [https://fr.wiktionary.org/wiki/coquericoter En ligne]</ref> ou coqueline et le coq de bruyère dodeldire, alors qu'en anglais, "''cock-a-doodle-doo''" s'applique aux deux espèces. Elle est attestée dès la seconde moitié du XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle. Si cocorico est souvent qualifié d'onomatopée, l'expression anglaise semble être composée de mots distincts. Elle peut se traduire par "coq-fait-un-dodel" ! Le cocorico reproduit très approximativement la sonorité du cri du coq et le "''cock-a-doodle-doo''" décrit une gestuelle particulière. L'observation du coq de bruyère montre en effet qu'il secoue la tête de manière singulière lorsqu'il pousse son cri <ref>Court enregistrement vidéo d'un coq de bruyère - [https://www.youtube.com/watch?v=-I3F_hS_Qq8 En ligne]. </ref>, là où le coq fermier se contente de tendre le cou pour chanter à gorge déployée. Comme pour cocorico, il est toujours possible d'écouter en boucle des enregistrements d'un chant jusqu'à se persuader qu'il produit une sonorité proche de cock-a-doodle-doo ! Pourtant, cette expression ne semble pas être une onomatopée.
  
 
La plupart des langues germaniques possèdent des variantes de ''dodel'', avec des sens figurés autour du mouvement, du balancement. Le "moyen bas-allemand" <ref>Le "moyen bas-allemand" n'est pas une langue unique mais un continuum linguistique germanique, issu du vieux saxon, entre le XII<sup><small>ème</small></sup> et le XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle dans le nord de l'Allemagne actuelle.</ref> utilise ''dändeln'' puis ''tändeln'' pour "calîner". Le "moyen néerlandais" <ref>La terminologie "moyen néerlandais" ne correspond pas à une langue unique mais à un continuum de pratiques linguistiques germaniques entre le XII<sup><small>ème</small></sup> et le XV<sup><small>ème</small></sup> siècle dans les actuelles régions néerlandophones des Pays-Bas et de Belgique. </ref> emploie ''dantinnen'' pour "se jouer de quelqu'un" ou ''danten'' pour "bavardages". Ces significations liées au mensonge se retrouvent dans différentes variations autour de ''dod'' et de ''dand'' dans l'ancien français et l'anglo-normand. ''Dodin'' signifie "trompeur" et un ''dando'' est un "mari trompé". Les pratiques linguistiques régionales en France conservent, par exemple, ''endodiner'' ou ''endodeliner'' pour "se jouer de quelqu'un". Le glissement entre le doux balancement qui berce et le mensonge est présent dans l'expression "''Se faire endormir''". À deux doigts (ou deux lettres) de se faire embobiner !
 
La plupart des langues germaniques possèdent des variantes de ''dodel'', avec des sens figurés autour du mouvement, du balancement. Le "moyen bas-allemand" <ref>Le "moyen bas-allemand" n'est pas une langue unique mais un continuum linguistique germanique, issu du vieux saxon, entre le XII<sup><small>ème</small></sup> et le XVI<sup><small>ème</small></sup> siècle dans le nord de l'Allemagne actuelle.</ref> utilise ''dändeln'' puis ''tändeln'' pour "calîner". Le "moyen néerlandais" <ref>La terminologie "moyen néerlandais" ne correspond pas à une langue unique mais à un continuum de pratiques linguistiques germaniques entre le XII<sup><small>ème</small></sup> et le XV<sup><small>ème</small></sup> siècle dans les actuelles régions néerlandophones des Pays-Bas et de Belgique. </ref> emploie ''dantinnen'' pour "se jouer de quelqu'un" ou ''danten'' pour "bavardages". Ces significations liées au mensonge se retrouvent dans différentes variations autour de ''dod'' et de ''dand'' dans l'ancien français et l'anglo-normand. ''Dodin'' signifie "trompeur" et un ''dando'' est un "mari trompé". Les pratiques linguistiques régionales en France conservent, par exemple, ''endodiner'' ou ''endodeliner'' pour "se jouer de quelqu'un". Le glissement entre le doux balancement qui berce et le mensonge est présent dans l'expression "''Se faire endormir''". À deux doigts (ou deux lettres) de se faire embobiner !
Ligne 30 : Ligne 30 :
 
</blockquote>
 
</blockquote>
  
Remonter plus loin dans le temps devient plus problématique. D'où vient cette racine latine ? Les linguistes divergent sur les possibilités et les hypothèses à retenir. L'absence de toute source écrite les contraint à tenter de reconstruire des racines, voire des langues, en se basant sur des processus phonologiques. Ainsi, illes inventent des langues du passé lointain. De fait, les biais idéologiques ont une grande place dans la mise en place de ces recherches linguistiques, comme le montrent très bien les débats autour des études indo-européennes<ref>Jean-Paul Demoule, ''Mais où sont passés les Indo-Européens ? : Le mythe d'origine de l'Occident'', Seuil, 2014</ref>. Ces dernières établissent des schémas linguistiques qui supposent l'existence d'une source unique et ancienne, une proto-langue dont sont issues toutes les langues actuelles en Europe, et qui a ses origines dans le nord du sous-continent indien. Des schémas simples, voire simplistes ou mécanistes, qui réifient les processus linguistiques au détriment des variabilités, des innovations et des emprunts de proximité. Pour ce faire, des listes de racines indo-européennes sont établies. Généralement, l'étymologie proposée est précédée d'une astérisque (*) pour marquer le caractère reconstitué. Ainsi, le ''unda'' latin provient d'un proto-latin ''*udor'' que l'on retrouve dans l'ombrien ''utur'', "eau". À rapprocher du grec ancien ''ὕδωρ'' (prononcer "idor"), que l'on retrouve sous la forme ''hydro'' en français et issu de la racine indo-européenne ''*wódr̥''. Cette dernière est présente dans les langues germaniques comme, par exemple, l'anglais ''water'', ou dans le proto-slave ''*voda'' qui forme ''вода'', l'eau en [[macédonien]], ou la fameuse ''vodka'', l'eau-de-vie. Selon les études indo-européennes, ''*wódr̥'' vient du proto-indo-européen ''*ud-né-s'' qui est à relier avec le sanskrit उदन् (prononcer "udan"), "eau" ou "vague". Entre les plateaux iraniens et le sous-continent indien, plus de dix siècles avant JC<sup>&#9400;</sup>, le sanskrit <ref>Autrefois parlé sur le sous-continent indien, le sanskrit a donné lieu à de multiples langues. Il est la langue religieuse des textes des mythologies locales, hindouisme et bouddhisme, et une langue savante pratiquée par quelques spécialistes. En Inde, deux États fédéraux lui ont donné le statut de langue officielle. Environ 2 millions de personnes parlent aujourd'hui le sanskrit, sans qu'il soit leur langue première.</ref> a joué le même rôle que le latin en Europe des siècles plus tard. Il a profondément marqué les langues qui naissent et se différencient dans sa zone d'influence. Des dérivés sont présents dans de multiples langues avec le sens de "eau". Du sud de l'Inde avec le télougou ఉదకము (prononcer "udakamu"), en passant par les plateaux afghans et le gandhari 𐨀𐨂𐨡𐨒‎ (prononcer "udaga") ou اودُر‎ (prononcer "odur") dans les confins cachemiriens <ref>"odur" dans ''A dictionary of the Kashmiri language'' - [https://dsal.uchicago.edu/cgi-bin/app/grierson_query.py?page=15 En ligne]</ref>. Pour ce qui est de l'origine de la racine sanskrite, la question ne peut être abordée sans verser dans l'illusion <ref>Pour une critique des théories de l'origine unique de toute les langues, voir Umberto Eco, ''La recherche de la langue parfaite'', Seuil, 1994. Pour une défense de cette théorie, voir Merritt Ruhlen, ''L'origine des langues. Sur les traces de la langue mère'', Belin, 1997</ref>.
+
Remonter plus loin dans le temps devient plus problématique. D'où vient cette racine latine ? Les linguistes divergent sur les possibilités et les hypothèses à retenir. L'absence de toute source écrite les contraint à tenter de reconstruire des racines, voire des langues, en se basant sur des processus phonologiques. Ainsi, illes inventent des langues du passé lointain. De fait, les biais idéologiques ont une grande place dans la mise en place de ces recherches linguistiques, comme le montrent très bien les débats autour des études indo-européennes<ref>Jean-Paul Demoule, ''Mais où sont passés les Indo-Européens ? : Le mythe d'origine de l'Occident'', Seuil, 2014</ref>. Ces dernières établissent des schémas linguistiques qui supposent l'existence d'une source unique et ancienne, une proto-langue dont sont issues toutes les langues actuelles en Europe, et qui a ses origines dans le nord du sous-continent indien. Des schémas simples, voire simplistes ou mécanistes, qui réifient les processus linguistiques au détriment des variabilités, des innovations et des emprunts de proximité. Pour ce faire, des listes de racines indo-européennes sont établies. Généralement, l'étymologie proposée est précédée d'une astérisque (*) pour marquer le caractère reconstitué. Ainsi, le ''unda'' latin provient d'un proto-latin ''*udor'' que l'on retrouve dans l'ombrien ''utur'', "eau". À rapprocher du grec ancien ''ὕδωρ'' (prononcer "idor"), que l'on retrouve sous la forme ''hydro'' en français et issu de la racine indo-européenne ''*wódr̥''. Cette dernière est présente dans les langues germaniques comme, par exemple, l'anglais ''water'', ou dans le proto-slave ''*voda'' qui forme ''вода'', l'eau en [[macédonien]], ou la fameuse ''vodka'', l'eau-de-vie. Selon les études indo-européennes, ''*wódr̥'' vient du proto-indo-européen ''*ud-né-s'' qui est à relier avec le sanskrit उदन् (prononcer "udan"), "eau" ou "vague". Entre les plateaux iraniens et le sous-continent indien, plus de dix siècles avant JC<sup>&#9400;</sup>, le sanskrit <ref>Autrefois parlé sur le sous-continent indien, le sanskrit a donné lieu à de multiples langues. Il est la langue religieuse des textes des mythologies locales, hindouisme et bouddhisme, et une langue savante pratiquée par quelques spécialistes. En Inde, deux États fédéraux lui ont donné le statut de langue officielle. Environ 2 millions de personnes parlent aujourd'hui le sanskrit, sans qu'il soit leur langue première.</ref> a joué le même rôle que le latin en Europe des siècles plus tard. Il a profondément marqué les langues qui naissent et se différencient dans sa zone d'influence. Des dérivés sont présents dans de multiples langues avec le sens de "eau". Du sud de l'Inde avec le télougou ఉదకము (prononcer "udakamu"), en passant par les plateaux afghans et le gandhari 𐨀𐨂𐨡𐨒‎ (prononcer "udaga") ou اودُر‎ (prononcer "odur") dans les confins cachemiriens <ref>"odur" dans ''A dictionary of the Kashmiri language'' - [https://dsal.uchicago.edu/cgi-bin/app/grierson_query.py?page=15 En ligne]</ref>. Pour ce qui est de l'origine de la racine sanskrite, la question ne peut être abordée sans verser dans l'illusion <ref>Pour une critique des théories de l'origine unique de toutes les langues, voir Umberto Eco, ''La recherche de la langue parfaite'', Seuil, 1994. Pour une défense de cette théorie, voir Merritt Ruhlen, ''L'origine des langues. Sur les traces de la langue mère'', Belin, 1997</ref>.
  
 
<blockquote>''Se faire des illusions est un problème dans la mesure où, justement, il est question d’une illusion.''<ref>Devise d'ouverture du film ''[[Los Porfiados]]'', réalisé en 2002 par l'argentin Mariano Torres Manzur</ref></blockquote>
 
<blockquote>''Se faire des illusions est un problème dans la mesure où, justement, il est question d’une illusion.''<ref>Devise d'ouverture du film ''[[Los Porfiados]]'', réalisé en 2002 par l'argentin Mariano Torres Manzur</ref></blockquote>
Ligne 95 : Ligne 95 :
 
| Intraspéciste || Il/Elle/On dodeldit<br />Ils/Elles dodeldisent || Il/Elle/On dodeldis<br />Ils/Elles dodeldirent || Il/Elle/On dodeldira<br />Ils/Elles dodeldiront || Il/Elle/On dodeldisait<br />Ils/Elles dodeldisaient
 
| Intraspéciste || Il/Elle/On dodeldit<br />Ils/Elles dodeldisent || Il/Elle/On dodeldis<br />Ils/Elles dodeldirent || Il/Elle/On dodeldira<br />Ils/Elles dodeldiront || Il/Elle/On dodeldisait<br />Ils/Elles dodeldisaient
 
|-
 
|-
| Interspéciste || On dodeldit<br />Tu dodeldis<br />Vous dodeldites || On dodeldis<br />Tu dodeldis<br />Vous dodeldîtes || On dodeldira<br />Tu dodeldiras<br />Vous dodeldirez || On dodeldisait<br />Tu dodeldisais<br />Vous dodeldisiez
+
| Interspéciste || On dodeldit<br />Tu dodeldis<br />Vous dodeldites || On dodeldis<br />Tu dodeldis<br />Vous dodeldites || On dodeldira<br />Tu dodeldiras<br />Vous dodeldirez || On dodeldisait<br />Tu dodeldisais<br />Vous dodeldisiez
 
|-
 
|-
 
| Intrapersonnel || Je dodeldis<br />Nous dodeldisons || Je dodeldis<br />Nous dodeldîmes || Je dodeldirai<br />Nous dodeldirons || Je dodeldisais<br />Nous dodeldisions
 
| Intrapersonnel || Je dodeldis<br />Nous dodeldisons || Je dodeldis<br />Nous dodeldîmes || Je dodeldirai<br />Nous dodeldirons || Je dodeldisais<br />Nous dodeldisions
Ligne 101 : Ligne 101 :
 
</center>
 
</center>
  
''Dodeldirer'' s'emploie avec l'auxiliaire ''avoir'' pour les temps composés de l'indicatif et du subjonctif. Ainsi, la deuxième personne du singulier du passé antérieur est "tu eus dodeldiré" et la deuxième personne du pluriel de l'imparfait du subjonctif est "que vous eussiez dodeldiré". En français, l'emploi de cet auxiliaire rend [[Invisibilité sociale (Genrée)|invisible le genre]] du sujet car il n'y a alors ni accord de genre, ni de nombre. Mais au-delà de cette simple obligation grammaticale, le verbe ''dodeldirer'' invisibilise la tétras femelle. Son étymologie montre clairement qu'il renvoie au cri du tétras mâle et non à celui de la femelle qui est tout autre, mais il s'emploie de manière indifférenciée pour l'un et l'autre. Contrairement à l'évidence qu'une écoute peut faire saisir rapidement, la tétras femelle dodeldire ! Il n'y a pas de verbe spécifique pour le cri de cette dernière. La problématique est la même en ce qui concerne le nom même du Grand tétras et les descriptions ornithologiques qui l'accompagnent. Le nom classique de Coq de bruyère sous-entend que l'espèce comporte évidemment un mâle, le coq, et sous-entendu une femelle, la poule. Mais pas question de parler de Poule de bruyère, avec une femelle et un mâle ! La question n'est pas anecdotique. Si l'on se fie à la présentation faite par le Parc national des Pyrénées, "''le Grand tétras, appelé aussi Coq de bruyère, se caractérise par un bec fort et par une caroncule rouge vif (excroissance charnue comme celle qui pend à la base du bec des dindons), très visible au-dessus de l’œil. Son dos est noir, ses ailes brunes avec une tache blanche, le poitrail d’un vert bleu brillant. Sa queue, qui s’arrondit comme celle d’un dindon lors de la parade, est constituée de grandes plumes noires parsemées de taches blanches. Il pèse entre 2,5 kg et 5 kg pour les mâles. Son envergure peut aller jusqu’à 130 cm.''" Et rien sur la poule, alors que le dimorphisme est important entre mâle et femelle. Inverser cette définition de l'espèce en se basant sur une description de la femelle tétras donnerait tout autre chose. Son dos et ses ailes sont marrons, barrés de noir et de blanc, sa poitrine est rousse. Son ventre et ses flancs sont blancs, tachetés de roux et de noir, alors que sa queue rousse est barrée de noir. Le bec est gris et ses caroncules rouges  sont peu visibles. Elle pèse entre 1,5 et 2,5 kg avec une envergure d'environ 70 centimètres. Le qualificatif de "grand" utilisé pour cette espèce — afin de la différencier du tétras lyre ou Petit tétras — ne se justifie plus car la poule de bruyère est sensiblement de même taille que les tétas lyre mâles et femelles. Localement elle est parfois appelée la Rousse, en référence à la couleur dominante de son plumage. Comme toujours, la première concernée n'a pas son mot à dire sur ce sujet. Dans un monde où les discriminations et les oppressions sont multiples et s'entrecroisent, qui s'intéresse à l'avis d'une poule ou d'une femelle ? Rousse de surcroît ! <ref>Le roucisme est l'ensemble des mécanismes discriminatoires et des préjugés à l'encontre des hominines aux cheveux roux. De SOS Roucisme à La Vie en rousse, en passant par la Red Pride, des associations informent et militent pour la cause rousse. Voir le très beau documentaire sur leur traque sanguinaire, réalisé en 2010 par Romain Gavras avec une bande-son de MIA - [https://www.dailymotion.com/video/xd2w3j En ligne]. Valérie André, ''Réflexions sur la question rousse'', Éditions Tallandier, 2007. Élodie Roux-Guyomard, Marie-Savine Colin, ''Être(s) roux, regards croisés sur une singularité'', Éditions Goater, 2018. </ref>
+
''Dodeldirer'' s'emploie avec l'auxiliaire ''avoir'' pour les temps composés de l'indicatif et du subjonctif. Ainsi, la deuxième personne du singulier du passé antérieur est "tu eus dodeldiré" et la deuxième personne du pluriel de l'imparfait du subjonctif est "que vous eussiez dodeldiré". En français, l'emploi de cet auxiliaire rend [[Invisibilité sociale (Genrée)|invisible le genre]] du sujet car il n'y a alors ni accord de genre, ni de nombre. Mais au-delà de cette simple obligation grammaticale, le verbe ''dodeldirer'' invisibilise la tétras femelle. Son étymologie montre clairement qu'il renvoie au cri du tétras mâle et non à celui de la femelle qui est tout autre, mais il s'emploie de manière indifférenciée pour l'un et l'autre. Contrairement à l'évidence qu'une écoute peut faire saisir rapidement, la tétras femelle dodeldire ! Il n'y a pas de verbe spécifique pour le cri de cette dernière. La problématique est la même en ce qui concerne le nom même du Grand tétras et les descriptions ornithologiques qui l'accompagnent. Le nom classique de Coq de bruyère sous-entend que l'espèce comporte évidemment un mâle, le coq, et sous-entendu une femelle, la poule. Mais pas question de parler de Poule de bruyère, avec une femelle et un mâle ! La question n'est pas anecdotique. Si l'on se fie à la présentation faite par le Parc national des Pyrénées, "''le Grand tétras, appelé aussi Coq de bruyère, se caractérise par un bec fort et par une caroncule rouge vif (excroissance charnue comme celle qui pend à la base du bec des dindons), très visible au-dessus de l’œil. Son dos est noir, ses ailes brunes avec une tache blanche, le poitrail d’un vert bleu brillant. Sa queue, qui s’arrondit comme celle d’un dindon lors de la parade, est constituée de grandes plumes noires parsemées de taches blanches. Il pèse entre 2,5 kg et 5 kg pour les mâles. Son envergure peut aller jusqu’à 130 cm.''" Et rien sur la poule, alors que le dimorphisme est important entre mâle et femelle. Inverser cette définition de l'espèce en se basant sur une description de la femelle tétras donnerait tout autre chose. Son dos et ses ailes sont marrons, barrés de noir et de blanc, sa poitrine est rousse. Son ventre et ses flancs sont blancs, tachetés de roux et de noir, alors que sa queue rousse est barrée de noir. Le bec est gris et ses caroncules rouges  sont peu visibles. Elle pèse entre 1,5 et 2,5 kg avec une envergure d'environ 70 centimètres. Le qualificatif de "grand" utilisé pour cette espèce — afin de la différencier du tétras lyre ou Petit tétras — ne se justifie plus car la poule de bruyère est sensiblement de même taille que les tétras lyre mâles et femelles. Localement elle est parfois appelée la Rousse, en référence à la couleur dominante de son plumage. Comme toujours, la première concernée n'a pas son mot à dire sur ce sujet. Dans un monde où les discriminations et les oppressions sont multiples et s'entrecroisent, qui s'intéresse à l'avis d'une poule ou d'une femelle ? Rousse de surcroît ! <ref>Le roucisme est l'ensemble des mécanismes discriminatoires et des préjugés à l'encontre des hominines aux cheveux roux. De SOS Roucisme à La Vie en rousse, en passant par la Red Pride, des associations informent et militent pour la cause rousse. Voir le très beau documentaire sur leur traque sanguinaire, réalisé en 2010 par Romain Gavras avec une bande-son de MIA - [https://www.dailymotion.com/video/xd2w3j En ligne]. Valérie André, ''Réflexions sur la question rousse'', Éditions Tallandier, 2007. Élodie Roux-Guyomard, Marie-Savine Colin, ''Être(s) roux, regards croisés sur une singularité'', Éditions Goater, 2018. </ref>
  
 
== Dérivés ==
 
== Dérivés ==
  
Si les tétras sont des espèces sauvages, la plupart des poules domestiques actuelles, mâles et femelles, sont issues de la domestication en Asie du coq doré plus de 8000 ans avant le présent. Avec une si ancienne proximité, le coq a une place importante dans l'imaginaire des hominines. Le dimorphisme entre femelle et mâle, et le comportement de ce dernier lors de la période d'accouplement, alimentent tout un pan des pratiques linguistiques liées à la sexualité hétérosexuelle. Généralement, le comportement du mâle est une démonstration chorégraphiée de sa beauté et de sa puissance. Il parade. En se mettant ainsi en scène, il doit donner envie de transmettre son patrimoine génétique. Et pour cela, il est prêt à affronter ses adversaires. Pour féconder la femelle, le mâle se couche sur elle, sur son dos. Afin de désigner cet acte, la langue française dispose du verbe ''côcher'', "couvrir" <ref>"Côcher" dans le ''Trésor de la langue française'' - [https://www.cnrtl.fr/definition/c%C3%B4cher En ligne]</ref>. Le lien avec la sexualité est présent en français dans le verbe ''coquer'' <ref>"Coquer" dans la ''Base de données lexicographiques panfrancophone'' - [https://www.bdlp.org/resultat?query%5B%5D=coquer&bases%5B%5D=RE En ligne]</ref> qui signifie "avoir des rapports sexuels". L'expression "''Faire le coq''" peut-être employée dans deux sens différents. Dans le premier, elle exprime une attitude de défi, d'arrogance et de montée agressive de testostérone. Les combats de coq organisés par les hominines en sont la triste démonstration. Dans le second, elle décrit une façon de parader chez les hominines mâles à la recherche de reconnaissance sociale ou de partenaires pour des activités sexuelles. Cela peut être par la parole, les attitudes ou l'aspect vestimentaire, par exemple. Le sens sexuel ou de simple séduction sont présents dans ''coqueliner'' <ref>"Coqueliner" dans le ''Wiktionnaire'' - [https://fr.wiktionary.org/wiki/coqueliner En ligne]</ref> et son synonyme ''dodeliner''. Alors même que le coq n'a pas de pénis pour se reproduire, les étymologistes de la langue anglaise affirment que ''cock'' <ref>"Cock" sur ''Online Etymology Dictionary''  - [https://www.etymonline.com/word/cock#etymonline_v_53424 En ligne]</ref>, "pénis", est en référence au gallinacé mâle. Pour son cou long et gigotant qui évoque symboliquement un pénis vigoureux et frémissant ? <ref>Dans cette symbolique de la fierté mal placée, en France le coq représente l'arrogance patriotique de ce petit pays. </ref>
+
Si les tétras sont des espèces sauvages, la plupart des poules domestiques actuelles, mâles et femelles, sont issues de la domestication en Asie du coq doré plus de 8000 ans avant le présent. Avec une si ancienne proximité, le coq a une place importante dans l'imaginaire des hominines. Le dimorphisme entre femelle et mâle, et le comportement de ce dernier lors de la période d'accouplement, alimentent tout un pan des pratiques linguistiques liées à la sexualité hétérosexuelle. Généralement, le comportement du mâle est une démonstration chorégraphiée de sa beauté et de sa puissance. Il parade. En se mettant ainsi en scène, il doit donner envie de transmettre son patrimoine génétique. Et pour cela, il est prêt à affronter ses adversaires. Pour féconder la femelle, le mâle se couche sur elle, sur son dos. Afin de désigner cet acte, la langue française dispose du verbe ''côcher'', "couvrir" <ref>"Côcher" dans le ''Trésor de la langue française'' - [https://www.cnrtl.fr/definition/c%C3%B4cher En ligne]</ref>. Le lien avec la sexualité est présent en français dans le verbe ''coquer'' <ref>"Coquer" dans la ''Base de données lexicographiques panfrancophone'' - [https://www.bdlp.org/resultat?query%5B%5D=coquer&bases%5B%5D=RE En ligne]</ref> qui signifie "avoir des rapports sexuels". L'expression "''Faire le coq''" peut être employée dans deux sens différents. Dans le premier, elle exprime une attitude de défi, d'arrogance et de montée agressive de testostérone. Les combats de coqs organisés par les hominines en sont la triste démonstration. Dans le second, elle décrit une façon de parader chez les hominines mâles à la recherche de reconnaissance sociale ou de partenaires pour des activités sexuelles. Cela peut être par la parole, les attitudes ou l'aspect vestimentaire, par exemple. Le sens sexuel ou de simple séduction sont présents dans ''coqueliner'' <ref>"Coqueliner" dans le ''Wiktionnaire'' - [https://fr.wiktionary.org/wiki/coqueliner En ligne]</ref> et son synonyme ''dodeliner''. Alors même que le coq n'a pas de pénis pour se reproduire, les étymologistes de la langue anglaise affirment que ''cock'' <ref>"Cock" sur ''Online Etymology Dictionary''  - [https://www.etymonline.com/word/cock#etymonline_v_53424 En ligne]</ref>, "pénis", est en référence au gallinacé mâle. Pour son cou long et gigotant qui évoque symboliquement un pénis vigoureux et frémissant ? <ref>Dans cette symbolique de la fierté mal placée, en France le coq représente l'arrogance patriotique de ce petit pays. </ref>
  
 
[[Fichier:antidodel.jpeg|300px|vignette|droite|Antidod'Elles Gang]]
 
[[Fichier:antidodel.jpeg|300px|vignette|droite|Antidod'Elles Gang]]
Avec l'extinction à venir des Grands tétras, mâles comme femelles, le verbe ''dodeldirer'' est amené à disparaître aussi. Soucieuse de préserver ce qui sert à rien, la [[protivophilie]] propose une nouvelle définition afin de conduire à une utilisation pérenne. Contribution majeure des ''Post-Nothing Studies'', il peut s'incorporer au corpus d'analyse des études de genre pour décrire avec plus de précision les comportements des hominines mâles vis-à-vis des femelles dans des contextes de ruralité ou de péri-urbanité, où les réalités sociales ne sont pas identiques à celles des grandes métropoles. Soit pour désigner ses habitudes sociales dans les jeux de séduction. ''Doldeldirer'' est alors synonyme de ''draguer''. Soit pour décrire des attitudes masculinistes ou misogynes de la part d'hominines mâles à l'encontre de leur égale femelle. Dans ce cas, ''dodeldirer'' prend le sens de ''harceler''. Pour éviter toute confusion qui pourrait laisser pendre un "''Non''" pour un "''Oui''", la protivophilie préconise de conserver ''dodiner'' ou ''dodeliner'' pour désigner la séduction et d'utiliser ''dodeldirer'' exclusivement pour les actes et les paroles des hominines mâles qui cherchent à s'imposer à leurs congénères femelles. En contexte rural et périurbain. "''Faire le coq''" de bruyère, en quelque sorte. La protivophilie propose la première tentative de lexique bilingue à destination des hominines mâles urbains en goguette dans les campagnes :
+
Avec l'extinction à venir des Grands tétras, mâles comme femelles, le verbe ''dodeldirer'' est amené à disparaître aussi. Soucieuse de préserver ce qui sert à rien, la [[protivophilie]] propose une nouvelle définition afin de conduire à une utilisation pérenne. Contribution majeure des ''Post-Nothing Studies'', il peut s'incorporer au corpus d'analyse des études de genre pour décrire avec plus de précision les comportements des hominines mâles vis-à-vis des femelles dans des contextes de ruralité ou de périurbanité, où les réalités sociales ne sont pas identiques à celles des grandes métropoles. Soit pour désigner ses habitudes sociales dans les jeux de séduction. ''Doldeldirer'' est alors synonyme de ''draguer''. Soit pour décrire des attitudes masculinistes ou misogynes de la part d'hominines mâles à l'encontre de leur égale femelle. Dans ce cas, ''dodeldirer'' prend le sens de ''harceler''. Pour éviter toute confusion qui pourrait laisser prendre un "''Non''" pour un "''Oui''", la protivophilie préconise de conserver ''dodiner'' ou ''dodeliner'' pour désigner la séduction et d'utiliser ''dodeldirer'' exclusivement pour les actes et les paroles des hominines mâles qui cherchent à s'imposer à leurs congénères femelles. En contexte rural et périurbain. "''Faire le coq''" de bruyère, en quelque sorte. La protivophilie propose la première tentative de lexique bilingue à destination des hominines mâles urbains en goguette dans les campagnes :
  
 
* Tu me dodeldires = Non
 
* Tu me dodeldires = Non
Ligne 117 : Ligne 117 :
 
=== Dérives ===
 
=== Dérives ===
  
Matière première de la [[protivophilie]], les dodelinements de [[F. Merdjanov]] sont mystérieux. De quoi se composent-ils ? Se résument-ils uniquement à son anthologie de rien, publiée en 2017 sous le titre ''Analectes de rien''<ref>F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', Gemidžii Éditions, 2017 - [https://analectes2rien.legtux.org/images/analectesderien.pdf En ligne]</ref> ? Elle n'est assurément rien d'autre qu'un pillage assumé, un butinage de textes d'hominines. Simple dodelinage entre des riens. Dans le large lexique francophone, passé et actuel, il existe des termes qui rendent très bien compte d'une telle attitude. Pour rester dans les dérivés de ''dod'', son œuvre peut être qualifiée de ''redondante'' <ref>"Redondante" dans le ''Trésor de la langue française'' - [https://www.cnrtl.fr/definition/redondant En ligne]</ref> pour ses répétitions qui servent à rien et sa démarche s'apparente à une ''dandine'' pour sa niaiserie. Ce que les philosophes aux concepts alambiqués résument très bien par ''dodo''. Les autres la trouvent ''dodue'', pleine de ces petits riens qui emplissent l'existant. Sans tentative d‘''endodiner'' quiconque en l'embobinant par les mots. Ni aucun dodeldirements. Si l'on en croit la définition "Se reposer, ne rien faire", il est possible d'affirmer que F. Merdjanov ''se dodine''. Plusieurs solutions à cela pour qui vit "''en apiculture sur les rives de la mer Noire''" <ref>"''Peu de choses sont connues sur F. Merdjanov. Naissance en 1970 à Nice. Famille d’origine macédonienne dont l’histoire croise celle du nihilisme politique des années 1900. Études de philosophie et de littérature. Travaux portant sur ''L’égosolisme klimaïen et le matérialisme du rien''. Actuellement en apiculture sur les rives de la mer Noire. ''Analectes de rien'' est son premier écrit. Ses autres textes — dont des exégèses poétiques — restent inédits à ce jour.''" D'après F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref>. Se laisser flâner et errer avec une allure ''dodine'' autour de ruches horizontales ou opter pour une petite sieste à proximité <ref>F. Merdjanov (Attribué à), ''Les ruches horizontales, une apiculture de la paresse'', inédit</ref> car ''dodailler'' est toujours un plaisir. Parmi les nombreux mots basés sur l'étymon ''dod'', le plus proche par sa signification pour décrire F. Merdjanov est le verbe ''dodüyẹ'' <ref>"Dodüyẹ" dans ''Französisches Etymologisches Wörterbuch'' - [https://lecteur-few.atilf.fr/images/few3/few_3_0113.png En ligne]</ref>. Issu de relevés linguistiques de terrain, il est ainsi noté car il n'a pas de forme écrite attestée. Cette oralité peut se retranscrire par ''dodouiller''. [[F. Merdjanov]] dodouille, "''s'occupe à des riens''".
+
Matière première de la [[protivophilie]], les dodelinements de [[F. Merdjanov]] sont mystérieux. De quoi se composent-ils ? Se résument-ils uniquement à son anthologie de rien, publiée en 2017 sous le titre ''Analectes de rien''<ref>F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', Gemidžii Éditions, 2017 - [https://analectes2rien.legtux.org/images/analectesderien.pdf En ligne]</ref> ? Elle n'est assurément rien d'autre qu'un pillage assumé, un butinage de textes d'hominines. Simple dodelinage entre des riens. Dans le large lexique francophone, passé et actuel, il existe des termes qui rendent très bien compte d'une telle attitude. Pour rester dans les dérivés de ''dod'', son œuvre peut être qualifiée de ''redondante'' <ref>"Redondante" dans le ''Trésor de la langue française'' - [https://www.cnrtl.fr/definition/redondant En ligne]</ref> pour ses répétitions qui servent à rien et sa démarche s'apparente à une ''dandine'' pour sa niaiserie. Ce que les philosophes aux concepts alambiqués résument très bien par ''dodo''. Les autres la trouvent ''dodue'', pleine de ces petits riens qui emplissent l'existant. Sans tentative d‘''endodiner'' quiconque en l'embobinant par les mots. Ni aucun dodeldirement. Si l'on en croit la définition "Se reposer, ne rien faire", il est possible d'affirmer que F. Merdjanov ''se dodine''. Plusieurs solutions à cela pour qui vit "''en apiculture sur les rives de la mer Noire''" <ref>"''Peu de choses sont connues sur F. Merdjanov. Naissance en 1970 à Nice. Famille d’origine macédonienne dont l’histoire croise celle du nihilisme politique des années 1900. Études de philosophie et de littérature. Travaux portant sur ''L’égosolisme klimaïen et le matérialisme du rien''. Actuellement en apiculture sur les rives de la mer Noire. ''Analectes de rien'' est son premier écrit. Ses autres textes — dont des exégèses poétiques — restent inédits à ce jour.''" D'après F. Merdjanov, ''Analectes de rien'', 2017</ref>. Se laisser flâner et errer avec une allure ''dodine'' autour de ruches horizontales ou opter pour une petite sieste à proximité <ref>F. Merdjanov (Attribué à), ''Les ruches horizontales, une apiculture de la paresse'', inédit</ref> car ''dodailler'' est toujours un plaisir. Parmi les nombreux mots basés sur l'étymon ''dod'', le plus proche par sa signification pour décrire F. Merdjanov est le verbe ''dodüyẹ'' <ref>"Dodüyẹ" dans ''Französisches Etymologisches Wörterbuch'' - [https://lecteur-few.atilf.fr/images/few3/few_3_0113.png En ligne]</ref>. Issu de relevés linguistiques de terrain, il est ainsi noté car il n'a pas de forme écrite attestée. Cette oralité peut se retranscrire par ''dodouiller''. [[F. Merdjanov]] dodouille, "''s'occupe à des riens''".
  
 
<blockquote>''Plus vous comprenez, plus vous comprenez qu’il n’y a rien à comprendre. L’idée d’avoir à nous rendre quelque part, et d’avoir quelque chose à atteindre, est notre illusion fondamentale.'' <ref>Tenzin Palmo, citée par Michael Finkel, ''Le dernier ermite''</ref></blockquote>
 
<blockquote>''Plus vous comprenez, plus vous comprenez qu’il n’y a rien à comprendre. L’idée d’avoir à nous rendre quelque part, et d’avoir quelque chose à atteindre, est notre illusion fondamentale.'' <ref>Tenzin Palmo, citée par Michael Finkel, ''Le dernier ermite''</ref></blockquote>

Version du 17 novembre 2022 à 11:15

Dodeldirer. Verbe pour le cri du coq de bruyère, le Grand Tétras.


Étymologies

Très peu usité, le mot dodeldirer est d'une étymologie incertaine.

dodel

Les seuls mots de la langue française actuelle à se baser sur l'étymon dodel sont dodeliner [1], dodelinant et dodelinement. Tous trois exprimant un léger balancement. Même s'il est possible d'en parler pour tout le corps, dodeliner est souvent utilisé dans l'expression "dodeliner de la tête". Le radical dod se retrouve dans dodiner qui a le sens de "balancer" ou de "bercer" [2]. Selon moult étymologistes, dod est d'origine onomatopéique et reproduit le bruit d'un balancement ! Idem pour dad et dand qui constituent par exemple les mots dadais et dandiner. L'un désigne l'hominine [3] se balançant légèrement dans une attitude désinvolte, l'autre est une manière de marcher en balançant les hanches. Un dandin est autant une cloche qu'une autre forme de dadais. Outre le français officiel des dictionnaires et de l'Académie, les pratiques linguistiques dites "régionales" conservent de nombreux mots basés sur ces différentes racines et qui évoquent un balancement ou un mouvement doux [4]. Le mot du vocabulaire enfantin dodo est peut-être lié à la racine dod, en rapport à l'endormissement de l'hominine enfant par bercement [5]. Au XIVème siècle après JC [6], dod évoque, au sens figuré, le fait d'être choyé. Ainsi, (se) dodiner, c'est prendre soin de soi ou de l'autre, et être dodu une marque de bonne vie. Les formes utilisées dans les textes moyenâgeux sont déjà des déclinaisons du mouvement de balancier. Une dode est une gifle, un soufflet. Et dodiminer signifie "caresser". La plus ancienne mention connue de dodel est datée de la seconde moitié du XIIIème siècle dans le texte Hugo de Lincolnia [7]. Rédigé en anglo-normand, il relate les persécutions en 1255 contre des moïsiens [8] de la ville anglaise de Lincoln, injustement accusés du meurtre rituel [9] de Hugues, un très jeune hominine christien. Le sens exact du mot n'est pas aisé à déterminer. Il y a une possible confusion entre les verbes ouïr, "entendre", et œiller, "regarder", dans "Ore oez le grant dodel del enfant". Faut-il entendre ou voir le grand dodel que fait l'enfant après sa crucifixion ? Le Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du 9e au 15e siècle propose de traduire dodel par plainte ou cri, tout en émettant des réserves sur cette traduction [10]. Hugues est-il en train de gémir doucement ou de hurler de douleur d'être crucifié vivant ? Ou plutôt gesticule-t-il dans tous les sens ou tremble-t-il doucement ? Durant ces siècles, les variations de prononciation et de notation sont grandes dans l'espace linguistique de la moitié nord de l'actuelle France. La racine dod côtoie dad, dod, dand ou dond. Forme que l'on retrouve dans dondon, utilisé dans l'expression "être une dondon" pour parler d'une hominine femelle qui a de l'embonpoint, ou dans l'adjectif dondé pour qualifier une chose grasse ou replète. Ce dernier est aujourd'hui inusité. Hormis les quelques sens figurés, la racine dod semble se rapporter systématiquement à un mouvement. Le nom dodel est-il construit à partir de la racine à laquelle est ajouté le suffixe -el qui, en français, indique ce qui est relatif à quelque chose ? Comme par exemple, individuel, existentiel ou excrémentiel.

Dodeliner de la tête

Au côté de ce qui sera par la suite appelé "ancien français" [11], de nombreuses autres pratiques linguistiques existent alors dans les régions du royaume de France. L'invasion de l'Angleterre par Guillaume de Normandie dans la seconde moitié du XIème siècle bouleverse les pratiques linguistiques sur l'île. Les hominines qui y vivent parlent des langues celtiques ou germaniques, et la nouvelle aristocratie qui s'installe pratique un "français" de Normandie. L'anglo-normand prend forme. Au fil des siècles, il se mêle au "vieil anglais"[12] pour constituer le "moyen anglais" entre le XIIème et la fin du XVème siècle. Le vocabulaire d'origine anglo-normande ou française représente un énorme pourcentage de la langue anglaise qui se standardise [13]. Le mélange entre l'anglo-normand et le vieil-anglais alimente la langue de racines multiples. Des mots se forgent à partir de dod, dad, dand et dond. Le verbe dandle signifie "se dandiner", "trépigner sur place". Le moyen-anglais daderen, signifiant "secouer", devient dadder puis dodder au début du XVIIème siècle, en conservant le même sens. A dictionarie of the French and English tongues [14], édité en 1611, traduit dodeliner par to dandle. Il liste les mots suivants : dodeliné(e), dodelinement, dodeliner, dodelineur, dodelineux, dodelineuse, dodine [15], dodiner, dodineux, dodo et dodu. Et aussi dandiner et un dandin, qui désigne une personne hésitante.

Dodel est mentionné dans les dictionnaires de moyen-anglais et l'anglais du milieu du XVIIème utilise doddle pour "secouer la tête"[16]. Le scots[17], une langue germanique du sud de l’Écosse, proche de l'anglais mais moins influencée par l'anglo-normand, emploie doodle dans le sens de "bercer"[18]. Une variante de doddle se retrouve dans l'expression anglaise "Cock-a-doodle-doo !" qui se traduit en français par "Cocorico !", le chant du coq. Dans cette langue, le coq fermier coquerique[19], coquericote [20] ou coqueline et le coq de bruyère dodeldire, alors qu'en anglais, "cock-a-doodle-doo" s'applique aux deux espèces. Elle est attestée dès la seconde moitié du XVIème siècle. Si cocorico est souvent qualifié d'onomatopée, l'expression anglaise semble être composée de mots distincts. Elle peut se traduire par "coq-fait-un-dodel" ! Le cocorico reproduit très approximativement la sonorité du cri du coq et le "cock-a-doodle-doo" décrit une gestuelle particulière. L'observation du coq de bruyère montre en effet qu'il secoue la tête de manière singulière lorsqu'il pousse son cri [21], là où le coq fermier se contente de tendre le cou pour chanter à gorge déployée. Comme pour cocorico, il est toujours possible d'écouter en boucle des enregistrements d'un chant jusqu'à se persuader qu'il produit une sonorité proche de cock-a-doodle-doo ! Pourtant, cette expression ne semble pas être une onomatopée.

La plupart des langues germaniques possèdent des variantes de dodel, avec des sens figurés autour du mouvement, du balancement. Le "moyen bas-allemand" [22] utilise dändeln puis tändeln pour "calîner". Le "moyen néerlandais" [23] emploie dantinnen pour "se jouer de quelqu'un" ou danten pour "bavardages". Ces significations liées au mensonge se retrouvent dans différentes variations autour de dod et de dand dans l'ancien français et l'anglo-normand. Dodin signifie "trompeur" et un dando est un "mari trompé". Les pratiques linguistiques régionales en France conservent, par exemple, endodiner ou endodeliner pour "se jouer de quelqu'un". Le glissement entre le doux balancement qui berce et le mensonge est présent dans l'expression "Se faire endormir". À deux doigts (ou deux lettres) de se faire embobiner !

Dans la moitié sud de la France et dans l'ensemble des langues latines d'Europe, la racine unda est présente sous différentes formes avec le sens de "vague", "onde". Du roumain undă au corse onda en passant par le portugais onda ou le dalmate jonda. Dans certaines langues avec le sens de mer ou de eau. Le français actuel conserve dans ce sens des mots tels que ondée [24], ondin, ondine [25] et ondinisme [26]. Mais aussi dans abonder et inonder. L'origine de cette racine est à chercher dans le latin. Entre l'essor de l'empire romain et son effondrement, le latin se diffuse dans toutes les régions de l'empire. Il s'entremêle aux pratiques linguistiques des régions conquises. Il rencontre des langues dites celtiques, germaniques ou slaves. Ce "latin populaire" n'a pas de forme écrite précise, ni de prononciation unique généralisée. Les mélanges ne suivent pas des processus identiques, et donnent lieu à partir du IXème siècle à l'apparition de langues littéraires qui supplantent la pratique du latin. Les sonorités se sont transformées dans ce que les linguistes appellent nasalisation, palatalisation, labialisation, etc. En bref, les mutations entre, par exemple, les sons "ch" et "ke", entre "t" et "d", entre "u" et "ou", entre "on" et "en". Tout comme le français dodeliner, l'italien utilise dondolare [27] dans un sens identique. Les étymologistes de l'italien proposent la plupart du temps une construction basée sur le latin deundulare, de unda qui signifie "eau". De-undulare renvoie au fait de "bouger comme de l'eau", onduler en français.

Le court extrait d’Ondine [de Jean Giraudoux] que je vais avoir l’honneur de vous interpréter maintenant se situe au moment précis où Ondon, le frère d’Ondine, part pour la Crète. La nuit tombe. La mère d’Ondine et d’Ondon appelle sa fille.

La mère – Ondine !
Ondine – Oui la mère ?
La mère – T’as vu l’heure ?
Ondine – Et alors, la mère ?
La mère – Et alors on dîne ![28]

Remonter plus loin dans le temps devient plus problématique. D'où vient cette racine latine ? Les linguistes divergent sur les possibilités et les hypothèses à retenir. L'absence de toute source écrite les contraint à tenter de reconstruire des racines, voire des langues, en se basant sur des processus phonologiques. Ainsi, illes inventent des langues du passé lointain. De fait, les biais idéologiques ont une grande place dans la mise en place de ces recherches linguistiques, comme le montrent très bien les débats autour des études indo-européennes[29]. Ces dernières établissent des schémas linguistiques qui supposent l'existence d'une source unique et ancienne, une proto-langue dont sont issues toutes les langues actuelles en Europe, et qui a ses origines dans le nord du sous-continent indien. Des schémas simples, voire simplistes ou mécanistes, qui réifient les processus linguistiques au détriment des variabilités, des innovations et des emprunts de proximité. Pour ce faire, des listes de racines indo-européennes sont établies. Généralement, l'étymologie proposée est précédée d'une astérisque (*) pour marquer le caractère reconstitué. Ainsi, le unda latin provient d'un proto-latin *udor que l'on retrouve dans l'ombrien utur, "eau". À rapprocher du grec ancien ὕδωρ (prononcer "idor"), que l'on retrouve sous la forme hydro en français et issu de la racine indo-européenne *wódr̥. Cette dernière est présente dans les langues germaniques comme, par exemple, l'anglais water, ou dans le proto-slave *voda qui forme вода, l'eau en macédonien, ou la fameuse vodka, l'eau-de-vie. Selon les études indo-européennes, *wódr̥ vient du proto-indo-européen *ud-né-s qui est à relier avec le sanskrit उदन् (prononcer "udan"), "eau" ou "vague". Entre les plateaux iraniens et le sous-continent indien, plus de dix siècles avant JC, le sanskrit [30] a joué le même rôle que le latin en Europe des siècles plus tard. Il a profondément marqué les langues qui naissent et se différencient dans sa zone d'influence. Des dérivés sont présents dans de multiples langues avec le sens de "eau". Du sud de l'Inde avec le télougou ఉదకము (prononcer "udakamu"), en passant par les plateaux afghans et le gandhari 𐨀𐨂𐨡𐨒‎ (prononcer "udaga") ou اودُر‎ (prononcer "odur") dans les confins cachemiriens [31]. Pour ce qui est de l'origine de la racine sanskrite, la question ne peut être abordée sans verser dans l'illusion [32].

Se faire des illusions est un problème dans la mesure où, justement, il est question d’une illusion.[33]

direr

Contrairement aux apparences, cette partie du mot dodeldirer n'est pas si simple à analyser. Ce dernier étant un verbe, il semble se conformer à un infinitif en -er. Un verbe du premier groupe. Dans le Dictionnaire analogique de la langue française, publié en 1862, il est indiqué que dodel est le terme pour désigner le cri du coq de bruyère, et que dodeldir est utilisé pour l'action de crier ce dodel [34]. Avec cet infinitif en -ir, il a toutes les apparences d'un verbe du second groupe alors qu'en français, le verbe dire est du troisième groupe. Il précise que l'emploi de ce mot est du registre du "français populaire" ! Ainsi, selon lui, le coq de bruyère ne dodeldire pas mais il dodeldit.

Parler n’est pas simplement produire un son. Car il y a des paroles dans la parole. Néanmoins, quand ce dont on parle n’est pas déterminé, peut-on dire qu’on a parlé ou bien alors n’a-t-on rien dit ? L’on considère que le langage humain est différent du gazouillis des oiseaux, mais peut-on les distinguer ou bien ne peut-on pas les distinguer ?[35]

Rien à dodeldirer

Il y a deux possibilités d'étymologie pour le suffixe direr qui peut se décomposer en dire plus un infinitif en -er. Dans un cas, dire est un verbe issu du latin dicere qui signifie "parler", "exprimer", dans l'autre il est un adjectif à rapprocher du latin dirus, "effrayant" [36]. Orthographiée dire, cette racine est présente dans le moyen-français [37] et dans l'anglais du XVIème siècle [38] avec des sens similaires se rapportant au fait de faire peur, de paraître sinistre. Dirus provient du proto-latin *deiros, lui-même issu de la racine proto-indo-européenne *dwey, "peur". Cette dernière donne aussi δεινός (prononcer "deinos") en grec ancien dont le français a hérité dans le mot dinosaure [39], littéralement "effrayant lézard". Avec une telle étymologie, le composé dodel-dire décrit un mouvement impressionnant, des secousses "effrayantes". Cela peut correspondre à une description du comportement du coq de bruyère lorsqu'il pousse son cri. En effet, en plus d’émettre des sons bien particuliers, le coq remue le cou et la tête dans tous les sens. De manière assez surprenante. Pour les hominines, il est probable que la gestuelle et les sonorités puissent paraître étranges, et peut-être les renvoyer à des imaginaires collectifs effrayants. Le coq de bruyère est le plus gros des gallinacés, la famille du vivant qui regroupe les cailles, les dindes, les faisans, les poules et les pintades. "D’un naturel discret et très farouche, le Grand tétras se révèle très bruyant pendant la période des amours au printemps. Son comportement est alors spectaculaire. Les plumes de la queue redressées et déployées en demi-lune, les coqs se regroupent sur une arène où ils paradent pour attirer les femelles"[40]. Selon une description de leur chant, il se compose de "séries de "te-lep" rapides, environ six ou sept secondes, accéléré à la fin, puis "pokfok" semblable à un bruit de bouchon et "djedzje", bruit semblable à un bruit de scie répété trois ou quatre fois." [41] Lors de la période de reproduction, le coq mâle s'en donne à cœur joie. Entrecoupé par des duels avec des concurrents, il danse [42]. Le nom savant de Grand Tétras pour le coq de bruyère est issu du grec ancien τετράων (prononcer "tétras") qui désigne déjà cette espèce gallinacée [43]. En latin, tetrax désigne les faisans. La linguistique comparée lie la racine grecque au sanskrit tittirâh qui a le sens de "faisan". Des dérivés de ce mot sont présents dans des langues aussi éloignées géographiquement que les langues slaves, dont le macédonien тетреб (prononcer "tetreb"), et les langues iraniennes.

Dans son Histoire naturelle des oiseaux paru en 1772, le naturaliste Georges-Louis Buffon indique que le Grand tétras est aussi appelé faisan bruyant[44]. Une réputation qui n'est pas nouvelle. Dans Histoire naturelle générale des pigeons et des gallinacés, paru en 1815, le zoologiste Coenraad Jacob Temminck tente une explication de dodeldirer qu'il pense être d'origine onomatopéique. "Lorsque le tétras commence son singulier chant, il exprime à plusieurs reprises la syllabe dod, qu'il change en un son plus éclatant qu'on peut rendre par dodel, dodel dodelder, répété dix à douze fois avec une vitesse et une force étonnantes" [45]. L'omniprésence de la sonorité particulière du dodel oriente vers l'hypothèse du verbe dire, "exprimer". Ainsi, un mot composé de dodel et de dire exprime non pas le fait de pousser son cri en gesticulant mais que la gestuelle et la sonorité sont indissociablement liées. La langue française comporte déjà quelques mots composés avec dire , tel médire, maudire ou contredire par exemple. Héritier du latin dicere, l’infinitif dire est attesté dans les premières décennies du XIème siècle [46]. Sa conjugaison s'est normalisée progressivement [47] et sa signification n'a pas réellement évolué depuis. Impossible de confirmer que la forme nominative du cri du coq ait existé. Un ou une dodeldire ? Ou que le mot soit passé par une forme composée à l'aide d'un trait d'union, comme ouï-dire. Dans le courant du XIXème et le début du XXème siècle, dodeldire est employé comme un verbe qui se conjugue sur le modèle de dire. Le tétras dodeldit. Selon les sources consultées, l'infinitif s'écrit dodeldire ou dodeldir. La forme actuelle dodeldirer semble être plus récente. Elle peut peut-être s'expliquer par le dépeuplement accru des zones rurales en France qui s'accélère dans la seconde moitié du XXème siècle, et par un phénomène de réappropriation récente de savoirs anciens ou disparus. En ce début de XXIème siècle, le cock-a-doodle-do anglais est, en français, un dodeldirement.

Usages

Plutôt le vol de l’oiseau, qui passe et ne laisse pas de trace,
Que le passage de l’animal qui reste rappelé par le sol.
L’oiseau passe et s’oublie, et c’est fort bien ainsi.
L’animal, là où il ne se trouve plus et où par conséquent il ne sert plus de rien,
Montre qu’il s’y est trouvé, ce qui ne sert à rien de rien.
Le souvenir est une trahison envers la Nature,
Parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature.
Ce qui ne fut n’est rien, et se rappeler c’est ne pas voir.
Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à passer ![48]

Les dodeldirements sont de plus en plus rares du fait de la disparition progressive du Grand tétras. Son habitat naturel est les forêts de conifères de montagne au climat froid. Différentes espèces existent dans toute la partie nord du continent eurasiatique, de la Scandinavie aux grands espaces sibériens. Dans l'ouest européen, la population de Grands tétras est encore présente dans les Pyrénées et le Jura, avec respectivement 6000 et 300 individus [49]. De plus petites populations existent dans les Cévennes et les Vosges. L'espèce a disparu dans le courant du XVIIIème siècle en Irlande et en Écosse, mais fut réintroduite dans cette dernière dans le milieu du siècle suivant. Aujourd'hui, les autorités françaises tentent de concilier un statut d'espèce protégée avec une pratique encadrée de la chasse [50], de façon bien plus légère qu'elles le firent en 1995 avec les appels au sacrifice de poulets par Minister AMER. Le spécisme est structurel [51].

Hormis les coqs eux-mêmes qui dodeldirent, l'emploi du verbe dodeldirer est en voie d'extinction. Les seules populations d'hominines à encore utiliser le mot sont celles qui les chassent pour les tuer, celles qui les observent pour les étudier et celles qui en font le décompte pour les préserver. Leurs façons de prononcer dodeldirer ne sont pas identiques et diffèrent selon les régions. Selon les deux exemples ci-dessous, à Paris, il se dit \dɔ.dəl.di.ʁe\ où "del" se prononce "deul", et \dɔ.dɛl.di.ʁe\ à Lyon où il se prononce "dél". Cette prononciation parisienne en \dəl\ est proche de celle de l'anglais doodle. Toutes ces nuances ne sont probablement pas perçues par les Grands tétras pour qui tout cela ne veut sans doute rien dire.

Un dodeldoudou [52]

La conjugaison de dodeldirer est celle d'un verbe du premier groupe, infinitif en -er. Il se conjugue à tous les temps de l'indicatif, du subjonctif, du conditionnel et de l'impératif comme n'importe quel autre verbe du même groupe. Tel chier ou prier. Sa particularité est qu'il a trois niveaux d'usage. Le plus courant est celui où des hominines parlent entre elleux de tétras. Dans ce cas, seules les troisièmes personnes du singulier et du pluriel existent ; il, elle, on, ils et elles. Dans le deuxième niveau, les hominines s'adressent à des tétras et enrichissent la conjugaison de la deuxième personne du singulier et du pluriel, tu et vous. Le troisième niveau d'usage est d'un ressort particulier. De fait, "Je dodeldire" ou "Nous dodeldirons" ne peuvent exister car les coqs de bruyère n'ont pas de langage articulé et disposent de leur propre langage de communication. Très rare, cette forme peut néanmoins se rencontrer chez les hominines dans la poésie, la littérature, des troubles psychologiques, des excès d'alcool ou de drogues. Catégories parfois poreuses les unes aux autres.

Dodeldirer à l'indicatif simple
Usage Présent Passé Futur Imparfait
Intraspéciste Il/Elle/On dodeldire
Ils/Elles dodeldirent
Il/Elle/On dodeldira
Ils/Elles dodeldirèrent
Il/Elle/On dodeldirera
Ils/Elles dodeldireront
Il/Elle/On dodeldirait
Ils/Elles dodeldiraient
Interspéciste On dodeldire
Tu dodeldires
Vous dodeldirez
On dodeldira
Tu dodeldiras
Vous dodeldirâtes
On dodeldirera
Tu dodeldireras
Vous dodeldirerez
On dodeldirait
Tu dodeldirais
Vous dodeldiriez
Intrapersonnel Je dodeldire
Nous dodeldirons
Je dodeldirai
Nous dodeldirâmes
Je dodeldirerai
Nous dodeldirerons
Je dodeldirais
Nous dodeldirions

Pour les hominines qui s'accrochent à un passé révolu, les fanatiques qui veulent y retourner et les octogénaires qui ont connu l'orthographe dodeldire à l'infinitif, la protivophilie propose un tableau de traduction rapide. Il est basé sur la conjugaison du verbe du troisième groupe, dire. Il n'y a aucune difficulté majeure, si ce n'est la confusion possible entre la première personne du singulier de l'imparfait de dodeldirer et du futur de dodeldire, entre la deuxième personne du singulier du passé de l'un et du futur de l'autre, ainsi qu'entre la deuxième personne du pluriel du présent de dodeldirer et du futur de dodeldire.

Dodeldire à l'indicatif simple
Usage Présent Passé Futur Imparfait
Intraspéciste Il/Elle/On dodeldit
Ils/Elles dodeldisent
Il/Elle/On dodeldis
Ils/Elles dodeldirent
Il/Elle/On dodeldira
Ils/Elles dodeldiront
Il/Elle/On dodeldisait
Ils/Elles dodeldisaient
Interspéciste On dodeldit
Tu dodeldis
Vous dodeldites
On dodeldis
Tu dodeldis
Vous dodeldites
On dodeldira
Tu dodeldiras
Vous dodeldirez
On dodeldisait
Tu dodeldisais
Vous dodeldisiez
Intrapersonnel Je dodeldis
Nous dodeldisons
Je dodeldis
Nous dodeldîmes
Je dodeldirai
Nous dodeldirons
Je dodeldisais
Nous dodeldisions

Dodeldirer s'emploie avec l'auxiliaire avoir pour les temps composés de l'indicatif et du subjonctif. Ainsi, la deuxième personne du singulier du passé antérieur est "tu eus dodeldiré" et la deuxième personne du pluriel de l'imparfait du subjonctif est "que vous eussiez dodeldiré". En français, l'emploi de cet auxiliaire rend invisible le genre du sujet car il n'y a alors ni accord de genre, ni de nombre. Mais au-delà de cette simple obligation grammaticale, le verbe dodeldirer invisibilise la tétras femelle. Son étymologie montre clairement qu'il renvoie au cri du tétras mâle et non à celui de la femelle qui est tout autre, mais il s'emploie de manière indifférenciée pour l'un et l'autre. Contrairement à l'évidence qu'une écoute peut faire saisir rapidement, la tétras femelle dodeldire ! Il n'y a pas de verbe spécifique pour le cri de cette dernière. La problématique est la même en ce qui concerne le nom même du Grand tétras et les descriptions ornithologiques qui l'accompagnent. Le nom classique de Coq de bruyère sous-entend que l'espèce comporte évidemment un mâle, le coq, et sous-entendu une femelle, la poule. Mais pas question de parler de Poule de bruyère, avec une femelle et un mâle ! La question n'est pas anecdotique. Si l'on se fie à la présentation faite par le Parc national des Pyrénées, "le Grand tétras, appelé aussi Coq de bruyère, se caractérise par un bec fort et par une caroncule rouge vif (excroissance charnue comme celle qui pend à la base du bec des dindons), très visible au-dessus de l’œil. Son dos est noir, ses ailes brunes avec une tache blanche, le poitrail d’un vert bleu brillant. Sa queue, qui s’arrondit comme celle d’un dindon lors de la parade, est constituée de grandes plumes noires parsemées de taches blanches. Il pèse entre 2,5 kg et 5 kg pour les mâles. Son envergure peut aller jusqu’à 130 cm." Et rien sur la poule, alors que le dimorphisme est important entre mâle et femelle. Inverser cette définition de l'espèce en se basant sur une description de la femelle tétras donnerait tout autre chose. Son dos et ses ailes sont marrons, barrés de noir et de blanc, sa poitrine est rousse. Son ventre et ses flancs sont blancs, tachetés de roux et de noir, alors que sa queue rousse est barrée de noir. Le bec est gris et ses caroncules rouges sont peu visibles. Elle pèse entre 1,5 et 2,5 kg avec une envergure d'environ 70 centimètres. Le qualificatif de "grand" utilisé pour cette espèce — afin de la différencier du tétras lyre ou Petit tétras — ne se justifie plus car la poule de bruyère est sensiblement de même taille que les tétras lyre mâles et femelles. Localement elle est parfois appelée la Rousse, en référence à la couleur dominante de son plumage. Comme toujours, la première concernée n'a pas son mot à dire sur ce sujet. Dans un monde où les discriminations et les oppressions sont multiples et s'entrecroisent, qui s'intéresse à l'avis d'une poule ou d'une femelle ? Rousse de surcroît ! [53]

Dérivés

Si les tétras sont des espèces sauvages, la plupart des poules domestiques actuelles, mâles et femelles, sont issues de la domestication en Asie du coq doré plus de 8000 ans avant le présent. Avec une si ancienne proximité, le coq a une place importante dans l'imaginaire des hominines. Le dimorphisme entre femelle et mâle, et le comportement de ce dernier lors de la période d'accouplement, alimentent tout un pan des pratiques linguistiques liées à la sexualité hétérosexuelle. Généralement, le comportement du mâle est une démonstration chorégraphiée de sa beauté et de sa puissance. Il parade. En se mettant ainsi en scène, il doit donner envie de transmettre son patrimoine génétique. Et pour cela, il est prêt à affronter ses adversaires. Pour féconder la femelle, le mâle se couche sur elle, sur son dos. Afin de désigner cet acte, la langue française dispose du verbe côcher, "couvrir" [54]. Le lien avec la sexualité est présent en français dans le verbe coquer [55] qui signifie "avoir des rapports sexuels". L'expression "Faire le coq" peut être employée dans deux sens différents. Dans le premier, elle exprime une attitude de défi, d'arrogance et de montée agressive de testostérone. Les combats de coqs organisés par les hominines en sont la triste démonstration. Dans le second, elle décrit une façon de parader chez les hominines mâles à la recherche de reconnaissance sociale ou de partenaires pour des activités sexuelles. Cela peut être par la parole, les attitudes ou l'aspect vestimentaire, par exemple. Le sens sexuel ou de simple séduction sont présents dans coqueliner [56] et son synonyme dodeliner. Alors même que le coq n'a pas de pénis pour se reproduire, les étymologistes de la langue anglaise affirment que cock [57], "pénis", est en référence au gallinacé mâle. Pour son cou long et gigotant qui évoque symboliquement un pénis vigoureux et frémissant ? [58]

Antidod'Elles Gang

Avec l'extinction à venir des Grands tétras, mâles comme femelles, le verbe dodeldirer est amené à disparaître aussi. Soucieuse de préserver ce qui sert à rien, la protivophilie propose une nouvelle définition afin de conduire à une utilisation pérenne. Contribution majeure des Post-Nothing Studies, il peut s'incorporer au corpus d'analyse des études de genre pour décrire avec plus de précision les comportements des hominines mâles vis-à-vis des femelles dans des contextes de ruralité ou de périurbanité, où les réalités sociales ne sont pas identiques à celles des grandes métropoles. Soit pour désigner ses habitudes sociales dans les jeux de séduction. Doldeldirer est alors synonyme de draguer. Soit pour décrire des attitudes masculinistes ou misogynes de la part d'hominines mâles à l'encontre de leur égale femelle. Dans ce cas, dodeldirer prend le sens de harceler. Pour éviter toute confusion qui pourrait laisser prendre un "Non" pour un "Oui", la protivophilie préconise de conserver dodiner ou dodeliner pour désigner la séduction et d'utiliser dodeldirer exclusivement pour les actes et les paroles des hominines mâles qui cherchent à s'imposer à leurs congénères femelles. En contexte rural et périurbain. "Faire le coq" de bruyère, en quelque sorte. La protivophilie propose la première tentative de lexique bilingue à destination des hominines mâles urbains en goguette dans les campagnes :

  • Tu me dodeldires = Non
  • Il me/te dodeldire = Stop

Il est possible de l'adapter aux formes du pluriel des pronoms personnels, vous et ils. Et dans des circonstances particulières — et plus rares — l'emploi des pronoms féminins elle et elles est autorisé. La conjugaison se fait à tous les temps sur le modèle de dodeldirer.

Dérives

Matière première de la protivophilie, les dodelinements de F. Merdjanov sont mystérieux. De quoi se composent-ils ? Se résument-ils uniquement à son anthologie de rien, publiée en 2017 sous le titre Analectes de rien[59] ? Elle n'est assurément rien d'autre qu'un pillage assumé, un butinage de textes d'hominines. Simple dodelinage entre des riens. Dans le large lexique francophone, passé et actuel, il existe des termes qui rendent très bien compte d'une telle attitude. Pour rester dans les dérivés de dod, son œuvre peut être qualifiée de redondante [60] pour ses répétitions qui servent à rien et sa démarche s'apparente à une dandine pour sa niaiserie. Ce que les philosophes aux concepts alambiqués résument très bien par dodo. Les autres la trouvent dodue, pleine de ces petits riens qui emplissent l'existant. Sans tentative d‘endodiner quiconque en l'embobinant par les mots. Ni aucun dodeldirement. Si l'on en croit la définition "Se reposer, ne rien faire", il est possible d'affirmer que F. Merdjanov se dodine. Plusieurs solutions à cela pour qui vit "en apiculture sur les rives de la mer Noire" [61]. Se laisser flâner et errer avec une allure dodine autour de ruches horizontales ou opter pour une petite sieste à proximité [62] car dodailler est toujours un plaisir. Parmi les nombreux mots basés sur l'étymon dod, le plus proche par sa signification pour décrire F. Merdjanov est le verbe dodüyẹ [63]. Issu de relevés linguistiques de terrain, il est ainsi noté car il n'a pas de forme écrite attestée. Cette oralité peut se retranscrire par dodouiller. F. Merdjanov dodouille, "s'occupe à des riens".

Plus vous comprenez, plus vous comprenez qu’il n’y a rien à comprendre. L’idée d’avoir à nous rendre quelque part, et d’avoir quelque chose à atteindre, est notre illusion fondamentale. [64]

Notes

  1. "Dodeliner" dans le Trésor de la langue française - En ligne
  2. "Dodiner" dans le Trésor de la langue française - En ligne
  3. Lointaine cousinade des gallinacés, tel le Grand tétras, les hominines sont une espèce du vivant n'ayant ni bec, ni plumage. L'une est ovipare, l'autre vivipare. L'une pond des œufs, l'autre non. Elles sont bipèdes et elles ont en commun de posséder une bouche et un anus, comme tous les bilatériens.
  4. "Dod-" dans Französisches Etymologisches Wörterbuch - En ligne
  5. Une dodinette est une berceuse et une dodineuse est une bonne d'enfant.
  6. À ne pas confondre avec Jean-Claude Dusse, un jeune coq dont le dodeldirement n'est pas à la hauteur de ses attentes. Voir la série documentaire en trois épisodes, Les bronzés, produite entre 1978 et 2006.
  7. Hugo de Lincolnia, seconde moitié du XIIIème siècle - En ligne
  8. Les moïsiens sont les adeptes, mâles et femelles, de Moïse, comme les christiens de Jésus aka Christ et les mahométiens de Mahomet
  9. Les communautés moïsiennes sont régulièrement accusées de se livrer à des meurtres rituels sur des adeptes des mythologies christiennes, particulièrement des enfants. Cette accusation mensongère sert à justifier la ségrégation, l'expulsion et le massacre que ces communautés endurent pendant des siècles en Europe.
  10. "Dodel" dans le Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du 9e au 15e siècle, 1883 - En ligne
  11. La terminologie "ancien français" n'est pas une langue unique mais regroupe les langues romanes de la famille des langues d'oïl parlées entre les VIIIème et XIVème siècles dans la moitié nord du territoire français actuel, dans le sud de la Belgique actuelle et dans le Jura suisse romand. Elles sont issues de la fragmentation de l'ère linguistique latine dans ces régions, influencées par les langues germaniques et celtiques.
  12. La terminologie "vieil anglais" n'est pas une langue unique mais un continuum. Elle regroupe les pratiques linguistiques germaniques, entre le Vème et le XIIème siècle, des populations d'hominines arrivant du nord-européen et qui s'installent durablement en Angleterre. Les Angles et les Saxons. Le vieil anglais s'alimente des langues celtiques, scandinaves puis latines.
  13. Henriette Walter, Honni soit qui mal y pense, Robert Laffont, 2011
  14. Randle Cotgrave, A dictionarie of the French and English tongues, 1611 - En ligne
  15. La dodine est une sauce à base de lait, de blanc de chapon, d’amandes, d’ail et d’œufs. Afin d'éviter qu'une pellicule se forme à la surface, elle nécessite d'être remuée en permanence, d'où son nom. D'après le Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, tome deuxième (Casteillon - Dyvin) - En ligne
  16. "Dodder" sur Online Etymology Dictionnary - En ligne
  17. Le scots est une langue germanique, parlée dans le royaume de Northumbrie, au nord de l'Angleterre et au sud de l’Écosse. Influencé par le vieux norrois scandinave à partir du IXème siècle et le gaélique d'Écosse, ce northumbrien se détache du vieil anglais pour devenir une langue différenciée. Actuellement, le scots est parlé par plus d'un million d'hominines et bénéficie d'une reconnaissance légale de "langue régionale" en Écosse. Idem pour le scots d'Irlande du Nord, son homologue ulstérien.
  18. "Doodle" dans Dictionaries of the Scots Language - En ligne
  19. "Coqueriquer" dans le Trésor de la langue française - En ligne
  20. "Coquericoter" sur Wiktionnaire - En ligne
  21. Court enregistrement vidéo d'un coq de bruyère - En ligne.
  22. Le "moyen bas-allemand" n'est pas une langue unique mais un continuum linguistique germanique, issu du vieux saxon, entre le XIIème et le XVIème siècle dans le nord de l'Allemagne actuelle.
  23. La terminologie "moyen néerlandais" ne correspond pas à une langue unique mais à un continuum de pratiques linguistiques germaniques entre le XIIème et le XVème siècle dans les actuelles régions néerlandophones des Pays-Bas et de Belgique.
  24. "Ondée", "pluie soudaine et peu durable", une averse, selon le Trésor de la langue française - En ligne
  25. Les ondines et les ondins sont des créatures d'eau douce aux formes d'hominines dans les anciennes mythologies germaniques. Par extension, ces termes désignent aussi les sirènes et les tritons mythologiques, au torse d'hominine et à la queue de poisson, qui vivent dans les mers.
  26. L'ondinisme est un terme générique qui regroupe les pratiques sexuelles ou érotiques liées aux liquides corporels : Éjaculats masculins et féminins, urine et salive
  27. "Dondolare" dans Vocabolario etimologico della lingua italiana, 1907- En ligne
  28. Pierre Desproges, "Ondine" sur Pierre Desproges se donne en spectacle, 1986 - En ligne
  29. Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés les Indo-Européens ? : Le mythe d'origine de l'Occident, Seuil, 2014
  30. Autrefois parlé sur le sous-continent indien, le sanskrit a donné lieu à de multiples langues. Il est la langue religieuse des textes des mythologies locales, hindouisme et bouddhisme, et une langue savante pratiquée par quelques spécialistes. En Inde, deux États fédéraux lui ont donné le statut de langue officielle. Environ 2 millions de personnes parlent aujourd'hui le sanskrit, sans qu'il soit leur langue première.
  31. "odur" dans A dictionary of the Kashmiri language - En ligne
  32. Pour une critique des théories de l'origine unique de toutes les langues, voir Umberto Eco, La recherche de la langue parfaite, Seuil, 1994. Pour une défense de cette théorie, voir Merritt Ruhlen, L'origine des langues. Sur les traces de la langue mère, Belin, 1997
  33. Devise d'ouverture du film Los Porfiados, réalisé en 2002 par l'argentin Mariano Torres Manzur
  34. Prudence Boissière, Dictionnaire analogique de la langue française, 1862 - En ligne
  35. Les Œuvres de Maître Tchouang, Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances, 2006 (Traduction de Jean Levi)
  36. "Dirus" dans Félix Gaffiot, Dictionnaire latin-français, 1934 - En ligne
  37. "Dire" dans le Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) - En ligne
  38. "Dire" dans Online Etymology Dictionnary - En ligne
  39. Emprunt à l'anglais
  40. "Grand Tétras ou coq de bruyère" sur le site du Parc national des Pyrénées - En ligne
  41. "Grand Tétras" sur Wikipédia - En ligne
  42. Rien à voir avec la nauséeuse "Danse des poulets" filmée dans le documentaire Les lascars en 2009 - En ligne
  43. Émile Boisacq, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, étudiée dans ses rapports avec les autres langues indo-européennes, 1916 - En ligne
  44. "Grand Tétras" dans Georges-Louis Buffon, Histoire naturelle des oiseaux, tome II, 1772 - En ligne
  45. Coenraad Jacob Temminck, Histoire naturelle générale des pigeons et des gallinacés, tome III, 1815 - En ligne
  46. Vie de Saint Alexis, 1050 - En ligne
  47. Conjugaison de "Dire" en ancien français - En ligne
  48. Alberto Caeiro, "XLIII", Le gardeur de troupeaux
  49. Documentaire Le Grand coq de bruyère, 14 minutes, 2016 - En ligne. Images de nuit dans À l'affût des grands tétras, environ 9 minutes, 2014 - En ligne
  50. En juin 2022, un moratoire de cinq ans suspend la chasse au Grand tétras. "Le grand tétras des Pyrénées interdit de chasse pour cinq ans par le Conseil d’Etat", Le Monde,‎ 1er juin 2022
  51. Le spécisme est une lecture de l'existant qui hiérarchise le vivant et singulièrement le monde animal. Dans cette approche, les espèces animales non-hominines sont hiérarchisées entre elles et les hominines se situent au sommet de cette structure pyramidale. Les procès en 1995 contre le groupe de rap Minister AMER montrent que les porcs et les poulets sont des espèces bien mieux protégées que les cafards et les rats qui souffrent du mépris. Minister AMER, "Sacrifice de poulets", BO La Haine, 1995 - En ligne
  52. Un "doudou" est un objet inanimé que les hominines enfants aiment cajoler. Souvent une peluche ou un tissu. Son étymologie est en lien avec dod
  53. Le roucisme est l'ensemble des mécanismes discriminatoires et des préjugés à l'encontre des hominines aux cheveux roux. De SOS Roucisme à La Vie en rousse, en passant par la Red Pride, des associations informent et militent pour la cause rousse. Voir le très beau documentaire sur leur traque sanguinaire, réalisé en 2010 par Romain Gavras avec une bande-son de MIA - En ligne. Valérie André, Réflexions sur la question rousse, Éditions Tallandier, 2007. Élodie Roux-Guyomard, Marie-Savine Colin, Être(s) roux, regards croisés sur une singularité, Éditions Goater, 2018.
  54. "Côcher" dans le Trésor de la langue française - En ligne
  55. "Coquer" dans la Base de données lexicographiques panfrancophone - En ligne
  56. "Coqueliner" dans le Wiktionnaire - En ligne
  57. "Cock" sur Online Etymology Dictionary - En ligne
  58. Dans cette symbolique de la fierté mal placée, en France le coq représente l'arrogance patriotique de ce petit pays.
  59. F. Merdjanov, Analectes de rien, Gemidžii Éditions, 2017 - En ligne
  60. "Redondante" dans le Trésor de la langue française - En ligne
  61. "Peu de choses sont connues sur F. Merdjanov. Naissance en 1970 à Nice. Famille d’origine macédonienne dont l’histoire croise celle du nihilisme politique des années 1900. Études de philosophie et de littérature. Travaux portant sur L’égosolisme klimaïen et le matérialisme du rien. Actuellement en apiculture sur les rives de la mer Noire. Analectes de rien est son premier écrit. Ses autres textes — dont des exégèses poétiques — restent inédits à ce jour." D'après F. Merdjanov, Analectes de rien, 2017
  62. F. Merdjanov (Attribué à), Les ruches horizontales, une apiculture de la paresse, inédit
  63. "Dodüyẹ" dans Französisches Etymologisches Wörterbuch - En ligne
  64. Tenzin Palmo, citée par Michael Finkel, Le dernier ermite